Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 025 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 juin 2022

[Enregistrement électronique]

(1625)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 25e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à la motion adoptée le 8 février, le Comité se réunit pour reprendre son étude des obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres sont présents en personne dans la salle et à distance par l'intermédiaire de l'application Zoom. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
    Pour ceux qui utilisent Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran du parquet, de l'anglais ou du français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
    Avant de présenter les témoins, je tiens à offrir mes condoléances à Mme Neville‑Lake dont le mari est décédé. Au nom de tout le Comité, je lui exprime donc toutes mes condoléances. Elle ne sera pas des nôtres aujourd'hui.
    Pour les témoins qui sont là, je sais qu'il s'agit d'une question très sensible et fort personnelle pour vous, donc prenez votre temps, même si je vais vous demander de respecter la durée de cinq minutes qui est prévue. J'ai deux cartons. J'en brandirai un lorsqu'il vous restera 30 secondes. Lorsque vous serez à court de temps, je vous demanderais de conclure vos remarques. Sinon, je n'aime pas intervenir à moins que ce ne soit nécessaire.
    Puisque la séance commence avec un léger retard en raison de votes et de déclarations de députés à l'intention du leader parlementaire de l'opposition officielle, nous procéderons à deux tours de questions de 45 minutes chacun et tenterons de nous rendre à 18 heures. Je n'ai pas le consentement unanime, mais je devrais l'avoir. Je crois que nous cherchons un remplaçant pour quelqu'un, donc nous devrions pouvoir procéder.
    Pour le premier tour, nous recevons le sénateur Pierre‑Hugues Boisvenu. Merci.
    Nous accueillons également Markita Kaulius, présidente de Families for Justice. Je crois que vous êtes en ligne. Oui. Vous venez de Surrey, si je ne m'abuse. Bienvenue, de la part de ma ville.
    Nous recevons aussi Holly Lucier, parajuriste, ainsi que Jennifer Gold, avocate et directrice du conseil d'administration de la Women's Law Association of Ontario.
    Commençons par le sénateur Boisvenu pendant cinq minutes.
    J'aimerais vous aviser que je devrai partir très tôt, car je dois être au Sénat à 17 heures. Monsieur Lametti est ici. À titre de vice-président de notre comité de la justice, je dois être avec lui à cette heure.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui sur l'étude des obligations du gouvernement fédéral envers les victimes d'actes criminels.
    Comme la plupart d'entre vous le savent, à la suite du viol et de l'assassinat de ma fille Julie par un récidiviste, il y aura 20 ans demain, et à la suite de l'absence de législation à l'époque pour les victimes d'actes criminels et leurs familles, je dédie depuis ma vie à la reconnaissance, à l'amélioration ainsi qu'à la protection de ces droits si durement obtenus afin qu'aucune victime ne puisse un jour se sentir abandonnée par nos institutions fédérales et notre système de Justice.
    La Charte canadienne des droits des victimes, à laquelle j'ai personnellement contribué, a pu être adoptée en 2015 grâce au leadership de M. Stephen Harper. La Charte est essentielle pour la reconnaissance et la protection des droits des victimes.
    J'interpelle les membres du Comité relativement aux améliorations que le gouvernement fédéral doit apporter. Pour cela, j'aimerais aborder un premier sujet, soit le manque de considération envers le poste d'ombudsman des victimes d'actes criminels. Ce poste est actuellement vacant depuis neuf mois déjà, alors que la date de fin de contrat est connue depuis trois ans. En 2017, il a été vacant presque onze mois avant d'être pourvu.
    L'ombudsman joue un rôle crucial au sein des institutions fédérales pour protéger les droits des victimes en s'assurant que le gouvernement s'acquitte de ses responsabilités. Il est aussi une voix médiatique pour les victimes afin que le public canadien puisse être sensibilisé aux nombreux problèmes qui doivent être adressés au gouvernement. L'absence d'ombudsman pour faire entendre la colère et pour dénoncer l'absence du respect des droits des familles de victimes de la tuerie de masse en Nouvelle‑Écosse concernant l'enquête publique en est un exemple.
    Pour éviter que ce scénario se reproduise, l'indépendance de l'ombudsman des victimes d'actes criminels devrait être impérative, et une loi devrait être adoptée dans ce sens afin que l'ombudsman soit dorénavant un agent du Parlement au même titre que l'enquêteur correctionnel, c'est-à-dire l'ombudsman des criminels. Enfin, l'ombudsman devrait être le gardien de la Charte canadienne des droits des victimes et être la seule compétence en matière de traitement des plaintes de victimes d'actes criminels.
    J'aimerais rappeler un fait important, qui appuie mon affirmation. En 2017, le projet de loi C‑343 avait été déposé dans ce sens à la Chambre des communes, et tous les partis l'avaient appuyé, sauf les libéraux, qui s'étaient opposés à ce que le poste d'ombudsman des victimes devienne semblable et égal à celui de l'ombudsman des criminels.
    J'aimerais maintenant aborder un deuxième sujet, soit celui de la révision quinquennale de la Charte canadienne des droits des victimes.
    Malheureusement, et comme vous le savez, la Charte aurait dû être révisée en 2020, et cet autre retard est un signal négatif envoyé aux victimes. Pourtant, le gouvernement a des obligations à respecter depuis 1985, selon la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir.
    Actuellement, la Charte canadienne n'inclut pas tous les droits qui sont définis dans la Déclaration de l'Organisation des Nations unies, ou ONU, notamment les indemnisations et les services que les victimes devraient recevoir, comme l'assistance médicale, psychologique, juridique et sociale.
    Le rapport final sur l'examen du système de justice pénale du Canada paru en 2020 montre que les victimes éprouvent encore beaucoup de difficulté à signaler les crimes à la police par peur d'en subir les représailles ou par crainte que leur cas ne soit pas pris au sérieux. Quand elles se retrouvent à l'intérieur du système de justice, elles sont victimes de manque de compassion et de respect. Voilà toute l'importance de cette révision quinquennale qui permettrait de remédier à ses situations en corrigeant les lacunes de la Charte qui portent préjudice aux victimes.
    Le rapport d'étape ayant trait à la Charte canadienne des droits des victimes, présenté en 2020 par le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, fait état de neuf recommandations spécifiques relativement à la modification de la Charte, dont deux qui devraient être, selon moi, étudiées de façon urgente.
    Premièrement, lorsque les droits des victimes ne sont pas respectés, ces dernières n'ont aucun recours possible devant les tribunaux. Pour remédier à ce problème, la première recommandation du rapport propose de permettre aux victimes d'interjeter appel devant les tribunaux lorsque leurs droits ne sont pas respectés.
    La deuxième recommandation concerne les ordonnances de dédommagement. Il s'agit de la douzième recommandation. Elle vise à permettre aux victimes d'avoir du soutien judiciaire pour obliger les contrevenants à payer le montant de l'indemnisation.
    Enfin, j'aimerais souligner que, depuis 2015, j'attends que le gouvernement du Canada prenne une initiative législative pour améliorer les droits des victimes. Je prends comme exemple le droit à la protection des femmes victimes de violence conjugale.
    Est-il normal, en 2022, alors que des moyens modernes existent pour mieux encadrer le comportement des hommes violents, que ces femmes, quand elles dénoncent, le font au péril de leur vie, alors que le gouvernement encourage les victimes à dénoncer?
    Est-il normal qu'un assassin puisse, même une fois incarcéré, publier sur les réseaux sociaux des photos de lui avec sa victime et que les familles doivent se battre pendant des mois contre ces réseaux sociaux pour qu'ils agissent?
    Voilà où la Charte aurait dû être améliorée si vous aviez la responsabilité de la fonction d'ombudsman des victimes d'actes criminels. Quand je dis « vous », je parle du Parlement canadien.
    En conclusion, mesdames et messieurs les députés, j'ajouterai que, il y a 20 ans, les victimes ont décidé de ne plus rester dans leur prison du silence, de prendre la parole et de n’exiger rien de moins que d'être traitées équitablement, au même titre que les accusés le sont en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
    Les victimes et leurs familles ne veulent pas plus de droits que les criminels. Elles veulent et elles méritent les mêmes droits. Il appartient au Parlement de le reconnaître.
    Je vous remercie.
    Je serai heureux de répondre à vos questions, si le temps le permet.
(1630)

[Traduction]

