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Bonjour. La séance est ouverte.
Bienvenue à la 55e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
J'aimerais tout particulièrement accueillir les étudiants de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa et leur professeure Martha Jackman qui se trouve à l'arrière. Soyez les bienvenus. J'espère que notre séance sera divertissante et que vous ne serez pas déçus. Vous entendrez un ministre, des experts, des fonctionnaires du ministère et des représentants de la GRC, alors je suis sûr que vous assisterez à une séance complète et approfondie.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier 2023, le Comité se réunit afin de poursuivre son étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre que la Chambre a adopté le 23 juin 2022. Je n'entrerai pas dans les détails, car je ne vois personne d'autre participer à la séance virtuellement que ceux qui l'ont déjà fait, comme les analystes qui utilisent l'application Zoom.
Je rappelle à tous ceux qui sont sur place, qu'ils écoutent à l'arrière ou à la tribune, qu'ils peuvent régler leur écouteur sur le parquet, l'anglais ou le français, afin que les services d'interprétation fonctionnent correctement pour eux.
Pendant la première heure, nous reprendrons notre étude du système canadien de mise en liberté sous caution.
Nous avons le plaisir de recevoir l'honorable Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique. Le ministre Mendicino est accompagné par des fonctionnaires, notamment Matthew Taylor, qui représente le ministère de la Justice, et Talal Dakalbab, qui représente le ministère de la Sécurité publique. M. Dakalbab est sous-ministre adjoint principal. Nous accueillons également la surintendante principale Sue Efford, qui est directrice générale des Opérations criminelles nationales au sein des Services de police contractuels et autochtones de la GRC.
Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur le ministre, et nous nous réjouissons de votre présence.
Vous avez la parole pendant 10 minutes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, chers collègues, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.
Je suis ici pour témoigner sur le système canadien de mise en liberté sous caution, un sujet qui a suscité un intérêt croissant de la part du public au cours des derniers mois.
[Traduction]
Je tiens à féliciter le Comité d'étudier cette question, car elle est importante. Elle est cruciale pour notre sécurité publique. Il s'agit également d'un sujet très émotionnel, en particulier pour les familles de ceux qui ont été touchés par des crimes violents et pour les délinquants qui tentent de poursuivre leur cheminement vers la réforme et la réinsertion sociale. Des deux côtés de l'équation, il est extrêmement important que nous entreprenions cette étude de manière constructive et civile, et je tiens à féliciter chacun d'entre vous pour le travail et l'énergie que vous y consacrez.
Comme nous ne le savons que trop bien, les conséquences des crimes violents dans nos communautés ne peuvent être exagérées. Nous devons à tous les Canadiens de prendre des mesures concrètes pour lutter contre la criminalité et la réduire, afin que tous les Canadiens puissent être en sécurité.
Cela commence par une politique intelligente et des investissements dans nos forces de l'ordre, ainsi que par des aides sociales en amont, pour les personnes les plus vulnérables et à risque. Le fait de veiller à ce que le système de justice pénale du Canada accorde la priorité à la réadaptation et à la réinsertion sociale sécuritaire va de pair avec tous ces efforts.
[Français]
En tant que ministre de la Sécurité publique, je suis responsable du Service correctionnel du Canada, et donc de l'organisme chargé de la réadaptation des délinquants et de leur réinsertion sociale en toute sécurité.
[Traduction]
Cet enjeu est donc au cœur de mon mandat. Nous savons que la gestion du problème des récidivistes violents est très complexe, mais qu'elle est essentielle.
Il s'agit d'abord d'examiner attentivement les possibilités de réadaptation et de réinsertion sociale sécuritaire. La réinsertion sociale s'accompagne d'un ensemble de défis qui lui sont propres et qui, à défaut d'être relevés, augmentent le risque de récidive et, par extension, de préjudice, de deuil et de perte.
C'est pourquoi, en juin 2022, j'ai déposé le cadre fédéral visant à réduire la récidive. Il visait à briser le cycle de la récidive, à soutenir la réinsertion sociale et à rendre nos collectivités plus sûres pour tous. Ce cadre constitue une étape importante dans la désignation des facteurs qui poussent les personnes à récidiver et dans la détermination des moyens de surmonter ces difficultés afin de favoriser une réinsertion sociale des délinquants plus sécuritaire dans leurs communautés respectives.
[Français]
Élaboré en consultation avec diverses parties prenantes, ce cadre définit cinq thèmes prioritaires essentiels à la réinsertion, soit le logement, l'éducation, l'emploi, la santé et les réseaux de soutien positif.
