Bienvenue à la 30e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 février 2022, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur les obligations du gouvernement à l’égard des victimes d’actes criminels.
La réunion d’aujourd’hui se déroule sous une forme hybride, conformément à l’ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés participent en personne, dans la salle, ou à distance à l’aide de l’application Zoom.
J’aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme.
Allez-y, monsieur Moore.
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J'y arrivais, justement.
Il y a des écouteurs. Déroulez-les, mettez-les et sélectionnez la chaîne de votre choix. Les personnes bilingues peuvent probablement choisir « parquet », mais les canaux « anglais » et « français » sont également disponibles. Pour changer la langue, c'est en bas, et il faut aller vers la gauche ou la droite. Pour le volume, c'est la partie du haut.
Si vous n'entendez pas ou s'il y a un problème d'interprétation, veuillez simplement faire un signe de la main pour nous en informer. Nous arrêterons immédiatement et vous ne perdrez pas votre temps de parole.
Puisqu'il n'y a que des députés qui participent par Zoom, je ne pense pas avoir à répéter les consignes pour l'interprétation sur cette application. Utilisez l'icône au bas de l'écran pour choisir le son du parquet, l'anglais ou le français.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence. Les membres présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole n'ont qu'à lever la main. Pour les membres sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi tâcherons de vous donner la parole rapidement.
Avant de présenter nos témoins, j'aimerais informer le Comité qu'étant donné la nature de notre étude et du sujet dont nous sommes saisis, certains témoignages pourraient être difficiles ou éprouvants à écouter. J'aimerais rappeler à nos témoins, qui ont si gracieusement accepté de comparaître au Comité, en personne ou par Zoom, ainsi qu'aux députés et au personnel, que des ressources leur sont offertes ici même au Parlement, au besoin. Le greffier pourra certainement communiquer avec ces ressources, et sentez-vous tout à fait libres de demander des services pendant ou après, si vous en avez besoin.
J'accorderai, si nécessaire, une petite pause à nos témoins afin qu'ils puissent livrer leurs témoignages dans les meilleures conditions possible. La présente étude sera certainement émotivement éprouvante pour nos témoins. Nous admirons le courage dont ils font preuve en venant nous raconter une expérience très personnelle. Je suis certain que tous les membres du Comité sont d'accord avec cette affirmation.
Comme je n'aime pas interrompre les gens, je lèverai ce carton jaune pour indiquer qu'il vous reste 30 secondes, et ce carton rouge pour indiquer que votre temps est écoulé. Vous devrez alors conclure. Je ne veux pas vous faire perdre le fil de vos pensées, mais c'est ainsi que nous procédons. Cela vaut aussi pour les députés.
Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Si vous ne parvenez pas à tout dire dans ces cinq minutes, je suis certain que les députés vous en donneront l'occasion lors des questions. Donc, n'hésitez pas à terminer votre propos.
Nos trois premiers témoins sont Mme Morrell Andrews, Dianne et Mike Ilesic, et Mme Sharlene Bosma.
Je donne d'abord la parole à Mme Morrell Andrews, pour cinq minutes.
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Je tiens à remercier nos hôtes, le peuple algonquin anishinabe.
J'espère que votre étude intègre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, notamment l'appel à l'action 36 sur les services pertinents sur le plan culturel; l'appel à l'action 41 sur la lutte contre la victimisation des femmes et des filles; l'appel à l'action 57 sur la formation des fonctionnaires sur les séquelles des pensionnats indiens, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les droits issus de traités, le droit autochtone et les relations entre les Autochtones et la Couronne.
Aujourd'hui, je ne peux parler au nom de toutes les victimes-plaignantes ni exprimer pleinement la réalité des personnes qui sont confrontées à des obstacles systémiques en raison de leur identité sexuelle ou de genre, de leur race, de leur classe ou de leur handicap, mais je ferai de mon mieux pour respecter leur vécu.
[Français]
Il est impossible d'exprimer l'angoisse et le stress d'une victime-plaignante d'une agression sexuelle.
Comment puis-je expliquer correctement ce que signifie de voir sa cause abandonnée, d'être exclue des procédures, d'avoir des avocats trop occupés pour nous parler, de savoir que son agresseur n'aura jamais de dossier criminel ou de passer des nuits à pleurer en essayant d'interpréter la loi toute seule?
Lorsque j'ai demandé à d'autres victimes-plaignantes ce que je devais dire aujourd'hui, ces femmes ont souvent utilisé les mêmes mots. Elles veulent que vous sachiez que le système juridique est paternaliste, qu'il est traumatisant et que nous avons l'impression d'être laissées de côté.
[Traduction]
En vertu de l'article 486.4 du Code criminel, les victimes-plaignantes d'une agression sexuelle ont le droit de demander une ordonnance de non-publication. Cette ordonnance a pour but de protéger la vie privée des victimes et d'éliminer toute conséquence négative d'une divulgation publique de leur identité.
Les ordonnances de non-publication ont une fonction essentielle, et elles devraient demeurer accessibles à quiconque en fait la demande. Cependant, il existe d'importants problèmes quant à la communication de renseignements sur les ordonnances de non-publication qui nous concernent, les renseignements nécessaires pour nous y conformer ou, si nous le souhaitons, pour les faire lever.
Le 7 avril 2021, à l'occasion du prononcé de la sentence dans mon affaire d'agression sexuelle, j'ai appris que mon identité faisait l'objet d'une ordonnance de non-publication. J'ai immédiatement su que ce n'était pas dans mon intérêt. Au tribunal, j'ai demandé à la procureure de faire lever l'ordonnance, mais elle ne savait pas comment faire. Peu après, je suis intervenue et j'ai demandé à la juge de lever l'ordonnance, mais elle m'a dit qu'elle était dessaisie de l’affaire et qu'elle ne pouvait pas m'aider. Plus tard, les gens des services d'aide aux victimes m'ont dit que je devais présenter une demande moi-même auprès de la Cour supérieure et me débrouiller toute seule.
On ne m'a jamais parlé de mon ordonnance de non-publication. Personne ne m'a demandé si je souhaitais qu'il y en ait une, et personne ne m'a expliqué que j'étais passible d'une amende allant jusqu'à 5 000 dollars et de deux ans de prison si je ne la respectais pas. On m'a dit que cette ordonnance était dans mon intérêt, mais je me suis sentie piégée.
Après d'importantes démarches pour faire valoir mes intérêts, la Couronne a accepté de présenter une demande à la Cour supérieure. Le 14 mai 2021, non sans difficulté, j'ai pu réclamer mon droit de parole. L'avocat du contrevenant s'est opposé à ma demande et a tenté de retarder l'audience de plus de deux mois.
Il était humiliant d'avoir à supplier qu'on me redonne mon droit de parole. Que le tribunal accorde au contrevenant l'honneur d'expliquer pourquoi je devrais être réduite au silence à jamais était choquant, déshumanisant et traumatisant. Alors, je me suis dit que je devais me souvenir du sentiment qu'on éprouve lorsqu'on est écrasé par système de justice et qu'un jour — pour moi, pour celles que j'ai rencontrées et pour celles qui viendraient après nous —, j'essaierais de changer les choses.
[Français]
Non seulement l'exigence actuelle selon laquelle le juge doit superviser la capacité d'une victime-plaignante à parler de sa propre expérience est paternaliste, mais elle renforce un sentiment de stigmatisation et la notion selon laquelle les victimes-plaignantes ont seulement besoin d'être protégées plutôt que d'être représentées, informées et aidées.
