Soyez les bienvenus à la 14e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 31 mars, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
La réunion épouse de la formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Des membres y participent en personne, dans la pièce, et les autres y participent à distance, par l'application Zoom. Les travaux sont accessibles par le site Web de la Chambre des communes.
Accueillons maintenant nos témoins. Mais, avant, je tiens seulement à dire que je me sers de petites cartes de couleur pour vous signaler le temps qui vous reste en évitant de vous interrompre impoliment. La jaune signifie qu'il vous reste 30 secondes pour conclure votre déclaration préliminaire ou votre question; la rouge, que votre temps est écoulé. Veuillez être attentifs et vous adapter en conséquence.
Notre premier groupe de témoins comprend Mme Julie Desrosiers, professeure titulaire de droit à la faculté de droit de l'Université Laval, qui témoignera à titre personnel; Mme Anie Samson, conseillère stratégique en affaires municipales pour la Société Radio-Canada; M. David Henry, directeur général de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec; M. Raymond Cotonnec, directeur général du C.R.C. Curé-Labelle inc.
Commençons par Mme Desrosiers. Vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité.
C'est un plaisir pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Julie Desrosiers. Je suis professeure à l'Université Laval en droit criminel. Je suis spécialisée en pénologie, c'est-à-dire en matière de détermination de la peine.
J'ai beaucoup écrit, tant sur les peines minimales que sur les mesures de rechange au Québec. Avec le professeur Hugues Parent, je suis coauteure d'un ouvrage de référence sur la détermination de la peine, qui est intitulé Traité de droit criminel: la peine et qui est largement utilisé par les tribunaux et cité par toutes les instances.
Plus récemment, j'ai coprésidé le Comité d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale, qui a publié le rapport intitulé « Rebâtir la confiance ». Je suis donc plus connue récemment pour ces aspects de ma vie professionnelle.
Aujourd'hui, je vais me concentrer sur les peines minimales et les mesures de rechange, soit l'objet du projet de loi qui nous occupe. Comme je dispose de peu de temps, je vais me concentrer sur certains aspects du projet de loi. Nous pourrons évidemment revenir sur les points qui vous intéressent davantage pendant la période des questions.
Ce que je voudrais d'abord dire, c'est que le projet de loi vise l'abolition de certaines peines minimales, mais pas de toutes. Beaucoup plus de peines minimales ont été adoptées au cours des dernières années que celles qui seront visées par le projet de loi. Néanmoins, c'est un pas dans la bonne direction.
En général, l'abolition des peines minimales a peu de répercussions sur la jurisprudence, puisque les jugements qui composent la jurisprudence concernent les crimes dont la gravité est moyenne. Là où cela pose particulièrement des problèmes, c'est dans les cas limites. Le juge qui est aux prises avec une peine minimale a les mains liées. Pour être plus claire — c'est ce que je fais, en général, avec mes étudiants —, je vous invite à regarder au-delà de la question d'être pour ou contre les peines minimales. Il faut voir quels sont les problèmes concrets qui peuvent survenir.
Deux situations ont soulevé des problèmes dernièrement dans la jurisprudence québécoise. La première concerne la décharge d'une arme à feu avec intention. On serait porté à croire que ce genre d'infraction est lié aux problèmes de la criminalité de rue et au crime organisé, entre autres, mais elle s'applique dans toutes les situations où quelqu'un décharge une arme à feu.
Je voulais porter à votre attention le cas d'un autochtone suicidaire en état d'ébriété qui a déchargé son arme à feu chez lui, au-dessus de la tête d'un policier venu en renfort, appelé par la femme de cet individu. Cet homme est passible d'une peine minimale de quatre ans.
Il faut également se rappeler que les peines minimales s'appliquent aux complices.
Une autre situation a également soulevé un problème lorsqu'une jeune femme de 19 ans s'est vue infliger une peine minimale alors qu'elle était chauffeuse pour son conjoint qui, lui, sera l'auteur du vol qualifié. Une jeune femme de 19 ans non criminalisée reçoit donc une première peine d'emprisonnement obligatoire de quatre ans.
Nous pourrons revenir sur ces questions, mais la décision d'abroger certaines peines minimales est vraiment la bienvenue, parce qu'elle redonne aux juges le pouvoir discrétionnaire de décider dans des situations où les accusés ne méritent pas d'aussi longues peines d'emprisonnement.
Je salue fortement l'élargissement des peines d'emprisonnement avec sursis, c'est-à-dire des possibilités d'appliquer une peine d'emprisonnement avec sursis. Ce type de peine présente un très fort potentiel pénologique, qui n'a pas été exploité au pays. Le fait d'avoir restreint les possibilités d'emprisonnement avec sursis a donné lieu à plusieurs problèmes, notamment pour les personnes autochtones. Nous pourrons également revenir sur ce point à la période des questions.
Enfin, je voudrais également parler rapidement des possibilités de déjudiciarisation en matière de drogue pour souligner le fait que, là encore, il ne faut pas craindre la déjudiciarisation qui, ici, s'applique tant pour les policiers que pour les poursuivants. Il y a deux cas possibles où la déjudiciarisation s'applique. Là encore, les possibilités de déjudiciarisation n'entravent aucunement les possibilités de judiciariser une affaire et de la porter devant les tribunaux dans les situations où cela est requis pour des raisons de sécurité publique.
Je vais m'arrêter ici étant donné que le temps dont je dispose est beaucoup trop court. Nous pourrons revenir sur ces points pendant la période des questions.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui à témoigner devant ce comité.
Je m'adresse à vous à titre d'ancienne élue municipale pendant presque 25 ans. J'ai représenté le quartier le plus multiculturel de Montréal, où le taux de criminalité est assez élevé. C'est le berceau des gangs de rue et l'un des 10 quartiers les plus pauvres du Canada. Vous comprendrez donc que je connais un peu le problème lié aux gangs de rue, et c'est sous cet angle que je vais vous parler des armes à feu.
J'ai aussi été vice-présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal et responsable de la sécurité publique, et c'est surtout à ce titre que je vais intervenir aujourd'hui.
Pourquoi apporter ces changements aux peines minimales obligatoires, ou PMO?
On dit que « ces réformes viseraient les PMO qui sont associées à la surincarcération des Autochtones ainsi que des Canadiens noirs et marginalisés ».
J'aimerais aborder ce sujet sous un angle dont on ne parle pas beaucoup, soit celui des victimes. De grandes villes, comme Montréal, Toronto, Vancouver et Winnipeg, ont connu une augmentation importante des crimes commis avec une arme à feu depuis deux ans. À Winnipeg, il y en a eu 850 au cours de la dernière année, faisant de Winnipeg la ville la plus marquée par le crime en 2021.
De jeunes adolescentes et adolescents ont perdu la vie tout simplement parce que des jeunes ont eu accès à des armes illégales. Ces armes ont détruit des familles, des amitiés et des vies. Il est trop facile aujourd'hui d'obtenir des armes illégales dans le but de commettre des crimes. Le problème ne se résume pas aux armes de poing enregistrées légalement. Il s'agit d'armes qui sont achetées sur le marché noir, voire dans la rue. Connaissant la source du problème ainsi que ses entrées sur notre territoire, il serait approprié de légiférer pour améliorer les mesures de contrôle aux frontières et en périphérie des réserves autochtones, parce que nous savons que la source du problème, elle est là. Pour nous, c'est une partie de la solution.
Quelles seront les conséquences de la diminution des PMO sur les délinquants?
Les gangs de rue, tout comme les criminels, savent bien comment contourner la loi actuelle. Les plus vieux se servent des plus jeunes, souvent à peine âgés de 12 ou 13 ans, pour exécuter, moyennant une rétribution, le sale boulot. Il peut s'agir de tirer sur des maisons pour passer un message ou sur des jeunes en guise d'avertissement, ce qui a lieu maintenant de façon régulière, ou encore de vendre de la drogue. Ils savent pertinemment que la peine sera minime s'ils se font prendre.
Que fait le projet de loi pour protéger nos jeunes et les décourager de prendre cette voie?
Il ne fait rien pour les décourager, au contraire. Par l'abolition de certaines PMO, on ne fait que renforcer l'impunité pour ce type de gestes.
Comment s'attaquer au taux de surincarcération?
Dans le document de synthèse sur les modifications apportées par le projet de loi C‑5, on démontre par des statistiques que la population surreprésentée en milieu carcéral, soit les communautés autochtones et les Canadiens noirs et marginalisés, devrait être traitée différemment. Pourtant, un criminel qui agit avec une arme illégale, peu importe son origine, reste un criminel. Il serait incompréhensible de laisser des criminels utiliser des armes à feu pour tuer, voler ou menacer des personnes sans qu'ils s'inquiètent de devoir faire face aux mêmes conséquences que d'autres criminels, et ce, pour le même crime.
Est-ce la solution proposée dans le projet de loi C‑5 pour diminuer la population carcérale issue de ces communautés afin de rééquilibrer les statistiques?
Saviez-vous que les victimes des gangs de rue sont aussi surreprésentées et qu'elles viennent souvent et majoritairement de ces mêmes communautés?
La solution, selon moi, réside dans le travail en amont. Est-ce normal qu'en 2022, nos enfants de 12 et 13 ans doivent payer une protection à des plus vieux de leur école pour ne pas se faire battre pendant la journée?
Encore aujourd'hui, un jeune s'est fait poignarder par un jeune criminel à l'heure du repas, dans le quartier Saint‑Michel.
Il faudrait mettre en place des programmes de prévention ciblés en fonction des problèmes qui existent dans les quartiers les plus pauvres. En connaissant le problème, on est capable de mettre en place des programmes. Je pourrai vous en parler davantage pendant la période des questions, le cas échéant.