    Merci, sénateur. Je vous remercie pour votre temps.
    Nous avons ensuite Families for Justice.
    Mesdames Kaulius et Lucier, vous avez cinq minutes à vous partager. Nous vous écoutons.
(1635)
    Merci beaucoup aux membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Merci de me permettre d'être ici aujourd'hui.
    Je m'appelle Markita Kaulius, présidente fondatrice de Families for Justice. Je représente aujourd'hui des milliers de familles canadiennes qui ont perdu des enfants et des proches à cause de conducteurs aux facultés affaiblies.
    Le 3 mai 2011, Kassandra, ma fille de 22 ans, a été tuée par un conducteur aux facultés affaiblies. Ma fille était entraîneuse de balle molle et rentrait à la maison après une partie. Elle était arrêtée à un feu rouge et avait la priorité de passage pour tourner à gauche. Pendant qu'elle attendait que les véhicules passent, une fourgonnette blanche descendait la voie en bordure à toute allure. Le feu devant la fourgonnette était rouge depuis 12 secondes. Sur 500 pieds jusqu'à l'intersection, la fourgonnette a accéléré, quitté le sol en croisant la voie ferrée et percuté le véhicule de ma fille. Elle a été tuée dans une collision catastrophique, la fourgonnette emboutissant violemment le côté conducteur de son véhicule. Kassandra est morte écrasée par 3 000 lb d'acier arrivant sur elle à 103 kilomètres à l'heure. Le conducteur a fui les lieux de la collision. Son alcoolémie était deux fois et demie supérieure à la limite réglementaire au volant.
    Malheureusement, plutôt que de devenir enseignante comme elle le rêvait, ma fille est devenue une autre statistique de la conduite avec facultés affaiblies. Elle a perdu la vie parce qu'un autre conducteur en état d'ébriété a fait le choix délibéré et inconsidéré de boire, puis de prendre le volant. Ma famille et moi sommes depuis condamnées à une vie sans notre fille. Malheureusement, Kassandra a reçu la peine de mort.
    La conduite avec facultés affaiblies est la plus importante cause de décès par négligence criminelle au Canada. Chaque année, elle sème la mort, les blessures, le deuil et la destruction sur son passage. Strictement du point de vue des chiffres, la conduite avec facultés affaiblies a une incidence bien plus grande sur la société canadienne que tout autre acte criminel. En moyenne, de 1 250 à 1 500 personnes sont tuées chaque année au Canada, et des milliers d'autres sont blessées. Du point de vue des décès et des blessures graves entraînant une hospitalisation, la conduite avec facultés affaiblies est manifestement l'acte criminel qui cause les pertes sociales les plus graves au pays.
    Depuis la légalisation de la marijuana en 2018 par le gouvernement fédéral, le nombre d'incidents de conduite avec facultés affaiblies par la drogue a augmenté de 43 %. Le pourcentage de conducteurs canadiens décédés dans un accident de la route affichant un résultat positif au dépistage de drogues dépasse maintenant celui de ceux affichant un résultat positif au dépistage d'alcool.
    La victimisation criminelle est une expérience aussi apeurante que troublante pour des milliers de Canadiens, en plus d'être débilitante. Les effets peuvent aussi se manifester à long terme et être difficiles à surmonter. En plus de souffrir physiquement, affectivement, psychologiquement et financièrement de notre victimisation, nous assumons souvent le fardeau de la complexité du système de justice pénale.
    J'ai parlé à des centaines de familles qui affirment avoir été traumatisées à nouveau après leur passage dans le système de justice pénale. Elles n'ont jamais eu l'impression qu'on répondait à leurs besoins ou qu'on les écoutait, ce qui s'est traduit par un deuil beaucoup plus long. Les personnes qui sont tuées ne peuvent pas s'exprimer, ne peuvent jamais parler du traumatisme qu'elles ont vécu, et leur famille essaie d'obtenir justice pour elles. Les familles attendent des mois, voire des années, avant que la Couronne n'approuve les accusations. On leur impose ensuite de nombreuses procédures judiciaires, qui peuvent demander des années en raison des reports dus à la pénurie de juges et au manque de disponibilité des tribunaux.
    Ensuite, les plaidoyers sont négociés. Très souvent, des accusations sont abandonnées en contrepartie d'une seule. Quand l'accusé se présente enfin au tribunal, ce n'est pas lui qui semble subir un procès, mais plutôt l'enquête, et il a plus de droits que les victimes. Si l'accusé finit par être reconnu coupable, il obtient une peine établie selon les précédents, soit à partir d'autres cas où une peine semblable a été établie. Souvent, ces peines sont si légères que l'accusé retourne dans la collectivité après seulement quelques jours ou quelques mois. Nous avons vu des cas où l'attente du procès avait été plus longue que le temps d'emprisonnement imposé, même quand les infractions étaient graves. Les familles se sentent revictimisées, puisque la dette de l'accusé envers la société est minime.
    Les Canadiens ont commencé à douter non seulement de la sécurité de leur milieu, mais aussi de l'équité et de l'efficacité du système judiciaire destiné à protéger leur personne et leurs biens. Les Canadiens aimeraient que l'on apporte des changements au système de justice pénale. Ils estiment qu'il y a plusieurs problèmes, dont la confiance envers le système judiciaire, le taux de criminalité et la libération conditionnelle. L'accent devrait être mis sur plusieurs aspects du système de justice pénale, plus particulièrement la détermination de la peine et le service correctionnel, de même que l'aide aux victimes.
(1640)
    Les Canadiens croient que le but premier des tribunaux et de notre système de justice pénale est de protéger la société, et que le système devrait avoir un effet dissuasif sur les criminels, qu'il devrait punir les délinquants qui commettent des actes criminels contre la société.
    Malheureusement, ce n'est pas le cas du système de justice canadien actuel. Les délinquants ne sont pas tenus responsables...
    Merci, madame Kaulius. Nous allons essayer d'obtenir une autre partie de votre déclaration avec les questions qui seront soulevées.
    Ensuite, nous avons Jennifer Gold, de la Women's Law Association of Ontario, pendant cinq minutes.
    Je suis la présidente sortante de la Women's Law Association of Ontario, ou WLAO.
    Depuis 1919, la WLAO se consacre à l'habilitation des femmes dans la profession juridique en agissant à titre de représentante collective et en militant pour l'égalité, la diversité et le changement. Nos membres sont actives dans divers secteurs du droit, et nous faisons appel à elles quand on nous demande de soumettre des mémoires.
    J'ai exercé le droit de la famille pendant plus de 20 ans et représente des survivants de violence familiale. En plus de mon travail au sein de la WLAO, je siège au conseil d'Aide juridique Ontario et de Pro Bono Ontario.
    La présidente de notre comité de défense des droits et ma collègue au sein du conseil ne pouvait pas être des nôtres aujourd'hui, mais elle pratique le droit pénal et a participé à la rédaction de ces documents.
    Je m'adresse également à vous à titre d'enfant d'une survivante de violence familiale. Pendant une bonne partie de mon enfance, j'ai vu ma mère subir cette violence. J'ai aussi vu mon père lutter contre la maladie mentale et la dépendance, de même que contre son expérience du racisme à titre d'immigrant.
    Jusqu'à maintenant, vous avez entendu parler des difficultés et des obstacles que rencontrent les victimes d'actes criminels et du soutien inadéquat qui leur est offert. C'est une question de genre, puisque la majorité des victimes sont des femmes, mais mes remarques, aujourd'hui, porteront sur les solutions.
    Dans son étude des obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels, y compris le poste d'ombudsman fédéral à pourvoir et la révision de la Charte canadienne des droits des victimes, ce comité a l'occasion de susciter un changement transformationnel.
    Que vise‑t‑on par ce changement? La WLAO cherche un changement systémique qui vise, de prime abord, à réduire de tels actes criminels et à concrètement servir les victimes et leurs enfants. Une solution ne tenant pas compte de la question dans son ensemble équivaudrait à traiter les symptômes du mal plutôt que sa cause.
    Beaucoup de problèmes sociétaux découlent de problèmes systémiques plus larges. Par exemple, la violence familiale à l'égard des femmes est un symptôme du patriarcat. Dans notre quête de solutions, notre optique doit inclure l'ensemble de la société et les interactions de tout le système de justice de même que les problèmes individuellement. N'empêche que, faute de mieux, nous devons recourir à ces sparadraps pour arrêter l'hémorragie en attendant de vraiment régler le problème.
    Certaines des solutions correspondent d'abord à du soutien pour naviguer dans le système actuel. Le manque de renseignements facilement accessibles pour naviguer dans le système de justice et comprendre les processus fondamentaux est un des problèmes pour les victimes. Parmi certaines des idées pour remédier à la situation, mentionnons l'augmentation des services et du soutien offerts par les services aux victimes et la création d'un programme d'information volontaire, semblable au programme d'information obligatoire pour les cas de droit de la famille qui fournit de l'encadrement aux parties à un litige dans le système judiciaire. Le soutien supplémentaire pourrait comprendre une assistance téléphonique 24 heures sur 24 aux victimes en matière de counselling ou de ressources, ce qui pourrait pallier l'accès limité aux services dans les communautés rurales et éloignées.
    Deuxièmement, financer le counselling pour les victimes, leurs enfants et les survivants touchés par des actes criminels. Quand c'est possible, obtenir le remboursement de ces services auprès de l'accusé.
    Troisièmement, utiliser le système d'aide juridique provincial et le financer afin que les victimes admissibles puissent être représentées. Au lieu d'une représentation complète, des certificats de quatre heures peuvent être remis aux victimes afin qu'elles consultent un avocat et se renseignent sur le processus judiciaire et le droit pénal comme tel. Des fonds supplémentaires pourraient être versés à des programmes d'aide juridique afin que les avocats en droit de la famille puissent poursuivre pour délit de violence familiale. J'ai cité le cas Ahluwalia v. Ahluwalia. Des fonds supplémentaires peuvent être versés aux bureaux d'aide juridique pour aider les victimes à obtenir des dédommagements dans d'autres types de cas.
    Utiliser la technologie pour accroître les services afin que les communications avec les victimes puissent faire l'objet d'un suivi au sein d'un organisme. Par exemple, Pro Bono Ontario utilise le logiciel Salesforce pour assurer le suivi des appels traités par son centre.
    Modifier les articles 6 à 8 de la Charte canadienne des droits des victimes afin que les droits enchâssés dans ces dispositions n'imposent pas le fardeau de la demande de renseignements à la victime. Les victimes sont traditionnellement des groupes marginalisés qui ne sont pas nécessairement à l'aise de faire de telles demandes. De plus, faire porter le fardeau aux personnes traumatisées pourrait ne pas être pratique.
    Rédiger un texte législatif fédéral pour dédommager les victimes d'actes criminels.
(1645)
    Les options qui permettent aux victimes d'avoir une certaine influence sur le processus sont une autre possibilité. Dans le système actuel, les victimes sont vues comme des objets plutôt que le sujet. Afin de remédier à l'objectivation des victimes, la suggestion suivante pourrait fonctionner: d'abord, il y a l'option d'être l'une des parties. Ensuite, on peut permettre à la victime d'opter pour une justice réparatrice, tant pour l'accusé que pour la victime. Enfin, il y a l'augmentation des possibilités dans le processus associé aux programmes de justice restauratrice.
    En ce qui a trait à l'ombudsman fédéral, ce poste devrait être pourvu dès que possible, tout en veillant à mener une recherche adéquate. Ce devrait être un poste inclusif et diversifié.
    J'ai d'autres suggestions de portée générale, des considérations systémiques, mais je constate que mon temps est écoulé.
    Merci.
    Merci, madame Gold.
    Madame Lucier, je pense que nous vous avons demandé de soumettre vos remarques au greffier. Elles y seront consignées, car votre temps a été partagé avec Mme Kaulius, mais les gens peuvent vous poser des questions. Ils sont tout à fait en mesure de le faire.
