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Bonjour à tous et à toutes. Je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
Bienvenue à la 38e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du 31 octobre, le Comité poursuit son examen du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges.
Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Les membres du Comité assistent à la réunion en personne dans la salle, et certains témoins participent à distance.
J'aurais quelques commentaires à transmettre à l'intention des témoins et des députés.
Tout d'abord, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et veiller à le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
Des services d'interprétation sont offerts. Ceux qui sont sur Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Si vous êtes sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer la liste des intervenants. Merci de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Je tiens à vous signaler, avant qu'on me pose la question, que tous les tests ont été complétés avec succès avec tous les témoins.
J'aimerais accueillir nos témoins de cette première heure. À titre personnel, nous accueillons Craig Scott, de la Osgoode Hall Law School de York University. Par vidéoconférence, nous accueillons Richard Devlin, professeur de droit à l'Association canadienne pour l'éthique juridique. De la Société des plaideurs, nous accueillons Sheree Conlon, secrétaire, Comité exécutif du conseil d'administration. Elle participe par vidéoconférence.
Nous allons maintenant passer aux déclarations liminaires. Nous commencerons avec M. Scott, qui est ici dans la salle.
Allez‑y, s'il vous plaît.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je salue les membres du Comité.
Compte tenu du peu de temps dont je dispose, j'irai directement à mes observations. Je me ferai un plaisir de développer ma pensée sur ces sujets ou sur tout autre sujet pendant la période des questions.
[Traduction]
Permettez-moi de commencer en soulignant le thème central de ma déclaration: le projet de loi ne va pas assez loin pour ce qui est de savoir comment la transparence s'inscrit dans la responsabilité de la magistrature face à des préoccupations raisonnables d'inconduite.
La seule décision rendue publique dans le cadre du système actuel ou celui du nouveau projet de loi est la décision à l'étape finale: le rapport de ce qui est maintenant la commission d'enquête et qui sera l'un des deux types de comités d'audience.
À cet égard, ma préoccupation principale est que le projet de loi n'ébranle pas la pratique du Conseil canadien de la magistrature, le CCM, qui consiste à cacher deux autres types de décisions et les motifs qui les accompagnent. En effet, le projet de loi C‑9 augmente le niveau de secret entourant ces deux types de décision.
Un type de décision et un ensemble de motifs qui ne sont pas rendus publics en temps normal sont les « motifs de renvoi d'une plainte à un comité ». Dans le système actuel, c'est le vice-président ou le président du Comité de déontologie judiciaire du CCM qui les transmet au comité d'examen.
En vertu du projet de loi , si cela doit continuer, ce serait l'examinateur qui s'en chargerait. Pour vous donner une idée, lors d'une récente procédure du CCM dans laquelle j'étais un plaignant, les motifs étaient bien expliqués dans un document de neuf pages à simple interligne.
Le deuxième type de décision qui n'est pas publiée est le « rapport du comité d'examen ». Pour la procédure ci‑dessus à laquelle j'ai participé, ce rapport comptait 13 pages à double interligne.
Si ces décisions ne sont pas publiées, comment puis‑je savoir ce qu'elles contiennent et quelle est leur longueur? Pardonnez-moi: je suis peut-être en train d'exagérer, mais c'est là où Kafka entre en jeu.
Je m'explique. Lorsqu'un comité d'examen estime qu'une plainte n'est pas suffisamment fondée pour être envoyée à un comité d'audience plénier — en ce moment, à une commission d'enquête —, le directeur exécutif du CCM envoie une lettre aux plaignants. Cette lettre est censée présenter l'essentiel des motifs du comité d'examen. Cette lettre peut être bien ou mal rédigée. Elle n'est pas rédigée par les membres du comité d'examen.
Pour les plaignants, il s'agit du point essentiel: la lettre est la décision. C'est tout ce qu'ils ont. S'ils estiment que les motifs fournis dans la lettre ne sont pas raisonnables, ils peuvent demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale, mais seulement, bien sûr, après avoir trouvé un avocat qui accepte de les aider pour la somme que les plaignants sont en mesure d'offrir.
Ainsi, ce n'est que par une initiative citoyenne sous la forme d'une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale que les motifs ci‑dessus peuvent devenir publics. Cette situation se produit parce que le CCM est tenu par les règles de la procédure de contrôle judiciaire de divulguer aux demandeurs tous les documents pertinents, qui font alors partie de ce que l'on appelle « le dossier certifié du tribunal » de la cour.
Même dans ce cas, lorsque l'affaire arrive à l'étape des plaidoiries, les avocats du CCM disent aux demandeurs qui étaient les plaignants: « Vous savez, les motifs contenus dans la lettre que vous avez reçue et qui vous ont poussés à demander un contrôle? Oubliez-les. Il ne s'agit pas vraiment de la décision. La décision du comité d'examen est la décision. Maintenant que vous avez forcé sa divulgation, vous devez désormais convaincre un juge que c'est cette décision qui est déraisonnable. »
C'est ainsi que les plaignants doivent se tourner vers les tribunaux pour contester une décision déraisonnable avant d'avoir accès à ce que les avocats du CCM leur disent être la décision réelle. Comme je l'ai dit, c'est un peu du Kafka.
Rien dans le projet de loi ne changerait cette situation. Par analogie avec le système judiciaire ordinaire, c'est comme si le Parlement et le CCM mettaient à l'abri des regards indiscrets du public la décision d'un juge des requêtes — ici, les motifs de l'examinateur sont l'analogie — et la décision d'un juge de première instance — ici, la décision du comité d'examen —, pour ne publier que la décision d'une cour d'appel — ici, la décision du comité d'audience réduit ou plénier.
