Passer au contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 17 juin 2022

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 24e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément à la motion adoptée le 8 février, le Comité se réunit pour reprendre son étude des obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels. Nous passerons également à huis clos pour discuter des plans de voyage à l'automne et adopter le rapport sur la LPCPVE après cette première partie de la réunion.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les membres sont présents en personne dans la salle et à distance par l'entremise de l'application Zoom. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. Pour ceux qui utilisent Zoom, vous avez le choix au bas de votre écran du parquet, de l'anglais ou du français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser un écouteur et sélectionner le canal souhaité.
    Avant de présenter les témoins, je tiens simplement à vous faire savoir que j'ai deux cartons. J'en brandirai un lorsqu'il vous restera 30 secondes. Lorsque vous serez à court de temps, je brandirai le carton rouge. Je vous demanderais de conclure vos remarques pour respecter le temps de tout le monde.
    Nous accueillons M. Benjamin Roebuck, chaire de recherche et professeur en victimologie et sécurité publique, Centre de recherche en victimologie, Collège Algonquin. Nous recevons également, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, Aline Vlasceanu, directrice générale, et de Services aux Victimes d'Ottawa, Heidi Illingworth, directrice exécutive.
    Chers témoins, vous disposerez de cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire, puis nous passerons aux séries de questions subséquentes. Si vous ne terminez pas vos observations dans votre exposé liminaire, essayez de les aborder durant la période des questions, ou vous êtes les bienvenus à remettre votre déclaration ou vos mémoires au greffier, et nous pourrons les ajouter au rapport.
    Nous allons entendre M. Benjamin Roebuck pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Les droits des victimes ne sont pas un sujet abstrait. Ils ont des conséquences réelles pour les victimes et les survivants de criminalité.
    Quand une personne subit un traumatisme dû à la violence, elle traverse l'un des moments les plus vulnérables de sa vie et est obligée de naviguer à travers les méandres d'un système qui peut être prompt à les abandonner. Le crime est considéré comme étant contre l'État, plutôt que contre la personne qui a été blessée, et la plupart des droits ayant un pouvoir juridiquement contraignant appartiennent à l'accusé, qui se voit garantir le droit à un procès équitable, les services d'un avocat et les renseignements sur les accusations qui pèsent contre lui. Si ces droits ne sont pas respectés, le procès peut être déclaré nul, car nous reconnaissons qu'il y a eu une erreur judiciaire. En fait, les articles 7 à 14 de la Charte canadienne des droits et libertés énoncent ces droits pour les personnes accusées d'infractions criminelles, car en tant que société, nous croyons en la justice, l'équité et l'application régulière de la loi.
    En ce qui concerne les victimes d'actes criminels — et c'est très important —, le fardeau de la preuve est inversé. Notre loi prévoit que les victimes peuvent recevoir des renseignements lorsqu'elles le demandent, et le seul recours prescrit est de déposer une plainte.
    Dans une étude récente réalisée par notre centre de recherche, nous avons entendu des victimes et des survivants d'actes criminels de partout au Canada. J'ai soumis au Comité des copies en français et en anglais de notre rapport. Les gens nous ont fait part des conséquences réelles du fait de ne pas être informés, notamment de ne pas avoir la possibilité de participer aux audiences, d'être consultés sur les décisions qui ont une incidence sur leur vie et, ce qui est peut-être le plus important, de faire part de leurs préoccupations concernant leur sécurité personnelle. Tout cela parce qu'ils n'ont pas reçu les renseignements qu'ils ignoraient qu'ils devaient demander, et personne dans notre système actuel n'est responsable de fournir ces renseignements.
    Ce qui peut aggraver la situation, c'est qu'au niveau fédéral, la loi sur la protection des renseignements personnels est utilisée pour justifier le fait de ne pas informer les victimes. Le gouvernement fédéral estime que cela pourrait porter atteinte à leur vie privée. C'est un véritable obstacle. Au contraire, si nous nous inspirons d'une approche axée sur la personne ou sur la victime, les victimes d'actes criminels doivent être invitées à participer à des conversations sur leur vie privée et leur sécurité.
    D'après notre ancienne ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, qui est avec nous aujourd'hui, l'information est un point d'entrée. C'est ainsi que nous accédons à tous les autres droits qui nous sont octroyés.
    Si nous appliquons le critère de la personne raisonnable, nous pouvons supposer qu'une personne raisonnable qui a été victimisée voudrait être tenue informée de l'état d'avancement d'une enquête et des renseignements sur les services et l'indemnisation. Elle voudrait certainement être informée de son droit d'assister à une audience de libération conditionnelle ou de donner des renseignements sur sa sécurité personnelle à prendre en considération. Nous n'avons pas à faire cette supposition, car les survivants de tout le pays demandent que cette situation change.
    L'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi et l'article 28 garantit l'égalité des sexes. Dans le cas de la violence fondée sur le sexe, je ne comprends pas comment nous pouvons avoir un système qui fournit aux auteurs d'actes de violence, majoritairement des hommes, des renseignements sur leurs droits, les services d'un avocat et un accès garanti à des renseignements sur leur cause, alors que les victimes, majoritairement des femmes, n'ont pas accès à ces mêmes droits. Elles ne seront informées que si elles le demandent et si elles savent quoi demander. Il se peut aussi qu'on ne les consulte pas sur les renseignements concernant leur sécurité personnelle au moment de la planification de la mise en liberté de ce contrevenant.
    La décolonisation de la justice commence par la reconnaissance du déséquilibre du pouvoir qui existe lorsque des personnes prennent ce qui ne leur appartient pas sans leur consentement. Le renforcement des droits et des services pour les victimes de crimes est non partisan, et c'est notre responsabilité dans une société juste et équitable.
    L'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit à un accusé la possibilité de présenter une contestation devant les tribunaux si ses droits n'ont pas été respectés. À l'heure actuelle, les victimes d'actes criminels ne sont pas autorisées à contester en cour le non-respect de leurs droits, mais peuvent seulement déposer une plainte.
    C'est pourquoi le Bureau de l'ombudsman fédéral pour les victimes d'actes criminels revêt une importance cruciale. Alors que le Bureau de l'enquêteur correctionnel a un budget d'environ 6 millions de dollars, avec 41 postes équivalents temps plein, l'ombudsman des victimes dispose d'un budget d'un peu plus d'un million de dollars, avec 10 à 12 ETP.
(1310)
    Même une augmentation modeste de deux à quatre ETP permettrait au bureau de recruter une expertise supplémentaire pour mettre au point des enveloppes stratégiques qui peuvent soutenir des examens systémiques. Il y a beaucoup de travail à faire.