    Je vais commencer le premier tour de six minutes en donnant la parole à M. Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins d'être venus aujourd'hui. Cette étude visant à trouver des façons d'améliorer les lois canadiennes et les services aux victimes est très importante.
    Je vais vous donner la parole, madame Lucier. Je sais que vous avez préparé quelques observations, et je sais que vous avez un message fort à transmettre. Je vous ai rencontrée dans le passé, et vous m'avez dit qu'au cours des deux dernières années, vous aviez écrit trois déclarations de victime au nom de votre fille.
    La question de la revictimisation des membres de la famille par la procédure a déjà été soulevée par les membres du groupe de témoins. Je vous laisse le soin de répondre à cette question, et peut-être de donner des précisions sur la façon dont la procédure revictimise actuellement les familles. Si vous souhaitez présenter une partie des observations que vous avez préparées, n'hésitez pas à le faire maintenant également.
    Ma fille a été tuée le 15 avril 2018 par un conducteur aux facultés affaiblies. Elle traversait la route sur un passage pour piétons marqué et éclairé et a été heurtée par une camionnette F‑150.
    Le temps qu'il a fallu pour que le délinquant soit finalement condamné a été une torture pour notre famille. La procédure a été longue et fastidieuse. Il a fallu deux ans et demi pour que le délinquant plaide coupable. Un mois après sa condamnation, il a présenté une demande de mise en semi-liberté. Nous avions tout juste survécu à l'audience de détermination de la peine, après avoir attendu deux ans et demi, dans un état de dévastation totale. Nos vies ont été dépouillées de tout ce que l'on peut imaginer. Puis nous sommes arrivés à la condamnation. Il a pris trois ans et demi et un mois plus tard, il a demandé la mise en semi-liberté. J'ai écrit une déclaration de victime pour la condamnation et un mois plus tard, j'en écrivais une nouvelle pour la libération conditionnelle.
    Il n'y a aucun soutien. Les victimes et leurs familles doivent trouver des défenseurs en dehors des procédures judiciaires. Elles doivent trouver des défenseurs et de l'aide auprès de personnes extérieures à nos propres institutions. Les victimes et leurs familles ne reçoivent pas l'aide que reçoivent les délinquants.
    La législation actuelle crée des difficultés injustes pour les victimes et leurs familles, car elles ne sont même pas reconnues comme des victimes d'un crime violent. Nous sommes considérés comme des victimes d'un incident de véhicule motorisé. Ces personnes ne sont pas reconnues comme des victimes d'un crime violent par les tribunaux ou par les services provinciaux d'aide aux victimes. Cette situation cause encore plus de difficultés indues aux victimes et à leurs familles.
    Un projet de loi sur les droits des victimes doit être présenté, afin de reconnaître les dommages et les souffrances qu'endurent les victimes. Il est temps de changer la donne pour les victimes et leur famille. Il est temps de changer la loi et toute la façon dont nous envisageons la conduite avec facultés affaiblies, afin que les familles n'aient plus à vivre ces situations au nom de la justice.
    Je pense que nous pourrions apporter un certain nombre de modifications à notre système, afin d'offrir un meilleur soutien aux victimes et à leurs familles. Dès qu'ils plaident coupables, les accusés — les délinquants — bénéficient de conseils gratuits. Il n'y a pas de conseils gratuits pour les victimes et leurs familles. Nous devons les trouver nous-mêmes. Si vous n'avez pas les ressources nécessaires, si vous avez perdu votre emploi ou si vous n'avez plus les moyens de subvenir aux besoins de votre famille ou de garder un toit au‑dessus de votre tête, vous ne pouvez pas vous payer de séances de thérapie. Cette épreuve ne devrait pas être vécue de cette manière par toutes les victimes. Les familles n'auraient pas à souffrir de la sorte si les services d'aide aux victimes offraient un meilleur soutien.
    Les délais de traitement des affaires par les tribunaux sont inutiles. Si les palais de justice triaient mieux les affaires et si une personne s'occupait des affaires soumises à l'examen de la Couronne, nous serions en mesure de trier les dossiers des palais de justice et de les retirer de la liste des dossiers à traiter. Les tribunaux prennent trop de temps et cela coûte cher aux innocents et aux familles qui attendent.
    Merci de m'avoir accordé votre temps.
(1650)
    Merci, madame Lucier.
    Je vous ai rencontrée, ainsi que Mme Kaulius dans le passé. Je vais laisser l'une ou l'autre d'entre vous répondre.
    Vous avez mentionné certains des soutiens dont les victimes ont besoin et le fait que vous avez constaté que ceux‑ci étaient totalement absents. C'est ce qui vous a amené à créer l'organisation dont vous faites partie aujourd'hui, qui vient en aide à d'autres familles qui vivent des situations similaires.
    Comment le système, dont vous reconnaissez déjà qu'il aide beaucoup les délinquants... Selon vous, de quels types de services les familles des victimes ont‑elles le plus besoin à l'heure actuelle au Canada?
    Je pense que les familles qui traversent les procédures judiciaires ont besoin d'un soutien en matière de santé mentale et d'une aide financière, et que nos droits doivent être reconnus. Je pense que l'aide financière aux familles et le soutien en matière de santé mentale, sans oublier la défense de leur cause, jouent un rôle important. Les services d'aide aux victimes vous indiquent les dates de votre procès, les dates des prochaines comparutions et ce à quoi vous devez vous attendre, mais vous êtes ensuite livré à vous-même. Beaucoup de familles qui se rendent au tribunal sont prises au dépourvu. Elles viennent me voir après. J'ai parlé avec de nombreuses familles, y compris la mienne. Elles sortent du tribunal et ne comprennent pas ce qui vient de se passer. Elles ne comprennent pas la procédure. Elles ne comprennent pas les décisions qui ont été prises et pourquoi elles l'ont été. Personne n'assure un suivi avec elles.
    Je pense que nous avons besoin d'un certain nombre de choses allant du soutien en matière de santé mentale à l'aide financière en passant par une défense adéquate, afin que notre propre institution aide les victimes et leurs familles et que cette aide vienne de l'intérieur et non de l'extérieur. La situation actuelle transmet un message dangereux selon lequel les droits des délinquants sont plus importants et que leur vie a plus de valeur que la nôtre, alors que c'est nous qui vivons cette situation. Nous la vivons.
    Merci, monsieur Moore.
    Madame Dhillon, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui et de partager leurs histoires très douloureuses avec le Comité.
    J'aimerais commencer par poser des questions à Mme Gold.
    Comme vous le savez, la Cour suprême a récemment rendu une décision sur l'intoxication extrême, ce qui a suscité beaucoup d'inquiétude chez les organisations de victimes. La semaine dernière, le gouvernement a déposé un projet de loi en réponse à la décision de la Cour suprême.
    Que pensez-vous de l'action rapide du gouvernement sur cette question?
    Merci.
    Je salue l'action rapide du gouvernement sur cette question. Je suis au courant des décisions rendues dans les affaires R. c. Brown et R. c. Chan. Notre association a assisté à l'interprétation technique de ce projet de loi et, à ce stade, tout ce que je peux dire, c'est que nous approuvons la direction prise par le gouvernement dans ce dossier.
    Je ne croyais pas en une défense distincte pour l'intoxication extrême, alors c'est tout ce que je peux dire pour l'instant. Je dois lire le projet de loi de façon plus approfondie, puisqu'il vient d'être publié.
(1655)
    Merci beaucoup pour la franchise de votre réponse.
    Vous avez également parlé de racisme et de discrimination systémique. Au cours des derniers mois, notre comité a étudié le projet de loi C‑5 et l'a adopté. Ce projet de loi vise à remédier à la surreprésentation des Noirs, des Autochtones et des personnes de couleur au sein du système de justice pénale.
    Certaines personnes nous ont dit que le projet de loi était trop laxiste à l'égard de la criminalité et qu'il allait à l'encontre de la sécurité communautaire et des droits des victimes, des droits constitutionnels et du bon sens en matière de politique pénale.
    Pensez-vous que ce projet de loi permettrait de résoudre le problème de la surreprésentation et qu'il va nécessairement à l'encontre des droits des victimes alors que nous parlons d'essayer de trouver un équilibre entre les deux?
    Je ne peux pas parler du projet de loi en particulier parce que je ne l'ai pas examiné; cependant, en parlant de ces questions de façon plus générale, je dirais qu'il y a des droits pour lesquels nous devons trouver un équilibre.
    Par exemple, un rapport a récemment été établi dans la ville de Toronto concernant la prise pour cible des Noirs et des Autochtones. Ils sont plus susceptibles que les Blancs d'être la cible d'une arme à feu alors qu'ils ne sont pas armés. Je pense que cela explique pourquoi les Autochtones et les Noirs sont surreprésentés au sein de notre système carcéral.
    Cependant, pour ce qui est des victimes, je pense qu'elles jouissent aussi d'un droit garanti par la Charte en matière de sécurité de la personne, qui doit également être pris en compte. Vous parlez ici de questions très importantes, mais je pense que nous devons reconnaître que notre système a des failles en ce qui concerne le racisme systémique, le patriarcat et le fait que nous n'accordons que peu d'attention aux victimes.
    Je ne suggère pas que nous ne financions pas l'aide juridique pour représenter les délinquants ou les accusés. Je suggère simplement que nous fournissions des fonds supplémentaires pour soutenir les victimes et leur donner des moyens de se défendre au sein du système.
    Quelles autres mesures devrions-nous prendre pour aider les victimes?
    J'ai formulé quelques suggestions, mais je n'ai pas eu l'occasion de parler de certains des principaux problèmes systémiques et de leur origine.
    J'aimerais que ce gouvernement s'oriente vers l'éradication de la pauvreté, la mise en œuvre d'un soutien accru pour les personnes souffrant de maladies mentales et de problèmes de santé mentale, l'organisation d'un plus grand nombre de séances d'information et de formation destinées aux magistrats et aux policiers, et l'offre de soutiens à la prochaine génération, la prise en compte des traumatismes intergénérationnels et le renforcement du contrôle des armes à feu, notamment par l'entremise du projet de loi C‑21.
    Je pense que ce gouvernement a l'occasion d'instaurer un changement transformationnel, et nous saluons les mesures prises dans ce sens, que reflètent les projets de loi C‑21 et C‑28, ainsi que les modifications récemment apportées à la Loi sur les juges et au Code criminel, qui exigent que les juges soient formés sur le droit en matière d'agression sexuelle et de contexte social.
    Merci beaucoup.
    Selon vous, d'après ce que contient le rapport qui vient d'être publié, certaines mesures immédiates peuvent-elles être prises pour tenter de résoudre les problèmes de discrimination systémique?
    À quel rapport faites-vous référence?
    À celui dont vous avez parlé, qui a été publié la semaine dernière, sur...
    Oh, c'était celui de la Ville de Toronto. D'accord.
    Je pense que les données sont toujours importantes; ce qui compte, c'est ce que nous en faisons, et j'aimerais donc que des mesures soient prises à cet égard.
    Parfait. Merci beaucoup.
    Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci, madame Dhillon.
    Nous passons maintenant à M. Fortin.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux, moi aussi, remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Le sujet qui nous occupe est important, et leurs lumières nous seront très utiles.
    Madame Gold, le sénateur Boisvenu, qui était ici tantôt et qui a dû nous quitter, proposait que l'ombudsman relève directement de la Chambre des communes plutôt que du ministère de la Justice.
    Le poste est vacant actuellement, mais, une fois qu'il aura été pourvu, serait-il plus efficace s'il relevait de la Chambre des communes?
    Dans un cas comme dans l'autre, pourquoi? Quel est votre point de vue sur cette question?