Ce projet de loi décidera du type de société que nous voulons léguer à nos enfants. La prévention et la répression sont des solutions, et je demeure inquiète des conséquences que ces changements pourraient apporter afin de réduire la criminalité. On s'inquiète du sort de nos criminels en prison, alors que, pendant ce temps, des centaines de familles pleurent la perte d'un être cher. La loi ne devrait-elle pas défendre l'intérêt des citoyens plutôt que le droit des criminels?
On ne naît pas criminel, on le devient. La violence n'a pas de couleur, la mort n'en a pas non plus.
Je vous remercie.
Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui.
Je suis criminologue et directeur général de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, ou ASRSQ. Celle-ci regroupe plus de 70 organismes communautaires qui offrent des services de réhabilitation à plus de 35 000 personnes judiciarisées par année dans l'ensemble du Québec.
Selon moi, le principal problème du projet de loi est qu'il s'attaque uniquement à certaines et non à toutes les peines minimales obligatoires qu'il faudrait abolir. Il laisse en place les peines minimales obligatoires les plus sévères, y compris la peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité, ce qui va à l'encontre d'une politique pénale fondée en partie sur le principe de réhabilitation.
Pour la majeure partie de l'histoire du Canada, il y avait 10 peines minimales obligatoires dans le Code criminel. Au moment où nous nous parlons, il y en a désormais 73. Il y a seulement 20 peines minimales obligatoires visées par le projet de loi pour être abrogées, soit totalement, soit partiellement. Je rappellerai également que 28 peines minimales obligatoires ont été déclarées inconstitutionnelles au fil des années par au moins un tribunal. Selon moi, il est absolument nécessaire de rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges d'infliger une peine équitable selon les principes de détermination de la peine énoncés dans le Code criminel.
Le fait d'abolir des peines minimales obligatoires ne veut pas dire rendre des jugements moins sévères. Il s'agit uniquement de redonner aux juges le pouvoir discrétionnaire de prononcer une peine appropriée selon le contexte de l'infraction et de la personne qui l'a commise. Les peines minimales obligatoires sont injustement sévères, en particulier pour les personnes marginalisées, les femmes et les personnes autochtones.
Personnellement, je m'explique mal le manque de confiance des élus envers les juges pour ce qui est d'infliger une peine appropriée. À ma connaissance, aucune étude ne permet de lier les peines minimales obligatoires et le taux de criminalité. Ainsi, les peines minimales obligatoires ne protègent pas nos communautés. Plusieurs études criminologiques ont même démontré l'inverse, c'est-à-dire qu'une peine ou des conditions de remise en liberté trop sévères peuvent avoir, dans certains cas, tendance à faire augmenter les taux de récidive.
Pour résumer, je dirai que l'Association soutient le projet de loi , mais celui-ci devrait être amendé pour que les juges disposent du pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer les peines minimales obligatoires qui ne sont pas abrogées dans le projet de loi si cela risque de causer une injustice.
Je vous remercie de votre attention.
Je reste disponible pour répondre à vos questions.
Je m'appelle Raymond Cotonnec. Je suis bachelier en sciences sociales, concentration criminologie, et bachelier en sciences sociales, concentration sociologie, de l'Université d'Ottawa, et je suis directeur général du C.R.C. Curé-Labelle Inc., maison de transition fédérale et provinciale située à Saint‑Jérôme, dans les Laurentides, et qui existe depuis avril 1993.
Les changements proposés dans le projet de loi permettront aux juges qui doivent donner une conséquence ou une peine à un individu qui a été reconnu coupable d'une infraction relative aux armes à feu, aux armes et aux substances, de ne pas avoir à lui infliger une peine minimale d'incarcération. Certaines personnes, dans certaines situations délictuelles, n'avaient pas d'intention criminelle au moment du délit ou n'avaient pas conscience de la gravité du geste commis quant aux conséquences possibles au regard de la loi et de la société.
Le Code criminel ne doit plus restreindre la souveraineté décisionnelle des juges lors du prononcé de la peine. Le gouvernement du Canada se doit de faire confiance au jugement et à l'expérience de ces juges en place lorsque ceux-ci établissent la peine qui est la juste conséquence à être infligée par le tribunal. Le système judiciaire ne peut plus se permettre de condamner des gens qui ne méritent pas la lourdeur des peines prononcées en raison des peines minimales obligatoires, surtout lorsqu'il n'y a pas de victime réelle ou directe. Dans ces cas particuliers, ces peines minimales n'ont pas lieu d'être. Nous devons ici tenir compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité.
Les conséquences d'un casier judiciaire sont majeures et lourdes pour un individu ayant transgressé la loi. Cependant, dans certaines causes, elles deviennent cruelles et démesurées par rapport aux conséquences réelles pour les victimes potentielles en lien avec ce même délit. En effet, certains individus ayant commis un délit se retrouvent à payer leur geste toute leur vie, même s'il n'y a eu aucune victime concrète. Le fait d'avoir un casier judiciaire peut les empêcher de se trouver un emploi de qualité, d'obtenir une promotion, d'obtenir un prêt, d'obtenir des assurances à des prix raisonnables, de voyager, bref, de redevenir un citoyen. Dans des cas de récidive, les peines infligées par les juges peuvent être plus sévères, de toute évidence.
En ce qui concerne la déjudiciarisation des arrestations pour possession simple de drogue, il serait pertinent de modifier les procédures actuelles afin que le contrevenant soit dirigé vers une ressource d'aide thérapeutique, comme une cure, plutôt que de se voir infliger une mesure punitive, comme la prison. Sinon, la récidive devient presque inévitable.
Je vous remercie de votre attention.
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Excellent! Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins.
Nous étudions un projet de loi que je sais très important, d'après certaines données générales, certains des motifs pour l'imposition de peines minimales obligatoires. Certaines de ces peines ont très longtemps été en vigueur, notamment un bon nombre qu'on abroge et qui remontent aux années 1970. Sachez que, parfois, notre travail de parlementaires nous demande d'adopter des lois permettant au système judiciaire de proportionner la gravité de l'infraction à la protection de nos communautés, en tenant compte du témoignage des victimes et de leurs familles.
Madame Samson, vous êtes conseillère stratégique, vous avez été mairesse d'arrondissement à Montréal et vous avez été directrice de la sécurité publique à Montréal. Vous avez certainement acquis beaucoup d'expérience. Votre déclaration m'a rappelé un reportage récent. Des drones serviraient a faire entrer des armes de poing au Canada. C'est confirmé par le témoignage de nos experts — à savoir que beaucoup d'armes à feu employées à des fins criminelles ont été illégalement introduites de l'étranger.
Malheureusement, le gouvernement, dans l'espoir de maîtriser la criminalité des bandes organisées et celle qui est commise au moyen d'armes à feu, s'en est d'abord pris aux citoyens respectueux de la loi, puis il a adouci les sanctions des crimes commis au moyen d'armes à feu. Dans certains cas, il s'agit d'infractions graves: trafic d'armes, extorsion ou vol au moyen d'une arme à feu. Je ne parviens pas à comprendre, comme vient de le dire l'un des témoins, comment on pourrait, sans que ce soit intentionnel, commettre un vol ou une extorsion avec une arme à feu ou faire le trafic d'armes à feu.
Quoi qu'il en soit, vous avez exhorté le à agir contre la violence armée et vous avez fait allusion au manque de respect pour la vie, au sentiment d'impunité chez les membres de gangs de rue, que favorise, entre autres choses, le laxisme des lois canadiennes. Grâce à votre expérience, vous avez déjà constaté cette impunité. D'après vous, quelles seront les conséquences de l'affaiblissement des lois pour les crimes commis au moyen d'armes à feu?
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Vous avez bien résumé ma pensée.
Il faut surtout mentionner que, effectivement, si la loi avait été présentée il y a cinq ans, avant la pandémie et avant la hausse du nombre de crimes, alors que les chiffres étaient à la baisse, il n'y aurait pas eu problème, nous aurions dit que nous étions dans la bonne direction.
Les armes à feu enregistrées ne posent pas de problèmes. Depuis deux ans, malheureusement, les armes à feu illégales se retrouvent dans les rues. Des jeunes d'âge scolaire peuvent les acheter sur Instagram. Ils prennent rendez-vous et vont s'en chercher une. Par la suite, ces jeunes cherchent misère à d'autres jeunes dans le parc parce qu'ils ne les aiment pas.
Il faut souligner la facilité avec laquelle les jeunes ont accès à la violence, ce désir de tirer partout où l'on veut sans avoir peur de se faire prendre. Ces jeunes se disent que, étant donné leur âge, s'ils se font arrêter pour une première fois, ils vont simplement se faire taper sur les doigts, et qu'ils ne recommenceront pas par la suite.
J'ai instauré des programmes de prévention destinés aux jeunes âgés de 5 ans. Quand j'ai été élue mairesse, dans les écoles primaires de mon arrondissement, certains écoliers, ou leurs frères qui étaient membres de gangs de rue, avaient pour mandat de surveiller les activités et de distribuer de la drogue dans la cour d'école. Nous parlons d'enfants dont certains n'avaient que 5 ans.
Nous nous sommes alors dit que nous devions régler ce problème et sensibiliser les jeunes dès le jeune âge. Il fallait donner à ces enfants accès à des programmes et à des sports, s'assurer qu'ils mangent à leur faim et veiller à ce qu'ils puissent distinguer le bien du mal. Pendant 15 ans, nous avons réussi à le faire. Nous avons changé la vie de toute une génération.
Nous constatons actuellement que ces jeunes ont vieilli. Certains franchissent la ligne qui les sépare de la criminalité, et cela s'explique souvent par la pauvreté et par le milieu social où ils évoluent.