    Je suis reconnaissant d'avoir été invité au Comité aujourd'hui. J'espère que le gouvernement donnera suite à son engagement.
    Merci du temps que vous m'avez accordé.
    Merci, monsieur Roebuck.
    Nous allons maintenant entendre Aline Vlasceanu, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.
    Bonjour. Je suis Aline Vlasceanu, et j'utilise les pronoms she/her/elle. Je suis la directrice générale du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.
    Chaque année, plus de deux millions de Canadiens signalent des incidents criminels à la police, dont près d'un quart sont violents. Le CCRVC communique avec des milliers d'entre eux chaque jour de chaque année, et ce, depuis près de 29 ans.
    L'année 2020 a marqué le cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur du projet de loi C‑32, la Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes. En 2019, l'examen du système de justice pénale du Canada par le ministère de la Justice a reconnu que les victimes se sentent souvent victimées à nouveau dans le système actuel et soutient que des changements majeurs sont nécessaires pour soutenir adéquatement les droits des victimes au Canada.
    Le CCRVC reconnaît que des changements majeurs doivent être apportés à la Loi, car elle n'offre pas à l'heure actuelle les droits et les protections qu'elle promettait. La Loi a été établie pour fournir aux victimes d'actes criminels quatre droits conférés par la Loi, qui sont le droit à l'information, le droit de participation, le droit à la protection et le droit au dédommagement tout au long du continuum de la justice pénale. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi, le CCRVC a été le témoin direct de ses lacunes et de la façon dont elles ont eu une incidence négative sur les victimes d'actes criminels au Canada. Bon nombre de ces lacunes peuvent être attribuées aux problèmes suivants: mise en oeuvre sporadique et incohérente de la Loi, formation limitée des agents du système de justice pénale et aucun effort de sensibilisation du public pour informer les citoyens de leurs droits en vertu de la Loi.
    Les lacunes susmentionnées et bien d'autres ont également été publiées dans le Rapport d'étape: La Charte canadienne des droits des victimes de 2020 du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Dans ce rapport, le Bureau illustre clairement que les objectifs fixés par la Loi n'ont pas été atteints. Cette année, le CCRVC souscrit à cette conclusion du BOFVAC.
    Lorsque la Loi a été adoptée pour la première fois en 2015 pour créer la Charte canadienne des droits des victimes, ou CCDV, il y avait également une exigence selon laquelle un comité du Parlement doit être désigné ou établi pour examiner la CCDV cinq ans après son adoption. Sept ans plus tard, cet examen n'a pas eu lieu.
    La victimisation criminelle est effrayante et déroutante. Les effets peuvent être débilitants et démoralisants et laissent les victimes perplexes, craintives et frustrées, les exposant souvent à des problèmes à long terme à surmonter. À ces effets s'ajoute le fardeau imposé par la complexité de naviguer dans le système de justice pénale. Le système de justice accusatoire relègue les victimes à des rôles d'observateurs ou de témoins dans les procédures entre l'État et l'accusé.
    Le CCRVC travaille au quotidien avec les victimes qui sont souvent traumatisées à nouveau par un système qui devrait les protéger. Le système de justice pénale canadien ne les informe pas adéquatement et automatiquement de leurs droits et des procédures de justice pénale pertinentes. Parmi les plaintes les plus courantes formulées par le CCRVC, citons le fait d'apprendre l'existence d'audiences et de procès après qu'ils aient eu lieu, et d'apprendre leur droit de soumettre une déclaration de la victime après l'expiration du délai de dépôt. Une autre plainte fréquente est le fait d'ignorer son droit à l'information sur un délinquant incarcéré dans un établissement fédéral et d'entrer en contact avec cette personne lorsqu'elle est libérée dans la collectivité.
    Bien que le CCRVC apporte son aide de plusieurs façons, une grande partie de ses services consiste à aider les personnes qui se heurtent aux lacunes de la CCDV. Par exemple, le CCRVC aide les victimes d'actes criminels inscrites à s'orienter dans les organismes offrant des services après-procès tels que Services correctionnels Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada dans leur recherche d'information et leur participation aux audiences de leurs contrevenants. Le CCRVC aide également les victimes dont les droits ont été violés à déposer une plainte, et il soutient celles dont les violations n'ont pas été traitées correctement.
    Ces services sont directement liés aux lacunes de la Loi, car les victimes ne disposent pas de véritables recours concrets en cas de violation des droits que leur confère la Loi.
    Autrement dit, pour aller de l'avant, nous devons tenir les fonctionnaires et le système responsables de veiller à ce que les droits des victimes leur soient accordés de façon concrète. Comme le souligne le rapport d'étape du BOFVAC, il existe des recommandations pour remédier à ce manque de responsabilité. Plus précisément, il s'agit d'une introduction d'une communication automatique de renseignements à propos des droits et des recours des victimes, de la désignation d'une liste de fonctionnaires qui ont des responsabilités directes envers les victimes d'actes criminels au sein du système de justice pénale et de la désignation du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels comme autorité unique compétente pour examiner les plaintes des victimes d'actes criminels concernant la façon dont elles ont été traitées par un ministère, une agence ou un organisme fédéral.
    En accord, le CCRVC recommande également de garantir des services de soutien et d'aide aux victimes, de recueillir des données nationales cohérentes harmonisées avec les droits énumérés dans la loi et d'aider les victimes à percevoir les dédommagements ordonnés par les tribunaux pour les pertes qu'elles ont subies.
    En outre, il est important de noter que le BOFVAC a été créé en tant que ressource indépendante pour les victimes d'actes criminels en 2011 afin de s'assurer que le gouvernement fédéral assume ses responsabilités envers les victimes d'actes criminels. Bien que les responsabilités du BOFVAC semblent prometteuses sur papier, il est difficile d'y donner suite étant donné qu'il n'y a actuellement aucun ombudsman fédéral pour les victimes d'actes criminels. Le poste est vacant depuis la fin du mois de septembre. C'est un affront pour toutes les victimes d'actes criminels de partout au Canada qui comptent sur le BOFVAC comme ressource indépendante.
(1315)
    En tant que comité responsable d'examiner l'obligation du gouvernement envers les victimes d'actes criminels, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes et moi vous exhortons à utiliser votre voix pour défendre les intérêts des victimes d'actes criminels au Canada qu'on a fait taire.
    Merci.
    Merci, madame Vlasceanu.
    Nous allons maintenant entendre Heidi Illingworth, de Services aux Victimes d'Ottawa, pour cinq minutes.
    Je ne sais pas ce qui s'est passé avec ma caméra. Elle ne s'allume pas, mais j'espère que vous pouvez m'entendre.
    Bonjour. Je suis Heidi Illingworth. Je suis la directrice exécutive de Services aux Victimes d'Ottawa, SVO.
    SVO est un organisme communautaire qui fournit du soutien émotionnel, une aide concrète, des références et une défense aux personnes qui ont été victimes d'un crime ou d'une situation tragique.

