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Merci d'avoir répondu à toutes ces questions de façon si approfondie.
Monsieur le président, à ce sujet, et je vais demander au Comité... Nous tous, membres du Comité avons la possibilité de voter sur cet article. Je regarde ces infractions, et l'on parle de récidive. Tout le monde convient que nous devrions tout faire de notre mieux, au niveau fédéral, avec nos homologues provinciaux et municipaux. Tout le monde convient que nous devrions faire tout notre possible pour aider les gens à réintégrer la collectivité.
Nous devons reconnaître qu'à un moment donné, les gens retourneront dans la collectivité. Nous devrions faire de notre mieux pour les réintégrer, mais lorsque je regarde les infractions de cette liste, elles se retrouvent dans les manchettes de l'actualité de notre pays. Les chefs de police... Des témoins qui ont comparu devant le Comité ont parlé de ce qui se passe dans leurs territoires de compétence. Certains sont responsables de grandes municipalités, d'autres des endroits les plus ruraux imaginables, et d'autres encore de services de police urbains, suburbains ou de Premières Nations.
Nous avons entendu divers témoins du milieu policier. Ils nous ont assuré que les types d'armes à feu qu'ils voient, tant en milieu urbain que rural, ne sont pas ceux de Trucmuche Chasseur de Canards, d'agriculteurs ou de tireurs sportifs. Ce sont des armes offensives et des armes à feu importées en grande partie des États-Unis. Je considère le trafic d'armes comme l'une de ces infractions. Il s'agit en grande partie d'armes prohibées ou d'armes à autorisation restreinte. Les gens qui les utilisent n'ont pas de permis.
Ces infractions — et je parle des infractions prévues dans cet article —, indiquent que nous avons affaire à des gens qui n'ont jamais essayé de se conformer aux lois canadiennes. Nous avons tous dans nos circonscriptions des gens qui s'y conforment. Ce sont des propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi. D'abord, ils ont un permis. Ce sont des propriétaires autorisés. Ensuite, ils ont suivi la filière établie. Ils n'ont pas acheté une arme de poing derrière le coffre de la voiture du vendeur. Ils se sont rendus chez un concessionnaire et ont acheté une arme à feu légalement.
D'après les témoignages que nous avons entendus à maintes reprises au Comité, ce ne sont pas eux qui causent le problème. Même pendant que notre comité entendait ces témoins, les manchettes dénonçaient les gens qui utilisaient des drones pour transporter des sacs d'armes de poing des États-Unis au Canada, probablement pour les remettre à des organisations criminelles qui les distribuent à leurs vendeurs. À un moment donné, ces armes servent à commettre un crime contre un Canadien innocent.
Nous pouvons débattre du rôle des peines d'emprisonnement obligatoires, et nous l'avons fait. Nous avons fait le tour de la question et nous avons entendu beaucoup de témoins différents ainsi que des membres du Comité. Cependant, je veux que nous examinions très attentivement cet article, parce qu'à mon avis, il traite de situations pour lesquelles les Canadiens réclament des mesures concrètes. On le voit au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au Québec. Nous le constatons dans toutes les provinces. Les gens nous supplient de les aider. La criminalité cause autant de problèmes dans les régions rurales qu'en milieu urbain.
Imaginez donc, même Mitch Marner, des Maple Leafs, a été victime d'un vol à main armée. Je ne connais pas tous les détails, mais d'après ce que j'ai lu au sujet de ses assaillants, je peux vous garantir qu'ils ne portaient pas une veste fluorescente orange et qu'ils ne sont pas repartis dans la camionnette d'un chasseur de canard. Ils faisaient partie d'une organisation criminelle.
Je vous garantis également que ce n'était probablement pas leur première infraction. Ces gens savaient exactement ce qu'ils faisaient, et ils ont volé l'auto de Mitch Marner comme ils l'avaient probablement déjà fait à bien d'autres victimes et, oui, ils finiront bien par tuer quelqu'un un de ces jours.
Voilà la récidive dont nous parlons. C'est un mépris total pour les autres Canadiens, pour les innocents. Voilà pourquoi nous avons des lois.
Partons de la prémisse selon laquelle nous avons un Code criminel dans lequel nous, parlementaires, avons constaté des failles. Nous ne voulons pas que ces failles nuisent à la société. Il y a une raison pour laquelle certaines infractions sont traitées par procédure sommaire. Elles sont considérées comme étant moins graves. Au Canada, certaines infractions entraînent une sanction pécuniaire, une amende. Un excès de vitesse au Nouveau-Brunswick peut entraîner une amende de 168 $.
Mais les Canadiens veulent que nous abordions les infractions comme la possession en vue de faire le trafic d'armes, l'importation et l'exportation non autorisée faite de façon délibérée, l'usage d'une arme à feu pour commettre un crime.
Je vais m'arrêter ici, monsieur le président. Je désire simplement que nous examinions sérieusement ces infractions avant de voter.
Je vous remercie encore une fois, monsieur Taylor, pour vos réponses très détaillées à toutes ces questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'appuie cet amendement. Je dois dire que si je devais choisir entre maintenir le statu quo et, comme les libéraux et les néo-démocrates le veulent, éliminer les peines d'emprisonnement obligatoires pour certaines infractions plutôt graves, notamment le crime très grave consistant à utiliser une arme à feu pour commettre une infraction, je préférerais le statu quo.
J'espère que nous voterons pour cela, mais compte tenu des mémoires présentés par certaines personnes qui ont comparu devant le Comité ainsi que par les libéraux et les néo-démocrates et compte tenu de certains commentaires formulés par mes collègues au cours du nombre plutôt limité de réunions que nous avons eues, je ne suis pas convaincu que nous y parviendrons.
Au lieu de cela, il semble que les libéraux et les néo-démocrates, aveuglés par leur idéologie, veulent procéder à toute vapeur en éliminant tout simplement ces peines d'emprisonnement obligatoires. Ils le feront malgré les témoignages très convaincants de témoins qui ont été victimes d'infractions commises avec des armes à feu et malgré les témoignages de représentants des forces de l'ordre.
Les membres du Comité ont entendu tellement de témoignages leur demandant d'attendre un peu avant de suspendre les peines d'emprisonnement obligatoires pour les infractions mettant en jeu des armes à feu qu'il serait utile de leur rappeler certains d'entre eux. Nous en avons entendu beaucoup. Franchement, je ne sais pas par où commencer.
Par exemple, André Gélinas est un détective à la retraite de la division du renseignement du Service de police de la Ville de Montréal. Il a dit de façon générale au sujet du projet de loi : « il n'y aura aucune dissuasion ». Il a ajouté: « le message que cela envoie aux policiers qui affrontent ces criminels » — les criminels dont il parle sont ceux qui commettent des infractions avec des armes à feu — « ne fera que nourrir le découragement et le désengagement de ces policiers ».
M. Gélinas a également dit:
Cela n'augure rien de bon pour notre sécurité collective. Comme société, nous sommes devant une abdication et un recul qui ne sont certainement pas une solution à la surreprésentation des communautés [supposément] ciblées par ce projet de loi.
Il a dit: « les gens qui vivent dans des quartiers où les gangs et les groupes organisés sont très actifs se sentent totalement abandonnés par le projet de loi C-5 ». Il a également déclaré:
Imaginez-vous un peu comment vous vous sentiriez si vous étiez victime d'une agression commise avec une arme à feu. [...] je ne pense pas que vous vous sentiriez plus en sécurité dans votre communauté de savoir que cette personne ne sera pas assujettie à un minimum de sanctions.
Ce sont les observations de M. Gélinas, qui a une très vaste expérience sur le terrain de l'application de la loi. Il a affaire à des criminels qui commettent des crimes graves avec des armes à feu, qui compromettent la sécurité publique, qui terrorisent les collectivités et qui laissent des victimes dans leur sillage. Il a commencé par nous recommander de ne pas faire ce que nous envisagions de faire, ce que les libéraux et les néo-démocrates veulent faire. Je suis d'accord avec lui.
Mme Anie Samson est une élue municipale. Elle représente un quartier montréalais où vivent des gens aux origines ethniques et culturelles diverses qui a été durement touché par des crimes commis avec des armes à feu illégales. Elle a dit devant notre comité que « ces armes ont détruit des familles, des amitiés et des vies ». Elle a aussi dit: « le message qui est envoyé actuellement, c'est que, en raison de l'abolition de certaines peines minimales obligatoires, le criminel peut commettre un crime et se voir infliger une peine réduite, alors que la victime, elle, sera peut-être traumatisée pour le reste de ses jours ».
Stéphane Wall, un autre policier à la retraite, toujours de la ville de Montréal, a dit — encore une fois, de façon générale, au sujet du projet de loi et des infractions liées aux armes à feu — que le projet de loi C-5 « banaliserait » la possession d'armes à feu pour la perpétration d'activités criminelles. Cela enverrait un message erroné à ces criminels. Elle a ajouté qu'elle ne pensait pas que cela coïnciderait avec la réalité quotidienne actuelle dans les rues.