Je vous donne un exemple. Un père est déjà venu me voir pour me dire qu'il voulait que son jeune aille à l'université. Il s'agissait d'un jeune issu de la communauté haïtienne — toutes les communautés sont représentées dans mon arrondissement. Ce père, chauffeur de taxi, s'est confié à moi. Il m'a dit que, puisque sa famille et lui résidaient maintenant au Canada, il voulait que son enfant aille à l'université, qu'il ait un métier payant. Cependant, quand il avait essayé de convaincre son fils, ce dernier lui avait dit: « Papa, tu sais, en fin de semaine, j'ai fait l'équivalent d'un mois de ton salaire. Pourquoi irais-je à l'université? » Ce jeune est membre d'un gang de rue. Pour lui, c'était la solution de facilité.
Quand nous demandons à ces jeunes ce qu'ils veulent faire dans la vie, ils nous disent vouloir seulement survivre à la journée, parce qu'ils ne savent pas s'ils vont être encore vivants le lendemain. C'est le quotidien de certains jeunes du quartier Saint‑Michel.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous, cet après-midi.
Je vais adresser ma question à la professeure Desrosiers, ou à maître Desrosiers, si je ne m'abuse.
Madame Desrosiers, lors de votre témoignage, vous avez salué l'élargissement des peines d'emprisonnement avec sursis. Vous avez dit que le fait de restreindre cette pratique avait contribué à la surreprésentation des communautés marginalisées dans le milieu carcéral, notamment chez les Autochtones.
Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
J'aimerais aussi que vous nous parliez de l'adéquation, peut-être trop simpliste, qui est faite entre l'emprisonnement et les objectifs de dissuasion et de dénonciation.
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L'emprisonnement avec sursis a été instauré en 1996 pour vider, espérions-nous, les prisons de leurs détenus ayant reçu de courtes peines d'emprisonnement. Personne n'a jamais remis en question l'emprisonnement pour les crimes sérieux portant atteinte à la sécurité publique. Cela n'a jamais fait partie des discussions aux échelons supérieurs du gouvernement du Canada.
Par contre, on a beaucoup remis en question le recours à l'emprisonnement pour de courtes peines parce que, pour celles-ci, les effets néfastes de l'emprisonnement sont beaucoup plus importants que ce que l'on peut en retirer comme effets positifs. Il n'y a aucune discussion à cet égard. Personne en criminologie ne remettra en question le fait que les courtes peines de prison sont nuisibles.
Or, au Canada, à l'heure actuelle, l'écrasante majorité des peines sont de moins de six mois d'emprisonnement. On est encore à une majorité de peines de moins de trois mois d'emprisonnement qui, je pense, se situent au-dessus de 60 %. Il y a plusieurs peines de moins de un mois d'emprisonnement.
Cela veut donc dire que ces peines auraient pu être évitées et que l'on aurait pu avoir recours à une autre sorte de peine, qu'il faut cependant inventer. Il faut qu'il y en ait une autre qui ait un potentiel punitif et qui ne soit pas juste la probation dans la communauté. C'était cela, notre invention en 1996. C'est pourquoi je disais que cela avait un fort potentiel pénologique. En effet, nous voulions instaurer l'emprisonnement à domicile. Il y avait déjà des conditions selon lesquelles il fallait que ce soit un crime non dangereux pour le public, s'agissant d'emprisonnement à domicile, d'emprisonnement avec sursis et d'emprisonnement dans la communauté.
On a coupé l'herbe sous le pied des juges. Ceux-ci se sont dit que, s'ils ne pouvaient plus infliger des peines d'emprisonnement avec sursis et que s'ils ne voulaient pas envoyer le délinquant en prison, ils devaient trouver une solution. Ils ont donc décidé d'infliger des peines d'emprisonnement purgées de façon intermittente. Par conséquent, il y a eu une hausse des peines que l'on appelle « la prison de fin de semaine », soit les peines discontinues, qui sont de courtes peines de moins de 90 jours, que la personne peut purger seulement la fin de semaine.
Cependant, les Autochtones ne peuvent pas y avoir accès, les prisons étant trop loin de leur communauté. Ils doivent donc purger toute leur peine en prison. Cela a été fortement décrié par la Commission Viens.
Par ailleurs, il y a des peines minimales d'emprisonnement de 45 jours pour certaines infractions, et les juges sont obligés de les infliger. Ils ne peuvent pas avoir recours à une peine d'emprisonnement avec sursis. Cela contribue encore à la hausse de l'emprisonnement. La raison pour laquelle cela cible particulièrement les Autochtones, c'est que, dans certaines communautés, par exemple, il y a plus d'infractions liées aux drogues. Ainsi, s'il y a des peines minimales à cet égard, il y aura plus d'Autochtones qui vont se retrouver en prison.
De plus, le potentiel de dissuasion générale de l'emprisonnement n'a jamais été démontré. En fait, cela est reconnu en droit, cela ne fait même pas l'objet de discussion et cela a été reconnu par la Cour suprême dans l'arrêt Nur, qui invalide une peine minimale en matière d'armes à feu.
Je ne peux pas m'empêcher d'utiliser mon temps de parole pour revenir à la discussion précédente et rappeler le fait que les peines minimales ne sont pas opposables pour ce qui est des adolescents, et ce, dans tous les cas. Le problème des armes à feu et du crime organisé est réel au Canada. Les problèmes qu'a décrits Mme Samson sont des problèmes réels. Elle a nommé des aspects très importants du problème en parlant de pauvreté, d'éducation et d'intégration.
Je m'interroge cependant sur les solutions qu'elle avance, car ce n'est pas en infligeant des peines minimales en vertu du Code criminel que l'on va tenir des adolescents pour responsables ou que l'on va les dissuader de commettre d'autres crimes parce que, de toute façon, ces peines minimales ne sont pas opposables pour les adolescents. Tout démontre que ce sont des mesures de prévention, d'éducation et de réinsertion qui vont jouer en faveur des adolescents.
Le problème des armes à feu dans les rues est beaucoup plus vaste et beaucoup plus complexe que ce qu'offre le recours au droit criminel. Je vous dirais que, en tant qu'élus, si vous dites à vos concitoyens que vous allez régler le problème lié au crime organisé et aux armes à feu illégales dans les rues en haussant les peines minimales obligatoires, vous les menez en bateau parce que, en haussant les peines minimales, vous ne réglerez pas ce problème.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Pour commencer, j'aimerais dire que je suis content de voir que le groupe de témoins d'aujourd'hui est constitué de personnes francophones. Personnellement, je trouve cela très rafraîchissant et très agréable. De plus, je suis heureux que mes collègues anglophones aient la chance d'entendre un peu de français à ce comité.
Cela étant dit, j'ai trouvé que les témoignages étaient intéressants à plusieurs égards. Mme Samson apporte un point de vue très différent de celui de Mme Desrosiers, de M. Cotonnec et de M. Henry. Tout cela va certainement nous amener à réfléchir.
Madame Desrosiers, ma première question s'adresse à vous.
Selon l'ensemble des témoignages, c'est-à-dire ceux que nous avons entendus aujourd'hui et ceux de témoins ayant comparu antérieurement, nombreux sont ceux qui ont des préoccupations importantes.
De plus, à la lecture des journaux, on réalise que l'ensemble de la population a également des préoccupations quant à l'augmentation du nombre de crimes commis avec une arme à feu. Personnellement, cette augmentation me préoccupe beaucoup.
Je suis d'accord sur le fait que ce n'est pas en instaurant des peines minimales ou en augmentant les peines minimales d'emprisonnement que nous allons régler le problème, au contraire. Je suis porté à être d'accord avec certains témoins sur le fait que cela pourrait même compliquer les choses.
Cependant, nous ne sommes pas ici pour juger, mais en tant que législateurs. Nous avons la responsabilité de répondre aux besoins de la population.
Mme Samson, une ancienne mairesse de l'arrondissement Villeray—Saint-Michel—Parc-Extension, à Montréal, nous a parlé de ses préoccupations concernant le fait que des jeunes manipulent des armes à feu et peuvent même en acheter sur Instagram. C'est aussi absolument incroyable que des jeunes de 5 ans se trouvent mêlés au trafic de drogue dans les cours d'école.
C'est vrai que les peines minimales ne s'appliquent pas à eux, mais, si l'on décide d'abolir les peines minimales en lien avec certaines infractions, cela envoie un message à la population, qui n'est peut-être pas le message que nous voulons envoyer.
À mon avis, aucun député ne souhaite dire à la population que ce n'est pas grave de manipuler des armes à feu. Tout le monde estime que c'est grave, surtout s'il s'agit d'armes à feu prohibées.
N'y a-t-il pas de solutions de rechange?
Ne sommes-nous pas un peu trop enfermés dans le raisonnement selon lequel il faut soit être en faveur des peines minimales, soit contre celles-ci?
N'existe-t-il pas une solution qui nous permettrait de rassurer la population, ou du moins de confirmer que nous ne sommes pas nonchalants et que nous nous soucions de ce type d'infractions, tout en laissant aux tribunaux la marge de manœuvre nécessaire pour rendre les décisions appropriées?
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Ma réponse comportera trois volets.
Premièrement, les problèmes soulevés par Mme Samson sont vraiment préoccupants. Ces problèmes me préoccupent beaucoup. Je pense que, en tant qu'élus, vous devez vous y attaquer. Ce que je dis, c'est que ce n'est pas la diminution des peines minimales qui va permettre de régler le problème. Non seulement je le dis, mais j'en suis convaincue, car je m'appuie sur plusieurs études. En tant qu'élus, vous devez en faire davantage. Pour les élus, rien n'est plus facile que d'adopter une loi qui prescrit une peine minimale. C'est une solution de facilité.
Il s’agit pourtant d'un problème complexe, qui demande des investissements, des mesures de santé publique, des mesures en éducation et des négociations avec les communautés autochtones. Ce problème demande que l'on pose des gestes concrets. C'est un problème éminemment complexe et il demande plus que l'adoption d'une loi prescrivant des peines minimales. Sinon, on envoie un faux message à la population.
