:
Je déclare la séance ouverte.
[Traduction]
Bienvenue à la 126e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
À ce stade‑ci de la réunion, j'aimerais proposer l'adoption du budget de 23 250 $ pour la pré-étude sur le projet de loi . Je crois comprendre que le budget a déjà été distribué à tous les membres du Comité.
Pouvez-vous lever la main si vous êtes d'accord?
(La motion est adoptée.)
Le vice-président (M. Larry Brock): C'est unanime. La motion est adoptée.
Je vous remercie.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 2 décembre 2024, le Comité se réunit en séance publique pour commencer son étude de l'objet du projet de loi , Loi édictant la Loi sur les préjudices en ligne, modifiant le Code criminel, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet et apportant des modifications corrélatives et connexes à d'autres lois.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la première heure.
Nous accueillons les représentants du Barreau du Québec, qui témoignent par vidéoconférence: Me Catherine Claveau, présidente; Me Nicolas Le Grand Alary, du Secrétariat de l'Ordre et affaires juridiques; et Me Michel Marchand, membre du Groupe d'experts en droit criminel.
Nous recevons en personne Mme Anaïs Bussières McNicoll, directrice du Programme des libertés fondamentales de l'Association canadienne des libertés civiles.
Mesdames et messieurs les témoins et les députés, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, veuillez vous assurer d'avoir sélectionné la langue de votre choix pour l'interprétation simultanée, qui se trouve dans le coin inférieur gauche de votre écran. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Je rappelle à tous les députés de ne prendre la parole qu'après avoir été interpellés par la présidence.
Sans plus tarder, je vous cède la parole. Chaque témoin dispose de cinq minutes.
Qui veut commencer?
Mme Bussières McNicoll pourrait peut-être y aller.
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Distingués membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part du point de vue de l'Association canadienne des libertés civiles, ou ACLC, sur le projet de loi .
L'ACLC est une organisation nationale indépendante et non gouvernementale fondée en 1964. Son mandat est de défendre et de promouvoir les libertés civiles, les droits de la personne et les libertés démocratiques de toutes les personnes au Canada. La lutte en faveur d'une protection solide de la liberté d'expression, de la vie privée et des principes de justice fondamentale est au cœur de notre mandat.
L'ACLC reconnaît l'importance d'initiatives législatives visant à protéger certains des membres les plus vulnérables de notre société contre des formes particulièrement préjudiciables de discours en ligne. En ce sens, l'ACLC reconnaît que certaines des obligations qui seraient créées par la partie 1 du projet de loi concernant les exploitants de services réglementés seraient les bienvenues. Toutefois, l'actuelle mouture de la Loi sur les préjudices en ligne prévoit également des obligations plus générales qui doivent être clarifiées et limitées adéquatement, à défaut de quoi elles soulèveront des problèmes, notamment en matière de liberté d'expression.
Par exemple, l'obligation générale, prévue au paragraphe 55(1), de mettre en œuvre les mesures adéquates pour atténuer le risque que les utilisateurs d'un service soient exposés à du contenu préjudiciable a une portée trop vague. En l'absence de balises adéquates, les exploitants sont susceptibles de tenter de se conformer à cette obligation imprécise de la manière la plus efficace et la plus économique possible. Cela pourrait être fait aux dépens de la liberté d'expression des usagers, par exemple par le truchement de la surveillance proactive du contenu, ce qui, à ce stade, n'est pas interdit par la loi, ou encore par la suppression de contenu sur la base d'analyses algorithmiques non transparentes.
L'obligation générale imposée aux exploitants de mettre en œuvre des outils et des processus pour signaler du contenu préjudiciable, prévue à l'article 59, souffre de lacunes similaires, elles aussi susceptibles de mettre en danger la liberté d'expression. Par exemple, la Loi sur les préjudices en ligne, telle qu'elle est rédigée, permettrait aux exploitants de supprimer plusieurs catégories de contenu signalé sans donner à leur auteur la possibilité de présenter son point de vue. En fait, pour plusieurs catégories de contenu, la loi, telle qu'elle est rédigée, permettrait même implicitement aux exploitants de supprimer du contenu signalé sans avoir déterminé au préalable si celui-ci correspondait effectivement à du contenu préjudiciable.
Ces préoccupations peuvent être atténuées grâce aux recommandations 1 à 3 que nous avons décrites dans notre mémoire écrit. Nous y suggérons d'exiger des exploitants qu'ils remplissent leurs obligations légales sans se livrer à une surveillance de masse et sans limiter indûment la liberté d'expression des usagers. Nous recommandons aussi d'exiger de la Commission canadienne de la sécurité numérique, une nouvelle commission proposée dans le projet de loi, qu'elle s'assure, sur une base annuelle, que les exploitants se conforment bel et bien à leurs obligations en lien avec les droits des usagers.
En ce qui a trait aux parties 2 et 3 du projet de loi, l'ACLC se réjouit de l'annonce récente du ministre de la Justice indiquant qu'il souhaite les retirer du présent projet de loi. Ce faisant, le ministre de la Justice accède à une demande formulée il y a plusieurs mois par l'ACLC et par plusieurs autres organisations de la société civile visant à s'assurer que l'étude de la partie 1 par ce comité ne soit pas éclipsée par des changements controversés au Code criminel et à la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'ACLC est d'avis que les parties 2 et 3 du projet de loi ne devraient pas être adoptées par le Parlement.
En ce qui a trait aux modifications proposées au Code criminel, la nouvelle infraction motivée par la haine augmenterait de manière irrationnelle la peine maximale associée à toute infraction au Canada jusqu'à l'emprisonnement à vie. Cette exorbitante discrétion judiciaire ouvrirait la voie à des peines disproportionnées et à une augmentation du nombre de négociations de plaidoyers de culpabilité par des accusés innocents et vulnérables. Elle limiterait aussi la liberté d'expression au Canada.
L'ACLC s'oppose également à la disposition proposée relative à la crainte d'une infraction de propagande haineuse ou d'un crime haineux. Le droit criminel devrait être un moyen de tenir les individus pour responsables des gestes qu'ils ont posés, et non des gestes que d'autres personnes craignent qu'ils posent un jour. Permettre à un juge de limiter la liberté et l'expression d'individus qui ne sont même pas soupçonnés ou accusés d'avoir commis un crime, et encore moins condamnés, porte atteinte, de manière déraisonnable et injustifiée, à plusieurs droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.
Finalement, en ce qui a trait aux modifications proposées à la Loi canadienne sur les droits de la personne, à la partie 3 du projet de loi, elles seraient inappropriées et inefficaces pour résoudre le problème des discours haineux dans notre société moderne. Ces modifications feraient en sorte que les organismes de défense des droits de la personne seraient inondés de plaintes, alors qu'ils souffrent déjà d'un manque chronique de ressources.
Je vous remercie de votre attention.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, bonjour.
Je suis Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Michel Marchand, membre du Groupe d'experts en droit criminel, et de Me Nicolas Le Grand Alary, avocat au Secrétariat de l'Ordre et affaires juridiques du Barreau du Québec. Nous vous remercions d'avoir invité le Barreau à témoigner au sujet du projet de loi .