Les membres des gangs de rue se sentent déjà parfaitement à l'abri avant l'adoption de ce projet de loi, qui les appuiera s'ils commettent certains crimes. Ils se rient déjà du système de justice. Ils s'en moquent.
Il y a aussi le sergent Michael Rowe, qui a comparu devant le Comité au nom de l'Association canadienne des chefs de police. J'ai entendu le plus tôt aujourd'hui, ou peut-être hier, citer l'Association canadienne des chefs de police en réponse à une question posée pendant la période des questions. Le sergent Rowe a dit:
Pour les policiers, pour les victimes d'actes criminels, pour les membres du public et pour les délinquants eux-mêmes, les circonstances qui entraînent une accusation criminelle pour la plupart des infractions commises à l'aide d'une arme à feu constituent souvent une menace réelle pour la sécurité publique. Elles causent un stress et des traumatismes qui ont une incidence durable sur la santé mentale et elles érodent la sécurité publique.
Il a ainsi soulevé de graves préoccupations sur la réduction des peines d'emprisonnement obligatoires prévue dans le projet de loi .
Comme M. Brock l'a fait remarquer, les contrevenants accusés en vertu de cet article ne s'en tireront pas avec une ordonnance de sursis. Dans la plupart des cas, ils passeront du temps derrière les barreaux.
Compte tenu des témoignages que notre comité a entendus au sujet de la prévalence des armes à feu illégales et du fait que les crimes sont commis par des gens qui sont souvent impliqués dans des gangs et dans le crime organisé... Compte tenu du fait que ces témoins nous ont dit que, dans l'état actuel des choses, il faut prévoir la réprobation et tenir compte de l'impact que causent ces types d'infractions sur les victimes et sur le sentiment collectif de sécurité dans les collectivités, notamment celles qui font face à un vaste éventail de problèmes sociaux... ce n'est pas ma solution préférée, mais nous devrions donner au moins une certaine garantie que quiconque commet un crime en utilisant une arme à feu devrait au moins faire face à une peine d'emprisonnement obligatoire. Nous devrions au moins préserver cela, et c'est ce que fait cet amendement.
Sur cette base, vu l'orientation probable du Comité, je pense que... Je n'aime pas utiliser le mot « compromis », mais essentiellement, nous devrions exiger au moins un certain niveau de responsabilisation.
Merci, monsieur le président.
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Je vais l'expliquer très rapidement.
Pour cet article du code, notre amendement vise à remplacer la peine minimale obligatoire d'un an par une peine minimale obligatoire de six mois.
M. Cooper m'a rappelé une chose que, selon moi, il est important de souligner. Je ne voudrais d'aucune façon que l'on pense que la peine minimale obligatoire devrait être réduite dans ces cas graves d'infractions commises avec des armes à feu. Nous cherchons ici à élaborer une déclaration du Parlement dénonçant les infractions très graves dont nous parlons ici.
Dans le cas d'une première infraction, voici ce que le paragraphe 92(3) prévoit:
Quiconque commet l’infraction prévue au paragraphe (1) ou (2) est coupable d’un acte criminel passible des peines suivantes:
a) pour une première infraction, un emprisonnement maximal de dix ans;
b) pour la deuxième infraction, un emprisonnement maximal de dix ans, la peine minimale étant de un an;
c) pour chaque récidive subséquente, un emprisonnement maximal de dix ans, la peine minimale étant de deux ans moins un jour.
Je pense qu'il s'agit de certaines des infractions graves commises avec une arme à feu qui font les manchettes à l'heure actuelle. Pour que ce soit bien clair, nous parlons de la perpétration d'une infraction avec une arme à feu, et dans la plupart des cas, ce sont les infractions les plus graves. Elles ne sont pas toutes identiques. Le projet de loi ne se contente pas d'éliminer une série de peines minimales obligatoires. Nous devons mettre chacune d'elles en contexte.
Deux articles ont été adoptés. J'espère que, dans le cas de certains des articles, nous en examinerons les répercussions, nous y réfléchirons et nous déciderons, dans certains cas, de conserver des dispositions qui figurent dans le Code criminel depuis un demi-siècle.
Je vais poser une question à nos témoins pour qu'ils nous expliquent le processus de cet article, car je veux attirer l'attention du Comité sur le fait que la peine minimale prévue dans cet article ne s'applique qu'en cas de récidive. La peine minimale accrue, soit une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour, n'est déclenchée que par une troisième infraction.
Nous avons entendu le témoignage de policiers, de membres de la collectivité et de groupes de victimes qui nous ont dit que les délinquants qui n'ont commis qu'une seule infraction ne les inquiètent pas vraiment. Ils n'ont pas vraiment peur d'une personne qui, en toute innocence, s'est laissée entraîner par un groupe de gens peu recommandables pour commettre une infraction. Nous parlons ici de contrevenants profondément impliqués dans des crimes graves qui, par définition, causent des torts à leurs concitoyens.
Il est déjà assez grave d'être accusé et reconnu coupable d'une infraction, mais même là, ce n'est qu'à la deuxième infraction... Vous avez commis un crime en vertu de cet article, et vous vous en êtes sorti. Vous avez de nouveau commis le même crime, vous avez victimisé un autre Canadien, alors maintenant, vous allez purger un an de prison. C'est un an d'emprisonnement non pas après la première infraction, mais après la deuxième.
Maintenant, imaginez le même individu. Il a été reconnu coupable à deux reprises d'une infraction grave liée aux armes à feu qui a fait des victimes parmi nos concitoyens, que ce soit à la ville ou en zone rurale. Il a été remis en liberté, après avoir eu la possibilité de se réadapter et de changer de cap. Voici qu'il en est à une troisième infraction, dont il a été reconnu coupable aux termes du Code criminel, bénéficiant de la pleine protection de la Charte des droits et d'une défense pleine et entière en vertu de la Charte. Il a été reconnu coupable une troisième fois, et tout ce que le Parlement trouve à dire, c'est qu'une infraction grave liée aux armes à feu qui a transformé des Canadiens en victimes est passible d'une peine minimum de deux ans. Et le projet de loi fait encore mieux en retirant cette peine du Code criminel.
Pourquoi parler de cela, monsieur le président? Parce qu'il est vraiment important que les membres du Comité y réfléchissent. Nous n'avons pas tous à nous intéresser à ces dispositions au quotidien. Nous sommes tous très pris. Nous avons des électeurs. Certains nous appellent parce que le passeport dont ils ont demandé le renouvellement en février n'est toujours pas arrivé. Nous sommes tous occupés et nous avons divers défis à relever, mais c'est maintenant le moment, à cette table, de nous intéresser à l'impact vraiment profond que le Code criminel peut avoir sur la vie des Canadiens.
Des victimes sont venues témoigner. Il est arrivé, et c'est ennuyeux, que des témoins fassent leur exposé sans dire le moindre mot des victimes. Dans à peu près tous les cas, une victime est en cause. Lorsque nous écoutons les victimes, bien sûr... Je ne nierai pas que les avocats de la défense au pénal soutiennent qu'il faut éliminer les peines minimales obligatoires qui ennuient tellement leurs clients. Ces avocats n'en veulent pas. Mais que disent les victimes? Qu'on leur fait carrément injure en réduisant la peine obligatoire que leur agresseur doit recevoir.
La question que, par l'entremise de la présidence, j'adresse aux témoins porte sur la distinction entre le paragraphe 92(3) et d'autres dispositions. Les peines minimales dont il est question ne s'appliquent pas aux délinquants qui en sont à une première infraction, mais aux récidivistes qui, dans certains cas, en sont à leur troisième infraction.
Je dirai aussi... Je lance l'idée aux membres du Comité. J'ai évoqué l'incident dont nous venons d'entendre parler et qui est arrivé à une vedette de la LNH, Mitch Marner, victime de braquage de voiture. Savez-vous quoi? Il n'est pas plus important que n'importe quel autre Canadien. Si nous en parlons, c'est parce que tout le monde le connaît. Il est célèbre. Qu'advient-il de ceux qui ne sont pas Mitch Marner et qui se sont fait voler leur voiture sur le même terrain de stationnement la semaine précédente? Ils comptent aussi. Ce sont aussi des Canadiens.
Ce que je veux dire, et c'est sans doute parfaitement vrai... Si un individu est reconnu coupable une première fois, il a commis une infraction. La police l'a appréhendé, il a subi son procès, il a été jugé coupable et il a reçu sa peine. Et cela arrive une deuxième fois, puis une troisième. Si je demandais à tous les membres du Comité s'ils pensent vraiment que ces incidents sont les trois seules infractions graves au Code criminel dont il s'est rendu coupable, je pense que personne ne le croirait.
Ce sont les infractions pour lesquelles l'individu s'est fait prendre. C'est une chose de se faire prendre. C'est une autre paire de manches que d'être reconnu coupable dans notre système. Les récidivistes ont été pris et condamnés non pas une, ni deux, mais trois fois. Ce sont eux qui sont visés par les minimums proposés.
Par votre entremise, monsieur le président, je demande au témoin de nous expliquer un peu cet article et son application. Quels sont les éléments déclencheurs à chaque étape et leurs conséquences?
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Merci, monsieur le président.