Deuxièmement, je vais parler de l'idée selon laquelle l'adoption d'une peine minimale envoie un message de dissuasion et de dénonciation. En fait, sur le plan empirique, cela n'a jamais été démontré. La plupart des gens n'ont aucune idée des peines minimales en vigueur au pays. Lorsque des peines minimales sont adoptées, les gens ne savent pas nécessairement laquelle s'applique à quoi et quand elle s'applique. On ne peut donc pas s'appuyer là-dessus.
Troisièmement, je ne sais pas ce que vous allez décider de faire. En tant que professeure, je vous donne l'information dont je dispose et je suis certaine de mon propos. Votre rôle de législateurs comporte des contraintes qui ne m'appartiennent pas.
Chose certaine, si vous décidez de maintenir les peines minimales dans certains cas, vous devriez aussi établir une possibilité de dérogation en cas de circonstances exceptionnelles. C'est d'ailleurs ce qu'a suggéré mon collègue M. Henry. Autrement dit, vous prescrivez une peine minimale, mais vous redonnez aux juges le pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer en cas de circonstances exceptionnelles. Des circonstances exceptionnelles, il en existe. La réalité est complexe, et il ne s'agit pas seulement de criminels endurcis qui vendent des armes à des enfants. Les tribunaux doivent gérer toutes sortes de situations, et il arrive parfois que l'application d'une peine minimale ne soit pas appropriée.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les témoins d'être ici.
Pour le moment, je tiens à questionner Mme Desrosiers sur le rétablissement du pouvoir discrétionnaire des juges.
Beaucoup ont proposé ce rétablissement et je suppose que, en notre qualité de législateurs, nous avons à résoudre un problème technique, celui d'un projet de loi non modifié, qui fait que certains d'entre nous ont de la difficulté à voir comment l'amender pour rétablir ce pouvoir discrétionnaire.
Avez-vous des idées, en votre qualité de professeure de droit, sur la manière de s'y prendre, parce que le projet de loi n'englobe pas toutes les peines minimales obligatoires, mais seulement certaines d'entre elles?
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Je pense que vous pouvez de toute façon demander un nouvel examen du projet de loi et l'ajout d'éléments.
Pour le moment, il faut considérer deux aspects.
Premièrement, il faut déterminer ce qui peut être fait concernant les peines ciblées dans le projet de loi. Pour certaines infractions, le projet de loi ne cible pas toutes les peines minimales prévues pour la même infraction. Par exemple, pour le fait de décharger une arme à feu, différentes peines minimales sont prescrites, et le projet de loi ne cible que le fait de décharger une arme à feu dans les cas autres que ceux visant une arme à feu prohibée. Ce ne sont pas toutes les peines minimales qui sont ciblées dans le projet de loi.
Dans le cadre de cette première discussion sur le projet de loi, vous allez déjà avoir des échanges entre parlementaires, et je ne sais pas si vous vous entendez tous sur l'objectif d'abolir toutes ces peines minimales obligatoires. Chose certaine, il est toujours possible d'amender le projet de loi actuel et de dire que la peine minimale prévue à l'article 2 est applicable, sauf en cas de circonstances exceptionnelles. C'est cette formulation qui est utilisée dans d'autres pays. Les mots clés « sauf en cas de circonstances exceptionnelles » redonnent un pouvoir discrétionnaire au juge lorsqu'il doit tenir compte de situations exceptionnelles. En effet, il pourra alors ne pas appliquer la peine minimale.
Il serait également possible d'ajouter une disposition générale dans la partie portant sur les peines, sans reprendre toutes les peines minimales qui sont prescrites par le Code. Le projet de loi est examiné article par article, mais, comme l'a fait mon collègue M. Henry et bien d'autres gens, j'aimerais faire une proposition. Je n'arrive pas avec une idée complètement novatrice. Plusieurs personnes ont déjà réfléchi à cette question. Il y a toute une partie sur la détermination de la peine qui démarre avec l'article 718 dans le Code criminel. Il est tout à fait possible d'ajouter une disposition générale disant que, chaque fois que le Code prescrit une peine minimale, le juge peut y déroger en cas de circonstances exceptionnelles.
Il serait donc judicieux d'instaurer une disposition générale de cet ordre dans le projet de loi, ce qui réglerait le problème à tous les égards. Les dispositions générales sont les bienvenues dans le Code criminel. Cette loi ressemble à une espèce de courtepointe et il n'y a pas de direction générale. Si l'on pouvait envoyer un message à tous les juges pour indiquer que, lorsqu'il y a une peine minimale, ils peuvent y déroger en cas de circonstances exceptionnelles, ce serait formidable.
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Concernant le casier judiciaire, il n'y a pas de gradation actuellement dans la Loi sur le casier judiciaire. Peu importe l'infraction commise, que ce soit un meurtre, une agression sexuelle, un méfait ou un vol de moins de 5 000 $, la personne aura un casier judiciaire à partir du moment où elle est reconnue coupable et qu'elle n'a pas été absoute. Les personnes ayant commis l'une ou l'autre de ces infractions subiront donc les mêmes conséquences, puisqu'il n'y a pas différents types de casiers judiciaires.
Je ne sais pas si, en tant que parlementaires, vous savez que plus de 4,2 millions de Canadiens ont un casier judiciaire. Le casier judiciaire, peu importe les circonstances, n'est jamais effacé avant l'âge de 125 ans. Il est possible d'obtenir ce que l'on appelle une suspension du casier judiciaire. Cependant, comme le terme le dit bien, le casier judiciaire est suspendu et il n'est jamais supprimé avant l'âge de 125 ans, et ce, peu importe la gravité de l'infraction qui a été commise.
Le problème dans l'application de la Loi sur le casier judiciaire, actuellement, c'est que le casier judiciaire discrimine les personnes bien longtemps après qu'elles ont fini de purger leur peine. Cela a des répercussions notamment sur leur recherche d'emploi, puisque de plus en plus d'employeurs font des recherches sur les antécédents judiciaires de leurs éventuels futurs employés dans les plumitifs et les registres de cour.
Un employeur peut vérifier les antécédents judiciaires de quelqu'un sans, nécessairement, avoir son consentement. Il suffit d'avoir le nom de famille de la personne et sa date de naissance pour obtenir ces renseignements. Beaucoup de gens rendent publique leur date de naissance, notamment sur Facebook. Je peux faire des vérifications sur n'importe qui, à partir du moment où j'ai sa date de naissance et son nom de famille, grâce aux services informatisés de plumitifs et de registres de cour. Beaucoup d'entreprises utilisent ces services pour discriminer à l'embauche les personnes qui ont un casier judiciaire sans, nécessairement, aller voir le détail de l'infraction, le moment où elle a été commise, et ainsi de suite.
Le fait d'avoir un casier judiciaire a de nombreuses autres répercussions, notamment…
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Le message qui est envoyé actuellement, c'est que, en raison de l'abolition de certaines peines minimales obligatoires, le criminel peut commettre un crime et se voir infliger une peine réduite, alors que la victime, elle, sera peut-être traumatisée pour le reste de ses jours. Sa vie pourra même être complètement bouleversée. Cependant, on va s'occuper de réhabiliter la personne qui a fait du tort à la victime et à sa famille, et le problème semblera réglé.
En revanche, la personne qui aura été agressée et blessée, selon les circonstances, aura à vivre toute sa vie avec ce traumatisme. Cette situation peut changer, voire ruiner, le cours de sa vie. Elle peut devenir dépressive, abandonner l'école, et ainsi de suite. Cette personne, qui avait un grand avenir devant elle, ne pourra plus désormais compter là-dessus, parce qu'elle a été victime de viol ou d'une agression. Beaucoup de choses se seront passées, mais son criminel sera peut-être passible d'une peine d'emprisonnement de un an, peut-être même d'une peine à domicile. La victime, quant à elle, se sentira emprisonnée toute sa vie.
Je tenais à vous exposer cette vision de la criminalité, qui a des effets négatifs à long terme sur les victimes. Ce sont des effets que nous ne voyons pas et dont nous n'entendons pas parler.
À la suite de toutes les fusillades survenues à Montréal, nous avons créé un groupe qui s'appelle Communauté de citoyens en action contre les criminels violents. Nous avons démarré ce groupe, parce que nous nous sommes dit que nous pourrions apporter des solutions. Nous avons écrit des lettres au gouvernement dans lesquelles nous proposions des solutions et des modifications qui pourraient être apportées à la réglementation aux échelons provincial, fédéral et municipal.
Nous avons reçu plein d'appels de parents de victimes qui n'avaient aucun endroit où aller pour se faire écouter et se faire respecter. Nous avons rencontré à trois reprises deux parents qui ont perdu leur fils tragiquement. Leurs enfants, qui n'avaient absolument rien à voir avec les faits, ont été tués par fusillade pour une raison obscure. La mère de l'une des victimes, qui est médecin, a sombré dans une grave dépression. Le père a perdu son emploi et ses jumelles ont abandonné l'école. Cet incident tragique a complètement détruit cette famille qui vit un deuil important sans avoir obtenu de réponses. Quand le criminel, une personne majeure qui avait en sa possession une arme illégale, sera inculpé, il se verra probablement infliger une peine si la loi est adoptée. Cependant, cela ne soulagera jamais la détresse de cette famille qui a subi une telle épreuve.
Nous avons vu plusieurs cas semblables et nous recevons de nombreux courriels à ce sujet. Nous avions estimé que c'était une bonne façon d'essayer d'aider les gens, mais c'est devenu pratiquement un travail à temps plein. Nous recevons aussi des appels de professeurs qui nous demandent de venir dire aux enfants quoi faire dans de telles circonstances et de les aider à reconnaître les signes de la violence. Nous essayons vraiment de trouver des façons de mettre un baume sur la peine de ces parents.