[Traduction]
Mes recommandations, très simples, sont les suivantes. Il faut modifier l'article 486.4 du Code criminel pour que le fait qu'une victime raconte son vécu ne constitue plus une infraction. Il faut éduquer les procureurs et les juges sur les ordonnances de non-publications et sur le droit des victimes de choisir si elles souhaitent une telle ordonnance. Il faut veiller à ce que les procureurs expliquent le but et la portée d'une ordonnance de non-publication et obtiennent le consentement de la victime avant de demander une ordonnance. Il faut simplifier le processus de levée d'une ordonnance et préciser que le contrevenant ou l'accusé n'est pas un facteur à considérer. Il faut fournir, en plusieurs langues, des informations accessibles sur les ordonnances de non-publication, la façon de s'y conformer et de les faire lever, lorsque désiré. Enfin, il faut modifier le formulaire de déclaration de la victime prévu au paragraphe 722(4) du Code criminel pour permettre aux victimes de se soustraire à une ordonnance de non-publication à l'issue d'une affaire sans avoir à justifier cette décision auprès du tribunal ou du contrevenant.
Au Canada, seulement trois dossiers d'agression sexuelle sur 1 000 mèneront à une condamnation, mais les noms des victimes-plaignantes dont la cause ne s'est pas soldée par une déclaration de culpabilité demeurent visés par des ordonnances de non-publication. Pour les victimes qui veulent s'exprimer, cela représente un fardeau douloureux à porter. En outre, cela donne l'impression que nos agresseurs sont protégés et, en fait, que les ordonnances de non-publication non désirées sont à leur avantage.
[Français]
Il n'y a aucune justice dans une interdiction de publication non désirée.
[Traduction]
J'ai fait tout ce que l'on attendait de moi. J'ai fait un signalement. Je suis allée au tribunal. Je me suis fait entendre sur cette question et je suis venue ici aujourd'hui pour présenter des recommandations. Je vous demande, à tout le moins, de défendre ce changement indispensable avec vigueur et de faire preuve d'audace en exigeant mieux, pour nous.
Je vous remercie.
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Mesdames et messieurs, je vous remercie de l'invitation et de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole ici aujourd'hui.
Merci à M. Brock.
Comme je suis une victime et que je suis passée par notre système de justice, j'estime qu'un examen des droits des victimes — et du manque de droits — s'impose de toute urgence.
Je m'appelle Sharlene Bosma. Le 6 mai 2013, Tim, mon mari, a été enlevé de notre domicile, puis abattu dans son propre camion de l'autre côté de la route, en face de notre maison. Son corps a éventuellement été transporté à l'aéroport de Waterloo, puis brûlé dans un incinérateur pour animaux.
Nous avons passé huit jours à le chercher partout dans la province, sans savoir où il était. Le huitième jour, mon monde s'est écroulé. J'ai entendu l'une des phrases les plus terrifiantes qu'on puisse entendre: « Son corps était brûlé au point d'être méconnaissable. » Il a fallu trois autres années avant que je puisse savoir ce que cela voulait dire.
Deux arrestations ont été effectuées peu de temps après, grâce à l'excellent travail du service de police de Hamilton, en collaboration avec les services de police de la région. En 2016, nous avons passé six mois à Hamilton pour le procès. L'équipe de procureurs de la Couronne a travaillé avec acharnement et a gagné la cause en obtenant la condamnation pour meurtre au premier degré non pas d'un seul, mais des deux contrevenants. L'enquête sur le meurtre de mon mari a mené à d'autres accusations pour les meurtres de Laura Babcock et de Wayne Millard, deux affaires qui se sont également soldées par des verdicts de culpabilité de meurtre au premier degré.
Il m'est impossible de décrire la joie et le soulagement incommensurables que tous les membres de notre famille ont ressentis lorsque des peines consécutives d'emprisonnement à perpétuité ont été prononcées dans chaque cas, soit 75 ans et 50 ans pour ces meurtriers sans cœur et sans pitié. En tant que mère d'une petite fille qui n'avait pas tout à fait deux ans et demi lorsque son père a été assassiné, j'étais extrêmement reconnaissante qu'elle n'ait jamais à se retrouver devant les monstres qui ont tué son père simplement parce qu'ils le pouvaient.
Comparativement aux nombreuses autres familles touchées par des homicides que j'ai eu le privilège de rencontrer, bien que dans des circonstances malheureuses, ces neuf dernières années et demie, nous nous en sortons mieux que quiconque ait pu l'espérer, étant donné les condamnations et les peines qui ont été rendues dans notre affaire. Cela a permis à d'autres victimes d'avoir espoir qu'il était possible d'obtenir vraiment justice dans le système de justice canadien et que les contrevenants reçoivent une sentence proportionnelle aux crimes qu'ils ont commis, c'est à dire, véritablement, « une vie pour une vie ».
Certains diraient que je ne suis pas en position de parler des droits des victimes en raison de mon expérience plutôt positive avec les services de police et les bureaux de procureurs de la Couronne. Ils ont peut-être raison, mais cela ne diminue en rien ma capacité d'être ici devant vous et de me battre pour l'avenir de ma fille et pour les personnes qui n'ont pas eu une expérience aussi positive que moi. Tout le monde a besoin et a le droit au même système de justice dont j'ai bénéficié.
En mai dernier, le gouvernement a supprimé l'une des rares choses auxquelles les victimes pouvaient s'accrocher: les peines consécutives. Il s'agit d'un des plus durs coups jamais portés par le gouvernement canadien aux victimes de crimes violents. Il envoie comme signal qu'au Canada, n'importe qui peut tuer autant de personnes qu'il veut, car les peines ne changeront pas. Il se trouve à dire qu'au Canada, seule la vie de la première victime a une valeur et que celle des autres victimes n'a aucune importance, du moins pas ici, au Canada.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, ma fille avait deux ans et demi lorsque son père a été assassiné. Elle n'a aucun souvenir de lui. On ne lui a jamais donné l'occasion de le connaître; cela lui a été volé. Elle n'a que les histoires que nous racontons et les photos que nous lui montrons, les autres proches et moi. Certains diraient que c'est suffisant, mais ce n'est pas le cas. Elle avait le droit de connaître son père. Elle avait le droit d'être élevée par son père et, au même titre que n'importe qui d'autre, de connaître l'homme aimant qu'il était.
Or, en raison du jugement rendu en mai, ma fille devra, lorsqu'elle aura 27 ans, poursuivre le combat que je pensais avoir déjà mené pour elle. Les audiences de libération conditionnelle commenceront. Elle sera appelée à expliquer pourquoi ces monstres ne devraient pas se voir offrir le moindre sentiment de liberté et pourquoi ils devraient rester en prison. Elle devra faire face aux psychopathes sans âme qui ont marqué sa vie avant même qu'elle ne sache que c'était la sienne.
Dans ces moments-là, dans son corps de femme, elle sera la petite enfant pleurant pour que son papa rentre à la maison. Elle témoignera de la vie de son père, ainsi que celle de Laura et de Wayne, afin que ces hommes restent en prison.
Ce sera plus seulement à moi de continuer le combat, mais aussi à ma fille, car ce gouvernement accorde plus de valeur à la vie de criminels qu'à celle de ses citoyens respectueux des lois. Notre cauchemar va recommencer. À chacune de leurs demandes de libération conditionnelle, nous serons victimisées de nouveau et nous revivrons tout ce traumatisme.
En tant que victimes, dans la société actuelle, on nous traite comme des parias dans nos écoles, nos lieux de culte et nos lieux de travail. Dans l'esprit de beaucoup de gens, il est plus facile de croire que nous avons fait quelque chose de mal pour mériter ce qui est arrivé que d'accepter qu'il existe vraiment au pays des monstres à forme humaine. Si cela peut nous arriver, cela peut vous arriver.
En tant que victime, je peux vous dire que le Canada ne se soucie pas de nous. Je demande au Comité de prouver, à moi et à toutes les autres victimes de crimes violents, que j'ai tort. Prenez notre défense, comme nous l'avons fait nous-mêmes. Montrez-moi que j'ai tort.
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Nous vous remercions de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité de la justice.
Notre fils Brian a été brutalement assassiné, en 2012, pendant son quart de travail pour une entreprise de transport blindé. Deux de ses collègues ont aussi été assassinés. Un autre collègue a survécu, mais sa vie a considérablement changé après l'incident.