Les audiences publiques et les motifs publiés sont notre façon d'aborder les juges qui jugent les autres. Cela inclut bien sûr les cas où la personne mise en cause a partiellement ou totalement gain de cause. Dans le système normal, nous ne manquons pas de publier une décision parce que la défense l'a emporté, mais d'une manière ou d'une autre, lorsque les juges jugent les juges, ce n'est que lorsque nous arrivons à cette troisième étape du système d'appel — présentée dans le nouveau projet de loi — que nous pouvons voir les motifs.
Réfléchissez à ce que cette situation signifie dans le contexte de l'une des grandes améliorations apportées par le projet de loi , une très grande amélioration: l'inclusion d'un plus large éventail de recours qui sont disponibles à l'étape du comité d'examen avec le nouvel article 102 proposé à la Loi sur les juges.
Toutefois, et cela s'inscrit dans mon thème, puisque la décision du comité d'examen reste secrète, le public ne saura pas exactement pourquoi aucune inconduite n'a été constatée, si cela s'avère être le cas; pourquoi une inconduite a été constatée mais a été caractérisée d'une certaine manière; pourquoi elle était d'une certaine gravité mais n'était pas suffisante pour aller jusqu'à une audience d'appel complète; ou pourquoi un recours particulier a été choisi plutôt qu'un autre dans le nouvel article 102.
J'arrive à ma conclusion.
En ce qui concerne les motifs du comité d'examen, le projet de loi ne fait qu'aggraver la situation. Vous avez peut-être entendu des témoignages qui expliquent cette inclusion. Il m'est difficile d'expliquer pourquoi cet élément s'y trouve. Le projet de loi C‑9 interdit les comités d'audience réduits et les comités d'audience pléniers de prendre en considération les décisions et les motifs des comités d'examen. Il interdit également au comité d'audience plénier d'examiner les motifs du comité d'audience réduit. Je ne vois pas comment cela peut se justifier.
Notre système judiciaire et, de fait, toute notre approche à la primauté du droit, dépend de la communication et de la publication des motifs par les tribunaux, afin que la profession juridique, les universitaires et les législateurs puissent comprendre, appliquer, critiquer et réformer le droit. En outre, l'un des principaux moyens de veiller à ce que le raisonnement judiciaire soit un fondement qui puisse produire, en général, de meilleurs résultats au fur et à mesure que l'on gravit les échelons, est de faire en sorte que chaque tribunal bénéficie des interprétations factuelles et des analyses juridiques des échelons précédents, puisse s'y référer, en discuter et les intégrer dans ses propres décisions et raisonnements de façon globale.
Sur ce, monsieur le président, je vais conclure, car je sais que mon temps de parole est presque écoulé. Certains arguments sont interreliés. J'ai des arguments sur la façon dont nous devrions comprendre le droit administratif du jugement des juges, et sur la raison pour laquelle il existe un secret indu entourant les juges, mais peut-être que je peux en parler pendant la période de questions.
J'ai également une série de recommandations précises pour des amendements aux nouveaux articles 97, 103, 111 et 118, et je suggère d'ajouter deux autres nouveaux articles — 161 et 162. Ces recommandations figurent dans mon mémoire, qui n'est pas encore disponible et ne peut être distribué avant d'avoir été entièrement traduit. La traduction se fera d'ici quelques jours, je l'espère.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président. Merci de m'avoir invité à témoigner dans le cadre de votre étude du projet de loi .
Je m'appelle Richard Devlin et je suis professeur à la faculté de droit de l'Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Je suis ici en tant que membre du conseil d'administration de l'Association canadienne pour l'éthique juridique. J'en ai été le président fondateur et j'ai été le président du conseil d'administration pendant plusieurs années. Plus particulièrement, je suis ici parce qu'au cours des deux dernières années, j'ai édité deux livres, avec des universitaires du monde entier, sur ce qui pourrait être approprié pour un processus de traitement des plaintes et un processus disciplinaire pour les juges. Ces deux livres s'intitulent Regulating Judges et Disciplining Judges.
Trois observations cruciales ressortent de ces deux livres.
La première est que la conception d'un régime disciplinaire et de traitement des plaintes pour les juges n'est pas seulement un projet technique. Il s'agit d'un acte d'habileté politique important qui consiste à répartir le pouvoir au sein de notre communauté. Il nous oblige à réfléchir à la relation délicate qui existe entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le grand public. Cette relation est souvent illustrée par cette question: « qui garde les gardiens? »
Le deuxième thème essentiel qui ressort de ces livres est une autre question, à savoir comment nous devons garder les gardiens.
Cela nous oblige à formuler des valeurs ou des principes clés qui devraient nous guider dans la conception et la mise en œuvre d'un système de plaintes et de discipline pour les juges. Traditionnellement, deux valeurs clés ont été relevées, la première étant l'indépendance et la seconde, la reddition de comptes. Cependant, nos recherches indiquent qu'il existe au moins sept autres valeurs fondamentales qui doivent être prises en compte. Outre l'indépendance et la reddition de comptes, ces valeurs sont l'impartialité, l'équité, la transparence, la représentativité, la proportionnalité, la justification raisonnée et l'efficacité. Il s'agit des valeurs fondamentales par rapport auxquelles nous devons évaluer le projet de loi .
Le troisième élément clé découlant de notre recherche est que l'objectif principal d'un processus disciplinaire et de traitement des plaintes pour les juges est de promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice. Au Canada, au cours des deux dernières décennies, un certain nombre d'affaires très médiatisées ont amplement démontré que le régime actuel n'a pas réussi à renforcer la confiance du public dans l'administration de la justice. L'objectif du projet de loi est de rétablir cette confiance.
