Bienvenue à la 96 e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 7 février 2023, le Comité se réunit en public pour poursuivre son étude du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel (conduite contrôlante ou coercitive). La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément au Règlement. Des députés sont présents en personne dans la salle alors que d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom.
Nous recevons des témoins dans la salle et des témoins sur Zoom, alors au bénéfice de tout le monde, permettez-moi de prendre un instant pour lire certaines instructions.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Les personnes qui participent par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro. Veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Les personnes qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette pour sélectionner le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les interventions doivent s'adresser à la présidence. Si les députés présents dans la salle souhaitent prendre la parole, ils doivent lever la main. Pour les députés sur Zoom, il faut utiliser la fonction « Lever la main ».
Nous avons aujourd'hui un greffier suppléant, auquel je souhaite la bienvenue.
Nous avons aussi de l'aide de remplacement. Bienvenue. Il y a d'autres aides en mode virtuel.
Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
J'accueillerai maintenant notre premier groupe de témoins.
[Français]
Avant de commencer, je tiens à vous informer que les tests de son ont été faits pour les témoins ainsi que les députés qui participent virtuellement à la réunion du Comité.
Pendant la première heure, nous accueillons trois témoins.
Nous recevons tout d'abord Mme Pamela Cross, qui est directrice de plaidoyer pour l'organisme Luke's Place Support and Resource Centre for Women and Children.
Nous recevons ensuite deux représentantes du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, soit Me Karine Barrette, qui est avocate et chargée de projet, ainsi que Mme Louise Riendeau, qui est coresponsable des dossiers politiques.
Enfin, nous recevons par vidéoconférence Mme Jennifer Koshan, qui est professeure à la Faculté de droit de l'Université de Calgary et qui comparaît à titre personnel.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Chacune de vous trois dispose de cinq minutes pour faire sa déclaration préliminaire.
Étant donné que nous recevons des témoins et que de nombreux députés veulent poser des questions vraiment bonnes et importantes, je dirai d'emblée que si nous arrivons à la fin de la première heure et que vous n'avez pas eu l'occasion de dire tout ce que vous vouliez — cela vaut aussi pour les membres du Comité lorsqu'ils posent leurs questions — ou l'occasion de répondre, nous vous encourageons à nous envoyer par écrit tout ce que vous pensez qui pourrait également aider le Comité. Je dois avoir le temps à l'œil, car nous accueillons également trois témoins dans le deuxième groupe.
[Français]
Merci beaucoup.
Nous allons commencer par Mme Pamela Cross.
Vous avez la parole pour cinq minutes, madame Cross.
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Bonjour et merci beaucoup de m'avoir offert l'occasion de m'adresser à vous. Nous vous avons remis notre mémoire, et j'espère que vous avez tous eu l'occasion d'y jeter un coup d'œil, car il explique en détail les points que j'aborderai très brièvement ici ce matin.
Luke’s Place travaille en Ontario avec des femmes victimes de violence conjugale, fournissant des services directs aux personnes qui ont affaire au système de droit de la famille et nous employant à changer le système.
Même si nous admettons qu'il y a un certain nombre de raisons de penser que la criminalisation du contrôle coercitif pourrait avoir des résultats bénéfiques, nous croyons que les problèmes liés à la criminalisation sont supérieurs aux avantages potentiels.
Au cours des 40 dernières années, nous avons observé les nombreuses façons dont le droit pénal a laissé tomber les survivantes de la violence entre partenaires intimes. Malgré les nombreuses interventions et initiatives juridiques, la violence entre partenaires intimes, y compris la violence létale, demeure un grave problème social au pays. Bien que nous devions absolument trouver des façons de valider les expériences des personnes soumises à un contrôle coercitif, nous ne pensons pas que la création d'une infraction criminelle soit la meilleure façon de le faire. Comme pour toute réforme du droit, la criminalisation du contrôle coercitif aura un impact au‑delà du droit criminel lui-même. Notamment, les recoupements entre le droit pénal et le droit de la famille sont si profonds qu'il est impossible d'apporter des changements à l'un sans avoir d'incidence sur l'autre.
Nous sommes également préoccupées en raison des conséquences négatives découlant des politiques de mise en accusation obligatoires de longue date du Canada, et par le fait qu'une nouvelle infraction criminelle de contrôle coercitif pourrait également mener au dépôt d'accusations inappropriées contre des femmes, ce qui aurait des répercussions désastreuses, notamment sur leurs dossiers en droit de la famille.
En ce qui concerne le projet de loi en particulier, nous avons trois préoccupations.
Premièrement, les comportements contrôlants coercitifs sont insidieux, subtils et souvent invisibles pour toute personne en dehors de la relation. Ce qui constitue un contrôle coercitif diffère d'une relation à l'autre. Les comportements s'accumulent, un incident en entraînant un autre, puis un autre. Ce n'est que lorsque tous ces éléments sont examinés dans leur intégralité que le comportement violent peut être décelé — par la survivante elle-même ainsi que par des personnes de l'extérieur. Voilà pourquoi le projet de loi doit comprendre, pour être efficace, une définition claire et inclusive des comportements interdits et de ce qui constitue un comportement répété ou continu.
Deuxièmement, le projet de loi doit comporter également une définition claire et inclusive des personnes qu'il vise à protéger. Nous vous encourageons à examiner le libellé utilisé par le Comité d'examen des décès dus à la violence familiale de l'Ontario, dont je pourrais vous faire part pendant la période de questions.
Troisièmement, étant donné que la violence se poursuit souvent longtemps après la séparation, surtout pour les femmes qui ont des enfants, la limite de deux ans devrait être supprimée.
Que recommandons-nous?
Premièrement, nous recommandons que le Parlement n'adopte pas le projet de loi pour l'instant.
Deuxièmement, nous recommandons de suivre la recommandation de la Commission des pertes massives visant à mettre sur pied un groupe consultatif d'experts pour examiner si et comment le droit pénal pourrait mieux lutter contre le contrôle coercitif.
Troisièmement, nous recommandons d'offrir de la formation, avec de véritables mesures de responsabilisation, aux policiers pour qu'ils comprennent la prévalence de la violence entre partenaires intimes, y compris le contrôle coercitif.
Quatrièmement, nous recommandons l'élaboration d'une nouvelle formation obligatoire pour les procureurs de la Couronne et les juges, assortie de mesures de responsabilisation.
Cinquièmement, nous recommandons de financer l'accès à des conseils juridiques indépendants gratuits pour les survivantes de la violence fondée sur le sexe qui envisagent de recourir au système pénal.
Sixièmement, nous recommandons la création d'un programme de travailleurs de soutien auprès des cours pénales, lesquels travailleraient en collaboration avec les programmes existants d'aide aux victimes des cours pénales.
Septièmement, nous recommandons de financer des consultations nationales et des discussions avec les parties prenantes sur l'utilisation appropriée des modèles de justice transformatrice et réparatrice en réaction à la violence fondée sur le sexe, en plus du système pénal existant.
Ensuite, et seulement à ce moment‑là, il faut réfléchir à la façon dont le droit pénal pourrait devoir être adapté pour réagir efficacement au contrôle coercitif, en utilisant un processus de collaboration et de consultation avec toutes les parties prenantes.
Merci. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Nous remercions le Comité de nous entendre aujourd'hui sur un sujet aussi important que la criminalisation du contrôle coercitif. Nous remercions aussi les députés M. Garrison et d'avoir persévéré dans leurs efforts pour créer cette infraction.
Notre regroupement compte 46 maisons, réparties sur l'ensemble du territoire québécois, qui accueillent des femmes et des enfants victimes de violence familiale.
Notre position en faveur de la criminalisation du contrôle coercitif s'appuie sur l'expertise de nos membres, sur de nombreuses consultations auprès de partenaires ainsi que sur un vaste projet d'amélioration de la pratique judiciaire par l'intégration du contrôle coercitif parmi les éléments à considérer. Ce projet a mené à la formation de plus de 4 000 acteurs judiciaires québécois au cours de la dernière année.