[Traduction]

    Malheureusement, je ne peux pas répondre à cette question. Le sénateur a dû partir, et il s'agissait de sa proposition. Je ne connais pas suffisamment bien les rouages de la Chambre des communes et du ministère de la Justice pour m'exprimer à ce sujet.

[Français]

    Je vous remercie, madame Gold.
    Parlez-moi de votre propre expérience, en tant qu'avocate et directrice de la Women's Law Association of Ontario, avec la personne qui occupe le poste « d'ombudspersonne », comme on devrait le dire. D'ailleurs, jusqu'à tout récemment, c'était une dame qui occupait ce poste. J'imagine que vous avez eu à faire affaire à l'occasion avec la personne qui occupait cette fonction.
    Le cas échéant, j'aimerais que vous me parliez de ce qui fonctionne bien et de ce qui fonctionne moins bien. Quelle est votre opinion sur ce poste?
(1700)

[Traduction]

    Malheureusement, je ne connais pas personnellement l'ancienne ombudsman. Je n'ai pas eu affaire à elle en ce qui concerne l'association. Je pourrais peut-être parler de manière générale de ce que je pense de cette fonction.
    Il faut d'abord qu'elle soit correctement financée. Elle doit être efficace. Si vous étendez les droits des victimes dans la charte des droits, vous devez prévoir un élargissement correspondant et renforcer les pouvoirs de cette fonction. Vous pouvez écrire toutes ces choses formidables, mais si elles ne sont pas mises en pratique et si elles ne sont pas vécues par les victimes, ce ne sont que des mots.

[Français]

    Je vous remercie.
    Vous constatez que je vous pose mes questions en français. Ce n'est pas que je veuille bouder l'anglais, mais l'une des missions que se donne le Bloc québécois est de s'assurer qu'au Canada, on travaille dans les deux langues officielles. Pour nos électeurs au Québec, il est plus facile de nous faire entendre en français. J'espère que vous n'en prendrez pas ombrage.
    Vous nous avez parlé tantôt des ressources juridiques pour les victimes. Veuillez m'excuser, peut-être s'agissait-il plutôt de Mme Lucier.
    Nous pouvons aisément comprendre qu'une victime d'acte criminel puisse bénéficier des services d'un conseiller juridique — avocate ou avocat, peu importe — et avoir aussi besoin de services psychologiques à l'occasion. C'est une bonne idée.
    Compte tenu de votre expérience à la Women's Law Association of Ontario, avez-vous une opinion sur le panier de services qui devrait être offert aux victimes d'actes criminels?

[Traduction]

    Oui.
    En passant, je suis ravie que vous me parliez en français. Nous sommes dans un pays bilingue qui a deux langues officielles. Vous me donnez l'occasion de me souvenir de quelques notions de français que j'ai apprises au secondaire, alors merci.
    J'ai beaucoup d'idées en ce qui concerne la série de services pour les victimes, mais elles nécessiteraient une participation accrue des services d'aide aux victimes et des régimes d'aide juridique... et aussi, évidemment, le budget nécessaire pour financer ces services. Je pense qu'il est vraiment important de poursuivre la conversation avec les victimes sur la façon dont les ressources sont allouées.
    En tant qu'avocate spécialisée dans le droit de la famille, je représente des survivants de violences domestiques. Comme l'a dit Mme Lucier, ils ne comprennent pas le déroulement de la procédure pénale. Très souvent, en tant qu'avocate spécialisée dans le droit de la famille, je dois les conseiller sur les étapes à venir, sur ce que cela signifie, sur la date à laquelle ils pourront obtenir une décision, sur ce qu'ils doivent faire et sur les personnes avec lesquelles ils doivent communiquer. Ces tâches dépassent le cadre de mes fonctions. Très souvent, je porte aussi la casquette de travailleuse sociale.
    Il s'agit de ressources dont les victimes ont besoin pour s'orienter dans le système, en particulier dans le contexte de la pandémie, alors que les tribunaux connaissent un énorme retard. L'expérience de Mme Lucier est encore pire aujourd'hui. Espérons que cette situation pourra être corrigée grâce à l'octroi de ressources supplémentaires au système judiciaire et aux autres instances.

[Français]

    Le procureur de la Couronne, ou la personne qui poursuit le criminel, entretient-il une relation un peu plus étroite avec les victimes d'un crime?
    Je n'ai jamais pratiqué le droit en Ontario, et vous vous y connaissez mieux que moi. Y a-t-il ce genre de relation-conseil entre les victimes et le procureur de la Couronne?

[Traduction]