Forts de notre expérience en droit criminel et en droits de la personne, nous formulons uniquement des commentaires sur les parties 2 et 3 du projet de loi, c'est-à-dire sur les modifications proposées au Code criminel et à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Commençons par la partie 2 du projet de loi, soit les modifications au Code criminel. Considérant l'augmentation prononcée des crimes haineux, dont la majorité sont fondés sur la race et l'origine ethnique, il est primordial que le projet de loi offre aux tribunaux des outils efficaces afin de lutter contre ceux-ci, tout en s'assurant qu'ils respectent les principes de justice fondamentale et les exigences constitutionnelles canadiennes. D'ailleurs, pour cette raison, le Barreau du Québec appuie la demande du ministre de la Justice du Québec, selon laquelle le législateur devrait retirer du Code criminel l'exemption religieuse dans le cadre de la propagande haineuse.
Nous sommes aussi d'avis qu'il est essentiel de codifier une définition de la haine. Cela aura pour effet, d'une part, d'encourager les signalements en permettant aux communautés de bien comprendre ce qui est interdit et, d'autre part, d'aider tous les intervenants, dont les policiers, à agir à l'intérieur d'un cadre réglementaire bien défini.
Toutefois, nous émettons des réserves quant à la définition du terme « haine » proposée par le projet de loi, qui s'inspire de l'arrêt Whatcott. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada s'est prononcée sur la constitutionnalité d'une disposition visant l'interdiction de publications haineuses dans un contexte de droits de la personne. Nous croyons qu'en matière criminelle, la décision clé est l'arrêt Keegstra, qui a été rendu en 1990 et dont l'analyse a été reprise dans l'arrêt Mugesera en 2005.
Dans ces décisions, la Cour suprême a interprété la notion de haine eu égard spécifiquement aux dispositions du Code criminel et a estimé que « le mot “haine” désigne une émotion à la fois intense et extrême qui est clairement associée à la calomnie et à la détestation. » Ainsi, afin d'éviter le risque de contestation de la constitutionnalité de cette disposition, considérant que le fardeau de preuve en droit criminel diffère de celui qui s'applique en droit civil et que la Charte canadienne des droits et libertés offre des garanties à l'accusé en matière criminelle, nous suggérons que le projet de loi reprenne cette dernière définition.
De plus, le projet de loi érige en infraction parmi les crimes haineux le fait de commettre une infraction prévue au Code criminel ou à toute autre loi fédérale en étant motivé par la haine fondée sur certains facteurs. Cette nouvelle infraction serait punissable de l'emprisonnement à perpétuité. L'étendue de cette nouvelle disposition, qui renvoie à « toute loi fédérale », est large et elle risque de viser une très vaste gamme d'infractions, sans qu'aucune différenciation ne soit faite quant à la gravité objective de chacune de ces infractions.
Or, cette nouvelle disposition est contraire au principe fondamental de proportionnalité de la peine, énoncé à l'article 718.1 du Code criminel. Nous proposons donc de bonifier les dispositions déjà existantes dans le Code criminel, ce qui éviterait ainsi de créer un nouveau régime de poursuite des crimes haineux qui coexisterait avec le régime actuel.
Passons maintenant à la partie 3 du projet de loi, soit les modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne. D'abord, nous saluons le rétablissement de l'article 13 de la Loi, qui vise la communication de discours haineux. Nous constatons que le nouveau libellé proposé est plus précis et mieux circonscrit, ce qui permettra d'établir un équilibre entre les droits et les libertés protégés par la Charte canadienne. Nous appuyons également la définition de « discours haineux » proposée dans le projet de loi, qui respecte les enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt Whatcott, décision rendue dans un contexte de droits de la personne.
Finalement, le projet de loi introduit un aspect punitif dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, ce que nous remettons en question. La Cour suprême écrivait, notamment dans les arrêts Taylor et Blencoe, que la loi n'a pas pour objet de punir la faute, mais bien de prévenir la discrimination et que les régimes de protection des droits de la personne doivent avoir pour objectif la conciliation, et non la punition. Dans la forme proposée par le projet de loi, il s'agirait d'une mesure punitive qui dénaturerait l'objectif des régimes de protection des droits de la personne.
Nous suggérons de prévoir que la pénalité soit plutôt versée à la victime ou, si elle n'est pas identifiable ou identifiée, qu'elle soit versée à un organisme voué à la défense des droits de la personne ou à un groupe visé dans la communication constituant l'acte discriminatoire.
Il pourrait également être prévu, à l'instar du paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la possibilité d'ordonner à l'auteur de l'acte discriminatoire le paiement d'une indemnité spéciale à la victime, si cet acte a été délibéré ou inconsidéré. D'autres commentaires se trouvent dans notre mémoire.
Nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Je vous remercie.
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Bonjour. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé aujourd'hui.
Je m'appelle Jane. Peut-être que beaucoup d'entre vous portent le même titre que moi, celui de parent. Je suis la mère d'une jeune fille fougueuse qui a été agressée sexuellement et qui, en raison de cette agression, est également devenue une victime d'exploitation sexuelle. Peut-être que vous, en tant que parents, pouvez comprendre l'histoire de mon enfant, qui est malheureusement devenue aussi la réalité de notre famille.
Dans les quelques minutes qui me sont allouées, j'aimerais vous donner un aperçu et vous décrire quelques détails de l'horrible agression sexuelle que ma petite fille a subie et continue d'endurer tous les jours. Ma fille n'était qu'une bambine quand, un jour, le destin l'a frappée. Elle n'était qu'une jeune enfant qui n'avait pas d'autre choix que de confier sa vie à un adulte qui était censé la protéger, lui apprendre à faire la différence entre le bien et le mal, et l'aimer de manière à lui montrer ce à quoi une relation saine est censée ressembler à l'avenir.
De l'âge préscolaire à la maternelle, on lui a fait croire que les rapports et les gestes sexuels entre les enfants et les adultes étaient tout à fait acceptables et normaux. Certains jours, au lieu de regarder des dessins animés, elle passait son temps avec un adulte présumément de confiance qui banalisait le matériel de pornographie juvénile. Pour y arriver, elle était exposée à répétition à possiblement des centaines de vidéos d'exploitation d'enfants, chaque fois que l'occasion se présentait. À l'aide de divers matériels portant sur la violence sexuelle faite aux enfants, elle a facilement été violée par son agresseur à maintes reprises. D'après les preuves recueillies par les forces de l'ordre, il est possible qu'elle ait été violée et agressée sexuellement tous les jours. Elle avait entre trois et six ans, et elle a tellement été violée qu'on lui a fait croire que c'était un jeu amusant. À maintes reprises, elle était récompensée avec des bonbons pour ses gestes. Il s'agissait notamment de relations sexuelles orales, des relations vaginales et de l'insertion de divers objets dans son anus.
L'auteur du crime était son père biologique. Cet homme a également fait la traite de sa propre fille en la faisant participer virtuellement à des activités sexuellement explicites et scénarisées avec un ou plusieurs adultes dans les murs sombres du monde en ligne. Lorsque l'agresseur de mon enfant a été arrêté, il a admis que les abus avaient pris des proportions incontrôlables. Il était devenu insensible à l'idée de violer ma fille pour sa propre satisfaction sexuelle. Il a admis aux forces de l'ordre qu'il en voulait toujours plus.