Ma question est terminée. Vous avez bien répondu et je vous en remercie. Je vais maintenant revenir à ce que je disais.
Chaque jour, aux Communes, depuis quelques semaines, la question des crimes liés aux armes à feu revient. Peu importe le journal qu'on lit, la station de radio qu'on écoute ou les médias sociaux qu'on fréquente, il est question de crimes commis avec des armes à feu au Canada. Nous avons affaire à des individus qui sont illégalement en possession d'armes à feu, non pas par erreur, mais parce qu'ils se livrent à des activités criminelles.
Je rappelle au Comité qu'il s'agit ici précisément du problème que les Canadiens nous demandent de régler: la présence d'armes à feu illégales au Canada et le fait qu'elles sont entre les mains d'éléments criminels. Ceux qui sont en cause, ce ne sont pas les chasseurs de canards, les tireurs sportifs ni le pauvre type qui a peut-être hérité d'une arme à feu de son grand-père. Ils ont fait tout le nécessaire pour obtenir un permis, entreposer les armes de façon sécuritaire et obtenir un permis s'ils doivent acheter des munitions, et ils sont assujettis à la loi dans toute sa rigueur. Le problème, ce sont ceux qui inondent nos rues d'armes à feu illégales.
Les armes franchissent la frontière à bord de véhicules, mais il y aussi d'autres moyens de les faire entrer en contrebande. Je n'y avais pas pensé, mais les forces de l'ordre ont toujours un temps de retard sur les criminels. Nous savons qu'il est arrivé qu'on fasse passer des États-Unis au Canada un sac d'armes de poing au moyen d'un drone.
C'est ainsi que certains de ceux qui seront condamnés en vertu de cet article auront pris possession de ces armes à feu illégales. Par définition, ils possèdent illégalement une arme à feu. Ces armes ne sont visées par aucun permis alors qu'elles sont assujetties à des restrictions au Canada.
M. Anandasangaree, la question se discute, mais il fut un temps où on devait enregistrer les armes à feu qui n'étaient soumises à aucune restriction. Vous aviez ce qu'on appelait le registre des armes d'épaule. Il était censé coûter 2 millions de dollars. Il a fini par coûter 2 milliards, je crois. La question a son importance, car un gouvernement conservateur précédent a éliminé ce registre parce qu'il ciblait exactement ceux qu'il ne fallait pas cibler.
Selon mes principes, qui doivent être partagés par les députés de ce côté-ci, quand on a un problème de criminalité, on s'en prend aux criminels. Lorsque j'ai vu des personnes âgées de ma circonscription faire la queue pour obtenir leur permis d'arme à feu, je me suis demandé en quoi cela rendait le Canada plus sûr. Si quelqu'un fait la queue pendant une heure pour obtenir un permis afin de pouvoir posséder une arme à feu — un fusil de chasse ou une carabine dont il a hérité —, comment diable cela rend-il le Canada plus sûr?
C'était donc la loi sur le registre des armes à feu. Nous nous sommes engagés à éliminer ce registre. Nous l'avons fait, et les Canadiens ne s'en portent que mieux. Nous nous en portons tous mieux. Même si nous consacrons dans le monde entier des sommes folles à la lutte contre la pandémie et d'autres fins, les ressources sont limitées. Les ressources fédérales gâchées pour s'en prendre aux honnêtes citoyens ne sont plus là pour pourchasser les bandits. Nous avons entendu toutes sortes de témoignages à ce sujet de la part de policiers: ils manquent de ressources. Il arrive qu'ils n'aient pas les moyens nécessaires pour s'attaquer aux criminels.
Je voudrais mettre en opposition ce que je viens de dire d'une loi qui s'en prenait aux honnêtes citoyens et la proposition à l'étude. Le paragraphe 92(3) du Code criminel vise les mauvais éléments, ceux qui n'ont pas bien compris la première fois et sont retombés dans le crime une deuxième puis une troisième fois.
Étant donné cette vue d'ensemble, je préconise une grande prudence. Réfléchissez à ce que nous disons: nous, parlementaires, pensons qu'une personne peut être trouvée en possession illégale d'une arme de poing au Canada — une arme à autorisation restreinte, une arme sans permis —, et être reconnue coupable sans pour autant aller en prison. Un mois plus tard, la même chose se produit et ce même délinquant comparaît devant les tribunaux, il est reconnu coupable et évite encore la prison. Ensuite, un mois plus tard, théoriquement, exactement la même chose pourrait se produire.
Un certain message commence à se propager. Des témoins nous ont dit qu'il ne fallait pas envoyer ce message: si on commet un crime au Canada, on peut s'en tirer. Des crimes liés aux armes à feu sont tolérés. Or, les armes à feu illégales font partie du problème, et la disposition à l'étude porte là-dessus.
Je vous exhorte à faire preuve d'une extrême prudence avant que nous ne votions sur l'article 3. Pensez au message que nous envoyons non seulement aux criminels — ils comprennent très clairement que, une fois le projet de loi adopté, ils pourront faire tout et n'importe quoi sans subir la moindre conséquence —, mais aussi aux victimes des crimes commis avec une arme à feu. Inutile de vous l'expliquer. On le lit dans tous les journaux. Il y a des victimes de crimes commis avec des armes à feu tous les jours au Canada.
J'exhorte vivement les députés à rejeter l'article 3.
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Merci, monsieur le président.
Comme M. Moore, M. Brock et M. Morrison l'ont souligné, le fait que les libéraux abrogent les peines d'emprisonnement obligatoires prévues par cet article du Code criminel pour les contrevenants qui n'en sont pas à leur première infraction, qui ont été condamnées deux fois ou plus pour une infraction grave commise avec une arme à feu, montre bien que le projet de loi n'est pas ce qu'on prétend.
Les libéraux ont dit que le projet de loi visait les délinquants primaires, ceux qui commettent une erreur et ont peut-être été victimes des circonstances. Dans ces cas, la réadaptation et l'exclusion de la mise en détention seraient peut-être une meilleure solution, mais, monsieur le président, ce n'est pas ce dont il est question dans cet article-ci, qui prévoit des peines d'emprisonnement obligatoires pour une infraction grave commise par des personnes qui ont été reconnues coupables plus d'une fois. Ce n'est pas un cas isolé. Il ne s'agit pas d'une simple erreur. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Les peines d'emprisonnement obligatoires sont prévues pour les récidivistes.
Fait intéressant, à propos du projet de loi qui n'est pas ce qu'on dit, les libéraux disant une chose et en faisant une autre, nous sommes en présence d'un gouvernement qui aime beaucoup parler des armes à feu. Il est obsédé. Il y a de bonnes raisons de s'inquiéter du fait que des membres de gangs et du crime organisé se servent d'armes à feu dans les rues, ce qui sape la sûreté et la sécurité dans les collectivités.
On serait porté à penser que quiconque se préoccupe de la sécurité publique voudra s'en prendre à ceux qui commettent des infractions graves liées à des armes à feu, qui commettent des crimes avec des armes à feu. Or, les libéraux font exactement le contraire. Leur approche consiste à s'en prendre aux propriétaires d'armes à feu respectueux des lois tout en laissant le champ libre à ceux qui commettent des crimes avec des armes à feu. Voilà ce qu'ils font avec ce retour en arrière que constitue l'abrogation de cet article du Code criminel qui prévoit des peines d'emprisonnement obligatoires. Les criminels auraient le champ libre.
Les libéraux ne manquent pas de cohérence. Lors de la dernière législature, mon ancien collègue Bob Saroya a présenté le projet de loi . Cette mesure aurait alourdi les peines d'emprisonnement obligatoires pour les criminels reconnus coupables de possession, en pleine connaissance de cause, d'armes à feu de contrebande. Il semble que la plupart des armes utilisées pour commettre des infractions sont des armes de contrebande, des armes illégales en provenance des États-Unis — dans une proportion d'environ 80 %. Le projet de loi C-238 de Bob Saroya aurait été plus sévère, mais les libéraux l'ont rejeté.
Il y a de nouveaux députés parmi nous, mais d'autres ne sont pas des néophytes. Bob Saroya a toujours défendu sans relâche les intérêts de ses électeurs. Il représentait un secteur de Toronto qui avait été aux prises avec de graves problèmes de criminalité liée aux armes à feu. Il a présenté un projet de loi sensé pour obliger les criminels à répondre de leurs actes — des criminels qui sont sciemment en possession d'armes à feu de contrebande — parce que la contrebande est vraiment la source du problème des crimes liés aux armes à feu.
Qu'ont fait les libéraux? Fidèles à leur laxisme, ils ont voté contre. Maintenant, toujours conciliants face à la criminalité, ils veulent éliminer les peines d'emprisonnement obligatoires pour ceux qui sont en possession d'une arme à feu non autorisée, pour les criminels qui sont reconnus coupables non pas d'une première infraction, mais d'une deuxième ou d'une énième infraction.