D'ici juin 2023, nous disposerons d'un plan de mise en œuvre qui garantira la pérennité des mesures de soutien.
[Traduction]
Ce cadre est une étape importante, mais nous savons qu'il n'existe pas de solution miracle pour lutter contre les récidivistes violents. Pour que ce cadre donne de bons résultats, il est également essentiel de s'attaquer aux causes profondes de la criminalité et, dans cette optique, monsieur le président, nous avons fait des investissements concrets liés aux déterminants sociaux qui peuvent souvent conduire à la criminalité.
Depuis 2015, nous nous sommes concentrés sur les causes sociales de la criminalité en mettant en œuvre des programmes tels que le Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires, doté de 250 millions de dollars, afin de nous attaquer aux crimes commis avec des armes à feu et de soutenir des projets communautaires. Cette somme s'ajoute aux 40 millions de dollars fournis chaque année dans le cadre de la Stratégie nationale pour la prévention du crime, qui prévoit des investissements dans des efforts communautaires visant à prévenir l'implication des jeunes dans la criminalité et à s'attaquer aux facteurs de risque qui sont connus pour mener à des activités criminelles.
[Français]
Plus récemment, dans le cadre du Fonds d'action pour la prévention du crime, j'ai annoncé un financement de 5,79 millions de dollars pour l'initiative d’autonomisation des Noirs de 902 ManUp, à Halifax.
[Traduction]
Ce financement aidera les jeunes Noirs de la Nouvelle-Écosse à faire les bons choix en leur donnant une base solide liée à l'éducation et à la poursuite de leur carrière, et en réduisant les obstacles à l'accès aux types de services de soutien dont ils ont besoin, sous l'impulsion de la communauté elle-même.
Depuis 2018, le Fonds d'action sur la violence liée aux armes à feu et aux gangs a également fourni des fonds aux provinces et aux territoires pour leur permettre d'accroître les ressources communautaires et d'éliminer les armes à feu et la violence liée aux armes à feu dans nos rues.
En Ontario, par exemple, ce financement a été utilisé pour canaliser des ressources supplémentaires vers les forces de l'ordre locales, les procureurs et les partenaires communautaires en vue de réduire la violence liée aux armes à feu illégales et aux gangs. Ces fonds s'ajoutent aux plus de 450 millions de dollars que nous avons affectés à l'ASFC au cours des deux dernières années afin de renforcer nos frontières et de mettre fin à l'entrée illégale d'armes à feu dans notre pays.
[Français]
Bien entendu, nous reconnaissons que certains individus récidivent. C'est pourquoi nous finançons chaque année nos homologues provinciaux et territoriaux afin de renforcer leur capacité à identifier et à suivre les délinquants violents à haut risque, ainsi qu'à faciliter les poursuites et les condamnations.
[Traduction]
Monsieur le président, il est également essentiel d'avoir une politique intelligente en matière d'armes à feu, et cette politique est un élément de ce plan. Nous avons réalisé des progrès historiques dans la lutte contre la violence armée grâce à notre récente législation sur les armes à feu. En 2020, notre gouvernement a interdit plus de 1 500 modèles d'armes d'assaut et, l'année dernière, nous avons élargi les vérifications des antécédents pour empêcher que les armes à feu ne tombent entre les mains de criminels.
Le projet de loi , qui est actuellement étudié en comité, augmentera les peines maximales pour les infractions liées aux armes à feu, en les faisant passer de 10 à 14 ans, et inclura de nouveaux chefs d'accusation pour la modification du chargeur ou de la cartouche d'une arme à feu en vue d'en dépasser la capacité légale. Il s'agit de lutter contre les crimes violents et de prévenir des morts tragiques et insensées.
[Français]
Nous savons qu'aucune initiative à elle seule ne permettra de résoudre le problème complexe de la violence armée. Ce projet de loi n'est qu'un élément de notre approche globale.
[Traduction]
Au cours de la présente session parlementaire, nous avons convenu de renforcer la sécurité publique par l'intermédiaire du Code criminel, en lui apportant des modifications visant les délinquants violents et les infractions graves commises à l'aide d'armes à feu. Je sais que votre comité a également été saisi de mesures législatives qui comprennent le projet de loi et le projet de loi . En outre, comme je l'ai indiqué, nos collègues du Comité permanent de la sécurité publique étudient également le projet de loi .
En ce qui concerne la réforme de la mise en liberté sous caution, monsieur le président, nous sommes à l'écoute des Canadiens, de la communauté des forces de l'ordre, des victimes et des survivants.