    Je pense tout d'abord que cela dépend du procureur de la Couronne, mais selon mon expérience, la relation entre les deux est très limitée, presque inexistante. Il est clairement mentionné à la victime que c'est la Couronne qui gère l'affaire, et elle a très peu voix au chapitre au sujet du processus. Je pense que les discussions avec la victime ont souvent lieu tout juste avant la comparution, car les procureurs sont occupés et débordés. C'est pourquoi les victimes bénéficient de services d'aide tout au long du processus.
    Je ne pense pas que les procureurs de la Couronne aient le temps de s'asseoir avec les victimes, et je ne suis pas certaine qu'ils soient les mieux placés pour le faire. Ils connaissent la loi, mais ce ne sont pas des travailleurs sociaux. Il faut des compétences particulières pour travailler avec les victimes.
(1705)
    Je vous remercie, madame Gold.
    Je vous remercie, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous avez six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens tout d'abord à remercier nos témoins de nous avoir raconté ce qu'elles ont vécu. Je sais qu'il a été dit aujourd'hui que le processus judiciaire constitue pour vous de nouveaux traumatismes, mais nous sommes conscients que c'est ce qui se produit aussi en témoignant aujourd'hui devant le Comité. J'ose espérer que vous avez du soutien pour faire face à ces nouveaux traumatismes qui sont presque inévitables.
    Je pense que personne ici qui n'a pas vécu directement une telle épreuve ne peut comprendre totalement le poids qui en découle, mais je tiens à vous remercier d'essayer de faire en sorte qu'il en résulte des changements positifs. J'ai parlé à des victimes qui m'ont dit qu'une des choses qui les ont aidés à cheminer était le fait de vouloir s'assurer que d'autres personnes n'ont pas à vivre ce qu'elles ont vécu.
    Mes remerciements sont donc très sincères.
    Une des suggestions qu'on nous a faites au cours de notre étude serait de passer d'un système dans lequel les victimes doivent demander l'information à un système où l'information leur serait envoyée obligatoirement. Certains nous ont dit que cela pourrait présenter des problèmes et que certaines victimes pourraient ne pas aimer cela.
    Je vais commencer par Mme Gold, pour des raisons pratiques.
    Croyez-vous que la notification obligatoire pourrait être un problème du point de vue des victimes?
    Non, je ne pense pas.
    Je pense que les victimes peuvent décider d'en prendre connaissance ou non, mais à tout le moins, les gens reçoivent l'information, en particulier ceux issus historiquement de communautés marginalisées, qui pourraient ne pas se sentir à l'aise de communiquer avec le gouvernement ou divers organismes.
    Dans le système du droit de la famille, il existe un programme d'information obligatoire pour les gens en instance de séparation ou de divorce, à tout le moins en Ontario. Je ne vois pas pourquoi les victimes ne peuvent pas bénéficier, sur une base volontaire, d'un programme similaire.
    Je vais poser la même question à Mme Kaulius. Je veux simplement que cela apparaisse au compte rendu. Je pense connaître votre réponse, mais comme certains ont soulevé ces inquiétudes, j'aimerais avoir le point de vue d'organismes de défense des victimes sur un programme d'information obligatoire.
    Je pense que ce serait une excellente nouvelle pour les familles. Les familles ont tant de questions, dont beaucoup semblent ne jamais recevoir de réponse. Je pense que les gens vous diront ce qu'ils veulent, ce qu'ils souhaitent et ce dont ils ont besoin comme information.
    Le fait de ne pas être informés de tout ce qui se passe est encore plus traumatisant pour les familles. Elles veulent seulement être tenues au courant de ce qui se passe et savoir où le système de justice pénale les mènera. Je ne pense pas qu'elles recevront un jour des réponses à tout, mais il faut assurément en faire plus.
    Madame Lucier, avez-vous un point de vue similaire au sujet du programme d'information obligatoire?
    Je crois, oui.
    Pour ce qui est des services aux victimes, je sais qu'on nous appelle pour savoir si nous voulons de l'aide. Beaucoup de familles répondent par la négative, mais elles ne se souviennent pas ensuite avoir eu cette conversation, alors je pense que l'envoi obligatoire d'information serait un fardeau de moins.
    Dans mon cas, je leur ai répondu que je n'avais pas besoin d'aide, et je n'ai absolument aucun souvenir de cette conversation, car c'est arrivé au début. Si l'envoi de l'information est obligatoire et qu'on assure un suivi, je pense que cela répondrait à beaucoup d'inquiétudes qui viennent par la suite.
    Je pense que vous venez de nous donner un point de vue très important sur l'origine de certaines objections.
    Oui.
    Je vous remercie.
    On nous a aussi mentionné, et encore aujourd'hui, le besoin d'aide en santé mentale. La réponse qu'on reçoit parfois est que les victimes y ont accès comme toute autre personne, alors j'aimerais que vous nous parliez de votre expérience. Je ne dis pas que des services particuliers ne sont pas nécessaires, car j'appuierais cette idée, mais j'essaie de réfuter l'idée qu'il est facile pour les victimes d'obtenir du soutien en santé mentale ailleurs.
    Je vais procéder dans l'ordre inverse.
    Madame Lucier, allez‑y, s'il vous plaît.
    Cela n'a pas été facile pour moi.
    En fait, je n'ai commencé à suivre une thérapie que cette année. J'ai passé trois ou quatre ans sans avoir le bon soutien, sans une aide quelconque en santé mentale, ou même sans pouvoir gérer le traumatisme. Mon état étant devenu critique cette année, j'ai fini par participer à un programme communautaire dans mon quartier — dans ma communauté — qui vient en aide aux victimes, mais surtout dans les cas de violence et d'agression sexuelle. J'ai pu, en raison d'un traumatisme passé, obtenir l'aide dont j'avais besoin, mais c'était en raison de ce traumatisme passé, alors que la priorité aurait dû être de recevoir un traitement et de l'aide pour le traumatisme actuel.
(1710)
    Je suis navré d'apprendre que c'est un traumatisme passé qui vous a permis d'avoir de l'aide pour le traumatisme actuel. C'est probablement ce qui se passe trop souvent.
    C'est un fait.
    Madame Kaulius, puis‑je vous poser la même question?
    Dans mon cas, il m'a fallu trois ans pour obtenir une thérapie. Les choses ne se sont pas bien passées avec la première thérapeute, et j'ai dû en trouver une deuxième.
    Lorsqu'un être qui nous est cher est tué par un conducteur en état d'ébriété, on ne sait pas vers qui se tourner. Les familles ne savent pas quoi faire. Tout leur univers vient de s'écrouler, et il semble ne pas y avoir beaucoup de ressources pour elles. C'est ce qui est vraiment triste. Il ne s'agit pas d'un accident d'automobile normal lorsque nos enfants et nos proches meurent de cette façon.
    Quand on conduit avec les facultés affaiblies, c'est un choix que l'on fait. La personne prend une décision irresponsable en choisissant de conduire avec les facultés affaiblies. Ces êtres qui nous sont chers subissent une mort violente. C'est très difficile pour les familles et les parents à accepter. Il n'y a pas de ressources adéquates, ou même de thérapie, pour composer avec ce traumatisme, car peu de gens vont avoir à traverser cette épreuve. C'est déconcertant, car on sait qu'entre 1 200 et 1 500 personnes sont victimes de ce crime chaque année.
    Je vous remercie beaucoup. Mon temps est écoulé.
    Je vous remercie, monsieur Garrison.
    Pour gagner du temps, nous allons ramener la prochaine série de questions en deux séries de trois minutes chacune, si cela vous convient, et nous allons commencer par M. Richards. Vous avez trois minutes.
    Je vous remercie.
    Je vais commencer par Mme Kaulius, et enchaîner sans doute avec Mme Lucier. Vous avez tenu toutes les deux des propos qui m'ont frappé. J'avais déjà entendu des propos semblables, mais ils m'ont frappé en particulier en les entendant de concert avec vos récits très personnels et tragiques. Cela nous arrache le cœur, à tous, j'en suis certain.
    Madame Kaulius, vous avez dit avoir le sentiment que les accusés ont plus de droits que les victimes. Mme Lucier a dit quelque chose de semblable en parlant du fait que les droits des délinquants comptent plus que ceux des victimes. Vous avez précisé votre pensée en parlant des injustices, que ce soit les courtes peines de prison qui ne semblent vraiment pas correspondre à la gravité du crime, ou la complexité et la confusion entourant les procédures juridiques et judiciaires, ou le manque d'information. De nombreux facteurs ont contribué à cette situation.
    Je veux vous donner la chance à toutes deux de répondre — et je crois que vous allez devoir être brèves, malheureusement, en raison du temps qui m'est alloué. Comment se sentent les familles des victimes à ce sujet? Quelles conséquences cela a‑t‑il pour la famille d'une victime lorsqu'elle a le sentiment que l'accusé a plus de droits qu'elle comme victime?
    Madame Kaulius, allez‑y.
    Je peux vous garantir que l'accusé a plus de droits que la victime. Lorsque nous nous présentons au tribunal, on nous autorise à lire une déclaration de la victime. Elle doit être brève, et nous devons la remettre avant le procès, si on a la chance d'en avoir un. L'accusé et l'avocat de la défense peuvent en prendre connaissance avant que nous soyons autorisés à la lire devant le tribunal. Si quelque chose leur déplaît, ils peuvent demander à ce que cela soit supprimé.
    Nous n'avons aucun droit devant le tribunal, et les personnes que nous aimions non plus. Un avocat m'a dit, en gros, que ma fille n'ayant que 22 ans — elle n'était pas mariée et n'avait personne à charge —, aux yeux du tribunal, sa vie n'avait aucune valeur. C'est ce que m'a dit un avocat. J'ai aussi demandé à un avocat de demander une peine de 10 ans parce que ma fille a été assassinée par ce [Inaudible]. Il m'a répondu, en gros, qu'un juge nous rirait au nez et dira que cela n'arrivera pas.
    Quand je dis que les victimes n'ont pas de droit, je le pense sincèrement. J'espère que les choses vont changer, mais c'est la situation actuellement dans notre système de justice pénale.
(1715)
    J'espère aussi que cela va changer, et il le faut.
    Madame Lucier, il ne reste que quelques secondes. Aimeriez-vous ajouter quelque chose sur ce que vous ressentez à ce sujet comme victime?
    Je me suis sentie trahie par ma propre constitution. J'avais l'impression de n'avoir aucun droit. Ma fille et ma famille n'avaient aucun droit, alors que le délinquant, lui, en avait.
    Je veux que vous sachiez que des gens se battent pour vous.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie aussi, monsieur Richards.
    Nous passons maintenant à M. Naqvi pendant trois minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je veux aussi commencer par remercier tous les témoins d'être avec nous et de nous faire part de leurs expériences douloureuses. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je veux aussi vous parler de la question de la déclaration de la victime. Je veux que chacune de vous nous parle très brièvement de son inutilité ou de ses lacunes.
    Selon vous, comment pouvons-nous améliorer cette déclaration pour permettre aux victimes et aux familles de s'exprimer sur les questions devant le tribunal?
    Madame Lucier, pouvons-nous commencer par vous?
    Il s'agit sans doute de l'une des déclarations les plus difficiles à rédiger. On vous demande en gros de rédiger un texte en vous imposant des restrictions sur la façon de l'écrire et le temps dont vous disposez. On tente de condenser ce qu'on a vécu dans une déclaration de la victime. Il y a tellement de règles de rédaction que plus on avance, plus cela devient impersonnel. Il faut que ce soit adapté aux tribunaux, alors ce qu'on entend, ce n'est pas vraiment la déclaration de la victime, car elle a été revue par la Couronne. Elle a été révisée tant de fois qu'elle devient une expérience froide et stérile.
    Je pense que la déclaration de la victime devrait avoir plus de poids au tribunal. Je sais que ce n'est pas possible, mais les victimes y mettent du temps et leur cœur... Elles croient que cela aura une incidence sur la détermination de la peine. Encore une fois, c'est une déclaration qui est mal comprise. On pense écrire pour l'être cher qu'on a perdu et que cela fera une différence, mais tout ce qui compte en fait, c'est la jurisprudence.
    Je vous remercie.
    Madame Gold, avez-vous des commentaires?
    Je trouve préoccupant de voir que la déclaration de la victime est révisée à ce point, et c'est ce que les survivants nous disent.
    Je pense que les victimes ont besoin d'avoir une voix plus forte et d'avoir qualité pour agir dans le processus judiciaire. J'ai parlé de l'option qu'elle devienne des tierces parties. De cette façon, elles pourraient participer plus activement à l'ensemble du processus, du début à la fin, et non pas seulement soumettre une déclaration à la fin qui est révisée.
    Il me reste très peu de temps.
    Madame Kaulius, avez-vous quelque chose à ajouter sur la façon d'améliorer la déclaration de la victime?
    Je souhaiterais sincèrement qu'elles soient prises en considération. La plupart du temps, l'accord de plaidoyer a déjà été décidé, de même que Ia fourchette de peines. Les gens passent des heures et des heures à l'écrire et à la réécrire, et ensuite, elle est lue rapidement. Est‑ce que cela fait une différence? Je ne pense pas que cela influe sur la détermination de la peine. Je ne pense pas, et ce, en raison des peines tellement légères qui sont accordées.
    Pour la mort d'une personne, nous voyons des peines d'un jour de prison, de 90 jours purgés les fins de semaine seulement, d'une amende de 1 500 $ et de sept fins de semaine en prison. Des personnes sont mortes dans tous ces cas. Les peines qui sont données par nos tribunaux sont ridicules. Il semble que personne n'est tenu responsable de ses actes maintenant.
    Les familles subissent un nouveau traumatisme. Non seulement elles ont perdu un être cher, elles vivent la mort d'un être cher, mais en plus, elles passent par le système judiciaire pour se rendre compte que les responsables reçoivent des peines très légères. Ce qu'on dit essentiellement aux familles, c'est que leurs êtres chers n'ont vraiment aucune importance aux yeux du système de justice pénale canadien.
    Je vous remercie, monsieur Naqvi.
    Je vous remercie, madame Kaulius.
    Cela met fin à la rencontre avec notre premier groupe de témoins.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes, et nous allons poursuivre avec le deuxième groupe. Ceux qui sont en ligne peuvent demeurer en ligne ou fermer leur caméra, mais nous allons procéder au changement rapidement.
    Je vous remercie.
(1720)