[Français]

     Je remercie le Comité de m'avoir invitée à comparaître devant lui.

[Traduction]

    Le gouvernement a des obligations claires envers les victimes d'actes criminels. La Déclaration des Nations unies de 1985 des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité...
    Madame Illingworth, nous allons devoir faire une pause. Je pense qu'il y a une règle selon laquelle votre caméra doit être allumée. Je viens de recevoir un message du greffier.
    Vous pouvez vous arrêter une seconde, et nous demanderons aux services de TI de régler ce problème.
(1315)

(1320)
    On me dit que nous pouvons reprendre la séance. Les interprètes ont la déclaration de Mme Illingworth, si bien qu'ils n'ont pas besoin d'une vidéo pour les aider à traduire. J'espère que ce sera réglé avant la période des questions.
    Madame Illingworth, veuillez continuer.
    Désolée. Je m'en excuse. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Ça fonctionnait plus tôt.
    Le gouvernement a des obligations claires envers les victimes d'actes criminels. La Déclaration des Nations unies de 1985 des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels et aux victimes d'abus de pouvoir énonce clairement que les gouvernements doivent donner aux victimes l'accès à la justice et à un traitement équitable, permettre aux délinquants de réparer de façon équitable le préjudice causé aux victimes, offrir des services d'aide et de soutien aux victimes et mettre en place des programmes de compensation financière. Je suis d'avis que le Canada a dans une large mesure échoué à respecter ou à maintenir les normes et obligations internationales envers les victimes d'actes criminels.
    Adoptée en 2015, la Charte canadienne des droits des victimes est une mesure législative faible. Elle est symbolique plutôt que d'avoir une réelle incidence, et elle ne garantit ni droits ni services aux victimes d'actes criminels. Elle a été rédigée de manière à refuser délibérément des droits exécutoires aux victimes d'actes criminels. La loi prévoit expressément qu'aucune de ses dispositions ne peut être interprétée comme donnant aux victimes la possibilité de contester devant les tribunaux le respect de leurs droits.
    Lorsque j'étais ombudsman, j'ai recommandé que la loi soit modifiée afin de prévoir un recours juridique en cas de violation. À l'heure actuelle, la loi empêche les victimes de faire valoir leurs droits par l'entremise d'une révision judiciaire des décisions ou d'autres mécanismes administratifs.
    De plus, la CCDV oblige les victimes et survivants traumatisés de connaître et de faire valoir leurs droits au lieu d'exiger des agents du système de justice pénale, qui ont un devoir de diligence envers les victimes, de fournir automatiquement des renseignements. Je pense que la loi devrait être modifiée pour définir clairement les rôles et responsabilités des agents du système de justice pénale envers les victimes.
    La loi doit préciser quels fonctionnaires sont censés informer les victimes de leurs droits et quand ils doivent le faire. Elle doit également les obliger à documenter les renseignements partagés, la manière dont les protections sont fournies, etc. Les autorités telles que la police, les procureurs de la Couronne et les agents des services correctionnels et de libération conditionnelle doivent être responsables de faire appliquer les droits à l'information, à la protection et aux soutiens prévus par la loi, et elles doivent également rendre compte publiquement de la manière dont elles s'y prennent.
    La mise en œuvre de la CCDV a été un échec, à mon avis. Il y a un manque de données colligées, déclarées et consignées à tous les niveaux en ce qui concerne les droits prévus par la loi. Aucun effort n'a été fait pour mesurer l'incidence du projet de loi ou les résultats pour les victimes. Des investissements importants sont nécessaires pour améliorer l'enregistrement des données par tous les établissements du système de justice pénale.
    La mise en œuvre exige également l'élaboration et l'évaluation d'une formation continue pour les fonctionnaires qui travaillent dans le système de justice pénale aux niveaux fédéral, provincial et territorial et qui sont en contact avec les victimes. Cela n'a pas été fait. Il est essentiel qu'une évaluation soit réalisée pour examiner le contenu de la formation, les personnes qui la donnent, la quantité de formation reçue et les répercussions. Nous devons évaluer l'efficacité de la formation du personnel du système de justice pénale, notamment les principes qui tiennent compte des traumatismes et la sensibilisation à la lutte contre le racisme, afin de décortiquer le pouvoir et le privilège.
    À mon avis, les objectifs fixés par la loi n'ont pas été atteints. Comme je l'ai mentionné dans le rapport d'étape, la mise en œuvre a été sporadique et incohérente. Les possibilités de formation pour les fonctionnaires du système de justice pénale ont été très limitées, et il n'y a pas eu d'effort d'éducation publique de masse pour informer les Canadiens qu'ils ont des droits s'ils deviennent victimes d'un crime. Ainsi, la situation des victimes d'actes criminels n'a pas fondamentalement changé depuis l'adoption de la loi.
    Les victimes d'actes criminels sont confrontées à un très lourd fardeau dans le système de justice canadien. Je sais que vous le savez, mais nous attendons d'elles qu'elles signalent le crime, qu'elles fournissent des preuves, qu'elles témoignent, qu'elles soient contre-interrogées à la barre et revivent sans cesse leurs traumatismes en racontant leur version des faits. Or, nous leur offrons très peu d'aide ou de protection pour le faire. Les victimes sans soutien sont moins susceptibles de se manifester. Quand on ne reconnaît pas les victimes comme étant des personnes titulaires de droits dans le système de justice pénale, le système est moins efficace.
    Les Canadiens méritent d'avoir de la transparence. Ils méritent de savoir si notre système de justice traite les victimes équitablement, s'il les aide à se rétablir et s'il respecte ou non les droits qui leur sont reconnus par la loi. Les Canadiens perdent confiance dans le système de justice lorsque les droits des personnes lésées sont systématiquement ignorés.
    Merci.
(1325)
    Merci, madame Illingworth.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions, en commençant avec M. Brock, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens sincèrement à remercier tous les témoins aujourd'hui. J'ai écouté très attentivement les témoignages. J'ai fait quelques recherches de mon côté avant votre comparution, et vous apportez collectivement une perspective si merveilleuse sur un système profondément bancal.
    Ce projet de loi particulier a été annoncé en grande pompe en 2015 comme étant une tentative d'égaliser les règles du jeu pour les victimes de partout au pays. En laissant de côté ma profonde déception quant au fait que le bureau n'a pas d'ombudsman en place et que ce poste n'a pas été pourvu depuis la fin de septembre de l'année dernière, et apprenant maintenant par l'un des témoins que l'examen obligatoire n'a pas été effectué dans le délai de cinq ans, cela me préoccupe profondément.
    En tant qu'ancien procureur, j'ai souvent remarqué qu'il y avait un manque d'équilibre dans notre système de justice pénale, que le balancier avait tellement penché en faveur de l'accusé que les victimes se sentaient souvent exclues du processus. Il incombe à tous les intervenants du système judiciaire, et notamment à ceux des bureaux des procureurs de la Couronne, d'essayer d'inclure les victimes dans le processus décisionnel. C'est généralement le processus que j'ai adopté en tant que procureur, en essayant d'établir cette relation et cette confiance pour leur faire sentir qu'elles font partie du système et les tenir informées tout au long du processus. La façon dont je menais mes poursuites différait grandement de celle de mes collègues et diffère grandement, je dirais, de celle de l'ensemble des procureurs de la Couronne, du moins en Ontario.
    Un témoin peut‑il me dire quelles mesures supplémentaires, par l'entremise d'une formation professionnelle, vous recommandez pour les personnes associées à la justice de garantir que les victimes se sentent sur un pied d'égalité dans ce processus?
(1330)
    Je pense certainement que cette formation est très importante pour les représentants de la Couronne. À la lumière de la Charte des droits des victimes, monsieur Brock, il semble que vous ayez adopté une approche très sensible lorsque vous étiez procureur, mais nous ne voyons pas toujours cela.
    Nous savons que les procureurs sont très occupés à intenter des poursuites dans de nombreuses affaires, si bien qu'ils n'ont pas toujours le temps de s'asseoir avec les victimes pour leur expliquer ce qu'il en est et ce à quoi elles peuvent s'attendre à mesure qu'elles franchissent les étapes du système. Nous avons absolument besoin d'une formation plus poussée sur la sensibilité, sur les droits des victimes et sur les soutiens auxquels elles peuvent avoir accès lorsqu'elles sont appelées à témoigner, sur les moyens destinés à faciliter les témoignages, entre autres choses, ainsi que sur leurs droits concernant les déclarations des victimes, à quoi s'attendre lorsqu'elles peuvent préparer une déclaration et les exigences connexes. Nous savons qu'il y a maintenant un formulaire et qu'il y a des restrictions sur ce qui peut être dit.
    Les victimes ont besoin de toute cette information. Elles ont besoin d'être guidées dans ce processus. Selon la province ou le territoire, il n'y a pas toujours de personnel d'aide aux victimes ou aux témoins pour faire cela avec les victimes. Il est vraiment important que la Couronne prenne le temps de le faire et qu'il y ait une formation nationale, fédérale, qui garantit que nous avons une approche cohérente quant à la façon dont nous soutenons les victimes qui suivent le processus difficile de témoigner devant un tribunal.
    Merci, madame Illingworth.
    J'ai une autre question pour vous.
    Vous parlez des recours judiciaires, et vous dites que la Charte des droits des victimes devrait peut-être mieux tenir compte des recours judiciaires pour ce qui est des violations flagrantes. Il y a clairement eu des violations au cours des sept dernières années.
    Par ailleurs, si l'on garde à l'esprit le témoignage de M. Roebuck concernant les droits garantis par la Charte qui sont accessibles à tous les Canadiens, y compris les victimes, pensez-vous personnellement que les violations de la Charte et la possibilité de faire valoir ces violations devraient également faire partie de la Charte?
    Je pense que ce serait très intéressant. Nous devons nous diriger vers la mise en place d'une sorte de système où nous pourrons mettre cela à l'essai. Dans le rapport d'étape que j'ai rédigé lorsque j'étais ombudsman, j'ai parlé de la possibilité de commencer par un examen administratif des décisions de ne pas intenter des poursuites, par exemple, afin que les victimes puissent bénéficier d'un niveau d'examen plus élevé ou, si une décision est prise par un organisme fédéral, de la possibilité de demander à la Cour fédérale d'examiner une décision de la Commission des libérations conditionnelles.
    Je pense que ce genre de mécanismes serait un bon secteur pour commencer à mettre à l'essai des mécanismes pour les droits des victimes.
    Merci.
    Je vous en prie.
    Je vais peut-être m'adresser à M. Roebuck sur cette question particulière.
    Quelle sorte de voie envisagez-vous pour permettre aux victimes d'intenter des poursuites à l'égard des violations de la Charte?
    Je pense que dans ces domaines, nous disposons déjà d'une grande partie de l'expertise nécessaire pour intervenir à tous les niveaux, car nous le faisons déjà avec les personnes accusées.
    Je pense que je vois le carton qui signale que je n'ai plus de temps.
    Je suis désolé, monsieur Roebuck. J'espère que nous pourrons obtenir cette information à la prochaine série de questions.
    La prochaine intervenante est Mme Brière, pour six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je ne sais pas si vous pourrez m'entendre comme il faut. Il y a eu une panne d'électricité ici et mes écouteurs ne fonctionnent pas sur mon téléphone. Si on me dit que les interprètes m'entendent bien, je vais continuer.
    Cela semble être correct.
    Parfait, je vous remercie beaucoup.
    Ma question s'adresse à vous, madame Illingworth.
    D'abord, je vous remercie de votre témoignage ainsi que de votre engagement dans l'accompagnement des personnes victimes de violence.
    Je sais que vous avez déjà plaidé l'adoption de lois plus strictes sur les armes à feu. Bien sûr, c'est un enjeu très important pour notre gouvernement. Comme vous le savez, nous avons récemment déposé le projet de loi C‑21 sur les armes à feu. J'espère qu'il sera adopté rapidement, afin de pouvoir continuer à protéger les citoyens de ma communauté de Sherbrooke et de partout ailleurs au Canada.
    J'aimerais connaître votre opinion sur les dispositions relatives aux signaux d'alerte, que le gouvernement propose spécifiquement dans le projet de loi C‑21.
    Pouvez-vous nous en parler un peu plus?
(1335)