Voilà qui montre, monsieur le président, à quel point les priorités du gouvernement libéral sont tordues et à quel point ce qu'ils disent correspond mal à ce qu'ils font. Ils font de belles propositions, et beaucoup de Canadiens y adhèrent. Mais voyons ce qu'ils ont présenté comme projet de loi, voyons comment ils ont réagi au projet de loi du député conservateur de l'époque, Bob Saroya. Il y a tout un contraste avec ce qu'on aurait pu croire à la lumière de ce qu'ils présentent en public, de ce qu'ils disent en campagne, de leurs notes d'allocution.
Monsieur le président, encore une fois, le projet de loi n'est pas ce que les libéraux prétendent. C'est un autre exemple qui montre à quel point les priorités des libéraux sont mal placées.
Nous, conservateurs, croyons que le problème, ce ne sont pas les armes à feu, mais ceux qui commettent des crimes avec ces armes. Les forces de l'ordre l'ont souligné à maintes reprises au Comité. On a posé la question à plusieurs témoins et tous ont répondu que c'était bien là le problème, mais les libéraux veulent s'en prendre à ceux qui respectent la loi. Ils ne tiennent pas vraiment à sévir contre les récidivistes, contre ceux qui commettent des infractions et qui possèdent intentionnellement et sciemment des armes à feu de contrebande ou non autorisées.
Monsieur le président, j'espère que les députés d'en face prendront le temps de réfléchir sérieusement à ce qui se passe. Je les invite à le faire, car je ne pense pas que nous allons pouvoir étudier tous les articles dans les 25 minutes qu'il nous reste aujourd'hui. J'encourage vraiment les députés d'en face à prendre le temps de lire les propos de certains des témoins qui ont comparu devant le Comité — des représentants des forces de l'ordre et des victimes — au sujet de l'incidence des infractions liées aux armes à feu. Ils pourraient alors se demander en quoi l'élimination des peines d'emprisonnement obligatoires pour les criminels qui commettent deux, trois ou quatre infractions est utile et logique.
J'aimerais bien que les libéraux m'expliquent la logique de cette disposition, qu'ils me disent en quoi elle est fidèle à la description qu'ils ont faite du projet de loi, qui est censé aider ceux qui ont été victimes des circonstances ou ont commis une erreur isolée. L'élimination des peines d'emprisonnement obligatoires prévues au paragraphe 92(3) ne cadre pas avec cette description. C'est même tout le contraire.
Merci, monsieur le président.
Avant qu'on m'interrompe, je parlais, me semble-t-il, de la triste réalité du fait que de nombreuses communautés autochtones doivent faire bouillir leur eau. Il est répugnant de voir le gouvernement libéral prétendre être un allié de nos voisins autochtones et de voir ces gens — des centaines, des milliers, des dizaines de milliers — souffrir.
Ne serait-ce pas différent si, dans la Cité parlementaire, nous avions tout à coup un problème de chlore dans l'eau potable, comme cela s'est passé au Nunavut à quelques reprises quand du diésel s'est infiltré dans le système d'approvisionnement en eau? Vous avez vu la rapidité avec laquelle le gouvernement a réagi. Ne serait-ce pas différent si, dans cette enceinte, nous avions un problème semblable? Des mesures immédiates, quel qu'en soit le coût, ne seraient-elles pas prises et déployées pour corriger la situation? Cela se ferait en moins d'une semaine. Nous n'aurions pas à attendre des années.
C'est l'héritage de ce gouvernement, et c'est le message qu'il adresse à mes amis autochtones et à mes voisins autochtones partout au pays.
J'ai parlé de l'eau. Il y a aussi les enjeux du logement. Il y a le manque d'éducation, parce que le système traumatisant des pensionnats l'a empêchée et a privé les parents et les grands-parents de leurs compétences sociales et des codes sociaux qui leur auraient permis d'élever leurs enfants, de guider leurs enfants pour en faire des citoyens respectueux des lois. Il n'est pas étonnant, monsieur le président, que, dans ces circonstances — et je reviens à ce que je disais tout à l'heure —, il y ait tant de délinquants autochtones se livrant à des activités criminelles très graves. Nous avons entendu non seulement le chef de la police de la ville de Brantford, mais aussi le chef du service de police des Six Nations. Les deux sont autochtones, monsieur le président, et ils ont tous les deux décrit une situation hors de contrôle et anarchique sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand.
À vrai dire, il y a quelques années — j'étais procureur de la Couronne à l'époque —, le chef de police nous avait fortement recommandé de ne pas voyager sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand pendant la journée, parce que les poursuites à grande vitesse y étaient fréquentes. À l'époque, le territoire des Six Nations de la rivière Grand avait la réputation d'être la capitale du vol de voitures au Canada. C'était un commerce très lucratif pour beaucoup de jeunes Autochtones. On en est arrivé au point où on nous recommandait de ne pas s'y déplacer pendant la journée.
Compte tenu de tous ces facteurs, monsieur le président, il n'est pas étonnant que nous nous retrouvions dans une situation où il y a beaucoup trop de délinquants autochtones dans notre système carcéral, et beaucoup de Noirs — qui sont des Canadiens. J'ai lu de nombreux articles de journaux, regardé des émissions de télévision et lu des articles en ligne sur l'importance grandissante des activités des gangs dans les grands centres. La majorité de ces gangs sont malheureusement composés de Canadiens noirs, et ils recrutent activement des jeunes Noirs, parce que ces jeunes ont peu de chances de s'en sortir dans les grands centres.
Je sais qu'à la dernière élection, le gouvernement et même le Parti conservateur ont parlé de mesures d'atténuation de la criminalité. Nous avons parlé des moyens de dissuader les délinquants d'entrer dans l'engrenage de la justice pénale. Il en était question dans le programme conservateur. Je sais que le gouvernement en a parlé dans sa plateforme électorale et qu'il en parle à la Chambre, mais que fait-il à part parler, tenir des réunions et, pour reprendre les mots de la , convoquer des assemblées?
Il est temps de passer de la parole aux actes. Les bottines doivent suivre les babines. S'ils prennent vraiment au sérieux les répercussions globales de la réforme du système de justice pénale, nous devons examiner non seulement la loi actuelle, mais aussi les causes sous-jacentes. Cet aspect n'est pas abordé. Je sais que ce n'est pas un élément du projet de loi , mais nous ne voulons pas que ce projet de loi ne soit qu'une solution de fortune à cet important problème global. C'est ce problème global que nous, parlementaires, devons garder à l'esprit.
Le Comité sera probablement très heureux de savoir que je vais passer à un autre sujet. Je pense avoir exprimé mon point de vue sur les enjeux autochtones dans ma circonscription. J'aimerais approfondir l'article 244.
Comme procureur — j'en ai parlé tout à l'heure —, j'ai eu à traiter au moins une douzaine de causes relevant de l'article 244. Il s'agissait surtout de fusillades au volant d'une voiture ou de fusillades entre gangs. Un cas en particulier s'est produit à l'extérieur d'un dépanneur, où je m'arrêtais tous les jours pour acheter le journal en rentrant dîner chez moi. Je me suis trouvé là trois jours avant que ce crime y soit commis. Mon véhicule est connu de la police municipale de Brantford. Selon l'entente, nous devons communiquer nos numéros d'immatriculation à la police locale pour qu'elle puisse nous protéger.
Monsieur le président, j'ai eu à traiter de nombreuses causes à l'occasion desquelles ma vie et celle des membres de ma famille ont été menacées. J'ai dû renforcer la sécurité de ma maison, changer les serrures, installer des vitres pare-balles et des caméras de surveillance. J'ai dû affronter toute une kyrielle de problèmes. Quand quelqu'un me demande : « Monsieur Brock, parlez-moi d'une journée dans votre vie de procureur », je peux lui répondre: « Je ne sais pas si, quand je me présente au bureau, j'aurai affaire à un vol à l'étalage ou à un homicide. » Je m'occupais de toutes sortes d'affaires. Compte tenu de mon expérience, monsieur le président, on me confiait le plus souvent les affaires d'homicide, les activités liées aux gangs, les fusillades et les cas d'exploitation d'enfants.
Pour revenir à l'histoire du dépanneur, un agent m'a vu et m'a dit: « Qu'est-ce que vous faites ici, Brock? Que faites-vous dans ce magasin? » Le dépanneur avait une réputation notoire en matière criminelle.
Je lui ai dit: « Je viens juste chercher le journal. Pas de souci. »
Trois jours plus tard, à peu près à la même heure, deux personnes qui s'étaient déjà querellées se trouvaient là. Il était 14 heures. Celui qui était à l'intérieur du magasin pour acheter une boisson gazeuse ou je ne sais quoi est sorti, et le délinquant s'est aussitôt placé devant lui, à six pieds, avec une arme de poing. Il l'a visé, la victime a sorti, elle aussi, une arme de poing. Ils ont tiré tous les deux. C'était en plein jour, à 10 pieds de la porte d'entrée du dépanneur où j'allais chercher mon journal.
Heureusement, les deux étaient d'assez bons tireurs, c'est-à-dire qu'ils se sont tiré l'un sur l'autre et n'ont touché aucun passant, mais vous pouvez imaginer la panique. Vous pouvez imaginer la peur et la confusion.