Lorsqu'on examine le projet de loi en général, on y trouve un certain nombre d'innovations qui sont très positives et qui essayent très bien d'équilibrer ces valeurs ou principes particuliers. Aujourd'hui, je veux toutefois préciser cinq préoccupations fondamentales qui suggèrent que nous n'avons pas établi le bon équilibre entre ces principes. Il s'agit de problèmes très importants, et j'espère que je pourrai vous convaincre de les aborder dans votre étude de ce projet de loi.
Notre première préoccupation est que l'on n'accorde pas assez d'attention aux droits des plaignants, ce qui compromet les principes d'équité et de transparence.
Notre deuxième préoccupation est qu'il n'y a pas assez de représentants non juristes dans le processus, ce qui met en péril les valeurs d'impartialité, d'indépendance et de représentation.
Notre troisième préoccupation concerne les comités d'audience restreints. Nous croyons que la composition de ces comités et les processus qu'ils impliquent peuvent en fait favoriser le juge mis en cause et donc miner les principes d'impartialité, d'indépendance et de représentativité.
Notre quatrième préoccupation est que les recours en cas d'inconduite ne sont pas suffisamment exhaustifs. Plus particulièrement, ils n'incluent pas le pouvoir de suspendre un juge. Par conséquent, les principes de transparence et de proportionnalité sont menacés.
Notre cinquième et dernière préoccupation concerne les rapports annuels. Ces rapports ne sont pas suffisamment adaptés aux besoins d'une société démocratique moderne. Par conséquent, nous portons atteinte aux principes de transparence et de responsabilité.
Au cours de la période de questions et réponses, je serai ravi de vous fournir des réponses et plus de détails sur l'un ou l'autre de ces points. Je veux toutefois conclure en soulignant que le dernier examen législatif du processus disciplinaire et de traitement des plaintes remonte à 1971, il y a de cela plus de 50 ans. Le rôle des juges canadiens a profondément changé depuis ce temps. La démocratie canadienne a beaucoup changé depuis ce temps. Les attentes du public ont énormément changé depuis ce temps. Il pourrait bien s'écouler encore 50 ans avant qu'il y ait un autre examen du processus.
L'étude du projet de loi représente donc une occasion unique. L'Association canadienne pour l'éthique juridique est ravie de vous aider à élaborer un des systèmes disciplinaires et de traitement des plaintes des plus exhaustifs et convaincants dans le monde.
Je suis prêt à répondre à vos questions. Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui devant le Comité et de formuler des commentaires au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges.
Je m'appelle Sheree Conlon, et je suis associée au cabinet d'avocats Stewart McKelvey, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Je représente aujourd'hui La Société des plaideurs.
La Société des plaideurs est une association nationale sans but lucratif d'avocats plaidants qui compte environ 5 500 membres un peu partout au Canada. Une partie de la mission de La Société des plaideurs consiste à promouvoir un système de justice équitable et accessible au Canada.
Ma déclaration préliminaire aujourd'hui se concentrera sur le fait que La Société des plaideurs craint que le projet de loi ne prévoie pas une surveillance adéquate par les tribunaux des décisions du CCM dans le cadre de son processus de la conduite des juges. Pour résoudre cette préoccupation, je vous présenterai donc une solution simple qui, selon nous, permettra d'atteindre les objectifs louables du gouvernement pour cette réforme.
Le mémoire écrit de La Société des plaideurs qui a été envoyé au Comité et qui est daté du 18 juillet 2022 offre davantage de détails sur les points que je vais aborder dans ma déclaration aujourd'hui.
Dans l'ensemble, La Société des plaideurs appuie le projet de modification de la Loi sur les juges en vue de réformer le processus d'examen et de traitement par le CCM des plaintes déposées contre les juges de nomination fédérale. Nous avons constaté que le processus actuel est susceptible d'entraîner des retards et des coûts élevés. En raison de ces inefficacités, le public n'est pas convaincu que les membres de la magistrature fédérale sont adéquatement tenus responsables de leur conduite, et nous convenons donc qu'elles doivent être corrigées.
La Société des plaideurs convient également que l'une des principales sources de retards et de coûts dans le processus actuel est le fait que les parties peuvent s'adresser aux tribunaux fédéraux pour un contrôle judiciaire à plusieurs étapes du processus. Les parties peuvent alors se prévaloir de plusieurs niveaux d'appel.
Nous affirmons toutefois que le projet de loi corrige de façon excessive ce problème en remplaçant le processus de contrôle judiciaire du tribunal par des mécanismes d'examen qui sont presque entièrement internes au Conseil canadien de la magistrature. Ainsi, en vertu du projet de loi C‑9, les parties ne peuvent demander l'autorisation d'interjeter appel des décisions du comité d'appel que devant la Cour suprême du Canada.
Cette situation est préoccupante, car il n'y a pas de droit d'appel. En effet, un appel n'est possible que si la Cour suprême donne son autorisation. Puisque la Cour suprême n'est pas un tribunal de correction d'erreurs, une autorisation n'est accordée que dans les cas d'importance publique. Historiquement, la Cour suprême n'a donné son autorisation que dans environ 8 % des cas chaque année. Cela signifie qu'il n'y a aucune garantie que la Cour suprême donnera son autorisation, même dans un cas où la décision du CJC est erronée. Nous pensons respectueusement que tous les décideurs peuvent parfois se tromper. C'est la raison d'être des cours d'appel.
La Société des plaideurs craint que le projet de loi ne crée un régime législatif dans lequel le Conseil canadien de la magistrature serait l'enquêteur, le décideur et la compétence ultime en matière d’appels dans les affaires d'allégations d'inconduite de la magistrature. La surveillance judiciaire externe des mesures et des décisions prises par le CCM serait ainsi pratiquement éliminée.