[Traduction]

    Merci de la question.
    Je n'étais pas préparée à répondre de façon exhaustive sur le contrôle des armes à feu et les mesures d'alerte. Lorsque j'étais ombudsman, j'ai formulé des recommandations sur ces questions en vue d'accorder une capacité plus rapide à la police de retirer les armes à feu et de permettre au personnel médical d'intervenir pour retirer les armes à feu en cas de problème. Je crois savoir que le processus peut être quelque peu retardé maintenant. Je pense que c'est tout ce que je vais dire pour l'instant, mais je suis certainement favorable à l'augmentation de la capacité des fonctionnaires de retirer les armes à feu des personnes pouvant être à risque.

[Français]

    Je vous remercie.
    On sait aussi que la recherche a montré que la justice réparatrice pouvait profiter aux victimes et aux délinquants et améliorer la sécurité publique.
    Pouvez-vous nous parler de la façon dont les ordonnances de sursis et l'abrogation de certaines peines minimales obligatoires peuvent permettre d'avoir davantage de programmes de justice réparatrice dans nos communautés?

[Traduction]

    On vous écoute, monsieur Roebuck.
    Merci, madame Illingworth.
    Mme Illingworth, Mme Vlasceanu et moi sommes récemment revenus d'une conférence en Espagne avec la World Society of Victimology, dans le cadre de laquelle on a mis l'accent sur l'application de la justice réparatrice et la manière dont elle est appliquée dans différents pays du monde. Je pense qu'il est très clair que la justice réparatrice offre de meilleures options aux victimes. Elles peuvent participer de manière significative et fréquente, et le processus leur apporte davantage que les résultats traditionnels du système de justice pénale.
    Nous voyons au Canada ce tissu disparate où le gouvernement parle de justice réparatrice, mais ne l'appuie pas par un financement. Le financement est vraiment important.
    Nous avons un programme exceptionnel à Ottawa qui a traité des cas graves sévères de violence au minimum... et il a du mal d'année en année à rémunérer ses deux principaux employés. C'est très courant dans tout le pays. Je pense que pour la justice réparatrice, les preuves sont claires. Nous devons mieux offrir des options de participation au sein du système judiciaire, et nous devons financer ces programmes, qui procurent des avantages incroyables non seulement aux victimes, mais aussi aux accusés qui participent à ces processus.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Avez-vous entendu parler des programmes mis sur pied en Espagne? Avez-vous des exemples concrets à nous donner sur la façon de faire de ce pays dans ce domaine?

[Traduction]

    Dans des pays comme la Belgique, les systèmes de justice pour les jeunes sont régis par la loi et toutes les affaires sont automatiquement soumises à la justice réparatrice en tant que mécanisme principal de la justice pénale. Nous avons entendu parler de l'application des principes et des réponses de la justice réparatrice aux conflits armés, mais je pense qu'il existe des travaux bien établis sur la nécessité d'axer la justice sur les victimes.
    Je pense que ce que nous avons entendu clairement, c'est qu'il existe des moyens d'appliquer concrètement la justice réparatrice dans des cas délicats, comme la violence conjugale et la violence sexuelle, alors qu'au Canada, nous hésitons parfois devant certains de ces types d'infractions parce que nous parlons de déséquilibres de pouvoir. Je pense qu'il est important de reconnaître que ces déséquilibres de pouvoir continuent d'exister dans les relations, qu'il y ait ou non un processus sûr et facilité. En fait, je pense que nous avons la possibilité d'explorer l'application plus vaste dans tous les types de violence. Si le processus est exécuté en toute sécurité avec des facilitateurs qui peuvent rencontrer les deux parties à l'avance et par après pour assurer un suivi, je pense que beaucoup de travail peut être accompli dans le cadre de ce processus, ce qui crée une société beaucoup plus sûre.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Croyez-vous que les victimes sont suffisamment au courant de leurs droits et de ce qui existe au Canada pour assurer leur protection?
(1340)

[Traduction]

    Pour poursuivre dans le même ordre d'idées des remarques de Mme Illingworth, on peut se demander si les victimes ont réellement des droits dans l'expérience canadienne. Si elles ne peuvent pas avoir un recours réel, si elles ne peuvent pas contester l'affaire devant les tribunaux, alors il s'agit plutôt d'une déclaration de ce que nous aimerions voir.
    Non, je ne pense pas que les gens comprennent suffisamment la justice réparatrice. Je ne pense pas que nous soyons particulièrement bons pour en faire la promotion. Je pense que nous pouvons faire mieux. Nous devons également renforcer l'accès à des droits valables.

[Français]

    Qui devrait en informer les victimes et quand devraient-elles être informées?

[Traduction]

    Je vais poursuivre dans ce même ordre d'idées, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Je pense que, tout comme dans le cas d'un procès, la police informerait la victime qu'elle a été invitée à témoigner et le délinquant serait informé qu'il est tenu d'y assister. Je pense que dans le cadre du même processus et des mêmes mécanismes de communication, l'option de la justice réparatrice, qui devait être volontaire entre les deux parties, peut être proposée au même moment.
    Merci, madame Brière et monsieur Roebuck.
    Le prochain intervenant est M. Fortin, pour six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    D'abord, je souhaite la bienvenue aux trois témoins.
    Je suis content de vous entendre aujourd'hui. Vous êtes tous les trois éminemment en mesure de répondre à toutes les questions que nous pouvons nous poser. C'est assez évident. C'est très utile que des gens aussi compétents viennent témoigner devant nous quand nous avons des questions aussi importantes à étudier.
    Cela dit, madame Illingworth, je crois comprendre que vous avez été ombudsman, mais que vous n'êtes plus en poste depuis quelques mois déjà.
    Selon vous, quelle incidence l'absence d'ombudsman pour une période aussi longue a-t-elle sur les droits des victimes et la gestion du programme de droits des victimes?

[Traduction]

    Merci de la question.
    Je pense qu'il est inquiétant que le poste soit vacant depuis si longtemps. C'est un poste important pour que les victimes sentent qu'il y a quelqu'un dans le système fédéral qui est là pour entendre leurs préoccupations. Comme l'a dit Mme Vlasceanu, cela devient un problème qui stresse davantage les victimes. Elles comprennent que le bureau a du personnel, mais lorsque le poste est vacant, il n'y a personne pour superviser les plaintes qui arrivent, pour peut-être faire des recommandations ou pour commencer des examens systémiques afin d'examiner les problèmes émergents qui se présentent. C'est frustrant non seulement pour les victimes et les survivants, mais aussi pour les fournisseurs de services, qui ont affaire à des clients qui doivent parfois déposer des plaintes.
    Nous comprenons que ces processus prennent du temps. Nous espérons que le processus avance et que quelqu'un sera bientôt nommé.

[Français]

    Merci.
    D'après les trois témoignages d'aujourd'hui, il semble que l'une des principales lacunes du programme, sinon la principale, soit l'absence d'information adéquate à laquelle ont accès les victimes quant à leurs droits.
    Madame Illingworth, vous qui avez été ombudsman, croyez-vous que la personne occupant ce poste a le pouvoir d'améliorer le réseau d'information pour les victimes?
    Est-ce que quelque chose pourrait être fait par votre successeur éventuel pour améliorer l'information accessible aux victimes?

[Traduction]

    C'est probablement délicat étant donné la taille du budget du bureau. C'est un très petit budget.
    Il faut lancer une vaste campagne d'éducation du public sur les droits des citoyens s'ils sont victimes d'un crime. Je pense que c'est quelque chose que l'un des ministères fédéraux, que ce soit la Justice ou la Sécurité publique, doit entreprendre. Cela coïncidera peut-être avec la révision de la Charte des droits des victimes.
    Les citoyens ne pensent tout simplement pas qu'ils seront un jour touchés par la violence et la criminalité, et lorsqu'ils le sont, ils ne savent souvent pas où aller, à qui s'adresser ou qu'ils ont des droits dans le système. Nous avons besoin d'une éducation du public et sur les médias sociaux plus solide...
(1345)

[Français]

     Je vous remercie, madame Illingworth. Je suis désolé, je ne veux pas être impoli, mais nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Je voudrais poser une question à M. Roebuck.
    Actuellement, l'ombudsman qui défend les victimes relève du ministère de la Justice, en fin de compte. Le sénateur Boisvenu avait déjà recommandé qu'il relève plutôt du Parlement. Monsieur Roebuck, j'aimerais vous entendre sur cette question.
    À votre avis, y aurait-il lieu de transférer cette responsabilité directement à la Chambre ou de la laisser au ministère de la Justice?