Les victimes ont été trahies par leur collègue. Ils ont tous reçu une balle dans la tête tirée à courte distance. En fait, les funérailles de Brian ont été retardées d'une semaine parce qu'une reconstruction faciale était nécessaire pour qu'il puisse être exposé avant la cérémonie commémorative.
L'unité des services aux victimes d'Edmonton a été une bénédiction pour nous. Son personnel nous a guidés tout au long du processus de deuil. Dianne et moi faisons également partie de la Victims of Homicide Support Society, ce qui a énormément aidé, et nous continuons à participer au sein du groupe. Cela nous a aidés à maintenir notre force.
La récente décision de la Cour suprême du Canada d'invalider la loi sur les peines consécutives était une très mauvaise décision. Cette décision a une incidence sur toutes les victimes et dévalorise la vie.
Lors d'une audience de libération conditionnelle, je veux pouvoir regarder le contrevenant en face et ne pas être obligé de regarder l'arrière de sa tête. Si le contrevenant n'est pas prêt à coopérer, l'audience ne devrait pas être autorisée à avoir lieu.
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Le meurtrier de notre fils est le premier contrevenant du Canada à être condamné en vertu de la loi sur les peines consécutives. Il a reçu une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans. Nous avons été soulagés de savoir que nous n'aurions pas à assister à une audience de libération conditionnelle avant 40 ans.
Ce délai signifiait que nous n'aurions fort probablement jamais à nous présenter à une audience de libération conditionnelle. Mais maintenant, avec la décision de la Cour suprême, le meurtrier a demandé que sa peine soit réduite de 40 à 25 ans. Il pourrait donc demander une libération conditionnelle dans 15 ans.
Ce serait un euphémisme que de qualifier cette possibilité de perturbante. Quand nous avons discuté de cette décision avec des membres de la famille, des amis et notre député Michael Cooper, nous avons constaté que la majorité des gens ne l'appuient pas. Le gouvernement libéral aurait dû invoquer la clause dérogatoire pour renverser la décision de la Cour suprême.
Nous vous enjoignons d'écouter la population canadienne. À titre de victime, je suis mystifiée et déçue par la décision de la Cour suprême et l'absence de réaction du gouvernement. La prison n'est pas cruelle et injuste, mais un meurtre l'est.
Notre première recommandation, c'est que le gouvernement aurait dû invoquer la clause dérogatoire pour renverser la décision rendue dans l'affaire Bissonnette. Je suis déçue par le fait que le ministre de la Justice, , n'ait pas réagi, sauf pour dire qu'il respecte la décision de la Cour suprême.
Notre deuxième recommandation, c'est de ne pas permettre aux auteurs de tuerie, comme le meurtrier de notre fils, d'être admissibles à une libération conditionnelle après 25 ans.
Notre troisième recommandation, c'est que les parlementaires devraient visiter des pénitenciers pour s'informer. La prison n'est pas un lieu de résidence cruel. Les prisonniers y jouissent de nombreux avantages, aux frais des contribuables. Tous leurs repas sont gratuits. Ils sont logés et nourris sans frais. Ils reçoivent de l'éducation et pourraient obtenir un baccalauréat ou une maîtrise, mais qu'en est‑il des victimes laissées derrière?
Notre quatrième recommandation, c'est que lorsque cet incident est survenu, j'ai été submergée par la douleur et la peine. J'ai admis que j'avais besoin de services de consultation. Ces services pourraient-ils être payés par le gouvernement? En 2012, ils coûtaient 185 $ l'heure. Qui peut se permettre de tels honoraires?
Dans notre cinquième recommandation, nous vous demandons de parrainer un moyen d'aider les victimes à s'orienter dans le système de justice. Un défenseur des victimes devrait être nommé pour les aider à se retrouver dans le système et leur fournir tous les renseignements dont ils ont besoin et qu'ils méritent.
En terminant, nous voulons vous faire savoir que nous nous sommes inscrits au service de notifications aux victimes de Service correctionnel Canada, mais que nous ne recevons pas de notifications comme promis. Or, nous aimerions vivement être tenus informés.
Nous vous remercions de votre temps et de votre attention. Nous traversons l'épreuve et nous ne sommes toujours pas sortis d'affaire.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je voudrais commencer en remerciant tous les participants à la séance d'aujourd'hui du courage dont ils font preuve en témoignant pour raconter un chapitre extrêmement difficile de leur vie. Vous méritez tous d'être félicités d'avoir la force de venir défendre non seulement votre personne et votre famille, mais aussi toutes les victimes qui existent au Canada. Je vous remercie beaucoup.
Madame Andrews, j'ai écouté vos paroles avec grande attention. Nous avons eu l'occasion de parler avant votre comparution d'aujourd'hui. Je tiens à vous assurer que le Comité a entendu très clairement votre voix, qu'elle sera entendue à l'échelle nationale et qu'elle sera communiquée au gouvernement fédéral.
J'ai examiné certains des documents dont nous avons parlé à titre préparatoire, et je veux parler brièvement de la décision que la juge a formulée dans l'affaire dont vous êtes une victime. À la fin de sa déclaration au contrevenant, elle s'est adressée à vous pour vous dire que votre voix aurait un grand retentissement. Quel présage de votre témoignage d'aujourd'hui.
Je veux vraiment vous remercier de la résilience et de la force dont vous faites preuve en intervenant dans un domaine qui a désespérément besoin de réforme, et je veux vous poser quelques questions. Je dispose essentiellement d'une minute.
Vous avez parlé du manque de confiance, de la communication lacunaire et de la non-participation au processus. Tous ces droits sont enchâssés dans la Charte canadienne des droits des victimes, mais vous n'avez manifestement pas pu vous en prévaloir.
Pouvez-vous nous expliquer plus précisément comment nous pouvons nous assurer que les victimes comme vous, les autres victimes qui se présentent devant les tribunaux, les victimes issues de communautés marginalisées et les victimes dont la langue maternelle n'est pas l'anglais peuvent recevoir un traitement équitable de la part de tous les intervenants du système de justice?
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La Charte canadienne des droits des victimes comprend trois parties — l'information, la protection et la participation — auxquelles je m'intéresse particulièrement à titre de victime. Tout au long du processus, alors que je me dépatouillais dans le système de justice, j'ai eu le sentiment que ces droits ne s'appliquaient pas à moi.
Je n'ai pas été protégée, que ce soit par malveillance ou par négligence de la part de la Couronne, quand mon identité a été interdite de publication à mon insu. J'aurai pu perdre mon emploi. Je suis fonctionnaire et je dois conserver ma cote de sécurité. Si je suis accusée d'un crime, je perds mon emploi.
En ce qui concerne l'information, ce fut un cauchemar de tenter de comprendre comment s'orienter dans le processus juridique. J'ai tenté de consulter l'aide juridique et des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, mais personne ne pouvait m'aider. J'ai vraiment eu l'impression d'être seule. J'ai dû passer CanLII au peigne fin par moi-même pour tenter de trouver des précédents. Il n'y avait tout simplement personne sur qui s'appuyer, et la Couronne n'avait pas vraiment le temps de me parler. Je comprends qu'elle manque de ressources, mais il n'y avait réellement aucun soutien pour la victime dans le besoin que j'étais.
Pour ce qui est de la participation, je considère que j'avais le droit de me faire demander si je voulais ou non une interdiction de publication. Il me semble que c'est un élément fondamental de la participation au sujet duquel je n'ai jamais été consultée. Je ne savais même pas que je pouvais participer. C'est le cas d'un grand nombre de victimes que je connais. J'espère vous faire part de leurs histoires aujourd'hui.
À dire vrai, la Charte canadienne des droits des victimes en entier fait 2 403 mots. Ma déclaration de la victime, qui contient un certain nombre de critiques et d'observations sur notre système, en fait 2 300. Cela pourrait certainement être plus long.
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Je vous remercie, madame Andrews.
Madame Bosma, je vous présente mes plus sincères condoléances pour votre perte terrible et tragique. Les mots ne peuvent décrire ce que vous et votre famille avez vécu, et je suis profondément désolé pour vous.