Le processus proposé est inquiétant, car la surveillance judiciaire des mesures administratives est fondamentale pour garantir leur légalité et leur équité. Cela porte donc atteinte à l'inamovibilité, qui est une composante essentielle de l'indépendance judiciaire.
La Société des plaideurs propose une solution simple à ses préoccupations. Nous proposons que les parties aient le droit de faire appel de la décision du comité d'appel du CCM devant la Cour d'appel fédérale plutôt que devant la Cour suprême du Canada. Nous proposons un libellé pour une telle disposition dans notre mémoire.
Je dois insister sur le fait que nous croyons que la modification que nous proposons ne reproduira pas les retards et les coûts que nous observons dans le processus actuel et que le gouvernement tente à juste titre de corriger. La proposition de La Société des plaideurs garantit que la décision finale du CJC ne serait susceptible d'appel que directement devant la Cour d'appel fédérale. Cela éliminerait un niveau de contrôle judiciaire, à savoir la Cour fédérale, et cela éliminerait aussi le contrôle judiciaire des décisions interlocutoires — qui, traditionnellement, ont causé la plupart des retards et des coûts — tout en préservant un droit de contrôle judiciaire sur la décision finale du processus interne du CJC.
La Société des plaideurs croit que la légère modification qu'elle propose d'apporter au projet de loi permet d'établir un équilibre entre l'efficacité, la confiance du public envers la responsabilité de la magistrature et l'équité entre les parties, tout en maintenant l'indépendance judiciaire.
Monsieur le président, je serai heureuse de répondre aux questions du Comité au sujet de ma déclaration préliminaire. Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs les témoins. Je vous remercie sincèrement de participer à cette importante étude.
Comme je dispose d'un temps limité, je vais essayer de répartir mes questions entre les trois témoins. J'aimerais aborder trois domaines particuliers.
J'aimerais commencer par une proposition.
Je suis en train d'examiner un résumé imprimé de la déclaration qu'a faite M. Devlin devant notre comité, et je suis tout à fait d'accord avec le troisième paragraphe de cette déclaration, selon lequel l'objectif principal d'un processus de plainte ou de discipline pour les juges est de favoriser la confiance du public à l'égard de l'administration de la justice.
Monsieur Devlin, vous avez cité un certain nombre d'affaires qui se sont produites au cours des dernières décennies et qui ont fondamentalement ébranlé la confiance du public.
C'est un sujet que j'ai abordé la semaine dernière, lorsque le a comparu devant notre comité. Je lui ai posé une question précise, c'est‑à‑dire que je lui ai demandé si, selon lui, l'objectif demaintenir la confiance du public dans le système judiciaire tient compte de l'intérêt du plaignant et si on a atteint un équilibre à cet égard. Il a déclaré avec insistance qu'il croyait effectivement que le projet de loi offre un équilibre unique.
J'aimerais entendre l'opinion des trois témoins.
J'aimerais d'abord entendre votre réponse, monsieur Devlin. Que pensez-vous des commentaires du et comment amélioreriez-vous la confiance du public dans le projet de loi ?
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Je vous remercie beaucoup.
J'aimerais aborder directement le nouvel article 87 proposé de la Loi. C'est le seul nouvel article qui traite explicitement des droits des plaignants. Voici son libellé: « Le Conseil établit des politiques concernant la notification aux plaignants des décisions rendues... ». C'est tout ce qui est accordé au plaignant dans le processus. C'est très faible. Il s'agit simplement d'un avis concernant les décisions qui ont été prises. Cela signifie qu'une fois qu'une plainte est déposée, le plaignant est exclu du processus. Cela soulève des questions fondamentales au sujet de l'équité et de la transparence du processus et il faudrait apporter une justification à ce raisonnement.
Nous pensons que quatre améliorations pourraient être apportées au projet de loi pour accorder plus de droits aux plaignants et ainsi encourager la confiance du public.
Tout d'abord, le plaignant devrait avoir le droit d'être informé de l'évolution de sa plainte.
Deuxièmement, il devrait être informé des raisons pour lesquelles sa plainte est rejetée.
Troisièmement, s'il y a des audiences ou un appel, le plaignant devrait avoir le droit d'y participer.
Quatrièmement, et enfin, le plaignant devrait avoir le droit de demander le réexamen d'une décision à tout moment de la procédure. C'est particulièrement important si la décision est rejetée par l'agent de contrôle, l'examinateur du CJC ou le comité d’audience restreint.
Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec le lorsqu'il affirme que nous favorisons la confiance du public, car nous ne tenons pas compte de manière adéquate des droits des plaignants.
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Je vous remercie beaucoup.
Au bout du compte, je ne pense pas que l'équilibre soit atteint. Je pense que les points qui ont été soulevés par les deux autres témoins illustrent bien cette constatation.
J'aimerais ajouter qu'une autre caractéristique de la pratique actuelle du CJC contribue à ce déséquilibre. En effet, les plaignants ne sont autorisés qu'à envoyer leurs plaintes. On leur indique, dans une lettre, qu'ils peuvent continuer à envoyer des renseignements supplémentaires s'ils en ont, mais qu'ils ne seront pas pris en compte. Ils n'ont aucune idée de l'étape à laquelle est rendu le processus, etc.
À la fin du processus auquel j'ai participé… Je pense que l'une des choses qui découlent des règles actuelles du CJC, c'est que les plaignants ne sont pas autorisés à présenter des observations, c'est‑à‑dire qu'ils ne sont pas autorisés à étayer les arguments par des faits en fonction de ce qu'ils considèrent comme étant les normes en vigueur. J'ai essayé, juste pour voir, et on m'a dit qu'il n'y avait aucune obligation de tenir compte des observations présentées. Le vice‑président chargé de l'affaire à ce moment‑là a lu les observations, mais il a précisé qu'il n'était pas tenu de le faire.