(1720)
    La séance reprend.
    Nous accueillons deux témoins pour la prochaine heure: Emilie Coyle, directrice exécutive de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, ainsi que Jaymie‑Lyne Hancock et Steve Sullivan, qui représentent Les mères contre l'alcool au volant.
    Je donne les cinq premières minutes à Emilie Coyle.
    Merci encore au Comité de m'avoir invitée aujourd'hui.
    Comme vous le savez probablement déjà, puisque j'ai déjà comparu ici, l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry s'efforce de remédier à la déshumanisation et à l’exclusion sociale persistantes des femmes et des personnes de diverses identités de genre criminalisées.
    Nos bureaux centraux sont situés sur le territoire non cédé et non restitué des Algonquins Anishinabe, dans ce qui est connu sous le nom colonial d'Ottawa.
    Je voudrais commencer par énoncer l'évidence. Ce n'est pas un sujet facile à aborder, et je n'ai pas besoin de vous dire à tous qu'il est à la fois nuancé et complexe. Être victime de certains types de préjudices, c'est être suivi d'une angoisse et d'un chagrin qui ne disparaissent pas.
    Notre famille a une expérience directe de la douleur que l'on qualifie ici de victimisation. Ma cousine a été assassinée de manière horrible et violente ici à Ottawa, et plus de 10 ans après sa mort, nous sommes toujours affectés par sa disparition de nos vies.
    Dans le cadre de mes fonctions actuelles de directrice générale d'une organisation nationale qui travaille avec des personnes incarcérées dans les prisons fédérales pour femmes et en leur nom, je suis parfaitement consciente que leurs histoires et leurs vies ne cadrent pas très bien avec la définition de la victime pas plus qu'avec celle de l'agresseur, car elles sont souvent les deux à la fois, si bien qu'elles ne sont pas considérées comme des victimes modèles ou parfaites. Elles sont pauvres. Elles souffrent de troubles mentaux. Elles ne sont pas blanches. Elles ont été maltraitées par les autres et par les systèmes toute leur vie, en ayant bien peu de recours. Elles ont survécu à de nombreuses violences et ont rarement, voire jamais bénéficié de soutien ou d'une thérapie pour les préjudices qu'elles ont subis.
     Lors d'une conversation avec la directrice exécutive d'une société Elizabeth Fry locale, au sujet de l'offre de soutien thérapeutique aux personnes qui utilisent ses services, elle m'a demandé: « Par où commencer quand les incidents de victimisation sont si nombreux? »
     Le mythe selon lequel il existe une distinction binaire claire entre la victime et l'agresseur est toujours présent dans le travail que nous faisons. La plupart des personnes incarcérées ont vécu des traumatismes importants dans l'enfance et à l'âge adulte. Par exemple, selon les recherches du Bureau de l'Enquêteur correctionnel, au moins la moitié des détenus des prisons fédérales ont été victimes d'abus physiques, sexuels et/ou émotionnels pendant leur enfance, et ces chiffres sont encore plus élevés dans les prisons réservées aux femmes.
    En alimentant un discours qui dépeint un faux rapport binaire entre ceux qui vivent de la violence, nous favorisons un système et une culture qui ne se fondent pas sur une analyse éclairée ou responsable du préjudice. Par exemple, et c'est un point essentiel pour nous, la majorité des crimes commis dans la rue sont infligés par des pauvres à d'autres pauvres. La solution n'est pas d'incarcérer ces personnes dans un endroit violent comme une prison. La solution serait de veiller à ce qu'il n'y ait plus de pauvres en éradiquant la pauvreté.
    L'ACSEF constate que ce faux rapport binaire, dans le discours, a bien des conséquences négatives, l'une des plus importantes étant le manque de compréhension dans le système judiciaire, de l'inculpation au procès, à la condamnation et à la libération conditionnelle, qui peut créer de fausses attentes pour les victimes inscrites. J'ai vu des personnes qui ont assisté à une audience de libération conditionnelle et qui ont assimilé à tort le refus de la libération conditionnelle à la justice et l'octroi de la libération conditionnelle à l'injustice, sans comprendre vraiment la raison pour laquelle la personne détenue se voit accorder la libération.
    Deuxièmement, il faut garantir la sécurité et le bien-être des personnes qui ont purgé leur peine de prison et ont réintégré la société, mais qui ont des victimes inscrites qui surveillent activement leur vie. Bien souvent, les personnes qui sortent de prison s'installeront dans une nouvelle région géographique en raison des conditions de leur libération conditionnelle ou par choix, même si cela signifie qu'elles doivent vivre dans des endroits où elles ont peu ou pas de soutien communautaire, où leur marginalité sociale est accrue et où elles courent le risque réel d'être revictimisées et réincarcérées, ironiquement.
    Enfin, il faut remettre en question la prévalence d'un certain discours de « répression du crime » selon lequel un système punitif assure la sécurité de tous, alors que le contraire s'avère à répétition. Les données probantes canadiennes et mondiales portent plutôt à conclure que la punition et l'incarcération sont néfastes pour les personnes, les communautés et la société, et que ce modèle ne réduit ni ne résout la criminalité.
(1725)
     Il est nécessaire que la personne assume la responsabilité des préjudices subis, mais nous n'avons vraiment qu'un seul critère de responsabilité au Canada, à savoir la durée de la peine d'emprisonnement. C'est tout à fait inadéquat et cela contribue aux sentiments d'impuissance et de désespoir qui sont si souvent exprimés par les personnes qui ont subi un préjudice.
    Dans notre système accusatoire, il n'y a pas de place pour qu'une personne puisse exprimer ses remords et son désir de se racheter. Dans notre système accusatoire, nous nous concentrons uniquement sur la punition et non sur le potentiel transformateur de la guérison et, le cas échéant, de la réhabilitation. Dans notre système accusatoire, il y a vraiment très peu de chances de guérison.
    C'est pour cette raison que la tâche la plus importante ici est d'examiner les moyens d'éviter que les gens soient victimes de préjudice. Chose certaine, j'aimerais que ma cousine soit toujours vivante avec nous. Nous devons investir dans des communautés qui créent un monde qui s'attaque aux racines profondes de la violence et du mal.
    Merci beaucoup.
(1730)
    Merci, madame Coyle.
    Nous entendrons maintenant le témoignage des Mères contre l'alcool au volant.
     Je m'appelle Jaymie‑Lyne Hancock, et je suis présidente nationale de MADD Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui de Steve Sullivan, notre directeur des services aux victimes.
    C'est moi qui ferai la déclaration préliminaire, après quoi M. Sullivan m'aidera à répondre aux questions.
    Au nom de MADD Canada, de nos bénévoles et de nos membres, ainsi que des victimes et des survivants de la conduite avec facultés affaiblies, que nous soutenons, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Comité dans le cadre de son important travail concernant l'obligation du gouvernement envers les victimes de crimes.
    MADD Canada est un organisme de bienfaisance dont la mission est de mettre fin à la conduite avec facultés affaiblies et de soutenir les victimes de ce crime violent. Chaque année, des centaines de Canadiens sont tués et des milliers d'autres sont blessés dans des collisions liées à la conduite avec facultés affaiblies. Des familles, des amis et des communautés sont profondément et définitivement éplorés par chacun de ces accidents.
    Ma famille n'en connaît que trop bien les effets. Le 21 août 2014, mon frère D.J. quittait une séance d'essai pour joindre une équipe de hockey junior A lorsqu'il a été frappé de plein fouet par un conducteur aux facultés affaiblies. Nos parents étaient présents à l'essai et ont pris la route quelques minutes à peine après D.J. Ils sont arrivés sur les lieux de l'accident et ont trouvé leur fils coincé dans sa voiture. D.J. est mort une heure plus tard. Il était toujours coincé dans sa voiture, et mes parents ont été témoins de tout cela. Depuis, chaque jour, nous ressentons la douleur et le chagrin d'avoir perdu D.J. d'une manière aussi insensée. Cela n'aurait pas dû se produire.
    MADD Canada est le seul organisme national de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies qui offre un soutien direct aux victimes et aux survivants. Nous organisons des groupes de soutien mensuels en ligne. Nous tenons une conférence annuelle pour les victimes et les survivants. Nous offrons aux gens des occasions importantes de commémorer leurs proches, par des monuments, des hommages en ligne et des panneaux routiers commémoratifs.
    Bien que ces audiences soient axées sur le gouvernement fédéral, il faut reconnaître que la plupart des services et des droits en la matière relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Il est important que le Comité comprenne que les victimes et les survivants de la conduite avec facultés affaiblies ne bénéficient souvent pas du même niveau de services que les victimes d'autres crimes violents. En fait, à certains endroits, la conduite avec facultés affaiblies est considérée comme une circonstance tragique, et les victimes et les survivants d'accidents liés à la conduite avec facultés affaiblies peuvent être exclus des mandats de services et des programmes pour les victimes financés par le gouvernement.
    Bon nombre des personnes qui s'adressent à MADD Canada ne se sont pas vu offrir de services. On leur a dit que les services aux victimes ne pouvaient pas grand-chose pour elles ou qu'elles ne répondaient pas aux critères des programmes. C'est particulièrement vrai pour les personnes blessées dans des collisions. En 2021, MADD Canada a tenu des tables rondes virtuelles pour discuter des droits des victimes, et la chose qui revenait le plus souvent était le manque de services, ou le manque de services utiles.
    On parle rarement du coût pour les victimes lorsqu'elles exercent leurs droits. La préparation d'une déclaration de la victime peut être un processus douloureux et difficile. Le fait d'assister à de nombreuses audiences de tribunal ou de libération conditionnelle peut revictimiser les gens. Cela ne veut pas dire qu'il faudrait limiter les droits pour autant, mais il faut reconnaître que l'octroi de droits ne représente que la moitié de notre responsabilité. Il est tout aussi important, sinon plus, de fournir un soutien.
    Le gouvernement fédéral n'est directement responsable que du système correctionnel et du système de libération conditionnelle, en plus de certains programmes de financement direct. Malgré la portée limitée de ce rôle, nous pensons que le gouvernement fédéral pourrait en faire davantage pour renforcer la législation fédérale et les services de soutien. Les demandes de financement non sollicitées ne sont pas acceptées au titre du Fonds d'aide aux victimes du gouvernement fédéral. Nous avons essayé de demander de l'aide pour notre conférence nationale 2022 pour les victimes de la conduite avec facultés affaiblies, comme nous l'avions fait dans le passé, mais on nous a dit que les nouvelles demandes n'étaient pas acceptées. C'était avant le début du présent exercice financier.
    Nous demandons au Comité de formuler une recommandation pour que le gouvernement fédéral augmente le soutien financier offert au titre de ce fonds, afin que des services non gouvernementaux comme le nôtre aient accès à de l'aide pour fournir des services désespérément nécessaires. Notre conférence ne ressemble à rien d'autre au pays. Nous réunissons 250 victimes et survivants de tout le pays pour un week-end de réflexion, de conférences et de réseautage. Il n'y a pas de mots adéquats pour décrire l'incidence et l'importance de cette conférence dans un temps aussi limité. Je peux seulement vous dire que mes parents et moi avons été très reconnaissants d'avoir participé à cette conférence après la mort de D.J. Cela a été d'une aide et d'un réconfort incroyables pour nous.
    Nous croyons que la législation fédérale, notamment le Code criminel, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Charte canadienne des droits des victimes, pourrait être renforcée pour tenir compte des besoins et des préoccupations des victimes et des survivants. Par exemple, on devrait accorder plus d'attention à la santé mentale des victimes et des survivants lorsque les délinquants sont remis en liberté dans la même communauté. De plus, le Code criminel devrait être modifié afin que les victimes et les survivants soient avisés au préalable de toute négociation de plaidoyer et que les juges soient tenus de tenir compte des déclarations des victimes dans leurs décisions de détermination de la peine.
    Nous sommes impatients de participer à l'examen de la Charte canadienne des droits des victimes. Nous soulignons que la loi adoptée en 2015 prévoyait un examen dans les cinq ans et que cette échéance est largement dépassée.
(1735)
    Nous nous réjouissons de répondre à toutes les questions que vous pourriez nous poser.
    Merci.
    Merci, madame Hancock.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions.
    Je vais commencer par M. Maguire, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui pour leurs excellents exposés, qui nous informent des situations auxquelles ils sont confrontés personnellement et de leurs expériences, au sein de leurs organisations, quant à la façon de... Par-dessus tout, vous nous aidez à trouver des solutions et à recueillir de meilleures informations que par le passé.
    Je voudrais commencer par dire, à vous comme aux témoins précédents, d'ailleurs, puisque je n'ai pas eu l'occasion de le faire avant, que je comprends le genre de traumatisme que vous vivez. Certains d'entre vous ont parlé d'événements remontant à 10, 15 et 20 ans. Cela fera 45 ans cet automne que j'ai perdu mon oncle d'un accident avec délit de fuite. Il a été tué sur le coup. Ce traumatisme ne quitte jamais la famille. Je le sais de mes relations avec mes cousins, qui se sont retrouvés sans père à ce moment‑là, et sans nouveau grand-père également.
    Je m'adresserai d'abord à Mme Hancock ou à M. Sullivan. La perception publique du système de justice canadien nous préoccupe, sur la Colline du Parlement. C'est le sujet de discussion par les temps qui courent. Je me demandais si vous pouviez nous faire part de la perception du système de justice parmi les personnes et les familles à qui Les mères contre l'alcool au volant viennent en aide.
    Vous aidez un très grand nombre de victimes. Quelle est, selon vous, leur perception des problèmes? Le groupe de témoins précédent en a nommé quelques-uns. Quelles sont leurs perceptions du système de justice actuel?
    Je ne pense pas que ce soit très différent de ce que vous avez entendu de la part des témoins précédents. Beaucoup de familles avec lesquelles nous travaillons et à qui nous venons en aide estiment que la conduite avec facultés affaiblies n'est pas prise aussi au sérieux qu'elle devrait l'être, compte tenu du traumatisme qu'elles subissent.
    Nous travaillons avec des personnes qui ont perdu leurs enfants, leurs parents et, dans le cas de Jaymie-Lyne, leur frère. Nous travaillons également avec des personnes qui ont subi des blessures qui ont changé leur vie. Elles ne pourront plus jamais travailler. Elles ont changé leur façon d'être parent. Leur vie entière a changé en raison de leurs blessures.
    Je pense qu'elles ont aussi le sentiment que les services... Je pense surtout aux personnes blessées ici, en Ontario, par exemple... Elles ne sont pas admissibles aux services du système judiciaire, à notre programme d'aide aux victimes et aux témoins. Nous entendons la même chose partout dans le pays. Elles ne reçoivent pas le même genre d'aide que les autres victimes de crimes violents...
    Je ne prétends pas non plus que les autres victimes obtiennent tout ce qu'elles devraient, mais il y a certainement un sentiment que les traumatismes et la souffrance qu'elles vivent ne sont pas pris au sérieux par le système judiciaire autant qu'ils devraient l'être.
    Avez-vous quelque chose à ajouter à cela, madame Coyle?
    Si je pense aux personnes qui ont été tuées par un conducteur en état d'ébriété, je n'en ai pas l'expérience personnelle, avec les personnes avec qui nous travaillons. Cependant, je dois dire que je suis de tout cœur avec toutes les personnes qui ont pris la parole ici aujourd'hui.
    Si vous ne recevez pas l'aide dont vous avez besoin, j'espère que vous la recevrez et que l'on vous écoutera.
    Merci.
    Je vais revenir à Mme Hancock. Vous avez mentionné d'aider à renforcer les provinces. Selon vous, quelle serait la meilleure façon pour le gouvernement fédéral d'aider les provinces à répondre aux besoins des familles et des victimes?
    Monsieur Sullivan, vous oeuvrez dans les services aux victimes, comme votre titre l'indique.
    Je suis désolée. Je vais demander à quelqu'un d'autre de répondre à la question.
    Merci.
    Je suis désolé.
    Comme Mme Hancock l'a mentionné, nous parlons des droits des victimes et des services aux victimes ici. Ces services sont en grande partie assurés par les provinces et les territoires.
    Quand on regarde la façon dont ces services sont financés, c'est par l'entremise des suramendes compensatoires prévues dans le Code criminel, ou par l'entremise des suramendes provinciales pour les infractions au Code de la route. C'est là qu'ils obtiennent la majeure partie de leur financement.
    Dans certaines provinces, c'est la majorité du financement. Il ne provient pas de l'argent des contribuables. Les gouvernements n'ont pas à prendre de décisions difficiles en matière de financement des services aux victimes. Il s'agit en fait de ce que nous pouvons obtenir des délinquants. Si le message aux victimes est que nous nous soucions d'elles, je ne pense pas que ce soit une très bonne façon de le montrer.
    Je sais que le gouvernement fédéral fournit un certain financement pour les programmes, les projets et ce genre de choses. De toute évidence, l'augmentation de ce financement est un aspect à examiner. Cependant, il s'agit souvent d'un financement à court terme: « Essayez ce projet. Essayez ce financement. C'est pour trois ans. » C'est ce genre de situation.
    C'est une discussion en cours sur ce que le gouvernement fédéral peut faire pour aider à financer ces services, mais, au final, je pense que c'est une décision que les provinces et les territoires doivent prendre.
(1740)
    Madame Coyle, vous avez mentionné que c'est la pauvreté... la santé mentale et la violence, alors par où commencer? Quelle serait votre première solution, d'un point de vue fédéral? Je comprends ce que M. Sullivan vient de dire au sujet de la responsabilité provinciale, comme nous le savons.
    Où le gouvernement fédéral peut‑il le mieux aider dans ces secteurs?
    Il pourrait s'agir de financer les services essentiels, les soins de santé, les soins de santé mentale et d'envisager un revenu de base universel pour éradiquer la pauvreté. L'un des intervenants précédents a certainement mentionné le patriarcat et certaines des façons dont les gens sont lésés — en particulier les femmes et les personnes de diverses identités de genre avec lesquelles nous travaillons — par les systèmes qui sont à la fois racistes et sexistes. Par conséquent, le financement est toujours bien accueilli.
    Il s'agit également d'examiner certaines des façons systémiques constantes dont les gens sont exclus de la communauté, afin de pouvoir les y réintégrer.
    Il vous reste 10 secondes, monsieur Maguire.
    Merci du temps. Je vais passer mon tour.
    Merci aux témoins.
    Merci, monsieur Maguire.
    Nous allons maintenant entendre Mme Brière, pour six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais adresser mes questions à Mme Coyle.
    Madame Coyle, dans vos remarques d'ouverture, vous avez dit qu'il était important que les victimes et les contrevenants se sentent protégés.
    Selon votre expérience, êtes-vous en mesure de nous dire si le système actuel protège adéquatement les victimes et les contrevenants devant les tribunaux, par exemple?
    Au Québec, nous avons le réseau des Centres d'aide aux victimes d'actes criminels, ou CAVAC. Ce sont 17 centres dont les équipes multidisciplinaires ont pour mandat de venir en aide aux victimes et à leur famille. Selon les membres de ce réseau, il n'y a pas assez de services en place pour assurer cette protection.
    Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Il n'y a certainement pas assez de services pour les victimes et les survivants.
    Les personnes avec lesquelles nous travaillons — et je répondais justement à cette question dans la question précédente — sont souvent tellement exclues de la communauté qu'elles ne recherchent pas ces services. Elles ne pensent pas que ces services s'appliquent à elles. Ce sont des personnes qui ont été criminalisées et qui ont passé du temps en prison, qui ont continuellement été incarcérées, alors elles ne se considèrent pas comme des personnes qui méritent ce soutien.
    Je pense que si nous pouvions changer une partie de ce discours, cela aiderait grandement.