Dernièrement, nous sommes aussi allés à la rencontre de plusieurs intervenants de l'Angleterre et de l'Écosse afin de déterminer les avancées et les apprentissages générés par la criminalisation du contrôle coercitif. Tous s'entendent pour dire qu'ils ne reviendraient pas en arrière. La criminalisation a entraîné un changement de conversation essentiel vers une meilleure intervention en matière de violence conjugale.
Les femmes victimes de violence conjugale subissent une variété de manifestations de contrôle et de violence. Pour la majorité des femmes soutenues par nos membres, le principal motif pour demander des services n'était pas la violence physique. Par ailleurs, celles qui ont demandé des services en consultation externe l'ont fait pour une relation passée. Ce n'est pas surprenant, puisqu'on sait que la violence conjugale peut persister pendant de nombreuses années après la fin de l'union.
La criminalisation du contrôle coercitif permettrait plusieurs avancées importantes.
Du point de vue des victimes, la reconnaissance de l'impact du contrôle coercitif sur les femmes et les enfants représenterait une avancée majeure. La privation de liberté et le contrôle omniprésent qui caractérisent les dynamiques de violence et de contrôle coercitif auront souvent des répercussions beaucoup plus importantes et durables que la violence physique.
Le contrôle coercitif a également un impact sur toute la famille. Les règles arbitraires ainsi que le climat de tension et de peur imposés à la famille nuisent au bien-être des enfants. Ces derniers sont des covictimes à part entière. Ils peuvent, eux aussi, être la cible de règles arbitraires. Je pense à l'accès limité aux ressources, au contrôle des activités et des déplacements et à l'interdiction de voir les proches ou les amis.
L'analyse du récit des victimes et de leurs enfants pris dans son intégralité permettrait de sortir de la vision limitative des incidents isolés, qui est non représentative de leur vécu. La criminalisation du contrôle coercitif aurait pour effet de valider leur expérience.
Cette criminalisation, si elle est assortie de mesures favorisant son application, a le potentiel d'accroître la confiance des victimes à l'égard du système de justice.
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Sur le plan sociétal, la criminalisation permettrait de montrer que ce comportement socialement inacceptable doit être pris au sérieux. Si la violence physique et les féminicides sont universellement condamnés, les comportements de violence non physique entre partenaires intimes sont encore trop souvent normalisés et banalisés. Pourtant, la très grande majorité des femmes qui font appel à des services d'aide liés à la violence conjugale ont subi du contrôle coercitif, y compris de multiples tactiques pour les effrayer, les isoler et les subordonner, en plus des agressions et des menaces.
La criminalisation du contrôle coercitif permettrait de consacrer une avancée importante en matière de droits de la personne, en ce qui a trait au droit des femmes à la sécurité, à la dignité, à l'autonomie et à la liberté.
L'introduction en droit criminel du contrôle coercitif a le potentiel d'amener une intervention qui est non seulement plus proche du vécu réel des victimes, mais également plus précoce.
Alors que le contrôle coercitif est au cœur de la violence conjugale, l'absence actuelle d'outils législatifs pour condamner les auteurs laisse aux acteurs judiciaires très peu de leviers et d'outils juridiques pour intervenir efficacement dans ces situations. Au cours des formations que nous avons données, nombre de policiers et policières nous ont dit qu'ils étaient conscients ou témoins de situations préoccupantes impliquant des victimes isolées, terrorisées et humiliées par leurs partenaires, mais qu'ils ne pouvaient intervenir juridiquement, faute d'infraction recouvrant ces agissements. Ces situations tombent alors dans un vide juridique.
La criminalisation du contrôle coercitif permettrait au milieu judiciaire de tenir compte du contexte et de l'historique dans lesquels les dynamiques de violence conjugale s'inscrivent, et ce, à toutes les étapes du processus, soit de l'intervention policière jusqu'à la libération conditionnelle.
Enfin, le contrôle coercitif étant un important prédicteur d'homicide, la création d'une nouvelle infraction permettrait de fournir un outil supplémentaire efficace pour briser plus tôt le cycle de la violence et ainsi évaluer adéquatement la dangerosité d'une situation de violence conjugale, et ce, tout au long des procédures.
Si nous appuyons l'introduction d'une nouvelle infraction de contrôle coercitif dans le Code criminel, nous pensons que cette seule modification ne saurait suffire. Des mesures d'accompagnement, par exemple la formation de tous les acteurs, qu'il s'agisse des policiers, des procureurs ou des juges, sont essentielles. Une sensibilisation du public est également nécessaire, en plus d'autres conditions d'implantation, sur lesquelles nous pourrons revenir plus tard.
Nous espérons que le projet de loi sera adopté, mais nous souhaitons qu'il soit accompagné d'un projet de loi gouvernemental qui permettrait d'y rattacher les conditions liées au financement des mesures d'adaptation.
Bonjour et merci beaucoup de m'avoir invitée à présenter mon point de vue sur le projet de loi .
Je me joins à vous ce matin depuis le territoire visé par le Traité n o 7, ici, à Mohkinstsis, territoire traditionnel des Pieds-Noirs.
Je m'exprime ce matin en mon nom personnel, mais certaines collègues et moi avons déposé, en octobre 2023, un mémoire auprès du ministère de la Justice concernant son étude sur le contrôle coercitif. Mes coautrices sont Janet Mosher, Wanda Wiegers et Shushanna Harris. C'est sur ce mémoire que je m'appuie pour faire mon exposé ce matin.
Nous considérons qu'il est essentiel que tous les acteurs du système juridique acquièrent une compréhension nuancée, contextuelle et intersectionnelle du contrôle coercitif afin de pouvoir, par exemple, soutenir les évaluations des risques et la planification de la sécurité. Nous n'appuyons cependant pas la criminalisation du contrôle coercitif en vertu du projet de loi en raison des problèmes liés au traitement juridique actuel de la violence entre partenaires intimes.
Nous avons relevé plusieurs problèmes, et je m'attarderai à trois d'entre eux aujourd'hui.
Premièrement, la manière dont le système de justice pénale traite actuellement la violence entre partenaires intimes soulève des préoccupations. À l'heure actuelle, le droit pénal met l'accent sur les incidents de violence — comme les voies de fait — où la gravité de l'incident est souvent évaluée en fonction des blessures physiques. Il est très difficile pour la police, les procureurs et les juges de comprendre le contrôle coercitif, qui relève de tendances plutôt que d'incidents de violence.
Les acteurs du domaine juridique peuvent aussi ne pas reconnaître l'éventail de tactiques coercitives et contrôlantes qui sont influencées par le racisme systémique, le colonialisme et d'autres systèmes d'oppression. Par exemple, le statut d'immigration peut être utilisé comme outil d'abus.
Cependant, le traitement actuel de la violence entre partenaires intimes par le système de justice pénale et ses acteurs soulève des préoccupations quant à leur capacité d'acquérir ce genre de compréhension nuancée. Par exemple, la police continue de porter des accusations doubles dans les cas de violence entre partenaires intimes, les femmes noires, racisées et autochtones étant criminalisées de façon disproportionnée.
Ces problèmes et des problèmes plus vastes liés au racisme systémique et au colonialisme ont amené de nombreuses femmes à se détourner du système de justice pénale. Comme je l'ai fait valoir devant le Comité en 2021, nous ne pouvons plus parler de « conséquences imprévues », car nous savons qu'elles surviendront probablement.
Notre deuxième série de préoccupations concerne la façon dont le contrôle coercitif est abordé dans le système de droit de la famille. Nous examinons actuellement des affaires à la lumière des modifications apportées à la Loi sur le divorce en 2021, et notre examen préliminaire laisse penser que plusieurs problèmes se posent à cet égard.
Les tribunaux de la famille peinent à comprendre le contrôle coercitif et continuent d'aborder les allégations en mettant l'accent sur les incidents. À l'instar du système de justice pénale, les tribunaux de la famille considèrent également que la violence entre partenaires intimes est mutuelle dans de nombreux cas, ce qui peut minimiser les préjudices de la violence sur les femmes et les enfants.
Des tribunaux de la famille ont également qualifié les tentatives des femmes de protéger leurs enfants contre la violence de contrôle coercitif en soi. Étant donné que les tribunaux de la famille sont disposés à accepter les allégations de soi-disant aliénation parentale, les tribunaux peuvent en arriver à des conclusions potentielles de contrôle coercitif de la part des mères, qui risquent d'être criminalisées ou de subir des conséquences parentales négatives.