La compréhension que ma fille a de ce qui lui est arrivé est plus grande qu'elle ne le souhaiterait. L'ampleur des dommages qui lui ont été causés à ce moment‑là, et qui se poursuivent encore aujourd'hui, est incalculable. Ma petite fille a d'innombrables souvenirs qui la hantent pendant son sommeil. Souvent, elle est anxieuse, craintive et apeurée. Malheureusement, les sévices qui lui ont été infligés sont maintenant hyperactivement présents sur le Web clandestin. C'est l'une des séries de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants les plus téléchargées qui y circulent. Des prédateurs d'enfants ont sauvegardé et diffusé des images et des vidéos de son petit corps nu et contorsionné de manière provocatrice. Ses parties intimes ne sont plus intimes. Son vagin est exposé à la vue du monde entier. Son sourire, son rire et son innocence lui ont tous été enlevés. La façon dont elle est représentée dans ces photos et ces vidéos n'est pas la manière dont elle veut être perçue.
Ceux qui prennent l'initiative de télécharger, de visionner, de sauvegarder et de partager le matériel pédophile inacceptable de mon enfant continuent à lui faire du tort. Les auteurs ont carrément prémédité leurs gestes et les ont posés contre son gré. Les personnes qui possèdent des produits de l'exploitation sexuelle d'enfants devraient sans aucun doute être tenues responsables et assumer l'entière responsabilité morale de leur propre contribution à la crise de l'exploitation continue que mon enfant et bien d'autres continuent de subir.
À cause des comportements inacceptables de ces agresseurs, mon enfant ne jouit pas d'une vie épanouie. C'est le seul mécanisme d'adaptation dont elle croit disposer pour se protéger. Elle essaie de se cacher en ne sortant pas de la maison. Si elle le fait, elle craint d'être reconnue. Elle a l'impression que ses blessures sont irréparables. Elle veut que les souvenirs disparaissent. Tant qu'Internet n'aura pas de règlements et de règles obligatoires visant à la protéger, elle et les autres victimes, contre le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, les images continueront d'exister. L'évolution de la technologie est son cauchemar. À l'heure actuelle, elle ne peut pas échapper à l'abus, pas plus que l'abus ne peut la laisser tranquille.
Je me battrai pour mon enfant et réclamerai la protection qu'elle mérite. Il ne devrait pas y avoir de débat ici. Mon enfant souffre en silence depuis beaucoup trop longtemps. Elle ne devrait ni avoir honte ni se sentir coupable des attaques personnelles qui ont lieu sur Internet non contrôlé. Permettez-lui, à elle et aux autres, de retrouver leur dignité.
Nous avons désormais le choix d'être des agents de changement et de façonner l'avenir de tous les enfants. Ma petite fille n'est pas seulement victime d'une infraction directe. Elle est victimisée à nouveau chaque fois que le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants sur lequel elle figure circule sur le Web clandestin. Quel genre de personne ne veut pas protéger l'avenir de nos enfants ou petits-enfants? Je le répète avec empressement: nous avons besoin d'une culture du respect de la loi qui applique avec rigueur la réglementation d'Internet. L'Internet non réglementé a causé du tort à mon enfant et à d'innombrables autres partout au pays.
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Eh bien, merci beaucoup.
Madame McNicoll, j'ai une question pour vous. Nous étudions le projet de loi , et je sais, d'après votre témoignage et ce que j'ai lu sur les propos de votre organisation, que vous connaissez très bien le sujet. Avant de vous poser une question là‑dessus, j'aimerais avoir votre avis sur le projet de loi , que je viens de mentionner dans cette motion. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par une députée conservatrice, notre collègue , qui porte sur certains des mêmes enjeux et sujets que le projet de loi C‑63.
Je vais simplement vous en donner un aperçu très général. Le projet de loi modernisera l'infraction actuelle de harcèlement sexuel afin de viser le harcèlement en ligne. Il obligera les plateformes de médias sociaux à renforcer les mesures de protection pour les enfants dans les cas d'intimidation, de violence sexuelle, d'automutilation et de contenu d'exploitation sexuelle — ce dont la témoin Jane a parlé. Par ailleurs, il mettra à jour les lois canadiennes existantes sur la distribution non consensuelle d'images produites artificiellement, autrement dit, les hypertrucages. Le projet de loi n'aborde aucun de ces sujets, et il y a donc là une grande lacune que le projet de loi C‑412 comblera, selon nous. Voici ma question: êtes-vous d'accord pour dire que ce sont des sujets importants qui devraient être discutés en priorité, une occasion que présente le projet de loi C‑412?
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Je vous remercie de la question.
Il est évident que, pour me prononcer sur un projet de loi de manière éclairée, il faut que je le connaisse en détail. J'ai la chance de l'avoir déjà lu, et je connais bien certains sujets qu'on y aborde. Je suis d'accord sur la suggestion que les contenus préjudiciables que vous avez mentionnés sont problématiques.
Le projet de loi soulève peut-être moins de problèmes sur le plan de la liberté d'expression, mais il en soulève d'autres en matière de respect de la vie privée et de droit à l'égalité.
Je m'explique. Une bonne partie du projet de loi renvoie au contrôle parental du contenu pouvant être vu par des mineurs. Évidemment, quand on parle de contrôle parental, il faut savoir que les méthodes existantes pour vérifier l'âge des usagers sont imparfaites et qu'elles soulèvent des questions en matière de respect de la vie privée et de droit à l'égalité.
Il est du moins nécessaire que ces techniques soient efficaces, qu'elles ne discriminent pas les gens sur la base de leur ethnie et que les données personnelles qui sont collectées dans le cadre de la vérification de l'âge soient traitées d'une manière adéquate, c'est-à-dire en conformité avec les principes qui existent au Canada, notamment en matière de respect de la vie privée.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Jane — je vais vous appeler ainsi —, je vous remercie infiniment de nous avoir raconté votre histoire horrible. Nous parlons ici d'un projet de loi présenté par le gouvernement, le projet de loi , et en particulier de la partie 1. Vous avez en quelque sorte répondu à la question que je veux vous poser. Vous avez dit que l'Internet non réglementé a causé du tort à votre enfant et qu'il continue de le faire.
Un volet important de la partie 1 du projet de loi, à laquelle nous nous attardons, concerne les soi-disant dispositions de retrait qui seraient nécessaires sur Internet. Les dispositions du Code criminel sont une chose, mais, comme vous y avez fait allusion, il faut avoir la capacité de régler instantanément un problème lorsqu'il survient et de faire retirer quelque chose d'Internet le plus rapidement possible.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l'importance de ce volet, à votre avis? De plus, si ce projet de loi n'est pas adopté maintenant, pouvez-vous expliquer quelle incidence cela pourrait avoir sur votre famille et d'autres personnes?
:
Je crois avoir compris que l'obligation à laquelle vous faisiez allusion est celle prévue notamment aux articles 67, 68 et suivants de la partie 1 du projet de loi. Ces articles traitent de certains contenus hautement préjudiciables, notamment du contenu qui sexualise des enfants. On y parle du délai accordé à l'exploitant de la plateforme pour réviser et supprimer le contenu, après le signalement, s'il s'avère que le contenu est réel.