[Français]

    Pensez-vous qu'une personne mieux protégée serait plus encline à participer au processus judiciaire, étant donné qu'elle n'aurait pas à s'inquiéter de subir de l'intimidation ou un préjudice, par exemple?

[Traduction]

    Oui. Je pense que nous devons aussi être conscients du fait que, comme beaucoup de personnes ici l'ont dit, le système judiciaire est déroutant du début à la fin. Même pour les personnes qui ont reçu une formation en droit, il est vraiment difficile de comprendre ce que quelque chose signifie à certains moments du système. Il est certain que si quelqu'un disposait de ce soutien — un soutien adapté à la culture, au sexe et au contexte des personnes concernées —, ce serait très utile.
    Même pour les personnes qui ont des diplômes et qui sont assises à cette table devant vous aujourd'hui, c'était encore un défi. Pour d'autres personnes qui sont plus marginalisées, c'est encore plus difficile.

[Français]

    Est-ce pire pour les femmes?

[Traduction]

    Le genre fait certainement partie des identités intersectionnelles d'oppression que les gens ressentent.
(1745)

[Français]

    Comment faire alors pour uniformiser l'accès à toutes ces sources d'information et à tous les services qui existent?

[Traduction]

    C'est une grande question. Je pense que ce que vous avez mentionné précédemment est probablement un bon début. Examinez les organismes communautaires locaux qui travaillent avec les personnes les plus marginalisées et essayez de leur fournir des ressources adéquates pour qu'elles puissent apporter le soutien nécessaire.
    De toute évidence, nous voulons éviter que les gens soient victimes dans un premier temps. Tout cela est réactif, mais nous voulons faire beaucoup de travail en amont dans la mesure du possible.

[Français]

    Je vous remercie.
    Dans un autre ordre d'idées, en ce qui concerne l'accès à l'information, pensez-vous que les avocats de la défense ont trop facilement accès aux dossiers des victimes?
    Y a-t-il quelque chose à faire à ce sujet pour protéger les victimes?

[Traduction]

    La réponse très compliquée et « juridique » que je vais malheureusement donner est « cela dépend », car cela dépend toujours de la situation et du scénario.
    J'ai été avocate de la défense en droit criminel, et les gens que j'ai représentés sont ceux qui, dans les prisons, ont eux-mêmes été victimes. Il est donc vraiment difficile de vous donner une réponse directe sans avoir un dossier précis sous les yeux.

[Français]

    Je vous remercie.
    On nous a dit que la justice réparatrice avait vraiment un effet positif sur les contrevenants et les victimes.
    Selon vous, est-ce possible d'assurer la sécurité des victimes tout en favorisant la réinsertion sociale des contrevenants?
    J'aimerais que votre réponse soit axée plus particulièrement sur les femmes et les communautés racialisées.

[Traduction]

    Je pense que c'est possible, avec le consentement de la personne survivante et victime de ce qui s'est passé. Si elle consent à participer à ce type de processus de justice réparatrice, c'est une très bonne méthode de résolution et de guérison.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, madame Brière.
    Je vais céder la parole à M. Fortin pour six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Sullivan, madame Hancock et madame Coyle, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
    Madame Coyle, j'ai bien écouté votre témoignage. Le manque de services est évidemment un problème récurrent. On ne se le cachera pas. D'ailleurs, tous les témoins le répètent.
    Selon ce que je comprends, il faudrait offrir des services de consultation juridique afin de permettre aux victimes de mieux comprendre ce qui se passe. Souvent, les services de psychothérapie, entre autres services, peuvent les aider à surmonter ces événements négatifs.
    J'aimerais que vous nous parliez des différences qui existent en matière de services dans les provinces.
    Les problèmes qui se posent au Québec sont-ils sensiblement les mêmes que ceux soulevés en Colombie‑Britannique, en Ontario ou ailleurs?

[Traduction]

    La réponse simple est non. Cela varie beaucoup d'une province à l'autre. Le Québec est une province très intéressante, surtout pour les personnes qui sont criminalisées. Elles ont accès à des avocats spécialisés dans les affaires carcérales. Ils ont accès à des soutiens que nous ne voyons pas autant dans les autres provinces.
    Il y a certainement l'aide juridique, qui fournit un certain soutien en Ontario et en Colombie-Britannique, mais si vous allez dans les Prairies, il y a très peu de soutien. Je pense que, de façon générale, la situation est très différente d'une province à l'autre.

