:
Bonjour, chers collègues.
[Traduction]
La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 98e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 7 février 2024, le Comité se réunit en public pour poursuivre son étude du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel (conduite contrôlante ou coercitive). Comme vous le savez, la réunion d'aujourd'hui vise l'étude article par article du projet de loi.
Les membres participent à la séance en personne ou virtuellement. Je crois que nous n'entendrons pas d'autres témoins que les représentants ministériels. Je vais vous présenter les gens qui sont devant nous dans un instant.
Je crois que les membres du Comité connaissent maintenant les règles pour la participation virtuelle aux séances des comités, et que nous n'avons pas besoin de les répéter. Aucun témoin ne comparaît de façon virtuelle aujourd'hui.
Je souhaite la bienvenue aux représentants ministériels qui nous aident avec notre étude article par article du projet de loi .
[Français]
Nous accueillons l'avocate-conseil Nathalie Levman et l'avocate Ellen Wiltsie‑Brown, de la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice.
Bienvenue à vous deux.
[Traduction]
Merci beaucoup d'être parmi nous. Nous comptons sur vous pour obtenir tous les renseignements techniques dont nous aurons besoin au sujet des amendements, ou pour tout ce que les membres du Comité ou moi-même souhaitons clarifier.
Je suis prête à commencer l'étude article par article, mais je tiens d'abord à donner quelques directives, comme le veut mon mandat.
Comme vous le savez, nous allons procéder à un examen de tous les articles selon l'ordre dans lequel ils apparaissent dans le projet de loi. Je vais nommer les articles un par un, et chacun fera l'objet d'un débat avant d'être mis aux voix. S'il y a des amendements à l'article en question, je vais donner la parole au député qui les propose, qui pourra les expliquer. L'amendement fera ensuite l'objet d'un débat. Lorsque plus aucun membre ne souhaitera intervenir, l'amendement sera mis aux voix.
Les amendements seront examinés dans l'ordre où ils figurent dans le projet de loi ou dans la liasse que chaque député a reçue du greffier. Les amendements doivent être soumis par écrit au greffier du Comité. La présidence procédera lentement pour permettre à tous les membres de bien suivre les délibérations. Chaque amendement a un numéro, qui se trouve dans le coin supérieur droit de la page, et qui indique quel parti l'a présenté. Une fois qu'un amendement est proposé, il faut le consentement unanime pour le retirer.
Pendant le débat sur un amendement, les membres sont autorisés à proposer des sous-amendements; ils doivent être présentés par écrit. Ils n'ont pas besoin de l'approbation de l'auteur de l'amendement. Un seul sous-amendement peut être examiné à la fois, et il ne peut pas être modifié. Lorsqu'un sous-amendement est proposé à un amendement, il est mis aux voix en premier. Ensuite, un autre sous-amendement peut être proposé, ou le Comité peut examiner l'amendement principal et le mettre aux voix.
Une fois que chaque article aura été mis aux voix, le Comité examinera le titre et se prononcera sur celui‑ci, puis sur le projet de loi en soi. Si des amendements sont adoptés, un ordre de réimpression du projet de loi est requis afin que la Chambre dispose d'une version à jour à l'étape du rapport. Enfin, le Comité devra ordonner à la présidence de faire rapport du projet de loi à la Chambre. Ce rapport contiendra seulement le texte des amendements adoptés ainsi qu'une indication des articles supprimés.
Nous allons passer à l'étude article par article.
Avant que la présidence — c'est‑à‑dire moi — appelle l'article 1, il y a un amendement à la page 1 de la liasse qui vise à créer un nouvel article 0.1.
Monsieur Maloney, voulez-vous proposer l'amendement G‑1?
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Merci, madame la présidente. Je suis très heureuse de vous donner un aperçu technique des diverses composantes des dispositions proposées dans cet amendement.
L'infraction de contrôle coercitif proposée interdirait de commettre des actes répétés dans l'intention de faire croire au partenaire intime d'un accusé que sa sécurité physique ou psychologique est menacée, ou de ne pas se soucier de savoir si ces actes pourraient avoir un tel effet. Il s'agit de l'élément fautif ou psychologique de l'infraction.
En ce qui concerne l'élément psychologique du paragraphe 264.01(1) proposé, une personne qui a l'intention de faire croire à son partenaire intime que sa sécurité est menacée souhaite que cela se produise ou est pratiquement certaine que ce sera le cas. Une personne qui ne se soucie pas de savoir si sa conduite pourrait faire croire à son partenaire intime que sa sécurité est menacée est consciente que ses actes entraîneront probablement ce résultat et les commet tout de même.
Cette approche s'inspire de l'élément psychologique associé à l'infraction de violence familiale en Écosse, mais utilise une terminologie qui a un sens en droit pénal canadien. Par exemple, selon la définition de l'article 2 du Code criminel, un « partenaire intime » est l'époux, le conjoint de fait ou le partenaire amoureux, actuel ou ancien, d'une personne. La notion de répétition a été interprétée dans le contexte des dispositions relatives aux délinquants dangereux comme s'appliquant à une conduite ayant eu lieu au moins deux fois. Le terme « sécurité » a été interprété dans le contexte du harcèlement criminel et de la traite de personnes comme incluant la sécurité psychologique.
Je vais maintenant passer à l'élément de l'infraction au paragraphe 264.01(2) proposé portant sur les actes. Comme je l'ai dit plus tôt, cet élément a trait à des actes répétés. Il est défini comme étant toute combinaison ou tout cas répété de l'un ou l'autre des trois types de conduite: premièrement, la violence, y compris les tentatives et les menaces de violence envers le partenaire intime, l'enfant du partenaire intime, son animal ou toute personne qu'il connaît; deuxièmement, le fait de contraindre ou de tenter de contraindre le partenaire intime à une activité sexuelle; et troisièmement, la conduite qui pourrait, dans toutes les circonstances, raisonnablement amener le partenaire intime à croire que sa sécurité physique ou psychologique est menacée.
De façon particulière, dans les deux premières catégories, la conduite est criminelle en soi. La dernière catégorie englobe les formes plus subtiles de conduite qui sont généralement des comportements non criminels dans d'autres contextes.
La définition de cette troisième catégorie de conduite s'appuie sur la définition de l'exploitation aux fins des infractions de traite de personnes du Code criminel. Elle utilise un critère objectif et s'appuie sur le concept de sécurité physique et psychologique. La jurisprudence d'appel qui interprète cette définition précise que le critère est objectif, ce qui signifie qu'il faut déterminer s'il est raisonnable de s'attendre à ce que le comportement ait la conséquence interdite, et non s'il a réellement entraîné cette conséquence. En particulier, la preuve que la victime craignait réellement pour sa sécurité physique ou psychologique n'est pas nécessaire pour satisfaire au critère.
Une liste non exhaustive des exemples de cette troisième catégorie de conduite est fournie pour aider les praticiens de la justice pénale à cerner les comportements qui pourraient vraisemblablement faire croire à un plaignant que sa sécurité est menacée, y compris les comportements plus subtils. Cette liste s'appuie sur les lois pertinentes d'autres administrations, ainsi que sur les commentaires formulés dans le cadre du processus de mobilisation de Justice Canada de 2023, et sur les expériences vécues par les survivants.
On voit dans la liste que les agresseurs peuvent se livrer à des formes subtiles de maltraitance qui ne constituent pas des infractions criminelles en soi et qui peuvent ne pas être facilement reconnaissables comme étant coercitives, en particulier si on les considère hors contexte. Cette approche s'inspire également des infractions relatives au contrôle coercitif qui ont été adoptées en Écosse, en Nouvelle-Galles du Sud et au Queensland.