Selon l'ACLC, ces dispositions ne posent pas de problème. Selon nous, le problème est davantage en lien avec les obligations beaucoup plus générales qui sont imposées aux exploitants. Je parle notamment des articles 55 et 59.
L'article 55 prévoit une obligation générale de prendre les mesures raisonnables pour que les usagers ne soient pas exposés à du contenu préjudiciable. Quand je parle de contenu préjudiciable, je pense aux sept catégories. Malheureusement, en l'absence de paramètres suffisants, un exploitant pourrait être tenté d'adopter une approche très précautionneuse pour se soumettre à ce genre d'obligation, et ce genre d'approche pourrait limiter la liberté d'expression d'une manière déraisonnable au Canada.
Par exemple, en recherchant et en supprimant de manière proactive du contenu, on fait de la surveillance étatique par proxy. Dans ce cas, l'ACLC y voit un problème, mais ce n'est pas prohibé par la loi telle qu'elle existe présentement. L'exploitant pourrait aussi décider de supprimer du contenu sans même le réviser, ce qui serait aussi problématique, à notre avis.
Franchement, nous ne sommes pas là pour dire que la liberté d'expression est absolue au Canada et qu'il ne peut pas y avoir de limites raisonnables. Cependant, encore faut-il que les obligations imposées aux exploitants soient délimitées d'une manière suffisante pour leur permettre de comprendre quelles sont leurs obligations et de comprendre qu'ils doivent les honorer en se conformant de manière raisonnable au principe de la liberté d'expression.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être des nôtres. Je tiens à exprimer toute ma sympathie au Témoin 1. Je remercie ce témoin de son témoignage concernant les agressions dont a été victime sa fille — j'irais presque jusqu'à dire son bébé. Je trouve troublant que ce genre de comportement puisse encore se produire, et je pense que, à titre de législateurs, nous devons tout faire pour éviter que cela ne se reproduise.
Cela dit, maître Claveau, je vous remercie également d'être avec nous.
Je voudrais revoir avec vous deux aspects de votre position.
D'abord, vous nous avez dit que le Barreau soutenait la demande de Québec de retirer du Code criminel les deux dispositions de l'article 319 qui concernent l'exception religieuse. Quand on traite de la question de l'exception religieuse, on nous dit souvent que cette disposition n'a pas été utilisée souvent et que, finalement, ça ne sert peut-être à rien de l'enlever.
Peut-on penser que cette disposition, même si elle n'a pas été traitée souvent par les tribunaux, a été prise en considération au moment de décider si on intente ou pas des procédures judiciaires dans un dossier?
:
Bonjour, tout le monde.
On parle d'une émotion à la fois intense et extrême comme d'un critère objectif.
Cependant, il faut faire la distinction entre les critères établis dans les arrêts Keegstra et Mugesera, par exemple, qui sont rendus en droit criminel, et les critères établis dans des décisions rendues en droits de la personne, comme l'arrêt Whatcott, où on a décidé de reformuler le critère.
Au fond, le critère a été adopté tel qu'il l'avait déjà été dans les arrêts que je viens de mentionner, et on l'a tout simplement adapté en précisant qu'il faut se mettre dans la peau d'une personne raisonnable pour qualifier l'émotion, qui n'est pas celle de la personne qui exprime les propos en question, mais bien celle des personnes qui les reçoivent.
Je pense que les définitions du mot « haine » qui sont données par la Cour suprême sont très claires. Il s'agit de s'en servir pour les intégrer dans le Code criminel.
Ce qui est prévu actuellement dans les dispositions du projet de loi , constitue une norme inférieure au critère établi dans l'arrêt Mugesera, selon moi.
Il faut faire très attention, parce que, dans un contexte où il est question de liberté d'expression et de religion, les gens ont des droits. La Cour suprême a analysé la question en profondeur et avec beaucoup de sérieux. Elle a étudié des centaines de pages avant d'arriver à ses conclusions et de prendre une décision.
:
Le message que vous nous envoyez est très clair: il faut agir. Je pense que tous les membres du Comité le comprennent. Je ne saurais trop vous remercier d'être venue nous en parler aujourd'hui.
J'ai des questions à poser aux autres témoins.
[Français]
Je m'adresserai maintenant à Mme Bussières McNicoll et à Mme Claveau.
La partie 1 du projet de loi prévoit des amendes. Quand il s'agit d'un exploitant, on mentionne « une amende maximale de dix millions de dollars ou, s'il est supérieur, d'un montant égal à trois pour cent de ses revenus bruts globaux ».
Par ailleurs, si la déclaration de culpabilité se fait par procédure sommaire, on mentionne « une amende maximale de cinq millions de dollars ou, s’il est supérieur, d’un montant égal à deux pour cent de ses revenus bruts globaux ».
Quand il s'agit d'un individu, on prévoit « une amende maximale de 50 000 dollars ». Cela semble très peu si l'on tient compte des répercussions, comme celles qu'ont subies les membres de la famille du Témoin 1 et sa fille.
C'est une chose de mettre en place un cadre législatif, et c'est une autre chose de définir des peines pour mettre fin à ce fléau. Dans le cas relatif à la fille du Témoin 1, il est évident qu'il est nécessaire de prendre des mesures importantes.
Que pensez-vous des peines que je viens de mentionner et de l'approche adoptée dans le projet de loi?
Madame Bussières McNicoll, je vous demanderais de répondre en premier à ma question.
Je dirais, d'entrée de jeu, qu'il est important de remettre en contexte le fait que la loi prévoit sept catégories de contenus préjudiciables. Quand on envisage de donner des peines à des individus, il est important de ne pas tomber dans l'excès de manière à ce que les individus soient indûment pénalisés en lien avec certains contenus.
En ce qui a trait aux peines qui sont imposées aux exploitants — je vais laisser les autres se prononcer, s'ils le souhaitent, sur l'ampleur des peines —, il est important de garder en tête que, plus les pénalités sont élevées, plus les obligations doivent être claires, sinon les exploitants voudront à tout prix se conformer aux obligations qui sont vagues, et ils pourraient le faire au détriment de la liberté d'expression.
On en revient aux exemples que j'ai donnés plus tôt. Le fait d'adopter une approche outrancièrement précautionneuse par rapport au contenu qui est signalé et de procéder très vite, de façon exagérée, quant à la révision de ce contenu pourrait être préjudiciable à la liberté d'expression en ligne.
Comme vous l'avez sans doute vu en prenant connaissance de notre mémoire, nous n'avons pas de commentaires particuliers à faire sur la partie 1 du projet de loi.
Par contre, de manière générale, lorsqu'il s'agit de sanctions et de pénalités de cette nature, surtout lorsqu'il est question d'un régime de sanctions administratives pécuniaires, il faut faire tout un exercice pour établir le montant de ces pénalités, qu'elles visent des particuliers ou des entreprises. On parle souvent du pourcentage du chiffre d'affaires, par exemple. Il faut prendre en considération beaucoup d'éléments.