Il y a peut-être de bonnes raisons de mener un projet comme celui-là, il y a peut-être des cas exceptionnels, il y a peut-être des choses à améliorer, mais il va falloir de la pédagogie pour pouvoir convaincre ces victimes d'aller chercher de l'aide, car elles se sentent actuellement délaissées par le système. C'est cela qui pose des problèmes pour ces personnes.
Un autre de nos collègues va venir témoigner devant vous la semaine prochaine, je crois que c'est vendredi. Il va aussi vous faire part de faits liés à ces phénomènes. Le groupe a été créé par des policiers et moi-même. Les policiers sur le terrain appliquent la loi et, moi, je suis de l'autre côté pour essayer d'aider nos jeunes à s'en sortir. C'est là où nous en sommes rendus. Il faut trouver des solutions.
Comme vous le disiez, madame Desrosiers, il y a certainement des mesures qui pourraient être prises pour aider ces jeunes à s'en sortir. C'est pour cela que, tantôt, je disais que la répression et la prévention allaient de pair. Quand on mettra en place des mesures de prévention importantes et que l'on consentira à investir les fonds nécessaires pour trouver la source du problème et le régler, on permettra aux jeunes de se sentir en sécurité, de ne pas craindre de se rendre à l'école, de contrer le décrochage scolaire, de les empêcher de faire de mauvais choix en leur offrant des occasions. Nous réussirons peut-être ainsi à créer une meilleure société, où moins de crimes seront perpétrés.
J'espère que j'ai bien répondu à votre question.
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La professeure Desrosiers a vraiment bien résumé, je crois, mon opinion sur les peines minimales obligatoires. Par ailleurs, je voudrais revenir sur les propos de Mme Samson, si vous le permettez. J'ai l'impression que l'on oppose systématiquement le droit des personnes victimes d'un crime et celui des personnes détenues, et que l'on mélange un certain nombre de choses. Pour ma part, j'aimerais vraiment savoir en quoi les peines minimales obligatoires vont procurer du réconfort aux personnes victimes de crimes.
Ce n'est pas parce que l'on travaille en réhabilitation que l'on n'a aucune sensibilité à l'égard des victimes, au contraire. Je pense qu'il faut arrêter de voir les choses en fonction de cette opposition. Comme les organismes membres de l'Association, je m'emploie à réhabiliter des contrevenants. Or, cela ne veut pas dire que nous travaillons contre les victimes, au contraire. Nous travaillons notamment au sein de services de justice réparatrice, qui prennent de l'ampleur et qui, justement, mêlent les personnes ayant commis une agression et les personnes victimes pour résoudre le conflit.
Les victimes ont besoin de services d'accompagnement, mais les personnes ayant commis une agression en ont besoin également pour ne pas récidiver. Les peines minimales obligatoires ne rendent service à personne, en réalité. Elles ne rendent pas service aux victimes, étant donné qu'elles ont déjà subi l'agression. Je ne vois pas en quoi le fait d'infliger à un contrevenant une peine minimale de un an ou de trois mois, peu importe, peut réconforter la victime et faire en sorte qu'elle surmonte ce qu'elle a vécu.
Pour la personne ayant commis une agression, comme l'a bien dit la professeure Desrosiers, la réalité est complexe. Des circonstances exceptionnelles font en sorte que les peines minimales obligatoires ne s'appliquent pas toujours. Le pouvoir discrétionnaire du juge est important. Le fait d'abolir les peines minimales obligatoires ne signifie pas que les peines seront moins sévères. Cela doit être clair dans votre esprit. Le juge rendra une décision adéquate, qui, dans certaines circonstances, sera plus sévère que ce que prévoyait la peine minimale obligatoire. Dans des circonstances exceptionnelles, elle pourra être moins sévère.
Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de rendre le système moins strict. Je voulais simplement clarifier ce point parce que, à mon sens, ce sont deux choses complètement différentes.
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En maison de transition, nos clients ont déjà purgé une partie de leur peine en prison, soit un sixième ou un tiers, par exemple. Ils sont souvent déconnectés du quotidien de leurs enfants lorsqu'ils reviennent dans leur communauté, étant donné que c'est souvent leur conjointe qui s'est occupée d'eux pendant tout ce temps, c'est-à-dire pendant des mois, parfois même des années.
Reprendre leur place au sein de l'autorité parentale, mais aussi du milieu familial, est très difficile. Les enfants ont l'impression que c'est un étranger qui est dans la maison. Il se peut aussi qu'au départ, le père ait perdu toute crédibilité aux yeux de ses propres enfants. Cela est très difficile à vivre.
M. Henry a dit en quelque sorte — et je suis d'accord avec lui — que dans le cas de crimes relativement moins graves, que les peines minimales obligatoires existent ou non, il faut faire confiance aux juges. Les peines seront certainement sévères dans les situations où elles doivent l'être. À mon avis, il ne faut pas croire qu'en l'absence de peines minimales obligatoires, on va infliger des « peines bonbon », si vous me permettez l'expression. Ce ne sera pas du tout le cas.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Cotonnec, d'après ce que je comprends, vous travaillez dans le milieu de la réhabilitation avec des gens qui sont déjà passés par un pénitencier et qui se retrouvent chez vous. J'aimerais aborder avec vous la question des récidives.
Dans le domaine de la réhabilitation, comment est-il possible d'évaluer le taux de réussite par rapport au taux de récidive?
Par ailleurs, n'avez-vous pas l'impression, par moments, que parmi votre clientèle, si je peux employer ce terme, tout le monde ne réalise pas la gravité des fautes commises? Avez-vous l'impression, au contraire, qu'après avoir terminé le processus, ils ont compris et qu'ils ne reviendront pas?
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Tout d'abord, je voudrais rassurer certaines personnes quant à notre mission, en laquelle je crois, évidemment. Tout le monde pense que la mission d'une maison de transition, c'est la réinsertion sociale. Effectivement, cela en fait partie, mais, au-delà de cela, notre priorité est la protection de la société.
Pendant les séjours, les récidives sont quasiment nulles. Cela fait 27 ans et demi que je travaille à la maison de transition que je dirige, et je ne vois pas de récidive. Ce que je vois à l'occasion, ce sont des cas de non-respect des conditions, mais sans victime. Par exemple, il peut s'agir de quelqu'un qui consomme de l'alcool un soir et qui se fait prendre. Il va y avoir des conséquences à l'interne et un risque de retour en détention, mais il n'y a pas de récidive.
Pour ce qui est des récidives après le séjour, il y a des statistiques là-dessus. Me Desrosiers en a peut-être plus que moi. Depuis 2006, nous tenons des statistiques sur le taux de réussite de nos séjours, qui se situe entre 87 % et 94 %. Cela veut dire que, sur un groupe de 100 résidents, entre 87 et 94 d'entre eux vont terminer leur séjour avec un emploi et un logement et auront commencé ou terminé une thérapie en fonction de leur situation.
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Les peines de moins de deux ans sont gérées par le système correctionnel provincial. Au Québec, ce sont les services correctionnels du Québec qui vont prendre en charge les personnes qui reçoivent une peine de moins de deux ans. Le système fonctionne un peu comme celui du fédéral, c'est-à-dire qu'il y a des permissions de sortie préparatoires à la libération conditionnelle, ou PSPLC.
Pour résumer, dans de très rares cas, il est possible de sortir au sixième de sa peine. La peine continue, mais la personne sort de détention après avoir purgé un sixième de sa peine. Cependant, c'est très rare, c'est très peu appliqué et cela se fait sur décision de la Commission des libérations conditionnelles du Québec, ou CQLC. Sinon, les personnes incarcérées pour moins de deux ans sont admissibles à une libération conditionnelle au tiers de leur peine. Encore une fois, ce sont des commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Québec qui vont accorder ou non la libération conditionnelle à la personne en fonction de son profil, de son potentiel de réinsertion sociale et de son projet de sortie. Souvent, ce sont ces personnes-là qui vont se retrouver également en maison de transition et qui vont être suivies pour les deux autres tiers de leur peine en communauté.
Il existe des chiffres très clairs à ce sujet. D'ailleurs, des études ont montré que les personnes qui sont remises en liberté sous condition et qui sont encadrées jusqu'à la toute fin de leur peine récidivent moins que les personnes qui sortent à l'équivalent du deux tiers de leur peine, le moment où la sortie est quasiment obligatoire du côté provincial. La personne qui sort après avoir purgé l'équivalent des deux tiers de sa peine, pour ce qui est des peines de deux ans ou moins, va retrouver la liberté sans aucune forme d'accompagnement ou d'encadrement. Ces personnes-là récidivent plus que les personnes qui sortent plus tôt, mais qui sont encadrées.
À mon avis, la réhabilitation passe par un certain nombre de services et de programmes d'encadrement et d'accompagnement offerts aux personnes quand elles reviennent dans la communauté.
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Merci, messieurs Henry et Garrison.
C'est terminé pour le premier groupe de témoins. Ils sont libres de partir.
Il faut des contrôles rapides du son pour le prochain groupe.
À propos, vous êtes libres de rester et d'écouter, mais, entretemps, nous installons les nouveaux témoins avec qui nous reprendrons les travaux, que je suspends pendant une minute.
Je rappelle aux nouveaux témoins que chacun dispose de cinq minutes pour sa déclaration préliminaire. Gardez‑le à l'esprit. Vous pourrez recycler les passages omis dans vos réponses aux questions.
Notre premier témoin est la doctorante Elspeth Kaiser-Derrick. Vous disposez de cinq minutes.
Je remercie d'abord le Comité de son invitation. Je me sens très honorée et je suis reconnaissante envers lui.
La cible du projet de loi , maintenant en deuxième lecture, est la surreprésentation des Autochtones dans le système, celle également des Noirs et des autres communautés marginalisées. Je me focaliserai très précisément sur la première.