C'est de cela qu'il est question à l'article 244. Ce n'était pas un primodélinquant. Ce n'était pas une première infraction mineure. Ces deux-là voulaient se blesser l'un l'autre. Ils voulaient se mutiler l'un l'autre. Ils voulaient se défigurer l'un l'autre et mettre en danger la vie l'un de l'autre.
Monsieur le président, le Parti vert estime que l'élimination des peines minimales obligatoires réglera le problème de la surincarcération et suscitera un certain sentiment de responsabilité chez les délinquants. Je ne sais pas où les verts prennent leurs sujets de discussion, mais, croyez-moi, ils devraient passer une journée dans la vie d'un procureur qui est sur le terrain tous les jours à s'occuper de ces crimes graves. Ils sont complètement à côté de la plaque. On parle ici d'activités dangereuses.
Il n'y a pas si longtemps, les membres du Comité ont peut-être entendu parler de la fusillade de Just Desserts à Toronto — ou était-ce à Scarborough? M. Anadasangaree s'en souviendra probablement.
Permettez-moi de raconter au Comité des circonstances de la fusillade de Just Desserts, car il s'agissait d'une infraction relevant de l'article 244:
La fusillade de Just Desserts est un crime notoire qui s'est produit à Toronto dans la soirée du mardi 5 avril 1994. Peu après 23 h, trois hommes ont fait irruption dans le café Just Desserts, établissement populaire situé sur le chemin Davenport, dans le quartier Yorkville de Toronto.
Ce n'était donc pas à Scarborough, monsieur Anadasangaree.
Un des hommes était armé d'un fusil de chasse. Les voleurs armés ont ordonné aux trente employés et clients de se rendre à l'arrière de l'établissement et se sont emparés de leurs objets de valeur.
Parmi les clients de ce soir-là, il y avait Georgina Leimonis, une jeune coiffeuse de 23 ans, qui était accompagnée de son petit ami. Une querelle a éclaté lorsque deux hommes parmi les clients ont refusé de remettre leur portefeuille; ils ont été frappés à coups de poing par l'un des voleurs. Peu après, l'homme au fusil de chasse a tiré et atteint [la victime] à la poitrine. Les voleurs ont fui le restaurant. [Elle] a été transportée d'urgence à l'hôpital pour une intervention chirurgicale et elle est décédée par la suite, à 2 h 45 le mercredi matin.
Une caméra de sécurité du restaurant a filmé toute la scène, mais, en raison de sa faible qualité et de l'absence de son, il a été difficile de se faire une idée précise des événements et d'identifier les meurtriers. La police s'est mise à la recherche de quatre hommes, les trois qui avaient participé au vol à main armée et celui qui les avait aidés à préparer le coup. La police a été critiquée quand elle a diffusé une description des délinquants indiquant qu'il s'agissait d'hommes noirs faisant 6 pieds. Beaucoup de gens ont estimé qu'une description aussi vague ne ferait rien pour aider à capturer les coupables et ne ferait que renforcer les stéréotypes selon lesquels les hommes noirs sont des criminels.
Une semaine après la fusillade, Lawrence Augustus Brown a été identifié comme suspect et s'est rendu à la police. Un autre des trois délinquants, O'Neil Rohan Grant, a été arrêté peu après. L'automne suivant, Gary George Francis et Emile Mark Jones ont été arrêtés. Grant, Francis et Jones ont été accusés d'homicide involontaire coupable et de vol qualifié. Brown, qui avait tiré avec son fusil de chasse, a été accusé de meurtre au premier degré. Les accusations portées contre Jones, qui n'avait pas participé directement au vol, ont par la suite été abandonnées.
Le crime, déjà connu, est également devenu notoire parce qu'il a été très mal géré. L'ouverture du procès a pris beaucoup de temps, et les hommes sont restés en prison pendant des années, se voyant refuser une libération sous caution sans avoir été traduits en justice. L'affaire a été entachée d'erreurs de la part de la police et des procureurs, mais elle a surtout été prolongée par des avocats de la défense qui ont par la suite été accusés de conduite non professionnelle. La nouvelle équipe de la défense a fait valoir que les accusations devaient être abandonnées en raison du long délai, mais la requête a été rejetée. Au moment du procès, 40 000 pages de dossiers liés à l'affaire s'étaient accumulées.
Le procès a commencé en mai 1999, Brown ayant alors décidé de se défendre lui-même. Ce procès est devenu l'un des plus longs au Canada, Brown contre-interrogeant abondamment chaque témoin, souvent pendant deux jours.
Des allégations de racisme et de discrimination...
Où donc avons-nous déjà entendu cela?
...ont été soulevées dès le début. L'un des avocats — des dizaines ont été embauchés, congédiés et renvoyés — a désigné l'acte d'accusation comme « l'équivalent moderne d'un lynchage ». De plus, dans une lettre adressée en 1995 à Ian Scott, alors avocat-conseil principal pour les enquêtes spéciales au Bureau des avocats de la Couronne, les avocats de l'accusé ont allégué que « cette affaire a fait l'objet d'une énorme publicité [...] non pas en raison de la nature du crime proprement dit, mais parce que les défendeurs sont tous noirs, que Mme Leimonis...
— la victime —
...est blanche et que l'incident s'est produit dans un restaurant de la classe moyenne supérieure fréquentée principalement par des Blancs ».
Ce que je n'ai pas dit, c'est qu'elle n'a pas été la seule victime, monsieur le président. Une douzaine d'autres victimes, sinon deux douzaines, ont été sous le feu de ces tirs aléatoires destinés à blesser, à mutiler, à défigurer et, dans le cas particulier de cette victime, à mettre fin à une vie.
Un résumé cinglant de 60 pages de la décision du juge Brian Trafford jette une lumière crue sur la police et sur le système de justice. L'utilisation sélective de fers aux jambes, d'entraves ventrales et de menottes sur les trois suspects témoigne d'une « insensibilité culturelle à l'égard des Noirs », a déclaré le juge Trafford. Il a également conclu que, jusqu'à ce jour, la police de Toronto « n'avait jamais mené d'enquête approfondie sur les allégations de mauvais traitements ». Des militants, en colère contre l'utilisation d'entraves, ont évoqué le spectre de la traite des esclaves. Ils ont fait remarquer que Paul Bernardo n'avait jamais été enchaîné dans la salle du tribunal.
Voici le verdict:
L'affaire a continué de susciter énormément d'intérêt dans la population. Le lendemain de la clôture du procès, le 6 décembre 1999, le Globe and Mail a consacré six pages au meurtre et au procès. C'était sans précédent. Le verdict a été rendu le 11 décembre: Brown et Francis ont été reconnus coupables, et Grant a été acquitté. Brown a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Francis a été condamné à quinze ans de prison, dont ont été soustraites les sept années passées en prison pendant le procès. Il était donc admissible à la libération conditionnelle trois ans plus tard, mais la demande qu'il a présentée en 2002 a été rejetée. Il a été libéré sous condition en 2005. Le 24 février 2008, Francis a été trouvé en possession de 33 grammes de crack et, en mai 2008, il a été condamné à 7 mois et demi de prison pour plusieurs infractions liées aux drogues...
Je parlerai plus tard du volet drogues du projet de loi , mais certainement pas en lien avec cet article.
...Grant a été expulsé du Canada vers sa Jamaïque natale, où il a été tué par balle le 29 octobre 2007.
C'est un exemple, monsieur le président.
J'en ai un autre. Quelqu'un se souvient-il de la fusillade du lendemain de Noël au centre-ville de Toronto, au coin de Yonge et Dundas? C'est l'une des zones commerciales les plus achalandées de tout le Canada. Je parle de l'affaire Jane Creba. Cette fusillade:
qui était liée à un gang canadien...
Cette affaire relevait également de l'article 244.
...a eu lieu le 26 décembre 2005, sur la rue Yonge, à Toronto, entraînant la mort de Jane Creba, une étudiante de 15 ans.
Elle avait eu le malheur de prendre l'argent que ses parents et sa famille lui avaient offert pour Noël et de descendre la rue pour aller au magasin de disques. Toronto avait des magasins de disques sur la rue Yonge en 2005.
Elle n'est jamais arrivée au magasin de disques. Elle n'a jamais dépensé son argent de Noël.
Elle n'a pas été la seule victime, monsieur le président. Six autres passants — quatre hommes et deux femmes — ont été blessés.
Je ne veux pas manquer de respect à M. Morrice. Je pense que c'est un homme bien et un bon parlementaire. J'ai beaucoup de respect pour lui. C'est la position de son parti que je critique, monsieur, pas lui.
Entre cet incident et l'amendement, il y a vraiment un décalage par rapport à ce que nous essayons de faire ici. Notre objectif n'est pas de faciliter la vie de ceux qui se lèvent le lendemain de Noël pour aller tirer au hasard dans l'une des zones les plus achalandées du pays.
Dois-je préciser que Jane Creba n'était pas la victime visée? Il y avait à proximité une autre personne apparentée à un gang. Soyons honnêtes: mis à part l'exemple des deux jeunes gens qui se trouvaient à l'extérieur du dépanneur de Brantford et qui étaient de bons tireurs, ce sont des armes illégales qui sont employées dans les activités liées aux gangs et les fusillades. Ce ne sont pas des armes d'épaule. On ne se pointe pas avec une arme d'épaule chez un dépanneur en disant: « Hé, je vais te braquer. » On veut dissimuler cette arme. Et on ne peut pas dissimuler une arme d'épaule.