Mon temps est très limité. Je dispose d'environ 1 minute et 30 secondes. Je veux aborder quelque chose dont vous n'avez pas parlé dans votre allocution, mais que je sais que vous avez vécu. Il s'agit de votre droit de déposer une déclaration de la victime et de vous adresser directement au tribunal à cette fin.
Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet et m'expliquer comment vous avez été traitée? Le processus a‑t‑il été équitable? Avez-vous pu utiliser tous vos mots sans correction, sans épuration et sans problème de la part de la défense ou de l'accusé? Pouvez-nous me dire comment cela s'est passé?
Dans notre cas, puisque les contrevenants ont été déclarés coupables de meurtre au premier degré et devaient automatiquement purger une peine de 25 ans avant d'être admissibles à une libération conditionnelle, le procureur de la Couronne nous a recommandé de ne pas déposer de déclaration de la victime. Nous avons ainsi pu passer immédiatement à la déclaration de la peine. Sinon, le processus d'en serait trouvé prolongé.
On nous a remis des formulaires à présenter aux tribunaux pour qu'ils soient examinés. Je pense qu'il y avait trois niveaux. Les accusés allaient également avoir l'occasion de lire nos déclarations et de formuler des recommandations ou de proposer des corrections avant que nous puissions les lire en cour.
Dans notre situation, nous avons évité tout le processus. Ainsi, le jour de la déclaration de culpabilité, les contrevenants ont pris le chemin de la prison.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Vous tous qui comparaissez aujourd'hui, je tiens à vous féliciter de témoigner devant nous, de faire preuve de bravoure, de nous faire part de la douleur et de la peine que vous avez éprouvées, et de vous en servir pour faire valoir des droits des victimes. Rien de ce que nous disons ici ne vous rendra justice. Nous sommes le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, mais nous ne rendrons pas justice à la douleur que vous avez vécue et que vous continuez d'éprouver parce que vous avez perdu des êtres chers: monsieur et madame Ilesic, votre fils; madame Bosma, votre conjoint; et votre fille, son père.
Je veux poser une question à Mme Andrews.
Je vous remercie de la conversation que nous avons eue plus tôt aujourd'hui au sujet des interdictions de publication. Je tiens à dire ce qui suit aux fins du compte rendu. Je vous ai demandé au téléphone si vous connaissiez le nom de Rehtaeh Parsons et vous avez répondu que oui. En Nouvelle-Écosse, ma province d'origine, Rehtaeh Parsons a été victime de pornographie juvénile à 17 ans. En 2012, elle a été la victime de quatre garçons, qui ont pris d'elle des photos qu'ils ont ensuite diffusées en ligne. Cette jeune étudiante du secondaire de 17 ans qui vivait à Dartmouth et qui était connue dans son école et dans sa communauté a fini par mettre fin à ses jours.
Quand je suis entrée dans la sphère publique à titre de députée provinciale de la Nouvelle-Écosse, on m'a confié le mandat de ministre de la Justice et de procureure générale. J'ai été saisie de l'affaire en 2014. Son nom a été frappé d'une interdiction de publication en vertu du paragraphe 486.4(3) du Code criminel, et ce, malgré les souhaits de sa mère, de son père et de tous ceux qui les soutenaient.
Je me souviens que c'était juste avant Noël 2014. L'affaire avait pris des semaines; c'était une période très difficile. J'ai envoyé au service des procureurs de la Couronne une directive ministérielle — dont on m'a dit à l'époque qu'elle était sans précédent — indiquant qu'aucune violation de l'interdiction de publication visant le nom de Rehtaeh, de quelque forme que ce soit, ne ferait l'objet de poursuites. J'ai ajouté que cela s'appliquait à moins que son nom ne soit utilisé de manière dérogatoire. J'ai probablement agi en tant que mère, que femme et que personne qui n'avait pas vraiment fait de politique avant.
À l'époque, c'était difficile à faire, car le procureur n'avait jamais rien vu de tel. Il va sans dire que le ministère de la Justice et le reste des intervenants n'avaient pas vu cela non plus, mais c'était la bonne chose à faire. Je suis donc sensible à ce que vous demandez.
Vous m'avez dit au téléphone que votre activisme vous a permis de rencontrer de nombreuses autres femmes qui ont des histoires à raconter. Je vous ai promis de vous offrir l'occasion, dans les quelques minutes qui me sont accordées, de nous faire part de ces histoires et de les porter au compte rendu au bénéfice du Comité.
En janvier 2020, Matthew McKnight a été déclaré coupable de cinq chefs d'accusation d'agression sexuelle. Ses 13 victimes d'Edmonton n'ont pas fait lever leurs interdictions de publication, mais je veux vous parler de N.T., qui a déclaré que le fait d'avoir raconté son histoire avait joué un rôle extrêmement important dans sa guérison. Elle s'est battue pour changer les choses et faire rejeter le projet de loi 16 du Parti conservateur uni et aujourd'hui, elle vient en aide à d'autres survivantes. Elle n'a jamais consenti à une interdiction de publication.
À Toronto, Maarika Freund a demandé la levée de son interdiction de publication, dont elle a appris l'existence deux ans après son procès. Elle a dû demander l'aide de deux avocats pour y parvenir. Ce n'est qu'en octobre 2021 que cette interdiction a été levée parce que l'ancien accusé s'était vu accorder 70 jours de plus pour présenter un argument valable pour maintenir cette interdiction, à laquelle elle n'avait jamais consenti.
À Victoria, Kelly Favro, ici présente aujourd'hui, s'est défendue elle-même en cour pour faire lever l'interdiction de publication, dont elle a appris l'existence quatre ans après la fin de ses procédures judiciaires. Elle a affirmé que le processus lui avait enlevé son autonomie pour la deuxième fois et que le système de justice avait fait d'elle une victime une nouvelle fois. Elle n'avait jamais consenti à une interdiction de publication.
À Dartmouth, Carrie Low a dû retenir les services de son propre avocat pour faire lever une interdiction de publication dont elle ne voulait pas. Elle a déclaré que quelqu'un, sans l'en informer, lui avait enlevé son droit de voir son nom publié dans les médias, ajoutant qu'elle avait dû se soumettre à un autre processus juridique pour faire lever l'interdiction. Elle a trouvé cela très injuste. Le juge a indiqué qu'il n'aurait pas levé l'interdiction sans le consentement de la Couronne. Elle n'avait jamais consenti à faire l'objet d'une interdiction de publication.
À Barrie, Brandy, qui est dans la salle aujourd'hui, a fait lever l'interdiction de publication qui la visait en mai 2022, après voir dénoncé une ancienne agression sexuelle survenue 30 ans plus tôt. Elle a indiqué que le système juridique canadien lui avait maintenant enlevé une partie de sa voix et qu'elle était très déçue de son incapacité à soutenir les survivantes. Elle n'avait jamais consenti à l'interdiction.
Le nom de S., une habitante de Toronto, est toujours frappé d'une interdiction de publication. Elle a affirmé que la justesse et la transparence des renseignements qui lui ont été fournis dans le système juridique posaient un problème. Selon ce que l'employé du service aux victimes lui a indiqué, elle avait besoin d'argent et d'un avocat pour faire lever cette interdiction. C'est faux. Elle a dit que l'interdiction de publication l'a réduite au silence et protège son agresseur. Elle n'a jamais consenti à l'interdiction de publication.
En août 2022, une victime de Nanaimo nommée Jade a fait lever son interdiction de publication. Sa demande a été initialement rejetée. On lui a fait savoir qu'elle aurait dû présenter sa demande avant la fin des procédures. Elle a demandé la levée de l'interdiction à trois reprises avant d'avoir gain de cause. Elle n'avait jamais consenti à cette interdiction.
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Merci, monsieur le président.
Je disais que je compatis avec vous. Je comprends la douleur que vous avez subie. Comme mes collègues autour de la table, j'ai beaucoup de compassion pour vous.
Cela dit, pour essayer de résoudre les différentes problématiques, dans la mesure du possible, j'aimerais revenir sur quelques éléments.