Des éléments de comportements manifestes peuvent également aider à interpréter et à déterminer l'infraction. Par exemple, les tribunaux peuvent déduire l'élément mental de l'infraction à partir de la preuve que l'accusé s'est livré à plusieurs reprises à la conduite interdite.
Passons maintenant à la disposition interprétative du paragraphe 264.01(3) proposé. Cette disposition exige la prise en compte de « la nature de la relation » entre l'accusé et le plaignant, y compris la question de savoir si le plaignant était en « situation de vulnérabilité envers l'accusé. »
Ce facteur doit être pris en compte au moment de déterminer si un comportement pourrait raisonnablement amener le partenaire intime à croire que sa sécurité est en danger. Cette disposition vise à aider à réduire au minimum les possibilités que l’infraction soit utilisée contre la victime en exigeant la prise en compte de l’ensemble du contexte de l’infraction et, en particulier, de tout déséquilibre de pouvoir entre l’accusé et son partenaire intime, qui est généralement présent dans des relations marquées par le contrôle coercitif. Le fait de situer la conduite alléguée dans le contexte global de la relation en cause pourrait aider à déterminer qui est le véritable agresseur, y compris dans les cas d'allégations de violence mutuelle entre partenaires intimes.
Passons maintenant à la disposition relative à la peine au paragraphe 264.01(4) proposé. La peine proposée est d'un maximum de 10 ans par mise en accusation, ce qui traiterait l'infraction de la même façon que le harcèlement criminel et garantirait son admissibilité aux désignations de délinquant dangereux et de délinquant à contrôler.
Enfin, la locution « il est entendu que » du paragraphe 264.01(5) proposé précise que la sécurité comprend la « sécurité psychologique, » qui a la même signification dans le contexte des dispositions du Code criminel sur le harcèlement criminel et la traite de personnes.
J'espère que ces explications vous sont utiles. C'est avec plaisir que j'essaierai de répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Vous vous souviendrez que lorsque nous avons entendu les témoignages, je ne m'opposais pas à l'établissement d'une liste. À vrai dire, je pense qu'une liste de ce qui constitue un contrôle coercitif serait très utile pour la formation des policiers et des juges. Je n'aime pas vraiment cette liste comparativement à celle utilisée en Angleterre, parce que je pense qu'elle comporte certains problèmes.
Pensons au contrôle de la prise de médicaments. Je pensais à certains membres de ma famille qui sont bipolaires, par exemple. Parfois, ils pensent qu'ils se sentent bien et ne veulent pas prendre leurs médicaments; leurs partenaires les forcent essentiellement à les prendre, au risque qu'ils sombrent dans un abattement profond. C'est l'un des comportements qui sont considérés comme du contrôle coercitif dans cette liste.
Je préférerais éliminer la liste. Au départ, je pensais qu'une liste entraînerait un plus grand nombre de condamnations, mais nous avons entendu des témoignages selon lesquels, en Angleterre, 6 % des plaintes ont donné lieu à des poursuites, et sur les 700 cas qui ont entraîné des poursuites, seulement 3 % ont abouti à des condamnations. Je ne suis pas convaincue qu'une liste va vraiment régler le problème.
Je pense que deux ou trois éléments dans la liste pourraient poser problème, alors je préférerais la supprimer.
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Je remercie nos expertes en la matière. Merci pour vos explications. J'espère ne pas incorrectement paraphraser vos propos, mais ce que je retire de vos explications, c'est que le critère juridique exige que le résultat se produise: il doit y avoir une intention d'entraîner des craintes chez la victime, ou il doit être raisonnable que ces craintes soient ressenties, comme le dit le libellé de la loi. Comme je le disais, je paraphrase vos propos.
J'ai toutefois une préoccupation, par rapport, évidemment, au moment de la condamnation. À ce stade, l'accusé comparaît devant un juge ou un jury, selon le cas. Par rapport aux comportements comme le contrôle de l'apparence physique ou de l'accès aux services de santé ou aux médicaments, je crains que nous ne brouillions peut-être les cartes quant à ce qu'ils supposent. Bien entendu, aucun d'entre nous ne veut permettre de comportements coercitifs ou qui isolent autrui.
Comme Mme Gladu, j'ai des préoccupations, surtout en ce qui concerne les médicaments ou les personnes qui expriment des croyances spirituelles. Ce sont des enjeux dont les couples discutent souvent. À quel seuil le comportement devient‑il criminel? Je comprends le critère que vous avez énoncé, mais ce seuil est moins clair pour moi. Je ne cherche pas à obtenir une réponse des expertes. Je ne fais qu'exprimer des préoccupations.
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Je pense qu'il faut d'abord considérer le critère juridique qui se trouve dans la troisième catégorie d'actes, à savoir si le comportement peut raisonnablement amener le partenaire intime à croire que sa sécurité est en danger. En première analyse, le tribunal devrait chercher à déterminer comment l'accusé tente de contrôler ces formes d'expression. Est‑il raisonnable de s'attendre à ce que le partenaire intime croie que sa sécurité est menacée?
De plus, l'élément de l'intention ou l'élément psychologique nécessiterait aussi une preuve. Cela pourrait être déduit de multiples exemples d'actes interdits, notamment le fait que l'accusé a eu un comportement violent, un comportement sexuellement coercitif ou quelque autre comportement de la troisième catégorie, c'est‑à‑dire tout comportement pour lequel on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il fasse croire au partenaire intime que sa sécurité est en danger.
Ce sont quelques exemples, que l'on trouve dans la littérature et la recherche, des divers moyens employés par les contrôleurs coercitifs pour contrôler leurs victimes. Cela doit être interprété dans le contexte global de l'infraction, sans oublier que le critère juridique exige une preuve. Il s'agit d'un critère objectif qui est fondé sur ce qu'une personne raisonnable percevrait dans ce contexte précis. L'Écosse, la Nouvelle‑Galles du Sud et le Queensland exigent aussi une telle analyse.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames Levman et Wiltsie‑Brown, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
Madame la présidente, avant de poser mes questions, j'aimerais faire un commentaire d'ordre général.
L'amendement G‑2 me semble avoir du sens, mais j'avoue ne l'avoir lu qu'en diagonale. Nous avons reçu l'amendement vendredi après-midi. Je comprends que ça respecte l'échéancier que nous nous étions donné, mais je devais participer à plusieurs activités dans ma circonscription, alors je n'ai pas eu le temps de réunir une équipe et d'étudier tout ça. Je ne suis sûrement pas le seul député dans cette situation.
Il faut dire que l'amendement G‑2 propose une réécriture du projet de loi. Je ne dis pas que c'est une mauvaise réécriture. Le problème que j'y vois cependant, c'est que les témoignages que nous avons entendus portaient sur l'ancien texte, qu'on a ensuite réécrit le projet de loi le vendredi après-midi et que, le lundi matin, nous devons décider de l'adopter ou non. Ça m'apparaît être un processus un peu rapide. Il me semble que nous aurions eu avantage à travailler plus tôt à partir du nouveau texte. À tout le moins, nous aurions pu tenir une réunion pour travailler avec des témoins sur la base du nouveau texte.
C'était le commentaire que je voulais faire en introduction.
Personnellement, j'aimerais que l'ensemble des parlementaires aient le temps nécessaire pour faire le travail. Quand un amendement vise à modifier une phrase ou un paragraphe, ça va, c'est le processus habituel. Cependant, réécrire un projet de loi un vendredi après-midi et devoir passer au vote sur celui-ci le lundi matin, ça m'apparaît presque irrespectueux vis-à-vis des travaux du Comité. Je dis ça en tout respect pour mes collègues du côté gouvernemental. J'imagine qu'ils sont de bonne foi et souhaitent agir pour le mieux. Cela dit, je trouve qu'on va un peu vite dans ce cas-ci.