Sans prendre position sur la conformité ou sur le caractère opportun de cette approche, je dirai qu'il y a effectivement du travail à faire lorsqu'on établit un régime de sanctions administratives pécuniaires.
Je vous inviterais à comparer cela à d'autres régimes qui ont déjà été adoptés pour voir s'il y a des ressemblances. Vous pourriez aussi prendre connaissance des enseignements fournis par la Cour suprême dans ses décisions en ce qui concerne la validité de tels régimes.
Jane, ce que vous avez fait aujourd'hui est très courageux. La population ne sait pas que ces événements arrivent. Elle n'en a aucune idée. Je crois que la moitié de la solution consiste à... Manifestement, nous devons légiférer et mettre des changements en œuvre, mais les gens ne croient pas que des parents font la traite de leurs enfants. La population ne croit pas que les enfants sont utilisés quotidiennement comme outils sexuels en ligne, comme vous l'avez dit ici aujourd'hui. Elle ne le sait pas parce qu'elle ne veut pas croire que l'humanité est à ce point horrible.
Je tiens à vous remercier. Nous ne pouvons rien régler si nous ne reconnaissons pas ce qui se passe réellement. Je vous remercie de votre témoignage.
Je veux souligner deux ou trois éléments. Ce que nous essayons de déterminer, c'est la meilleure recommandation à mettre en œuvre le plus tôt possible pour protéger les enfants en ligne. Nous avons entendu des témoignages sur l'extorsion sexuelle. Des enfants s'enlèvent la vie.
Jane, vous êtes traumatisée pour le reste de votre vie. Votre enfant est traumatisée pour le reste de sa vie. Les répercussions sur la communauté sont considérables.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi demande — et j'utiliserai le libellé du projet de loi — une Commission canadienne de la sécurité numérique, un Bureau canadien de la sécurité numérique, un poste d'ombudsman de la sécurité numérique et, par la suite, un mandat pour la Commission et l'ombudsman. C'est un autre exemple montrant que les actions ne seraient pas instantanées.
Pour revenir à ce que disait mon collègue libéral au sujet du retrait immédiat de l'image, ce n'est pas ce que permettra le projet de loi . Pour ce faire, il faut mettre en place un organisme de réglementation, ce qui pourrait prendre des années.
Avec le projet de loi , nous mettrions cette obligation en œuvre instantanément en passant par la plateforme de médias sociaux proprement dite. Un juge aurait instantanément la capacité de nommer la personne qui détient l'image, de divulguer son nom et de porter des accusations contre elle. Il incomberait alors aux plateformes de médias sociaux de vérifier l'âge — ce qu'elles peuvent faire au moyen d'algorithmes, comme nous le savons.
Le problème qui se pose dans le projet de loi est le même que celui que nous avons observé avec d'autres organismes de réglementation. L'intention n'est pas accompagnée d'une action.
Je vais vous donner l'exemple de l'ombudsman fédéral des victimes. Il y a eu une augmentation de 477 %. Rien ne se passe après que les victimes s'adressent à l'ombudsman, n'est‑ce pas? Aucune mesure n'est rattachée à ce poste.
Voici ma question pour vous, Jane. Voudriez-vous qu'un projet de loi comme le projet de loi impose des mesures immédiates aux plateformes de médias sociaux et permette aux juges de divulguer les noms afin que les images soient réellement retirées et qu'on ne se limite pas seulement à une intention de retrait?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Jane, j'aimerais me faire l'écho des commentaires de mes collègues. Le grand courage dont vous avez fait preuve en vous exprimant est absolument incroyable, et votre détermination à protéger non seulement votre propre fille, mais aussi d'autres enfants, est louable. Merci.
Lors de la dernière réunion, nous avons entendu Carol Todd, qui s'est dite préoccupée par le fait que les victimes se font poser des questions juridiques techniques, et je ne veux pas entrer dans ces détails.
Cependant, comme vous avez parlé de votre expérience avec la police et du processus actuel, et du fait qu'aucune aide n'était offerte, je me demandais si vous pouviez nous parler de l'aide que pourrait apporter une commission de la sécurité numérique qui pourrait agir au nom des victimes. Je sais que certains diront qu'il s'agit de bureaucratie, mais je me demandais si vous pourriez nous parler de la voix qu'un tel organisme donnerait aux victimes. Est‑ce que ce serait bénéfique?
D'entrée de jeu, je vous dirais qu'il y a effectivement des obligations légales précises. Elles sont suggérées dans la partie 1 du projet de loi. Celles-ci permettraient d'obtenir rapidement la suppression de contenu qui est particulièrement préjudiciable. Je pense ici à du contenu qui sexualise des enfants ou perpétue la victimisation des survivants et à du contenu intime partagé sans consentement. À cet égard, je crois que c'est un progrès important.
Cela étant dit, il y a quand même des problèmes en matière de vie privée dans la partie 1 de ce projet de loi. C'est pour cette raison que l'une de nos recommandations vise à clarifier le fait que les obligations des exploitants et les obligations de la Commission canadienne de la sécurité numérique et des autres organismes de réglementation doivent respecter la vie privée des utilisateurs et des exploitants.
Je m'explique à cet égard.
On sait évidemment que les exploitants ont accès à des renseignements personnels d'utilisateurs dans le cadre de leurs activités. On sait aussi qu'il existe des lois fédérales régissant déjà la collecte, la rétention, la protection ainsi que le partage de renseignements confidentiels et de renseignements personnels. En ne faisant pas explicitement allusion à l'existence de ces obligations, une certaine confusion peut en découler chez les exploitants.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais m'adresser à Mme Claveau ou aux autres représentants du Barreau du Québec concernant l'emprisonnement à perpétuité.
Selon ce que je comprends, le Barreau considère que la disposition est un peu large lorsqu'elle prévoit une telle peine pour une vaste série d'infractions. Je partage aussi ce point de vue, et je trouve cela inquiétant.
Cependant, si on veut donner un certain caractère sérieux et grave au type d'infraction dont on traite, y a-t-il moyen d'augmenter la peine?
Je crois comprendre que vous proposez de revoir les peines une par une. Ne pourrait-on pas prévoir une disposition selon laquelle, dans certains cas qu'on pourrait définir, la peine maximale ou la peine minimale serait le double de ce qui est prévu?
Cela pourrait-il être une avenue intéressante à examiner, à votre avis, ou devons-nous vraiment procéder infraction par infraction et prévoir des peines spécifiques?
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Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
Je m'appelle Emily Laidlaw. Je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada et professeure agrégée de droit à l'Université de Calgary.
Lors de la dernière réunion du Comité, et plus tôt aujourd'hui, vous avez entendu des récits horribles, qui font ressortir les préjudices que ce projet de loi vise à éliminer. Dans le temps qui m'est imparti, j'aimerais expliquer quelle structure juridique est nécessaire pour atteindre ces objectifs, pourquoi une loi est nécessaire, pourquoi la partie 1 du projet de loi est structurée tel qu'elle l'est et quels amendements sont nécessaires.
Mon champ d'expertise est le droit lié à la technologie et les droits de la personne, en particulier la réglementation des plateformes, la liberté d'expression et la protection de la vie privée. Je consacre ma carrière à examiner la meilleure façon de rédiger ce genre de lois. Je vais soulever trois points dans ma déclaration préliminaire.
