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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 095 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 15 février 2024

[Enregistrement électronique]

(0820)

[Traduction]

    Bienvenue à la 95 e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 7 février 2023, le Comité se réunit en séance publique pour commencer son étude du projet de loi C‑332, Loi modifiant le Code criminel (conduite contrôlante ou coercitive).
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 15 juin 2023. Certains députés participent en personne et d'autres, à distance, au moyen de l'application Zoom.

[Français]

Je peux confirmer que tous les tests de son ont été faits.

[Traduction]

    Pour la première heure, nous accueillons Laurel Collins, députée de Victoria et marraine du projet de loi C‑332 .
    Bienvenue au Comité. Vous êtes le seul témoin de la première heure. Vous avez cinq minutes pour faire votre exposé, si vous en avez préparé un, après quoi nous passerons aux questions des députés.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, chers collègues, de m'avoir invitée à venir parler de mon projet de loi, le projet de loi C‑332. Celui‑ci criminaliserait les comportements coercitifs et contrôlants.
    Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers les membres du Comité pour le travail accompli dans ce dossier, et les membres de tous les partis pour leur appui à ce projet de loi. En tant que députés, nous avons la responsabilité de nous attaquer à la violence fondée sur le sexe, à la violence entre partenaires intimes et de travailler à mettre fin aux féminicides.
    Je tiens à souligner que nous sommes réunis aujourd'hui sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Dans le cadre de ces discussions, il est important de souligner que les Autochtones sont surreprésentés dans notre système de justice pénale et que les femmes autochtones sont victimes de violence fondée sur le sexe de façon démesurée. Elles sont touchées de façon disproportionnée par la violence fondée sur le sexe, et je pense que nous avons tous la responsabilité de continuer de lutter contre le génocide auquel font face les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.
    Les recherches montrent que les femmes autochtones, les femmes noires, les femmes de couleur et les personnes 2SLGBTQ+, les personnes handicapées, les personnes à faible revenu, les nouveaux arrivants et les membres d'autres groupes marginalisés sont plus à risque de subir des comportements coercitifs et contrôlants. Il est essentiel de leur donner des outils pour demander de l'aide, dénoncer et quitter ces situations si nous voulons aider les victimes et les survivants de violence entre partenaires intimes.
    Fondamentalement, ce projet de loi vise à faire en sorte que le système de justice pénale puisse mieux lutter contre la violence familiale. Nous savons que notre cadre actuel ne fonctionne pas. Il ne soutient pas adéquatement les victimes et ne reflète pas adéquatement la façon dont la violence entre partenaires intimes se vit réellement. Le projet de loi propose de tenir compte des schémas de comportement. Ces schémas ont une incidence importante sur une personne dans sa relation.
    J'ai parlé à la Chambre de mon lien personnel avec ce projet de loi. J'ai vu ma soeur être victime de comportements coercitifs et contrôlants, puis de violence physique de la part d'un partenaire intime. Je me souviens que j'avais tellement peur pour sa vie. Cela m'empêchait de dormir la nuit.
    Pendant que nous discutons de cette question, je pense à Angie Sweeney, de Sault Ste. Marie, et aux autres victimes tuées par son conjoint. C'étaient des enfants. Je pense à ce qui est arrivé la semaine dernière au Manitoba à une femme, à ses enfants et à sa nièce. Je pense à la femme qui a été tuée à l'extérieur d'une école primaire le mois dernier. Cela aurait pu être ma soeur et il pourrait s'agir, un moment donné, de l'une de vos électrices ou de personnes que nous connaissons et que nous aimons.
    Il est très important que nous adoptions rapidement ce projet de loi à la Chambre. Tous les six jours, au Canada, une femme meurt de violence conjugale. C'est trop.
    J'exhorte le Comité — et je crois en vous — à faire ce travail. J'attends avec impatience la discussion qui va suivre. Il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre la violence fondée sur le sexe et la violence entre partenaires intimes, et ce projet de loi est une pièce importante du casse-tête.
    Merci.
(0825)
    Merci beaucoup de vos observations.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Moore, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Collins, je vous remercie de comparaître devant le comité de la justice et je vous félicite d'avoir réussi à mener un projet de loi d'initiative parlementaire si loin. Cela n'arrive pas tous les jours.
    J'aimerais vous interroger sur deux ou trois choses. Votre projet de loi s'applique aux partenaires intimes, qu'ils soient mariés, en union libre ou seulement des partenaires amoureux, mais aussi aux anciens partenaires séparés depuis moins de deux ans. Lorsque nous avons étudié la question, nous avons entendu parler de la vulnérabilité particulière des conjoints lorsqu'ils vivent sous le même toit et du fait qu'il devrait peut-être y avoir une période ensuite où cela s'appliquerait.
    D'où vient cette période de deux ans? Sur quoi se fonde cette limite de temps? Pourquoi pas un an ou trois ans? Comment en êtes-vous arrivés à fixer cette période à deux ans?
    Je vous remercie de cette question.
    Vous remarquerez qu'il s'agit d'un changement par rapport aux versions précédentes du projet de loi que mon extraordinaire collègue, M. Garrison, a présentées. Des gens d'organismes de première ligne m'ont dit que la période la plus dangereuse pour les personnes qui quittent ce genre de situation est souvent la période où elles tentent de partir et celle qui suit.
    Nous avons eu divers échanges sur la période à prévoir et sur la façon de procéder. Nous avons appris des recherches menées au Royaume-Uni sur un projet de loi comparable que c'était une énorme erreur de ne pas inclure cette période.
    Je repense aussi à mon expérience personnelle. C'est quand ma sœur a quitté son conjoint que j'ai eu le plus peur pour sa vie. C'est à ce moment‑là que la violence s'est intensifiée. Nous savons que les personnes qui ont des enfants en commun avec leur ex‑conjoint, en particulier, resteront en contact avec lui plus longtemps, donc nous voulions nous assurer de prévoir une période suffisamment longue pour englober la période la plus dangereuse.
    En ce qui concerne le terme « partenaires amoureux », le Comité s'est penché de façon assez approfondie à quelques reprises sur la question de la traite de personnes et sur le risque que le contrôle coercitif soit un précurseur de la traite de personnes. Bien sûr, nous voulons tous lutter contre la traite de personnes.
    Selon vous, quel est le lien entre votre projet de loi et cet enjeu, en particulier? Voyez-vous un lien entre les deux?
    C'est une excellente question.
    La traite des personnes est une honte pour notre pays et le monde entier. C'est horrible. Honnêtement, ce n'est pas un enjeu que j'ai étudié en profondeur, et je ne voudrais pas m'aventurer à élargir la portée de ce projet de loi à un domaine où il ne s'appliquerait pas. Je ne pense pas avoir les connaissances nécessaires pour répondre à votre question.
    D'après les témoignages que nous avons entendus sur la traite des personnes, certains des problèmes que votre projet de loi touche et les comportements que votre projet de loi criminaliserait sont souvent précurseurs de la traite d'une personne, lorsqu'elle devient complètement dépendante et isolée de sa famille, de ses amis, du marché du travail et ainsi de suite. Cela rend une personne vulnérable à l'étape suivante, mais le cap n'a pas nécessairement encore été franchi. Je vois assurément un lien là.
    Parfois, pendant les procédures de divorce, les choses deviennent évidemment très compliquées au sein d'un couple, malheureusement. Voyez-vous un risque que cette accusation soit utilisée comme arme dans des procédures de divorce où le problème ne se poserait pas nécessairement réellement? Il n'y aurait pas nécessairement de comportements de ce type, mais c'est une menace qui pourrait être utilisée. Est‑ce que cela créerait un nouveau mécanisme susceptible de rendre les procédures de divorce encore plus conflictuelles? Est‑ce un risque, selon vous?
(0830)
    Il y a beaucoup de recherches qui montrent les effets pernicieux du système de droit de la famille sur les femmes, surtout lorsqu'elles fuient des situations de violence. Bien sûr, les partenaires violents essaieront d'utiliser tous les outils à leur disposition.
    L'une des leçons que nous tirons de l'exemple du Royaume-Uni, c'est qu'il y a encore fort à faire pour éduquer les procureurs, les juges, etc. Il y a eu une étude sur ce genre d'affaires, en particulier, et on a constaté quelques cas d'utilisation de ces recours après la criminalisation du contrôle coercitif au Royaume-Uni. Les chercheurs ont toutefois constaté que les juges étaient en mesure de voir la différence, du moins y sont-ils arrivés dans les affaires examinées, mais il s'agissait d'un petit échantillon.
    Dans un cas, il y avait des accusations croisées de contrôle coercitif de la part des deux partenaires, mais l'un des partenaires, l'homme, avait filmé la femme pendant un an à son insu. Il a présenté cela comme une preuve de son comportement coercitif et contrôlant, et le juge y a clairement vu un exemple de contrôle coercitif. Il a été en mesure de l'identifier et de trancher en faveur de la personne qui était la victime.
    Il y avait d'autres exemples dans cette étude de cas de gens ayant déposé des accusations de contrôle coercitif et des raisons pour lesquelles ces accusations avaient été rejetées. Il avait été déterminé qu'elles avaient été utilisées pour tenter de continuer de contrôler la partenaire dans le cadre du procès devant le tribunal de la famille.
    Il est vraiment important, pour la mise en œuvre de ce projet de loi, d'offrir de la formation appropriée pour sensibiliser les gens, et pas seulement les juges, les procureurs et le personnel du système de justice pénale, mais aussi les policiers. Une autre étude a démontré qu'après une formation dans un poste de police, les arrestations liées au contrôle coercitif ont bondi de 41 %. Il est vraiment essentiel de sensibiliser tous les acteurs de notre système de justice pénale à la façon dont cela fonctionne.
    Me reste‑t‑il du temps?
    Votre temps est écoulé.
    Nous avons bien apprécié vos réponses. Je vous en remercie beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Mendicino.
    Merci, madame la présidente.
    Bonjour, madame Collins. Merci beaucoup d'avoir présenté ce projet de loi d'initiative parlementaire.
    Je tiens à prendre un instant pour vous remercier de porter cette cause, surtout à la lumière des expériences vécues par votre propre soeur et par de nombreuses autres femmes racisées et autochtones qui sont victimes du genre de contrôle coercitif que votre projet de loi tente de contrer. Je tiens à vous exprimer ma gratitude pour ce travail.
    En effet, il s'appuie sur une étude antérieure du Comité, à laquelle vous avez fait allusion, je crois, et qui s'est conclue par un rapport intitulé La pandémie de l'ombre: mettre fin aux comportements coercitifs et contrôlants dans les relations intimes. Je pense que le titre témoigne bien de la nécessité de sensibiliser les gens, alors à tout le moins, c'est exactement ce que vous faites.
    J'aimerais commencer par vous interroger sur la nature des consultations que vous avez menées. Plus particulièrement, comment se sont déroulées vos conversations avec les groupes de femmes et les organismes communautaires autochtones? Comment ces conversations ont-elles orienté le libellé et l'intention de ce projet de loi d'initiative parlementaire?
    Merci beaucoup de cette question.
    J'aimerais d'abord revenir rapidement sur ce que vous avez dit en introduction au sujet de la sensibilisation et de l'importance pour le gouvernement de lancer une campagne de sensibilisation parallèlement à l'adoption de ce projet de loi. Je ne peux pas le faire au moyen d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Je ne peux pas dépenser d'argent. Il est vraiment important que le gouvernement lui-même mène une campagne de sensibilisation à ce sujet. C'est ce que le Royaume-Uni a fait après l'adoption de sa loi. Il est essentiel que les victimes, les agresseurs et tous les intervenants du système de justice pénale sachent de quoi il s'agit et comment cela fonctionne.
    Pour répondre à votre question sur les consultations, je tiens encore une fois à féliciter mon collègue, M. Garrison, pour son bon travail. Quand j'ai commencé à m'intéresser à ce projet de loi, c'était aux côtés de mon collègue. Nous avons rencontré des gens d'organismes locaux de la région de Victoria. Nous avons rencontré des gens des organismes de première ligne et des maisons de transition, des organismes qui travaillent auprès des nouveaux arrivants et des organismes autochtones. Ce que chacun d'entre eux nous a dit, c'est que le système de justice pénale ne sert pas bien les victimes de violence entre partenaires intimes et qu'il faut vraiment modifier nos lois.
    Je me souviens d'une histoire qui est ressortie des premières consultations auxquelles j'ai participé. Elle portait sur la prévalence du contrôle coercitif chez les nouvelles arrivantes, surtout lorsque leur partenaire a le contrôle de leurs documents d'immigration et de leur passeport et qu'il est l'agent de liaison et la personne responsable de leur présence au Canada. J'ai entendu quel genre de pouvoir que cela leur donne sur ces nouvelles arrivantes, qui sont souvent des femmes, des femmes racisées, et à quel point il est essentiel que nous leur fournissions des mécanismes de soutien.
(0835)
    Je me souviens, lorsque j'étais ministre de l'Immigration, de mes conversations avec les gens des organisations de services d'établissement sur les défis auxquels sont confrontés les nouveaux arrivants, surtout les femmes qui sont sous le joug d'un partenaire ou d'un époux violent. Je me souviens d'avoir parlé du besoin de les appuyer et de doter la loi des outils nécessaires pour prévenir ce genre de conduite, qui peut causer un traumatisme dévastateur et durable à ces femmes durant leur établissement.
    Je vous remercie à nouveau de votre travail, ainsi que M. Garrison, bien sûr.
    Je veux parler d'un aspect plus technique relatif à la conduite contrôlante ou coercitive. Je comprends que ce terme vient peut‑être d'autres parties du droit, dont le droit familial. Je me demandais si vous pouviez en parler un peu.
    J'étais procureur avant de faire le saut en politique. Vous en avez parlé en réponse à la question de M. Moore sur le besoin de formation. Il y a aussi un besoin de sensibilisation, mais pourriez‑vous nous dire comment vous en êtes venue à choisir ce terme?
    Oui. Ce terme fait partie du droit familial, comme vous l'avez mentionné, mais ce projet de loi s'inspire vraiment du projet de loi présenté au Royaume‑Uni. Une partie du défi consiste à définir comment une personne est liée à l'autre et quelle est l'incidence du contrôle coercitif sur la victime. Plusieurs États du monde ont désormais criminalisé le contrôle coercitif, dont l'Écosse, le Royaume‑Uni et la France. On songe à faire de même en Australie. C'est donc une pratique répandue de par le monde.
    Je pense qu'il importait surtout de définir « effet important »: faire craindre à plus d'une reprise à une personne, pour des motifs raisonnables, qu'elle pourrait subir de la violence; causer le déclin de sa « santé physique ou mentale » ou entraîner chez elle « un état de frayeur ou d'angoisse qui a un effet préjudiciable important » sur ses activités quotidiennes. Il y a une liste de façons dont cela peut se faire, mais elle n'est pas exhaustive.
    Me reste‑t‑il du temps, madame la présidente?
    Il vous reste 15 secondes.
    D'accord. Je vais céder mes 15 secondes au prochain intervenant. Je demanderai la parole plus tard si j'ai d'autres questions, merci.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