Le contexte de ma recherche est des théories féministes dont elle s'inspire pour examiner l'interprétation et la caractérisation, par le système de justice pénale, de l'information portant sur les femmes qu'on traîne devant lui, autochtones particulièrement.
Dans mon livre, j'examine 175 peines imposées entre 1999 et 2015 à des femmes autochtones, en commençant par l'affaire R. c. Gladue, jugée par la Cour suprême du Canada, qui a interprété l'alinéa 718.2e) du Code criminel et qui a instauré une méthode différente pour la détermination de la peine imposée aux Autochtones.
Le même tribunal, en 2012, a réaffirmé et clarifié ce jugement dans l'arrêt R. c. Ipeelee. Dans l'arrêt Gladue, il avait constaté la surreprésentation des Autochtones dans tout le système, reconnu la discrimination systémique et qualifié la situation de critique. Il a déterminé que l'alinéa 718.2e) était une incitation, adressée par le Parlement au judiciaire, pour qu'il s'efforce d'y remédier. Le tribunal énonce que les juges sont tenus par cette disposition d'envisager toutes les autres options que l'emprisonnement.
La Commission de vérité et réconciliation, dans son appel à l'action no 30, enjoint à tous les gouvernements de s'engager à éliminer la surreprésentation des Autochtones en détention dans un délai qui est maintenant de trois ans. Dans son appel à la justice no 5.21, la Commission d'enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées exhorte le gouvernement fédéral à répondre intégralement à cette recommandation et à d'autres de la Commission de vérité et réconciliation et d'autres organismes qui ont déploré la surreprésentation des femmes autochtones dans le système.
Dans ces deux arrêts, Gladue et Ipeelee, la Cour suprême reconnaît les limites de la détermination de la peine pour remédier à l'injustice de la surreprésentation des Autochtones. Chaque décision est empreinte d'un certain optimisme.
Dans l'arrêt Gladue, cet optimisme se fonde sur le fait que les juges décident d'une façon des plus directes de l'incarcération de l'Autochtone. Dans l'arrêt Ipeelee, il subsiste un certain optimisme dans la clarification des modalités d'application de l'alinéa 718.2e). Mais l'arrêt Gladue remonte à plus de 20 ans; l'arrêt Ipeelee à 10. Dans son rapport annuel le plus récent, celui de 2020‑2021, le Bureau de l'enquêteur correctionnel signale une augmentation de 73,8 % en 30 ans du nombre de femmes autochtones condamnées à l'incarcération dans un établissement fédéral, où elles représentent 43 % de toutes les détenues. Je remarque également que, parce que les ordonnances de sursis sont seulement possibles pour les peines de moins de deux ans prononcées par un tribunal de la province, cet élément particulier du projet de loi ne changera en rien la surreprésentation des Autochtones dans les établissements fédéraux.
Dans mon livre, j'examine la détermination de la peine des femmes autochtones sous le prisme d'une théorie féministe appelée « continuum de la victimisation-criminalisation ». Cette théorie permet de comprendre les parcours des femmes dans le système de justice pénale en les posant comme reliés à leurs expériences de victimisation et aux options auxquelles ce contexte les contraint. J'use largement de ce cadre, y compris pour englober dans le concept de victimisation les maux hérités du colonialisme.
Ma recherche englobe parmi de nombreux autres cas ceux dans lesquels l'incrimination ou l'incarcération de femmes autochtones ont conduit à l'appréhension de leurs enfants par les organismes de protection de la jeunesse et à la situation inverse, dans laquelle des femmes autochtones n'ont pas contacté la police ni les autorités médicales, quand c'était nécessaire, de crainte de l'appréhension de leurs enfants, ce pourquoi elles ont été incriminées. D'après moi, ces circonstances et d'autres, connexes, où se croisent systèmes et institutions coloniaux, contribuent à établir solidement la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale.
Je remarque également que 80 % des femmes dont j'ai examiné les cas étaient mères, et les enfants et les jeunes autochtones restent très surreprésentés dans la clientèle des organismes de protection de la jeunesse. J'offre ces exemples d'incrimination de femmes autochtones parce que toute modification des lois touchant les peines minimales obligatoires et les ordonnances de sursis qui sont en mesure de corriger la surreprésentation systémique doivent accorder au juge la souplesse permettant de tenir compte de ces complexités et des autres complexités d'origine coloniale.
Il y a plus de 30 ans, l'Enquête sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba, ayant examiné la surincarcération des Autochtones dans cette province, a abouti à la recommandation selon laquelle les juges de première instance devaient faire preuve de plus de créativité et de souplesse dans la détermination de la peine et que les cours d'appel devaient les y encourager. Dans l'arrêt Ipeelee, la Cour suprême du Canada montre également la nécessité de peines innovantes. Mais, pour répondre à ce besoin, il faut que les juges aient plus de pouvoirs discrétionnaires, pour concevoir des peines justes, en général et, plus particulièrement, sous le régime de l'alinéa 718.2e). D'après mes travaux, certains juges ont explicitement déclaré qu'ils ne pouvaient ordonner de purger dans la communauté des peines qui, dans d'autres circonstances, seraient indiquées, en raison des limites posées par la loi, tandis que d'autres ont fait observer la nécessité et le désir de faire preuve de plus de créativité, pour les femmes autochtones qu'ils jugeaient, dans les peines, les arguments et les pratiques.
Dans mon travail, j'ai argumenté pour une accessibilité plus grande des ordonnances de sursis et proposé, pour y conduire, une voie législative qui miserait sur le pouvoir discrétionnaire des juges, par exemple le refus d'imposer des peines minimales obligatoires quand il y avait lieu. De fait, c'est ce que préconise l'appel à l'action no 32 de la Commission de vérité et réconciliation.
J'avais encore de la matière, mais le temps m'a manqué.
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Merci beaucoup. Je tiens à tous vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour discuter du projet de loi .
Comme vous l'avez indiqué, je suis directeur du Groupe de travail sur les longues peines d'incarcération au sein du Council on Criminal Justice. Notre groupe de travail s'inscrit dans une nouvelle initiative visant à évaluer les répercussions des longues peines d'incarcération aux États-Unis et à formuler des recommandations en faveur de la sécurité et de la justice.
Le Council on Criminal Justice est un groupe de réflexion indépendant et non partisan. Nous nous employons à favoriser une meilleure compréhension des choix stratégiques en matière de justice pénale et à dégager un consensus propice à une sécurité accrue et à un meilleur système de justice. Je tiens à préciser que le conseil ne prend pas lui-même position du point de vue stratégique. Il forme plutôt des groupes de travail, des équipes spécialisées et des commissions qu'il charge d'étudier différents enjeux et de formuler des recommandations.
Notre groupe vient tout juste d'entreprendre son travail. Comme nous n'en sommes pas encore à l'étape des recommandations, je ne pourrai pas me prononcer aujourd'hui en faveur du projet de loi . Je vais donc plutôt vous entretenir des conclusions des recherches menées au sujet des peines minimales obligatoires. Pour que les choses soient bien claires, la plupart des recherches en question ont été réalisées aux États-Unis, mais il n'existe pas à ma connaissance de travaux effectués ailleurs dans le monde qui contrediraient ces résultats.
Je vais d'abord résumer ces conclusions de recherche en termes très généraux avant de vous exposer trois aspects que j'estime pertinents pour l'étude du projet de loi .
Les peines minimales obligatoires sont souvent extrêmement populaires, surtout aux États-Unis, mais il n'existe à peu près aucun élément établissant leur effet dissuasif à l'égard des comportements criminels. Il y a par ailleurs une quantité considérable de données démontrant que ces peines causent un dysfonctionnement marqué des tribunaux et créent des disparités injustifiées.
Permettez-moi de vous entretenir brièvement de trois constats à prendre en considération.
Premièrement, l'appellation « peine minimale obligatoire » n'est pas vraiment appropriée. Ces peines ne sont pas réellement minimales. C'est ce que soutient Michael Tonry, la sommité internationale en matière de détermination de la peine. Il fait valoir que les recherches montrent très clairement que les peines minimales obligatoires incitent les intervenants du système judiciaire, des policiers jusqu'aux juges, en passant par les procureurs, à poser des gestes visant à éviter des décisions qu'ils estiment être injustes ou inéquitables.
Il est également manifeste que les décisions de la sorte ont des effets distincts sur différents groupes, y compris les minorités raciales et ethniques. Cela met vraiment en lumière l'un des problèmes structurels découlant des peines minimales obligatoires. Elles sont fondées sur la prémisse voulant que leur caractère obligatoire permette de s'affranchir du pouvoir discrétionnaire. C'est l'hypothèse qui est avancée, mais les recherches révèlent que ces peines enlèvent en fait ce pouvoir discrétionnaire aux juges, pour lesquels son application est transparente et susceptible d'examen, pour faire plutôt en sorte qu'il soit exercé par des intervenants et dans des circonstances qui manquent habituellement de transparence et permettent rarement une révision et, par le fait même, une reddition de comptes.
Cela mène à toutes sortes de dysfonctionnements structurels. C'est dans ce contexte que nous pouvons observer une augmentation des rejets aux premières étapes des procès, mais aussi une majoration des peines pour les prévenus reconnus coupables. Les recherches nous apprennent également que les peines minimales obligatoires accroissent la charge de travail des tribunaux, la durée des procès et le nombre d'appels interjetés.
De très nombreuses recherches ont mis au jour les disparités créées par les peines minimales obligatoires. On a ainsi pu systématiquement observer des disparités injustifiées selon les régions, les salles d'audience et aussi les races, comme l'a établi la commission américaine sur la détermination de la peine.