Je m'intéresse beaucoup au point qu'a soulevé Mme Andrews par rapport à l'interdiction de publication.
Madame Andrews, je comprends de votre témoignage que vous auriez souhaité qu'il n'y ait pas d'interdiction, mais qu'elle vous a été imposée sans que vous la demandiez. D'abord, pourquoi ne souhaitiez-vous pas d'interdiction de publication? Avez-vous eu des consultations avec un procureur de la Couronne ou avec d'autres avocats qui vous ont expliqué la portée de cette interdiction? Vous a-t-on expliqué en quoi elle pouvait vous être utile ou non?
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Je n'ai eu littéralement aucune consultation avec la Couronne ou des avocats. C'est seulement parce que la juge a mentionné l'interdiction au passage pendant l'audience de détermination de la peine que j'en ai appris l'existence. À titre de victime, j'ai été complètement abasourdie sur le coup, car personne ne m'avait parlé d'une interdiction de publication. J'ai su immédiatement que je n'en voulais pas, mais personne ne semblait savoir comment la lever ou ne voulait m'aider à la faire lever.
Je voulais la faire lever pour une myriade de raisons, la principale étant que je voulais simplement être libre. Je savais que je voudrais publier ma déclaration de la victime sur Instagram et Twitter à la fin des procédures. Je n'avais jamais pensé me trouver dans cette position, mais quand j'ai découvert qu'il m'était interdit de parler, j'ai su que je devais faire quelque chose pour que cela ne se reproduise pas.
Les femmes avec lesquelles je parle ont toutes sortes de motifs pour faire lever les interdictions de publication, que ce soit pour prendre la défense d'autres femmes qui se trouvent dans la même situation ou pour créer de l'art qu'elles jugent important pour leur guérison. Pour ma part, je voulais que les mots soient diffusés dans le monde et laisser les gens en faire ce qu'ils veulent.
Pour certaines personnes, il est crucial de s'exprimer. Pour d'autres, les interdictions de publication constituent des outils utiles et elles sentent qu'ils les protègent. C'est un fait très important à reconnaître, mais certaines d'entre nous n'en veulent pas.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens moi aussi à d'abord remercier les quatre témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. Je ne puis imaginer, comme je l'ai dit auparavant, le traumatisme et la douleur que notre système judiciaire fait revivre aux victimes. Je vous félicite tous de tenter de transformer vos horribles expériences en apport positif pouvant améliorer le système judiciaire. Plus précisément, ce que j'entends constamment de la part des victimes — et ce que je pense vous avoir entendu dire aujourd'hui — est que la grande motivation pour agir est de veiller à ce que personne d'autre ne connaisse le même sort à l'avenir. Je vous en remercie.
J'aimerais adresser mes questions à Mme Andrews parce que nous n'avions pas encore abordé la question des ordonnances de non-publication avant aujourd'hui à ce comité.
Madame Andrews, vous avez formulé des recommandations très précises. Je sais que vous nous avez remis un mémoire qui sera traduit et distribué aux membres du Comité, mais j'aimerais vous donner l'occasion de nous expliquer à nouveau vos recommandations fort précises.
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Je vais vous fournir l'explication exhaustive de mes recommandations. Dans ma déclaration liminaire, j'ai énoncé la version courte.
J'aimerais qu'on permette aux victimes-plaignantes de publier, diffuser et transmettre en tout temps pendant les procédures judiciaires de l'information pouvant les identifier, et ce, sans demander l'approbation de la cour. La condition serait que la publication ne soit pas susceptible d'identifier une autre victime-plaignante qui n'a pas consenti à être identifiée.
Je crois qu'on devrait permettre plus facilement aux victimes-plaignantes adultes de fournir leur consentement ponctuel ou continu par le biais d'une demande ex parte simplifiée et publique. Ainsi, une tierce partie telle qu'un membre de la famille ou un journaliste pourrait publier, diffuser et transmettre de l'information nominative à tout moment pendant les procédures. Cette permission s'assortirait de contraintes déterminées par la victime-plaignante et ne tiendrait pas compte de l'opinion du contrevenant ou de l'accusé qui n'aurait pas à être avisé de la démarche. Ici encore, les publications seraient permises pour autant qu'elles ne risquent pas d'identifier une autre victime n'ayant pas consenti à être identifiée publiquement.
À mon avis, on devrait faciliter, par le biais d'une demande ex parte simplifiée et publique, le retrait complet des interdictions de publication à tout moment pendant ou après les procédures à la demande d'une victime adulte ou, dans le cas d'une victime décédée, à la demande d'un conjoint, d'un parent, d'un tuteur ou d'un enfant adulte. Le processus se déroulerait sans tenir compte de l'opinion du contrevenant ou de l'accusé qui n'aurait pas à être avisé de la démarche. Dans d'autres administrations, l'option est déjà offerte. En 2020, l'Australie a modifié ses lois afin de fournir ces recours aux victimes. Le pays a reconnu que le système dont il était doté à l'époque était extrêmement paternaliste et privait les victimes de tout pouvoir.
Je crois qu'il m'aurait été utile de pouvoir consulter le site Web du ministère de la Justice pour y trouver l'information permettant de vraiment saisir la portée de mon ordonnance de non-publication, c'est-à-dire pour savoir ce qu'elle englobait, comment s'y conformer et comment la faire lever. À l'heure actuelle, nul besoin de retenir les services d'un avocat pour lever une interdiction de publication. Or, je ne sais toujours comment m'y prendre. J'ai posé la question un million de fois sans que personne puisse m'éclairer. Mme Favro y est parvenue seule, ce qui relève d'un formidable exploit. Il est possible de le faire, mais l'information ne se trouve nulle part.
Je dirais aussi qu'un petit changement au formulaire de déclaration de la victime faciliterait le retrait d'une interdiction de publication pendant les procédures judiciaires alors qu'un juge toujours saisi du dossier peut encore agir. Au bas du document se trouve une petite case à cocher si on souhaite prononcer la déclaration devant le tribunal. Il suffirait d'ajouter une petite case à cocher dans ce document Word pour quiconque souhaite que l'interdiction de publication en vertu de l'article 486.4 soit retirée. Ce serait aussi simple que de crier ciseau.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais d'abord remercier tous les témoins. Je suis de tout coeur avec vous. Je sais que le processus est pénible et que vous faites preuve de courage pour nous faire part de votre expérience en tant que victimes.
Monsieur et madame Ilesic, j'ai le privilège de vous connaître depuis environ six ans. Dans votre témoignage, vous avez exprimé votre frustration quant au gouvernement libéral qui n'a pas su réagir à la décision dans l'affaire Bissonnette en invoquant la disposition de dérogation ou en ayant recours à toute autre mesure. Comme vous l'avez souligné, le a simplement déclaré respecter la décision.
Monsieur et madame Ilesic, ainsi que madame Bosna, pouvez-vous dire au Comité quel message vous envoie le , vous qui êtes des victimes, lorsqu'il déclare respecter cette décision et qu'il choisit de se croiser les bras?
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Je pense que l'information joue un rôle important. Chacun aborde le système judiciaire de manière un peu différente. J'ai une personnalité de type A, donc je voulais avoir tous les renseignements possibles et imaginables. Le problème est que tout est très fragmentaire. Essayer de comprendre les subtilités de ce qu'est une absolution conditionnelle par rapport à une condamnation, avec toute la terminologie que cela implique, est un véritable défi. Je pense qu'il serait vraiment utile de commencer par le langage. Je ne sais pas si un glossaire des termes pourrait être fourni aux victimes ou aux travailleurs des services aux victimes. Il est très difficile de comprendre le langage du système judiciaire.
L'anglais est ma langue maternelle. J'ai fait mon signalement en Ontario. Si j'étais francophone en Ontario, je ne sais pas si j'aurais eu le même accès. Je ne vois pas comment c'est possible pour une immigrante au Canada dont l'anglais est la troisième ou quatrième langue. J'ai eu une bonne expérience par comparaison avec ce que vit la majorité des gens, et j'ai quand même cru que cette expérience me détruirait, mais je suis ici aujourd'hui.