En l'occurrence, ce que je veux dire, c'est que ces criminels ne sont pas pourvus. Ils n'ont pas de formation. Ce ne sont pas des tireurs experts. Ils se contentent de tirer dans tous les sens en espérant qu'une balle puisse atteindre leur cible. Et, en l'occurrence, ce n'est pas la cible qui a été atteinte. Le tireur a tué Jane Creba, 15 ans. Six autres passants — quatre hommes et deux femmes — ont été blessés.
L'histoire a suscité une couverture médiatique nationale au Canada et a orienté la campagne électorale fédérale de 2006, alors en cours, vers les enjeux liés aux crimes commis avec arme à feu et à la violence dans les rues.
La police a arrêté deux hommes accusés de plusieurs infractions liées à des armes à feu à la station de métro de Castle Frank dans l'heure qui a suivi la fusillade: Andre Thompson, 20 ans, qui était en probation à l'époque, et Jorrell Simpson-Rowe, 17 ans. Thompson avait été libéré juste avant Noël de la prison de Maplehurst, près de Milton, où il avait purgé 30 jours pour avoir participé à un vol chez un dépanneur. Il a refusé une audience de cautionnement pour les nouvelles accusations. La police estime que 10 à 15 personnes ont participé à la fusillade et que plusieurs armes ont été utilisées.
Vingt détectives de la police de Toronto ont été affectés au dossier dans le cadre du projet Green Apple. Le projet a été nommé Green Apple parce que Jane adorait les pommes vertes. Au petit matin du 13 juin 2006, la police de Toronto a effectué de multiples descentes dans 14 endroits de Toronto, arrêtant six hommes et deux adolescents. Ils ont été accusée, selon le cas, d'homicide involontaire coupable, de meurtre au deuxième degré et de tentative de meurtre contre les six autres passants. Toutes les personnes arrêtées faisaient partie de deux gangs de rue différents.
En octobre 2007, Eric Boateng, un jeune homme qui avait été raflé dans le cadre de l'arrestation initiale, a été abattu au cours d'un incident apparemment sans rapport. Boateng n'avait pas été accusé de fusillade, mais avait été accusé plus tard de trafic de cocaïne.
C'est dommage, je suppose, que cela ne se soit pas produit en 2022, parce qu'il aurait pu être condamné à une peine avec sursis. Mais je parlerai de cet aspect du projet de loi en temps et lieu.
En décembre 2007, 10 personnes ont été accusées de meurtre ou d'homicide involontaire coupable, dont trois étaient des adolescents. Tyshaun Barnett et Louis Woodcock, tous deux âgés de 19 ans, Jeremiah Valentine, 24 ans, et Jorrell Simpson-Rowe, 17 ans au moment de la fusillade, ont été accusés de meurtre au deuxième degré.
L'un des adolescents arrêtés en juin et accusés d'homicide involontaire coupable a été disculpé le 25 octobre 2007, après l'audience préliminaire. L'adolescent accusé de meurtre a été traduit devant les tribunaux. Le 7 décembre 2008, Jorrell Simpson-Rowe — auparavant connu sous le nom de JSR parce que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents interdit la divulgation de l'identité des mineurs — a été déclaré coupable de meurtre au deuxième degré par un jury. En avril 2009, il a été condamné comme adulte à l'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant sept ans.
En novembre 2009, les accusations d'homicide involontaire coupable portées contre quatre personnes impliquées dans l'incident ont été abandonnées, parce que les procureurs estimaient qu'il ne serait vraisemblablement pas possible de les faire condamner.
À ce sujet, j'insiste vraiment sur le principe du pouvoir discrétionnaire d'intenter des poursuites, monsieur le président, mais, en plus de ce principe de base, nous sommes également liés par deux règles. Tout procureur doit se poser deux questions.
Premièrement: est-il dans l'intérêt public de donner suite à l'affaire? Il s'agit généralement d'une analyse à très faible seuil, monsieur le président. Il suffit de regarder la taille du Code criminel, qui représente toutes les lois du pays. Compte tenu des multiples façons de commettre des infractions criminelles, il est facile de comprendre que les accusations vont des vraiment moins graves aux vraiment plus graves, dont le meurtre. J'ai eu souvent l'occasion d'exercer mon pouvoir discrétionnaire en me demandant si la poursuite servait l'intérêt public et de conclure, monsieur le président, qu'il y a peut-être — pour reprendre le langage du gouvernement libéral — des situations où de bonnes personnes prennent de très mauvaises décisions lors d'une mauvaise journée. Il m'est arrivé, en lisant le dossier de la Couronne, de me dire qu'il était inutile de consacrer toutes ces ressources publiques en temps et en argent — mon temps, celui des juges, celui des policiers chargés de la surveillance et de la sécurité, et celui des greffiers de la cour et des autres employés qui traitent les documents — à telle ou telle poursuite.
Cela ne s'est pas produit souvent, monsieur le président. Je peux probablement compter sur les doigts des deux mains le nombre de fois où, en 18 ans, je n'ai pas répondu à la question par l'affirmative, et j'ai toujours eu l'appui de M. Naqvi, mon patron ultime à l'époque, pour justifier la décision de retirer l'affaire du volet des poursuites criminelles. C'est la première question qu'on se pose comme procureur.
La deuxième question est vraiment importante, parce qu'il faut se la poser très souvent tout au long du processus d'accusation criminelle.
Comme je l'ai indiqué au Comité, certaines affaires peuvent être réglées très rapidement, peut-être en deux ou trois mois. D'autres, avec l'avènement des litiges fondés sur la Charte — comme vous l'avez entendu quand j'ai lu le cas du congédiement, de la réembauche, du congédiement et de la réembauche de l'avocat de la défense — peuvent traîner pendant des mois, voire des années, mais tout au long de ce processus, à chaque point déterminant de cette poursuite en particulier, comme procureurs, nous devons nous demander s'il existe une perspective raisonnable d'obtenir une condamnation.
J'ai posé cette question le premier jour où j'ai reçu un mémoire de la Couronne de gens comme mon collègue, M. Morrison, à l'époque où il œuvrait dans le domaine de l'application de la loi, jusqu'au jour où j'ai reçu d'autres documents de sa part ainsi que d'autres agents d'application de la loi aux vues similaires. C'en est au point où j'entamerais des discussions avec l'avocat de la défense, ou peut-être des discussions réfléchies et productives avec mes collègues, parce que, même si nous avons tous des diplômes en droit et que nous avons tous la même formation en droit pénal — surtout dans le cas du Bureau du procureur général où nous avons de nombreuses occasions de formation continue dans le domaine juridique —, certains retiennent davantage de choses que d'autres. Dans les affaires importantes, il m'arrivait souvent d'être jumelé à un autre collègue et nous échangions tout simplement des idées. On peut toujours dire: « Je considère qu'il s'agit d'une affaire où il y a une chance raisonnable d'obtenir une condamnation », mais un confrère ne verra peut-être pas les choses de la même façon.
Encore une fois, le service des poursuites de la Couronne évalue, réévalue, accueille avec satisfaction et reçoit constamment d'autres renseignements de la part des organismes d'application de la loi et de l'avocat de la défense, à qui il incombe souvent de présenter le meilleur dossier possible pour son client ou sa cliente. Dans le cas particulier d'un délinquant autochtone ou d'un délinquant marginalisé, il me faut parler de son éducation si l'on espère que j'abandonne complétement la poursuite, ce qui est une pilule très amère pour moi à avaler et, bien franchement, qui est contraire à la politique de l'Ontario concernant les procureurs de la Couronne, parce que notre politique était très claire: s'il existe une possibilité raisonnable d'obtenir une condamnation, chaque infraction liée aux armes à feu doit faire l'objet de poursuites, et l'on ne peut déroger à cette politique qu'avec la permission de son gestionnaire du service des poursuites.
Monsieur le président, cela s'est produit, et cela m'est arrivé à quelques reprises avec des délinquants autochtones. Comme je vous l'ai dit, Brantford a un tribunal Gladue, le tribunal autochtone, et je me souviens très bien de cette affaire. Il s'agissait d'une personne qui avait un lourd casier judiciaire, non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, et qui répondait à tous les critères Gladue auxquels on peut penser: famille instable, absence d'emploi, manque d'éducation, insécurité alimentaire et liens avec le système des pensionnats. Chaque marqueur était coché.
Monsieur le président, il s'est retrouvé en possession d'une arme à feu chargée. Il ne l'a pas utilisée, mais selon le libellé du projet de loi , il était passible d'une peine minimale obligatoire. Cependant, dans ce cas particulier, nous avons entamé une discussion poussée non seulement au sujet de l'infraction, mais aussi au sujet du délinquant et de la façon dont, selon moi, les tribunaux autochtones, les tribunaux Gladue, fonctionnent. Il est évident que nous n'avons pas assez de tribunaux Gladue au Canada. En toute honnêteté, je pense que le gouvernement devrait envisager de les rendre obligatoires. Je sais qu'il devra travailler avec divers ministères provinciaux pour mettre cela en œuvre. Il y a des avantages pour ces délinquants, monsieur le président, et le projet de loi ne fait qu'effleurer la surface.