Je les avais envoyées après que le comité d'examen ait pris sa décision à l'interne. Je n'étais pas au courant, car je n'avais aucune idée où en était le processus d'examen. Je suppose que le vice-président, qui a repris le dossier, s'est rendu compte qu'il y avait un certain déséquilibre, car il s'est passé autre chose. En effet, un tiers non plaignant a présenté un mémoire d'argumentation au Conseil, qui l'a envoyé au comité d'examen. Les plaignants ne sont pas autorisés à faire cela, mais un tiers qui n'avait rien à voir avec l'affaire a été autorisé à le faire. Je pense qu'il s'est probablement rendu compte qu'au minimum, il devait le lire pour pouvoir affirmer que cela ne changerait rien à ce qu'il allait faire.
Je pense que mon principal argument, c'est que nous ne voyons rien dans les propositions jusqu'à maintenant qui compromet l'indépendance de la magistrature. C'est le premier point que je voulais soulever.
Elles améliorent d'autres sortes de valeurs qui sont essentielles, y compris rappeler à la magistrature que la confiance ne provient pas de processus qui s'empilent à n'en plus finir et d'un degré indu de non-transparence. Cela contribue à un manque de confiance qui porte atteinte aux fondements mêmes de l'indépendance de la magistrature. Lorsqu'on favorise la culture du secret au point de la rendre malsaine, qu'on s'en prend au bien-fondé de décisions des tribunaux inférieurs en les renvoyant, ainsi que les motifs, à des comités d'examen, qu'on permet au juge d'avoir un deuxième comité d'examen de novo et de l'appeler un comité d'audience restreint... De toute évidence, ces choses sont en quelque sorte des mesures de sauvegarde pour les juges, mais à elles seules, sans une partie de ce que nous proposons, elles créent un déséquilibre grave.
L'un des derniers points que j'aimerais soulever, c'est qu'il se produit deux choses ici. Le projet de loi et le CCM sous-estiment l'importance de ce qui s'appelle le principe de l'audience publique, qui s'applique aussi aux tribunaux, et surestiment l'importance du principe de l'indépendance de la magistrature. Ils disent également que le CCM n'est qu'une entité administrative qui ne diffère pas des autres organismes de réglementation professionnelle. Par conséquent, en ce qui concerne tout ce qui est fait pour que les décisions demeurent confidentielles jusqu'à ce que le tribunal se prononce, où est le problème? C'est ce que les tribunaux font dans d'autres contextes.
Le CCM n'est pas seulement qu'un organisme de réglementation. Il est responsable du troisième pouvoir du gouvernement, le pouvoir le plus important en ce qui a trait à la façon dont les personnes sont touchées par les jugements de l'État.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie mesdames et messieurs les témoins de leur présence et de leur participation à l'étude de cet important projet de loi.
J'aimerais aborder la question des sanctions possibles. Comme nous le savons tous, les manquements des membres de la législature, quand il y en a, et les décisions du Conseil canadien de la législature font les manchettes, ce qui a une influence importante sur la confiance du public envers l'administration du système judiciaire.
En ce sens, un certain nombre d'avantages sont octroyés. Prenons l'exemple, le cas du juge Girouard, qui a retenu l'attention au cours des dernières années. Dans ce cas, bon nombre de procédures judiciaires ont été entamées dans le but de gagner du temps. Finalement, le juge Girouard a remis sa démission, mais il a eu droit à un certain nombre d'avantages économiques, dont son salaire, un fonds de pension et le remboursement des frais d'avocat.
Monsieur Scott, selon vous, est-ce possible de modifier cela pour faire en sorte que des conséquences économiques seront données à un juge qui a été trouvé coupable? Par exemple, les frais d'avocat pourraient être acquittés par le juge, du moins en partie.
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Merci infiniment, monsieur le président.
Je suis ravie de vous voir, madame Conlon, et vous aussi, monsieur Devlin.
Deux des trois témoins viennent de ma province...
M. Craig Scott: Je signale que je suis né à Windsor, en Nouvelle-Écosse, au même hôpital que Scott Brison et Geoff Regan.
Mme Lena Metlege Diab: Vous êtes née à Windsor? Ma foi, tous les témoins viennent de ma province. Je suis aux anges ce matin.
Bienvenue.
Monsieur Devlin, je suis heureuse de constater que votre audio fonctionne. Vous êtes une véritable célébrité. Plusieurs témoins et membres du Comité dans la salle ont dit que vous leur avez enseigné. Vous êtes arrivé à Dalhousie une année avant que je quitte cette université. C'est un plaisir de vous voir.
Je voudrais revenir sur une question vraiment simple. Je vais peut-être commencer avec vous, madame Conlon.
Quel problème le gouvernement essaie‑t‑il de régler en déposant le projet de loi ?
Si j'ai bien compris, vous appuyez l'essentiel des recommandations, sauf l'aspect concernant la Cour fédérale. Pourriez-vous revenir sur ce que nous essayons de régler? Y aurait‑il autre chose? Je suppose que vous serez limitée dans vos propos, car vous n'y avez jeté qu'un coup d'œil, mais voudriez-vous nous faire part d'autre chose qui nous aiderait dans notre étude?
:
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Je suis heureux et honoré d'être parmi vous aujourd'hui. Je suis accompagné de Jacqueline Corado, avocate principale au secrétariat du Conseil canadien de la magistrature.