     Monsieur Fortin, la parole est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie mon collègue M. Mendicino qui a eu la générosité de m'accorder ses 15 secondes.
    Bonjour, madame Collins.
    Nous sommes heureux de vous recevoir au Comité. Vous avez raison de mentionner que votre collègue M. Garrison a travaillé fort à cette question, mais je vous prierais de noter qu'il nous a fait travailler très fort aussi, avec beaucoup de plaisir.
    Je vais entrer directement dans le vif du sujet. Vous avez énuméré un certain nombre de groupes d'individus qui pourraient être éventuellement des victimes de comportements contrôlants et coercitifs. Vous nous avez parlé de groupes, des personnes LGBTQ, des personnes racisées, des Autochtones, des personnes handicapées et j'en oublie. Vous en avez énuméré un certain nombre.
    Êtes-vous en mesure de me dire comment il se fait que ces groupes en particulier sont victimes de comportements contrôlants et coercitifs?
(0840)

[Traduction]

    Merci de cette question et de tout le travail que le Comité et vous avez réalisé dans ce dossier.
    Dans notre démarche pour modifier le Code criminel, je pense qu'il importe de voir comment nos identités croisées sont touchées par ces changements et par le système de justice pénale actuel. Tellement de gens sont confrontés à des obstacles en société, et le contrôle coercitif représente un obstacle supplémentaire pour ceux qui veulent quitter ces situations; vous en avez nommées quelques‑unes. Nous avons parlé un peu des nouveaux arrivants. Les passeports, les documents d'immigration et le processus menant à la citoyenneté constituent d'autres obstacles. Il s'agit aussi de moyens pour un partenaire d'exercer un contrôle coercitif.
    Pour certains autres groupes, comme les personnes ayant un handicap, on peut comprendre que les obstacles auxquels ils font face dans la société ne les aident pas à quitter leur partenaire. Je pense à tous les groupes marginalisés, aux personnes 2SLGBTQI+ et aux gens racisés, qui se heurtent souvent à des obstacles à l'égalité des revenus. Parce que la dépendance financière joue un rôle important dans le maintien des partenaires dans des situations où il y a souvent de la violence, nous devons nous assurer de comprendre comment toutes ces identités se recoupent.

[Français]

     Je ne doute pas du tout de votre parole, je suis convaincu que tout cela est rigoureusement exact, mais existe-t-il des statistiques qui indiquent quels groupes d'individus sont plus susceptibles d'être victimes de comportements contrôlants et coercitifs?

[Traduction]

    Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais c'est avec plaisir que je les fournirai au Comité. Des recherches montrent que le contrôle coercitif a un effet disproportionné sur ces groupes en particulier. Je ferai un suivi à ce propos avec plaisir.

[Français]

    Merci, madame Collins.
    Le projet de loi stipule ceci: « Commet une infraction quiconque se livre, de façon répétée ou continue, à l'égard d'une personne avec laquelle il entretient un lien ». Le lien est défini plus loin, mais lorsqu'on dit « se livre, de façon répétée ou continue », ce n'est pas réellement défini, et je m'interroge sur la portée que devrait avoir cette définition.
    Quelqu'un qui agirait d'une telle façon envers son partenaire durant quelques semaines et qui corrigerait ensuite la situation serait-il exonéré de toute responsabilité?
     Combien de fois le comportement doit-il être répété ou pendant combien de temps doit-il être continu? Êtes-vous en mesure de préciser cela un peu?

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Vous verrez que la définition précise qu'il faut des « motifs raisonnables » de craindre de la violence, et il est écrit qu'il faut que cela se produise plus d'une fois — donc, à deux reprises ou davantage. L'idée de dire « de façon répétée ou continue » vient du projet de loi déposé au Royaume‑Uni. L'idée, c'est de dire qu'il s'agit d'une conduite qui fait partie d'une tendance. Les victimes vivent des incidents répétés.
    C'est important d'examiner les effets cumulatifs de la violence et du contrôle coercitif d'un partenaire intime, parce que c'est l'expérience qui est vécue et qui est souvent signalée aussi. Ces effets peuvent sembler mineurs si on les prend un à la fois, mais c'est leur nature répétée et continue qui contribue à les rendre si graves pour la personne.

[Français]

    Ce serait donc deux fois ou plus.

[Traduction]

    C'est ce qu'on entend par « motifs raisonnables » de craindre de la violence.

[Français]

    D'accord.
    À votre avis, aurait-il été judicieux de définir ce qu'on considère comme un comportement répété ou continu? Y a-t-il une raison pour laquelle vous ne l'avez pas défini?

[Traduction]

    C'est défini différemment d'une administration à l'autre. Nous avons choisi le langage adopté au Royaume‑Uni, en partie parce que nous avons eu le temps d'analyser comment les communautés sont touchées et que nous en avons tiré des leçons. Je pense qu'il est crucial de voir les tendances dans ces comportements.
    Si votre comité examinait d'autres formulations — par exemple, si l'Écosse prend une approche différente et dresse une liste plus exhaustive d'exemples de violence venant d'un partenaire intime —, ce serait une approche que vous pourriez privilégier. Je dirais pour ma part que nous avons un bon modèle. Nous avons pu tirer des leçons et il est essentiel d'aller de l'avant.
(0845)

[Français]