[Traduction]

    Je pense qu'il y a des avantages aux deux approches, mais je pense que rendre des comptes au Parlement confère un mandat plus fort au bureau.
    Le but d'un ombudsman est d'avoir une autorité indépendante qui a le droit de remettre en question l'approche actuelle. Il y a un déséquilibre du pouvoir si ce rapport peut être arrêté au ministre de la Justice, qui aborde les questions d'une manière particulière, plutôt qu'à l'organisme plus vaste qui représente les intérêts des Canadiens.
    Lorsque nous examinons un sujet aussi important que la justice pénale, la contribution de la gouvernance d'un organisme plus vaste est appropriée. Comme Mme Illingworth l'a dit, je pense que le fait de s'engager dans cette direction nécessiterait également un portefeuille plus solide. Même s'il ne s'agit pas d'une augmentation substantielle, une augmentation pour renforcer cette capacité serait un avantage supplémentaire qui aiderait considérablement les victimes d'actes criminels.

[Français]

    Le mandat de l'ombudsman devrait-il lui aussi être révisé, ou devrait-on seulement faire en sorte qu'il relève du Parlement?

[Traduction]

    Comme pour le Bureau de l'enquêteur correctionnel, il est nécessaire d'avoir des responsables des politiques qui peuvent aider à résoudre les problèmes systémiques.
    Nous savons que de nombreuses personnes victimes de violence au Canada ne vont jamais jusqu'à se retrouver avec un défenseur condamné par le gouvernement fédéral. Pour découvrir certains de ces aspects, examiner les disparités raciales, les obstacles auxquels se heurtent les familles noires face à la violence armée et ce fardeau presque inversé de prouver que leur victime n'était pas impliquée dans la violence des gangs...
    Il faut tirer au clair bon nombre de ces questions, et nous pouvons mieux le faire avec des capacités supplémentaires.
    Merci, monsieur Roebuck.
    Merci, monsieur Fortin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vais maintenant céder la parole à M. Garrison, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les trois témoins d'avoir comparu aujourd'hui, pas seulement de leur présence, mais du travail qu'ils accomplissent chaque jour au nom des victimes. Je ne pense pas que nous reconnaissions la quantité de travail qui est accomplie avec les maigres ressources disponibles dans ce pays, et je pense que c'est important.
    J'ai entendu aujourd'hui quelques points sur lesquels j'aimerais poser des questions, mais je ne pense pas qu'il s'agisse de questions pour nos témoins, car ils ont tous les trois parlé de la nécessité d'un échange obligatoire de renseignements avec les victimes. Les trois témoins ont évoqué la nécessité de recours juridiques et de ressources adéquates. Ce sont des questions, tout d'abord, pour nous en tant que comité et, ensuite, pour le gouvernement.
    Je tiens également à dire que probablement tous les membres de ce comité ont soulevé auprès du gouvernement la nécessité de pourvoir le poste d'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels dans les meilleurs délais, et nous avons largement dépassé les délais. Non attendons, tout comme les victimes, que ce poste soit pourvu.
    Je veux poser trois questions.
    Premièrement, je vais adresser une question à M. Roebuck en tant qu'universitaire, et j'admets toujours être un universitaire en voie de guérison.
    Avons-nous une idée de la portée des services aux victimes à l'heure actuelle? Autrement dit, sur l'ensemble des victimes que nous avons dans le système, combien de victimes bénéficient d'un quelconque service? Y a‑t‑il un moyen pour nous d'évaluer l'ampleur de ce problème?
    Nous avons certaines mesures.
    Auparavant, Statistique Canada menait une enquête sur les services aux victimes. Les provinces qui gèrent des services provinciaux d'aide aux victimes ont des paramètres où elles enregistrent des données, et les services rendent compte du nombre de personnes qui reçoivent des services. Si nous devions comparer ces données avec celles de l'ESG, les enquêtes sur la victimisation, nous savons que le nombre de personnes qui accèdent aux services est loin de correspondre au nombre de personnes victimisées. Il y a donc certainement un écart.
    Ce que nous constatons, c'est que nous avons besoin de meilleures données fondées sur la race, car il existe des divergences quant aux communautés qui bénéficient le plus des services aux victimes. Il y a du travail à faire, mais il nous faut de meilleurs renseignements. Nous commençons tout juste à voir l'incidence des données fondées sur la race pour nous aider à lutter contre l'inégalité systémique.
    Je vais essayer de vous fournir un chiffre, mais quelle est l'ampleur de cet écart? Quelle est son ampleur? La moitié ne reçoit-elle pas de services, les trois quarts ou 10 %? Je sais que c'est une question injuste pour un universitaire, mais pouvez-vous nous donner une idée de l'ampleur de cet écart?
(1350)
    Je peux dire qu'il est énorme et complexe, bien sûr. Je pense qu'il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les gens ne passent pas par le système judiciaire, et parfois les soutiens que nous offrons aux victimes d'actes criminels sont liés à ce système.
    Nous entendons certainement parler de personnes qui sont mal desservies dans le cas, par exemple, d'un incident aussi grave qu'un meurtre-suicide. Si l'auteur du crime et la victime meurent tous les deux, les membres de la famille se retrouvent sans beaucoup de services que d'autres personnes pourraient avoir.
    Il y a un énorme écart, mais c'est certainement un secteur sur lequel nous devrions nous concentrer davantage.
    Merci.
    Madame Vlasceanu, quand les victimes d'actes criminels s'adressent au centre de ressources, quels sont les principaux services ou l'aide qu'elles cherchent?
    Nous agissons normalement comme une sorte de navigateur de systèmes pour les victimes d'actes criminels au Canada. Souvent, les gens s'adressent à nous parce qu'ils ne veulent pas nécessairement porter plainte à la police, et ils essaient donc de savoir quels droits et quels services ils peuvent obtenir, compte tenu des circonstances.
    Malheureusement, au Canada, des initiatives comme les programmes d'indemnisation et les services aux victimes sont gérés par les provinces. Par conséquent, ces services varient énormément d'une province à l'autre. Souvent, comme M. Roebuck l'a mentionné, ils se retrouvent quelque part au milieu et ne savent pas trop quoi faire.
    Il arrive aussi que les victimes ne soient pas informées de leurs droits lorsqu'elles se rendent à la police. On ne leur dit pas qu'elles peuvent être accompagnées d'une personne lorsqu'elles se rendent à la police. On ne leur dit pas qu'elles peuvent faire une déclaration de la victime, qu'il y a une date limite pour cette déclaration ou qu'il y a de nombreuses règles à suivre pour la rédiger. Même s'y retrouver dans les agences post-procès... parce que leur voyage ne se termine pas lorsque l'accusé est emprisonné. Ce processus se poursuit, et pas seulement le processus de guérison. S'il s'agit d'un délinquant incarcéré au niveau fédéral, c'est audience après audience après audience. Nous pouvons agir comme personne de soutien pendant ces audiences, et nous pouvons les aider à rédiger leurs déclarations. Nous pouvons également les lire en leur nom, car nous savons que cela peut être très éprouvant pour les victimes.
    J'aimerais poser une question plus difficile, madame Illingworth, en tant qu'ancienne ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels. Les ressources disponibles au Bureau, nous le savons tous, sont insuffisantes, mais pourriez-vous nous donner une idée du type de demandes auxquelles le Bureau n'a pas pu répondre en raison de ces ressources limitées?
    Je pense simplement que vous êtes vraiment limité dans le nombre d'enquêtes systémiques que vous pouvez entreprendre, ou de questions émergentes que vous pouvez examiner, parce que le nombre d'employés à temps plein est si peu élevé, comme M. Roebuck l'a mentionné. On ne peut entreprendre qu'un certain nombre de projets — essentiellement, un grand rapport par année, peut-être. Il y a une limite à la traduction. Il y a une limite à la communication. Oui, vous devez vraiment décider, en tant qu'ombudsman, sur quelle question vous voulez vous concentrer en fonction des plaintes que vous recevez ou des questions qui sont soulevées.
    Ce n'est pas dans l'habitude du Bureau de l'enquêteur correctionnel. Avez-vous vu ses rapports? Ils sont volumineux. Ils se concentrent sur de nombreux problèmes systémiques. Le bureau de l'ombudsman pour les victimes d'actes criminels est beaucoup plus limité dans le travail qui peut en résulter.
    Ma dernière question s'adresse à l'un d'entre vous ou à vous trois. Notre système de santé mentale reconnaît‑il la nécessité d'offrir des services aux victimes qui ont vécu ces processus traumatiques?
    Répondez très brièvement.
    Je pense qu'il y a une certaine forme de reconnaissance la plupart du temps, mais je pense qu'il n'y a tout simplement pas assez de ressources pour tout le monde. Même lorsque les victimes essaient de faire une demande d'indemnisation, ce qui inclut l'accès à des services de santé mentale, les longues listes d'attente, entre autres choses, constituent un autre obstacle pour les victimes. De plus, le nombre de séances auxquelles elles ont accès est limité. Par exemple, en Ontario, le coût est d'environ 1 000 $, ce qui représente moins de 10 séances par personne.
    Oui, c'est très limité.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous allons maintenant entendre M. Richards, qui dispose de cinq minutes.
    J'ai l'impression d'avoir bouclé la boucle. Lorsque la loi a été mise en place, je siégeais au comité de la sécurité et nous avions examiné le projet de loi, qui allait être inscrit dans la législation. Je me souviens qu'à l'époque, bon nombre des témoins qui avaient comparu devant le comité nous avaient dit que le manque d'information dont disposaient les victimes était l'un des plus graves problèmes. On croyait que le projet de loi allait contribuer à régler ce problème.
    Il semble toutefois que ce ne soit pas le cas, pour une quelconque raison; du moins, la loi n'a pas aidé suffisamment. J'aimerais que nous en parlions.