Permettez-moi de préciser d'entrée de jeu que le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale et l'Association canadienne des juges des cours supérieures sont heureux de voir que ce projet de loi sur la réforme du processus disciplinaire de la magistrature est étudié par le Comité et qu'il suit son cours dans le processus législatif au Parlement. Nous espérons qu'il obtiendra la sanction royale.
Vous savez probablement déjà que le Conseil et l'Association ont travaillé avec le ministère de la Justice à la concrétisation du projet de loi. À votre avis, le projet de loi accroîtra‑t‑il l'efficacité du processus relatif à la conduite des juges et renforcera‑t‑il la confiance du public envers le régime, deux choses dont nous avons grandement besoin?
[Français]
En ce qui a trait au Commissariat à la magistrature fédérale, il a été créé en vertu de la Loi sur les juges et est indépendant du ministère de la Justice. Son mandat est de sauvegarder l'indépendance de la magistrature.
Nous administrons entre autres la Loi sur les juges au nom du ministre de la Justice, le processus de nomination à la Cour suprême du Canada ainsi que celui aux cours supérieures partout au pays. Nous publions des informations pertinentes à la magistrature, telles des statistiques relatives aux dépenses des juges et à la diversité sur le banc, et fournissons d'autres services également. Nous procurons des services à environ 1 200 juges de nomination fédérale.
La Loi sur les juges prévoit également que le Commissariat procure des services généraux au Conseil canadien de la magistrature. De tels services comprennent l'obtention du financement nécessaire auprès du ministère des Finances et du Conseil du Trésor pour les activités du Conseil et ses besoins quant aux enquêtes qu'il doit mener en matière de conduite judiciaire, ainsi que pour les frais juridiques des juges ayant fait l'objet d'une plainte.
[Traduction]
Conformément à la Loi sur les juges, le commissaire doit également fournir au Conseil le personnel nécessaire à la conduite de ses activités et au fonctionnement de son secrétariat. Le secrétariat comprend une petite équipe d'environ 10 employés habituellement dirigée par un directeur général. Comme ce poste est vacant en ce moment, c'est moi, en tant que commissaire, qui assume ces tâches.
Le mandat de Mme Corado, avocate principale au secrétariat, porte sur le processus relatif à la conduite des juges. Elle et moi répondrons avec plaisir à vos questions.
Monsieur le président, avant que je ne cède la parole à Mme Corado, permettez-moi de formuler quelques observations sur le Conseil canadien de la magistrature.
[Français]
Le Conseil est présidé par le juge en chef du Canada, et il est composé de tous les juges en chef associés et adjoints au pays, c'est-à-dire ceux des cours d'appel et des cours supérieures de première instance. À l'heure actuelle, il y a 44 postes de juges en chef ou de juges en chef associés et adjoints de nomination fédérale.
En vertu de l'article 60 de la Loi sur les juges, le Conseil a pour mission générale d'améliorer le fonctionnement des cours supérieures ainsi que la qualité de leurs services judiciaires, et de favoriser l'uniformité dans l'administration de la justice devant ces tribunaux. Comme vous le savez, les fonctions principales du Conseil visent la conduite judiciaire et la formation judiciaire. Cela dit, le Conseil a plusieurs comités qui travaillent à divers sujets.
[Traduction]
Au cours des deux dernières années, le Conseil s'est activé sur plusieurs fronts, notamment pour assurer la continuité des services judiciaires durant la pandémie de COVID au moyen entre autres du Comité d'action sur l'administration des tribunaux en réponse à la COVID‑19, coprésidé par le juge en chef du Canada et le . Le Conseil a signé avec le gouvernement des protocoles d'entente portant respectivement sur la formation des juges et sur la gouvernance du conseil. Il a [difficultés techniques] des plaideurs non représentés et a intensifié ses communications et ses publications pour accroître la transparence de son travail.
Un dernier exemple du travail accompli récemment par le Conseil est l'adoption et lapublication sur son site Web d'une série de principes de déontologie nouveaux et révisés à l'intention des juges. Ces principes révisés reposent sur les concepts d'intégrité, d'indépendance, d'égalité, de diligence et d'impartialité. Ils tiennent compte de l'évolution des considérations éthiques et de la nécessité de rester en phase avec les attentes de la société.
Monsieur le président, je pense que ce serait le bon moment pour Mme Corado d'enchaîner, si vous le voulez bien.
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Merci, commissaire, et merci encore, honorables députés, de nous avoir invités à parler du projet de loi .
Le Conseil canadien de la magistrature espère en effet que le projet de loi suive son cours. À quelques occasions, le juge en chef du Canada, comme vous le savez, a exprimé publiquement à titre de président du Conseil la nécessité de mettre en œuvre cette réforme pour accroître l'efficacité du processus relatif à la conduite des juges au profit de tous les Canadiens.
Comme cela a été mentionné, le Conseil a également travaillé à la réforme proposée en collaboration avec le ministère de la Justice et l'Association canadienne des juges des cours supérieures. Nous espérons que le projet de loi soit adopté.
Comme vous le savez, l'article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit le caractère inamovible du poste des juges, qui constitue un élément clé de l'indépendance de la magistrature. Les juges des cours supérieures peuvent être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des communes.
L'indépendance judiciaire veut dire que les juges doivent être libres de rendre leurs décisions sans subir de contraintes directes ou indirectes. Toutefois, ce principe ne soustrait pas la conduite des juges à une forme ou à une autre d'examen. Au contraire, l'article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit que les juges des cours supérieures « resteront en fonction durant bonne conduite ». Par conséquent, il est essentiel de mettre en place un système approprié d'examen de la conduite des juges pour maintenir la confiance du public envers le processus judiciaire.
C'est dans cette optique que le Conseil canadien de la magistrature a été mis sur pied.