     Je vous remercie de votre travail et de votre présence ce matin.
    Merci beaucoup, monsieur Fortin.
    Je vous ai accordé à peu près une minute de plus.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Allez‑y, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je veux bien sûr remercier personnellement la députée de Victoria. Nous représentons des collectivités différentes dans le grand Victoria, et nous avons travaillé de très près aux enjeux relatifs aux femmes et à la loi. Comme tout le monde au Comité le sait, j'ai fait progresser le dossier le plus loin que j'ai pu à la dernière législature. Je suis ravi que Mme Collins ait pu prendre le relais à la présente législature.
    Ma question porte sur le fait que les parlementaires examinent la chose depuis maintenant trois ans. Nous en sommes à la deuxième année d'un gouvernement minoritaire. J'aimerais simplement que vous parliez d'un sujet qui nous préoccupe tous les deux, soit le progrès que ce projet de loi peut faire avant les prochaines élections.
    Merci de votre travail sans relâche à cet effet, d'avoir présenté le premier projet de loi là‑dessus, de vous être assuré que le Comité l'examine des années à l'avance et de me permettre d'y travailler avec vous. C'est un grand honneur.
    Je crains fort que nous allions en élections avant l'adoption de ce projet de loi. Je vais me mettre à pleurer, parce que je connais les conséquences du statu quo. J'ai parlé le mois dernier à quelqu'un dont la fille a été tuée. Il a dit que si ce projet de loi avait été en place quand sa fille était en vie, elle le serait toujours.
    Il est capital d'adopter ce projet de loi. J'exhorte le Comité à prendre conscience de l'incertitude que causent les gouvernements minoritaires. Veuillez faire tout en votre pouvoir pour adopter ce projet de loi à l'étape du Comité et le renvoyer à la Chambre des communes, pour que nous puissions ensuite le renvoyer au Sénat et qu'il ait la meilleure chance possible d'être adopté là aussi.
    Je vous remercie, madame Collins.
    Cela m'inquiète, moi aussi. Il faut avancer sans tarder, surtout pour un projet de loi qui reçoit le soutien unanime de tous les partis.
    On m'a demandé — et on vous l'a demandé aussi, M. Fortin vient d'en parler — quel serait le changement réel dans le Code criminel. Nous avons tous les deux entendu que le Code criminel contenait des dispositions relatives à divers aspects de cet enjeu, mais le Code criminel se fonde sur la perpétration d'infractions et ne peut pas contrer les tendances dans la conduite d'une personne.
    J'aimerais vous entendre parler un peu plus de comment l'ajout d'une référence à une tendance dans la conduite d'une personne va améliorer la prise en charge.
    C'est ce qu'ont dit les représentants des organisations de première ligne, mais je dirais que c'est l'élément le plus convaincant dans les témoignages des survivantes de violence venant d'un partenaire intime. C'est ainsi que les victimes vivent la violence conjugale.
    Même s'il y a un avantage à réagir à un incident de violence physique, un aspect essentiel de notre système de justice pénale, cette réaction est inadéquate pour traiter ce que vivent les victimes de violence conjugale. Je pense que parce que c'est souvent un précurseur de violence physique et que cela constitue le précurseur du féminicide le plus répandu, même dans les situations où aucune violence physique n'est survenue avant, nous avons l'obligation de modifier le Code criminel pour mieux aider les victimes.
    Vous nous avez déjà dit que puisqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, on ne peut pas forcer le gouvernement à dépenser de l'argent, mais nous créons ici un nouvel outil. Je pense que dans nos rencontres avec toutes ces victimes, nous les avons tous deux entendues dire que ce nouvel outil est nécessaire, mais qu'il faut mettre en place toutes sortes d'autres mesures.
    Même si vous ne pouvez pas les ajouter à votre projet de loi, pourriez‑vous parler un peu plus des services associés dont nous avons besoin pour aider les survivantes?
(0850)
    C'est tout à fait crucial, et nous l'avons entendu à maintes reprises. Nous devons soutenir les victimes qui passent par le système de justice pénale. Nous avons besoin de financement pour les organisations de première ligne qui fournissent des aides au logement. Nous avons besoin de tellement plus pour appuyer les victimes de violence conjugale.
    Je suis extrêmement déçue que ce gouvernement ait réduit les fonds destinés aux refuges pour les femmes, alors qu'elles ont désespérément besoin de ce genre de soutien.
    Nous devons aussi consacrer des fonds à l'éducation et à des campagnes de sensibilisation sur le contrôle coercitif. J'ai souvent dit que tout ce que je veux, c'est que les femmes et les filles sachent qu'une telle conduite est inacceptable et criminelle. Je réfléchissais au libellé hier soir, et je me disais qu'en fait, je veux que tous les hommes sachent aussi que ce genre de conduite est inacceptable et criminel. Statistiquement, nous connaissons tous une victime de violence fondée sur le sexe ou quelqu'un qui a vécu de la violence conjugale. Cela signifie aussi que nous connaissons tous un agresseur. Il est essentiel pour nous de faire ce travail et que le gouvernement investisse dans les services et les campagnes de sensibilisation nécessaires pour protéger les victimes.
    Combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste 15 secondes.
    Je les donne au suivant. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Nous entamons maintenant le deuxième tour. Monsieur Van Popta, vous avez quatre minutes.
    Est‑ce bien quatre minutes?
    Vous disposez de cinq minutes, et il n'y a pas de mal à ce que vous preniez quelques secondes supplémentaires.
    D'accord. Je vais essayer de sauver 15 secondes.
    Madame Collins, je vous remercie de votre présence et je vous félicite d'avoir fait progresser votre projet de loi d'initiative parlementaire aussi loin. Nous vous souhaitons la meilleure des chances pour son éventuelle adoption par le Parlement.
    M. Mendicino a fait référence à une autre étude réalisée par le Comité et qui a mené à la présentation d'un rapport intitulé La pandémie de l'ombre: Mettre fin aux comportements coercitifs et contrôlants dans les relations intimes. Dans une des recommandations, la recommandation 2, on lit ce qui suit: « [...] sur le libellé d'une infraction liée aux comportements coercitifs et contrôlants dans le Code criminel, qui pourrait s'appuyer sur le libellé du projet de loi C‑247 [...] ». Je pense que c'était la version précédente de M. Garrison.
    Avez-vous des observations sur les raisons pour lesquelles le gouvernement n'a pas donné suite à cette recommandation, n'a pas présenté un projet de loi d'initiative ministérielle ni accéléré l'examen d'un tel projet de loi, laissant à une énième personne — vous — le soin de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire?
    J'ai essayé de faire preuve d'une grande générosité dans mes commentaires, mais je ressens de la frustration. Je suis frustrée que le gouvernement ne l'ait pas fait. Cela fait deux ans que le comité de la justice a recommandé la criminalisation du contrôle coercitif, et l'ombudsman a fait la même recommandation au gouvernement.
    Tous les six jours, une femme est tuée par son partenaire intime. Réfléchissez à cela. Évidemment, cela n'empêchera pas tous les féminicides, mais cela changera les choses.
    Je suis extrêmement déçue que le gouvernement n'ait pas agi de son propre chef. Je suis honorée de travailler avec mon collègue, M. Garrison, pour présenter ce projet de loi, mais les projets de loi d'initiative ministérielle progressent plus rapidement à la Chambre. Cela aurait pu se faire il y a deux ans. Il faut le faire dès maintenant. Un projet de loi d'initiative ministérielle pourrait aussi comprendre des mesures de financement pour les organismes de première ligne, pour les victimes qui doivent traiter avec le système de justice pénale et pour la campagne de sensibilisation nécessaire si l'on veut connaître du succès.
    J'aimerais que ce gouvernement l'ait déjà fait.
    Merci.
    Comme dans toute affaire pénale, c'est une chose de créer une nouvelle loi ou de définir une nouvelle infraction comme celle de « comportements coercitifs et contrôlants » qu'on trouve dans votre projet de loi, mais parvenir à traduire les auteurs en justice, c'est autre chose. La difficulté est souvent là.
    Mon collègue, M. Moore, a donné un exemple qui est lié à notre étude sur la traite des personnes. Ma question ne porte pas sur la traite des personnes, mais sur la difficulté de porter des accusations dans les cas liés à des problèmes relationnels.
    Dans son témoignage, Mme Holly Wood, d'un organisme appelé BRAVE Education, a parlé d'une jeune femme qui était dans une relation. J'aimerais citer quelques phrases. Elle a dit ce qui suit:
À 19 ans, elle a été victime de la traite de personnes de la part d'un homme qu'elle aimait et qu'elle croyait être son petit ami. Elle entretenait une relation avec celui qui l'exploitait. Il l'a fait travailler dans cinq villes du Canada. Après des années de traite, elle a appris ce qu'était la traite de personnes. Elle a appris qu'elle avait en fait été victime de la traite de personnes.
    Elle a porté plainte. Elle a porté plainte et elle est allée au procès, mais à ce moment‑là, lorsqu'elle a vu cet homme, elle a réalisé qu'elle était toujours amoureuse de lui et a refusé de témoigner.
    La parole est à vous.
(0855)
    Il est profondément triste d'entendre de telles histoires. La violence fondée sur le genre est si insidieuse et la traite des personnes est absolument horrible.
    Je pense que nous pouvons tirer des leçons d'autres administrations. Il y a d'abord le soutien que nous offrons aux survivantes et aux victimes durant le processus, mais il faut aussi veiller à ce que notre système de justice pénale puisse instruire ces affaires. Il y a eu des recommandations à cet égard. Je vous invite à examiner en particulier certaines recherches menées en Écosse. Elles portent sur les façons d'instruire ces affaires sans revictimiser autant la victime, en limitant les contacts avec son ancien partenaire et agresseur.
    Merci.
    Merci beaucoup. Je vous avais dit que vous pouviez avoir quelques secondes de plus, et c'était très bien.
    Nous passons maintenant à Mme Brière.

[Français]

     Madame Brière, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Collins, je vous remercie beaucoup d'être présente parmi nous ce matin.
    Je vous remercie tous les deux du travail que vous avez effectué pour le projet de loi C‑332.
    Évidemment, en tant que femme, on comprend très bien l'importance de mettre en place des lois, comme celle-ci, pour que la violence faite aux femmes soit éradiquée ou, à tout le moins, diminuée.
    Au Québec, 2 700 femmes ont eu accès à des centres pour femmes violentées, soit une ressource en hébergement. C'est sans compter les quelque 1 900 enfants qui ont aussi été hébergés. Également, plus de 25 000 personnes ont demandé des services parallèles, comme des consultations ou de l'accompagnement. On voit donc que ce problème est très présent.

[Traduction]

    Vous avez utilisé la définition de « partenaires amoureux ». Pourquoi n'utilisez-vous pas la définition de « conjoint de fait » qui figure déjà à l'article 2 du Code criminel?
    Une des observations que nous avons entendues du côté des organismes de première ligne, c'est que les partenaires amoureux ne sont pas nécessairement conjoints de fait. Par exemple, il peut s'agir de personnes qui sont fiancées, mais dont la situation amoureuse ne correspond pas à notre définition traditionnelle ou notre compréhension culturelle du terme. Il y a des mariages arrangés. Il y a un vaste éventail de situations où l'on peut considérer les gens comme des « partenaires amoureux ». Par conséquent, nous voulions veiller à avoir une définition assez large pour inclure ces situations.
    Avez-vous considéré d'inclure les enfants? Il pourrait même y avoir un facteur aggravant pour les enfants de moins de 18 ans.
    Oui. Je pense que le Comité et le gouvernement devraient examiner les meilleures façons de protéger les enfants.
    Je dirais que la portée donnée à ce projet de loi vise essentiellement à lutter contre la violence entre partenaires intimes, ce qui a évidemment une incidence sur les enfants de moins de 18 ans. De nombreuses recherches ont été faites sur les répercussions sur les enfants, même lorsqu'ils ne sont pas victimes de contrôle coercitif ou de violence physique, et sur l'incidence du simple fait d'être témoin de cette violence. Il est important d'étudier ces aspects.
    Je dirais que la portée du projet de loi n'inclut pas les jeunes enfants qui subissent de la violence de la part de leurs parents.
(0900)
    Votre projet de loi prévoit que la victime doit prouver la peur subjective. Aurait‑il été préférable que le critère pour déterminer si le comportement était susceptible de causer un préjudice à la victime soit celui d'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances?
    Je suis désolée, mais pouvez-vous répéter la question? J'en ai manqué une partie.
    Dans votre projet de loi, on stipule que la victime doit prouver la peur subjective. Aurait‑il été préférable que le critère utilisé pour déterminer si le comportement était susceptible de causer un préjudice à la victime soit celui d'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances?
    Nous nous sommes inspirés du modèle du projet de loi britannique, qui est de veiller à inclure la crainte raisonnable de violence dans la notion de répercussions importantes. À titre d'exemple de répercussions, soulignons un déclin du bien-être physique ou mental ou de la santé, un sentiment d'inquiétude ou de détresse. Cela découle des témoignages sur ce que ressentent les victimes de violence par un partenaire intime.
    Si nous faisons seulement... Je n'ai pas saisi les termes exacts que vous avez employés par rapport à une personne raisonnable...
    C'était une personne placée dans les mêmes circonstances.
    Je pense, pour ce qui est de reconnaître les répercussions de la violence entre partenaires intimes et du contrôle coercitif sur les victimes, qu'il est primordial d'avoir une définition suffisamment large et de ne pas exclure certaines de ces répercussions. Ces choses seront établies par la jurisprudence. Réduire cette définition risquerait d'exclure certains cas et certaines formes de contrôle coercitif et, par conséquent, d'exclure certaines victimes.
    Selon vous, n'y a‑t‑il pas un risque de revictimisation et de retraumatisation?
    Je pense qu'il y a un risque de retraumatisation chaque fois que des victimes entrent dans notre système de justice pénale. Actuellement, notre système de justice pénale comporte des lacunes. Il n'offre pas un soutien adéquat aux victimes et aux survivantes. Je pense qu'il y a un risque chaque fois que des personnes se retrouvent dans ces situations.
    J'espère que le gouvernement adoptera une approche globale pour aider les victimes de violence sexualisée ou de violence par un partenaire intime, ou les parents qui se retrouvent dans des procédures devant le tribunal de la famille. Nous devons veiller à mieux appuyer toutes ces personnes dans notre système de justice pénale.

[Français]

     Merci, madame Collins.
    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    En deux minutes et demie, je vais devoir poser une question plus simple.
    En ce qui concerne la peine de cinq ans dont on parle, vous proposez donc qu'une personne coupable de ce type de comportement soit passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans.
    En Écosse, entre autres, je sais que la peine pour ce type de comportement est de 14 ans. Par ailleurs, notre code criminel prévoit un certain nombre de peines différentes pour toutes sortes d'infractions ou d'actes criminels qui peuvent être liés ou qui peuvent s'apparenter au comportement contrôlant ou coercitif.
    J'aimerais que vous me parliez de l'exercice que vous avez fait, de votre réflexion sur la peine proposée.
    Comment en êtes-vous venue à décider que le Code criminel imposerait une peine de cinq ans plutôt que de 10 ans ou 14 ans, ou d'un an ou de deux ans?

[Traduction]

    C'est fondé sur les pratiques exemplaires d'autres administrations. Je sais que l'Écosse a des peines d'emprisonnement plus longues. Comme vous l'avez mentionné, l'infraction de contrôle coercitif est souvent liée à d'autres infractions, de sorte qu'il est possible que la personne en cause reçoive une peine d'emprisonnement plus longue.
    Je pense que c'est une infraction très grave. Je pense aussi que cinq ans de prison, c'est une peine à la fois très sérieuse et importante. Évidemment, la décision à cet égard appartient au Comité et à la Chambre des communes.
(0905)

[Français]

    Avez-vous réfléchi à la possibilité d'indiquer une peine minimale?

[Traduction]

    Je n'ai pas examiné cette possibilité. Je pense qu'il est très important que les juges disposent d'un pouvoir discrétionnaire dans ce genre de cas et qu'ils reçoivent une formation adéquate afin de connaître les importantes répercussions du contrôle coercitif.

[Français]

    Merci, madame Collins.
    J'imagine que mes deux minutes et demie sont écoulées, madame la présidente.
    Oui.
    Merci beaucoup, monsieur Fortin.

[Traduction]

    Nous passons à M. Garrison pour les deux dernières minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais revenir sur la question de la formation. Un argument qui est ressort de diverses déclarations qui ont été faites au sujet du projet de loi, au Parlement et en comité, c'est que le projet de loi devait être retardé pour qu'on ait le temps d'offrir de la formation. J'aimerais savoir ce que vous répondez à cela.
    J'exhorte le Comité et la Chambre des communes à ne pas écouter cet argument. La formation peut être offerte après l'adoption du projet de loi. En fait, elle ne peut avoir lieu qu'après son adoption. La formation offerte aux procureurs, aux juges et aux policiers porterait sur la loi en vigueur et non sur une mesure législative qui n'a pas encore été adoptée.
    Il est essentiel d'adopter cette mesure législative, comme il est essentiel que le gouvernement joue un rôle et offre la formation nécessaire pour l'ensemble des acteurs de notre système de justice pénale.
    Il me reste très peu de temps, mais j'aimerais parler du travail que nous avons fait ensemble, vous et moi, dans la communauté. Un certain nombre de femmes ont communiqué avec nous personnellement, à nos bureaux, et ont souligné le fait qu'un comportement coercitif et contrôlant pousse notamment la victime à se culpabiliser et à souffrir seule et en silence. Ce travail a eu ses effets, et j'ai entendu que les victimes vous remercient de leur avoir fait comprendre que le problème, ce n'était pas elles.
    Oui, c'est quelque chose que j'ai entendu à maintes reprises. Une femme a décrit le contrôle coercitif comme une toile qui se resserrait lentement autour d'elle sans qu'elle s'en rende compte. Lorsque j'ai parlé à ma sœur de la possibilité de présenter ce projet de loi et qu'elle m'a autorisée à raconter son histoire, elle m'a dit: « Je ne savais pas ce que c'était pendant que cela m'arrivait. Avoir su, je serais peut-être partie plus tôt. »
    Il est essentiel que nous adoptions cette mesure législative de façon à doter notre système de justice pénale des outils nécessaires et changer la perception des gens au sujet du contrôle coercitif. Nous pouvons faire connaître ses effets néfastes et importants et le fait que c'est inacceptable.
    Merci.
    Pour terminer, je tiens à vous remercier personnellement, madame Collins, d'avoir été une collègue si formidable dans le travail que nous avons fait ensemble à cet égard, et d'avoir présenté ce projet de loi.
    Je tiens également à souligner que le personnel de nos bureaux respectifs a passé beaucoup de temps à parler avec des personnes qui souffrent de traumatismes découlant de comportements contrôlants. Tous mes remerciements à notre personnel.
    Vous voulez peut-être faire un commentaire.
    Je tiens à dire que ce fut un honneur de travailler avec vous et que je vous suis extrêmement reconnaissante du dévouement dont vous avez fait preuve dans ce dossier. Je remercie également notre personnel. C'est un travail très difficile. Il faut parler aux survivantes et écouter le récit de leurs expériences traumatisantes. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude aux survivantes, ainsi qu'à tous les organismes de première ligne.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Madame Collins, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu et d'avoir témoigné.
    J'allais vous demander si vous vouliez conclure avec quelques observations pour le Comité et le public, mais je crois que vous l'avez déjà fait en réponse à la dernière question de M. Garrison.
    J'aimerais d'abord exprimer ma profonde gratitude aux survivantes. J'ai eu tellement de conversations en tête‑à‑tête avec des survivantes de situations de violence entre partenaires intimes. Leur courage et leur volonté de raconter leur histoire, malgré les nombreux risques et dangers que cela comporte, sont inspirants, et il nous incombe de rendre justice au travail qu'elles ont accompli.
    Merci.
(0910)
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes. Notre prochain groupe comprend deux témoins, qui comparaissent à distance. Les tests ont été effectués pour l'une d'entre elles, et nous allons faire les tests pour la deuxième.
(0910)

(0915)

[Français]

     Nous sommes de retour.

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à cette deuxième heure.

[Français]

    Nous accueillons, par vidéoconférence et à titre personnel, Carmen Gill, professeure, Département de sociologie, Université du Nouveau‑Brunswick.

[Traduction]

    Nous accueillons également, par vidéoconférence, Mme Andrea Silverstone, directrice générale de la Sagesse Domestic Violence Prevention Society.

[Français]

    Soyez les bienvenues.
    Vous avez cinq minutes pour faire vos présentations, qui seront suivies par des questions des membres du Comité.

[Traduction]

    Madame Gill, veuillez commencer. Vous avez cinq minutes.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette séance au sujet du projet de loi C‑332.
    Je reconnais respectueusement que je vous parle depuis le territoire traditionnel non cédé des Wolastoqiyik, au Nouveau-Brunswick.
    Mes recherches portent principalement sur les interventions policières dans les cas de violence entre partenaires intimes, en particulier sur le contrôle coercitif. J'ai donc mené des enquêtes auprès de policiers au Nouveau-Brunswick, mais aussi dans l'ensemble du Canada, sur leur perception de la violence entre partenaires intimes et du contrôle coercitif. J'ai donc entendu beaucoup de commentaires sur la façon dont ils perçoivent ce problème précis et sur l'absence de réponse dans diverses parties du pays.
    Nous savons que la violence entre partenaires intimes est de nature multidimensionnelle et englobe de nombreuses formes de violence. Malheureusement, la violence entre partenaires intimes est considérée comme un événement ponctuel, et nous ne tenons pas compte de la complexité du problème découlant du recours, par l'agresseur, à des tactiques répétitives comme l'exploitation, la manipulation, l'isolement et la microrégulation de la vie quotidienne, qu'on appelle aussi le contrôle coercitif.
    Le comportement violent n'implique pas forcément la violence physique ou un incident isolé, mais il importe de nous concentrer sur les modèles de comportements répétés et continus qui se produisent sur des périodes prolongées. Quel que soit le moment où la violence commence et la forme sous laquelle cette violence se présente, il s'agit pour l'agresseur d'un moyen de maintenir son contrôle sur sa partenaire.
    Étant donné que le système de justice pénale canadien met principalement l'accent sur la preuve de violence physique, les premiers intervenants doivent trouver des preuves de cette violence. Par conséquent, on néglige le contexte de la violence et les préjudices causés dans le cadre de cette dynamique, de sorte que le contrôle coercitif n'est pas pris en compte ou est rejeté. Lors d'une intervention, il est presque impossible, pour un policier, de reconnaître la privation du droit à la liberté, l'obstruction de la liberté et la dynamique du pouvoir et du contrôle.
    La reconnaissance du contrôle coercitif comme une infraction reviendrait enfin à reconnaître que le pouvoir et le contrôle à l'endroit d'un partenaire intime constituent un crime contre la personne. Cela permettrait aux personnes prises dans des relations de violence de signaler la violence dont elles sont victimes, même si cette violence n'est pas physique. Le renforcement de la capacité du système de justice pénale à réagir aux formes de violence non physique fera en sorte que les interventions policières seront moins axées sur l'incident, ce qui réduira le nombre de cas où la victime-survivante est considérée, à tort, comme l'agresseur principal.
    Il arrive trop souvent que les victimes de violence ne cherchent pas à obtenir de l'aide parce qu'elles estiment que ce qu'elles vivent n'est pas assez grave. Cependant, on ne les prend pas au sérieux lorsqu'elles demandent de l'aide, étant donné qu'il est difficile de déterminer comment la forme de violence se produit. Il est important de renforcer la sécurité des femmes. À cette fin, l'État doit accepter la responsabilité de prendre des mesures contre le contrôle coercitif, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'infraction de contrôle coercitif serait une reconnaissance claire du fait que la violence entre partenaires intimes est un modèle de contrôle et de pouvoir à l'endroit de la victime et légitimerait les expériences vécues par les victimes. Une telle infraction pourrait également prévenir les homicides commis par un partenaire intime.
    Bien entendu, il est important de garder à l'esprit que toute modification à la législation entraîne des conséquences imprévues. Ces conséquences peuvent toutefois être surmontées grâce à la sensibilisation, la formation et une meilleure connaissance de la question. Considérant l'incidence de cette possible infraction de contrôle coercitif, il est impératif que l'adoption et la mise en œuvre de cette disposition se fassent conjointement, par exemple, avec l'élaboration d'outils d'évaluation des risques et la formation des intervenants de première ligne, notamment les policiers, qui sont responsables de déterminer s'il y a eu une infraction de violence entre partenaires intimes. Bien entendu, tous les acteurs judiciaires devraient être plus sensibilisés à cette question précise.
    Cela dit, il est important d'examiner le projet de loi C‑332 pour veiller à ce qu'il soit aussi clair que possible. J'aurai peut-être des suggestions relativement au libellé de l'amendement, notamment par rapport à la définition de « partenaire intime » ou à la limite de deux ans après la séparation, pour n'en nommer que quelques-unes.
    Je vous remercie.
(0920)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à notre prochaine témoin, Mme Silverstone, pour cinq minutes.
    À titre de directrice générale de Sagesse, un organisme de prévention et d'intervention en matière de violence familiale établi en Alberta, j'ai pu constater de mes propres yeux, dans de milliers de cas, les graves répercussions de la violence familiale. Nous les voyons trop souvent dans les médias, comme le meurtre de cinq personnes, dont trois enfants, la fin de semaine dernière au Manitoba, ou le meurtre, à Calgary, d'une mère qui venait de laisser ses enfants à la garderie. Dans le cadre de mon travail à l'Observatoire canadien du féminicide, je vois cette douloureuse réalité être décrite dans tous ces détails accablants. Dans bon nombre de ces cas — la plupart, en fait —, je vois le lourd tribut du contrôle coercitif.
    Essentiellement, le contrôle coercitif est un modèle de comportement qui réduit à néant l'autonomie personnelle. La victime est incapable de prendre des décisions dans son propre intérêt par crainte de représailles de la personne qui exerce un contrôle sur elle. Ce contrôle est souvent de faible intensité, mais cumulatif, de sorte que la personne qui subit ce contrôle vient à douter d'elle-même et même qu'elle subit de la violence. Ce manque de compréhension se répercute sur les personnes de leur entourage, qui ne reconnaissent pas que la situation constitue de la violence familiale, mais voient graduellement s'éroder les relations de la victime avec ses proches.
    Lorsqu'une victime est consciente qu'il s'agit de contrôle coercitif, les probabilités qu'elle appelle la police sont d'environ 20 %, mais le cas échéant, elle découvre alors que la violence qu'elle subit n'est pas illégale et que le système de justice ne peut pas la protéger. La police peut écouter, mais ne peut pas agir. Ce manque de soutien survient au moment où le soutien est primordial. Les relations minées par le contrôle coercitif sont caractérisées par des comportements violents plus fréquents et plus graves moins susceptibles de cesser. C'est l'un des meilleurs indicateurs du degré de létalité. Ce danger accru rend impérative une intervention juridique.
    Mes travaux de maîtrise — et maintenant de doctorat — sur le contrôle coercitif, ainsi que l'étude des pratiques prometteuses à l'échelle mondiale, révèlent que la criminalisation du contrôle coercitif change la donne. Au Royaume-Uni, lorsque le système de justice a modifié sa définition pratique de la violence familiale afin d'inclure le contrôle coercitif, le nombre d'appels à la police a augmenté de 31 %. Soudainement, les victimes ont commencé à croire que les services de police et, par extension, les tribunaux, interviendraient dans les incidents de violence qu'elles subissaient.
    Nous pouvons aussi changer cette trajectoire pour les victimes de violence au Canada. Le contrôle coercitif est présent dans 95 % des relations caractérisées par la violence. Traiter de la question du contrôle coercitif sur le plan pénal permettrait aux services policiers et au système de justice d'intervenir pour mettre fin à l'escalade et à la fréquence de la violence.
    Toutefois, cette mesure législative n'aurait pas seulement pour effet de changer notre système de justice. Elle changerait aussi la perception de la violence familiale au sein de la société. Elle favoriserait un discours qui fera comprendre à tous les Canadiens que la violence est beaucoup plus qu'un œil au beurre noir ou un os cassé et que les victimes restent dans des relations violentes parce qu'ils ont perdu leur autonomie personnelle. Cela contribuerait à déstigmatiser la violence familiale, ce qui nous permettrait, en tant que société, de mieux lutter contre la violence.
    Enfin, cela réduirait le fardeau à long terme sur nos systèmes de santé et de justice, car la réalité, c'est que la violence a un coût énorme. En 2009, le gouvernement du Canada estimait le coût annuel de la violence familiale à 7,4 milliards de dollars, soit environ 220 $ par Canadien. Ce coût a sans doute augmenté, pour les personnes qui fuient la violence, étant donné l'inflation normale et l'augmentation des dépenses de base comme le logement.
    Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, nous appuyons le projet de loi C‑332, que nous considérons comme une mesure essentielle pour protéger les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne énoncés dans notre Charte des droits et libertés. Cependant, ce projet de loi n'est pas une panacée qui mettrait fin immédiatement à l'épidémie de violence familiale. Cette loi, comme toute loi, a ses limites.
    Premièrement, la période de deux ans après une relation est précisée à l'alinéa 264.01(3)c) proposé. Le contrôle coercitif peut se poursuivre longtemps après la fin de la relation, particulièrement dans le cas d'ex‑conjoints qui utilisent le système judiciaire pour exercer un contrôle.
    Deuxièmement, les expériences des enfants ne sont pas explicitement reconnues et sont uniquement prises en compte sous l'angle du préjudice causé au parent. D'un autre côté, par exemple, le Domestic Abuse Bill, en Écosse, comprend des facteurs aggravants liés aux enfants.
    Enfin, cette mesure législative ne réglerait pas les problèmes structurels qui ont une incidence sur la prestation de la justice aux groupes dignes d'équité. Cependant, la recherche sur l'application de lois relatives au contrôle coercitif au sein d'autres administrations peut répondre à bon nombre de ces préoccupations. Dans une étude sur des cas précis ayant fait l'objet de poursuites en vertu de la loi sur le contrôle coercitif au Royaume-Uni, Evan Stark a souligné que la loi « était correctement appliquée aux modèles de violence habituels comprenant de multiples éléments de coercition et de contrôle ».
    Les recherches d'Andy Myhill et d'autres indiquent que l'effet des lois visant à prévenir la violence familiale est considérablement amélioré, pour un vaste éventail de groupes, lorsque la police dispose d'outils de dépistage qui aident à déterminer les mesures de contrôle. Cela signifie que pour être efficace, cette mesure législative doit être accompagnée d'un financement et d'un plan pour offrir aux policiers, aux juges et aux procureurs de la Couronne une formation pour les aider à mieux comprendre le contrôle coercitif. Des organismes comme le mien, Sagesse, peuvent contribuer à cela.
(0925)
    Pour terminer, je tiens à vous remercier de l'invitation à comparaître et de votre examen approfondi de ce projet de loi. Je pense qu'il est temps d'écouter les millions de Canadiens qui sont touchés et d'agir immédiatement pour les protéger.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer notre première série de questions avec M. Caputo, pour six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Gill et madame Silverstone, je vous remercie de votre présence. Merci de nous faire profiter de votre expertise. On ne réalise pas toujours que la violence entre partenaires intimes s'étend à tous les groupes socioéconomiques.
    J'ai des questions sur un aspect pertinent par rapport au projet de loi. En fait, ce sont deux volets d'une même question.
    J'aimerais savoir si vous pourriez toutes les deux faire des commentaires sur la rapidité avec laquelle le contrôle coercitif apparaît au début d'une relation. Selon mon expérience, les relations commencent souvent de façon très intense, puis le contrôle coercitif peut littéralement se manifester après quelques semaines. Je veux m'assurer que cela est pris en compte dans la mesure législative. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet. En outre, à l'inverse, dans quelle mesure le contrôle coercitif peut‑il s'établir rapidement?
    J'imagine que la réponse prendra la majeure partie du temps qui m'est imparti, mais j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, s'il vous plaît.
    Madame Gill, voulez-vous commencer?
    Certainement.
    C'est vraiment insidieux, car au début, c'est perçu comme quelque chose de très positif. La personne sera très attentionnée envers l'autre et voudra faire des activités avec l'autre. Cela se transforme rapidement en un comportement plus contrôlant, mais au début, la perception peut être qu'il s'agit d'un couple très amoureux. C'est considéré comme tout à fait normal, mais il ne faut pas nécessairement beaucoup de temps avant de voir apparaître un comportement contrôlant qu'on présente comme de la simple attention, comme un désir de prendre soin de l'autre.
    Il n'y a pas nécessairement de temps précis avant qu'une tendance se dessine. On ne parle pas du lendemain, mais il y a des signes avant-coureurs quelques semaines après le début de la relation, en particulier quand la personne commence à déclarer son amour après moins de deux semaines, qu'elle est prête à se marier après un mois et demi, qu'elle est prête à adopter un autre mode de vie ou qu'elle commence à demander certaines choses. Une personne peut être profondément amoureuse et commencer à donner de l'argent ou prêter sa voiture, ou voir l'autre décider d'emménager après deux mois. C'est à ce moment‑là que l'on commence à observer un comportement contrôlant.
    Prenez par exemple la chronologie de l'homicide dans une relation créée par Jane Monckton Smith. La relation commence de façon plutôt normale: la personne pense avoir trouvé quelqu'un qui se soucie vraiment d'elle. Il y a ensuite une escalade, puis cela évolue vers la prochaine étape; la personne démontrera à quel point elle se soucie de l'autre, mais cette forme de sollicitude est, en fait, un moyen de piéger quelqu'un dans une toile, puis la situation ne fait que se dégrader.
(0930)
    J'aimerais, à titre d'exemple, ajouter l'expérience de certaines des clientes avec lesquelles nous avons travaillé.
    Pendant que Mme Gill parlait, j'ai repensé à l'une de nos clientes, qui a raconté la première fois qu'elle était sortie au restaurant avec celui qui deviendrait son mari. Il lui avait dit: « Tu devrais peut-être commander ceci. » La deuxième fois, il a commandé pour elle. La fois suivante, il lui a dit exactement quoi manger et ce qu'elle devait porter. La fois d'après, lorsqu'elle est montée dans la voiture, il l'a obligée à retourner se changer.
    Une des analogies que nous utilisons est celle d'une grenouille dans l'eau bouillante. La grenouille ne sent rien tant que l'eau n'est pas bouillante. Soudainement, la femme s'est retrouvée dans une situation où elle était mariée à cet homme qui contrôlait chacun des aspects de sa vie. Il l'avait isolée de ses amis, mais graduellement, par petites étapes, jusqu'à ce qu'elle se retrouve complètement isolée dans cette situation.
    J'aimerais aussi souligner que le contrôle coercitif — et je pense que Mme Collins en a parlé — est une expérience très subjective. Certaines personnes n'ont pas l'impression d'être contrôlées si leur partenaire commande le repas pour elles. Elles ont l'impression que c'est leur choix parce que c'est ce qu'elles veulent. Toutefois, si elles ont peur de commander leur repas elles-mêmes par crainte de subir des représailles plus tard, comme l'usage de la force ou quelque chose du genre, c'est là que cela devient du contrôle coercitif.
    Combien de temps me reste‑t‑il?
    Vous avez 45 secondes.
    Merci.
    Madame Gill, j'ai noté que vous avez parlé du fait que la violence entre partenaires intimes n'est pas toujours prise au sérieux. D'après mon expérience, cela va jusqu'à des ordonnances de non-communication. Je n'en suis pas certain; est‑ce le cas? Je vous vois hocher de la tête toutes les deux. L'une de vous pourrait en parler. En mon sens, les ordonnances de non-communication doivent être respectées et appliquées.
    Madame Gill, voulez-vous faire un commentaire à ce sujet, en 20 secondes?
    Avec plaisir. Je vous remercie de la question.
    Les ordonnances de non-communication doivent évidemment être appliquées, mais il convient de se rappeler que ce n'est qu'un bout de papier. Cela n'empêche pas nécessairement le contact ou ne garantit pas la sécurité de la victime, mais cela laisse au moins dans le système de justice une trace indiquant que la personne ne devrait pas être en contact avec cette autre personne. Cependant, il faut réagir très rapidement lorsqu'une personne décide de ne pas respecter une ordonnance de non-communication, et cela doit être pris très au sérieux.
    Merci de cette réponse.
    Je donne maintenant la parole à M. Housefather pour ses questions.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mesdames Gill et Silverstone, merci beaucoup de comparaître devant nous aujourd'hui.
    J'aimerais me concentrer sur les amendements que vous proposez au projet de loi.
    J'aimerais commencer par la définition de qui serait visé par la mesure législative en vertu du paragraphe 264.01(3) proposé. Essentiellement, la loi s'applique selon moi aux personnes qui sont « des époux, des conjoints de fait ou des partenaires amoureux actuels ». Par « partenaires amoureux », on entend uniquement « deux personnes qui ont convenu de se marier ». Dans les autres cas, elles doivent habiter ensemble.
    Deux personnes qui se fréquentent depuis cinq ou sept ans, n'habitent pas ensemble et n'ont pas convenu de se marier peuvent très bien avoir des problèmes de contrôle coercitif, mais je crois comprendre qu'elles ne sont pas visées par cette mesure législative. Je me demande si vous pourriez chacune faire un commentaire à ce sujet et nous dire, peut-être, si vous considérez que c'est suffisant.
    Je peux répondre. Je vous remercie de la question.
    C'est un aspect de l'amendement sur lequel je me suis aussi penchée. Étant donné qu'il existe déjà une définition de « partenaire intime » à l'article 2 du Code criminel du Canada, je pense que la définition dans cet amendement précis pourrait renvoyer à cet article.
    Le libellé choisi — « partenaires amoureux » et « deux personnes qui ont convenu de se marier » — me pose problème. Vous m'excuserez, mais je trouve que c'est un peu dépassé. Les gens ne se marieront pas nécessairement. Ils sortent ensemble. Ils ont une relation. Il est de plus en plus fréquent que des personnes sortent ensemble sans vivre ensemble. C'est presque la nouvelle norme. Les gens ne se marient pas. Je vais parler du Québec, parce qu'au Québec, beaucoup de gens ne se marient pas. L'utilisation de « partenaires amoureux » me semble plutôt étrange.
    L'inclusion de la notion de « partenaires amoureux » pourrait ouvrir la porte à d'autres formes de partenariat, comme les personnes qui sont prises dans une situation de traite de personnes et qui sont dans une relation amoureuse. J'ai eu des discussions au sujet de la traite de personnes avec des juges. J'ai expliqué que beaucoup de victimes de la traite de personnes sont dans une relation amoureuse et pensent que la personne qui les exploite est leur amoureux, ce qui n'est pas le cas. Cela pourrait ouvrir la porte à ce genre de situation. J'aimerais vraiment une définition un peu plus large ou que l'on revienne à l'article 2.
    Il y a aussi la limite de deux ans après la séparation. Les recherches démontrent que le contrôle et le suivi d'une victime se poursuivent bien au‑delà de deux ans après la séparation. Je pense qu'il est important de souligner que la période qui suit la séparation est certes d'une grande importance, mais qu'il convient de ne pas la limiter à deux ans ou moins, car j'ai vu des cas où la victime avait été contrôlée bien au‑delà de deux ans.
(0935)
    Merci beaucoup.
    Madame Silverstone, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'approuve totalement tout ce que Mme Gill a dit.
    J'aimerais ajouter, au sujet de l'exploitation sexuelle, que nous avons rédigé un mémoire pour l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Les victimes d'exploitation sexuelle nous ont dit très clairement — c'était le sujet de ma thèse de maîtrise — que ce qu'elles subissaient, c'est du contrôle coercitif, et qu'elles étaient dans une relation avec leur proxénète ou avec la personne qui les manipulait à des fins sexuelles. L'exploitation sexuelle se produit souvent dans le cadre d'une relation, mais ce type de relation ne se trouve pas dans les définitions prévues au projet de loi.
    Pendant les deux dernières minutes de mon temps de parole, comme nous n'avons pas reçu vos mémoires — du moins, je ne les ai pas encore vus —, j'aimerais que vous nous présentiez les autres amendements que vous proposez, en commençant par Mme Gill. Peut-être pouvez-vous me parler des deux modifications principales que vous apporteriez au projet de loi, en plus de celles dont nous venons de discuter.
    J'ai oublié les enfants. J'élargirais la définition des personnes se trouvant en situation de contrôle coercitif prévue au projet de loi. J'y ajouterais les enfants et d'autres membres de la famille, qui peuvent aussi être victimes de contrôle coercitif. Voilà le premier élément.
    L'autre élément, c'est que la définition du terme « effet important » pourrait être explicitée. Si cette disposition est maintenue, les victimes risquent d'être victimisées à nouveau s'il faut prouver qu'un comportement donné a un effet important.
    Si l'on décide de ne pas modifier la disposition sur l'effet important, je recommande d'inclure une liste non exhaustive d'exemples. À vrai dire, j'ajouterais une liste non exhaustive de comportements contrôlants ou coercitifs au projet de loi pour aider les intervenants judiciaires à comprendre quels types de comportements constituent une infraction.
    Merci.
    Avez-vous terminé?
    Oui, à moins que Mme Silverstone ait quelque chose à ajouter. Je sais que mon temps de parole tire à sa fin.
    D'après moi, il faudrait apporter quatre amendements principaux. Le premier concerne l'effet important...
    Le temps de parole du député est écoulé. Je propose donc que nous passions à l'intervenant suivant.
    Je souligne que c'est une question très importante pour le Comité. Si nous n'avons pas le temps d'entendre toutes vos réponses, je vous prie de les envoyer par écrit au greffier, qui nous les transmettra.

[Français]

     Monsieur Fortin, vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, je souhaite la bienvenue aux deux témoins.
    Je vous remercie d'être parmi nous. Vos commentaires et vos observations sont des plus précieux.
    Madame Gill, vous proposez un amendement pour inclure les enfants parmi les victimes potentielles. J'y ai réfléchi, et je me demande comment cela pourrait s'appliquer.
    Prenons l'exemple d'un enfant qui se fait dire d'aller réfléchir dans sa chambre par un de ses parents parce que son comportement n'est pas acceptable. Il va se dire que, s'il n'y va pas, on va l'y emmener de force et qu'il sera victime de violence.
    Vous allez me dire que je fais une caricature et que je vais loin, mais je cherche la limite.
    Si on inclut les enfants parmi les victimes potentielles, comment va-t-on éviter qu'il y ait des condamnations qui n'auraient aucun sens? On veut que les parents, les enseignants et tout le monde puissent continuer d'exercer un certain contrôle sur les enfants et leur comportement. Quelle limite va-t-on instaurer, si on inclut les enfants parmi les victimes potentielles?
(0940)
    C'est une excellente question. Cela peut être très problématique, nous sommes d'accord.
    Lorsque les enfants sont victimes de tels comportements, leur mère l'est aussi, généralement. Si une mère est victime de contrôle coercitif, par exemple, son enfant le sera aussi.
    Je n'envisagerais pas les enfants comme des victimes seules de contrôle coercitif. Cela s'inscrirait plutôt dans le cadre de la relation que les parents ont entre eux. Quand on parle de violence entre partenaires intimes, en général, les enfants sont laissés pour compte. Or ils ne sont pas seulement des témoins, ils sont aussi partie prenante d'une certaine dynamique où ils sont contrôlés par l'agresseur.
    On peut penser à des comportements comme le simple fait de regarder un enfant d'une certaine façon pour lui faire comprendre qu'il ferait mieux de marcher droit, comme on dit, parce qu'on...
     N'est-ce pas important que ce soit ainsi? N'est-ce pas normal et utile que les parents aient un certain contrôle sur leurs enfants?
    Les parents doivent assurément avoir un certain contrôle sur leurs enfants. Cependant, il n'est pas question, ici, de discipline des enfants, mais bien de contrôle excessif de personnes qui n'auront pas le contrôle sur leurs activités de tous les jours; or les enfants peuvent faire partie de ces personnes.
    Merci, madame Gill.
    Si je comprends bien, vous êtes d'accord avec moi sur le fait qu'il est difficile d'imposer une limite. D'ailleurs, je ne voudrais pas être celui qui l'impose. Je pense qu'il y a du travail à faire pour le faire avec sagesse.
    Je vais passer à une question qui porte complètement sur un autre sujet, mais qui me...

[Traduction]

    Puis‑je ajouter quelque chose?
    Il y a souvent un rapport entre le contrôle coercitif lié aux enfants et à la violence entre partenaires intimes et l'aliénation parentale. En Écosse, la loi — qui comprend des dispositions sur les enfants — est surtout mise en application dans des situations où l'aliénation parentale est en cause. C'est un des mécanismes de contrôle coercitif utilisés contre l'autre partie, mais elle a également un effet coercitif sur l'enfant.

[Français]

     Merci, madame Silverstone.
    Ma prochaine question s'adresse à vous deux, mais je ne sais pas qui est la mieux placée pour y répondre.
     Selon l'article 5 du projet de loi C‑332, quelqu'un qui est accusé d'avoir eu un comportement contrôlant ou coercitif pourrait invoquer la défense selon laquelle l'accusé a agi dans l'intérêt supérieur de la personne envers laquelle la conduite était dirigée. Par exemple, si on accuse son conjoint d'avoir eu un tel comportement, celui-ci va dire qu'il croyait sincèrement agir dans l'intérêt de sa conjointe ou de son épouse en contrôlant telle ou telle chose. Vous allez me dire que j'exagère, et j'en conviens.
    La question qui me chicote est la suivante. Admettons que l'accusé ait cru sincèrement agir dans l'intérêt de la victime. Dans ce cas, l'article 5 n'ouvre-t-il pas la porte à la défense voulant que l'individu n'avait pas une intention délictueuse? Même si on accusait une personne d'avoir eu un comportement qui n'est pas acceptable, cette personne n'avait peut-être pas l'intention de commettre un acte criminel. À l'article 5, il est bien mentionné que la personne a agi « dans l'intérêt supérieur de la personne envers laquelle la conduite était dirigée ».
    Madame Gill, que dites-vous de cette possibilité? Mme Silverstone va pouvoir répondre à cette question par la suite.
    C'est complexe.
    Il s'agit d'un moyen de défense qui fait référence à l'incapacité de la victime. On peut penser à une situation de démence, par exemple. C'est quand même plutôt marginal. C'est un moyen de défense qui pourrait facilement être utilisé par des personnes qui violentent leur partenaire en situation de vulnérabilité, justement dans le but de se soustraire à l'application de la loi.
    Une autre solution serait le retrait de ces deux alinéas. Il n'est pas nécessaire d'insérer un moyen de défense à même le texte. Si on décide de garder ce texte, on devrait prévoir qu'il revient à l'accusé de démontrer que sa conduite était raisonnable dans les circonstances.
    C'est ma réponse à votre question.
(0945)
    Merci, madame Gill.
    Je ne sais pas si j'en ai le temps, mais j'aimerais entendre la réponse de Mme Silverstone.
    Vous n'en avez pas le temps, monsieur Fortin.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    J'essaie de ne pas interrompre les témoins. Quand c'est quelques secondes et non quelques minutes de plus, je le permets, mais plus nous approcherons de la fin, plus je surveillerai le temps de près.
    Monsieur Garrison, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord remercier les deux témoins d'avoir comparu dans le passé et de nous avoir aidés à préparer notre premier rapport sur le contrôle coercitif, qui a été publié il y a deux ans. Leur participation est très précieuse pour le Comité, non seulement aujourd'hui, mais depuis le début. Je les remercie d'être ici encore une fois aujourd'hui malgré un court préavis.
    J'aimerais permettre à Mme Silverstone de parler des amendements qu'elle recommande d'apporter au projet de loi, comme M. Housefather le lui a demandé. Je vais commencer par cela.
    Selon nous, il faudrait apporter quatre amendements principaux au projet de loi.
    Le premier concerne le type de relation. Nous sommes d'avis qu'il serait très utile d'avoir au Canada une mesure législative sur le contrôle coercitif qui vise également les victimes d'exploitation sexuelle, surtout puisque l'exploitation sexuelle et la violence entre partenaires intimes sont souvent reliées.
    Un autre élément est la durée de la relation. Nous savons que le risque de contrôle coercitif subsiste longtemps après la fin de la relation, surtout lorsque des enfants sont mêlés à la situation.
    Il y a aussi la question d'inclure les enfants. J'en ai déjà parlé brièvement, surtout par rapport à l'aliénation parentale.
    Enfin, il y a la question de l'effet important.
    Ce sont les quatre amendements que nous recommandons.
    L'un des points forts du projet de loi, selon nous, c'est le critère du caractère raisonnable. Je pense qu'il répond à bien des questions qu'on peut se poser quand quelqu'un dit: « Je le fais pour ton bien. »
    Merci bien.
    Il a beaucoup été question du besoin de formation et de sensibilisation. Puisque Mme Gill travaille souvent avec les services de police, j'aimerais lui poser une question à ce sujet. Certains recommandent de retarder l'adoption du projet de loi ou l'entrée en vigueur de la loi pour prévoir du temps pour la formation.
    Que répondez-vous à cela, madame Gill?
    À mes yeux, c'est comme l'œuf et la poule; on attend le projet de loi pendant que tout le monde reçoit la formation. Selon moi, les deux vont de pair: le projet de loi et la formation doivent être faits en même temps. Le seul fait de parler de la modification à la loi accroît la sensibilisation au sein du système de justice pénale.
    Depuis trois ans, des juges me demandent de leur parler de cet enjeu parce qu'ils veulent mieux comprendre comment l'évaluer en cour. Je travaille avec les services de police parce qu'ils veulent être prêts. Que ce soit considéré comme un acte criminel ou non, ils veulent mieux comprendre la complexité de cet enjeu.
    Pour moi, ce n'est pas l'un ou l'autre; les deux vont ensemble.
    Madame Gill, durant votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné l'importance de tenir compte des conséquences imprévues que pourraient avoir les mesures relatives au contrôle coercitif. On nous a également dit que même si les femmes marginalisées sont plus susceptibles d'être victimes de comportements coercitifs et contrôlants, les répercussions de la loi sur les femmes marginalisées suscitent aussi des inquiétudes.
    Pouvez-vous nous en dire plus sur les conséquences imprévues?
    Toute nouvelle politique ou toute nouvelle loi entraîne des conséquences imprévues dont il faut tenir compte. Je vous donne l'exemple de l'identification erronée de l'agresseur et de la victime. Si les intervenants reçoivent de la formation et sont sensibilisés à cet enjeu, ils seront mieux informés et ils pourront mieux réagir à pareilles situations.
    En ce qui concerne les populations marginalisées, je trouve très important d'accorder une attention particulière à ce qu'on pourrait appeler un ensemble de pièges. Autrement dit, il ne faut pas considérer cet enjeu isolément, mais plutôt en conjonction avec d'autres formes d'inégalité à cause desquelles des groupes donnés sont plus vulnérables que d'autres. Il faut aussi tenir compte de cela. Comment? Au moyen de la formation. Je reviens souvent à la formation parce que je suis convaincue qu'il est dans l'intérêt de toutes et tous que les gens comprennent bien cet enjeu.
(0950)
    Je sais qu'on manque toujours de temps ici, mais j'aimerais revenir à Mme Silverstone et au lien entre les comportements coercitifs et contrôlants et les féminicides. Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez appris à ce sujet?
    La majorité des victimes de contrôle coercitif qui sont aussi victimes de meurtre sont des femmes. La proportion est écrasante: c'est plus de 90 %. On sait aussi que le meilleur indicateur de létalité dans une relation, c'est le contrôle coercitif. Ainsi, l'ajout de cette mesure aux outils dont dispose le système de justice pourrait prévenir l'intensification au point d'empêcher des meurtres.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à la deuxième série de questions.
    Nous commençons par Mme Gladu. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais m'adresser d'abord à Mme Gill.
    Je crains que la définition de « contrôle coercitif » prévue au projet de loi ne soit pas assez détaillée pour que les services de police ou les tribunaux reconnaissent les cas de contrôle coercitif. J'ai déjà été présidente du Comité permanent de la condition féminine. Nous avons entrepris des travaux pour éliminer la violence faite aux femmes et aux filles et nous avons parlé des agressions sexuelles. À l'époque, il arrivait que les juges n'aient pas la formation nécessaire pour reconnaître le problème.
    Madame Gill, j'ai l'impression que vous pensez qu'il faudrait ajouter une liste non exhaustive d'exemples au projet de loi, comme dans la loi écossaise. Est‑ce votre recommandation?
    Je pense qu'il serait utile de fournir aux intervenants du système judiciaire une liste non exhaustive d'exemples de comportements pour qu'ils puissent reconnaître rapidement les cas de contrôle coercitif.
    Bien entendu, l'ajout d'une telle liste ne nous empêcherait pas d'assortir la mesure de lignes directrices. C'est ce que j'ai vu ailleurs, notamment au Royaume-Uni, où le ministère de l'Intérieur a fourni des lignes directrices aux procureurs. Elles comprennent une liste de comportements considérés comme coercitifs ou contrôlants. Cela me semble logique puisqu'on ne peut pas simplement adopter une loi et s'attendre à ce que les policiers sachent ce qu'est le contrôle coercitif. Je leur donne de la formation pour qu'ils comprennent mieux de quoi il s'agit. C'est la raison pour laquelle je propose d'ajouter une liste non exhaustive.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    L'autre sujet que j'aimerais aborder, c'est celui de la limite de deux ans. D'après mon expérience, surtout dans les situations où il y a des enfants, la conduite coercitive ou contrôlante se poursuit et peut même s'intensifier à mesure que les enfants vieillissent.
    Madame Silverstone, est‑ce ce que vous constatez, vous aussi?
    Oui, absolument. Je trouve très important de reconnaître que surtout dans les situations où il y a des enfants, le risque de contrôle coercitif demeure élevé pendant toute la durée de la relation de coparentalité. Le système judiciaire doit le reconnaître.
    Très bien.
    Je pense que vous avez recommandé d'éliminer la limite de deux ans. Je trouve cet amendement pertinent.
    Oui.
     Mme Collins et d'autres ont dit craindre que ce projet de loi d'initiative parlementaire ne franchisse pas toutes les étapes du processus à temps. J'aimerais simplement souligner que le gouvernement libéral peut l'inclure dans ses mesures législatives. Certaines bonnes idées que mes collègues ont présentées dans des projets de loi d'initiative parlementaire ont été adoptées. Je pense à M. Stephen Ellis, à Mme Rosemarie Falk, à M. Ryan Williams et à M. Chris Lewis. Les mesures qu'ils ont proposées ont toutes été incluses dans des projets de loi émanant du gouvernement. Si, pour une raison quelconque, le projet de loi ne se rendait pas jusqu'au bout du processus, je pense que le gouvernement pourrait faire la même chose.
    J'aimerais parler un peu des mesures prises au Royaume-Uni, en Écosse et en France et des campagnes de sensibilisation du public.
    Pouvez-vous nous parler toutes les deux d'exemples qui ont été donnés par d'autres pays et que nous devrions suivre?
(0955)
    D'abord, dès que le Royaume-Uni a informé l'ensemble de la population qu'il avait ajouté le contrôle coercitif à la définition de la violence familiale, les appels à la police ont augmenté de 30 %. Je trouve très important de mener une campagne de sensibilisation du public sur la définition du contrôle coercitif et sur le fait que le système judiciaire prend cet enjeu très au sérieux.
    Chez Sagesse, nous recevons souvent des appels de femmes qui disent ne pas être certaines que ce qu'elles vivent est une situation de violence, mais qui sentent que quelque chose ne va pas. Elles décrivent ce qu'elles vivent, et c'est presque toujours du contrôle coercitif. Dès que nous nommons le problème, elles reconnaissent qu'il s'agit bien de cela. Voilà pourquoi c'est tellement terrible.
    Le Royaume-Uni a mené d'excellentes campagnes. Sagesse s'en est inspiré. Nous avons fait beaucoup de travail qui a été jugé très pertinent.
    Selon moi, c'est là le plus important. Il faut d'abord nommer le problème, puis informer les gens qu'il s'agit d'une forme de violence et qu'ils peuvent demander de l'aide pour s'en sortir.
    Nous vous écoutons, madame Gill.
    En plus d'appuyer les propos de Mme Silverstone, j'aimerais parler de la situation que nous avons vécue au Nouveau-Brunswick au moment de la mise en place du tribunal spécialisé dans les causes de violence familiale à Moncton.
    Le nombre de cas a augmenté. Quand de telles mesures sont prises, on peut s'attendre à une hausse du nombre de cas signalés parce que les victimes sentent qu'elles seront enfin entendues.
    À Moncton, la première année du projet pilote de tribunal spécialisé, le nombre de causes de violence familiale a augmenté, pas parce qu'il y avait plus de violence familiale, mais parce que les victimes pouvaient se faire entendre. Je soupçonne qu'il se passera la même chose avec le contrôle coercitif.
    Merci beaucoup pour vos témoignages.
    Nous passons maintenant à Mme Dhillon.

[Français]

     Vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les deux témoins de leur présence et du travail très important qu'elles accomplissent dans ce dossier.
    Ma première question est pour vous deux.
    Durant les deux premières années après la séparation, comment les forces de l'ordre et le système judiciaire peuvent-ils protéger efficacement les victimes de contrôle coercitif et de violence entre partenaires intimes? Y a‑t‑il moyen de mettre fin au contrôle coercitif après la séparation? Comme vous l'avez dit, on sait qu'il ne s'arrête pas nécessairement.
    Je ne crois pas qu'il y ait moyen d'y mettre fin. Un agresseur qui se comporte de manière coercitive et contrôlante ne changera pas de comportement.
    Je peux vous donner un exemple très pertinent. Il s'agit d'une affaire qui s'est produite récemment à Calgary. Des ordonnances de protection d'urgence et de non-communication ont été rendues, mais l'agresseur y a contrevenu plusieurs fois et il a fini par tuer sa conjointe. Selon moi, si des dispositions législatives sur le contrôle coercitif avaient été en place, la police aurait eu un outil de plus à sa disposition pour obliger l'agresseur à répondre de ses actes et pour mieux protéger la victime.
    On ne peut peut-être pas mettre fin au contrôle coercitif, mais en reconnaissant le problème et en dotant le système judiciaire d'outils pour s'y attaquer, on peut renforcer la protection des victimes de violence familiale.
    Encore une fois, je suis d'accord avec ce que vient de dire Mme Silverstone.
    La mesure ne va pas nécessairement mettre fin au contrôle coercitif, mais nous aurons au moins un outil de plus pour intervenir dans ces cas‑là. N'oublions pas que les agresseurs auront eux aussi besoin d'un suivi. Il faut éviter d'adopter une approche centrée exclusivement sur les victimes, mais tenir compte également des agresseurs et des enfants.
    C'est sans contredit un enjeu sociétal. Dès que nous commencerons à en parler sur la place publique, le niveau de sensibilisation augmentera. La police sera investie du rôle capital de juger si elle se trouve devant un cas de violence entre partenaires intimes.
    Les deux témoins et la députée qui a présenté le projet de loi ont toutes les trois parlé de la définition de contrôle coercitif. Cette notion peut englober beaucoup de choses. Nous avons parlé des enfants. Inclut-elle également les mauvais traitements infligés à l'animal de compagnie et aux membres de la famille élargie de la plaignante?
    Je vois Mme Gill sourire. Je vais l'inviter à répondre en premier. Mme Silverstone pourra répondre ensuite.
(1000)
    Très bien. La notion de contrôle coercitif englobe aussi les mauvais traitements infligés à l'animal de compagnie qui vit dans la maisonnée. J'ai vu des cas où le partenaire avait tué le chien pour faire comprendre à sa partenaire qu'elle pourrait être la prochaine.
    Lorsque de mauvais traitements commencent à être infligés à l'animal de compagnie, c'est signe qu'il y a un problème. Ce drapeau rouge indique que les mauvais traitements infligés à un animal pourraient très bien être suivis par des agressions dirigées contre la partenaire.
    Merci d'avoir posé cette question.
    Je pense que la force de la définition de contrôle coercitif est de reconnaître que la violence familiale consiste entre autres à prendre l'une des choses les plus précieuses pour la victime et de s'en servir comme mécanisme pour renforcer la domination et le contrôle. Les choses utilisées peuvent aller de l'animal de compagnie à la maison en passant par le compte bancaire — tout ce qui est précieux aux yeux de la victime —, la réputation professionnelle, ou encore le dévoilement de l'identité sexuelle pour les personnes 2ELGBTQ.
    Le contrôle coercitif peut prendre une multitude de formes. Selon moi, la force de la définition énoncée dans le projet de loi par rapport aux définitions antérieures est de reconnaître cette dimension protéiforme.
    Madame Silverstone, j'allais vous poser une question sur le contrôle coercitif exercé à l'égard des personnes LGBTQ. Comment les couples de même sexe signalent-ils le contrôle coercitif? Quels effets cette mesure pourrait‑elle avoir sur eux et sur leur qualité de vie?
    Tout d'abord, des statistiques révèlent que le taux de violence familiale est encore plus élevé dans les familles 2ELGBTQ en raison de l'homophobie, de l'hétérosexisme et des obstacles qui entravent l'accès aux services. La notion de contrôle coercitif a pour effet entre autres de faire tomber en bonne partie ce binarisme qui conditionne très souvent notre conception de la violence familiale et de reconnaître que les choses doivent être vues dans le prisme de l'expérience de la victime. Je pense donc que cela met les conditions en place pour faciliter l'accès des groupes en quête d'équité — notamment les personnes 2ELGBTQ — aux soutiens et aux services.
    Merci de votre réponse.
    Nous allons passer à la série de questions de deux minutes et demie. Monsieur Fortin, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Mesdames Gill et Silverstone, une question me chicote. Madame Gill, vous disiez que, au Nouveau‑Brunswick, on avait créé un tribunal spécialisé dans les cas de violence familiale et que les plaintes avaient augmenté après sa création. Je n'ai pas de difficulté à le croire. Les victimes se disaient probablement qu'elles avaient davantage de chance d'être crues et entendues.
    Le projet de loi à l'étude traite de comportements violents et coercitifs de façon répétée et continue. Il ne s'agit donc pas de gestes de violence précis, comme un coup de poing ou un coup de couteau, qui sont des événements précis. La victime rapporte à la police que son conjoint ou sa conjointe l'a attaquée avec un couteau. C'est simple.
    J'aimerais vous entendre sur la façon dont le projet de loi s'articulera autour des plaintes et des infractions. Par exemple, quelle victime va dire que son conjoint, la première année, a pris le contrôle de son compte de banque et que, la deuxième année, il l'a suivie quatre ou cinq fois? Je sens qu'il y a une certaine fluidité dans le comportement.
    Ne craignez-vous pas que ce soit difficile de porter plainte ou de bien cerner l'infraction qui fera l'objet d'un éventuel procès?
     L'infraction ne consisterait pas nécessairement en un événement, mais en un ensemble de comportements. Comment fait-on pour déterminer qu'il s'agit de comportements de contrôle? Il va falloir revoir la façon dont on pose des questions aux victimes. Cela va permettre d'établir le type de comportement de contrôle dont elles ont été victimes. Je ne pense pas que ce sera problématique.
    D'ailleurs, j'ai souvent vu des cas où des femmes ont appelé la police parce qu'elles craignaient pour leur vie, mais, au moment où la police a répondu à l'appel, il n'y avait pas eu d'événement physique, d'infraction physique. Les policiers ne pouvaient donc pas cerner ce qui avait poussé la femme à appeler la police. On n'a pas posé de questions sur les événements qui ont précédé l'appel à la police.
    Cela va nous amener ou nous forcer à revoir la façon de poser des questions sur l'ensemble de la situation. Il faut voir cela de façon beaucoup plus large. Il ne s'agit pas d'un coup de poing ou d'une gifle. Il s'agit de quelqu'un qui terrorise une personne pendant des semaines, des mois, voire des années, ce qu'on ne considère toujours pas comme un crime. À mon avis, c'est problématique.
(1005)
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Gill.

[Traduction]

    Nous passons à M. Garrison pour la dernière question.
    Je rappelle aux témoins de ne pas hésiter à nous transmettre par écrit après la réunion toute information qui pourrait, selon eux, être utile au Comité.
    Allez‑y, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Les membres du Comité savent que mon implication dans ce dossier a commencé au début de la pandémie, lorsque je faisais ma tournée traditionnelle des organismes de services sociaux et des services de police. À cette époque, les intervenants m'ont tous fait part d'une hausse marquée des appels d'aide.
    Madame Silverstone, vous êtes sans doute la mieux placée pour en parler. Nous étions nombreux à présumer que la hausse s'estomperait avec l'élimination progressive des restrictions liées à la pandémie. Pourriez-vous me dire si votre organisme a constaté une disparition de la hausse, ou au contraire un maintien des taux élevés?
    La hausse ne s'est pas du tout estompée. Dans pratiquement tout le Canada, les taux de violence familiale ont augmenté d'environ 30 % pendant la pandémie. Ces taux n'ont pas décliné depuis. Les événements comme celui‑là et les crises sociales survenus dans le passé — par exemple les feux de forêt en Alberta — nous montrent que les taux qui ont connu une hausse ne diminuent pas par la suite. Ils le font parfois, mais seulement au bout d'une période de 10 à 15 ans.
    Vu que la COVID est un problème qui touche toute la société, je ne pense pas que ces chiffres vont fléchir. Le Canada est frappé par une épidémie de violence familiale en ce moment.
    Madame Gill, je suppose que vous avez constaté la même chose.
    Pendant la pandémie, j'ai beaucoup parlé du contrôle coercitif dans les médias. De nombreuses victimes m'ont contactée. La violence contre des partenaires intimes n'a pas reculé à la fin de la pandémie. Elle a plutôt passablement augmenté.
    D'accord.
    Le temps alloué à la réunion d'aujourd'hui est presque écoulé. Je vais donc vous accorder environ 30 secondes chacune pour formuler tout autre commentaire dont vous voudriez faire part au Comité.
    Je vais commencer avec Mme Silverstone.
    Je vais commencer par dire qu'aucune loi n'est parfaite. Si le texte à l'étude entre en vigueur, il viendra garnir la boîte à outils qui permet au système de justice au Canada de traiter des problèmes de violence familiale dans la société.
    Il faut adopter le plus tôt possible ce projet de loi. À mon avis, la formation pourrait se donner parallèlement, et je pense que la police et le système de justice en ont déjà fait la demande. La plupart de ces intervenants n'ont pas besoin de formation sur la notion de contrôle coercitif. Ils auraient peut-être plutôt besoin d'une formation sur l'utilisation d'une loi comme celle‑là.
    Des changements auraient dû être apportés depuis longtemps. Nous accusons du retard par rapport aux pays qui ont établi leur plan de lutte contre la violence fondée sur le sexe. Je pense que les victimes au Canada méritent que la loi proposée entre en vigueur.
    Merci.
    La parole est à vous, madame Gill.
    Je vais renchérir sur ce que vient de dire Mme Silverstone, mais je voudrais souligner les changements législatifs de 1983 qui nous ont fait passer de la notion de viol à la notion d'agression sexuelle. La nouvelle loi a changé de fond en comble notre manière de voir les violences sexuelles. Je pense que les mesures comme le projet de loi à l'étude nous amènent à appréhender autrement la complexité des violences infligées entre partenaires intimes.
    Je voulais terminer sur cette note, car j'ai un souvenir très clair du débat qui opposait les notions de viol et d'agression sexuelle. Force est de constater que la loi sur les agressions sexuelles a amélioré le système. La même chose adviendra avec la loi sur le contrôle coercitif.
    Merci beaucoup à toutes les deux de nous avoir transmis ce matin vos connaissances et les fruits de vos réflexions approfondies.
    Chers collègues, je vous rappelle que vous avez jusqu'à demain pour soumettre le nom des témoins que vous voudriez entendre dans le cadre de cette étude. Lundi, le greffier vous remettra la liste des noms qui auront été proposés.
    N'oubliez pas non plus que nous passerons la semaine prochaine dans nos circonscriptions. Nous nous reverrons lundi et jeudi la semaine suivante. Ces deux réunions seront consacrées à notre étude.
    Sur ces quelques mots, je vous souhaite une excellente journée en ce Jour du drapeau canadien.
(1010)

[Français]

     Je vous remercie tous.
    La séance est levée.
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