Dans ce cas particulier, j'ai entendu son histoire. C'est une occasion que n'avait pas les procureurs de la Couronne avant. En fait, j'avais déjà poursuivi cette même personne pour une infraction différente deux ou trois ans plus tôt. Je ne me souvenais pas de lui, mais lui se souvenait certainement de moi.
À la façon dont le tribunal autochtone fonctionne, le délinquant n'est pas tenu d'admettre sa culpabilité. Normalement, l'acte d'accusation est lu à haute voix au justiciable qui décide alors de plaider coupable ou non coupable. Devant un tribunal autochtone, on part du principe que la personne accusée agit de son plein gré et accepte ses responsabilités et qu'elle doit normalement plaider coupable, mais nous examinions attentivement les circonstances de l'infraction et la situation du délinquant pour déterminer la meilleure peine à lui infliger. En l'occurrence, il n'a pas été mis en accusation. Nous étions tous dans un cercle, parce que le concept du tribunal autochtone est d'éliminer les obstacles.
Des témoins qui ont comparu devant le Comité ont dit que les Autochtones ne font pas confiance au système de justice pénale. Ils ont leur Grande loi. Nous avons notre Code criminel. Les deux systèmes ne pourraient être plus diamétralement opposés, et parce qu'ils le sont, il y a une méfiance inhérente.
Les deux pionniers du tribunal autochtone dans la région de Brantford étaient la juge Colette Good, une ancienne procureure de la Couronne à Brantford, et un autre juge dont le nom m'échappe pour l'instant. Il me reviendra. Ce sont aussi des Autochtones. Tout le concept est né de l'idée de rendre la justice différemment pour nos délinquants autochtones.
Monsieur le président, la Brantford Indigenous People's Court existe depuis plus de 10 ans dans la région de Brantford. Il y a une dizaine d'années, voire plus, nous savions que la surreprésentation dans les prisons était un problème. La magistrature de Brantford a immédiatement pris des mesures pour remédier à la situation.
Une partie de la composition du tribunal autochtone est que les juges ne se présenteraient pas dans cette salle avec leur toge. Ils enlèveraient la toge noire. Ils enlèveraient leur ceinture rouge. Ils enlèveraient leur rabat et se présenteraient en tenue de ville.
Nous savons tous à quoi ressemble un tribunal pénal. quand on entre, on voit des rangées de sièges, on voit ce qu'on appelle la balustrade qui sépare les avocats et le personnel du public. Il y a la barre, une ouverture, des chaises pour les avocats de la défense et de la Couronne, des tables, le greffier du tribunal et le sténographe judiciaire. Et puis, il y a ce qu'on appelle la tribune. C'est là que les juges siègent.
M. Anandasangaree le sait parce qu'il est avocat.
M. Gary Anandasangaree: Je ne le savais pas.
M. Larry Brock: D'accord, je suis heureux que vous appréciiez. C'est instructif, n'est-ce pas?
Monsieur le président, cette tribune est probablement — je ne sais pas — surélevée de 10 pieds. Cela crée une barrière psychologique, un obstacle que les juges de ce tribunal voulaient éliminer. Ils ont insisté pour que, lorsqu'ils se présentent au tribunal, ils entrent directement dans un cercle.
Le cercle a été conçu autour de la notion de respect mutuel et pour tenir compte des traditions autochtones. Quand des décisions importantes sont prises en compagnie d'aînés, de membres de la famille et de personnes de l'extérieur, il faut un cercle afin qu'il y ait une compréhension et une chaîne de communication qui ne sera pas brisée par la circulation des gens dans la salle d'audience.
Nous avions aussi l'avantage de détenir une plume d'aigle. La plume d'aigle est très importante pour les hommes, les femmes et les enfants autochtones parce qu'elle représente leur lien avec notre mère la Terre. Elle est un lien des consciences qui leur permet de s'exprimer librement sur une question sans préjugé, sans crainte, sans critique. La seule façon pour ces cercles autochtones de fonctionner, c'est de briser les normes traditionnelles d'un cadre criminel traditionnel.
Ces cercles sont ouverts par un gardien du savoir autochtone. Dans la bande des Six Nations de Grand River, on comptait probablement une demi-douzaine de gardiens du savoir autochtone qui assistaient régulièrement au tribunal autochtone. Nous tenions ces tribunaux deux ou peut-être trois fois par mois. Les gardiens du savoir autochtone étaient présents et ouvraient la cérémonie en s'exprimant dans leur langue autochtone. Ils traduisaient ensuite pour les membres non autochtones du cercle. Très souvent, ils parlaient d'ouvrir son âme, son esprit et ses oreilles pour accepter l'information qui allait être communiquée, pour abandonner le rôle juridique traditionnel, pour faire partie du cercle et pour avoir une compréhension claire.
Après l'ouverture, la plume d'aigle est transmise de l'un à l'autre dans le sens contraire des aiguilles d'une montre — je ne sais pas ce que cela signifie, mais il y a une signification — et chacun peut parler, mais quand vient son tour seulement et après avoir reçu la plume d'aigle. La plume circule plusieurs fois et le premier tour consiste simplement à se présenter au délinquant. Très souvent, des membres de la famille du délinquant sont présents mais il arrive qu'il n'y ait personne. Il y a aussi des représentants des organismes sociaux qui s'occupent des délinquants autochtones dans le système de justice pénale de Brantford.
Quand j'avais la plume au premier tour, je m'identifiais, je précisais mon rôle professionnel et j'informais le délinquant que c'était une présentation où on ne portait pas de jugement et que je n'étais pas là pour critiquer. J'étais là pour écouter et apprendre, et je voulais être dans une position où j'étais muni de tous les outils nécessaires pour m'acquitter de ma responsabilité et exercer mon pouvoir discrétionnaire si c'était justifié. Je l'expliquerais au délinquant.
Je viens de vous donner un aperçu du tribunal autochtone. Au cours de cette première série de questions, je parlerai plus précisément de l'affaire à laquelle je fais allusion. En l'occurrence, le délinquant que j'ai...
:
Ce délinquant, qui avait un casier judiciaire ici et aux États-Unis, faisait face à une grave accusation. Il m'a demandé si je me souvenais de lui. J'ai répondu que non et lui ai demandé si je devais.
Il a dit que je l'avais poursuivi au criminel. Il m'a dit que je m'étais fiché de lui il y a deux ans. Il a dit exactement que je me fichais de lui il y a deux ans, alors pourquoi devrait-il m'écouter maintenant?
C'est une remarque juste. Neuf fois sur dix, si ce n'est 99 % du temps, l'accusé a un avocat qui le représente. Il y a des règles de déontologie, monsieur le président, que vous connaissez en tant qu'avocat vous-même, comme l'exige le Barreau de votre province. En ma qualité d'avocat de la Couronne, je ne pouvais pas simplement aller voir un délinquant et le forcer à me parler. Il s'en souvenait. Ce qu'il voulait dire, c'est que je m'en fichais, alors que je n'avais pas la capacité de lui poser des questions ou de lui parler. Peut-être ne savait-il pas que j'avais l'obligation éthique de ne pas le faire.
En toute franchise, tous les avocats du Comité qui ont eu affaire à un tribunal pénal chargé de nombreux dossiers savent que l'on n'a pas cette possibilité. Bon an mal an, monsieur le président, je traitais 30 à 40 affaires par jour. Il n'est pas possible d'apprendre à connaître un délinquant. Je lui ai dit que sa remarque était juste, mais que le modèle que nous avions était très différent et je lui ai expliqué en quoi il était différent.
Au deuxième tour, pour la première fois de ma vie, j'ai directement parlé au délinquant, je l'ai pointé du doigt et je lui ai demandé à quoi il avait bien pu penser. Qu'est-ce qui l'avait poussé à saisir cette arme chargée ce jour-là? Quelles étaient les circonstances?
Encore une fois, je n'avais jamais eu l'occasion de le faire comme procureur de la Couronne, sauf dans le cadre d'un procès. Il avait la possibilité de témoigner, mais il n'y était pas tenu selon la Constitution. En tout temps, le fardeau de la preuve, hors de tout doute raisonnable, incombe au procureur de la Couronne. Jusqu'à ce qu'un juge rende une décision, les accusés ont le luxe de la présomption d'innocence. Ils ne sont pas obligés de fournir une défense. Ils n'ont pas à réfuter quoi que ce soit. Ils peuvent attendre patiemment dans l'ombre et déterminer si M. Brock, la Couronne ou tout autre procureur de la Couronne a établi tous les éléments essentiels de l'infraction.
C'était différent, et il a reconnu la différence. Tout se déroulait lentement, comme quand on pèle les couches d'un oignon. Il y avait mes questions. Le juge et l'avocat du délinquant posaient des questions semblables. Le gardien du savoir essayait de comprendre pourquoi il s'engageait, comme fier membre d'un clan autochtone, dans ce genre de comportement criminel. Les membres de la famille étaient là.