[Français]
Je travaille en étroite collaboration avec le ministre ainsi qu'avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour examiner attentivement la structure de notre système de mise en liberté sous caution et veiller à ce qu'il prenne effectivement en compte la sécurité de tous les Canadiens.
[Traduction]
Comme vous le savez, monsieur le président, nous avons récemment rencontré nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux pour discuter de la manière dont nous pouvons apporter certaines modifications au système de mise en liberté sous caution afin de composer précisément avec les difficultés liées aux récidivistes violents qui ont utilisé des armes à feu ou d'autres armes. Nous nous sommes engagés à entreprendre ce travail au cours de la présente session parlementaire, pendant laquelle nous travaillerons en étroite collaboration avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, tous les membres de votre comité et tous les parlementaires.
Monsieur le président, j'attends avec impatience les questions et les commentaires des membres de votre comité, et je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
D'abord, je remercie ma collègue qui m'a remplacé lundi et au début de la rencontre d'aujourd'hui. Je suis certain que mes collègues n'ont pas perdu au change.
Monsieur le ministre, bonjour. Je suis bien content de vous rencontrer ici.
Les critères de mise en liberté sous caution des prévenus ont été établis il y a de cela un certain nombre d'années. L'évaluation de ces critères est faite au cas par cas. Les tribunaux examinent le dossier de chaque prévenu et prennent des décisions à la lumière de ces critères. Cependant, vous conviendrez probablement avec moi que cette évaluation évolue au fil du temps, en fonction des circonstances. Une situation quelconque qui, il y a 20 ans, aurait nécessité une détention provisoire n'en nécessite peut-être plus une aujourd'hui, et vice versa.
Cela étant dit, vous vous souviendrez qu'il n'y a pas si longtemps, nous avons adopté, dans le cadre du projet de loi , des dispositions pour abolir les peines minimales obligatoires dans un certain nombre de circonstances, notamment pour certains crimes commis avec une arme à feu. Il y en a un qui me revient toujours à l'esprit, soit celui de décharger une arme à feu avec une intention particulière, qui n'entraîne plus de peine minimale obligatoire. Il y a des crimes d'agressions sexuelles qui font maintenant l'objet de peines pouvant être purgées avec sursis, soit dans la communauté.
À votre avis, monsieur le ministre, cette situation a-t-elle une influence sur le tribunal au moment de décider s'il y a lieu ou non d'imposer une détention provisoire à un prévenu, par exemple s'il est accusé d'avoir déchargé une arme à feu avec une intention particulière?
Il y a cinq ans, cela faisait l'objet d'une peine minimale obligatoire. Cela démontrait une certaine gravité du crime. Aujourd'hui, cette peine minimale obligatoire est abolie. C'est comme si on avait indiqué au tribunal que les législateurs considéraient cette infraction comme étant moins grave qu'elle ne l'était il y a cinq ans.
Êtes-vous d'accord là-dessus? À votre avis, quelle est l'incidence sur les libérations provisoires?
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M. Dakalbab et moi-même avons également pris part à la réunion des ministres et eu la chance d'assister aux discussions et d'observer le consensus dont le ministre Mendicino a parlé.
Si vous parlez de la réforme du système de mise en liberté sous caution afin de savoir ce que les provinces et les territoires peuvent faire, je peux interpréter cette question de deux manières.
Nous avons reçu des provinces et des territoires un certain nombre de propositions concernant la réforme du Code criminel, que ce soit dans le cadre du travail que nous effectuons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux... Je pense que lors de ma dernière comparution devant le Comité, j'ai brièvement parlé de ce travail, auquel nous nous adonnons depuis un certain temps.
Nous avons entendu un certain nombre de propositions précises de réforme de la loi lors de la réunion du 10 mars, dont le ministre Mendicino a parlé, mais également quelques modifications non législatives qui sont nécessaires ou importantes pour améliorer le fonctionnement du système de mise en liberté sous caution.
M. Garrison a traité brièvement de la surveillance des prévenus libérés sous caution. Je pense que la procureure générale de la Saskatchewan a parlé un peu du travail qui s'effectue dans cette province et des modifications apportées aux politiques de la Couronne afin de déterminer quand il faut demander que la mise en liberté sous caution soit refusée ou quand il faut privilégier la mise en liberté sous caution.
Cela ne répond probablement pas précisément à votre question, mais une multitude de propositions sont à l'étude afin de corriger ou d'améliorer le système en nous appuyant sur une bonne fondation.
Je pense que de façon générale, la plupart des intervenants conviennent que le système de mise en liberté sous caution fonctionne bien. Cependant, l'attention a surtout porté sur les infractions violentes et répétées, et à titre de bureaucrates, nous appuyons le gouvernement.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je salue nos témoins, auxquels je poserai les questions suivantes.
[Français]
Monsieur Dakalbab, nous avons entendu plusieurs témoignages qui, sans nécessairement critiquer le principe de liberté sous caution, mettaient en lumière les préoccupations liées aux conditions de mise en liberté.
Nous avons également entendu et constaté que plusieurs crimes, commis par une personne libérée sous caution, sont le fait de récidivistes.
En 2022, le cadre fédéral visant à réduire la récidive a été annoncé, et des consultations ont commencé en février 2023.
Pourriez-vous nous dire quel est l'objectif de ce cadre et des consultations avec les parties prenantes?
Quelles parties prenantes sont consultées?
En plus de ce cadre, quelles autres mesures ont été prises par le ministère concernant la récidive?
Effectivement, le cadre en question a été soumis en 2022. Le ministre Mendicino a parlé un peu plus tôt des thèmes prioritaires, soit la santé, le logement, l'éducation et le réseau de soutien.
J'ai travaillé dans le domaine des services correctionnels pendant plus d'une décennie ainsi que dans le système des libérations conditionnelles. Lors de l'élaboration du cadre, nous avons tenu plusieurs consultations, notamment auprès de partenaires communautaires et de représentants de sociétés telles que la Société John Howard et les Sociétés Elizabeth Fry pour bien cerner le problème que nous voulons régler.
Le programme annoncé par le ministre hier fait partie des initiatives qui ont été proposées dans le premier cadre. Ce dernier est conçu pour permettre l'adoption d'approches agiles pour s'attaquer au problème lié aux récidives au moyen d'initiatives et de programmes financés par le gouvernement. Le gouvernement du Canada s'est engagé à nous revenir au sujet des thèmes prioritaires du cadre et des bases sur lesquelles nous commencerons à travailler de façon plus concrète d'ici le mois de juin au Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Présentement, nous poursuivons les consultations et les recherches afin d'en arriver à une proposition concrète à soumettre à notre ministre et qui sera éventuellement déposée au Parlement.
Je suis content que vous ayez indiqué clairement que le système de libération sous condition diffère du système de mise en liberté sous caution. Il est vrai qu'il y a des similitudes, en ce sens que la majorité des cas sont couronnés de succès. D'après nos données, il y a moins de 1 % de récidives sous libération conditionnelle pour les crimes violents. Le taux de succès est donc assez élevé et comparable à celui de la libération sous caution.
Cela dit, ce sont deux systèmes complètement différents, et ils sont assortis de conditions distinctes.
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Je voudrais parler brièvement de l'affaire Randall McKenzie. C'est un accusé. Il bénéficie de la présomption d'innocence, je le reconnais. Il a été libéré sous caution après examen. Mon collègue, , a soulevé cette question avec un témoin de la défense lundi dernier. Nous n'avons pas entendu beaucoup de témoignages sur les faiblesses, à mon avis, de notre système d'examen de la mise en liberté sous caution.
En vertu de l'article 520 du Code criminel — je suis sûr que vous en connaissez le libellé, mais pour les Canadiens qui nous regardent et les membres du Comité —, il y a deux motifs auxquels on peut demander un examen de la mise en liberté sous caution: lorsqu'il y a une erreur de principe dans l'ordonnance même du tribunal inférieur, ou lorsqu'il y a un changement important dans les circonstances qui fait qu'il serait injuste de ne pas annuler l'ordonnance.
Monsieur Taylor, selon les ressources auxquelles j'ai pu accéder en ce qui concerne la preuve, il est clair que M. McKenzie s'est vu refuser la mise en liberté sous caution par un juge de paix d'un tribunal de l'Ontario, étant donné son comportement répété de violation des ordonnances, de violation des ordonnances relatives aux armes à feu, et étant donné la gravité de l'infraction substantielle. Indépendamment du plan — qui prévoyait une assignation à résidence, une surveillance électronique et une caution —. le juge de paix a estimé que les motifs tertiaires étaient activés, et il a été détenu pour ces motifs.
Six mois plus tard, il a fait l'objet d'un examen de la mise en liberté sous caution à Hamilton. Il est Autochtone et les facteurs cités dans l'arrêt Gladue ont été mentionnés au tribunal inférieur. Les mêmes facteurs ont été évoqués en cour supérieure. Cependant, il a changé ses cartes.
Je l'ai souvent vu dans ma carrière précédente. Quand on essaie une chose, puis qu'on ne choisit pas la bonne personne pour la caution, parce que la caution ou le plan est rejeté, alors on rebrasse les cartes. On va en cour supérieure, on obtient une nouvelle personne et un montant plus élevé pour la caution, peut-être quelques conditions de plus, et on tente sa chance.