Quant aux modifications qui pourraient être apportées au recours à l'interdiction de publication, elles ne constituent qu'un changement mineur. Je pense que je pourrais vous être utile sur ce point, mais il y a tellement d'autres problèmes, comme le coût des transcriptions judiciaires. J'ai dû débourser 500 $ pour obtenir ma transcription. Pour la thérapie, j'en suis à près de 6 000 $ et ce n'est pas fini.
Les procureurs de la Couronne étaient trop occupés pour me parler une fois mon dossier clos. Ils vous parlent avant, mais dès qu'il y a un plaidoyer de culpabilité et une sentence, ils ont d'autres choses à faire. Les intervenants qui possèdent vraiment la bonne information sont essentiels. La personne chargée des services aux victimes m'a dit que l'interdiction de publication était automatique et que c'était quelque chose qui se produisait dans tous les cas, mais c'est faux.
Enfin, les demandes d'accès à l'information auprès de la police n'ont rien donné. Tout était caviardé.
Les ressources faciles à trouver sont rares. Par exemple, je ne savais pas qu'il existait un congé pour les victimes de violence familiale ou sexuelle en Ontario. J'ai découvert sur Twitter que je pouvais m'en prévaloir pour me présenter au tribunal.
Si vous n'avez pas d'avantages sociaux dans le cadre de votre emploi, si vous êtes confronté à des obstacles d'ordre systémique ou si vous avez l'impression que la police ne vous prend pas au sérieux, il s'agit de problèmes systémiques. Les victimes ne bénéficient pas d'un soutien adéquat.
Merci à tous les témoins, du fond du coeur. Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie d'avoir bien voulu raconter vos histoires.
Je tiens à rappeler aux autres personnes de la tribune qui pourraient avoir des histoires similaires ou qui viennent d'en entendre parler que si vous avez besoin de services, veuillez communiquer avec le greffier, dont vous devriez tous avoir les coordonnées.
Encore une fois, merci de vos témoignages.
Je vais suspendre la séance une minute, le temps de procéder aux vérifications de son et de préparer notre prochain témoin.
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Bienvenue à notre nouveau témoin. J'espère que votre casque d'écoute fonctionne bien et que vous avez choisi le bon canal.
Je vais répéter ceci pour notre témoin, car il n'était pas là tout à l'heure. En raison de la nature délicate de notre discussion d'aujourd'hui, si quelqu'un trouve difficile d'écouter le témoignage présenté ou éprouve un malaise face à la nature du sujet abordé, je rappelle aux témoins sur Zoom ou autrement qu'ils ont la possibilité d'utiliser les ressources de la Chambre. Si vous en ressentez le besoin, veuillez contacter le greffier.
Docteur, au besoin, faites une pause. Ne vous sentez pas pressé. Même si le temps accordé aux témoins est de cinq minutes, si vous avez besoin d'un peu plus de temps, n'hésitez pas.
Nous accueillons le Dr Hamed Esmaeilion, président et porte-parole de l'Association of Families of Flight PS752 Victims.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
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Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie, ainsi que les estimés membres du Comité, de m'accueillir cet après-midi pour vous livrer un témoignage sur les obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels.
Plus de 1 000 jours se sont écoulés depuis le jour où un avion de ligne civil a été atteint par des missiles dans le ciel de Téhéran. Ce sont 176 êtres humains et un enfant à naître qui ont été assassinés. De jeunes mariés ont été assassinés. Des enfants ont été assassinés. De nombreux passagers étaient des étudiants à l'avenir prometteur pour le Canada et l'Iran. Ils ont tous perdu la vie d'une manière insensée il y a un peu plus de 1 000 jours, jalon que nous avons souligné par une marche et un rassemblement ici, sur la Colline du Parlement, il y a deux jours à peine.
Où en sommes-nous? Où en est le monde? Où est la justice dans toute la politique, les querelles juridiques, les négociations et la bureaucratie?
Les familles des victimes se sont retrouvées dans le sillage d'une atrocité sans précédent dans l'histoire de l'aviation. En dépit de leur chagrin et de leur angoisse, la majorité des familles sont restées unies tout au long de ce parcours insupportable. Elles ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faire éclater la vérité. Les personnes réellement touchées par ce crime odieux n'ont aucun pouvoir de décision, aucun droit à l'information et aucune place à la table des négociations, pas même leurs représentants juridiques.
Moins de cinq heures après que le vol PS752 a été abattu, alors que les bulldozers rasaient le site et détruisaient les preuves, les rouages de la justice auraient dû s'enclencher. Dès l'instant où il est apparu clairement que le Corps des gardiens de la révolution islamique avait lancé les missiles qui ont abattu le vol PS752, il aurait fallu se pencher sur l'absurdité de laisser l'enquête aux auteurs de l'attentat. À partir du moment où les témoins et les familles des victimes ont fait l'objet de harcèlement, d'intimidation et de persécution, un organisme d'enquête international impartial aurait dû s'occuper de toute l'affaire.
Au nombre des personnes assassinées figuraient 55 citoyens canadiens, et 83 autres victimes avaient des liens étroits avec le Canada. Cependant, malgré nos efforts, la GRC a refusé jusqu'à présent d'ouvrir un dossier criminel au Canada parce qu'elle ne peut pas compter sur la coopération des auteurs de ce crime.
D'après les nombreuses discussions que j'ai eues avec des gens du milieu juridique canadien, y compris un ancien ministre de la Justice, je crois savoir qu'ils ont le pouvoir de le faire. J'espère que ce comité pourra contribuer à faire avancer les choses.
L'OACI n'a toujours pas condamné les violations de ses conventions par la République islamique, en prétendant de manière absurde à la neutralité. Nous faisons pression pour qu'elle le fasse à l'ouverture de cette nouvelle session, afin de réparer enfin cette grossière omission.
Nous ne voulons pas entendre parler de la mesure dans laquelle cette question est complexe et délicate. Nous sommes les principales parties prenantes et nous savons trop bien, plus de 1 000 jours plus tard, que le chemin vers la justice n'est pas facile, rapide ou simple.
Nous réclamons une feuille de route claire et des actions concrètes. Nous demandons de l'empathie, doublée d'un véritable changement dans les rouages de la justice. Nous ne sommes pas des avocats, des diplomates ou des politiciens. Nous formons un collectif de familles en deuil qui méritent une réparation, à savoir la vérité, la justice et la paix, et non des excuses vides ou des compensations financières.
Voici ce qui doit être fait. Premièrement, notre dossier doit être déposé au conseil de l'OACI sans délai et de toute urgence, et nous devons préparer notre dossier pour la Cour internationale de justice. Deuxièmement, le Canada doit soutenir notre demande à la Cour pénale internationale par un renvoi de l'État ou une lettre de soutien. Troisièmement, la GRC doit ouvrir un dossier criminel au Canada. Quatrièmement, le Corps des gardiens de la révolution islamique doit être inscrit sans tarder sur la liste des organisations terroristes.
Je demande aux parlementaires de tous les partis et de toutes les tendances de nous aider à faire avancer les choses pour que ces demandes soient satisfaites. Pendant que je suis ici, permettez-moi également de remercier et de féliciter tous les partis qui ont travaillé avec nous à ce dossier jusqu'à présent. Nous vous sommes reconnaissants du temps et de l'attention que vous avez consacrés à cette question et du soutien que vous nous apportez, que ce soit ici, lors du rassemblement, ou lors des anniversaires passés et à venir.
Nous allons poursuivre nos efforts avec une détermination croissante. Même après 1 000 jours, nous savons que notre douleur, nos vies brisées, nos succès et même nos échecs pour obtenir des résultats, dévoiler la vérité et obtenir justice ne peuvent qu'ouvrir la voie à la liberté et à la justice en Iran. Peu importe le temps qu'il faudra, nous défendrons fermement la justice et les droits de la personne. Nous n'oublierons jamais, et nous ne pardonnerons jamais.