Ces événements étaient très émouvants, monsieur le président. Bien des fois, je n'en croyais pas mes oreilles parce que nous allions vraiment au cœur du problème, ce que l'on ne peut pas faire dans un procès normal. On n'obtiendrait jamais cela simplement en lisant un rapport Gladue. On n'obtiendrait jamais cela simplement en écoutant l'avocat de la défense parler de la situation de son client, de ses antécédents.
Une fois que vous avez vécu ce genre... d'éveil de conscience, si je peux m'exprimer ainsi, et que vous cherchez à savoir pourquoi l'accusé a eu des démêlés avec la justice, vous passez au tour suivant et vous cherchez des façons qui permettraient au délinquant de tirer des leçons de cet exercice particulier.
Encore une fois, c'est un concept qui n'a rien à voir avec le modèle traditionnel de justice pénale. Si, comme poursuivant, vous réussissez à obtenir une condamnation ou un plaidoyer de culpabilité, après le procès, vous ne vous demandez pas pourquoi. Vous ne mettez pas en doute les mesures que l'accusé va prendre pour sa propre réadaptation.
Je sais que la réadaptation est un élément important de la détermination de la peine dans tous les cas, mais dans un système pénal traditionnel, elle n'est pas toujours aussi importante que les autres principes de détermination de la peine, en particulier dans les domaines que j'ai mentionnés par ailleurs — il y a plusieurs heures de cela —, quand j'ai parlé du fait que des juges ont réclamé à maintes reprises des principes de détermination de la peine qui appliquent des peines exemplaires pour les infractions liées à des armes à feu et qui envoient un message dissuasif très senti au délinquant et à la communauté: si vous vous adonnez à de telles activités, vous devez vous attendre à recevoir une peine d'emprisonnement, et ce n'est pas seulement au Canada. J'ai fait des recherches dans la jurisprudence sur d'autres affaires plus importantes au pays.
Pour revenir au cercle autochtone, j'ai pu entendre ce que le délinquant avait pensé faire dans sa vie. Il a été très franc. Je pense qu'il a été grand-père à de nombreuses reprises. Je crois qu'il était dans la soixantaine à ce moment-là. Il a subi des sévices horribles, physiques et sexuels, tant en dehors du système de justice pénale que comme délinquant. Sa situation était beaucoup plus grave aux États-Unis. Il a été mêlé à une affaire de détournement de voiture à Buffalo quand il n'était qu'un jeune contrevenant — je crois qu'il a dit qu'il avait 14 ou 15 ans à l'époque— avec deux amis adultes qui avaient 18 ans. Il a été jugé comme adulte et condamné comme adulte. Il a eu des difficultés. J'oublie dans quel établissement il était, mais vous pouvez imaginer les horreurs qu'il a vécues comme jeune garçon dans une population adulte de sexe masculin. Il n'a eu aucun problème à raconter cela et à faire part de ce terrible chapitre de sa vie, mais il en avait eu assez. Il en avait eu assez.
Monsieur le président, si j'avais reçu un dollar pour chaque délinquant ayant dit: « Cette fois, ce sera différent, monsieur le juge; j'ai appris ma leçon, vous ne me reverrez plus jamais, monsieur le juge », je serais probablement à la retraite depuis longtemps. Ce sont des paroles creuses.
C'est à peu près le même genre de discours hypocrite que j'entendais tous les jours dans les séances de libération sous caution, où l'on promettait au juge de paix: « Oh, mettez autant de conditions que vous le voulez, je vais tout respecter. Je respecterai la détention à domicile. Je vais m'abstenir de prendre de l'alcool. Je vais m'abstenir de prendre de la drogue. Je ne harcèlerai pas ma petite amie, même si je l'ai fait 10 fois. » On promet mer et monde juste pour obtenir sa libération, mais c'est du vent. C'est une promesse creuse. J'ai vécu cela en justice pénale également.
C'était différent au tribunal autochtone. Je l'ai écouté. Par respect, je ne vais pas mentionner le nom du délinquant. Je lui ai dit: « Vous allez devoir me pardonner de ne pas vous croire. Vous devrez me pardonner si j'ai un doute. » J'ai expliqué pourquoi j'avais des doutes, mais j'ai dit: « Vous semblez sincère, alors je vais vous lancer un défi. Vous avez parlé de poursuivre vos études. Vous avez parlé d'obtenir du counselling pour vos problèmes de toxicomanie. » Je pense qu'il avait une dépendance à la méthamphétamine en cristaux ou à quelque chose du genre — une drogue dure. J'ai ajouté: « Vous avez parlé de trouver du travail. Vous avez parlé d'être un modèle pour vos petits-enfants. Vous reconnaissez que pour être un modèle, vous devrez avoir un logement stable. »
Il s'est engagé à le faire.
Cette affaire a probablement duré deux bonnes années. Normalement, une personne qui accepte une responsabilité de ce genre de chose aurait fait des va-et-vient dans le système de justice pénale pendant deux ou trois mois et aurait purgé une peine dans un établissement bien avant la fin de cette affaire.
Il a fait tout ce qu'il avait l'intention de faire. Il m'a non seulement montré des attestations de présence, mais il m'a aussi montré des certificats indiquant qu'il s'était donné à fond dans tout ce qu'il avait dit qu'il ferait. Il est venu muni de lettres de référence morale de l'établissement et des organismes auxquels où il était passé. Il s'était trouvé un emploi. Il recevait une paie régulière. Il avait tourné une page importante.
Monsieur le président, j'en suis venu à me demander: « J'ai toute cette latitude. J'ai maintenant vu un délinquant qui était sincère dans tout ce qu'il disait vouloir faire pour changer sa vie. Est-ce que je crois qu'il y a plus qu'une perspective raisonnable que je ne le reverrai plus jamais dans le système de justice pénale? » J'ai conclu que c'était le cas. Grâce à la discussion que j'ai eue avec mon gestionnaire du service de la Couronne et d'autres collègues, nous avons pu formuler une peine qui responsabilisait toujours le délinquant, mais qui lui évitait d'aller dans un établissement traditionnel.
À tous les membres du Comité qui estiment que le projet de loi , dont nous débattons actuellement, est la réponse à toutes ces questions, je vous ai donné un exemple de mesures que les procureurs de la Couronne prennent quotidiennement, et ils prennent leur travail très au sérieux. Il y a d'autres façons de régler le problème de la surreprésentation des Autochtones dans les prisons sans compromettre la sécurité de la collectivité. C'est l'exemple que je voulais vous donner.
Je me suis souvent demandé quand et où je devrais soulever cette question, et maintenant que j'ai cela en tête, je ne veux pas perdre le fil de ma pensée.
Nous avons entendu à maintes reprises au Comité, non seulement des témoins, mais aussi des membres du Comité, le procureur général, tous les autres ministres de premier plan, les députés d'arrière-ban, les membres du Parti vert, Mme May et M. Morrice aujourd'hui, nous dire que nous devrions faire confiance à nos juges, que les juges savent mieux que quiconque et qu'ils doivent avoir ce pouvoir discrétionnaire pour faire leur travail. Je suis membre du Barreau de l'Ontario depuis plus de 30 ans, et quand je dis ce que je suis sur le point de dire, je ne veux absolument pas manquer de respect à la magistrature.
J'ai comparu devant de nombreux juges au cours de ma vie, monsieur le président. Ils ne sont, pas plus que les procureurs de la Couronne, des robots ambulants. Ils ne pensent pas tous la même chose. Ils ne prononcent pas tous les jugements de la même façon. Pour cette raison, nous avons des cours d'appel, selon l'accusation et le choix de la Couronne de procéder par procédure sommaire. Parfois, la voie d'appel est la Cour supérieure de justice — la Cour du Banc de la Reine pour mes collègues de l'Ouest —, les diverses cours d'appel provinciales ou, en fin de compte, la Cour suprême du Canada.
Les juges ne pensent pas la même chose. Ils n'appliquent pas la loi de la même façon. Il y a des juges qui ont acquis des réputations — cléments, sévères ou entre les deux.
Je vais vous donner un autre exemple.
Il y avait une juge au tribunal de première instance de Brantford — encore une fois, je ne vais pas répéter son nom, par respect. Je sais que vous aimeriez que je le fasse, monsieur Anandasangaree, mais je ne le peux tout simplement pas, par respect.
C'était extrêmement frustrant pour les procureurs de la Couronne, très frustrant pour nous, parce qu'il semblait — c'était une juge — qu'elle avait une perception différente de la justice pénale et qu'elle accordait toujours la priorité aux principes de la réadaptation. Elle disait: « Il s'agit d'une infraction qui entraîne »...
Mme Lena Metlege Diab: Seule une femme le ferait.
M. Larry Brock: Pas nécessairement. J'ai d'excellents exemples de femmes juges dont je peux vous faire parler, madame Diab, et je le ferai par la suite. Ce sont de très bons exemples, mais je pense que vous allez aimer cet exemple. Cela nous ramène au récit et au commentaire de M. Morrice selon qui nous devrions faire confiance à nos juges.
Y a-t-il un rappel au Règlement?