Le Conseil est le seul organisme ayant pour mandat de déterminer si le principe de bonne conduite prévu à l'article 99 de la Constitution a été enfreint. Il est également chargé de déterminer quels cas d'inconduite sont assez graves pour entraîner une révocation.
[Français]
Toutes les plaintes ne justifient certainement pas une recommandation de révocation. En effet, la grande majorité des plaintes reçues par le Conseil ne relèvent pas de sa compétence ou ne sont pas fondées, souvent parce qu'elles ne sont pas liées à la conduite judiciaire, mais plutôt à la décision rendue par le juge, ou parce qu'elles sont frivoles.
Cela m'amène à vous parler du processus courant et de ce que le projet de loi C‑9 permettra d'améliorer.
[Traduction]
Pour l'heure, un examen complet de la conduite des juges se compose de cinq étapes effectuées au sein du Conseil. Les tribunaux décrivent les deux premières comme des étapes de filtrage. À la troisième étape, un comité d'examen décide si un comité d'enquête doit être mis sur pied pour les plaintes considérées comme assez graves pour entraîner la révocation du juge.
Le projet de loi procurera au comité d'examen des outils qui lui permettront d'imposer d'autres types de réparations pour inconduite, telles que les excuses, publiques ou non, le counselling ou la formation continue, lorsque les plaintes ne se soldent pas par une révocation.
La quatrième étape est la présentation de conclusions de fait par le comité d'enquête, qui peut aussi recommander la révocation du juge, auquel cas le processus passe à la cinquième étape, où au moins 17 membres du Conseil examinent le rapport d'enquête et la recommandation de révocation.
Conformément au projet de loi , si un comité d'examen renvoie la plainte à un comité d'audience, qui lui, recommande la révocation, le juge concerné pourra en appeler de la décision auprès du Conseil. Le projet de loi C‑9 établit ce mécanisme d'appel pour que le conseil traite les demandes d'appel plus rapidement, à titre de gardien de la conduite des juges doté des attributions appropriées.
Une des améliorations notables du projet de loi est l'efficacité qu'il apporte à l'ensemble du processus. Depuis quelques années, nous constatons à quel point le processus actuel peut causer de longs délais en raison de la multiplication des contrôles judiciaires.
En gros, nous pensons que le projet de loi a pour but d'établir un juste équilibre pour les juges et les plaignants afin de maintenir la confiance du public envers le processus relatif à la conduite des juges. Nous estimons également que le projet de loi vise à assurer le juste équilibre entre les principes de reddition de comptes et d'indépendance de la magistrature.
[Français]
Le Conseil espère que le projet de loi C‑9 sera adopté sans tarder. Nous sommes persuadés que ces changements auront un impact significatif et positif sur le processus de conduite judiciaire, et ce, pour le bien de tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.
[Traduction]
Merci de nous donner l'occasion d'exprimer les vues du Conseil, et merci de votre excellent travail.
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être présents parmi nous aujourd'hui, dans le cadre de cette étude très importante sur les juges qui jugent les juges.
Le Comité a entendu des témoignages lors d'études précédentes portant respectivement sur les victimes de crimes et sur l'invocation d'intoxication extrême comme défense. Des témoins nous disent qu'ils ont l'impression que le système de justice n'est pas vraiment juste envers eux.
Selon le directeur général d'un centre pour femmes victimes de violence, qui est venu témoigner, le fait de rendre permanente la possibilité d'invoquer l'intoxication extrême comme défense enverrait haut et fort le message que les femmes ne sont pas en sécurité au Canada. Justifiée ou non, cette position fait état d'une compréhension ou d'une perception répandue dans la population à l'égard du système de justice.
Passons maintenant à la fonctionnalité du projet de loi et du système judiciaire canadien.
Il y a le cas du juge de la Cour supérieure du Québec, Michel Girouard, qui conteste la recommandation du Conseil canadien de la magistrature concernant la révocation à son endroit. Le juge a multiplié les appels dans le cadre d'un processus qui traîne depuis des années. Encore une fois, ces situations montrent le système judiciaire sous un mauvais jour.
Ma question s'adresse à vous, madame Corado.
Comment le projet de loi C‑9 améliorerait‑il la perception générale à l'égard de l'administration de la justice au Canada?
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Encore une fois, madame Diab, si vous me le permettez, je commencerai la réponse, puis je demanderai à Mme Corado de renchérir au besoin.
Les plaintes se sont multipliées dans les dernières années, ce qui n'est pas étonnant puisque la population connaît maintenant mieux ses droits et a accès à toutes sortes d'informations. De plus, le nombre de juges a augmenté. L'an dernier, plus de 600 plaintes ont été déposées; le directeur général a exclu ou rejeté la majorité d'entre elles parce que, bien souvent, les plaintes portent sur des enjeux qui devraient faire l'objet d'appels et qui ne sont pas liés à la conduite du juge. De nombreux cas se retrouvent dans cette catégorie et une grande proportion de ces cas — ou plaintes, devrais‑je dire — relèvent du droit de la famille, un domaine où les passions se déchaînent. Il va de soi que les décisions sur l'accès aux enfants sont des plus délicates, et des parents peuvent se montrer très mécontents d'une décision qui ne leur plaît pas.
Certaines plaintes sont tout simplement frivoles ou inadmissibles; certaines sont anonymes. Les plaintes qui se retrouvent devant un membre du Comité sur la conduite des juges, puis devant un comité pour finalement être examinées par ce qui constitue actuellement un comité d'enquête représentent évidemment des cas très préoccupants pour le Conseil. Le Conseil se targue de veiller à ce que la magistrature partout au Canada soit digne de respect — à ce que la confiance du public envers la magistrature soit maintenue —, alors il prend très au sérieux toute plainte qui pourrait miner cette confiance.