C'est ainsi que les agresseurs manipulent le système judiciaire contre les vraies victimes du contrôle coercitif. Malheureusement, ce genre d'arguments convainc parfois les tribunaux en raison de l'influence continue des mythes et des stéréotypes sur la violence entre partenaires intimes et ses victimes, ce qui est ici encore fort préoccupant pour les femmes victimes d'inégalités intersectionnelles. Par exemple, les femmes sont souvent accusées à tort de faire de fausses allégations de violence entre partenaires intimes pour se donner un soi-disant avantage dans les procédures en matière de droit de la famille.
Si le contrôle coercitif était criminalisé, tout en étant difficile à prouver, cela confirmerait probablement ces hypothèses, et nuirait aux femmes et aux enfants dans les conflits parentaux et compromettrait leur sécurité.
Il est également important de souligner que le contrôle coercitif est défini différemment dans les modifications du droit pénal proposées que dans la Loi sur le divorce, ce qui pourrait mener à des malentendus et à des interprétations erronées.
Notre troisième série de préoccupations concerne plus précisément le projet de loi .
La mesure législative n'établit aucun lien explicite avec la violence entre partenaires intimes. Le comportement interdit n'est pas défini, et on ne sait pas exactement combien de récidives sont requises. Ce flou est susceptible...
En janvier, une femme a été tuée devant une école de Calgary par un homme qui avait déjà été accusé à trois reprises, mais qui a été libéré chaque fois sous conditions et qui était notamment assujetti à une ordonnance de non-communication. Dans cette affaire, malgré un mode de comportement clair et établi, cet homme a été libéré à plusieurs reprises, avec les conséquences tragiques que nous connaissons tous.
Nous estimons que des améliorations doivent être apportées au système de mise en liberté sous caution pour éviter que les personnes qui commettent des actes de violence familiale soient libérées à répétition.
Madame Koshan, pourriez-vous parler de cette situation et nous dire si vous jugez nécessaire d'améliorer le système de mise en liberté sous caution à la lumière d'affaires comme celle‑ci?
En fait, j'ai eu la chance de me rendre à Londres et à Édimbourg pour rencontrer des partenaires dans des endroits où le contrôle coercitif avait été criminalisé. Il y a plein d'apprentissages à faire. Le Canada a de la chance de proposer de telles mesures après ces pays, car il peut apprendre de leur réalité.
L'une des premières choses à noter est que la violence après la séparation était exclue de la première version de la loi anglaise.
Une autre différence majeure est le fait que l'Écosse, qui a légiféré après l'Angleterre, a décidé d'adopter une approche objective. La professeure Koshan parlait de tout le poids mis sur la victime et des conséquences importantes sur sa vie. L'Écosse a donc choisi d'adopter une approche objective, c'est-à-dire de s'en remettre au test de la personne raisonnable, et ça change considérablement la donne. Après des échanges avec les partenaires, nous avons constaté que c'était probablement l'un des éléments clés ayant contribué au succès de la loi écossaise. En s'en remettant au test de la personne raisonnable, on évite une revictimisation au moment de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire de la victime, en plus de faciliter le travail des procureurs.
Un autre élément important qui a été mentionné est la formation des acteurs avant l'entrée en vigueur de la loi, afin que les gens soient préparés.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Maître Barrette et madame Riendeau, merci de participer à notre réunion d'aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de vous rencontrer préalablement. Je vous remercie du temps que vous nous accordez. Je vous remercie également pour le document que vous avez déposé, qui nous sera d'une grande aide.
Je vous remercie également du travail que vous faites auprès des femmes violentées afin que la situation s'améliore non seulement pour elles, mais pour nous tous, en fin de compte.
Dans vos remarques, vous avez parlé des outils nécessaires pour faciliter les choses et assurer une mise en œuvre adéquate de cette nouvelle mesure. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, mais vraiment d'un point de vue très concret.
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Comme ma collègue vient de le dire, je pense que la formation est un outil essentiel si on veut que tous les acteurs comprennent ce qu'est le contrôle coercitif.
Il est aussi important de donner des directives aux procureurs, aux policiers, à tous les gens de la chaîne, jusqu'aux agents de libération conditionnelle, pour qu'ils sachent comment gérer cet aspect.
Il faut tenir des campagnes de sensibilisation pour que les victimes elles-mêmes et le public comprennent ce qu'est le contrôle coercitif.
On a aussi besoin de parler aux gens traitant avec les catégories de personnes qui sont actuellement judiciarisées à l'excès, pour éviter que cette nouvelle mesure aggrave leur situation.
Il y a donc des mesures à mettre en place. À cet effet, nous souhaiterions vraiment voir un projet de loi d'initiative gouvernementale qui viendrait compléter ce qu'un projet de loi d'initiative parlementaire ne peut pas faire.
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Vous soulevez un très bon point. En effet, il est important d'être capable de le faire.
Selon l'expérience écossaise, il s'est avéré que les procureurs et les policiers trouvaient qu'il était finalement plus facile de prouver le contrôle coercitif que les incidents isolés de violence physique. Le contrôle coercitif va souvent se manifester de manière un peu plus légitimée ou banalisée. Il existe donc des preuves, notamment des preuves liées aux technologies électroniques, comme des relevés bancaires. De plus, il y a des témoins parmi la famille ou les collègues.
Il faut d'abord bien comprendre ce qu'est le contrôle coercitif. À partir du moment où on le comprend bien, ce n'est pas plus difficile à prouver. Même en présence de versions contradictoires, si on s'attarde au contexte et à l'historique, on est capable de mieux déterminer qui est l'agresseur principal, notamment dans le contexte de plaintes croisées, et on est très sensible à cette préoccupation. En menant une enquête de manière beaucoup plus large, en ayant cette vision élargie, on est plus en mesure de recueillir des preuves, de dépister les agresseurs et de départager la responsabilité de chacun dans le cas de plaintes croisées.
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Merci, madame la présidente.
Madame Barrette, madame Riendeau et madame Cross, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
Je vais commencer rapidement par vous, madame Cross. Dans votre témoignage, vous avez proposé un certain nombre de recommandations. Je crois qu'il y en avait sept, mais je ne suis pas certain du nombre. Je les cherchais, car je ne les avais pas notées. Vous venez de déposer, il y a cinq minutes, votre document dans le cartable numérique du Comité, mais je n'ai pas eu le temps de le lire non plus, vous vous en doutez. Je l'ai cependant consulté brièvement, et je n'y ai pas vu les recommandations.
Est-ce possible d'avoir vos recommandations par écrit, si elles ne sont pas déjà incluses dans le mémoire?
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Dans le fond, il y a deux façons de voir les choses.
De façon générale, on peut penser à des exemples comme l'isolement, l'abus, la surveillance, les comportements menaçants, le contrôle, la surveillance des activités quotidiennes, la microrégulation du quotidien, l'humiliation ou le blâme.
Pour avoir des exemples plus concrets et détaillés, vous pourriez consulter la loi australienne dans le Queensland. Nous pourrons vous fournir l'information à la suite de la rencontre. Cette loi va vraiment dans le détail en mentionnant des gestes très concrets, un peu comme ce que vous proposez.
Dans le cadre du projet sur l'amélioration de la pratique judiciaire, nous avons mis au point des outils comportant plein d'exemples issus de la réalité. C'est donc important pour nous que ces exemples fassent partie du libellé.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Je veux également remercier les témoins de comparaître aujourd'hui.
Je veux commencer en rappelant qu'il y a littéralement des centaines et des centaines de personnes, principalement des femmes, qui travaillent au service des victimes de violence entre partenaires intimes dans ce pays. Je veux également rappeler le travail important que font chaque jour ces groupes pour offrir ce soutien.
Je pense que la plupart d'entre vous connaissent le contexte au début de la pandémie. Lorsque j'ai parlé aux organismes de services sociaux de première ligne de ce qui se passait à l'époque, ces organismes et la police ont tous deux signalé une augmentation de la violence entre partenaires intimes.