[Français]

    La plupart des témoins nous ont dit que les victimes, ou les représentants des victimes, si elles sont décédées, aimeraient participer à certaines décisions.
    Je ne me rappelle plus si c'est vous, madame Coyle, ou un autre témoin qui a parlé des fameuses négociations de plaidoyers, lorsque la Couronne négocie avec la défense, par exemple, au sujet de la peine qui sera infligée.
    Je me suis souvent demandé si ce serait une bonne idée que les victimes ou leurs représentants participent automatiquement à tous les procès criminels. On m'a dit que ce ne sont pas toutes les victimes qui souhaitent participer au procès. Certaines préfèrent ne pas y participer et d'autres admettraient cette idée.
    Avez-vous des statistiques à ce sujet? Selon vous, les victimes souhaitent-elles, pour la plupart, participer au procès ou préfèrent-elles rester en dehors du procès, du mécanisme judiciaire?
(1750)

[Traduction]

    Je n'ai pas de données sous la main, si ce n'est le nombre de personnes actuellement enregistrées comme victimes, qui est assez faible par rapport au nombre de crimes ou de peines. Je pense que nous constatons non pas un manque d'intérêt, mais un manque de volonté de revenir sur le traumatisme en participant aussi pleinement au procès criminel.
    Je pense également que c'est difficile pour les personnes qui ne comprennent pas les processus que j'ai mentionnés précédemment. La négociation de plaidoyers est une forme de droit très particulière. Lorsqu'on y participe, il faut vraiment comprendre les tenants et aboutissants de ce que les gens envisagent. C'est difficile pour les victimes. Les personnes avec lesquelles je travaille sont déjà exclues de tant de considérations du système judiciaire que, comme je l'ai dit précédemment, elles n'envisagent pas de se prévaloir de ces soutiens.

[Français]

     En matière de services, ces gens ont besoin de soutien, notamment psychologique, ce qui se comprend. Ils ont aussi besoin de conseils pour mieux comprendre le procès.
    L'issue d'un procès, la condamnation ou l'acquittement d'un accusé, la durée de la peine, le cas échéant, tout cela a-t-il une telle importance pour la convalescence des victimes sur le plan de la santé mentale?
    À votre avis, les victimes sont-elles vraiment toutes préoccupées par la peine qui sera infligée à l'accusé ou cette préoccupation est-elle plutôt secondaire?
    Les services d'aide et le soutien psychologique ne sont-ils pas plus importants pour les victimes à certains moments?

[Traduction]

    D'après mon expérience avec les personnes avec lesquelles nous travaillons, parce qu'elles purgent une peine de prison pour préjudice, je pense que nous avons — et je l'ai dit dans mes remarques — l'occasion d'examiner comment nous déterminons les responsabilités dans ce pays. Qu'une peine de prison soit de 5 ou de 10 ans, si une personne n'est pas en mesure de guérir parce qu'elle ne dispose pas du soutien psychologique ou thérapeutique nécessaire, la durée de la peine n'a aucune importance.

[Français]

    Monsieur Sullivan, il ne me reste pas beaucoup de temps de parole, alors je serai bref.
    Selon vous, parmi les services dont devraient bénéficier les victimes, lequel est le plus important, le soutien psychologique ou l'aide judiciaire?

[Traduction]

    Ce qui est caractéristique de la conduite avec facultés affaiblies, c'est que dans la plupart des provinces, les victimes de la conduite avec facultés affaiblies ne sont pas admissibles aux programmes d'indemnisation parce que leur dernier recours... De nombreuses victimes de la conduite avec facultés affaiblies ont accès à des assurances et à des règlements. Elles peuvent parfois obtenir ce genre de soutien grâce à leurs prestations d'assurance, mais de toute évidence, comme tout le monde, elles sont dans de longues files d'attente pour avoir accès à une aide professionnelle.
    Je dirais que c'est incroyablement important. Lorsque nous parlons avec des victimes et des survivants pour la première fois, nous leur demandons s'ils ont accès à cette aide. Parfois, c'est le cas, d'autres fois, ils ont du mal à trouver cette aide, mais c'est incroyablement important.
    Merci, monsieur Sullivan.
    Merci, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens encore une fois à remercier les témoins de nous faire part de leurs histoires personnelles et de revivre ces traumatismes.
    Je vais dire quelque chose d'inhabituel en tant que député et dire que j'ai encore appris deux ou trois choses aujourd'hui. Je suis consterné de constater que les victimes de conducteurs avec facultés affaiblies sont exclues des services aux victimes dans de nombreux cas. J'ai travaillé longtemps dans le système de justice pénale, mais surtout au niveau fédéral, et je comprends que le système est en grande partie provincial.
    Je me demande si, monsieur Sullivan, vous avez une suggestion à nous faire ou s'il y a quelque chose que nous pourrions faire au niveau fédéral pour essayer de régler la question de cette exclusion.
    Je ne sais pas ce que vous pourriez faire au niveau fédéral. Vous savez que nous avons la Charte canadienne des droits des victimes, mais chaque province et chaque territoire a sa propre charte des droits des victimes et finance ses propres services, qui sont très différents d'une province à l'autre, de sorte qu'ils décident qui est admissible à quels programmes.
    Il y a plusieurs décennies, je sais que le gouvernement fédéral avait l'habitude de conclure une entente de partage des coûts avec les provinces pour les indemnisations, selon laquelle « nous financerons ceci si vous faites cela ». Ce pourrait être une solution, mais au final, les provinces varient, et certaines reconnaissent les victimes de la conduite avec facultés affaiblies et d'autres, non.
    Certains les reconnaissent comme des victimes de circonstances tragiques. Venant d'un organisme communautaire d'aide aux victimes en Ontario, je sais que la façon dont les victimes sont définies est pertinente pour votre financement. Si ces victimes franchissent votre porte, vous pourriez obtenir plus de financement; si ces autres victimes franchissent votre porte, vous pourriez obtenir moins de financement. Ce sont des choses vraiment importantes, mais elles sont toutes provinciales et donc, au gouvernement fédéral, je pense que l'effet de levier est évidemment le financement.
(1755)
    Merci de cette importante suggestion.
    Madame Coyle, je pense que vous avez soulevé un point de vue important sur les victimes en soulignant qu'il n'y a pas toujours de ligne de démarcation, en particulier lorsqu'il s'agit de délinquantes, entre les victimes et les auteurs de crimes.
    Je me demande seulement si vous pouvez nous dire si, selon vous, le système judiciaire prend en considération les femmes délinquantes qui ont déjà été victimes de violence, ou si c'est considéré non pertinent dans ces procédures criminelles?
    D'après notre expérience, chaque personne qui se présente devant le tribunal est différente. Dans le cas des femmes autochtones, par exemple, les rapports Gladue sont souvent exigés. Toutefois, les rapports Gladue, qui sont souvent des rapports présentenciels qui examinent l'histoire sociale des peuples autochtones, sont sporadiquement disponibles dans l'ensemble du pays. Dans les Prairies, où la plupart des femmes autochtones se retrouvent devant les tribunaux, elles n'y ont pas accès, et c'est un véritable problème pour nous.
    Il est certain que leur expérience de victimes dans leur vie devrait être mise de l'avant, et c'est un bon outil à utiliser, mais il n'est pas disponible.
    Ma réponse courte est non, bien que je vous aie donné une réponse un peu plus longue.
    Quand vous dites qu'ils ne sont pas disponibles dans les Prairies, y a‑t‑il un problème particulier ou une raison pour laquelle les rapports Gladue ne sont pas disponibles là où ils seraient le plus utiles?
    D'après ce que je comprends de ces provinces, elles ne sont pas financées et ne sont pas considérées comme importantes ou nécessaires.
    Encore une fois, je suis consterné aujourd'hui, malheureusement. Je pense que le Comité devra se pencher sur cette question.
    Vous avez parlé de la libération des délinquantes, dont beaucoup ont été victimes auparavant. Vous avez parlé de certaines conséquences inattendues de la façon dont la libération conditionnelle fonctionne pour ces femmes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Les personnes qui purgent une longue peine ou une peine d'emprisonnement à perpétuité — le quart des détenus dans nos prisons fédérales sont condamnés à la perpétuité — seront soumises à des conditions de libération conditionnelle pour le reste de leur vie. Cela signifie que ces individus auront invariablement une relation avec les personnes qui sont enregistrées comme victimes dans leur cause. Ils obtiennent de nombreux renseignements sur l'endroit où ces personnes se trouvent et ce qu'elles font. Il n'y a pas beaucoup de freins et contrepoids sur ce que ces personnes font de ces renseignements. Ils peuvent être divulgués aux médias, par exemple, ou faire l'objet d'une lettre de harcèlement de la part d'une personne enregistrée comme étant leur victime.
    Je pense que dans un système où nous valorisons la réhabilitation et cherchons à guérir, nous devons faire très attention à l'interaction entre les personnes qui purgent de longues peines d'emprisonnement à vie et les personnes qui sont enregistrées comme leurs victimes, afin d'éviter tout nouveau préjudice.
    Merci de ces remarques.
    Dans les établissements fédéraux pour femmes, lors de la préparation à la mise en liberté en fin de peine ou en vue de la libération conditionnelle, diriez-vous que l'on prête attention à la victimisation antérieure dans le cadre de cette préparation ou non?
    Toute personne incarcérée a un plan correctionnel. Ce plan détaille certains des antécédents de la personne qui va être libérée sous condition. Le membre de la Commission des libérations conditionnelles aura accès au plan correctionnel, mais souvent, ces éléments sont considérés comme des facteurs de risque plutôt que comme des facteurs de besoins.
    Dans notre cas, nous militons toujours pour que les gens obtiennent les services et les soutiens dont ils ont besoin, plutôt que de considérer ce qui s'est produit dans le passé comme un risque.
    Merci.
    Merci, monsieur Garrison.
    Voilà qui met fin à notre réunion d'aujourd'hui. Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir participé à notre dernière séance avant la pause estivale. Merci beaucoup d'être venus.
    Je veux également remercier tous les membres de ce comité, puisque c'est la fin de la réunion.
    J'ai quelques points d'ordre administratif à régler avant que les membres partent. Nous avons une demande de budget supplémentaire pour un projet. Je pense que parce que nous avons des témoins en personne, il y a une augmentation de 3 500 $ pour l'étude actuelle. Je veux simplement savoir si nous sommes tous d'accord.
    Bien, nous sommes tous d'accord.
    Je veux également remercier notre greffier. Je pense que c'est sa dernière journée à notre comité. Il ne sera pas ici à l'automne. Nous aurons un nouveau greffier. Je pense que nous pouvons tous l'applaudir.
    Des députés: Bravo!
    Le président: S'il n'y a rien d'autre, profitez du reste de la semaine et passez un bel été. Nous vous reverrons tous à l'automne.
    Merci.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU