Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la 77e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Deux de nos membres participent à la réunion de façon virtuelle aujourd'hui; les autres sont dans la salle.
Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 5 octobre 2023, le Comité se réunit en public pour poursuivre son étude du projet de loi S‑12.
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se tient selon un format hybride. Les membres y participent en personne dans la salle, de même qu'à distance à l'aide de l'application Zoom. J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des membres du Comité et des témoins. Pour la première partie de la réunion, nous avons un témoin qui participe de façon virtuelle; les deux autres se trouvent dans la pièce.
Veuillez s'il vous plaît attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion avec vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole. L'interprétation est disponible sur Zoom. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le son du parquet, l'anglais et le français. Ceux qui se trouvent dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal souhaité. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Les participants en personne qui souhaitent prendre la parole doivent lever la main. Ceux qui utilisent Zoom doivent utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier est ici et me fera signe si j'oublie quelqu'un. Je vous remercie à l'avance de votre patience.
J'aimerais aborder deux questions d'ordre administratif, rapidement, avant que nous entendions notre premier groupe de témoins. Le greffier vous a transmis à tous une copie du budget par courriel. Il faut une motion pour approuver les dépenses qui seront remboursées aux témoins. M. Housefather propose la motion et est appuyé par M. Caputo. Merci beaucoup.
Le deuxième point est similaire. Il vise les frais d'accueil associés à la réunion non officielle avec le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme qui s'est tenue hier, le lundi 16 octobre. Trois comités participaient à cette réunion, et on nous a demandé de payer une partie des coûts. On me dit qu'ils sont inférieurs à 200 $.
Quelqu'un peut‑il présenter une motion pour que nous payions notre part des frais?
Merci beaucoup, monsieur Van Popta. Je vous en suis reconnaissant. Je crois que vous étiez présent hier.
Est‑ce que quelqu'un peut l'appuyer? Je n'ai pas besoin que la motion soit appuyée. Merci quand même, monsieur Brock.
La présidente: Merci à tous pour votre indulgence.
J'aimerais vous faire un dernier rappel, si vous me le permettez, au sujet de l'échéance du projet de loi S‑12. Je vous rappelle simplement de transmettre dès que possible à notre conseiller législatif, M. William Stephenson, tout amendement supplémentaire que vous souhaiteriez voir distribuer. Il s'assurera que tous les amendements sont rédigés de manière appropriée.
Je vous rappelle aussi que nous procéderons à l'étude article par article dans le cadre de notre prochaine réunion, qui se tiendra jeudi. Tous les amendements et les sous-amendements doivent être transmis par écrit au greffier du Comité.
Mesdames et monsieur les témoins, nous vous souhaitons la bienvenue. Merci d'être avec nous. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Étant donné les contraintes de temps avec lesquelles nous devons composer, nous tiendrons une série de questions de six minutes pour tous les partis, avant de mettre fin à la première partie de la réunion.
Nous recevons trois témoins à titre personnel: l'avocate Robin Parker; le professeur adjoint à la faculté de droit de l'Université Thompson Rivers, Colton Fehr; et la professeure de droit à l'école de droit Peter A. Allard de l'Université de la Colombie-Britannique, Janine Benedet, qui se joint à nous avec vidéoconférence.
Nous allons d'abord entendre Mme Parker.
Vous disposez de cinq minutes. Le greffier m'aidera à surveiller le temps alors que je prendrai des notes. C'est ce qui est fait dans d'autres comités. Si je lève le carton rouge, cela signifie qu'il ne vous reste plus de temps.
Je vais vous parler des ordonnances de non-publication.
En 2021, une survivante d'agression sexuelle, C.L. a été reconnue coupable d'avoir enfreint sa propre ordonnance de non-publication. Son crime? Elle a texté les raisons de la condamnation de son agresseur à ses amis et aux membres de sa famille, qui formaient un groupe de soutien. Le juge de première instance avait décrit l'agression comme étant très grave et très violente; ses enfants étaient à la maison au moment où elle s'est produite. Le procès a été long et difficile. Elle avait une communauté de soutien... un réseau. Certains membres de ce réseau n'étaient pas au palais de justice le jour où l'accusé avait été condamné, alors elle leur avait expliqué les motifs du jugement par la messagerie de Facebook. L'accusé l'a su et a porté plainte à la police.
C.L. a été accusée d'avoir enfreint l'interdiction de publication qui avait été mise en place pour la protéger. Le procureur a examiné le dossier et pour une quelconque raison a jugé qu'il était dans l'intérêt du public de la poursuivre. On lui a dit qu'on demanderait une peine d'emprisonnement si elle était reconnue coupable. Elle a utilisé ses économies pour embaucher un avocat de la défense, qui lui a expliqué qu'elle pouvait éviter la prison en plaidant coupable. Il s'est joint à la Couronne pour demander au juge de lui imposer une amende de 2 000 $. Comme elle avait peur et était traumatisée, elle a accepté. Comme si ce n'était pas assez, le jour où elle a plaidé coupable pour un geste qui n'était pas un crime — j'y reviendrai —, le juge lui a imposé une suramende compensatoire de 600 $, même si c'était elle, la victime.
La loi en matière d'interdiction de publication est claire et établie. Le fait de texter une décision juridique à un petit groupe d'amis ne constitue pas une publication, une diffusion ou une transmission intentionnelle en vertu du Code criminel. C.L. n'a commis aucun crime. Or, tous les acteurs du système judiciaire qui ont pris part au dossier l'ont flouée: les policiers, la Couronne, son propre avocat et le juge.
J'ai communiqué avec elle après avoir lu au sujet de cette affaire dans les journaux. Avec l'aide de ma collègue, Karen Symes, nous avons réussi à faire appel de la décision. La condamnation de C.L. a été annulée et on lui a remboursé les frais — y compris la suramende compensatoire — qu'elle avait dû payer.
Son cas a fait les manchettes nationales et a galvanisé un réseau de défenseurs des survivantes, qui avaient de la difficulté à faire lever les ordonnances de non-publication. Ces braves femmes ont formé un groupe qui a témoigné devant le Comité: My Voice, My Choice. Toutefois, étant donné l'attention médiatique accordée à cette affaire, des survivantes de partout au pays ont communiqué avec moi — puisque mon nom était dans les journaux — et avec mon amie et collègue Megan Stephens, que vous avez rencontrée il y a quelques semaines.
Au cours des années qui ont suivi, j'ai aidé de nombreuses survivantes à faire lever les ordonnances de non-publication les concernant et j'en ai conseillé bien d'autres. C'est avec cette expérience et mes quelque 30 années de carrière en tant que procureure, avocate de la défense, défenseure des droits des victimes et survivante que je me présente devant vous. J'ai vu comment le système gérait les cas d'agressions sexuelles, selon tous les angles.
Je vous parle de l'histoire de C.L. parce qu'il s'agit à de nombreux égards de la genèse de ces amendements. Il importe toutefois de souligner que, dans son cas, l'interdiction de publication demeure, parce que c'est ce qu'elle souhaite. Les principes sur lesquels reposent ces amendements doivent être la connaissance et l'autonomie pour les plaignants. Ces dispositions ont été jugées constitutionnelles dans l'affaire de la Compagnie de journaux canadiens, parce qu'elles visent à encourager la dénonciation. Il faut qu'il soit facile d'imposer une interdiction de publication et qu'il soit facile de la lever. Dans tous les cas, il faut qu'il y ait un devoir d'informer les plaignants, afin qu'ils puissent se prévaloir de leurs droits.
J'appuie les amendements proposés au projet de loi S‑12, mais comme d'autres, je souligne le besoin de financer adéquatement les avocats des plaignants. La plupart des plaignants ne savent même pas que leur cas est associé à une interdiction de publication et j'oserais dire qu'aucun d'entre eux n'est consulté avant qu'une telle ordonnance ne soit imposée. C'est pourquoi, dans le cadre des premières étapes de rédaction, d'autres avocats — dont Pam Hrick, du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, que vous entendrez plus tard — et moi militons en faveur du devoir d'informer le plaignant de l'existence d'une interdiction de publication.
(1615)
Le procureur ne peut offrir de conseils juridiques au plaignant. Toutes les discussions entre le procureur et le témoin sont assujetties à des obligations en matière de communication. Selon sa forme actuelle, la disposition pourrait placer le procureur dans une situation où il pourrait nuire au plaignant en devant communiquer les nouveaux renseignements qu'il recevrait en expliquant l'ordonnance de non-publication. Par exemple, si le plaignant demande s'il peut parler à son conseiller ou dit avoir expliqué les détails de l'agression à celui‑ci, alors le procureur pourrait être dans l'obligation de divulguer à la défense des renseignements qu'elle ne connaît pas ou n'aurait peut-être pas dû connaître, c'est‑à‑dire qu'il y a peut-être des dossiers de counselling pouvant faire l'objet d'une assignation.
Pour conclure, je dirais que cette question touche tous les Canadiens. Je crois que tous les ménages du pays ont été touchés directement ou indirectement par la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre. J'exhorte les membres de tous les partis à travailler ensemble pour apporter ces changements nécessaires au Code criminel.
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre part à ce processus démocratique.
J'aimerais me centrer sur plusieurs caractéristiques du projet de loi S‑12 qui répondent directement à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Ndhlovu.
À divers endroits dans le projet de loi S‑12, un critère disjonctif est utilisé pour établir si une dispense de l’inscription au registre des délinquants sexuels ou une ordonnance de révocation est justifiée. Le critère utilise en réalité le libellé de l’article 7 de la Charte, et en particulier les principes de portée excessive et de caractère totalement disproportionné. À mon avis, une double exception est inutile. Une telle approche n’est raisonnable que s’il y a des circonstances où une loi de portée excessive n’a pas aussi un caractère totalement disproportionné.
Pourtant, si une ordonnance particulière en vertu de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels — la LERDS — ne favorise pas l’objet de la loi, le fait que l’ordonnance ait, selon les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada, des incidences « graves », « onéreuses » et « considérables » sur les droits à la liberté du délinquant laisse fortement entendre que l’effet a aussi un caractère totalement disproportionné. Il convient de souligner que la LERDS originale n’utilisait que l’exception relative au caractère totalement disproportionné, et rien ne permet de croire que cette exception était trop étroite.
C’est plus qu’un simple point sémantique. Le fait de permettre aux juges d’éviter de rendre une ordonnance en vertu de la LERDS parce qu’ils pensent qu’il n’y a pas de lien entre l’objectif de l’ordonnance et la conduite du délinquant invite à des hypothèses problématiques. Comme l’ont fait remarquer les juges dissidents dans l’arrêt Ndhlovu, les juges ont souvent accordé des dispenses dans des circonstances très inappropriées. Par exemple, ils ont accordé des dispenses à des délinquants parce qu'ils pensaient que ceux‑ci ne représentaient pas une menace future puisqu’ils avaient agressé sexuellement des personnes qu’ils connaissaient ou parce qu’ils étaient des pédopornographiles, des délinquants opportunistes, ou des délinquants ayant sévi il y a longtemps. Ces types de dispense démontrent que la partialité judiciaire à l’égard des infractions sexuelles est présente de façon étonnante et avec une fréquence troublante, comme l’ont démontré les juges dissidents dans leur survol de la jurisprudence.
Bien que les modifications proposées fournissent des facteurs qui orientent le pouvoir discrétionnaire des juges, ces facteurs sont énoncés de façon très générale, à mon avis. Je suis d’accord avec la professeure Benedet, qui a laissé entendre en 2012 que les facteurs non pertinents devraient également être énumérés. En voici quelques-uns: la victime connaissait le délinquant avant l’infraction; l’acte était opportuniste plutôt qu’un comportement prédateur; le délinquant a cessé l’occupation ou l’activité qui l’a amené à entrer en contact avec les victimes; le délinquant était en état d’ébriété; l’infraction n’impliquait pas de victimes multiples ni de lésions corporelles supplémentaires.
Le pouvoir discrétionnaire peut aussi être exercé dans d’autres circonstances douteuses. Les modifications apportées au paragraphe 490.012(1) exigeraient qu’une infraction fasse l’objet d’une poursuite par mise en accusation et qu’une peine d’emprisonnement de deux ans soit imposée avant qu’une ordonnance en vertu de la LERDS ne soit obligatoire pour les infractions sexuelles contre les enfants. Existe‑t‑il des preuves que seuls les agresseurs sexuels d’enfants envoyés dans les prisons les plus restrictives du Canada sont suffisamment susceptibles de récidiver pour justifier une ordonnance en vertu de la LERDS?
Un examen de la jurisprudence en matière de détermination de la peine démontre que même les cas de manipulation psychologique prolongée associée à de multiples agressions ne nécessiteraient pas d’ordonnance; la décision est donc laissée à la discrétion des juges, ce qui, encore une fois, s’est révélé problématique.
Cela dit, le Parlement veut probablement accorder un pouvoir discrétionnaire aux juges non seulement à titre de protection contre les contestations en vertu de l’article 7, mais aussi pour faire en sorte que les ordonnances en vertu de la LERDS ne constituent pas une peine au regard de la Charte. Il vaut toutefois la peine de se demander si les lois antérieures et les dispositions obligatoires seraient constitutionnelles si les ordonnances servaient aux fins d’enquête et de peine.
Autrement dit, les ordonnances en vertu de la LERDS ne pourraient-elles pas aussi, et peut-être surtout, être imposées comme peine, étant donné la conclusion du tribunal voulant que le modèle d'enquête requière la discrétion judiciaire? Dans le cadre d’une telle analyse, il n’est pas logique de parler de portée excessive parce que les ordonnances en vertu de la LERDS favoriseront facilement les objectifs de dénoncer ou de dissuader les délinquants de commettre d’autres infractions. Il n’est pas évident non plus que les ordonnances en vertu de la LERDS seraient totalement disproportionnées, car les objectifs plus généraux de dénonciation et de dissuasion devraient être pris en compte au même titre que les avantages à l’égard des enquêtes que ces ordonnances offrent déjà.
Bien que cette approche fasse intervenir l’alinéa 11i) de la Charte, cela pourrait être évité. L’application rétroactive pourrait être évitée si les délinquants qui ont commis une infraction en vertu de l'ancienne loi pouvaient demander une dispense lorsque l’effet sur eux ne concorde pas avec l'arrêt Ndhlovu.
Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à l'étude du projet de loi S‑12.
Puisque nous avons commencé avec un peu de retard, je suis désolée de vous informer que je dois enseigner à 14 heures, heure de Vancouver, soit à 17 heures chez vous, mais j'espère pouvoir être avec vous pour la plus grande partie de notre discussion.
Mon exposé d'aujourd'hui portera essentiellement sur les changements proposés au registre des délinquants sexuels. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que certaines de mes observations rejoindront les points soulevés par M. Fehr.
Il y a quelques années, j'ai mené une recherche qui a été mentionnée par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Ndhlovu. Bien que je préfère l'approche des juges dissidents dans cette affaire, à ce stade‑ci, la décision qui s'impose à vous est de savoir comment intervenir d'une manière qui respecte la Charte, qui préserve l'intégrité du registre et qui tient compte de la façon dont les infractions sexuelles sont réellement commises, poursuivies et condamnées.
Le projet de loi, selon mon interprétation, propose de rendre l'inscription automatique dans certains cas et d'en faire une présomption solide dans d'autres. J'ai deux réserves par rapport au projet de loi actuel, réserves qui vont dans le sens de ce que vous venez d'entendre. La première concerne l'élément déclencheur de l'inscription obligatoire. L'autre concerne les facteurs que le juge doit prendre en considération pour décider d'accorder ou non une dispense lorsque l'inscription est simplement présumée.
Le premier point se rapporte à un argument qui vous a déjà été présenté, à savoir que le projet de loi, toujours selon mon interprétation, dit que l'inscription est obligatoire pour les délinquants primaires et que cette obligation est déclenchée lorsque l'infraction fait l'objet d'une poursuite par mise en accusation, lorsque le délinquant est condamné à une peine de 2 ans ou plus et lorsque la victime est âgée de moins de 18 ans. Il s'agit là d'une barre très haute qui n'est manifestement pas exigée par la Cour suprême.
Le fait est que, de nos jours, les agressions sexuelles graves font souvent l'objet de poursuites par procédure sommaire pour diverses raisons opérationnelles. La peine maximale pour une agression sexuelle faisant l'objet d'une poursuite par procédure sommaire n'est que de 18 mois — il y a une anomalie dans le Code criminel —, alors qu'elle est de 2 ans pour d'autres infractions punissables par procédure sommaire.
Les agressions sexuelles graves contre des enfants n'entraîneront pas la même obligation d'inscription, même si les circonstances de l'infraction et le risque de récidive peuvent être identiques. Les infractions punissables par procédure sommaire ne sont pas toujours des infractions mineures. Je pense qu'il est important de souligner ce point.
De plus, le seuil de deux ans est élevé. La résurgence des peines avec sursis pour les infractions sexuelles, y compris les infractions sexuelles contre les enfants, signifie qu'aucune infraction assortie d'une peine avec sursis n'entraînera pas une inscription obligatoire, là non plus. Vous verrez que l'évitement de l'inscription obligatoire deviendra un argument dans les négociations de plaidoyers, ainsi qu'une raison pour laquelle certains juges pourraient imposer des peines de moins de deux ans afin d'éviter cette conséquence collatérale de la condamnation.
J'ajouterais que si une personne est condamnée à une peine d'emprisonnement pour une infraction sexuelle contre un enfant, que ce soit par procédure sommaire ou par mise en accusation, il n'est certainement pas déraisonnable de s'attendre à ce qu'elle soit également inscrite au registre des délinquants sexuels. Pour moi, cet élément déclencheur n'a pas beaucoup de sens. Je pense que le seuil pourrait être abaissé.
Le deuxième point — et on l'a déjà soulevé — est de savoir ce qui se passe si l'inscription n'est pas obligatoire et si elle ne constitue qu'une présomption. C'est là qu'entrent en jeu les exceptions, et vous avez entendu certaines préoccupations à ce sujet.
Nous savons que le problème, c'est que, dans le passé, lorsque les juges avaient un pouvoir discrétionnaire à cet égard, ils accordaient souvent des dispenses. Mes recherches ont révélé qu'ils le faisaient dans près d'un tiers des cas, du moins lorsqu'il y avait des motifs. Ces exceptions n'étaient donc pas du tout exceptionnelles.
Il s'agit plutôt d'une pratique récurrente. Lorsque les juges exercent un pouvoir discrétionnaire illimité dans le contexte des infractions sexuelles, ils tombent dans un raisonnement stéréotypé. Nous avons pu le constater dans l'examen de la preuve sur le comportement sexuel antérieur, lorsque des dossiers privés se retrouvent entre les mains de tiers, et dans la détermination de la peine des délinquants dont les victimes sont des adultes et des enfants. Il existe un mythe selon lequel les délinquants opportunistes ne sont pas de vrais délinquants sexuels, que les hommes ayant une bonne réputation au sein de la communauté ne sont pas de vrais délinquants sexuels et que lorsqu'il n'y a pas d'autre forme de violence ou que les enfants donnent leur consentement de facto, il ne s'agit pas de vraies infractions sexuelles.
(1625)
Le projet de loi S‑12 tente de proposer certaines conditions qui doivent être prises en considération par un juge dans sa décision d'accorder ou non l'ordonnance. Cependant, la plupart de ces conditions sont vagues et générales, et elles permettent un raisonnement qui repose sur des mythes.
Oui, j'y reviendrai durant la période des questions, mais j'aimerais simplement ajouter que j'appuie le point soulevé par M. Fehr. Il faut une liste de facteurs que le juge ne peut pas prendre en considération au moment de décider d'accorder la dispense. On trouve une telle liste dans d'autres parties du Code criminel, et elle serait de mise ici aussi.
Si vous le permettez, j'aimerais d'abord m'adresser à chacun des participants d'aujourd'hui.
Madame Parker, je ne sais pas si nous nous sommes déjà rencontrés, mais je tiens à vous remercier d'avoir eu le courage de vous exprimer en tant que survivante et en tant qu'avocate dans des affaires mettant en cause des ordonnances de non‑publication. Ce n'est pas le type de droit auquel les gens pensent forcément lorsqu'ils vont à l'école de droit. Je sais que ce n'est probablement pas très bien payé, voire pas du tout, mais je vous remercie de votre sacrifice et de votre contribution.
Monsieur Fehr, je suis content de vous voir. Pour tout dire, j'ai déjà pris la parole devant vos étudiants de droit pénal, à l'époque où j'enseignais à la Faculté de droit de l'Université Thompson Rivers. Je vous remercie donc d'être avec nous.
Madame Benedet, je suis heureux de vous voir. Vous nous aviez fait un exposé lorsque j'étais procureur de la Couronne en Colombie-Britannique, alors c'est un plaisir de vous revoir également.
Une voix: Avez-vous une question à poser?
Des voix: Oh, oh!
M. Frank Caputo: J'ai tellement de choses à passer en revue.
Je vais commencer par Mme Benedet pour parler de la différence entre un risque faible et un risque inexistant. Comme le souligne mon collègue, M. Brock, le meilleur indicateur du comportement à venir est le comportement passé. Dans cette optique, n'est‑il pas logique que nous envisagions une disposition qui entraîne l'inscription obligatoire, surtout dans le cas d'une infraction sexuelle contre un enfant?
Je dirais que oui. De toute évidence, une infraction sexuelle contre un enfant qui entraîne une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, constitue une infraction grave. Le mode de poursuite, par procédure sommaire ou par mise en accusation, n'a pas vraiment d'importance. Ce sont les faits de l'infraction et la peine qu'elle entraîne qui parlent d'eux-mêmes.
Oui, il me semble que, dans une telle circonstance, l'inscription obligatoire est justifiée et pourrait être jugée constitutionnelle si elle devait être contestée.
Une de mes réflexions... et n'importe lequel des témoins pourra intervenir. Supposons que nous ayons une proposition conjointe, qui lie essentiellement les mains du juge, sauf dans de très rares circonstances, lorsque l'inscription n'est pas obligatoire. Théoriquement, vous pourriez conclure un accord de plaidoyer qui dirait que, dans le cadre de cette proposition conjointe, nous ne demandons pas au juge d'imposer l'inscription en vertu de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, ou LERDS.
J'aimerais savoir si les témoins sont d'accord là‑dessus.
Madame Parker, vous avez beaucoup de connaissances dans ce domaine, alors n'hésitez pas à intervenir.
Je me contenterai de dire, à la lecture du projet de loi, dans sa forme actuelle, que je ne suis pas sûre que cela puisse faire l'objet d'une négociation de plaidoyer, parce que même dans les cas où ce n'est pas obligatoire, l'inscription est présumée. Ce ne sont que les infractions secondaires qui doivent être visées par la demande et qui pourraient faire l'objet d'une négociation de plaidoyer. C'est une mesure législative complexe, mais c'est ainsi que je l'interprète.
C’était certainement un problème dans le passé lorsque la poursuite devait demander l’ordonnance, mais je n'estime pas que le projet de loi vient rétablir ce modèle.
Je vais poser une dernière question, après quoi je céderai la parole à mon collègue, M. Van Popta.
Lorsque nous parlons de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants — appelé « pornographie juvénile » dans le Code, mais je ne veux pas employer cette expression ici —, je crois comprendre que, d'après les recherches, si ma mémoire est bonne, plus de 80 % des gens qui consomment ce genre de contenu finiront par agresser un enfant, non seulement sur Internet, mais aussi en personne.
Cela ne justifierait‑il pas en soi l'inscription obligatoire pour ces types d'infractions?
La question constitutionnelle porte sur un principe de justice très étroit que l'on appelle la portée excessive. Par conséquent, si vous pouvez trouver un cas où la personne en question ne pourrait pas commettre d'infraction ou ne le ferait probablement pas, alors la Cour suprême dira que cela constitue une violation de l'article 7 de la Charte.
J'ai écrit un article dans lequel j'explique pourquoi, à mon avis, ce principe de justice n'est pas du tout conforme à la justice fondamentale. Toutefois, cela renvoie à la justification en vertu de l'article premier, et la question qui se pose alors est la suivante: si nous devions éliminer le pouvoir discrétionnaire, qui a apporté son lot de problèmes, cela vaudrait‑il la peine de viser les délinquants qui passeront entre les mailles du filet en vue de repérer les rares cas où nous pourrions arrêter un éventuel récidiviste?
Madame Benedet, je vous remercie d'être des nôtres.
Merci à vous tous.
Madame Benedet, vous avez dit que vous souscrivez à ce que M. Fehr a proposé, à savoir l'ajout d'une liste des raisons qu'un juge ne peut pas prendre en considération au moment de déterminer si le nom d'une personne devrait ou non figurer dans le registre des délinquants sexuels. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Je pense que ce sera important pour nous lorsque nous procéderons à l'étude article par article.
À l'heure actuelle, dans le Code criminel, lorsque nous parlons d'une demande d'accès aux dossiers de consultation — c'est‑à‑dire aux dossiers de tiers, aux dossiers privés du plaignant —, il y a une liste de facteurs que le juge n'est pas censé prendre en considération ou, du moins, qui ne justifient pas suffisamment l'ordonnance de production. Cette liste a été créée précisément pour essayer de contrer certains des raisonnements problématiques et fondés sur des mythes que nous avions observés dans le passé, alors...
Oui, c'est moi qui prendrai la parole. Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Je me fais l'écho de ce que M. Caputo a dit, sauf que je n'ai jamais enseigné dans aucun de vos cours.
Madame Benedet, je vais commencer par vous. Vous avez dit, au début de votre déclaration, que vous préférez l'opinion des juges dissidents, puis vous avez ajouté que le seuil pour les interdictions obligatoires est trop élevé.
Je ne suis ni d'accord ni en désaccord avec vous, mais avez-vous des recommandations précises à formuler sur la façon dont le libellé du projet de loi pourrait être modifié?
Oui. Je recommanderais que la disposition qui déclenche l'inscription obligatoire n'exige pas une poursuite par mise en accusation. Elle devrait donc simplement préciser que lorsqu'une infraction est commise contre une victime de moins de 16 ou 18 ans, selon l'infraction, et qu'une peine d'emprisonnement est imposée, cela devrait suffire pour entraîner l'inscription obligatoire. Je pense que ce serait utile.
Je comprends que nous essayons de maintenir cette interdiction obligatoire « sans exception » pour un nombre limité de circonstances, mais à mon avis, il est plus logique de procéder ainsi que d'essayer de faire une distinction entre la mise en accusation et la procédure sommaire, ou entre les peines fédérales et les peines provinciales.
Oui. Je me demande en outre, en raison de l'arrêt Ndhlovu, s'il serait possible de simplement supprimer « pouvoir discrétionnaire » dans le cas des infractions sexuelles contre des enfants. Cela peut viser des délinquants qui ne devraient pas l'être, mais la Cour suprême n'a jamais dit que la règle de la démarcation très nette est totalement inconstitutionnelle. Cela renvoie à la justification en vertu de l'article premier.
Encore une fois, étant donné mes réserves au sujet de la façon dont le pouvoir discrétionnaire a été utilisé dans le passé, cela pourrait être maintenu. La Cour suprême se penchait sur une application beaucoup plus vaste d'une ordonnance exécutoire dans l'arrêt Ndhlovu, et dans le présent cas, l'application serait beaucoup plus limitée.
Je suis d'accord en fait avec M. Fehr. Je pense qu'en limitant cela de cette façon, ce serait constitutionnel. Je peux remonter, ironiquement, à une affaire ancienne, qui date de 1988 et qui concerne la Canadian Newspaper Co. dont j'ai parlé dans mon..., mais dans un contexte différent, où il y avait une raison très précise de supprimer le pouvoir discrétionnaire, car c'était le problème dans cette affaire, la nature discrétionnaire de l'interdiction par opposition à sa nature obligatoire. Il a été conclu que cela est constitutionnel dans la mesure où l'objectif est louable, si bien que je crois que l'approche restrictive proposée par mon ami pourrait résister à une contestation constitutionnelle.
Vous avez parlé des facteurs déterminants dans la loi que les juges sont censés appliquer. Je ne me souviens pas exactement du qualificatif que vous avez utilisé, mais je pense que vous avez dit « vague ». Quels critères ajouteriez-vous pour rendre cela moins vague ou pour lui donner un sens?
À l'heure actuelle, la loi dit, par exemple, que le juge peut prendre en considération la nature de l'infraction et la situation de la victime, mais tout cela ouvre la porte, ou à tout le moins, autorise le raisonnement stéréotypé. J'aimerais qu'on ajoute une liste de facteurs que le juge ne peut pas prendre en considération ou sur lesquels il ne peut pas s'appuyer pour soustraire le délinquant à l'inscription, soit que l'infraction était opportuniste ou non planifiée; que le délinquant était en état d'ébriété, que le délinquant ne pratique plus la profession qui le mettait en contact avec la victime, et qu'il n'y avait pas d'autre forme de violence.
Ce sont les raisons qui ont été invoquées à répétition pour justifier les exemptions, et elles reposent toutes sur des mythes et des stéréotypes de ce qu'est un vrai délinquant sexuel.
Avez-vous une liste exhaustive de critères qui devraient être exclus? Vous avez donné quelques exemples, mais si vous aviez une liste exhaustive, j'aimerais la voir. Vous pourriez nous la faire suivre.
Je souligne que j'ai une copie de l'article de Mme Benedet dans mon ordinateur en ce moment même, un article paru à la page 437 du Queen's Law Journal de 2012. Elle y dresse une liste, alors cela pourrait être utile.
Très rapidement, étant donné qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, vous avez parlé de la capacité de la Couronne à parler aux gens de l'interdiction. Quels changements apporteriez-vous au projet de loi que nous avons devant nous pour faire en sorte que nous remédions à vos préoccupations?
Je pense que cela dépend jusqu'où vous allez lorsque vous procédez aux amendements ligne par ligne. Nous avons tous parlé de la nécessité d'avoir des services de conseillers juridiques solides, ou à tout le moins financés, pour les plaignants.
À l'heure actuelle, des personnes comme Mme Stephens et moi le faisons bénévolement. Nous sommes toutes les deux des praticiennes travaillant seules, alors notre capacité à servir à ce titre est très limitée pour des raisons très pratiques.
Si vous souhaitez que je procède à une analyse ligne par ligne, je peux vous envoyer une note à ce sujet également.
Je mentionne à tous les témoins de se sentir libres de nous faire parvenir de l'information sur ce que nous n'avons pas le temps de couvrir aujourd'hui. Nous vous en saurions gré, et le plus tôt sera le mieux.
Mesdames Benedet et Parker et monsieur Fehr, bonjour à vous trois. Votre participation à ce débat est importante. Nous sommes fiers et bien chanceux de pouvoir profiter de vos lumières.
Pour ma part, je vais réitérer ce que la présidente vient de dire, à savoir que nous serions heureux de recevoir vos notes. La page 473 de votre document, madame Benedet, semble notamment être une page à lire, ce que je serais bien heureux de faire. C'est la même chose pour vous, madame Parker: vous pourrez nous faire parvenir les documents qui vous apparaîtront utiles.
J'ai des questions sur certains aspects du projet de loi, mais je voudrais m'en tenir, du moins pour l'instant, à la question des ordonnances de non-publication et au potentiel conflit d'intérêts qui pourrait se présenter au procureur de la Couronne lorsqu'il s'adresse aux victimes. Vous en avez parlé, mais je demeure perplexe. Je me demande comment on peut articuler quelque chose d'utile et d'efficace autrement qu'en demandant au procureur de donner des explications aux victimes.
Madame Parker, vous parliez de la possibilité de mandater des avocats du secteur privé pour offrir des conseils aux victimes. En effet, c'est une possibilité, mais est-ce la meilleure façon de faire? Je ne le sais pas. Il y a des situations où cela pourrait devenir complexe.
Y a-t-il autre chose que l'un de vous voudrait nous dire là-dessus? Est-ce le juge, le procureur de la Couronne ou un procureur indépendant qui devrait donner des explications aux victimes? Si c'est le dernier cas, devrait-on toujours s'assurer d'avoir un procureur indépendant lors de procès qui font intervenir des ordonnances de non-publication?
J'aimerais entendre vos commentaires en premier, madame Parker.
Prenons le paragraphe 486.4(3.2) qui est proposé et, de la façon la plus simple, supprimons un problème, mais sans régler l'autre.
On peut simplement supprimer la section où l'on dit que le procureur, ou le poursuivant, est tenu d'informer les témoins et la victime qui font l'objet de l'ordonnance « de ses effets et des situations dans lesquelles ils peuvent communiquer des renseignements visés par l'ordonnance ». Le procureur n'aurait plus alors à donner de conseil juridique, ce que l'on considère comme un grave problème.
En réglant ce problème, cependant, comme nous l'avons mentionné, il faut que quelqu'un fournisse les explications. Le juge n'est pas vraiment dans une position pour expliquer les effets, car, naturellement, pour donner de bons conseils juridiques, il faut obtenir de l'information, ce qui implique d'avoir des conversations confidentielles pour que la personne comprenne bien la portée des conseils.
Ce qu'il faut ici, ce sont des conseils juridiques indépendants. Il nous est même arrivé de demander de lever des interdictions de publication, d'essayer de limiter notre participation et de demander aux procureurs de le faire. Les procureurs disent alors au plaignant qu'ils ne peuvent accepter de le faire que si le plaignant bénéficie de conseils juridiques indépendants.
Je dis alors au juge, très bien, alors nommez-moi. Je veux pouvoir dire au juge de me nommer comme conseillère juridique. Le procureur peut présenter une demande pour le faire. Nous procédons de cette façon dans d'autres parties du Code. Ce serait sans doute bon d'importer ce genre de concept des articles 276 et 278 pour les appliquer ici, mais il faut être prudent au sujet de la qualité pour agir, car on ouvre alors la porte à toutes sortes d'autres problèmes.
Je peux vous donner quelques réponses. Le devoir d'informer de l'existence d'un interdit de publication pourrait également être imposé au juge, de la même façon qu'un juge fait une enquête sur plaidoyer. Cela fonctionnerait aussi. Il faut aussi avoir à l'esprit le moment de l'imposition des interdictions. Il faut qu'il soit facile de les imposer tôt. Quand est-ce que ce devoir est déclenché? À un certain moment, quelqu'un doit en informer le plaignant, et il faut qu'il y ait une obligation légale de le faire.
L'autre point que je veux souligner est que le plaignant ne peut pas enfreindre par erreur l'interdit de publication. Cette infraction comporte un élément de mens rea. Il faut savoir qu'un interdit de publication existe, et le procureur devra le prouver hors de tout doute raisonnable pour intenter avec succès des poursuites contre quelqu'un pour avoir enfreint un interdit de publication. C'est un petit détail qui nous échappe quand nous avons ce genre de conversation. Je veux simplement porter cet élément à l'attention du Comité au sujet de ce genre d'amendements.
Madame Parker, vous dites qu'il peut être utile qu'une victime obtienne une opinion juridique concernant ses droits, entre autres. Or, selon ma compréhension, il faut simplement expliquer ce qu'on fait. Le procureur de la Couronne ou le juge, le cas échéant, peut tout simplement dire à la victime qu'il y a une ordonnance de non-publication qui fait qu'elle ne pourra pas parler de ce cas particulier et que, dans telle ou telle situation, elle ne pourra pas dire ceci ou cela. Il n'y aura pas nécessairement d'échange entre la victime qui témoigne et le juge.
Cette explication objective de la situation n'est-elle pas suffisante? Ne doit-on pas laisser chaque victime ou chaque témoin consulter un procureur indépendant, s'il ou si elle le souhaite?
J'appuie sans réserve l'obtention de conseils indépendants, car la signification des termes « diffuser », « transmettre » ou « distribuer » est devenue plus complexe avec l'apparition des médias sociaux. Par exemple, la page du site Web du ministère de la Justice sur les ordonnances de non‑publication contient une erreur relativement aux conseils donnés aux plaignants. Il y est dit qu'ils ne peuvent pas parler de l'ordonnance de non‑publication à des journalistes.
Je pense que j'ai oublié ce que j'allais dire. Je suis un peu stressée. Je ne suis pas aussi habituée que vous tous à prendre part aux séances du Comité.
Dans ce cas, je voudrais commencer par vous remercier pour votre présence et pour le travail que vous accomplissez, essentiellement à titre bénévole, mais aussi en tant que survivante. Je sais que c'est difficile et je suis conscient qu'il est difficile pour vous de comparaître aujourd'hui, alors je vous en remercie.
Je vais vous poser toutes mes questions, car notre temps est restreint et nous n'aurons pas d'autre tour. Lorsque nous avons interrogé des fonctionnaires sur le nombre d'ordonnances de non‑publication, il y a eu une certaine confusion. J'aimerais vous demander s'il est normal d'imposer une ordonnance de non‑publication et si c'est presque toujours le cas.
J'étais également présente ce jour‑là et je pense que le fonctionnaire du ministère de la Justice, qui a fourni une réponse tout à fait adéquate à titre de représentant de la Couronne, a voulu vous donner des réponses très spécifiques et précises.
Ils ne conservent pas ces statistiques, mais si vous aviez des statistiques sur le nombre d'accusations d'agression sexuelle, vous auriez la réponse à cette question parce que dans tous les cas, elles sont imposées dès que possible. En fait, si la Couronne ne demandait pas qu'on les impose, elle enfreindrait probablement, en Ontario du moins, son propre manuel de politique de la Couronne, et c'est également le cas dans d'autres administrations comme les Territoires du Nord-Ouest.
Dans tous ces cas, quel est, selon vous, le nombre de dossiers dans lesquels un plaignant est effectivement informé, dans la pratique actuelle? Cela se produit‑il réellement?
Je pense que le plaignant est généralement informé autour de la date à laquelle il se présente au tribunal pour témoigner. Si l'affaire est résolue avant tout témoignage, le plaignant n'est pas informé de l'ordonnance de non‑publication. Je me fonde sur mon expérience de la représentation de plaignants, mais aussi sur mon propre cas. Je n'ai jamais été informée de l'existence ou non d'une ordonnance de non‑publication.
Par conséquent, il y a des personnes qui n'ont jamais été informées. L'affaire est classée et elles ne savent toujours pas qu'elles font l'objet d'une ordonnance de non‑publication.
Oui, tout à fait. J'ai représenté certaines de ces personnes, et nous avons souvent eu beaucoup de mal à savoir s'il y avait une ordonnance de non‑publication. Nous sommes parfois obligés de demander la transcription de chaque comparution aux frais du plaignant.
Je comprends ce que vous dite au sujet de l'existence d'une mens rea, sur le fait qu'il doit y avoir une violation délibérée, mais pouvez-vous nous parler un peu des problèmes auxquels ont été confrontées les personnes soumises à une ordonnance de non‑publication? Qu'essaient‑elles d'accomplir lorsqu'elles parlent à d'autres personnes ou leur fournissent des renseignements sur leur cas?
Je pense qu'il y a un certain malentendu — et je crois que les poursuites engagées par C.L. ont malheureusement aggravé ce malentendu — sur ce qui constitue réellement une violation de l'ordonnance de non‑publication. À cause de ce cas, on conseille souvent aux plaignants de n'en parler à personne.
Nous avons par exemple comparu il y a deux semaines avec des survivantes. Il y avait une femme qui essayait de faire lever son ordonnance de non‑publication. Nous avons pris une photo de nous tous avec elle, puis une photo de nous tous sans elle pour que les représentants de My Voice, My Choice puissent utiliser la photo sur les médias sociaux. Elle craignait que le fait de figurer sur cette photo aille à l'encontre de l'ordonnance de non‑publication. Le problème est donc très large.
Les gens veulent pouvoir parler, écrire, s'exprimer au sein de groupes privés et parler à des psychologues. Voilà ce qui les préoccupe. Pour déterminer si leurs actions constituent une infraction, il faudrait examiner chaque cas.
Pourrions-nous amender le projet de loi S‑12 pour y intégrer certains de ces conseils en disant que le fait d'en parler avec des psychologues, des professionnels de la santé ou des personnes de confiance — il y aurait une sorte de liste de personnes — ne constitue absolument pas une infraction?
Oui, vous pourriez le faire. Il y a un article qui parle de l'intention et de la poursuite du plaignant, et de ce qui serait nécessaire pour le faire. Je pense que l'on ne fait que réaffirmer la loi dans sa formulation actuelle. On pourrait toutefois également prévoir des exceptions et des circonstances dans lesquelles une personne ne devrait jamais être poursuivie.
On pourrait prévoir une exception en vertu de laquelle on ne pourrait jamais poursuivre un plaignant. Certains diront que ce serait aller trop loin parce que dans certaines situations, il pourrait y avoir plusieurs plaignants et l'intérêt public pourrait exiger que quelqu'un fasse l'objet d'une ordonnance de non‑publication alors qu'il ne le souhaite peut-être pas personnellement.
Je pense que vous soulevez un point important. Il y a souvent plusieurs victimes dans une affaire, et les opinions sur les ordonnances de non‑publication peuvent différer.
J'estime... Je pense que My Voice, My Choice a suggéré de préciser dans la loi certaines des circonstances dans lesquelles il n'y aurait jamais de poursuites.
Un autre point, en tout cas d'après les personnes que j'ai rencontrées, des électeurs qui ont fait l'objet d'ordonnance de non‑publication, est l'aspect de la sécurité publique de leur point de vue. L'une des raisons pour lesquelles ils n'aimaient pas l'ordonnance de non‑publication et souhaitaient qu'elle soit levée est qu'ils veulent que les gens sachent qu'il y a un prédateur. L'ordonnance de non‑publication de leur nom protège par inadvertance ce prédateur.
Oui, tout à fait. Il s'agit bien sûr d'un avantage que l'on confère à l'accusé dans le contexte des affaires d'agression sexuelle et qui est unique dans le Code criminel. Les survivants qui demandent la levée de l'ordonnance de non‑publication dans ces circonstances sont donc très courageux.
Madame Benedet, vous pouvez aller donner votre cours. Nous vous remercions de votre présence virtuelle parmi nous aujourd'hui. Merci beaucoup.
Voilà qui conclut la comparution du premier groupe de témoins. Nous allons maintenant suspendre la séance pendant une minute, car je crois que les membres du groupe de témoins du prochain tour comparaîtront en personne.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux témoins: Benjamin Roebuck, l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels et, du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, Pam Hrick, directrice générale et avocate générale.
[Traduction]
Bienvenue à vous deux. Vous disposez de cinq minutes chacun.
Lorsqu'il vous restera 30 secondes, je ferai ceci. Quand le temps sera écoulé, je ferai ceci. Je vais faire de mon mieux.
La parole est à vous. Je vais commencer par Mme Hrick.
Bonjour. Comme on l'a mentionné, je m'appelle Pam Hrick. Je suis directrice exécutive et avocate générale du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes. Nous avons recours à la procédure judiciaire, à la réforme du droit et à l'éducation juridique du public pour faire progresser l'égalité des femmes, des filles et des personnes transgenres et non binaires. Nous sommes actifs depuis 1985.
Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui du projet de loi S‑12. Au début de l'année, j'ai également eu le plaisir de comparaître devant le comité sénatorial chargé d'étudier ce projet de loi. Comme je l'ai fait devant le comité sénatorial, je vais mettre l'accent sur la partie du projet de loi S‑12 qui porte sur l'ordonnance de non‑publication.
Nous sommes très encouragés par la volonté des parlementaires d'améliorer la façon dont les ordonnances de non‑publication sont imposées, modifiées et révoquées. Ce travail a été porté au premier plan de l'attention du public par des survivantes d'agressions sexuelles, notamment les membres de My Voice, My Choice, avec le soutien d'avocats féministes, de défenseurs des droits et d'organisations comme le Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes qui se font l'écho des appels au changement pour donner une place centrale au choix des survivants.
Le Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes a été très heureux que le Sénat modifie la loi en réponse aux préoccupations soulevées en comité. Nous avons formulé plusieurs recommandations générales d'amendements visant à renforcer le projet de loi au Sénat. La première est de veiller à ce que les victimes ne soient pas pénalisées pour ne pas avoir respecté une ordonnance de non‑publication de leur propre identité; deuxièmement, de veiller à ce que les personnes dont l'identité est protégée par une ordonnance de non-publication puissent toujours divulguer leur identité dans des contextes comme celui d'une visite chez un psychologue ou au sein d'un groupe de soutien; et troisièmement, de clarifier et de simplifier la procédure de révocation ou de modification d'une ordonnance de non‑publication.
Ces recommandations ont été formulées par une coalition d'organisations et de personnes possédant une excellente connaissance de la violence sexuelle et du système juridique. Il s'agit du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, de l'Association nationale Femmes et Droit, de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, de l'Association canadienne contre la violence, de Legal Advocates Against Sexual Violence, de Possibility Seeds, de Megan Stephens, de Pamela Cross et de Robin Parker.
Bien entendu, je suis ici aujourd'hui pour parler au nom du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes. Nous vous invitons, globalement, à maintenir les amendements adoptés par le Sénat, qui tiennent compte de nos recommandations.
À ce stade, nous vous encourageons à envisager une modification qui a été évoquée par Mme Stephens le 5 octobre et qui vient d'être évoquée par Mme Parker aujourd'hui. Elle concerne les exigences que le projet de loi impose aux procureurs. Comme vous l'avez entendu, la version actuelle du projet de loi exige qu'ils informent les plaignants de l'existence d'une ordonnance de non‑publication et de leur droit de demander sa révocation ou sa modification. Il s'agit là d'exigences pratiques et importantes en matière d'information qui devraient être maintenues. Cependant, le projet de loi va plus loin et exige que les procureurs partagent des renseignements sur les effets de l'ordonnance de non‑publication et sur le moment et la manière dont le plaignant peut divulguer des renseignements sans enfreindre l'ordonnance. Cela revient à mettre le procureur en position de donner des conseils juridiques.
Je suis d'accord avec Mme Stephens et Mme Parker lorsqu'elles disent que le projet de loi devrait imposer une obligation plus stricte d'informer un plaignant de l'existence de l'ordonnance, de son droit à demander sa modification ou sa révocation, et du fait qu'il peut également obtenir des conseils juridiques indépendants pour prendre une décision éclairée au sujet de l'ordonnance.
Comme je l'ai dit devant le comité sénatorial permanent, nous devons investir dans des conseils juridiques indépendants et dans l'éducation, afin de garantir que les survivants comprennent parfaitement les effets d'une ordonnance de non‑publication, la manière dont elle peut être imposée et la manière dont elle peut être supprimée. Nous avons besoin de ces investissements pour que les survivants puissent choisir en toute connaissance de cause la meilleure solution pour eux en fonction de leur situation.
Les survivants nous ont dit haut et fort, du moins certains d'entre eux, qu'ils voulaient pouvoir parler de leur propre expérience. Nous savons également que certains d'entre eux souhaitent bénéficier de la protection de la vie privée offerte par une ordonnance de non‑publication. Comme l'a déclaré une experte, Anu Dugal, de la Fondation canadienne des femmes, au début de l'année, les ordonnances de non‑publication peuvent servir de couche de soutien et de protection pour les femmes racisées dans un système qui ne fait rien pour les soutenir ou les protéger et qui, en fait, s'évertue à les blâmer.
Je tiens à souligner que, malheureusement, il semble que le Comité pourrait passer à l'étude article par article sans avoir entendu directement l'avis des survivantes racisées ou des experts juridiques sur les répercussions des amendements proposés.
Je conclurai en insistant sur le fait que les deux solutions sont valables: mettre en place une interdiction de publication ou ne pas le faire. L'important est que le Comité garde à l'esprit que les amendements relatifs aux ordonnances de non‑publication doivent viser à concrétiser les choix des survivants et à faciliter autant que possible l'exercice de leur pouvoir de décision.
Je vous remercie et je répondrai volontiers à vos questions.
Je reconnais que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé de la nation anishinabe algonquine. Je rends hommage au leadership, à la force et à la sagesse des peuples autochtones. J'accepte la responsabilité personnelle de poursuivre la justice et la réconciliation.
[Traduction]
Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels est un organisme fédéral indépendant qui n'a aucun lien de dépendance avec le ministère de la Justice du Canada. Il fournit des renseignements au public sur les droits des victimes, examine les plaintes déposées par les victimes contre les organismes fédéraux et donne des conseils sur les lois et les politiques en matière de justice pénale. Ses recommandations s'appuient sur des conversations tenues avec des survivants et des parties prenantes dans tout le pays et dans le monde entier, ainsi que sur ses cercles consultatifs d'Autochtones, d'universitaires et de prestataires de services.
Le volume des demandes de renseignements et des plaintes adressées à notre bureau continue d'augmenter. Nous prévoyons une augmentation de 128 % du nombre de dossiers ouverts cette année par rapport à 2017.
Notre bureau a également préparé une réponse complète à l'étude de ce comité sur l'amélioration du soutien aux victimes de crimes, que nous vous soumettrons sous peu.
Aux courageux survivants qui ont défendu le projet de loi S‑12, je dis merci. Je remercie également les survivants qui continuent d'être réduits au silence par des ordonnances de non‑publication, et j'ai entendu à quel point il est douloureux d'être exclu de ce processus, de ne pas être autorisé à s'adresser au Parlement en utilisant sa propre voix et son propre nom.
Un survivant m'a donné son accord pour que je partage son silence pendant 30 secondes. Veuillez vous joindre à eux en silence.
[On observe un moment de silence.]
En juin, j'ai comparu devant le comité permanent du Sénat pour discuter du projet de loi S‑12. Je suis heureux de constater que les sénateurs ont tenu compte des commentaires des survivants et d'autres parties prenantes.
Je continue de soutenir les recommandations de My Voice, My Choice et d'autres survivants qui ont contacté notre bureau. Ces recommandations comprennent ce qui suit: améliorer la formation des procureurs et des juges sur l'effet des traumatismes sur la mémoire et sur le traitement de l'information; comprendre l'importance de l'autonomie identitaire pour le rétablissement; recueillir des données judiciaires fiables sur les ordonnances de non‑publication; informer les victimes d'agressions sexuelles sur leurs droits, respecter leurs choix et leur offrir une aide juridique indépendante, si possible; accorder le même poids aux dispositions du Code criminel relatives aux victimes d'actes criminels qu'à celles relatives aux accusés; et améliorer la protection des dossiers thérapeutiques des victimes d'agressions sexuelles qui nécessitent la garantie d'une sécurité inconditionnelle pour extérioriser et gérer la violence imposée à leur corps.
Certaines de ces recommandations sont prises en compte dans le projet de loi, mais d'autres nécessiteront plus de travail. Nous avons été informés de nombreuses atteintes aux droits, d'obstacles et de contradictions dans la manière dont le système de justice pénale répond à la violence sexuelle. Notre bureau entame actuellement la planification d'une enquête systématique sur ces enjeux, afin de proposer au Parlement des solutions plus complètes qui tiennent compte des traumatismes.
Lors d'une récente discussion avec des procureurs de la Couronne, on nous a dit que dans le projet de loi S‑12, l'obligation de consulter relative aux ordonnances de non‑publication intervient avant la date à laquelle on établit habituellement le premier contact avec les plaignants. On peut donc craindre que la mise en œuvre du projet de loi S‑12 ne conduise à des décisions précipitées relativement aux ordonnances de publication. Nous avons également entendu des préoccupations selon lesquelles certains survivants pourraient choisir de rejeter ou de lever une ordonnance de non‑publication sans comprendre les conséquences potentielles de ce choix à long terme.
Je comprends la nécessité d'adopter rapidement le projet de loi S‑12. C'est pourquoi je limiterai mes recommandations à quelques domaines clés qui pourraient facilement être inscrits dans la loi ou inclus dans la mise en œuvre.
La première concerne le consentement éclairé. Les décisions relatives aux ordonnances de non‑publication ont des conséquences importantes sur les survivants. Les avantages et les inconvénients devraient leur être clairement expliqués, au moyen de ressources qui fournissent des renseignements dans un langage simple et facile à comprendre. Les traumatismes peuvent nuire au traitement et à la mémorisation de l'information. Le fait de pouvoir consulter un document peut faciliter la prise de décision.
Nous proposons un ajout sous « Obligation d'informer » aux paragraphes 486.4(3.2) et 486.5(8.2) proposés, exigeant que le procureur informe le juge ou le juge de paix qu'il a fourni une ressource sur les ordonnances de non‑publication pour expliquer la loi, les considérations liées à la sécurité et la procédure liée à la modification ou à la révocation d'une ordonnance de non‑publication.
(1705)
Enfin, à propos de l'information centrée sur la victime... Je peux résumer ce point pour ne pas prendre trop de temps.
Il est formidable que nous ayons inclus une mesure pour enfin demander aux victimes d'actes criminels si elles souhaitent recevoir des renseignements sur la peine et son administration. C'est très important, mais la présentation de ces renseignements reste centrée sur le délinquant. Il n'est pas évident que si une victime ne coche pas cette case, elle ne sera pas informée d'une audience de libération conditionnelle ou de la date de libération de la personne qui lui a fait du mal. Il y a également des conséquences à cela. Nous devons améliorer certaines de ces mesures.
Vous avez offert des témoignages très importants sur un aspect du projet de loi S‑12. Vous avez mis l'accent sur les interdictions de publication, une mesure législative très importante que nous appuyons de manière générale.
Je tiens toutefois à dire que je suis profondément déçu que le côté du gouvernement à la Chambre ait tardé à déposer ce projet de loi et tente maintenant de le faire adopter à toute vitesse. La date butoir a été fixée au 28 octobre en réaction à une décision de la Cour suprême du Canada, qui a déclaré que le registre des délinquants sexuels était inconstitutionnel. Le projet de loi S‑12 vise à régler ce problème.
En outre, nous avons aussi ce deuxième ajout de l'interdiction de publication. Dans votre témoignage aujourd'hui, madame Hrick, vous dites qu'il y a beaucoup de voix qui n'ont pas été entendues; or, nous devons agir en toute hâte en raison du délai du 28 octobre pour faire adopter tout ce projet de loi. Je ne crois pas que nous accordions à ce très important projet de loi le temps qu'il mérite.
Cela étant dit — maintenant que j'ai exprimé mon opinion à ce sujet —, je tiens à vous remercier de votre témoignage, mais d'autres témoins nous ont dit qu'il faudrait simplifier le processus de levée de l'interdiction de publication dans les affaires simples. Peut-être pourriez-vous nous dire ce qui, à votre avis, constitue une affaire simple.
Je dirais peut-être qu'il s'agit d'une affaire où il y a un nombre très restreint de personnes visées par l'interdiction de publication, comme une seule personne, une seule victime ou un seul plaignant, et où les intérêts de personne d'autre ne sont touchés. Cela se juxtapose, bien sûr, aux affaires où il y a plusieurs plaignants, lorsque différents intérêts en matière de protection de la vie privée peuvent être en concurrence ou lorsque certaines personnes désirent faire protéger leur vie privée par une interdiction de publication et d'autres pas. Je pense que c'est le genre d'affaires qui pourraient être un peu plus simples.
Je pense que les amendements qui ont été proposés et adoptés par le Sénat pour simplifier le processus constituent une grande amélioration par rapport à ce qu'il est actuellement prévu et à ce que le projet de loi S‑12 proposait initialement.
Il y a souvent des affaires où il y a plus d'une victime. Bien entendu, il peut y avoir un désaccord entre les victimes quant au fait que l'interdiction de publication est importante ou préjudiciable. Une telle affaire serait plus complexe.
Quel serait le processus pour lever l'interdiction de publication pour une victime, mais pas pour les autres?
Il faudrait que je vous donne une réponse générale, et je pense que le projet de loi prévoit un processus qui permet à ces voix de se faire entendre et aux tribunaux de déterminer si une adaptation d'une interdiction de publication permettrait de tenir compte de ces divers intérêts en matière de protection de la vie privée. Je pense que ce serait une décision à prendre au cas par cas, et le projet de loi S‑12 confère aux tribunaux des outils pour pouvoir prendre ce genre de décision, une décision qui, espérons‑le, dans la mesure du possible, permet que les souhaits de chaque victime ou plaignant soient pris en considération et, en fin de compte, respectés.
En effet. Je suis d'accord avec vous, certainement d'après les témoignages que nous avons entendus dans le cadre de la présente étude et d'autres études.
J'ai une question au sujet du fait que les procureurs de la Couronne se voient confier la tâche supplémentaire de s'occuper des victimes et des interdictions de publication. Je ne sais pas lequel d'entre vous l'a dit, mais je pense que vous avez indiqué qu'il pourrait y avoir un conflit d'intérêts si le procureur de la Couronne devait donner ce qui devient en fait un avis juridique. Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
Peut-être que vous, monsieur Roebuck, pourriez nous en parler et nous dire ce qui doit être modifié dans le projet de loi.
J'ai de la sympathie pour ce conflit d'intérêts dont j'ai entendu parler. Je pense que les conseils juridiques indépendants constituent un des éléments les plus importants pour les survivants. C'est là une de nos doléances: même s'il existe des programmes qui fournissent des conseils juridiques indépendants, personne n'a la responsabilité d'informer les victimes, lorsqu'elles signalent une agression sexuelle, qu'elles peuvent avoir accès à ces programmes. Nous manquons à notre devoir en n'informant pas les victimes de leurs droits dès le départ, de sorte qu'elles ne les exercent pas.
Pour les survivants multiples, je ne comprends pas pourquoi, dans les affaires où il y a plusieurs interdictions de publication, quelqu'un devrait rester assujetti à la sienne pour respecter celle de quelqu'un d'autre. Je pense que, dans les affaires où il y a plusieurs interdictions, quelqu'un devrait pouvoir faire lever les siennes tout en respectant les interdictions qui restent en vigueur. Je pense que la distinction est nette. Autrement, le système fait en sorte que les gens sont encore prisonniers de ces mesures de musellement, et je pense que cela doit changer.
Dans le cadre de notre étude sur le projet de loi S‑12, nous avons parlé, pour une excellente raison, des victimes qui souhaitent faire lever leurs interdictions de publication. Je vais poser ma question en deux parties, si vous pouvez y répondre.
J'aimerais vous interroger au sujet des victimes qui veulent une interdiction de publication pour protéger leur vie privée. Y a‑t‑il des parties du projet de loi S‑12 qui pourraient créer des obstacles ou de la confusion pour les personnes qui veulent une interdiction de publication? Comment pouvons-nous concilier les intérêts des deux?
Je pense que le projet de loi S‑12 s'attaque actuellement à cette question en faisant en sorte que les survivants puissent exercer leur choix et leur libre arbitre pour déterminer quel choix leur convient le mieux dans les circonstances.
Le projet de loi S‑12 permet de mettre en place des interdictions de publication dès le départ, ce qui, comme il a été admis et entendu devant le Comité, peut donner à certains survivants l'impression de vivre une expérience suffocante ou traumatisante. L'ajout de ces mécanismes pour permettre la levée, la modification ou la révocation facile de l'interdiction est une mesure importante pour respecter les choix de ces survivants.
Les amendements proposés au projet de loi S‑12 accordent actuellement la discrétion ou la capacité de permettre à cette protection d'exister et de perdurer pour les survivants qui veulent s'en prévaloir. C'est également quelque chose que permet le projet de loi dans sa forme actuelle.
Je tiens également à revenir à la question des ressources des tribunaux. Les tribunaux ne sont pas les seuls à manquer de ressources. Les ressources doivent être dirigées de manière à permettre aux survivants d'être appuyés dans le processus s'ils décident de signaler une agression, de faire des choix et de décider s'ils font un signalement.
Je pourrais continuer et prendre la majeure partie du temps du Comité pour parler des programmes d'avis juridiques indépendants qui s'offrent aux survivants — en Ontario, par exemple — afin de les aider à faire ces choix, et de la nécessité de les étendre à l'ensemble du pays et de les financer adéquatement.
Comment les dispositions du projet de loi S-12 respectent-elles mieux les droits à l'information des victimes en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes?
Je pense que le droit à la vie privée d’une victime est souvent interprété pour elle et pas à son avantage. Le projet de loi permet d'offrir plus de choix dans la façon dont le droit à la vie privée est exercé et permet aux gens de choisir s’ils veulent que ces mesures soient instaurées. Certaines personnes le veulent assurément et d’autres vraiment pas.
Je pense que nous devons respecter le fait que les gens ont des trajectoires différentes et des choses différentes qui les aident à guérir et à se sentir protégés. Le choix est donc vraiment important en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes.
Ma question s'adresse à vous deux. L'un ou l'autre d'entre vous peut y répondre.
Comment peut‑on améliorer l’information sur le site Web du ministère de la Justice et les documents des services aux victimes afin de mieux éduquer le public au sujet des interdictions de publication? Quel genre d’information aimeriez-vous voir dans ces ressources?
J’aimerais voir une explication en langage clair de ce que dit exactement la loi, quand et si le projet de loi S-12 est adopté par la Chambre des communes, avec des amendements, bien sûr. Si le Parlement l’approuve, j’aimerais que les survivants aient accès à des ressources en langage clair pour expliquer exactement ce que la loi exige.
Idéalement, j’aimerais qu’il y ait un guichet unique pour les ressources dont les survivants peuvent se prévaloir pour recevoir du soutien, des orientations et, espérons‑le, des conseils juridiques indépendants, le cas échéant.
C’est le genre de ressources que j’aimerais voir offertes à un seul endroit. Ici encore, le langage simple est très important, surtout lorsque les gens ont accès à ces ressources en période de traumatisme intense.
Les risques de la levée d’une interdiction de publication doivent être clairement expliqués. Qu’est‑ce que cela signifie sur le plan de l’intervention des médias, des gens qui diffusent votre histoire et votre expérience sans votre consentement si l’interdiction a été levée? C’est vraiment important que ce soit compris.
Au sein du système de justice, nous avons la possibilité de fournir une meilleure information à tous les égards. Un accusé bénéficie de conseils juridiques pour lui expliquer tout le processus, mais nous n'offrons pas ces conseils aux victimes et aux plaignants. Nous pourrions au moins fournir de manière proactive aux personnes qui doivent se débrouiller dans le système un ensemble de ressources qui, à tout le moins, expliquent le processus, ainsi que des conseils juridiques indépendants.
Pour faire suite à ce que vous avez dit, nous utilisons souvent les mots « tenant compte des traumatismes » ou « centré sur la victime » pour parler de nos aspirations à l’égard du système de justice et de ce que nous aimerions voir.
Dans le contexte des interdictions de publication, comment pouvons-nous faire de ces aspirations une réalité?
Il faut prendre du recul et se demander qui est au cœur de l'affaire. Le système existe parce que quelqu’un a été lésé; or, cette personne est souvent laissée en périphérie du processus. Il faut vraiment que ce soit le point de départ; nous devons déterminer qui a été lésé, de quoi le système de justice a l'air et ce dont on a besoin, afin de mettre ces éléments au centre du processus. Cela donnera lieu à des décisions différentes et un investissement différent des ressources.
Si je peux donner suite à cette remarque en 30 secondes, il faut aussi chercher des moyens, autres que le système pénal, d’offrir ce genre de justice aux survivants, d’envisager des options de justice réparatrice ou transformatrice, et examiner la façon de mettre la guérison des survivants au centre du processus et de leur permettre de choisir la façon dont ils s’engagent dans cette voie de guérison.
Merci aux témoins d'être avec nous aujourd'hui. Leur participation est précieuse.
Nous abordons un sujet qui m'apparaît important dans le projet de loi S‑12. Il est un peu incident au départ, parce qu'on est pressé sur la partie de ce projet de loi traitant du registre des délinquants sexuels, mais on y aborde aussi le volet des ordonnances de non-publication. Cela m'apparaît comme quelque chose de sérieux. Les victimes qui ont témoigné devant nous sur toutes sortes de projets de loi et de situations ont souvent parlé de ces ordonnances.
Vous me corrigerez si je me trompe, mais je pense qu'un certain nombre d'éléments se répéteront dans tous les dossiers. Qu'est-ce qu'une ordonnance de non-publication? Je sais que ce n'est pas tout le monde qui va lire la partie du Code criminel amendée par le projet de loi S‑12 et qui pourra comprendre de quoi il retourne ou ce qu'on peut faire ou ne peut pas faire. Il devrait être possible de produire du matériel d'information. D'ailleurs, Mme Dhillon vient de poser la question. On tourne autour du même sujet. Ce matériel pourrait être distribué aux victimes au préalable. Avant que la victime décide si elle veut qu'une ordonnance de non-publication soit émise dans son cas, il faut qu'elle puisse comprendre les implications de cette ordonnance.
Évidemment, il y a toujours du cas par cas. Le procureur de la Couronne aurait probablement à ajouter des détails particuliers pour chaque cas ou à répondre à des questions. De plus, les tribunaux ou les palais de justice pourraient mettre à la disposition des victimes des ressources pour répondre à leurs questions. Cela se fait déjà de différentes façons sur différents sujets. En somme, il y aurait sûrement moyen d'organiser une forme d'information plus pointue.
De façon générale, êtes-vous d'avis qu'il y aurait moyen de produire un genre de tutoriel, quitte à ce que les victimes s'adjoignent les services non seulement d'un juriste, mais aussi d'un pédagogue, pour élaborer du matériel les informant adéquatement de leurs droits et obligations en lien avec une ordonnance de non-publication?
Je pense qu'un grand nombre de ces ressources existent déjà. Les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral ont des ressources qui expliquent le processus judiciaire, mais personne n'est obligé de les fournir. C'est un simple mécanisme d'introduction: nous pouvons dire que les personnes lésées devraient au moins recevoir cette information.
Les gens ne savent pas quoi demander. La Charte canadienne des droits des victimes indique que les gens doivent demander des renseignements, mais ils ne savent pas ce qui est offert. Il faut renverser le fardeau pour que lorsqu'une personne signale une agression sexuelle, cette information lui soit fournie. Lorsqu'un homicide a lieu dans leur famille, c'est une information importante.
Je pense que c'est une mesure facile et peu coûteuse. Les ressources existent déjà. Nous avons simplement besoin d'un mécanisme pour les fournir de façon proactive.
Monsieur Roebuck, je suis d'accord avec vous. C'est un peu ce que fait le projet de loi S‑12, en vertu duquel le procureur de la Couronne va devoir répondre aux questions du juge et dire s'il a pris en considération ce que les victimes souhaitent. Si le procureur de la Couronne considère que cela le place dans une situation embêtante, il pourra produire ces documents et se contenter de répondre aux questions.
Il y a probablement moyen d'articuler quelque chose d'utile. On rend des ordonnances de non-publication pour protéger les victimes, mais on ne tient pas compte de ce qu'elles souhaitent: cela m'apparaît aberrant et c'est un non-sens dans notre système pénal.
L'obligation qui est imposée au procureur de la Couronne ne le place pas dans une situation de conflit d'intérêts, d'autant plus qu'en principe, il n'a pas de cause à gagner. Il est là pour établir la vérité.
Il reste environ deux minutes et j'aimerais en entendre davantage sur l'éventuel conflit d'intérêts dans lequel se trouverait un procureur de la Couronne en répondant à des questions des victimes sur les tenants et aboutissants d'une ordonnance de non-publication.
J'ai parfois été témoin d'une telle situation, non seulement à titre d'avocate du Fonds d'action et d'éducation juridique des femmes, mais aussi parce que j'ai conseillé des plaignantes dans le cadre de demandes présentées en vertu des articles 276 et 278.1 devant les tribunaux.
Il ne faut pas que les plaignants et les survivants aient avec la Couronne des échanges approfondis qui ne sont pas nécessaires au processus, parce que cela entraîne des obligations de divulgation, comme vous l'avez entendu de la part de plusieurs personnes ici.
Dans le cadre de ma pratique, j'ai vu des exemples de personnes— notamment des jeunes femmes vivant un traumatisme qui se trouvaient dans un environnement inconnu et hostile à bien des égards — qui n'étaient pas en mesure de comprendre que la Couronne n'est pas leur avocat et que les préposés du Programme d'aide aux victimes et aux témoins de l'Ontario ne sont pas leurs conseillers et leurs défenseurs attitrés. Les choses qui leur sont dites sont ensuite divulguées au défendeur, ce qui crée des effets d'entraînement vraiment préjudiciables que nous voulons éviter. C'est pourquoi nous revenons à l'idée que les conseils juridiques indépendants sont extrêmement importants, puisqu'ils offrent aux plaignants et aux survivants la possibilité d'avoir les échanges et les conseils dont ils ont besoin, sous la protection du secret professionnel.
En ce qui concerne l'éducation, je tiens à dire brièvement qu'il est nécessaire d'investir dans ce domaine de manière à faire participer les experts aux discussions. Sinon, on laisse aux organismes sans but lucratif le soin de fournir ces ressources, et ils n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour le faire.
Je remercie les deux témoins de leur présence ici.
Monsieur Roebuck, je sais que vous avez manqué de temps à la fin, et j'étais fort intéressé par la voie que vous suiviez. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus.
J'ai posé principalement mes questions sur les interdictions de publication, qui sont au début du processus, alors que vous parliez un peu de la fin du processus, si l'on veut. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, puisque vous avez manqué de temps?
Si un membre de votre famille était assassiné, pouvez-vous imaginer si le gouvernement fédéral ne jugeait pas bon de vous informer de la libération du délinquant ou de la tenue d'une audience de libération conditionnelle à laquelle vous pouviez participer? Voilà le problème. Avant l'adoption du projet de loi S‑12, personne — et certainement au gouvernement fédéral — n'a la responsabilité juridique d'informer les gens sur la manière de s'inscrire pour recevoir des informations. C'est là une source importante de plaintes à notre bureau.
Certaines femmes qui ont participé à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ont perdu des membres de la famille qui ont disparu ou qui ont été tués, et pourtant, après tout ce processus, elles ne sont pas informées de ces audiences et de la libération des délinquants dans leur communauté. Ce changement doit se faire.
Je pense que nous devons améliorer l'information en général. J'expliquerai simplement pourquoi les conseils juridiques indépendants sont vraiment importants dans le cas des agressions sexuelles.
Récemment, nous avons reçu une plainte dans laquelle quelqu'un nous a dit: « J'aurais aimé que quelqu'un me dise de parler à un avocat avant de signaler l'agression à la police, car j'ai dit aux agents que j'avais vu un conseiller et que je tenais un journal. » Ces deux éléments ont fait partie de la divulgation et les personnes concernées ont été appelées à comparaître par le délinquant. En fin de compte, le plaignant a abandonné ses accusations parce qu'il a ressenti cela comme une invasion de sa vie personnelle.
Cela se produit partout, et les expériences des survivants ne sont pas protégées dans la manière dont nous rendons justice. C'est certainement ce qui se passe dans le cas des dossiers thérapeutiques dont je sais que la Cour suprême a été saisie et qui a eu un avis différent sur le sujet. Je ne pense pas, toutefois, que l'on ait tenu pleinement compte du point de vue des survivants à cet égard, et on pourrait mieux les protéger grâce à des conseils juridiques indépendants.
On a indiqué que nous pourrions certainement amender le projet de loi S‑12, du moins en ce qui concerne la possibilité de poursuites, pour ajouter une liste de situations qui n'entraîneraient pas de poursuites, comme le recours à des conseillers, l'obtention de conseils juridiques et la présence de personnes de confiance pour les mineurs. Diriez-vous que ce serait un ajout important?
Oui. Je ne pense pas qu'un survivant devrait être criminalisé en vertu d'une mesure qui, selon le gouvernement fédéral, respecte son droit à la vie privée. Cela n'a tout simplement pas de bon sens. Je pense qu'en prenant du recul pour examiner les choses, on tombe parfois sur des incongruités.
Nous pouvons faire mieux pour les personnes victimes de violence. Nous pouvons être respectueux, prévenants et utiles. La possibilité même de criminaliser quelqu'un pour avoir parlé de son corps et de ses expériences constitue une violation. Ce n'est pas respectueux.
Madame Hrick, vous pouvez peut-être parler de ce qui se passe dans la pratique. Même si nous examinons tous le projet de loi et disons que cela ne devrait pas se produire dans les cas de poursuites, nous entendons dire que cela se produit en raison d'une mauvaise compréhension de la loi.
Certainement, et je pense que vous avez entendu le meilleur genre de témoignages à ce sujet de la part de personnes comme Robin Parker et Megan Stephens. Je vous exhorte à les écouter, puisqu'elles possèdent des décennies d’expérience en tant que représentantes de survivants et des expériences avec les avocats de la Couronne et de la défense.
Je pense que le projet de loi S-12 dans sa forme actuelle a ceci de bon qu’il rend les choses beaucoup plus claires. Un procureur de la Couronne peut consulter la loi et constater qu’il ne convient pas de porter des accusations parce que les trois critères ne sont pas respectés. Ce n'est pas quelque chose qui doit être laissé à leur discrétion, car dans certains cas, ils interprètent très mal la loi, comme en témoignent les exemples dont nous avons entendu parler. Le projet de loi rend les choses beaucoup plus claires et prévoit un nombre très limité de situations où il conviendrait de porter des accusations.
Je pense que ce projet de loi a l'avantage d'éclaircir des éléments de la loi.
En ce qui concerne les services aux victimes, vous avez formulé une remarque au sujet de l’aide juridique et le fait que les gens ignorent qu'elle est offerte. J’ai l’impression qu'elle ne l'est pas toujours, et c’est peut-être parce que je viens d’une autre province.
Pourriez-vous dire quelque chose à ce sujet? Je demanderai ensuite à Mme Hrick si de l'aide juridique est réellement offerte.
Je pense que le gouvernement fédéral, par l’entremise du Fonds d’aide aux victimes, a mis en œuvre un projet pilote à l’échelle du pays pour financer une aide juridique indépendante dans les cas d’agression sexuelle et qu’il mène également des projets pilotes dans les cas de violence familiale.
Pour l’instant, nous avons un système que nous pouvons utiliser, mais nous devons certainement réfléchir à la façon de mieux intégrer ces droits et ces services dont les survivants peuvent se prévaloir dans le système de justice.
L’aide juridique est aussi terriblement sous-financée, et j’aimerais que les gouvernements provinciaux et fédéral augmentent leurs investissements dans ce domaine. En Ontario, on a assisté récemment à l’annonce de ce que je pense être la première augmentation tarifaire en peut-être plus de 10 ans, et elle n'est que de 15 %. Les certificats d’aide juridique, lorsqu’ils sont offerts, ne paient certainement pas très bien ceux à qui ils sont attribués. Cela réduit le nombre de personnes qui les accepteront, ainsi que l'éventail de domaines, d'accusations ou d'affaires pour lesquels ces certificats sont offerts.
Le sous-financement de l'aide juridique est un autre problème de taille dans le domaine de la justice.
Merci beaucoup à nos témoins. S'il y a quoi que ce soit que vous vouliez dire et que vous n'avez pas eu le temps de dire, faites‑nous‑le parvenir dès que possible.
Je vous remercie, chers collègues. Je vous rappelle que si vous avez des amendements, communiquez avec le greffier législatif. Sinon, je vous remercie beaucoup. Bonne soirée. Nous nous verrons tous ici jeudi.