Je demanderais aux représentantes du Regroupement des maisons pour victimes de violence conjugale — c'est tout un nom à prononcer — si elles ont observé une baisse du niveau de violence à mesure que les restrictions liées à la pandémie étaient levées, ou est‑ce que niveau est demeuré très élevé?
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Bien sûr, la pandémie a été un facteur ayant contribué à ralentir la mise en œuvre de cette mesure législative. Cela dit, aucun des acteurs à qui nous avons parlé n'a dit qu'il reviendrait en arrière en matière de criminalisation du contrôle coercitif. Ils disaient que ça avait permis d'instaurer un changement majeur et essentiel dans la conversation et aidé les acteurs judiciaires à mieux comprendre la violence conjugale.
De plus, il faut comprendre toute la dangerosité liée au contrôle coercitif. Cette mesure législative est en fait une façon pour le système de répondre à cette dangerosité.
Cette mesure a donc un impact. C'est sûr que c'est un outil parmi tant d'autres, comme la formation, qui aura encore plus d'impact avec le temps. Plus les acteurs judiciaires seront formés et comprendront bien le contrôle coercitif, plus ils seront à même de dépister le phénomène et de mieux accueillir parallèlement les victimes.
Il faut aussi que les victimes soient conscientes de ce qu'est le contrôle coercitif.
C'est donc tout ça qui doit être mis en place.
Effectivement, aucun des acteurs ne reviendrait en arrière en matière de criminalisation du contrôle coercitif.
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Permettez-moi d'ajouter un commentaire.
Dans les leçons apprises, nous avons vu que, dans un certain cas, on avait formé les policiers sans former les procureurs. Les policiers se sont mobilisés et ils ont rapporté les plaintes. Toutefois, les procureurs ne les ont pas traitées, ce qui a découragé les policiers par la suite.
C'est pour cette raison que, selon nous, il faut que tout le monde soit formé en même temps. Nous proposons donc d'adopter un projet de loi et de retarder son entrée en vigueur, pour se donner le temps de former les gens, afin d'éviter des erreurs comme celles-là.
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Merci beaucoup de m'en donner l'occasion.
Pour ce qui est de l'approche, comme je le mentionnais tout à l'heure, nous proposons de retirer du projet de loi la notion d'« effet important » et de plutôt parler d'une approche objective, selon laquelle on se poserait la question suivante: est-ce qu'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances croirait probable qu'il y ait des répercussions?
Nous recommandons aussi d'apporter un changement en ce qui a trait à la mens rea. Il faut que l'auteur de pareils gestes sache que la victime se sent contrôlée ou que, bien qu'il le sache, il ne s'en soucie pas.
Quant à la notion de « lien », nous en avons déjà parlé. Nous suggérons de retirer la période de deux ans et d'utiliser la définition de « partenaire intime » qu'on trouve à l'article 2 du Code criminel.
Madame la présidente, comme j'ai pratiqué dans le domaine du droit de la famille de nombreuses années avant de devenir députée, je veux mentionner que je connais très bien les répercussions mentales et physiques dévastatrices du contrôle coercitif exercé par un partenaire intime. En tout respect pour nos témoins aujourd'hui, je vais interrompre leurs témoignages quelques minutes pour parler d'une autre question de justice importante pour les femmes et les familles en Colombie-Britannique.
Dans un instant, je vais présenter une motion qui, je crois, ne nécessitera qu'un court débat, et qui recevra, je l'espère, un soutien unanime, afin que nous puissions revenir aux témoignages importants de nos témoins sur le projet de loi .
M. Moore a donné un avis en bonne et due forme de cette motion la semaine dernière, et en tant que sa remplaçante, je propose:
Que le Comité demande au gouvernement libéral de veiller à ce que Robert Pickton passe le reste de sa vie en prison afin d'éviter tout nouveau traumatisme aux familles de ses victimes par des audiences de libération conditionnelle inutiles, et que cela soit rapporté à la Chambre.
Madame la présidente, avec votre permission, j'aimerais que le Comité entende leurs noms: Sereena Abotsway, Mona Wilson, Andrea Joesbury, Brenda Wolfe, Georgina Papin, Marnie Frey, Jacqueline McDonell, Dianne Rock, Heather Bottomley, Jennifer Furminger, Helen Hallmark, Patricia Johnson, Heather Chinnock, Tanya Holyk, Sherry Irving, Inga Hall, Tiffany Drew, Sarah de Vries, Cynthia Feliks, Angela Jardine, Diana Melnick, Debra Jones, Wendy Crawford, Kerry Lynn Koski, Andrea Borhaven, Cara Ellis.
Madame la présidente, ces femmes sont les victimes connues de l'ignoble tueur en série et violeur Robert Pickton. Ce monstre s'est vanté d'avoir assassiné 49 femmes, avec l'objectif avoué d'en assassiner 50. La plupart de ces femmes et leurs familles n'obtiendront jamais la justice qu'elles méritent.
Il était connu pour s'en prendre aux femmes vulnérables souffrant de toxicomanie. Pickton amenait ses victimes sur sa ferme porcine à Coquitlam, où il les torturait et les assassinait brutalement, en poignardant certaines pendant qu'elles étaient menottées et en injectant à d'autres un antigel. Après les avoir tuées, il donnait leurs corps à manger aux cochons, en laissant ainsi derrière lui bien peu de preuves. Il va sans dire que des monstres comme lui ne devraient quitter la prison que dans un sac mortuaire.
Nous avons appris la semaine dernière que Robert Pickton peut maintenant demander une semi-liberté. Si son cas devait être examiné par la Commission des libérations conditionnelles, les familles des victimes seront forcées de revivre encore une fois les traumatismes qu'elles ont connus. C'est une insulte et un outrage à ces familles, qui continuent de souffrir. Elles ne devraient pas se voir infliger à nouveau ces traumatismes.
Je veux faire part au Comité des propos qu'elles ont tenus. La mère de Stephanie Lane a dit: « Pickton ne devrait pas revoir la lumière du jour. Il ne mérite pas de mettre un pied hors de prison. Il doit y rester jusqu'à sa mort. » Elle a ajouté: « Je vis en enfer. C'est horrible. Je dis toujours que je vis dans un roman de Stephen King. Je pense à ma fille tous les jours, mais je ne veux pas penser à Robert Pickton tous les jours ».
La cousine de Tanya Holyk a dit: « Le fait qu'il puisse faire une demande est horrible... Je n'en suis pas revenue. Je ne le savais pas et les autres familles dont je suis proche ne le savaient pas non plus... Nous avons un système de justice épouvantable ». Elle a aussi ajouté: « Je ne fais déjà pas confiance au système de justice et cela vient me renforcer dans ma conviction, car le fait de penser qu'une personne comme lui puisse sortir de prison... c'est dégoûtant.
La communauté a organisé dernièrement une veille à la ferme Pickton, car elle s'attend à une possible audience de libération conditionnelle pour cet homme qui leur a causé tant de souffrances.
Les Canadiens devraient s'attendre, à tout le moins, à ce que notre système de justice protège les victimes des crimes les plus haineux. Sous la gouverne de , les droits des criminels ont toujours eu préséance sur ceux des victimes. Je ne vais pas revoir tous les cas, mais nous avons assisté à un mépris flagrant à l'égard des victimes lors du transfert de Paul Bernardo à une prison à sécurité moyenne, et de celui de Terri-Lynne McClintic à un pavillon de ressourcement.
La semaine dernière encore, Jeremy Vojkovic, un homme qui a violé une femme et l'a brûlée vive, s'est vu accorder la permission de sortir sur l'île de Vancouver, malgré une évaluation psychiatrique où il est question de « vives inquiétudes » quant au risque qu'il présente pour la population, et malgré les objections de la famille de sa victime.
Le programme radical de gauche de a créé, après huit ans, un système d'injustices. Les Canadiens ont perdu confiance dans nos systèmes. C'est pourquoi le Comité devrait faire ce premier pas pour rétablir cette confiance.
Ma motion demande que le gouvernement veille à ce que Robert Pickton passe le reste de sa vie en prison afin d'éviter tout nouveau traumatisme aux familles de ses victimes par des audiences de libération conditionnelle inutiles. Le dispose d'une armée d'avocats au sein du ministère qui peuvent préparer des mesures qui vont respecter la Charte et protéger les familles des victimes. Je demande à mes collègues autour de la table d'appuyer cette motion et de défendre les droits des familles des victimes, qui ont déjà été suffisamment traumatisées.