Premièrement, pourquoi avons-nous besoin d'une loi? Lorsqu'Internet a été commercialisé dans les années 1990, les entreprises de technologie sont devenues de puissants arbitres de l'expression. Elles établissent les règles et la façon de les faire respecter. Leur pouvoir n'a fait que croître au fil du temps.
Les médias sociaux sont essentiellement des entreprises de données et de publicité et, maintenant, des entreprises d'intelligence artificielle. Leurs services aux consommateurs et la conception de leurs produits et services peuvent directement causer du tort. Par exemple, la conception des algorithmes par les médias sociaux a une incidence pour notre santé mentale: les algorithmes font la promotion de contenu encourageant l'automutilation et la haine. Ils utilisent des techniques de persuasion pour encourager des comportements de dépendance — par exemple, en offrant du contenu agréable à visionner qu'on peut faire défiler à l'infini et en envoyant constamment des notifications.
Jusqu'à présent, au Canada, nous nous sommes largement appuyés sur l'autogouvernance des entreprises. L'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont adopté des lois il y a des décennies. Beaucoup de pays en sont à la deuxième génération de ces lois, et un réseau d'organismes de réglementation collabore pour créer une uniformité à l'échelle mondiale.
Pendant ce temps, le Canada n'a jamais adopté de loi exhaustive dans ce domaine. La législation qui s'applique est fragmentaire: elle aborde un peu la diffamation, la protection de la vie privée et le droit de la concurrence. Elle relève des dimensions importantes du problème, sans s'y attaquer directement.
Par conséquent, où en sommes-nous au Canada? La partie 1 du projet de loi est le fruit d'années de consultations, auxquelles j'ai contribué. À mon avis, après l'avoir amendée, il s'agira de la meilleure structure juridique pour lutter contre les préjudices en ligne.
Cela m'amène à mon deuxième point. Ce projet de loi a une incidence sur le droit à la liberté d'expression.
Notre groupe d'experts a consacré beaucoup de temps à réfléchir à la meilleure façon de protéger la liberté d'expression, et l'approche progressive que nous avons recommandée se reflète dans ce projet de loi.
Cette approche progressive comporte trois niveaux.
Premièrement, la plus grande atteinte à la liberté d'expression est le retrait du contenu, et le projet de loi ne l'exige que pour deux types de contenu qui sont les pires parmi les pires — les images qui, nous en convenons tous, devraient être retirées: le contenu d'exploitation sexuelle d'enfants et la divulgation non consensuelle d'images intimes, qui constituent tous deux des crimes.
Le deuxième niveau est l'obligation spéciale de protéger les enfants, compte tenu de leur vulnérabilité particulière. L'obligation exige que les médias sociaux intègrent la sécurité dès la conception de leurs produits et services.
Le troisième niveau, le fondement, est que les médias sociaux ont l'obligation d'agir de façon responsable. Cela n'exige pas de retirer du contenu, mais plutôt que les médias sociaux atténuent les risques d'exposition à des contenus préjudiciables.
À mon avis, le projet de loi s'aligne sur les normes mondiales parce qu'il est axé sur les risques systémiques de préjudice et mise sur l'atténuation des risques, associée à des obligations en matière de transparence.
Troisièmement, je ne suis pas ici pour préconiser l'adoption du projet de loi tel quel. Il n'est pas parfait. Il devrait être étudié attentivement et amendé.
Par ailleurs, d'autres parties du projet de loi n'ont pas nécessairement besoin d'être amendées, mais supposent des choix difficiles qui devraient être débattus. Il faut débattre de la portée du projet de loi; des préjudices à inclure ou non; des médias sociaux à viser en fonction de la taille ou du type; de la structure réglementaire; de la création d'un nouvel organisme ou du recours à un organisme existant et des pouvoirs qu'il devrait avoir; et de ce qui devrait être inclus dans la loi, d'une part, et de ce qui devrait être élaboré plus tard dans des codes de pratique ou des règlements, d'autre part.
Cependant, certains amendements sont, à mon avis, essentiels. Je vais terminer avec cette liste de trois amendements.
Premièrement, l'obligation d'agir de façon responsable devrait également comprendre l'obligation de tenir compte des droits fondamentaux et des moyens pris par les entreprises pour atténuer les risques. Autrement, les médias sociaux pourraient mettre en œuvre des solutions bâclées au nom de la sécurité qui auront une incidence disproportionnée sur les droits. Ce type de disposition figure dans les lois de l'Union européenne et du Royaume-Uni.
Deuxièmement, l'obligation d'agir de façon responsable et l'obligation de protéger les enfants devraient clairement régir la responsabilité et la transparence algorithmiques. Je pense que cet aspect est vaguement couvert dans le projet de loi actuel, mais il faudrait l'étoffer et le rendre explicite.
Troisièmement, l'article sur la protection de l'enfance devrait être présenté comme étant les intérêts supérieurs de l'enfant. De plus, les définitions de contenu préjudiciable pour les enfants devraient être amendées. Je propose deux amendements principaux: premièrement, le contenu poussant un enfant à se porter préjudice devrait avoir une portée étroite afin que les enfants qui explorent leur identité ne soient pas accidentellement visés. Deuxièmement, les éléments de conception qui créent une dépendance devraient être ajoutés à la liste.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé. J'attends avec impatience notre discussion.
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Bonjour à tous, chers parlementaires, honorables membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Je vous remercie énormément de me permettre de m'exprimer dans le cadre de la préétude du projet de loi , qui porte sur les discours haineux en ligne.
Je suis Étienne‑Alexis Boucher, directeur général de Droits collectifs Québec. Je devais être accompagné par l'avocat général de Droits collectifs Québec, Me François Côté, mais il ne peut malheureusement être des nôtres en raison de la marque du micro qu'il utilise.
Droits collectifs Québec est un organisme à but non lucratif gouverné par un conseil d'administration indépendant. Il se définit comme un acteur de transformation sociale, et il est présent sur l'ensemble du territoire québécois. Sa mission est de contribuer à la défense des droits collectifs sur le territoire québécois, eu égard notamment aux droits linguistiques et constitutionnels des citoyens et des citoyennes. Notre approche est non partisane, et l'action de l'organisme comporte de nombreux champs d'intervention, dont l'éducation populaire, la mobilisation sociale, la représentation politique et l'action judiciaire.
Après avoir dressé un bref portrait de l'organisme, mon propos principal au cours de cette intervention porte sur le consensus québécois qui existe à deux égards. Nous avons déjà agi quant au premier, et cela a été traité par les témoins du premier groupe un peu plus tôt. Nous avons entendu des témoignages particulièrement poignants concernant la mère d'une jeune femme dont les images intimes ont été partagées.
Alors qu'Ottawa refusait de bouger sur cette question, le Québec a fini, lui, par prendre les devants. Il est devenu un précurseur en la matière, et l'Assemblée nationale a adopté des mesures qui relèvent du Code pénal. Malheureusement, le Québec n'a pas de pouvoir quant au Code criminel. Du moins, c'est l'état de la situation actuelle. Il a donc, par les prérogatives que lui permet la Constitution du Canada, adopté des mesures concernant le partage de contenu intime sans consentement. Autrement dit, puisque le gouvernement fédéral ne se penchait pas sur la question, on a répondu à ce consensus québécois par cette initiative.