    Mais d'abord, on a souligné à quelques reprises, tant dans les questions que dans les déclarations préliminaires, que le poste de commissaire était vacant. Je crois qu'il s'agit d'un affront pour les victimes. J'aimerais que vous nous parliez de l'incidence de cette situation sur les victimes.
    J'aimerais que vous me répondiez le plus brièvement possible. N'importe qui peut commencer.
(1355)
    Bien sûr. Je vais vous répondre en premier.
    Pour mon équipe et moi, il est très éprouvant de devoir dire aux victimes que ce poste est vacant. Lorsque les victimes sont frustrées, nous le ressentons, parce que nous travaillons avec elles aux premières lignes.
    De nombreuses victimes ont l'impression que la situation démontre qu'elles ne sont pas entendues dans le système canadien. Je crois que souvent, ces personnes déjà traumatisées sont à nouveau victimisées lorsqu'elles apprennent qu'un poste a été créé pour les aider, mais qu'il n'y a pas suffisamment de fonds pour le pourvoir.
    Est‑ce que quelqu'un d'autre veut faire un commentaire?
    Oui. Je crois qu'à l'heure actuelle, nous vivons l'une des transformations les plus complexes du système de justice pénale de l'histoire. Pendant la pandémie de COVID‑19, la transition vers la prestation de services virtuels a beaucoup changé les choses; les lacunes sont plus importantes et bon nombre de cas plus complexes n'ont toujours pas été réglés.
    Cette absence pendant la pandémie de COVID‑19 et toutes les mesures d'adaptation qui sont toujours en cours ont fait en sorte que de nombreuses personnes n'ont pas pu obtenir de l'aide et des recours; il faut que quelqu'un s'occupe de ces dossiers.
    Ce que vous dites, en gros, c'est qu'il ne pourrait pas y avoir pire moment pour que ce poste soit vacant.
    C'est exact.
    Oui.
    Pouvez-vous aborder la question que j'ai évoquée au début de mon intervention? Les victimes ne reçoivent pas l'information dont elles ont besoin pour participer au processus de manière appropriée et veiller à ce que leurs histoires soient entendues au sein du système de justice, à ce qu'elles soient traitées avec respect et de la bonne façon, et à ce que les répercussions subies soient pleinement prises en compte dans le système. Vous avez tous dit que ce manque d'information empêchait les victimes de participer adéquatement au processus.
    Qu'est‑ce qui manque au juste? Pourquoi les victimes ne sont-elles pas en mesure d'obtenir les renseignements dont elles ont besoin et que pouvons-nous faire pour régler le problème?
    Je vais répondre en premier, rapidement, puis je cèderai la parole à M. Roebuck.
    Je dirais tout d'abord qu'il y a un grand manque de communication des renseignements sur les droits de la part de la police. Nous savons que le projet de loi s'applique au système de justice pénale; il faut donc déclarer le crime pour se prévaloir de ces droits et participer au processus judiciaire.
    Pour moi, la première étape — qui est essentielle — serait d'exiger aux policiers qu'ils remettent une carte d'information aux victimes sur leurs droits. C'est ce que j'avais recommandé lorsque j'étais ombudsman. Selon ce que je comprends, la GRC ira de l'avant avec cette initiative — ce serait incroyable si c'était bel et bien le cas —, mais tous les services de police du Canada devraient remettre un document aux victimes pour qu'elles sachent qu'elles ont le droit à l'information, le droit d'accéder à la justice réparatrice, le droit à la protection, etc. Ce sont tous des droits désignés dans le projet de loi.
    Je vais peut-être vous poser une autre question à titre de suivi, mais M. Roebuck a dit qu'il souhaitait faire un commentaire à ce sujet. Je vais vous laisser parler en premier et j'espère avoir le temps pour faire un suivi sur ce que vous venez de dire.
    Je serai très bref. Il y a un écart important dans la transition des services d'aide aux victimes provinciaux vers les services fédéraux; l'information n'est souvent pas transmise. Si une personne ne s'inscrit pas à titre de victime dans le portail fédéral, elle ne sera pas informée de l'audience de libération conditionnelle et ne saura pas qu'elle peut présenter une déclaration de la victime. C'est une lacune énorme à ce niveau.
    J'aimerais vous poser une autre question à ce sujet pour commencer. Que devons-nous faire pour veiller à ce que les personnes sachent qu'elles doivent s'inscrire? Quelle mesure pourrions-nous prendre pour nous assurer que les gens savent quoi faire?
    La Colombie-Britannique mène un projet pilote dans le but de fusionner certaines données du système provincial avec celles du système fédéral. Le problème, à l'heure actuelle, c'est cette idée que la communication proactive avec des personnes qui ont été victimes d'infractions fédérales représente une violation de la vie privée. Il faut éliminer cet obstacle, à mon avis.
(1400)
    Merci.
    Merci, monsieur Richards.
    Merci, monsieur Roebuck.
    Nous allons maintenant entendre M. Naqvi, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Roebuck, je m'adresse à vous de nouveau. Vous avez parlé de données, et cela a attiré mon attention.
    Les services d'aide aux victimes sont une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Pouvez-vous nous parler de votre expérience relative à la façon dont cette responsabilité est partagée, surtout en ce qui a trait aux données? Quel est l'état des données des diverses administrations au pays?
    Je crois que souvent, les populations minorisées ou racisées passent par des mécanismes de soutien beaucoup plus informels, plutôt que par les systèmes traditionnels. J'aimerais voir les données fondées sur la race pour les personnes inscrites au Portail des victimes. Est‑ce que nous atteignons l'ensemble des personnes victimes de crimes fédéraux ou de délinquants purgeant une peine de ressort fédéral ou y a‑t‑il un biais dans l'accès aux mesures de soutien?
    C'est une grande question. Je crois que l'ombudsman peut nous aider, mais nous avons besoin d'une stratégie relative aux données sur les services fédéraux d'aide aux victimes pour déterminer qui a accès à ces services et qui est exclu, afin de cibler les lacunes.
    Est‑ce que votre recherche vous a permis de cibler certaines lacunes?
    Dans le cadre de nos recherches sur les victimes de crimes et les fournisseurs de services d'aide aux victimes, nous avons réalisé deux sondages à très grande échelle auprès de personnes qui ont été touchées par un crime ou qui travaillent dans le secteur de l'aide aux victimes au Canada. Les deux enquêtes présentaient un échantillonnage à prédominance blanche, même lorsqu'on passait par les organisations officielles.
    Pour atteindre d'autres personnes, nous devons passer par des mécanismes de soutien informels. À Ottawa, par exemple, il y a un pasteur qui a tenu sept services funéraires pour des victimes d'homicide noires. Comme c'est un pasteur noir, les gens de la communauté ont un sentiment d'appartenance envers lui.
    Il y a des gens qui travaillent très fort et qui ont besoin d'un soutien. Il faut valider nos données pour pouvoir cibler les lacunes et le travail à faire. Il faut que les ressources se centrent sur la sensibilisation et sur la communication avec ces groupes.
    Merci.
    Est‑ce que je peux ajouter quelque chose?
    Nous savons que certains groupes — surtout les citoyens autochtones, noirs et de couleur — sont soumis à un contrôle policier excessif et sont surreprésentés dans le système de justice pénale. Nous savons aussi qu'ils sont sous-protégés en tant que victimes.
    Comme l'a fait valoir M. Roebuck, nous devons examiner les données fondées sur la race et savoir quelles victimes n'ont pas accès aux services et au soutien. Bon nombre des données nous montrent que nous aidons des colons blancs. Nous n'aidons pas beaucoup les groupes qui subissent les répercussions négatives de la violence.
    Madame Illingworth, vous êtes la directrice exécutive des Services aux victimes d'Ottawa. Je viens d'Ottawa.
    Quels sont les outils de sensibilisation ou d'éducation auxquels Services aux victimes d'Ottawa a recours pour aider les communautés minoritaires de la ville d'Ottawa?
    Je travaille activement à ce dossier présentement.
    Nous avons un tout nouveau projet. Nous avons ajouté un agent de liaison pour la lutte contre les crimes haineux à notre équipe, qui tente de tisser des liens avec les communautés touchées par ce type de crimes pour leur faire connaître les services et les mesures de soutien qui leur sont offerts. Nous tentons de diversifier notre personnel et notre conseil, afin de bâtir des relations avec les communautés et de travailler avec les personnes racisées.
    Nous travaillons très fort depuis que j'ai accepté le poste de directrice exécutive à l'automne, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous savons que nos clients sont souvent de nouveaux arrivants, et des personnes racisées. Nous devons nous assurer de leur offrir des mesures de soutien respectueuses de leur culture, afin qu'ils ne craignent pas de venir nous voir pour obtenir de l'aide et pour naviguer à travers le système judiciaire.
(1405)
    Je n'ai pas beaucoup entendu parler des Autochtones du Canada aujourd'hui.
    Quelle est votre expérience de l'offre de services aux victimes autochtones?
    Veuillez répondre très rapidement, s'il vous plaît.
    Il se passe beaucoup de choses dans les programmes culturels et au sein des communautés, même dans les grands centres, mais il y a d'importantes lacunes.
    Je sais qu'on accorde de plus en plus d'attention à une enquête sur les hommes autochtones disparus et assassinés, qui ont été largement exclus de l'enquête précédente, mais dont la disparition mérite aussi qu'on s'y attarde.
    Merci, monsieur Roebuck.
    Nous allons tenir deux séries de questions de deux minutes et demie, à commencer par M. Fortin.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adressera à Mme Illingworth, l'ancienne ombudsman.
    Pourriez-vous me parler de l'expérience que vivent les victimes dans l'ensemble de la population canadienne quant à la satisfaction, à l'insatisfaction, aux avantages et aux désavantages?
    Est-ce la même chose d'un bout à l'autre du Canada et au Québec? Y a-t-il des régions où c'est vécu différemment?