Je vous remercie, madame la présidente.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je veux remercier Mme Findlay de proposer cette motion.
Je vais mentionner le nom de cet invididu une seule fois. Insinuer qu'un député de quelque parti politique que ce soit n'est pas d'avis que cet individu est un monstre et qu'il mérite d'être puni avec toute la sévérité de la loi dépasse les bornes. S'il n'en tenait qu'à moi, je n'entendrais plus jamais prononcer son nom. C'est aussi simple que cela. Je pense que politiser ce débat en présentant cela de la sorte au Comité constitue une forme de retraumatisation en soi. C'est malheureux, car je pense que tous les députés sont du même avis à ce sujet.
Je ne propose pas qu'on débatte de cette motion, car il n'y a rien à débattre. Je propose un petit amendement. Je supprimerais le mot « libéral » après le mot « gouvernement », et je supprimerais les mots « et que cela soit rapporté à la Chambre ». Je pense que nous pouvons procéder très rapidement et adopter cette motion à la satisfaction de tous, sans qu'il soit nécessaire de débattre d'un sujet dont nous ne devrions pas avoir à parler. On ne devrait plus jamais avoir à mentionner le nom de cet individu.
Ce sont là les changements que je veux apporter, madame la présidente.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je veux tout d'abord dire que je suis déçu que nous n'ayons pas pu entendre la fin des témoignages. Je trouve cela inquiétant. Tous les partis s'entendent sur cette question, et nous voulions terminer rapidement nos audiences et les amendements pour acheminer le projet de loi à la Chambre. Cela ne présage rien de bon, et c'est décevant.
Au sujet de l'amendement proposé par M. Maloney, je peux appuyer la motion avec cet amendement. Je pense que M. Maloney a bien présenté la chose, et je m'efforce de ne pas dire le nom de cet individu. Je sais gré à Mme Findlay d'avoir lu le nom des victimes. Je pense que c'est très important.
Le problème que j'ai avec la motion originale, c'est qu'il y a d'autres façons de procéder. Si l'on veut vraiment régler les problèmes mentionnés par les conservateurs, il faudrait, par exemple, que le comité de la sécurité publique — qui est responsable de la Loi sur le système correctionnel — procède à une étude et propose des solutions concrètes. Actuellement, on ne fait qu'en débattre publiquement, que traumatiser à nouveau les gens, et ce, sans vraiment apporter de solutions. Si on procédait à une étude pour trouver des solutions à ces problèmes, nous pourrions alors avoir un débat. Le comité de la sécurité publique est probablement un meilleur endroit pour tenir ce débat.
Je pourrais appuyer cette motion avec cet amendement.
Je vous remercie, madame la présidente.
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Je vous remercie, madame la présidente.
J'ai deux petits points à souligner.
Le premier est que j'ai une étude sur l'antisémitisme sur la table depuis décembre. J'ai attendu poliment de la proposer au Comité jusqu'à ce que le comité directeur en ait pris connaissance. Mes collègues conservateurs, qui semblent en faveur, continuent de proposer des motions sans passer par le comité directeur. Je trouve cela décevant.
Le deuxième est que je trouve qu'il est totalement injuste de se mettre à affirmer qu'un parti autour de cette table a déjà voté sur une mesure quelconque pour modifier les règles d'admissibilité à la libération conditionnelle de l'individu mentionné dans la motion.
Je suis d'accord avec M. Maloney sur tout ce qu'il a dit. Je ne pense pas que personne ici pense que cet homme ne devrait passer le reste de sa vie derrière les barreaux. Il a été condamné en 2007, et les règles d'admissibilité n'ont pas changé depuis 2007. Il n'y a eu aucune modification législative depuis 2015 pour laquelle quelqu'un ici a voté qui a élargi son admissibilité à une libération conditionnelle. Il y a eu des décisions judiciaires qui ont invalidé des lois adoptées avant 2015, mais personne ici n'a pris part à quoi que ce soit qui a élargi la période d'admissibilité à la libération conditionnelle de cet individu. Il est important de le mentionner. Se mettre à affirmer qu'un parti ou un autre est responsable de traumatiser les gens est extrêmement choquant.
Je vous remercie, madame la présidente. J'appuie l'amendement.
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Merci, madame la présidente.
Le cas de cet individu est particulier. Je suis de ceux qui espèrent qu'il ne quittera jamais la prison. C'est sûr qu'il y a toujours la possibilité de vengeance, mais je pense surtout à la protection du public. À moins que quelqu'un vienne nous expliquer qu'il est complètement guéri — ce qui m'étonnerait —, je suis d'avis que c'est un malade dangereux et qu'il devrait rester en prison.
La proposition de M. Maloney ne me pose pas de problème. Cela dit, on s'est doté d'un système de justice. La motion demande que le gouvernement veille à ce que cet individu ne sorte jamais de prison. Cela veut-il dire qu'on souhaite que le gouvernement retire à la Commission des libérations conditionnelles du Canada son mandat? Cet aspect me pose problème. Je ne crois pas qu'on puisse faire ça comme ça. À mon avis, on doit faire confiance au système.
Je pense que cet individu doit rester en prison. J'ai l'impression que la motion exprime un vœu qui est probablement partagé par chacun de nous autour de la table. Nous souhaitons tous que ça se passe comme ça. Cependant, dans notre rôle de législateur, pouvons-nous demander au gouvernement de s'assurer que cet individu restera en prison, peu importe ce qu'en dirait la Commission des libérations conditionnelles du Canada? Ça m'apparaît un peu douteux.
Bien que je sois d'accord sur l'esprit de ce qui est proposé, je vois mal comment on pourrait, de façon rationnelle, demander au gouvernement de ne pas tenir compte des processus mis en place pour tous les cas. S'il s'avère qu'on peut le faire, il faudra établir où on trace la ligne, pour savoir à partir de quel moment on ne tiendra plus compte des mesures de libération conditionnelle existantes. Ça m'apparaît un peu embêtant.
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Je vous remercie, madame la présidente.
J'aimerais remercier ma collègue, Mme Findlay, d'avoir présenté cette motion et de nous avoir rappelé le nom des victimes.
Le fait est qu'en tant que parlementaires, nous avons un devoir. Nous avons le devoir d'être proactifs, et nous avons aussi le devoir d'être réactifs. Nous sommes rarement proactifs et devons trop souvent être réactifs. Le fait est que personne ne veut discuter de ce sujet, mais en 2007, il a été condamné à une peine d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 20 ans. Nous n'avons pas atteint les 20 ans encore — et beaucoup de gens ne se rendent pas compte qu'il est possible de demander une semi-liberté avant la fin de la période d'inadmissibilité à une libération conditionnelle —, et il nous revient en tant que parlementaires d'être réactifs parfois. C'est un de ces moments, et c'est un problème qui se dessine.
Je comprends M. Housefather, pour qui j'ai beaucoup de respect, au sujet de la motion qu'il a présentée, mais le fait est que ce sujet fait les manchettes aujourd'hui. Cela ne faisait pas les manchettes la semaine dernière ou le mois dernier, et qu'en tant que parlementaires, nous avons le devoir, selon moi, de parler d'une voix forte et d'une seule voix de ce sujet le plus tôt possible. Il s'agit d'une mesure opportune, et j'appuie totalement l'idée qu'il soit fait rapport à la Chambre.
Je vous remercie.
:
La séance reprend. Il est 10 minutes après l'heure.
Nous allons commencer notre deuxième heure avec notre groupe de témoins.
[Français]
Nous recevons tout d'abord Mme Emilie Coyle, qui est directrice générale de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.
Nous recevons également Mme Barbara Cartwright, qui est directrice générale d'Animaux Canada.
[Traduction]
Shannon Ritchie témoigne par vidéoconférence.
[Français]
Elle est fondatrice et directrice des services cliniques de Currents Counselling.
Je vous souhaite la bienvenue.
[Traduction]
Vous disposez chacune de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions. Je vais faire de mon mieux pour surveiller le temps.
Nous allons commencer par Mme Coyle. Allez‑y, je vous prie.
:
Comme toujours, c'est un grand honneur, et c'est aussi une grande responsabilité, de comparaître devant cet important comité. Merci beaucoup de nous accueillir.
L'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry a une déclaration d'intention que j'aimerais vous présenter aujourd'hui. Il s'agit de remédier à la déshumanisation et à l'exclusion sociale persistantes des femmes et des personnes de diverses identités de genre criminalisées.
J'estimais qu'il était important de lire cette déclaration d'intention dans le contexte des discussions sur le projet de loi .
La violence conjugale, qui inclut le contrôle coercitif, est — comme nous en convenons tous — un problème social d'une ampleur épidémique. Dans bon nombre d'enquêtes et de rapports qui portent sur le contrôle coercitif, dont un rapport de votre comité, on fait ressortir que de vastes efforts pangouvernementaux doivent être déployés pour éradiquer la violence conjugale omniprésente et meurtrière. La Commission des pertes massives, dont je suis sûre que vous avez tous entendu parler, souligne précisément qu'il est essentiel de donner la priorité à la sécurité des femmes en s'éloignant des réponses carcérales pour, à la place, prioriser et financer la prévention primaire.
Malheureusement, le projet de loi entre dans la catégorie des réponses carcérales et nous ne l'appuyons pas.
Je me pose une question. Qui le projet de loi protège‑t‑il? Notre association est particulièrement préoccupée par le fait que l'on continue à s'appuyer sur des approches carcérales pour résoudre des problèmes sociaux comme celui de la violence conjugale. C'est que, dans le cadre de notre travail, nous constatons tous les jours que ce type de réponse ne fonctionne pas. Je vous demande de vous interroger sur un point. Pourquoi croyons-nous que l'ajout de nouvelles dispositions au Code criminel garantira la sécurité des personnes qui ont subi un contrôle coercitif? On parle ici, par exemple, d'une jeune femme de 18 ans qui est aujourd'hui condamnée à une peine d'emprisonnement à vie parce qu'elle a subi un contrôle coercitif de la part de son petit ami violent, qui l'a ensuite forcée à participer à l'assassinat de son rival. Le projet de loi la protégerait‑il, ou protégerait‑il la jeune femme qui a été emmenée de force à l'extérieur des limites imposées relativement à son ordonnance de probation et exploitée sexuellement, avant d'être accusée et jugée coupable d'avoir enfreint ses conditions lorsqu'elle s'est adressée à la police pour obtenir de l'aide?
Dans le cadre de notre travail, nous entendons régulièrement ce genre d'histoires. Un grand nombre de femmes et de personnes de diverses identités de genre criminalisées auprès desquelles nous travaillons ont subi un degré souvent effroyable de contrôle et de violence de façon constante tout au long de leur vie, et ce, dès leur plus jeune âge. Lorsqu'elles se défendent, ripostent ou font quelque chose qui fait qu'elles ont des démêlés avec la justice parce qu'elles essaient de survivre, nous les punissons.
La criminalisation a des répercussions inégales et souvent destructrices sur les Autochtones, les Noirs, les personnes trans, les travailleuses du sexe et d'autres personnes qui souffrent en raison de la pauvreté, de problèmes de toxicomanie, de troubles de santé mentale, d'un statut d'immigration précaire, etc. Malheureusement, ce ne sont pas ces gens qui bénéficieront de la protection conférée par cette mesure législative ou par d'autres réformes législatives en matière pénale dont le but est d'assurer la sécurité des femmes et des personnes de diverses identités de genre. Autrement dit, les personnes auprès desquelles nous travaillons ne correspondent pas à l'image de la victime idéale.
Je m'en voudrais de ne pas parler de deux questions qui sont interreliées, mais qui sont importantes dans ce pays.
Au Canada, les femmes autochtones risquent davantage que les femmes non autochtones de subir de la violence conjugale au cours de leur vie. Nous sommes confrontés à une crise d'incarcération massive des femmes autochtones et des personnes de diverses identités de genre dans nos systèmes provinciaux et fédéral. C'est donc dire que non seulement nous ne protégeons pas suffisamment les femmes autochtones et les personnes de diverses identités de genre, mais nous les criminalisons régulièrement. Dans un pays qui s'est engagé sur la voie de la réconciliation, cette question doit être incluse dans le débat sur la violence conjugale et on ne peut en faire abstraction.
Lorsqu'il est question d'enfants, en ce qui a trait aux mises en accusation doubles ou obligatoires, les femmes et les personnes de diverses identités de genre peuvent elles-mêmes être accusées de violence conjugale et le sont. Lorsque nous criminalisons les femmes et les personnes de diverses identités de genre, nous punissons également les familles.
Notre système de justice réagit une fois que le mal a été fait. Ce n'est pas de la prévention. Je pense que nous nous soucions tous ici des victimes de préjudices. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Si nous considérons que c'est vrai, nous devrions, dans tout ce que nous faisons, nous concentrer sur les personnes qui ont subi ou qui subiront des préjudices. Une intervention après coup ne sera jamais aussi efficace que la prévention.
Je comprends parfaitement que lorsqu'il y a eu préjudice, le premier réflexe soit d'avoir recours au droit pénal. Toutefois, lorsque c'est la seule option qui est sans cesse présentée comme une solution, il est évident que les femmes et d'autres personnes peuvent se sentir obligées de la soutenir. Essentiellement, nous disons qu'il faut se pencher sur la question et que ce n'est pas la solution. Malheureusement, le droit pénal, au mieux, s'avère inefficace et est utilisé de manière incohérente et, au pire, cause des dommages irréparables à des personnes qui sont déjà déshumanisées et exclues socialement.
J'ai plusieurs autres solutions à proposer. J'aimerais en parler pendant la période qui sera réservée aux questions si vous me le permettez.
Merci beaucoup.
Animaux Canada est la fédération qui représente les sociétés canadiennes d'assistance aux animaux et les SPCA. Elle compte des membres dans les 10 provinces et les 2 territoires, dans les plus grands centres urbains, comme la SPCA de la Colombie-Britannique, comme dans les plus petites collectivités côtières, comme la SPCA de Happy Valley-Goose Bay. Ce sont là les organismes de vos circonscriptions sur lesquels les Canadiens comptent lorsqu'il s'agit de prendre soin des animaux maltraités et abandonnés, de faire respecter la loi, de militer en faveur d'une amélioration des soins et de la protection et de fournir des ressources à leurs collectivités.
Notre organisme a fondé la Canadian Violence Link Coalition, une coalition qui réunit plus de 40 intervenants des services à la personne et des services animaliers qui s'intéressent aux liens entre la violence envers les animaux et la violence envers les humains ainsi qu'aux lacunes de notre système de justice qui, souvent, ne tient pas compte de ce lien, en particulier dans des contextes de violence conjugale et de violence familiale.
De plus, Animaux Canada a fondé le National Centre for the Prosecution of Animal Cruelty et c'est un partenaire de confiance de Femmes et Égalité des genres Canada.
Nous sommes ici aujourd'hui pour défendre les personnes survivantes qui sont propriétaires d'animaux et leurs animaux.
Plus de 60 % des foyers canadiens possèdent un animal de compagnie. Les femmes et les jeunes sont plus susceptibles d'avoir un animal de compagnie et 70 % d'entre eux considèrent leur animal comme un membre de la famille. L'animal risque par conséquent d'être utilisé comme outil de contrôle coercitif, ce qui rend les victimes humaines plus vulnérables en raison de l'amour et du dévouement qu'elles lui portent.
Dans le cadre du travail que nous accomplissons avec des femmes victimes de violence qui possèdent un animal de compagnie et des avocats et des procureurs, nous savons que les animaux sont couramment utilisés comme outil de contrôle coercitif. C'est un outil qui s'avère efficace parce que les forces de l'ordre et, souvent, les tribunaux ne se rendent pas compte du lien qui existe, même si une accusation criminelle de cruauté envers les animaux a été portée.