Enfin, les chercheurs ont clairement démontré que les peines minimales obligatoires ne procurent pas de bienfait significatif du point de vue de la réduction de la criminalité. Je veux qu'une chose soit bien claire. Personne ne conteste vraiment le fait que les sanctions pénales ont en elles-mêmes un effet dissuasif, mais les recherches nous donnent à penser que c'est la certitude d'être appréhendé qui importe surtout. Ce n'est pas en imposant des peines plus sévères que l'on augmente l'effet dissuasif. Comme les peines minimales visent à tabler sur la sévérité, plutôt que sur la crainte d'être appréhendé, elles minent sans doute l'un des principaux outils à notre disposition pour réduire la criminalité.
Bien qu'il existe certaines données, principalement mises de l'avant par des économistes, indiquant que les peines minimales obligatoires pourraient avoir une incidence très faible, la grande majorité des données empiriques disponibles donnent à penser qu'elles n'ont pas d'avantage significatif pour la sécurité publique.
C'était donc mon bref survol des différentes conclusions issues de la recherche.
Permettez-moi simplement de conclure en vous disant que je suis très honoré de comparaître devant vous et que je serais ravi de répondre à toutes vos questions.
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Tout à fait, et cette considération est au cœur de mon travail.
Je l'ai expliqué un peu vite dans mon exposé, mais je m'emploie à étudier la détermination de la peine pour les femmes autochtones et mon travail s'articule autour de la théorie féministe du continuum victimisation-criminalisation qui reconnaît le lien entre les expériences de victimisation puis de criminalisation et les mécanismes d'interaction entre les deux. Il ne s'agit pas d'une connexion linéaire où l'on passerait de l'un à l'autre, mais plutôt d'une forme d'enchevêtrement.
Pour ce qui est des femmes autochtones donc j'ai examiné la détermination de la peine dans mes propres recherches, leurs expériences de victimisation peuvent être exposées au juge à cette étape sous forme d'un rapport présentenciel, d'un rapport Gladue ou de l'argumentation d'un avocat. Ce n'est pas la femme elle-même qui raconte ce qu'elle a vécu, mais plutôt un document rédigé par des acteurs institutionnels à des fins institutionnelles. On y trouve cependant les détails de l'expérience de victimisation qui sont tous interconnectés avec la colonisation.
L'un des aspects essentiels de mon travail consiste à essayer de définir la victimisation de manière suffisamment générale pour qu'elle englobe les torts causés par les institutions d'État. Les femmes autochtones en ressentent les effets au fil des ans dans leur vie personnelle, mais aussi dans une perspective collective et intergénérationnelle. La victimisation se manifeste le long de ce continuum, notamment sous la forme — et c'est l'élément vraiment important pour moi — des torts causés par le système de justice pénale. Je parle ici des méfaits découlant non seulement de l'expérience d'incarcération, mais aussi des démêlés avec le système de justice lui-même. Certaines femmes que j'ai rencontrées dans le cadre de ma recherche ont vu leurs enfants leur être arrachés en raison de leur criminalisation. D'autres craignaient de perdre, ou ont perdu, leur maison ou leur emploi à cause de cette criminalisation. L'expérience de victimisation est au cœur de mes préoccupations.
Je veux souligner qu'un rapport rendu public par le ministère de la Justice en 2018 indique que les femmes autochtones ont perdu confiance dans un système où elles ont l'impression qu'on ne les croit pas, et qu'il n'existe pas suffisamment de données illustrant leurs expériences liées au genre, surtout dans le contexte de l'oppression bien enracinée que vivent ces femmes. On y suggère que le gouvernement exige des différents intervenants au sein du système, y compris les juges, qu'ils tiennent compte des facteurs sous-jacents ayant contribué à la victimisation et la criminalisation.
Pour les femmes autochtones se voyant imposer une peine par le système de justice pénale, il y a une interrelation avec la victimisation…
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue aux témoins qui sont des nôtres pour la poursuite de notre étude du projet de loi .
Madame Kaiser-Derrick, je veux vous permettre de terminer ce que vous aviez commencé à dire, mais j'aimerais également que vous nous parliez un peu des condamnations avec sursis.
Avec nos témoins précédents, nous avons surtout discuté des peines minimales obligatoires, mais j'aimerais que nous nous tournions maintenant vers les ordonnances de sursis et les dispositions qui vont permettre que les peines de moins de deux ans soient purgées dans la collectivité.
À la lumière de votre travail auprès de femmes autochtones ayant bénéficié d'une condamnation avec sursis, diriez-vous que ces peines leur ont permis de réintégrer leur communauté tout en faisant en sorte que celle‑ci demeure en sécurité? Toujours d'après vos recherches, que répondriez-vous à ceux qui soutiennent que les ordonnances avec sursis sont une forme de sanction plutôt légère ou laxiste?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins qui sont ici aujourd'hui.
J'aimerais m'adresser à Mme Kaiser‑Derrick, car je veux la laisser continuer sur sa lancée.
Madame Kaiser‑Derrick, je trouvais intéressant votre témoignage sur l'aspect des femmes autochtones qui sont, si je comprends bien, surreprésentées dans nos prisons canadiennes. C'est un aspect important de la chose.
Sans être un expert de la question de la criminalité dans les réserves autochtones, je comprends que la préoccupation doit être sensiblement la même qu'à l'extérieur des réserves, c'est-à-dire qu'il s'agit de trouver un juste milieu. Nous voulons rassurer la population, inquiète des crimes violents qui sont commis, notamment de la montée des crimes avec armes à feu que nous avons pu voir au cours des derniers mois et des dernières années. Il faut rassurer la population, démontrer que nous nous préoccupons de cette situation et que nous allons tâcher de proposer des solutions pour la régler, tout en étant conscients que la réhabilitation des agresseurs, ou des accusés, pourrait, dans certains cas, passer par un autre processus que l'incarcération.
Étant soucieux de cette question, je me dis que le projet de loi vise la décriminalisation. Je vais parler uniquement des armes à feu, si vous me le permettez. Il y a d'autres aspects, mais c'est celui qui me préoccupe le plus. Nous allons décriminaliser par exemple l'extorsion avec arme à feu, le vol à main armée et le trafic d'armes à feu. Ces questions inquiètent, entre autres, beaucoup de membres des communautés, dont les Montréalais, au Québec, et je pense que cela doit aussi préoccuper les gens dans les réserves autochtones.
Plutôt que de simplement décriminaliser ces aspects, ne pourrions-nous pas trouver des solutions mitoyennes entre les peines minimales obligatoires et l'abolition des peines minimales obligatoires? Par exemple on pourrait permettre au juge de déroger à l'obligation d'infliger une peine minimale obligatoire dans certains cas.
À vos yeux, cette possibilité pourrait-elle être valable et pourrait-elle satisfaire ce besoin de souffler le chaud et le froid?
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Merci pour cette mise en contexte et cette question. Il y a une ou deux choses qui me sont venues à l'esprit pendant que je vous écoutais.
Premièrement, l'appel à l'action no 32 de la Commission de vérité et réconciliation dont j'ai parlé tout à l'heure demande au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel afin de permettre aux juges, avec motifs à l'appui, de déroger à l'imposition des peines minimales obligatoires de même qu'aux restrictions concernant le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis. Je pense que cela nous amènerait au juste milieu recherché par rapport à certains éléments que vous avez notés, en ce sens que l'on démontrerait ainsi une grande confiance envers les juges. On pourrait assortir le tout d'une campagne de sensibilisation dans le grand public pour encore mieux asseoir cette confiance envers les juges. En outre, cette obligation de fournir des motifs pour que soit ainsi élargi le pouvoir discrétionnaire des juges permettrait à ceux‑ci de traiter de certains des enjeux que vous avez mis en lumière.
Pour ce qui est plus particulièrement de la surreprésentation des Autochtones dans les établissements pénitentiaires, ce qui est ma principale préoccupation au moment où l'on se parle, le juge dans l'une des causes que j'ai étudiées a souligné, concernant la méthode d'analyse imposée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Gladue et le cadre de détermination de la peine applicable aux Autochtones, que l'analyse de la peine infligée n'aura de sens véritable que si, dans les causes qui s'y prêtent, il peut décider, en sa qualité de juge, de ne pas envoyer en prison un individu ayant commis un crime grave. Par conséquent…
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Je vous remercie de ces observations.
Tout d'abord, je dois dire que je n'ai pas étudié les peines minimales obligatoires, donc cela sort du cadre de mes recherches.
Je peux quand même vous répondre, d'une certaine façon. Ce que vous décrivez correspond tout à fait à la réalité. Les juges sont tenus...
Les principes de l'arrêt Gladue découlent de la décision rendue par la Cour suprême du Canada lorsqu'elle a interprété l'alinéa 718.2e) du Code criminel, qui est la disposition indiquant que les juges doivent envisager des sanctions substitutives à l'incarcération, en particulier pour les personnes autochtones. Selon ces principes, les juges ont le mandat d'examiner les solutions de rechange à l'incarcération, en particulier pour les personnes autochtones. L'arrêt Gladue de la Cour suprême du Canada a replacé cette disposition dans le contexte de la surincarcération des Autochtones en particulier et de la nécessité d'y remédier. Quand des peines minimales obligatoires et des restrictions sur les peines d'emprisonnement avec sursis s'appliquent, les juges peuvent procéder et procèdent à l'analyse des principes de l'arrêt Gladue. Cependant, il n'y a pas d'alternative à l'incarcération, en raison des peines minimales obligatoires et des restrictions sur les peines d'emprisonnement avec sursis. En ce sens, même si les principes de l'arrêt Gladue sont pris en considération, ils n'ont aucun effet. S'ils ne peuvent pas avoir d'effet tangible sur la peine imposée, alors bien sûr, le problème de la surincarcération autochtone se perpétue.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus.
Je veux parler de la peine d'emprisonnement avec sursis. Madame Kaiser-Derrick, je vais vous interroger plus particulièrement à ce sujet.
Je pense que beaucoup de Canadiens seraient surpris que des crimes comme l'agression sexuelle, l'enlèvement, la traite de personnes, l'enlèvement d'une personne de moins de 14 ans, l'agression armée avec infliction de lésions corporelles, les voies de fait contre un policier... L'agression armée avec infliction de lésions corporelles: je n'en revenais pas. Le fait que certains individus soient condamnés à une peine d'emprisonnement avec sursis, puis soient renvoyés directement dans la communauté ou le quartier d'où ils viennent... Je ne suis pas sûr que ce soit un environnement sain.
Je sais que vous avez fait beaucoup de recherches sur les peines d'emprisonnement avec sursis, mais je m'intéresse surtout à vos recherches sur la surincarcération. Le sujet n'a pas encore été abordé, mais je suis sûr que vous connaissez bien la justice réparatrice.
Une personne de Montréal a soulevé le fait qu'il faut prévenir le crime, et pas nécessairement réduire le crime en jetant les gens en prison. La prévention du crime et la justice réparatrice vont de pair, et j'ai beaucoup travaillé avec la justice réparatrice dans le passé.
Il est également intéressant de souligner qu'il y a eu un projet sur 15 ans à Montréal, auprès de jeunes âgés d'à peine cinq ans, pour leur parler tout au long de leur enfance et leur montrer qu'il existe une autre voie que le crime organisé et les gangs.
Je me demande si vous pouvez nous parler un peu plus de vos succès en matière de justice réparatrice, surtout dans un contexte de surreprésentation des femmes autochtones en milieu carcéral, et de ce vers quoi nous pourrions aller sans même avoir à parler de peines minimales obligatoires ou de peines d'emprisonnement avec sursis.
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Je ne travaille pas moi-même directement en réhabilitation.
Je dirais que dans les cas que j'ai étudiés, j'ai parfois remarqué que les juges qualifiaient la prison comme un lieu de traitement pour répondre aux besoins de réhabilitation de femmes autochtones. D'autres juges situaient les besoins de réhabilitation dans la communauté. Je pense que la première construction est problématique, parce que de nombreuses recherches démontrent que l'incarcération cause plus de tort qu'elle ne réhabilite la personne.
En ce qui concerne les femmes autochtones, quelque chose m'a frappée pendant que je me préparais à prendre la parole aujourd'hui. Je regardais le Rapport de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba, qui a été publié en 1991. C'est un rapport très complet, qui date de plus de 30 ans.
Les commissaires écrivent dans ce rapport qu'ils ont été émus par la situation des femmes autochtones et qu'ils ont constaté qu'elles « souffrent d'une double discrimination: en tant que femmes et en tant que personnes [autochtones]; en tant que victimes et en tant que contrevenantes ». Après avoir interrogé bien des femmes dans le système, les commissaires écrivent dans ce rapport qu'ils ont été « convaincus par les arguments des femmes [autochtones], qui affirment que le rétablissement de leur responsabilité traditionnelle et de leur position d'égalité dans la famille et la communauté est la clé pour résoudre beaucoup des problèmes observés ».
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Bien sûr. Diverses études ont été réalisées sur différentes sanctions, des peines les plus longues aux plus courtes. Dès le moment de l'arrestation, si la police estime que la sanction sera injuste et qu'elle ne veut pas en arriver là, elle ne procédera tout simplement pas à l'arrestation. Si l'affaire est portée devant le tribunal, la personne chargée de l'inculpation pourra modifier les chefs d'accusation. Dans les procès, on voit davantage de rejets ou de plaidoyers pour des infractions qui ne mènent pas à des peines minimales obligatoires. C'est le genre de chose qu'on observe.
C'est aussi un argument utilisé pour forcer la négociation de plaidoyers dans certains cas. Les gens qui subissent un procès complet jusqu'à la phase de condamnation ont généralement des peines plus longues.
Encore une fois, je pense que l'idée qui justifie les peines minimales obligatoires, c'est qu'on peut en quelque sorte s'éviter la lourdeur du processus judiciaire et juste laisser tomber des accusations. Les recherches montrent systématiquement que les peines minimales obligatoires rendent finalement les choses plus incertaines et moins prévisibles; elles suscitent la méfiance au sein même du système, chez les gens qui y sont confrontés, et en ce sens aussi, elles tendent à perpétuer exactement le genre de problèmes qui sont à l'origine des peines minimales obligatoires. Le public, les forces de l'ordre et les fonctionnaires voient des peines qui ne semblent pas proportionnelles au crime.
Je pense, d'après ce que je comprends de la conversation d'aujourd'hui, qu'il ne s'agit pas de savoir si c'est le genre de crimes pour lesquels on peut être envoyé en prison. Ce n'est pas ce qui est en cause ici. La question est de savoir si les juges pourraient avoir une marge de manœuvre sujette à révision pour faire des choix différents.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Maki, j'aimerais connaître votre opinion. Je constate que vous êtes diplômé en droit, mais également en philosophie, et que votre pratique vous amène à travailler avec la population sur le terrain. Disons pour l'instant que nous tenons pour acquis que, les peines minimales obligatoires, c'est mauvais.
Or je me pose une question. Le message que le législateur envoie à la population a une certaine importance. Selon vous, n'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter à cet égard?
Actuellement, il y a un certain nombre de peines minimales obligatoires, entre autres en ce qui a trait aux armes à feu. Mon collègue M. Morrison a énuméré tantôt un certain nombre d'infractions, dont l'extorsion et le vol à main armée. Il y a une montée de la violence avec arme à feu un peu partout, notamment au Québec, dans la région de Montréal, et cela inquiète la population.
N'y aurait-il pas lieu de faire un effort pour trouver une solution mitoyenne tout en redonnant une marge de manœuvre aux tribunaux? Ne faudrait-il pas éviter de donner l'impression que nous faisons preuve d'une certaine nonchalance ou d'un certain désintéressement, non pas en ce qui a trait aux crimes, mais en ce qui concerne l'inquiétude de la population relativement aux crimes?
En guise de solution mitoyenne, nous pourrions, relativement à certaines infractions plus graves, donner au juge la possibilité de déroger à la peine minimale obligatoire dans des circonstances exceptionnelles.
Selon vous, est-ce une façon intéressante d'aborder la situation?
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Je m'excuse. Je n'ai compris que la dernière partie de la question. Je n'avais pas capté qu'il y avait de l'interprétation, j'en suis infiniment désolé, mais je pense avoir compris l'essentiel de votre question.
J'hésite à parler du système canadien, sur lequel j'ai lu, mais que je ne comprends pas. Je ne suis pas un expert en la matière.
Aux États-Unis, je dirais que la recherche indique vraiment que sur le plan législatif, il est pertinent de créer des structures régissant le pouvoir discrétionnaire, le pouvoir de déroger de la règle minimale, au moyen de certains « minimums présumés », qui est un terme souvent utilisé.
Cela dit, je pense que vous parlez là de l'essence même du dur travail que vous avez tous en tant que législateurs. Vos électeurs vous demandent...
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Merci, madame Kaiser-Derrick et monsieur Garrison.
Voilà qui conclut les témoignages du deuxième groupe de témoins. Je tiens à remercier tous les témoins.
Nous avons maintenant quelques questions administratives à régler, donc nous vous laissons partir. Vous êtes priés de vous déconnecter. En attendant, j'espère que nous pourrons faire ce que nous avons à faire rapidement.
Chers collègues, je pense que nous devons avant tout nous prononcer sur le nombre de réunions à prévoir pour cette étude. Je pense que nous ne sommes pas parvenus à une conclusion à ce sujet. J'espère que nous limiterons le débat au minimum, puis que nous pourrons passer au vote.
Quelqu'un veut‑il ouvrir la discussion sur le nombre de réunions que nous devrions tenir? Nous en avons tenu quatre à ce jour, je vous le rappelle. Ceci conclut la quatrième réunion.
Allez‑y, monsieur Moore.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Nous discutons de chiffres et du nombre de rencontres que nous aurons. Je veux bien, mais je m'intéresse à ce que nous allons faire de ces rencontres. Je vois qu'il y a déjà un certain nombre de témoins annoncés qui n'ont pas témoigné. Pour ma part, je sais qu'un témoin que j'ai assigné à comparaître sera présent vendredi de cette semaine ou la semaine prochaine. À tout le moins, il reste des témoins à entendre.
Je pense que le projet de loi est important et qu'il faut nous y attarder correctement. Je ne veux pas répéter ce que j'ai déjà dit, mais il faut être conscients qu'il y a deux projets de loi. Le a pelleté cela dans notre cour, mais il y a deux projets de loi. Le premier porte sur la déjudiciarisation, et le deuxième, sur les peines minimales obligatoires. Il faut prendre le temps de regarder cela correctement.
Est-ce que d'autres témoins comparaîtront? Est-ce que quelqu'un autour de la table veut assigner d'autres témoins à comparaître? Il faudrait le savoir.
Par ailleurs, combien de temps nous faut-il pour entendre ces gens-là? C'est davantage cela qui me préoccupe que de savoir si nous allons le faire en quatre, en cinq ou en six rencontres.
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Monsieur Fortin, je pense qu'il y a consensus pour tenir sept réunions — je vois des hochements de tête. C'est ce que nous allons faire.
Enfin, en ce qui concerne notre projet de voyage, je pense avoir jusqu'à vendredi pour soumettre une demande. Je l'ai envoyée aux vice-présidents. Je n'ai pas eu de réponse, mais je leur ai parlé à tous les deux.
Je vous enverrai les détails de la proposition de voyage, que nous pourrons toujours modifier. Si nous pouvions nous mettre d'accord pour soumettre la demande d'ici vendredi, ce serait l'autre chose à régler. Je vous la soumettrai d'ici la fin de la soirée, ou demain matin, si possible, et nous verrons ensuite.
Allez‑y, monsieur Anandasangaree.