Encore une fois, je vous remercie. Je suis prêt à répondre à vos questions sur notre travail et notre mandat.
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Merci, monsieur le président.
Docteur Esmaeilion, c'est un plaisir de vous revoir. Lorsque vous avez comparu devant le Sous-comité des droits internationaux de la personne en juin, je vous ai interrogé sur le fait que le gouvernement n'a pas désigné le Corps des gardiens de la révolution islamique comme étant une organisation terroriste. Quatre mois se sont écoulés et rien n'a encore été fait. Comme vous l'avez dit, plus de 1 000 jours après que le vol PS752 a été abattu et que 85 citoyens canadiens et résidents permanents ont été assassinés — un total de 176 passagers — rien n'a encore été fait.
Pouvez-vous nous parler de la frustration que vous cause cette inaction? Vous avez rencontré à l'époque la ministre des Affaires étrangères. De toute évidence, rien n'a progressé à la suite de cette réunion.
En tant que victime, pouvez-vous expliquer en quoi il n'est pas que symbolique de désigner le Corps des gardiens de la révolution islamique comme étant une organisation terroriste? Une telle désignation donne aux victimes les moyens d'obtenir justice, notamment en leur permettant d'invoquer la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme.
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L'objectif premier pour les familles, c'est de connaître la vérité et d'obtenir justice. Deux principaux organismes internationaux peuvent prendre en charge ces cas: la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.
Le Canada n'a pas démontré d'intérêt à se rendre devant la Cour pénale internationale. Le 14 septembre dernier, l'Association des familles a déposé une plainte devant la Cour de façon indépendante; c'est pourquoi nous avons demandé à notre gouvernement, de même qu'aux gouvernements de l'Ukraine, de la Suède et du Royaume-Uni — les quatre pays touchés —, de rédiger une lettre d'appui pour nous.
Le Canada pourrait aussi s'adresser à l'Organisation de l'aviation civile internationale et à la Cour internationale de justice. Ce sont les possibilités prises en compte par le Canada.
Jusqu'à maintenant, après 1 000 jours, nous n'avons pas de feuille de route; nous n'avons pas d'échéancier. Lorsque nous demandons à ce que le CGRI soit inscrit à la liste et avons demandé à ce que des sanctions soient imposées aux auteurs de ces crimes, nous voulons seulement que le gouvernement montre qu'il prend la chose au sérieux, pour les familles.
Comme je l'ai dit, ces familles ont refusé les indemnisations; elles ont refusé les excuses de la République islamique d'Iran. Honnêtement, on ne peut pas s'attendre à des excuses de la part d'Ali Khamenei. Ce n'est pas le genre de personne à s'excuser auprès de la population canadienne. Il doit être ajouté à la liste des personnes visées par les sanctions. C'est l'une des premières mesures à prendre.
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Au début, le gouvernement a accordé une aide financière aux familles des citoyens et des résidents permanents, mais les autres familles qui avaient des liens avec le Canada ne figuraient pas à la liste des bénéficiaires d'une aide financière.
Pour ce qui est de l'aide psychologique, j'en ai fait la demande à maintes reprises, parce que la majorité des familles souffrent de TSPT et de dépression. Je peux vous donner l'exemple de l'avion de ligne MH17, abattu en 2014. Je communique avec les familles des victimes, avec les familles d'Air India et d'autres. Je sais qu'après les événements, trois universités des Pays-Bas ont aidé les familles pendant cinq ans.
Nous n'avons jamais eu ce genre de services ici. La GRC a dit que nous pouvions être ajoutés à la liste des services d'aide aux victimes. Par exemple, je reçois un appel le jour de la fête des Pères ou de Noël; on m'offre de la sympathie.
Il y a des enfants qui ont été touchés, des mères et des pères. Certains ne sont pas au Canada. Il est très difficile de les aider. C'est pourquoi notre association a demandé l'aide de professionnels dans leur langue.
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J'aimerais d'abord remercier le Dr Esmaeilion de témoigner devant le Comité aujourd'hui.
Les questions d'aujourd'hui sont un peu plus larges que celles que nous posons habituellement au comité de la justice. Je crois que vos témoignages et vos suggestions pratiques au sujet des mesures que nous pourrions prendre pour exercer des pressions plus importantes sur le gouvernement iranien seront très utiles dans le cadre de notre étude sur les victimes.
J'aimerais dire pour commencer qu'en plus d'être responsable de la tragédie — et ce n'est pas une tragédie, mais bien un crime — du vol PS752, le Corps des Gardiens de la révolution islamique est responsable de multiples violations des droits de la personne, notamment les attaques accrues envers les femmes qui ne respectent pas certaines lignes directrices jugées essentielles pour la société iranienne par le CGRI.
Nous avons appris la mort de Mahsa Amin et avons vu les manifestations qui s'en sont suivies. Selon le Comité pour la protection des journalistes, au moins 35 journalistes ont été placés en détention depuis. L'Associated Press fait état de l'arrestation de plus de 1 900 manifestants. Le groupe des droits de la personne de l'Iran, dont le siège social est à Oslo, a rapporté l'assassinat d'au moins 154 manifestants.
Nous savons que les activités des Gardiens de la révolution s'étendent aussi à la communauté des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenre de l'Iran. Il y a une semaine à peine, un important groupe d'experts en matière des droits de la personne de l'ONU a demandé la suspension de l'exécution de deux femmes, Zahra Sedighi-Hamadani et Elham Choubdar, toutes deux accusées d'avoir fait la promotion de l'homosexualité et condamnées à la peine de mort.
Il y a un large éventail de violations des droits de la personne perpétrées par le Corps des Gardiens de la révolution islamique. Ma question pour vous, docteur Esmaeilion, est la suivante: est-ce que les familles des victimes ont tenté de travailler avec d'autres défenseurs des droits de la personne afin d'exercer des pressions supplémentaires sur le gouvernement iranien, qui soutient clairement le terrorisme et qui bafoue les droits de la personne?
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Notre association est d'avis que nous sommes un maillon d'une chaîne de 43 années de crimes... Des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Nous ne représentons pas une exception. Nous faisons partie des victimes de ces 43 dernières années.
La semaine dernière, il y a eu un grand rassemblement dans le monde et notre association y a participé. Nous avons aidé les organisateurs de chaque pays à tenir un événement pour la liberté en Iran. Au départ, il n'y avait que huit villes participantes au Canada, aux États-Unis et dans les pays européens, mais le peuple iranien a reconnu l'événement, qui s'est étendu à 155 grandes et petites villes partout dans le monde. Il n'était pas seulement question du vol PS752; c'était aussi pour toutes les victimes du régime iranien. Voilà ce que peut faire la population.
Au cours des 43 dernières années, le peuple iranien a tenté de faire confiance au monde libre pour l'aider, mais aujourd'hui, la situation est différente. C'est pourquoi il lutte contre les opérations du régime. Il agit de manière indépendante et ne se fie plus aux politiciens du monde libre, à mon avis.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, docteur Esmaeilion, pour votre présence. Je vous remercie aussi d'être la voix de votre famille et d'autres, pour nous faire comprendre l'expérience et la souffrance du peuple iranien, dans la région et partout dans le monde, qui subit depuis des décennies l'oppression de ce régime.
Évidemment, la violence du régime n'a pas commencé avec l'écrasement du vol PS752 et ne se terminera pas là non plus. Comme vous le savez, environ deux ans auparavant, nous avions adopté une motion au Parlement pour ajouter le CGRI à la liste des organisations terroristes. Les données probantes étaient largement suffisantes à l'époque, avant les événements récents. En fait, le gouvernement avait voté en faveur d'une telle mesure, mais n'a pas su la mettre en oeuvre.
Ma première question porte là-dessus. Savez-vous quelle est la position du gouvernement sur le sujet? Je ne le sais pas et nous tentons d'obtenir une réponse de la part du gouvernement. Il a voté pour la motion, mais n'a pris aucune mesure par la suite. On fait passer certains messages, associés à des excuses. J'espère que vous pouvez communiquer régulièrement avec les ministres. J'espère que vous pouvez leur poser des questions et qu'ils vous répondent.