Comme l'ont dit d'autres témoins précédemment, il est nécessaire d'adopter une mesure législative pour criminaliser le contrôle coercitif parce que l'on parle ici de comportements qui durent sur une certaine période plutôt que d'un incident isolé qui pourrait autrement relever d'une autre partie du Code criminel. De même, il faut inclure les animaux dans les dispositions législatives sur le contrôle coercitif, car les articles du Code criminel relatifs à la cruauté envers les animaux ne prévoient pas de mécanisme qui reflète de manière adéquate les types de schémas qui sont observés concernant les comportements coercitifs et contrôlants ciblant les animaux comme outil, ce qui n'est pas un incident rare.
Selon une enquête de 2018, 89 % des personnes survivantes ont signalé que leur partenaire avait infligé de mauvais traitements à un animal. Une étude qui a été réalisée auprès de personnes survivantes en 2019 a mis en évidence certains des actes commis: 65 % ont déclaré que l'on avait menacé de se débarrasser de leur animal de compagnie, 60 %, que l'on avait effrayé ou intimidé volontairement un animal de compagnie et 56 %, que l'on avait tapé un animal de compagnie, tandis que 50 % ont déclaré que l'on avait lancé un objet à l'animal de compagnie. Dans les cas les plus graves, 20 % ont déclaré que l'animal de compagnie avait été blessé et 14 % qu'il avait été tué. Ces résultats sont importants, car ils indiquent que les auteurs des mauvais traitements sont plus susceptibles de se livrer à des formes moins physiques et moins manifestes de mauvais traitements envers les animaux, ce qui fait que la victime ne sait pas si elle doit ou non les signaler à la police, parce qu'elle ne sait pas si un crime a bel et bien été commis.
Je voudrais prendre quelques instants pour vous raconter les expériences de certaines survivantes de notre réseau qui illustrent la façon dont les animaux sont utilisés dans des situations de contrôle coercitif.
Une femme d'une région rurale de la Saskatchewan a fui un foyer où régnait la violence. Son agresseur refusait de nourrir leurs bovins et leurs chevaux ou de s'en occuper, de sorte qu'elle devait revenir sur la propriété pour le faire. Lorsqu'elle revenait, il tentait de l'intimider. La police n'est pas intervenue, car elle estimait que si cette femme retournait à la ferme, cela prouverait qu'elle n'avait pas réellement peur de son agresseur.
Un partenaire violent menaçait d'empoisonner le chien d'une survivante. Le chien est mort, mais la femme n'avait pas les moyens de faire faire une autopsie, si bien qu'elle n'a jamais su s'il l'avait empoisonné ou non. Peu de temps après, elle a rompu avec lui, mais il l'appelait et laissait des messages sur son téléphone dans lesquels il disait « rappelle-toi ce qui est arrivé à Bobby », qui était leur chien.
Une survivante a quitté une situation de violence, mais son partenaire a refusé qu'elle emmène le chien. Une semaine plus tard, il est allé la retrouver chez Starbucks avec le chien et a utilisé ce lien en lui permettant de passer du temps avec le chien si elle faisait tout ce qu'il voulait. Le chien est devenu une source de contrôle et de violence.
Il faut que le projet de loi précise clairement que ces actes constituent une forme de contrôle coercitif. Les mauvais traitements envers les animaux ne sont pas toujours pris en compte par la loi ou par les tribunaux, en particulier s'il n'y a pas de blessure physique. Inscrire dans la loi les schémas de comportements contrôlants et coercitifs en y incluant explicitement les animaux permettrait de clarifier la loi pour les organismes d'application de la loi, les procureurs et les intervenants du système de justice pénale, mais surtout pour les victimes et les personnes survivantes. Par conséquent, nous recommandons d'ajouter les animaux au paragraphe 264.01(2) proposé intitulé « Interprétation — effet important ».
Enfin, dans son rapport de 2021 sur le sujet, votre comité a tenu compte de la place qu'occupent les animaux dans le contrôle coercitif. Le rapport de la Commission des pertes massives contient des recommandations qui portent sur les animaux et le contrôle coercitif.
Enfin, nous sommes heureux d'avoir l'appui de la députée Collins, qui est pour l'inclusion des animaux dans le projet de loi.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
:
Merci beaucoup de m'accueillir. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Je tiens tout d'abord à souligner avec gratitude que je suis une invitée non sollicitée sur le territoire traditionnel non cédé du peuple secwepemc.
Je témoigne en faveur du projet de loi en m'appuyant sur mon expérience de travail auprès des auteurs et des victimes d'actes de violence.
Je vais vous donner quelques renseignements sur moi. Je suis conseillère clinicienne agréée et titulaire d'une maîtrise en counseling. Je suis propriétaire et directrice des services cliniques de Currents Counselling, un centre de counseling situé dans l'Okanagan et dans la région intérieure de la Colombie-Britannique. Je soutiens une équipe de conseillers cliniciens. Ma pratique est axée sur l'intervention auprès de familles et de couples, y compris ceux qui sont dans une situation de conflit grave. Je travaille depuis plus de 10 ans auprès de victimes et d'auteurs d'actes de violence. De plus, j'ai suivi une formation spécialisée dans l'évaluation des risques de violence concernant les auteurs d'actes de violence familiale et de violence sexuelle.
D'après mon expérience et ma formation, la violence coercitive et contrôlante est souvent dissimulée ou mutualisée. On entendra souvent parler de violence familiale ou de conflit relationnel, ce qui ne permet pas de comprendre ce qui se passe et qui fait quoi à qui. Ou encore, on entend des réflexions qui justifient les comportements contrôlants. Un individu dira par exemple « c'est dans son propre intérêt » ou « elle n'est pas douée avec l'argent », pour justifier le contrôle qu'il exerce sur les finances de la famille.
Les systèmes et les professionnels sont souvent complices de la mutualisation et de la dissimulation de la violence parce qu'elle est parfois difficile à cerner. Souvent, on considère la victime comme anormale et on la blâme pour la violence et le contrôle qu'elle subit. La violence peut être manifeste ou subtile et dissimulée. Elle est souvent dissimulée et la résistance à la violence est souvent minimisée et fait l'objet de représailles de la part de l'agresseur.
Souvent, la victime peut croire qu'elle est responsable de la violence perpétrée. Cependant, lorsque nous évaluons correctement la situation, nous apprenons beaucoup de choses. Par exemple, la victime a souvent de l'information sur ce qui se passe lorsqu'elle résiste à la violence. Lorsqu'on demande à la victime ce qui se passerait si elle quittait son partenaire, par exemple, elle a tendance à décrire des choses qui révèlent alors ses véritables craintes pour sa sécurité.
Les victimes de violence coercitive et contrôlante ont souvent très peur de mettre fin à leur relation. J'ai un exemple d'une cliente auprès de laquelle j'ai eu le privilège de travailler il y a un certain nombre d'années. J'ai changé ses renseignements d'identification et je l'appellerai « Tracy ».
Au départ, Tracy a suivi une thérapie avec son mari, qui a près de 30 ans de plus qu'elle. C'est une femme autochtone qui, à l'époque, était au début de la vingtaine et elle était avec un homme blanc quinquagénaire. C'était un homme très riche. Lorsque je les ai rencontrés, il voulait contrôler le récit quant à la raison pour laquelle ils étaient en thérapie. S'ils avaient des problèmes de couple, c'était parce qu'elle avait subi un traumatisme et qu'elle avait un problème d'alcool.
Lorsque je l'ai rencontrée seule, j'ai appris que sa vie était très strictement contrôlée. Elle devait aller à l'église que l'homme fréquentait. Il contrôlait toutes les finances de la famille. Il surveillait ses déplacements de près. Elle n'était pas en mesure d'établir des antécédents de crédit ou d'être indépendante. De plus, lorsqu'elle a demandé à poursuivre ses études, il lui mettait de nombreux bâtons dans les roues. Elle devait lui tenir la main lorsqu'ils marchaient ensemble et si elle ne le faisait pas, il y avait des conflits lorsqu'ils rentraient à la maison. Elle était isolée de ses amis et de sa famille. Elle faisait l'objet d'un contrôle strict de son poids et de son image. Il l'a contrainte à subir une augmentation mammaire, qu'il a payée et qu'elle ne souhaitait vraiment pas. Elle devait également s'habiller de manière conservatrice et rester menue.