Pour notre part, nous avions préparé des...
Est-ce que ça va, madame la présidente? Est-ce que je peux poursuivre?
:
Je l'imagine. Je serais étonné qu'on me dise que les gens autour de la table n'avaient rien de prévu en fin de semaine et que tout le monde attendait l'amendement du gouvernement pour pouvoir travailler dessus toute la fin de semaine.
Cela dit, nous avions préparé un certain nombre d'amendements. Je comprends que mon collègue du NPD va collaborer avec le gouvernement pour l'adoption de l'amendement G‑2, alors je parle peut-être pour rien. Encore une fois, c'est un peu décevant de penser que nous avons fait tout ce travail inutilement. J'aurais aimé le savoir d'avance. Quoi qu'il en soit, je ne sais pas si nous pouvons intégrer à l'amendement G‑2 les modifications proposées dans les amendements BQ‑1 et BQ‑6, qui vont ensemble.
Dans le texte actuel du projet de loi, le paragraphe 264.01(1) proposé commence par « Commet une infraction quiconque se livre », après quoi l'amendement BQ‑1 propose d'ajouter « sans motif raisonnable », aux gestes et aux actes qui sont indiqués dans la suite du libellé. Je parle ici de la version sans les modifications proposées dans l'amendement G‑2. Est-ce que nous pouvons intégrer cette proposition dans l'amendement G‑2? Ce serait au même endroit. Ça me semblerait approprié.
L'amendement BQ‑6 propose de supprimer un passage de la version actuelle du projet de loi, qui commence à la ligne 25 de la page 2 et qui prévoit une exception dans le cas où « l'accusé a agi dans l'intérêt supérieur de la personne ». En effet, nous avons entendu des témoins nous dire que ça pouvait être un peu embêtant. Ce qu'on considère comme l'intérêt supérieur d'une personne peut varier d'un individu à l'autre. Ce libellé m'apparaît problématique en ce qui concerne l'interprétation que les tribunaux pourraient en faire ou, à tout le moins, l'interprétation que l'accusé pourrait en faire. De fait, n'importe quel accusé pourrait dire qu'il a agi dans ce qu'il considérait comme l'intérêt supérieur de la victime. Dans pareil cas, on pourrait remettre en cause la mens rea et finir par acquitter la personne sur la base du fait qu'elle croyait agir dans « l'intérêt supérieur » de la victime.
C'est pour cette raison que nous estimons qu'il faudrait enlever cette disposition et plutôt ajouter les mots « sans motif raisonnable » au paragraphe 264.01(1) proposé. Ainsi, le libellé indiquerait que quiconque se livre sans motif raisonnable à l'ensemble des gestes indiqués commet une infraction. Dans ce cas, si un accusé dit qu'il avait un motif raisonnable, les tribunaux peuvent apprécier ce fait de façon plus générale et plus objective. Prenons la situation où l'individu accusé reconnaît avoir agi de façon contrôlante et coercitive, par exemple en empêchant son conjoint ou sa conjointe d'aller à tel endroit ou de faire tel ou tel geste, mais dit qu'il l'a fait parce qu'il était réellement raisonnable de le faire dans les circonstances. C'est différent que de dire qu'il croyait que c'était raisonnable. Le tribunal, de façon objective, va juger s'il y avait ou non un élément de raisonnabilité dans les gestes faits.
Il m'apparaît que ce libellé serait plus respectueux de l'ensemble des situations que nous essayons de couvrir. C'est du droit nouveau. Tout le monde a probablement déjà eu un comportement contrôlant et coercitif dans sa vie, notamment à l'égard de ses enfants, et pensait, de façon raisonnable, que c'était nécessaire de le faire. Là, je pense que c'était souvent déraisonnable. On s'attaque au problème. Pour ma part, je suis tout à fait d'accord sur le projet de loi . Je suis d'accord sur l'ensemble des arguments que notre collègue nous a présentés en comité et que notre collègue M. Garrison a également exprimés à maintes reprises dans une législature précédente. Le Parlement doit effectivement s'attaquer à ce problème, mais je pense quand même qu'il faut avancer de façon prudente. Or, il m'apparaîtrait plus prudent d'indiquer que les gestes doivent avoir été posés sans motif raisonnable. De cette façon, si, pour une raison ou une autre, le tribunal juge que, dans une situation donnée, l'accusé a agi de façon raisonnable, il pourra être acquitté et ne pas être envoyé en prison pour 10 ans.
Voilà la nature de l'amendement BQ‑1. Je comprends qu'il n'est pas encore à l'étude, puisqu'il vient après l'amendement G‑2, dont nous discutons en ce moment. J'en parle toutefois dans la perspective où nous nous apprêtons à jeter tout le reste aux poubelles.
Dans un premier temps, j'aimerais savoir si les témoins sont d'accord sur mon interprétation ou si j'ai erré d'une façon ou d'une autre. Si les témoins nous disent qu'il serait sage de faire ce que je propose, est-il possible de présenter un sous-amendement? Je ne sais pas comment ça pourrait être fait. Je vous laisse décider des questions pratiques, monsieur le greffier et madame la présidente.
J'aimerais que Mmes Levman et Wiltsie‑Brown nous disent ce qu'elles pensent de l'élément de raisonnabilité, c'est-à-dire du fait d'insérer « sans motif raisonnable » au paragraphe 264.01(1) proposé. Le nouveau paragraphe dirait donc: « Commet une infraction quiconque se livre, sans motif raisonnable, de façon répétée » aux actes qui suivent.
C'était une longue question et je m'en excuse, mais je pense qu'il était nécessaire de fournir ces explications.
:
Merci. Cependant, ce n'est pas sur cet élément de raisonnabilité que porte ma préoccupation.
L'alinéa c) proposé traite du « cas où il est raisonnable de s'attendre [...] à ce qu'il soit possible de faire croire au partenaire [...] que sa sécurité [...] est en danger ». Pour cette partie-là, ça va.
Cependant, il y a des situations où l'accusé pourrait dire qu'il est tout à fait raisonnable que le partenaire ait cru que sa sécurité était en danger. La question est de savoir si l'accusé avait un motif raisonnable de poser ces gestes. Si, selon le tribunal, l'accusé avait des motifs raisonnables de poser ces gestes, malgré le fait qu'il était raisonnable que le partenaire croie que sa sécurité était en danger, l'accusé devrait pouvoir être exonéré. Ça devrait être une défense valable.
Il y a donc deux éléments de raisonnabilité. En ce qui concerne l'alinéa c), auquel vous vous reportez, il s'agit de déterminer s'il est raisonnable, aux yeux de quiconque, de penser que le partenaire intime a pu croire que sa sécurité était en danger. Il est peut-être raisonnable de penser qu'il a pu croire ça. Cependant, est-ce que l'accusé avait des motifs raisonnables pour agir comme il l'a fait? Je ne sais pas si c'est clair, mais il y a une distinction entre les deux. Ce n'est pas le même élément de raisonnabilité. La notion de raisonnabilité ne s'apprécie pas de la même façon ou au même moment.
Je n'ai pas vu cet élément dans l'amendement G‑2. Cela dit, je répète que je n'ai pas eu le temps de lire attentivement chaque ligne de l'amendement G‑2 avant ce matin. Je l'ai donc parcouru rapidement.
De votre côté, manifestement, vous l'avez lu avant ce matin. Je vous serais reconnaissant de me rassurer à cet égard. Sinon, est-il possible de trouver une façon d'inclure notre proposition d'amendement dans l'amendement G‑2?