Est-ce que le gouvernement prévoit ajouter le CGRI à la liste? Est-ce qu'il y songe? La motion a été adoptée il y a quatre ans; le vol PS752 s'est écrasé il y a 1 000 jours. Savez-vous quelle est la position du gouvernement du Canada sur le sujet?
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C'est frustrant et malhonnête quand un parti politique essaie en quelque sorte d'embrouiller une position sur un enjeu crucial. Si les libéraux ne veulent pas ajouter le Corps des gardiens de la révolution islamique à la liste, ils devraient expliquer pourquoi. Je suis d'avis qu'ils devraient l'ajouter à la liste, mais ils devraient assumer leur position.
Vous avez présenté certains noms que vous aimeriez voir figurer sur une liste de sanctions. Je tiens à mentionner que le projet de loi , qui est un projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue, , sera débattu demain. Il vise à modifier la loi de Sergueï Magnitski afin de créer une disposition permettant à un comité parlementaire de désigner une personne en vue de lui imposer des sanctions. Cela permettrait, par exemple, au comité des affaires étrangères de proposer au gouvernement certains, voire la totalité, des noms figurant sur votre liste. Le gouvernement serait alors tenu de fournir une réponse à cette nomination.
Nous parlons d'ajouter le Corps des gardiens de la révolution islamique à la liste, mais il convient également de noter que personne ayant des liens avec le régime iranien n'a jamais été visé par la loi de Sergueï Magnitski. Cela pourrait changer au cours des prochains jours. Nous l'ignorons, mais le premier pas a été fait après tant d'inaction, à ce qu'il paraît.
Y a‑t‑il des changements que vous souhaiteriez que nous apportions au régime de sanctions du Canada afin de le renforcer et de donner aux parlementaires plus de poids pour ajouter des noms à la liste?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Docteur Esmaeilion, merci d'être des nôtres aujourd'hui, et merci de porter la voix des familles des victimes du vol PS752.
Nous étudions les droits des victimes, et normalement, ce n'est pas aussi intense que cet après-midi.
Je me souviens encore du choc et de la douleur que nous avons ressentis dans ma collectivité de Halifax en janvier lorsque la nouvelle nous est parvenue. Une cérémonie commémorative a été organisée par l'Al Rasoul Islamic Society à Bedford, dans ma région, mais je me suis également jointe, au nom du gouvernement de la Nouvelle-Écosse de l'époque, aux amis et aux familles des victimes, aux côtés de près de mille personnes, pour assister à une vigile communautaire à l'Université Dalhousie, organisée par la Dalhousie Iranian Students Society, en partenariat avec l'Iranian Cultural Society of Nova Scotia.
Un certain nombre de victimes avaient des liens avec la Nouvelle-Écosse, et je veux lire leurs noms parce qu'il est important que nous nous souvenions de ces victimes: Masoumeh Ghavi, connue sous le nom de Masi, étudiante en génie à l'Université Dalhousie; la jeune sœur de Masoumeh, Mahdieh Ghavi; une dentiste de la région, la Dre Sharieh Faghihi, dont les enfants sont venus à la cérémonie commémorative et ont pris la parole; Fatemeh Mahmoodi et Maryam Malek, étudiantes à l'Université Saint Mary's; et une ancienne résidente de Halifax, la Dre Shekoufeh Choupannejad, et ses filles, Sara et Saba Saadat. Nous nous souvenons d'elles.
À l'époque, les universités ont organisé des bourses d'études en leur honneur pour les étudiants et la famille de la dentiste. Il était difficile de décrire l'ampleur de la perte à l'époque, et très franchement, c'est toujours le cas.
Samedi, j'ai participé à une marche avec la communauté iranienne et d'autres personnes à Halifax pour protester et être la voix des femmes et des filles qui sont tuées en Iran, mais aussi de leurs familles et de tous ceux qui sont en deuil.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre femme et de votre fille?
Oui, c'était Masoumeh et sa petite sœur, Mahdieh. Je voulais simplement dire leurs noms, parce que je sais que pour leur mère, c'est très important d'entendre leurs noms.
Ma femme avait 42 ans et était dentiste. Nous nous sommes mariés alors que nous étions à l'université, il y a 22 ans. Ma fille avait 9 ans, 7 mois et 16 jours lorsque cela s'est produit. Nous étions une famille heureuse ici au Canada. Nous avons déménagé ici en 2010; nous avons réussi passé tous les examens.
Ma femme et moi avons grandi ensemble et nous étions les meilleurs amis du monde. Je pense donc qu'il est de notre devoir quotidien de défendre leurs intérêts, et ce n'est pas seulement moi. C'est tous les membres de la famille. Je ne suis pas seul. Je suis ici au nom de l'association, mais il y a une grande équipe qui me soutient, et je suis sûr qu'ils écoutent ce témoignage. Ils veulent voir de l'action pour la vérité et la justice. C'est la chose la plus importante pour nos familles.
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Nous n'avons pas vu grand-chose de la part des politiciens du monde libre.
Je pense que l'une des premières mesures à prendre est de rompre les liens avec la République islamique d'Iran en guise de punition. Ce que nous entendons de la part du gouvernement ici aussi, lorsqu'il dit qu'il faut imposer des sanctions à ces personnes, c'est que les sanctions servent à changer les comportements, pas à punir. Or, cette façon de penser est erronée. Parfois, les sanctions servent à punir, et rompre les liens avec la République islamique d'Iran sert justement à cette fin.
Si vous leur montrez que vous êtes sérieux, ils n'agiront pas de la sorte avec le peuple iranien. Par contre, si vous fermez les yeux et que vous vous assoyez à la table des négociations avec les représentants de la République islamique d'Iran en passant sous silence le vol PS752, le novembre sanglant, le mouvement vert et les massacres de 1988 — tous ces crimes —, cela montre que vous n'êtes pas sérieux et que vous ne soutenez pas le peuple iranien.
Les personnes comptent pour nous. Les gens doivent comprendre que ceux qui dirigent ce pays ne constituent pas un gouvernement normal. C'est une bande de mafieux.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Esmaeilion, j'ai l'impression d'avoir fait le tour des grandes lignes de vos revendications. Je les partage. Je pense que tout le monde autour de la table partage votre peine. Vous avez parlé de votre épouse et de votre fille, c'est évidemment bien triste. Je comprends votre demande pour que le Corps des gardiens de la révolution islamique soit ajouté à la liste des organisations criminelles. Par ailleurs, je comprends les hésitations du ministre, qui ne souhaite pas que des personnes innocentes vivent des inconvénients importants si cette organisation est portée sur la liste. Cela dit, je comprends aussi que vous avez consulté, comme vous nous l'avez dit tantôt, des avocats spécialisés dans le domaine qui vous ont expliqué que c'était possible d'ajouter l'organisation sur la liste tout en protégeant les individus qui, autrement, seraient touchés par cet ajout à la liste.
J'aimerais que vous me parliez davantage de cela. Quelles dispositions devraient être prises pour éviter que d'autres innocentes victimes soient visées en ajoutant l'organisation sur la liste?
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Merci, monsieur Fortin.
Docteur Esmaeilion, je tiens à vous remercier de votre témoignage. Vous avez manifestement vécu une situation très horrible, vous et toutes les familles du vol PS752. Nous vous remercions d'être venu et de nous avoir fait part de votre expérience. Nous espérons que certains des conseils que vous nous avez fournis seront pris en considération et appliqués en temps utile.
Voilà qui met fin aux témoignages pour l'étude. Nous devons maintenant discuter de certains travaux du Comité.
Monsieur Esmaeilion, vous êtes libre de partir, mais vous pouvez certainement rester si vous le souhaitez.
Très rapidement, nous devons adopter le budget pour cette étude. Je pense que vous l'avez tous reçu. Êtes-vous tous d'accord?