Ces plaintes sont rarissimes, mais il ne fait aucun doute qu'elles font davantage les manchettes que les autres, ce qui se comprend tout à fait. Ce que j'essaie de dire, c'est que ces plaintes représentent des cas isolés. Comme je le disais, la plupart des plaintes que nous recevons sont habituellement écartées à une des étapes initiales, et ce sont les rares plaintes fondées qui font couler beaucoup d'encre.
Je suis ravie que vous posiez la question parce que nos procédures prévoient actuellement d'informer le plaignant lorsqu'une décision est rendue au sujet de la plainte. Nous devons nous rappeler que le processus est des plus uniques. Je pense que le déroulement du processus porte à confusion.
La plainte ne prend pas la forme d'une demande introductive déposée en cour par une des parties de l'instance. Il s'agit plutôt d'une instance disciplinaire. Une organisation a le mandat de se pencher sur ces instances: le Conseil. Le Conseil possède l'expertise et la compétence pour déterminer ce qui constitue une violation de l'article 99 de la Constitution.
Un plaignant qui dépose une plainte n'est pas une des parties de l'instance. Le Conseil prend le relais. Le mandat du Conseil vise à trouver la vérité, ce pour quoi il mène des enquêtes. La jurisprudence regorge d'informations sur les droits des plaignants et sur le devoir d'équité procédurale à leur endroit.
Pour vous donner quelques exemples, je mentionnerai l'affaire Slansky, de la Cour d'appel fédérale, qui protège la transparence et les droits du plaignant puisqu'il n'a pas qualité pour comparaître. En effet, le paragraphe 63(2) de la Loi sur les juges n'accorde pas qualité pour comparaître aux plaignants. Mentionnons aussi l'affaire Cosgrove, de la Cour d'appel fédérale, qui aborde la visibilité publique et la confidentialité des plaignants. La liste est longue. Malheureusement, personne n'a fait référence à la jurisprudence ce matin, mais de nombreuses causes se sont intéressées aux droits des plaignants.
Les droits des plaignants sont garantis. L'équité procédurale est protégée, et leurs droits sont minimes puisque ces instances ne sont pas de nature antagoniste.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être avec nous aujourd'hui. C'est effectivement un important projet de loi, et l'opinion du Conseil canadien de la magistrature sur celui-ci est évidemment primordiale. Je suis donc bien heureux de vous voir ici.
Comme cela a été abordé rapidement tantôt, il y a eu l'affaire du juge Girouard, qu'on ne peut pas éviter. On aimerait bien ne pas avoir à en parler, mais elle a retenu l'attention des médias et de tout l'appareil judiciaire au cours des dernières années.
Loin de moi l'idée de contester le droit des juges à en appeler d'une décision ou à contester une décision du Conseil canadien de la magistrature, et c'est probablement la même chose pour tout le monde, mais ce processus doit être balisé, et je pense que c'est ce que le projet de loi cherche à faire. Par contre, il y a une balise que je n'y retrouve pas concernant un sujet qui revient couramment dans l'opinion publique, soit les coûts.
Encore une fois, je ne veux pas parler trop précisément du cas du juge dont il a été question, mais les abus de procédure font en sorte d'allonger les délais, ce qui coûte cher en salaires, entre autres, en plus d'entraîner des frais judiciaires importants. Il y a une question qui revient souvent: s'il était coupable et que la décision était bien fondée, pourquoi ne rembourserait-il pas les honoraires de ses avocats, à tout le moins, pour le processus judiciaire? Peut-être que c'est possible, peut-être que non. Pourrait-il être condamné à rembourser les honoraires, ou une partie de ceux-ci, en raison de procédures jugées inutiles ou frivoles par le tribunal? Je ne le sais pas.
Avez-vous examiné cette possibilité, de votre côté?
J'aimerais entendre M. Giroux et ensuite Mme Corado.
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Vous avez soulevé une question particulière qui, à mon avis, démontre bien pourquoi le projet de loi est devenu nécessaire. La multiplicité des demandes de contrôle judiciaire a fait en sorte que le traitement de ce dossier s'est étalé sur presque sept ans, ce qui a généré des frais judiciaires élevés. Il y a aussi eu des frais associés au fait que le Conseil devait répondre à ces demandes de contrôle judiciaire.
Dans le projet de loi, je note quand même certaines balises faisant en sorte, par exemple, que la période pouvant être considérée pour le calcul de la pension prend fin lorsqu'une recommandation du Conseil canadien de la magistrature est faite au ministre de la Justice pour la révocation du juge. C'est un élément.
Évidemment, il n'y a pas de contrôle judiciaire prévu en vertu du projet de loi . Il est néanmoins précisé, dans le cas où il y aurait une demande de contrôle judiciaire, que les frais juridiques du juge ne seraient pas payés. Au Commissariat à la magistrature fédérale, nous avons une enveloppe prévue pour payer les frais juridiques des juges. Cette enveloppe n'est utilisée qu'à cette fin. Nous devons demander chaque année au gouvernement de nous accorder, si nécessaire, ce financement.
Le projet de loi a tenu compte de cela pour que nous n'ayons pas à répéter chaque fois cet exercice. Nous sommes liés par les tarifs que le ministère de la Justice impose pour la rétention des services d'avocats. Je constate aussi que le projet de loi fait mention du commissaire à la magistrature fédérale, des frais juridiques et du fait que nous devrons essentiellement considérer ce que le gouvernement prévoit pour les frais juridiques. Si nous devons déroger à cela, nous devrons indiquer pourquoi nous le faisons.