:
Le problème, c'est que je ne peux pas vous le soumettre par écrit, puisque je l'ai eu ce matin.
Toutefois, c'est exactement le même libellé que celui de l'amendement BQ‑1, mutatis mutandis. Ça vise l'article 1, à la ligne 7 de la page 1. Dans le paragraphe 264.01(1) proposé dans l'amendement G‑2, qui reprend le début du libellé proposé dans le projet de loi , on dit: « Commet une infraction quiconque se livre de façon répétée [...] » Par l'amendement BQ‑1, je voulais proposer d'insérer, après « quiconque », les mots « sans motif raisonnable ».
En fait, après avoir consulté nos savantes analystes, je précise que ça devrait plutôt s'insérer après les mots « se livre », comme dans l'amendement BQ‑1. Le libellé serait donc le suivant: « Commet une infraction quiconque se livre, sans motif raisonnable, de façon répétée à des actes visés [...] »
Dans la version anglaise, on dirait:
[Traduction]
Commet une infraction quiconque se livre, sans motif raisonnable,
Ensuite, on lit « de façon répétée », et le reste du paragraphe.
[Français]
En français, après « quiconque se livre », on insérerait « sans motif raisonnable », et le reste du texte demeurerait le même.
:
Madame la présidente, plus j'écoute, plus je trouve le processus frustrant. Je vous explique pourquoi.
L'amendement G‑2 n'est pas vraiment un amendement au projet de loi C‑332; c'est un tout nouveau projet de loi.
Je reviens un peu en arrière. En avril 2021, le Comité s'est entendu sur le fait que le gouvernement devait prendre des mesures à l'égard des comportements contrôlants et coercitifs, y compris dans le Code criminel. Puis, , députée néo-démocrate, et M. Garrison ont déposé le projet de loi . Pendant trois jours, nous avons recueilli des témoignages sur ce projet de loi. Les membres du Comité, nous y compris, ont consacré des heures à l'élaboration d'amendements. Un de nos amendements vise à modifier la période pendant laquelle une personne peut réfléchir à une relation et obtenir une déclaration de culpabilité en vertu de la loi; il la fait passer de deux ans à cinq ans. Cet amendement est fondé sur les témoignages que nous avons entendus au sujet du projet de loi C‑332.
Cependant, nous n'avons recueilli aucun témoignage sur l'amendement G‑2. Aucun témoin n'a pu nous dire: « J'appuie les paragraphes (1), (2), (3) et (4), mais je m'oppose au paragraphe (5). » L'amendement G‑2 n'a pas été présenté aux témoins.
Par ailleurs, l'amendement G‑2 est plus long que le projet de loi : le projet de loi compte moins de trois pages, tandis que l'amendement fait trois pages entières. M. Fortin tente avec raison de reformuler des amendements à l'improviste à partir de ce que nous avons devant nous; c'est ce que nous faisons tous. Or notre comité ne devrait pas procéder de cette façon. Nous sommes saisis d'un amendement qui annule tous les autres et qui efface toutes les discussions que nous avons eues sur le projet de loi.
J'ai l'intention de voter contre l'amendement G‑2 et pour l'amendement de M. Fortin une fois qu'on aura précisé qu'il s'applique seulement aux actes de nature non criminelle. Nous mettons une éternité à nous rendre jusque‑là à cause de la manière dont le processus se déroule. Si le gouvernement voulait présenter son propre projet de loi, c'est ce qu'il aurait dû faire au lieu de le proposer sous forme d'amendement à un projet de loi d'initiative parlementaire auquel nous avons consacré autant d'heures d'étude. De cette façon, nous aurions pu recevoir les témoignages d'experts sur le projet de loi du gouvernement.
Par exemple, aux termes de l'amendement G‑2, selon ce que nous disent nos témoins — et je ne critique nullement nos témoins; elles sont ici pour expliquer en quoi consiste l'amendement du gouvernement et elles font très bien leur travail —, un comportement répété deux fois peut être considéré comme un acte visé. Or selon les témoignages que nous avons entendus, plusieurs comportements mentionnés dans la mesure ne sont pas de nature criminelle. Ce que j'en comprends, c'est que si la crainte n'est pas un critère, un geste de nature non criminelle posé deux fois par un partenaire intime qui se trouve en situation de vulnérabilité pourrait être considéré comme un acte criminel.
On peut facilement imaginer des situations dans lesquelles il serait possible de faire peser la menace d'une poursuite ou d'une accusation au criminel. Je pense que Mme Gladu en a donné un exemple. Je vois souvent des situations pareilles chez des couples. La première personne dit: « Je ne prends pas mon médicament. » L'autre répond: « Le médecin te l'a prescrit. Nous ne partirons pas de la maison tant que tu ne l'auras pas pris. » La première réplique: « J'en ai assez. Les choses ne se passent pas comme je le voudrais. Je ne prendrai pas mon médicament pour le cœur. » L'autre rétorque: « Nous n'irons nulle part tant que tu n'auras pas pris tes pilules. » Si vous croyez que de telles scènes ne se jouent pas des millions de fois au Canada, vous vous trompez. D'après les témoignages que nous avons entendus, il se peut que la loi ne s'applique pas en pareilles circonstances, mais c'est le but même de l'amendement de M. Fortin: de préciser que c'est un motif raisonnable.
Nous comprenons ce qui est visé. Ce qui est visé, c'est la personne qui dit: « Je vais seulement te donner ton médicament si tu fais telle chose. » Voilà un comportement coercitif. Voilà une menace. Nous avons entendu aujourd'hui que la crainte n'était pas un critère.
La même personne pourrait dire: « Tu sais quoi? Si tu n'arrêtes pas de me dire de prendre mon médicament pour le cœur, je vais en finir. Je vais me jeter devant un autobus. Je vais menacer de me suicider. » Ce comportement se trouve aussi dans l'amendement. Est‑ce considéré comme un acte criminel? Qui est en situation de vulnérabilité ici? Est‑ce que c'est la personne qui a besoin d'un médicament pour le cœur et qui menace de se suicider? Est‑ce que ce sont les deux personnes?
Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres d'une situation réelle sur laquelle nous n'avons pu entendre aucun expert. Un grand nombre d'excellents témoins sont venus nous parler du projet de loi , mais ils ne nous ont pas parlé de l'amendement G‑2. Normalement, les amendements proposés au Comité sont très directs et ciblés; celui‑ci est une refonte complète.
Je vais m'opposer à l'amendement G‑2 en faveur d'un libellé moins prescriptif. Des témoins se sont prononcés sur la question de l'utilisation d'exemples et d'un libellé plus prescriptif, ou d'un libellé moins prescriptif. Le projet de loi dont nous sommes saisis et son libellé sont le résultat de l'étude que notre comité a réalisée et adoptée à l'unanimité en 2021.
J'applaudis toute tentative d'améliorer le projet de loi, mais de nous demander aujourd'hui d'apporter des amendements à l'improviste à un tout nouveau projet de loi au sujet duquel nous n'avons recueilli aucun témoignage... Je rejette la proposition. Notre comité ne devrait pas procéder de cette façon.
Voilà pourquoi je m'opposerai à l'amendement G‑2 en faveur de la version actuelle du projet de loi . Ainsi, nous pourrons apporter des amendements plus ciblés à la version du projet de loi C‑332 que nous avons étudiée. D'après ce que vous avez dit, madame la présidente, si l'amendement G‑2 est adopté, le Bloc québécois, les libéraux et les conservateurs ne pourront pas proposer la majorité de leurs amendements.
À l'heure qu'il est, je pensais que nous aurions terminé. Je le pensais vraiment. Étant donné le soutien pour le projet de loi , je croyais que nous aurions fini, mais pour accomplir notre tâche, nous devons continuer à travailler comme nous le faisons et à analyser chaque élément.
Je vais voter contre l'amendement G‑2. J'exhorte tous mes collègues à faire de même pour que nous puissions poursuivre notre examen du projet de loi .
Le gouvernement pourra présenter un nouveau projet de loi sur les comportements coercitifs et contrôlants plus tard, s'il le veut. Il a eu trois ans pour le faire. Maintenant n'est pas le moment de rédiger un projet de loi, au Comité, quand il nous reste moins d'une heure. C'est ce que nous en sommes en train de faire: nous sommes en train de repartir à zéro.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Il s'est dit beaucoup de généralités. Je vais revenir plus tard au sous-amendement de M. Fortin, mais bien respectueusement, je pense que ce qui vient d'être dit dépeint mal ce qui se passe au Comité. Je suis l'auteur du projet de loi original et je viens tout juste de consulter très rapidement Mme Collins. De mon point de vue, l'amendement G‑2 tient compte des témoignages que nous avons entendus et des consultations qui ont été menées. Ce texte n'est pas sorti de nulle part.
Deux approches ont toujours existé concernant le projet de loi. Nous pouvions soit intégrer les éléments au projet de loi dans une liste plus exhaustive, soit les mettre dans des lignes directrices séparées à l'intention des procureurs. Le projet de loi original préconisait la deuxième approche. Nous avons entendu des témoignages à ce sujet. Nous ne pouvons pas dire que personne ne s'y est penché.
Je ne crois pas que l'amendement G‑2 soit une réécriture du projet de loi. Il répond à un grand nombre de préoccupations qui ont été soulevées lors des consultations et des témoignages, particulièrement par les survivantes de conduite coercitive. Nous pouvons imaginer différents scénarios, mais ce que nous observons au pays, c'est une prévalence du contrôle coercitif exercé par des hommes à l'égard des femmes. Les féminicides sont presque toujours précédés de cette forme de contrôle.
Une crise frappe le pays en ce moment et nous essayons de l'endiguer. Il y a quatre ans, j'ai tenté pour la première fois d'attirer l'attention du Comité sur cette question. Par ailleurs, nous savions qu'une liasse d'amendements allaient bientôt être proposés, et je crois que nous avons eu le temps de les étudier.
Cette liasse d'amendements a des retombées importantes. Par exemple, certains se demandaient si la période écoulée depuis le lien entre les personnes devait être de deux ans ou de cinq ans. Or, l'adjectif « anciens » employé dans l'amendement pourrait désigner une période de cinq ans à la discrétion du juge, ce qui règle du même coup la préoccupation concernant le délai.
Je pourrais donner plusieurs autres exemples. En fait, deux améliorations très importantes ont été apportées. La première est le critère relatif à la conviction raisonnable. Cet aspect a été relevé par les survivantes et par les experts. L'intervalle de trois ans nous a permis de puiser dans les mesures prises ailleurs et d'intégrer des éléments au projet de loi.
La dernière amélioration — la plus importante à mes yeux — est le nouveau paragraphe 264.01(3) proposé dans l'amendement G‑2, qui ajoute la disposition sur la vulnérabilité, ce qui devrait répondre à une préoccupation très grave partagée par plusieurs sur le risque que les partenaires contrôlants utilisent le projet de loi contre les victimes. L'ajout du critère de vulnérabilité annihile en grande partie ce risque.
Ensuite, le sous-amendement de M. Fortin aurait à mon avis la conséquence non voulue de modifier l'argumentation liée aux cas de contrôle coercitif initiaux pour la faire porter sur le caractère raisonnable ou non des actes criminels. Le Comité ne devrait pas ouvrir cette porte. Je suis d'accord avec les experts pour dire que le projet de loi prévoit la notion de raisonnabilité pour deux autres éléments et qu'il l'applique étroitement à la troisième catégorie de conduite, et non pas aux actes criminels.
Par conséquent, je m'oppose au sous-amendement de M. Fortin et je presse le Comité d'aller de l'avant. Je rejette l'argument voulant que l'amendement constitue un nouveau projet de loi et qu'il soit sorti de nulle part. L'amendement est une version améliorée du projet de loi qui découle des consultations et des témoignages entendus par le Comité et qui répondra plus efficacement aux préoccupations des survivantes qui sont venues témoigner.
Merci.
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Merci de vos témoignages. Ils sont à la fois limpides et instructifs. J'aurais tout de même deux questions.
D'abord, au sujet des alinéas 264.01(2)a) et b) proposés, la partie sur la mens rea ou l'intention criminelle, vous disiez que le libellé n'exigeait pas de répondre au critère objectif qui consiste à établir la preuve d'une crainte de la victime. Je veux bien accepter cet argument. Par contre, à la page suivante, l'alinéa 264.01(2)c) proposé renferme le passage « il est raisonnable de s'attendre, compte tenu du contexte, à ce qu'il soit possible de faire croire au partenaire intime. » Quelle est la différence? Pourquoi le passage « il est raisonnable de s'attendre, compte tenu du contexte, à ce qu'il soit possible de faire croire au partenaire intime » se trouve à l'alinéa 264.01(2)c), et non pas aux alinéas 264.01(2)a) et b)? C'était ma première question. Voici la deuxième.
Pour faire suite au commentaire de M. Moore sur la liste de sept éléments à l'alinéa 264.01(2)c) proposé, je veux faire remarquer que des éléments ont peut-être été oubliés, ce qui se produit souvent lorsque des listes sont dressées. Nous allons peut-être découvrir que cette liste pourrait comporter huit, neuf ou dix exemples au lieu de sept. L'inclusion d'une liste risque de réduire la portée du projet de loi.
La question a été soulevée plus tôt dans la session, en octobre, pendant l'étude du projet de loi sur le registre des délinquants sexuels. M. Roebuck, l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, et la professeure Benedet craignaient que les juges comprennent mal les infractions à caractère sexuel et que les mythes sur le viol gagnent du terrain. Pour pallier ce risque, les témoins ont dit que le Parlement pourrait établir une liste de facteurs à l'intention des juges. Voici ce que M. Maloney a dit sur la motion que nous avons présentée à cet effet:
Je me rappelle les témoignages, car je pense que c'est moi qui ai posé la question, mais d'après mon expérience, plus on en inclut, plus on en exclut, parce que des avocats astucieux [...] verront une liste et soutiendront qu'elle est exhaustive.
C'est préoccupant. J'avais trouvé le commentaire pertinent à l'époque. M. Maloney m'a presque convaincu de voter contre notre propre motion. Libre à lui de réagir là‑dessus s'il le souhaite, mais ce n'est pas le point que je voulais soulever. Pour revenir à ma question et à l'alinéa 264.01(2)c) proposé, si nous enlevons l'incise « y compris celle visée aux alinéas ci‑après » et que nous supprimons tous les sous-alinéas, aurons-nous rendue complètement caduque la disposition, ou sera‑t‑elle encore valide?
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Les alinéas 264.01(1)a) et 264.01(1)b) proposés présentent l'élément moral de l'infraction, soit ce qui se passe dans la tête de l'accusé. Si vous comparez cela à l'approche de l'Écosse, vous verrez que c'est très semblable. L'Écosse utilise le concept de préjudice. Nous utilisons le concept de sécurité dans le Code criminel. Je crois que dans les deux cas, on veut prendre en compte le même type de conduite, mais la façon dont l'élément d'intention est présenté — l'« intention de faire » ou de produire un effet particulier et « sans se soucier » du fait que cela peut mener à cet effet — équivaut à la même chose.
On cherche à déterminer ce qui se passe dans la tête de l'accusé à ce moment. Puis on passe à l'élément matériel, à la conduite comme telle. Un exemple serait la surveillance des finances d'une personne. Nous le faisons tous, et quand nous sommes dans un partenariat, nous le faisons souvent de façon réciproque. Toutefois, cela ne peut pas constituer une conduite interdite aux fins de cette infraction, à moins que l'on puisse raisonnablement s'attendre à une intention de faire croire au partenaire intime que sa sécurité est en danger. C'est ici que l'élément objectif entre en jeu.
Ensuite, à partir des éléments de preuve montrant qu'une personne s'adonne à un acte interdit — qu'il s'agisse des formes plus subtiles ou des formes de coercition violente ou sexuelle —, les tribunaux peuvent en déduire l'élément mental, par exemple, l'intention de faire croire à un partenaire intime que sa sécurité est en danger. Bien entendu, plus on a d'éléments de preuve à cet égard, plus il sera facile pour le tribunal de déduire l'intention. Toutefois, il faut que les deux éléments soient établis pour que l'infraction puisse être prouvée hors de tout doute raisonnable devant un tribunal.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Madame Levman, je comprends ce que vous dites au sujet du caractère raisonnable à l'alinéa 264.01(2)c) proposé pour que cela s'applique à toutes ces infractions non criminelles. Cela étant dit, je n'appuierai pas le sous-amendement de M. Fortin.
Je pense qu'il est important pour les gens qui regardent cette étude article par article de comprendre ce qui s'est passé ici. Le gouvernement a présenté l'amendement G‑2 vendredi matin, et le G‑2 remplace la ligne 6, page 1, jusqu'à la ligne 8, page 3. La seule chose qui se trouve avant la ligne 6, page 1, c'est le titre, et il n'y a plus rien après la ligne 8, page 3. En fait, on vide totalement de sa substance ce projet de loi, et on le remplace par un autre. Le gouvernement a eu trois ans pour préparer ce projet de loi après la dernière étude sur le contrôle coercitif. De plus, nous n'avons entendu aucun témoin sur cette nouvelle version.
Je suis préoccupée également par le processus, et je vais voter contre le G‑2 pour cette raison.
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Merci, madame la présidente.
Évidemment, je ne répéterai pas les mêmes arguments au sujet du sous-amendement que j'ai proposé. Plus nous en parlons, plus il m'apparaît judicieux de l'adopter. J'aimerais plutôt revenir sur l'intervention de M. Moore.
Dans la liste de comportements qu'on retrouve à l'alinéa 264.01(2)c) proposé, il est question de « menacer de se donner la mort ou d'avoir un comportement autodestructeur ». C'est au sous-alinéa (vii). Ça signifie que, si une personne disait à son partenaire qu'elle veut se donner la mort ou si elle avait un comportement autodestructeur et que son partenaire croyait que sa sécurité était en danger, alors il s'agirait d'un acte criminel. Par exemple, si je crois que ma sécurité est en danger parce que ma conjointe menace de se suicider, ça devient un acte criminel. J'ai de la difficulté à suivre le raisonnement. Je ne suis pas médecin, mais je soupçonne qu'une personne qui menace de se suicider ou qui a un comportement autodestructeur a besoin de l'aide d'un médecin ou d'un psychologue. Elle n'a pas besoin de se faire dire qu'elle risque d'aller en prison pendant 10 ans.
J'imagine que ce n'est pas ce que vous visiez, mais c'est ce qui est écrit, et ça me pose problème. Ça fait partie des problèmes que j'ai soulevés au début.
Si je comprends bien, mes collègues conservateurs appuient l'idée selon laquelle il s'agit d'un projet de loi complètement nouveau. Je sais que mes collègues libéraux et néo-démocrates y ont travaillé pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Personnellement, j'ai lu le nouveau libellé ce matin, et il contient des éléments qui m'embêtent.
Par exemple, on parle ici d'un individu qui menace devant son conjoint ou sa conjointe de se donner la mort ou d'avoir un comportement autodestructeur. J'imagine qu'il pourrait s'agir de se lacérer la peau, de se flageller, ou je ne sais quoi. Selon ce que je comprends, si le conjoint ou la conjointe de cet individu croyait que sa sécurité était en danger, alors l'individu pourrait être envoyé en prison.
J'ai de la difficulté à comprendre le raisonnement derrière tout ça. Pouvez-vous me donner des exemples ou m'expliquer plus clairement de quoi il s'agit?
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Madame la présidente, ça me pose un certain problème. Nous comprenons tous que nous sommes en train de créer du droit nouveau. Or, il ne s'agit pas de droit civil. On parle de déclarer quelqu'un coupable d'un acte criminel et de l'envoyer en prison.
Moi, j'étais prêt à voter en faveur du projet de loi . Nous avons entendu de nombreux témoignages sur les individus qui essaient de contrôler injustement leur conjoint ou leur conjointe. Ce sont des comportements qui me choquent et je considère qu'ils doivent être sanctionnés par le Code criminel.
Cela dit, la liste qu'on introduit ici est différente de ce que contenait le projet de loi . J'ai l'impression de répéter un peu ce que notre collègue M. Moore disait tantôt, et je ne veux pas parler pour rien. Toutefois, à l'alinéa 264.01(2)c), il est question d'« agir de toute autre manière, y compris celle visée aux alinéas ci-après ». Ces dispositions vont donc servir à déterminer si on se trouve dans une situation qui doit être pénalisée. L'énumération qui suit cette disposition est tellement large qu'un individu qui dirait à sa conjointe qu'il va se suicider si elle ne part pas en vacances avec lui, par exemple, pourrait être accusé d'avoir tenté d'avoir un comportement contrôlant envers elle et être envoyé en prison.
Nous avons déjà entendu plusieurs témoins experts, mais, s'ils revenaient nous parler de cet élément, ils réussiraient peut-être à me convaincre. Je suis de ceux qui sont convaincus — nous en sommes peut-être tous là — que les comportements contrôlants et coercitifs sont insensés et constituent un problème qu'il faut régler. Cependant, cette liste contenue dans ce nouveau libellé m'insécurise beaucoup. Nous avons à prendre une décision très importante, ici. Nous modifions le droit criminel et nous créons de nouvelles infractions. Nous avons un rôle de législateur et, en ce sens, notre devoir est d'agir avec prudence, mais je sens que nous ne sommes vraiment pas prudents.
Je suis convaincu de la bonne foi des témoins d'aujourd'hui et du gouvernement, évidemment, mais je suis loin d'être rassuré quand je vois un tel libellé et que je n'ai pas l'occasion de m'informer auprès des experts qui travaillent quotidiennement auprès des victimes de comportements contrôlants et coercitifs et auprès des agresseurs. Nous devons regarder les deux faces de la médaille. Nous devons travailler avec prudence et diligence. Actuellement, je trouve que nous travaillons sur les chapeaux de roues, et je le déplore.
On n'est même pas capable de me donner un seul exemple où on pourrait déclarer une personne coupable d'avoir eu un comportement contrôlant et coercitif parce qu'elle a menacé de se donner la mort ou d'avoir un comportement autodestructeur.
Si actuellement, au moment de légiférer, aucun exemple ne nous vient à l'esprit, qu'est-ce que les tribunaux vont en faire éventuellement? Ce n'est pas raisonnable de notre part de procéder de cette façon.
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Je vous remercie, madame la présidente.
J'aimerais en parler plus longuement et exposer le problème.
Madame Levman, vous avez dit que le gouvernement avait entendu parler de cet aspect donné. Je peux vous assurer ne pas me souvenir de l'avoir entendu dans les témoignages que nous avons reçus. Je ne doute pas que vous en ayez eu vent. Peut-être que quelqu'un l'a mentionné. J'invite quiconque à la table à me corriger et me dire si la question a été abordée dans les témoignages que nous avons entendus sur le projet de loi , mais c'est inédit pour nous.
Je voudrais juste apporter une précision. Madame Levman, vous avez évoqué que les actes devraient être répétés. D'après mon interprétation, rien dans le libellé du projet de loi ne laisse entendre que le modèle de comportement doive inclure plusieurs de ces éléments.
Selon votre témoignage, un acte répété doit se produire au moins deux fois. Voici donc ce que je comprends de ce projet de loi, que je vais appeler le nouveau projet de loi G‑2: « Commet une infraction quiconque se livre de façon répétée » — deux fois ou plus — « à des actes visés au paragraphe (2) [...] sans se soucier si ces actes peuvent faire croire à son partenaire intime que sa sécurité est en danger ». Il y a un tas d'autres termes qui pourraient être interprétés dans un sens très large... Si nous passons ensuite aux actes qui se trouvent au paragraphe proposé 264.01(2), ils comprennent par exemple le sous-alinéa proposé 264.01(2)c)(vii), au bas. Je vais l'utiliser puisque c'est celui dont parlait M. Fortin, mais je pourrais en prendre d'autres de cette liste. On y lit: « menacer de se donner la mort ».
J'en déduis que si une personne menace deux fois de s'enlever la vie, peut-être parce qu'elle se dispute avec son conjoint ou son partenaire intime et qu'ils se renvoient la balle à propos d'une chose — il pourrait s'agir de n'importe quoi... Disons que la personne affirme vouloir se suicider et mettre fin à tout cela, puis que quelques semaines plus tard, les partenaires se disputent pour une autre raison, et que la personne répète ses propos. D'après ce que nous avons entendu aujourd'hui, puisque les mots ont été dits deux fois, il s'agit d'un acte répété. Il s'agit de la répétition d'une conduite non criminelle, car c'est ce dont il s'agit ici. Nous ne parlons pas d'un comportement criminel. C'est une conduite non criminelle qui, puisqu'elle est répétée et relève de cette législation, devient un crime parce qu'elle figure dans le Code criminel. Avec ce projet de loi, nous criminalisons les personnes qui posent à répétition ces actes non criminels. Nous devons donc être très prudents.
Le Code criminel prévoit des seuils criminels concernant les preuves et les choses que nous choisissons de considérer comme des crimes, en tant que Canadiens. Il y a donc toute une série d'éléments qui, selon votre témoignage, ne sont pas criminels. Menacer de se tuer n'est pas un crime. En l'incluant dans cette liste, nous criminalisons ce geste dans le contexte d'une conduite contrôlante ou coercitive. Nous prenons cette décision sans avoir entendu le moindre témoignage à ce sujet.
Vous avez affirmé que mon exemple de scénario ne serait pas criminel parce qu'il devrait inclure certains des autres éléments. Soyons clairs: rien dans la législation ne dit qu'il faut plusieurs de ces actes, selon mon interprétation. Il pourrait s'agir du même délit, par exemple, contrôler la situation financière, l'accès à des services de santé ou menacer de se donner la mort. Le même délit — qui est répété — pourrait être considéré comme un comportement contrôlant. Il n'est pas nécessaire d'avoir une multitude d'actes.
Est‑ce exact? Le projet de loi ne dit nulle part qu'il doit y avoir plus d'un de ces comportements.
Je suppose que la question que nous devons nous poser — et je suis heureux que M. Fortin ait soulevé ce point — est la suivante: devrions-nous, en tant que Comité, en nous fondant uniquement sur la réunion d'aujourd'hui — sans nous baser sur le projet de loi ni sur aucun des témoins qui ont comparu devant nous — prendre la décision consciente qu'au Canada, à partir de maintenant, si une personne menace plusieurs fois de se suicider, c'est une infraction criminelle? C'est ce que nous faisons ici.
Il se pourrait que nous entendions suffisamment de témoignages de différents groupes pour arriver à la conclusion qu'il y a bel et bien un moyen d'incorporer cet élément. Le problème, c'est que nous n'avons rien entendu de tel à cette table. Je pense, à la simple lecture de cette législation, que cette partie et certaines autres sont assez troublantes. Encore une fois, cela n'a rien à voir avec nos témoins. Je m'adresse plutôt au gouvernement. L'approche consistant à présenter un projet de loi que nous n'avons pas eu...
J'ai compris ce qu'a dit M. Garrison. Il est vrai que nous avons entendu des témoignages généraux sur le projet de loi , mais nous n'avons pas eu l'occasion d'interroger qui que ce soit sur l'une ou l'autre de ces dispositions précises. Par exemple, j'aimerais que des témoins soient présents pour leur poser des questions sur chacun des nouveaux délits non criminels qui, en vertu de ce projet de loi, deviendraient des infractions criminelles.
Je soulève ce dernier point pour réitérer qu'à ce stade‑ci, à moins que des personnes ici présentes ne nous éclairent par d'autres témoignages sur chacune de ces dispositions, je devrai voter contre l'amendement G‑2, et appuyer le libellé que nous avons déjà examiné et sur lequel nous avons déjà entendu des témoins, à savoir le paragraphe proposé 264.01(1) du projet de loi . Aucun témoin n'a affirmé que nous faisions fausse route et que le projet de loi ne serait pas utile. Nous avons entendu des témoins dire qu'il existe des modèles qui énumèrent certains éléments, mais le fait de menacer de se donner la mort n'a jamais été suggéré au Comité. Le choix des mots est important. D'après les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui, la disposition criminalise un comportement non criminel dans le contexte d'un contrôle coercitif. Il est évident que nous devons faire très attention à ce qui est ajouté à cette liste.
Ce n'est qu'une chose qui a été signalée. Je ne vois pas comment nous pourrions être prêts à adopter l'amendement G‑2 sur cette seule base.
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Merci, madame la présidente.
J'ai une autre question. À la lecture de l'amendement G‑2, je constate que le paragraphe 264.01(5) proposé, soit le dernier paragraphe proposé dans cet amendement, indique ce qui suit: « Il est entendu que, pour l'application du présent article, la sécurité d'une personne vise également sa sécurité psychologique. » J'aimerais savoir ce qu'on entend par là.
Personnellement, j'ai plusieurs amis qui font de l'anxiété. On dirait que, de nos jours, plusieurs personnes font de l'anxiété, pour des raisons que je ne connais pas. Je n'ai aucune compétence pour analyser à quel point c'est dommageable ou non. Cela dit, il y a des gens qui font de l'anxiété pour toutes sortes de raisons, lesquelles pourraient être considérées comme non valables par certaines personnes, mais très valables par d'autres. C'est extrêmement subjectif.
Quand on indique qu'on vise également la sécurité psychologique des individus, est-ce à dire que chaque conjoint deviendrait responsable de la sécurité psychologique de son partenaire? J'imagine que ce n'est pas à ça que vous vouliez en venir. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à cet élément plus amplement. Comme je le disais tantôt, nous avons lu l'amendement seulement ce matin.
Expliquez-moi jusqu'où vous vouliez aller en ce qui concerne la sécurité psychologique. Que vise-t-on? Quelle sera la conséquence si un conjoint ou une conjointe a des problèmes d'ordre psychologique? Dieu sait que la notion de sécurité psychologique est assez vague et varie d'un individu à l'autre, puisque chacun a des limites différentes.
J'aimerais entendre vos explications là-dessus.
Je comprends tout à fait que mon collègue M. Garrison trouve que le débat s'éloigne du sous-amendement. Cependant, le sous-amendement que j'ai proposé vise à ce que l'infraction ne puisse être consommée que si elle est commise sans motif raisonnable. À partir de là, tout ce qu'il y a dans le projet de loi m'intéresse, parce que c'est en comprenant la portée du projet de loi qu'on peut déterminer si, oui ou non, il est important d'ajouter une notion de motif raisonnable.
Comme je le disais dans ma question précédente, selon le texte du projet de loi proposé dans l'amendement G‑2, la sécurité psychologique sera prise en considération. Si c'est très large, comme je le soupçonne, il est d'autant plus important de baliser l'infraction en disant qu'elle doit avoir été commise sans motif raisonnable.
En tout respect pour M. Garrison, qui souhaite voir mon sous-amendement être rejeté au plus vite, j'aimerais que nous nous assurions de bien comprendre la portée de ce nouveau projet de loi et que nous déterminions ensuite s'il est prudent d'ajouter cette balise au début, à savoir qu'il y a infraction seulement si elle a été commise sans motif raisonnable.
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J'aimerais continuer, madame la présidente. Je ne veux pas faire perdre le temps du Comité, mais je veux bien comprendre. Je vous promets d'être docile.
À l'alinéa 264.01(2)c) proposé, on parle du fait d'« agir de toute autre manière, y compris celle visée aux alinéas ci-après, dans le cas où il est raisonnable de s'attendre, compte tenu du contexte, à ce qu'il soit possible de faire croire au partenaire intime [...] que sa sécurité [...] est en danger ». Cependant, au paragraphe 264.01(5) proposé, on dit que ça « vise également sa sécurité psychologique ».
Je reviens à l'exemple que j'ai donné plus tôt, soit celui d'une personne dont le partenaire fait de l'anxiété et s'inquiète. Je ne porte pas de jugement. Comme je l'ai dit, il y a des gens très proches de moi, des gens que j'adore et que je respecte, qui ont un problème d'anxiété. J'essaie simplement de voir comment les dispositions du projet de loi pourraient s'appliquer. Prenons l'exemple fictif où ma conjointe fait de l'anxiété et que j'ai envers elle un des comportements énumérés, peu importe lequel, par exemple contrôler la façon dont elle s'habille ou menacer de me donner la mort. Évidemment, si elle fait de l'anxiété, elle sera d'autant plus inquiète de ce comportement.
Selon l'alinéa 264.01(2)c) proposé, il faut tenir compte du contexte. N'élargit-on pas encore plus les cas où une infraction serait consommée? On pourrait dire que la personne a eu tel ou tel comportement, par exemple qu'elle a menacé de se suicider, mais que, compte tenu du contexte, c'est-à-dire du fait que son partenaire fait de l'anxiété, il était raisonnable que la personne s'attende à ce que ça affecte psychologiquement son partenaire et que sa sécurité psychologique soit touchée.
Ni vous ni moi ne sommes psychologues, mais, comme aucun expert en psychologie n'est ici pour nous en parler, c'est à vous que je pose la question. Que pensez-vous de ces dispositions? N'élargit-on pas de beaucoup la zone dans laquelle on peut dire qu'un crime a été commis?
Je vais revenir sur ce dont nous avons discuté. Tantôt, M. Moore donnait l'exemple d'un conjoint qui dirait à sa conjointe qu'ils ne sortiraient pas de la maison avant qu'elle ait pris ses médicaments. Cette situation serait considérée comme une infraction. Je comprends que c'est à divers niveaux. Vous nous l'avez expliqué et je suis bien d'accord.
Prenons l'exemple où un individu rappelle à sa conjointe qu'elle doit prendre ses médicaments, sinon c'est dangereux pour sa santé et elle peut en mourir. Il lui dit qu'il l'aime, qu'il ne pourrait pas vivre sans elle et que, si elle ne prend pas ses médicaments aujourd'hui, il va se suicider. Dans ce cas, il commettrait une infraction envers sa conjointe.
Je sais que vous allez dire que c'est un exemple tiré par les cheveux, mais j'essaie de comprendre.
Dans cet exemple, l'individu commet une infraction auprès de quelqu'un qu'il sait être fragile. Sa conjointe fait de l'anxiété et elle refuse de prendre ses médicaments. Son conjoint lui dit que, si elle ne prend pas ses médicaments, la vie n'aura plus de sens pour lui et il se suicidera. Dans ce cas, il commet une infraction. Encore une fois, au lieu de l'envoyer chez le médecin, on l'envoie en prison.
Cela ne vous semble-t-il pas un peu abusif?
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Excusez-moi de vous interrompre, madame Levman, mais le temps file.
Le critère de raisonnabilité dont vous nous parlez, c'est celui qui consiste à déterminer s'il est raisonnable de s'attendre, compte tenu du contexte, à ce qu'il soit possible pour quelqu'un de faire croire à son partenaire que sa sécurité est en jeu. Il n'y a pas de doute à cet égard. Si je dis à ma partenaire de prendre ses médicaments, sinon je me suicide, je le dis parce que je pense que ça va avoir un effet sur elle. Il est donc tout à fait raisonnable, je ne peux pas le nier, que je m'attende à ce que, dans ce contexte, elle pense que ma sécurité est en danger.
Toutefois, les mots que le sous-amendement vise à ajouter au libellé permettront d'évaluer si le geste a été fait pour des motifs raisonnables. C'est une espèce de filet de sécurité qu'on se donne. Dans un cas où, même s'il était tout à fait raisonnable de s'attendre à ce que le comportement d'un individu amène une autre personne à croire que sa sécurité est en danger, si le tribunal juge que ce comportement était fondé sur des motifs raisonnables, ne devrait-on pas l'exempter d'une infraction? C'est un autre niveau de preuve, pour employer votre expression.
Le sous-amendement est‑il adopté?
(Le sous-amendement est rejeté par 10 voix contre 5. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Nous revenons maintenant à l'amendement. L'amendement G‑2 est‑il adopté?
(L'amendement est adopté par 6 voix contre 5. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: L'amendement G‑2 est adopté. Par conséquent, les amendements BQ‑1, BQ‑2, BQ‑3, LIB‑1, BQ‑4, BQ‑5, CPC‑1 et BQ‑6 ne peuvent pas être proposés. Puisque l'amendement G‑2 est adopté, nous allons maintenant mettre l'article 1 aux voix.
L'article 1 est‑il adopté?
(L'article 1 modifié est adopté avec dissidence.)
La présidente: Nous passons maintenant au nouvel article 2 et à l'amendement G‑3.
Un député aurait‑il l'obligeance de le proposer?
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L'amendement G‑3 est‑il adopté?
(L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Nous sommes rendus au nouvel article 3 et à l'amendement G‑4.
(L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Puis‑je regrouper les derniers amendements ou devrons-nous les examiner un à la fois? Ai‑je le consentement unanime?
Des députés: D'accord.
La présidente: Nous sommes saisis des amendements G‑5, G‑6, G‑7, G‑8, G‑9, G‑10, G‑11, G‑12 et G‑13, qui sont tous proposés par M. Maloney.
Merci, monsieur Maloney.
(Les amendements sont adoptés. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Je vais passer à l'amendement G‑14, à propos du titre. Je demanderais à quelqu'un de le proposer.
C'est maintenant fait.
(L'amendement est adopté. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Le titre modifié est‑il adopté?
Des députés: D'accord.
La présidente: Le projet de loi modifié est‑il adopté?
Des députés: D'accord.
La présidente: Allez‑y, monsieur Garrison.