Dans ce cas particulier, il s'agissait des mêmes conditions que celles qu'il avait demandées en instance inférieure et du même montant de caution, mais la personne désignée pour la caution — qui était à l'origine sa petite amie — a été remplacée par sa mère. Il est clair qu'il y a un décalage pour ce qui est de la sécurité de la communauté.
Monsieur, je crois que vous êtes le principal... le plus haut juriste du ministère de la Justice. Est‑ce exact?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est fantastique d'avoir des experts parmi nous, sans vouloir laisser entendre que le n'est pas un expert, mais vous êtes tous les deux là, M. Dakalbab et M. Taylor, chaque jour aux premières lignes de l'application de la loi, au niveau stratégique, et je suis sûr que vous êtes également en communication constante avec vos homologues provinciaux.
Les discussions sur la mise en liberté sous caution ne sont pas rares. Périodiquement, nous entendons des discussions sur le sens que prend le pendule, et cela crée peut-être une tension saine au sein du système.
Je me demande combien des questions que nous essayons d'examiner ici au niveau politique, du point de vue du Code criminel, seraient en réalité des questions d'administration de la justice, qui relèvent de la responsabilité des provinces. Je ne vous demande pas de renvoyer la balle aux provinces ou de jeter le blâme sur elles, mais dans vos conversations avec vos homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux, combien de ces discussions approfondies sont du ressort de cette chambre, où la politique doit être réformée, et combien porteraient davantage sur l'administration de la justice, où des changements seraient nécessaires également?
Je laisse à celui qui le souhaite le soin de commencer, de prendre la balle au bond.
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Je vais commencer, si vous le voulez bien.
Je pense que mon ministre, , et le ont clairement indiqué qu'il n'y a pas qu'une solution et qu'il ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit. Il s'agit d'une responsabilité partagée des autorités fédérales et provinciales... et des agents de première ligne, très franchement, selon moi. La révision du Code criminel fait partie de l'équation, mais cela ne résoudra pas le problème. Il est certain que nous devons continuer de chercher d'autres façons de faire, au chapitre de la prévention et de l'intervention, du financement, des ressources et de la formation de nos policiers, du suivi des conditions de mise en liberté sous caution ou de libération conditionnelle, ou de tout autre type de conditions.
Honnêtement, je crois que tout le monde est mobilisé. D'après les discussions que j'ai avec mes collègues provinciaux et mes partenaires fédéraux, je pense que tout le monde travaille d'arrache-pied pour réfléchir à des idées novatrices que nous pourrions proposer, que ce soit sur le plan juridique ou politique, ou en matière d'intervention. Je pense que le travail que nous effectuons actuellement nous permettra de répondre correctement aux questions sur la meilleure façon d'atténuer les risques de tous les points de vue, et pas d'un seul, qui serait le point de vue législatif.
Je ne sais pas si mon collègue, M. Taylor, souhaite ajouter quelque chose.
Lorsque je travaillais au niveau provincial, en Ontario, l'un des plus grands défis auxquels nous étions confrontés — c'était avant la pandémie, je tiens à le préciser —, c'était que les deux tiers de la population carcérale de la province étaient en détention provisoire. C'est beaucoup. À l'époque, l'Ontario comptait près de 8 000 personnes dans les centres de détention provinciaux, et environ 5 000 d'entre elles n'avaient pas encore été condamnées. Elles étaient inculpées, mais n'avaient pas été condamnées.
Cela représente beaucoup de personnes. La majorité d'entre elles, selon les données, présentaient de graves problèmes de santé mentale et de dépendances. Les conditions dans nos centres de détention se sont évidemment détériorées. La question qui revenait sans cesse lorsque je parlais aux fournisseurs de services de première ligne était la question de savoir si nous aggravions la situation de ces personnes en les plaçant dans des centres de détention plutôt qu'en les gardant dans la collectivité en leur fournissant des services intégrés, comme on dit, en matière de santé mentale et de dépendances. À l'époque, nous avions créé en Ontario un système provincial de mise en liberté sous caution, qui existe toujours, je crois, pour permettre aux gens d'être détenus dans un établissement sécurisé, mais dans la collectivité, sous réserve de conditions minimales, pour continuer de recevoir les services dont ils ont besoin.
Est‑ce que ce genre de solutions qui, à mon avis, ne sont pas particulièrement novatrices ou créatives fait partie de la conversation que vous avez avec vos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux lorsque vous parlez de réformer le système de mise en liberté sous caution?