Je rappelle aussi, en matière de consensus québécois, l'adoption à l'unanimité à l'Assemblée nationale de la demande d'abolir les alinéas 319(3)b) et 319(3.1)b) du Code criminel, qui prévoient que « nul ne peut être déclaré coupable » de fomenter volontairement la haine contre un groupe identifiable « [s]'il « a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d'en établir le bien-fondé par argument ».
Voilà une exception au nom de la liberté de religion qui n'a pas sa place dans un État moderne comme le Canada. On comprend que la Constitution de 1867 prévoit que le fondé de pouvoir est issu du droit divin au Canada. Même le chef d'État ne peut être choisi par les citoyens et les citoyennes du Canada de manière démocratique, mais bien par Dieu. Cependant, on est rendu au XXIe siècle, et je pense que la liberté de religion n'a pas à être hiérarchisée de manière plus importante que la liberté de conscience, par exemple, ou la liberté d'opinion politique, alors que des contraintes sont reconnues par tous comme étant valables. Par exemple, lorsqu'on est un professeur, on ne peut exprimer dans le cadre de ses fonctions des opinions basées sur le statut politique du Québec ou du Canada. Ce sont des contraintes apportées à une liberté fondamentale qui sont tout à fait justifiables.
Or, la question de rendre possible un crime, ce qui est normalement considéré comme un crime, comme n'en étant pas un au nom de la liberté de religion, c'est pour nous complètement inacceptable. C'est pourquoi nous invitons finalement les parlementaires à répondre à l'appel du ministre de la Justice du Québec, qui, encore une fois, recueille l'assentiment d'une très grande majorité de Québécoises et de Québécois. Il exprimait ainsi un consensus largement établi, à savoir qu'il est tout simplement inacceptable d'accepter un discours haineux basé sur les religions.
Il y a eu des exemples très concrets. On a vu les dérives et les conséquences que cette exception a permises jusqu'à présent, alors que des gens, de manière tout à fait publique, devant des centaines de milliers de personnes, si on compte les gens qui ont visionné les images qui étaient très présentes sur les médias sociaux, ont pu constater l'appel au génocide qui a été fait au nom d'une religion.
Malheureusement, cet appel n'a pas pu faire l'objet de poursuites criminelles, étant donné, probablement, cette exception. De nouveau, nous pensons que cela est inacceptable. Ce consensus a été dégagé tant par l'État québécois que par des organismes, comme le Rassemblement pour la laïcité, dont je suis le vice-président. Cet organisme regroupe des dizaines d'organisations, voire des milliers de personnes.
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Bonsoir. Je m'appelle Matt Hatfield et je suis le directeur exécutif d'OpenMedia, une communauté non partisane de plus de 250 000 personnes au Canada qui travaillent pour avoir un Internet ouvert, abordable et sans surveillance.
Je me joins à vous depuis le territoire non cédé des nations Stó:lo, Tsleil-Waututh, Squamish et Musqueam.
Je dirais qu'il est assez impressionnant d'être ici aujourd'hui pour parler du projet de loi sur les préjudices en ligne. Lorsque les Canadiens ont vu pour la première fois ce à quoi pourrait ressembler ce projet de loi en prenant connaissance d'un livre blanc sur le sujet en 2021, ils n'ont pas beaucoup aimé ce qu'ils ont vu. OpenMedia était d'avis qu'il s'agissait d'un plan pour faire de l'Internet au Canada l'un des plus censurés et surveillés dans le monde démocratique, et nous étions loin d'être les seuls à être inquiets.
Pour une fois, le gouvernement a écouté. Il a mis un frein à son empressement à légiférer. Des consultations nationales ont été organisées dans tout le pays avec un large éventail d'intervenants et d'experts sur la liberté d'expression et les préjudices afin de trouver une façon de bien réglementer. La partie 1 du projet de loi qui en résulte est une énorme amélioration, le jour et la nuit. Les approches punitives simplistes qui auraient fait plus de mal que de bien ont disparu. De plus, les distinctions et les nuances qui ont été apportées à bien des endroits témoignent d'une réelle compréhension du fonctionnement d'Internet et de la façon de gérer les différents préjudices. Le fait de greffer à la partie 1 — la Loi sur les préjudices en ligne comme telle — les modifications au Code criminel et à la Loi sur les droits de la personne qui sont proposées a gravement occulté ce bon travail. C'est pourquoi, aux côtés de nos pairs, nous avons demandé que les parties soient séparées et nous nous réjouissons de la décision du gouvernement de les séparer.
Je vais me concentrer sur la partie 1 et la partie 4.
OpenMedia répète depuis des années que les Canadiens n'ont pas à sacrifier leurs libertés fondamentales pour apporter des améliorations très importantes à notre sécurité en ligne. Le recentrage du projet de loi en est la preuve. Au lieu d'essayer de régler tout ce qui est désagréable sur Internet en même temps, le projet de loi C‑63 se concentre sur sept types de contenu déjà illégal au Canada et traite ceux qui sont les pires et les plus facilement identifiables — le matériel d'exploitation d'enfants et le matériel d'adultes partagé sans consentement — le plus sévèrement. C'est la bonne décision à prendre. Au lieu de criminaliser les plateformes pour les actes horribles d'un petit nombre d'utilisateurs, ce qui les aurait sans doute amenées à réagir de manière excessive en surveillant et censurant chacun d'entre nous, le projet de loi C‑63 leur demande de procéder à leurs propres évaluations des risques posés par ces sept types de contenu et de démontrer ce qu'elles font pour tenter de les atténuer. C'est encore une fois la bonne décision à prendre. Ainsi, les nombreux ingénieurs talentueux dont disposent les plateformes travailleront pour répondre aux besoins de la population canadienne, en réfléchissant de manière créative aux moyens de réduire ces préjudices illégaux particuliers. Les plateformes expliqueront ainsi au fur et à mesure ce qu'elles font, afin que nous puissions évaluer si cela a du sens et corriger le tir si ce n'est pas le cas.
Cependant, je tiens à être très clair: ce n'est pas le moment d'adopter le projet de loi et de s'arrêter. C'est tout le contraire. Comme les parties qui sont maintenant séparées soulèvent de nombreuses préoccupations, il n'y a pas suffisamment d'attention qui a été accordée à l'amélioration de la partie 1. Je sais que vous entendrez un éventail d'experts juridiques et politiques vous faire part de leurs préoccupations au sujet de certains éléments du libellé de la partie 1 et des correctifs recommandés. J'espère que vous les écouterez tous très attentivement et que vous adopterez bon nombre des solutions qu'ils vous proposent.
Ce n'est pas le moment de procéder à l'aveuglette. La nouvelle commission de la sécurité numérique se voit accorder des pouvoirs extraordinaires pour examiner, orienter et rendre des décisions exécutoires sur les façons pour les plateformes de modérer l'expression publique des Canadiens dans les espaces en ligne que nous utilisons le plus. C'est approprié si, et seulement si, vous vous assurez qu'ils examinent attentivement et minimisent les répercussions sur notre liberté d'expression et notre vie privée. Il ne suffit pas que la commission pense à nos droits dans ses décisions explicites. Le plan de sécurité d'une plateforme qui est mal conçu pourrait réduire un préjudice en ligne, mais avoir une incidence largement disproportionnée sur notre vie privée ou notre liberté d'expression. Vous devez vous assurer que les plateformes et l'organisme de réglementation effectuent des évaluations écrites des répercussions de leurs plans sur nos droits et veillent à ce qu'elles soient faibles et proportionnelles à l'atténuation du préjudice. Les mesures prévues dans le projet de loi pour protéger les communications privées et chiffrées et empêcher les plateformes de surveiller les utilisateurs doivent être renforcées et rendues hermétiques.
OpenMedia a un rôle unique à jouer dans ces discussions parce que nous sommes à la fois une communauté de défense des droits qui luttera toujours pour protéger nos droits et nos libertés fondamentales, et une communauté de défense des consommateurs qui militent en faveur d'une réglementation sensée qui renforce notre pouvoir et améliore notre vie quotidienne. Si le Comité fait son travail, il peut faire du projet de loi une réussite sur ces deux plans. Depuis 2021, les membres de notre communauté ont envoyé près de 22 000 messages au gouvernement pour lui demander de s'attaquer de la bonne façon aux préjudices en ligne. Prendre le temps d'étudier attentivement le projet de loi C‑63 et d'y apporter les correctifs nécessaires avant de l'adopter vous permettrait de répondre à nos années de militantisme et de faire d'Internet un endroit meilleur et plus sain pour de nombreuses années à venir.
Je vous remercie et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
C'est un grand plaisir de vous voir occuper ce fauteuil, monsieur le président.
J'aimerais saluer M. Étienne‑Alexis Boucher, qui vient de ma région.
Je poserai mes questions à Mme Laidlaw et à M. Hatfield.
Madame Laidlaw, on a dit tantôt que le projet de loi était le résultat de plusieurs années de consultation. Vous avez fait partie de ce processus.
Pourquoi a-t-on retenu la liste des sept catégories de contenus préjudiciables?
Par ailleurs, on impose aux plateformes l'obligation d'agir de façon responsable. Qu'est-ce que cela veut dire, concrètement? J'imagine que cela suppose la nécessité d'identifier les risques de préjudice et d'en atténuer les effets.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
J'ai eu de nombreuses discussions avec d'autres gouvernements, et j'ai constaté que l'obligation d'agir de façon responsable équivaut généralement à l'obligation de diligence au Royaume-Uni ou aux obligations de diligence raisonnable et de gestion des risques en Europe en général. Il s'agit donc de faire en sorte que les entreprises intègrent l'approche de diligence raisonnable à l'échelle systémique.
L'obligation d'agir de façon responsable émane de la Commission canadienne de l'expression démocratique, et c'est vraiment pratique. Leur recommandation était que nous ne devrions pas utiliser l'expression « devoir de diligence ». C'est le libellé du droit de la responsabilité délictuelle. Cela pourrait porter à confusion si une affaire est portée devant les tribunaux. Nous voulons qu'il s'agisse d'une obligation législative distincte qui est simplement énoncée dans la loi, et l'expression « obligation d'agir de manière responsable » décrit mieux cette obligation.
En ce qui concerne les préjudices inclus, je pense que c'est un point de débat. J'en ai discuté avec des collègues, et l'un des préjudices qui pourraient être ajoutés à la liste est l'usurpation d'identité. C'est un enjeu majeur, et je pense qu'il serait pertinent de l'inclure.
Il est important de noter ce qui ne figure pas sur la liste. Un point sur lequel j'ai eu de nombreuses discussions est l'inclusion de la mésinformation et de la désinformation, qui entrent généralement dans la catégorie de ce qui est « légal, mais abominable ». C'est inclus dans la loi de l'Union européenne. Il a été décidé de ne pas l'inclure au Canada en raison de ce que je considérerais comme des risques problématiques pour la liberté d'expression. Autrement dit, nous irions au‑delà de ce qui devrait être pris en considération par un organisme de réglementation.
Enfin, nous devons réfléchir à ce qu'un organisme de réglementation peut faire concrètement. Nous savons que cela coûtera de l'argent, alors il faut penser aux éléments que l'on devrait inclure, qui sont à haut risque, et sur lesquels un organisme de réglementation peut enquêter et faire une différence maintenant.
Je vais m'arrêter ici.
Merci.
Je prends maintenant la parole pour six minutes.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous, aujourd'hui.
Messieurs Boucher, Côté et Hatfield, ainsi que madame Laidlaw, votre participation est précieuse.
Madame Laidlaw, à propos de la haine, le projet de loi prévoit ce qui suit: « Quiconque a des motifs raisonnables de craindre qu'une personne commette l'une des infractions ci-après peut, avec le consentement du procureur général, déposer une dénonciation devant un juge d'une cour provinciale [...] »
Ne craignez-vous pas que cette formulation soit un peu trop vague et que cela mène à des abus?
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Malheureusement, vous ne pouvez pas témoigner ni l'un ni l'autre pour cette raison.
À mon sens, il s'agit d'une erreur de la Chambre des communes. Selon ce que j'ai compris, ces casques d'écoute vous ont été acheminés au printemps dernier, mais vous n'avez pas eu les nouveaux casques.
Je me permets de vous dire que si vous souhaitez revenir devant ce comité, nous pourrons vous convoquer à nouveau à une date ultérieure.
Cela dit, si vous le souhaitez, vous pouvez tout simplement nous transmettre par écrit vos observations ou les réponses aux questions qui vous ont été adressées. Ces réponses doivent être transmises sans délai à tous les membres du Comité, et elles pourront être prises en considération.
Encore une fois, si vous souhaitez être invité à nouveau, je me ferai moi-même votre porte-parole pour demander que nous vous convoquions lors d'une prochaine réunion. À cette occasion, nous vous enverrons les bons casques d'écoute.
Je vous présente des excuses, au nom de notre comité. Si vous êtes en mesure de nous transmettre vos observations et vos commentaires par écrit, je vous en serais reconnaissant.
Sachez que nous prenons ce problème très au sérieux. Il faut savoir que des interprètes ont subi des blessures auditives. Je ne savais pas que cela pouvait survenir. Je l'ai appris pendant la pandémie. Depuis cette période, nous utilisons beaucoup la vidéoconférence, et nous devons protéger nos interprètes, dont nous avons bien besoin pour faire notre travail.
N'hésitez pas à me prévenir si vous voulez témoigner à nouveau. Je veillerai à ce que l'on vous convoque ultérieurement.
Je vous remercie.
Il me restait donc une minute à mon tour de parole, et je vais m'autoriser à poser ma question tout de suite.
Madame Laidlaw, s'agissant des peines maximales, il est question d'infliger des peines à perpétuité pour certaines infractions aggravées en matière de discours haineux. Par exemple, quelqu'un qui a commis une infraction sous l'emprise de la haine pourrait être passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Selon vous, une telle peine est-elle adéquate? Devrions-nous revoir cette disposition?