À cause de la violence qu'elle subissait, sa santé mentale s'est rapidement dégradée. Elle buvait beaucoup et il lui arrivait de se montrer agressive envers lui. Lorsqu'elle a commencé à se sortir de la relation, les représailles n'ont pas tardé. Pendant qu'elle était à l'extérieur de la ville pour une intervention médicale, il a engagé un avocat et a réussi à présenter un dossier à un juge pour obtenir une ordonnance de non-communication contre elle, sans son consentement.
À sa sortie de l'hôpital, elle a constaté que non seulement elle ne pouvait pas rentrer chez elle, mais elle ne pouvait pas voir ses enfants sans surveillance. Sa santé mentale a continué à se dégrader et elle a conduit avec les facultés affaiblies. Elle avait alors encore moins d'options et n'avait d'autre choix que de retourner dans cette relation.
Cette femme demeurera dans cette situation toute sa vie si l'auteur des faits n'est pas tenu responsable de ses actes. Il y a tant d'autres victimes qui non seulement voient leur vie contrôlée par quelqu'un d'autre, mais qui font face à de réelles conséquences lorsqu'elles essaient d'agir.
Pour résumer, le projet de loi décrit clairement ce que subissent les victimes, offre un soutien aux femmes visées par des comportements coercitifs et contrôlants, et propose que les agresseurs soient tenus responsables pour de tels comportements.
:
Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins d'être présents et de nous aider à examiner ce sujet qui est très important.
Tous les six jours, au Canada, une femme meurt de violence conjugale. Force est de constater que les mesures prises jusqu'à maintenant ne fonctionnent pas. Un grand nombre de femmes ne quittent pas leur partenaire. Je suis bien placée pour savoir ce qu'est le contrôle coercitif. Les ordonnances de non‑communication, même si ces femmes en obtiennent une, sont inefficaces. Les agresseurs les enfreignent impunément, puis ils tuent leur partenaire.
J'aurais d'abord une question pour Mme Coyle.
Vous avez parlé de mesures préventives que nous pourrions prendre. Pourriez-vous nous en dire plus?
Il faut d'abord et avant tout reconnaître qu'il s'agit d'une épidémie, et financer en conséquence et de façon durable les organismes qui viennent en aide aux femmes victimes de violence. C'était d'ailleurs l'une des recommandations de la Commission des pertes massives. Dans un premier temps, il importe d'offrir aux victimes de contrôle coercitif un endroit où se réfugier avec leurs enfants et leurs animaux de compagnie. Je crois savoir que ce projet de loi ne peut avoir une composante financière, mais je pense qu'il est important d'en parler.
Ensuite, si l'on souhaite sensibiliser la population au contrôle coercitif, il faut mener une grande campagne publique. Il faut expliquer ce que c'est aux enfants à l'école et leur en parler quand ils sont jeunes.
Il faut offrir un soutien financier, de la formation — tous les témoins que vous avez entendus ont parlé de formation — et des possibilités d'emplois aux femmes qui fuient un partenaire coercitif.
On doit fournir un financement suffisant aux avocats de l'aide juridique et pour les certificats d'aide juridique, afin que les avocats qui représentent des survivantes criminalisées puissent les défendre.
Et pour finir, plutôt que de criminaliser le contrôle coercitif, nous devrions davantage l'invoquer comme moyen de défense.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Mesdames Cartwright et Coyle, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
J'avais certaines questions, mais j'aimerais revenir sur celles soulevées par ma collègue Mme Brière. En fait, je me demande s'il n'y a pas un certain piège en ce qui concerne les enfants. Je ne veux pas faire de comparaison boiteuse, mais c'est un peu le même raisonnement qui s'applique dans le cas des enfants et des animaux. Selon ce que je comprends, on ne punirait pas la conduite envers les enfants, mais ceux-ci seraient des victimes indirectes, un peu comme un animal qu'on menace. Prenons l'exemple où un conjoint dit à sa conjointe que, si elle ne fait pas ce qu'il lui dit, son chien va y passer. On comprend que le chien deviendrait une espèce de victime indirecte. Cela dit, la personne qui serait victime du comportement contrôlant et coercitif, c'est la conjointe.
Est-ce le même raisonnement en ce qui concerne les enfants? Comme vous l'avez bien dit, il y aura nécessairement des répercussions sur l'enfant, si on porte des accusations contre un parent ou s'il y a un procès criminel. Est-ce un peu de cette façon que vous voyez les choses, c'est-à-dire que l'enfant serait une victime indirecte de la situation entre les deux parents?
Considérez-vous plutôt que le comportement contrôlant et coercitif d'un parent vis-à-vis d'un enfant, même si le parent n'a pas de conjoint ou de conjointe, devrait constituer une infraction au sens de ce projet de loi?
Je tiens à remercier les témoins.
Madame Coyle, j'ai été surpris que vous n'appuyiez pas le projet de loi. La raison en est la suivante: nous sommes en présence de ce que nous appelons un cycle de violence, et il se perpétue. Je pense que vous avez donné l'exemple d'une femme ou d'une victime qui pourrait subir un contre-interrogatoire, ce qui n'est ni admissible, ni juste, ni convenable. Lorsque les choses tournent mal, c'est ce que nous appelons la victimisation secondaire.
Cependant, quelle est l'autre option? C'est le retour de la violence, qui se répète encore et encore. Nous venons d'apprendre aujourd'hui qu'une femme est tuée tous les six jours. Par conséquent, si nous gardons cela à l'esprit, comment pourrions-nous ne pas criminaliser ce comportement?
:
Merci, madame la présidente.
J'appuie entièrement l'objectif du projet de loi, même si je dois reconnaître que nous ne pouvons pas changer complètement les comportements en adoptant simplement une mesure législative. La sensibilisation et la formation ont aussi un grand rôle à jouer.
Je suis heureux que nous, les 339 députés, puissions techniquement adopter n'importe quel projet de loi, mais le processus dans le cadre duquel il est adopté nous permet d'écouter les différents points de vue. À titre d'exemple, Mme Jennifer Koshan, professeure à la faculté de droit, a parlé des « conséquences imprévues » de ce projet de loi, une perspective d'autant plus préoccupante que certains éléments manquent de clarté ou ne sont carrément pas définis.
Madame Coyle, certaines de vos interventions m'ont particulièrement marqué. Vous avez dit que le droit pénal ne peut pas servir de pansement sur la plaie béante que nous avons. Vous avez aussi dit que la criminalisation de ces comportements va toucher les personnes qui sont déjà les plus souvent criminalisées. Dans notre système de justice pénale, nous constatons que la plupart des personnes incarcérées sont des Autochtones et des membres de communautés racisées.
C'est une situation très difficile pour moi. Bien évidemment, lorsqu'on nous raconte l'histoire de ces personnes victimes de la violence entre partenaires intimes, nous ressentons le besoin d'agir. Notre sang ne fait qu'un tour. Nous voudrions tous les mettre au cachot et jeter la clé. C'est notre première réaction, mais nous devons aussi écouter des gens comme vous pour nous assurer de ne pas réagir de manière excessive.
Je n'ai pas de solution. Je sais que vous nous avez déjà fait part de vos réflexions. J'espère que le Comité se penchera davantage sur la question.
Si vous avez quelque chose à ajouter, vous pourrez toujours le faire par écrit.
:
Merci, madame la présidente.
Je vais m'adresser à Mme Ritchie.
La question de l'intérêt supérieur de la personne m'embête un peu. Évidemment, ce serait un facteur pour établir l'absence de mens rea si on disait que la personne a exercé un contrôle inadéquat à l'égard de quelqu'un, mais que c'était dans son intérêt supérieur, par exemple dans une situation où un individu veut se jeter en bas d'un pont et qu'une personne le retient pour l'en empêcher. Dans de tels cas, c'est assez clair.
Cela dit, pourquoi introduit-on cette exception dans le projet de loi? À votre avis, est-ce une bonne idée d'ajouter au Code criminel le paragraphe 264.01(5) proposé, selon lequel un prévenu qui est accusé peut, comme moyen de défense, dire que c'était dans l'intérêt supérieur de la victime? Ne devrait-on pas laisser les tribunaux interpréter ce qui constitue l'infraction, en considérant la mens rea et l'actus reus?
Pourriez-vous m'éclairer sur cette question?