[Traduction]

    Oui, je dirais qu'il y a des régions au Canada où l'expérience sera très différente. Nous savons que les services et les mesures de soutien sont plus difficilement accessibles dans les régions rurales et nordiques, ce qui peut représenter un défi. Lorsqu'une personne vit dans une petite communauté où tout le monde se connaît, elle peut être victime de stigmatisation et l'accès aux services peut être particulièrement difficile. Parfois, les prestataires des services dans ces communautés sont des proches de l'auteur des crimes. Nous avons entendu parler de problème de ce genre.
    Oui, je dirais que les défis sont nombreux, surtout en ce qui a trait à l'aide financière et à l'indemnisation...

[Français]

     Je vous remercie, madame Illingworth.
    J'ai une dernière question à vous poser, ainsi qu'à M. Roebuck.
    N'y aurait-il pas lieu de réfléchir à un amendement au Code criminel afin que les victimes soient obligatoirement considérées comme une partie à tout procès pour infractions criminelles? Actuellement, les parties sont la Couronne, soit la poursuite, et la défense. Ne pourrait-on pas ajouter, minimalement, la victime comme troisième partie?

[Traduction]

    Je crois que certains pays, comme l'Allemagne, ont commencé à offrir aux victimes d'agir à titre de tiers dans le système de justice pénale, et même d'avoir leur propre représentation juridique ou d'agir à titre de procureur adjoint. Je crois que nous connaîtrons bientôt les résultats de ces approches. Il faut toujours que ce soit fait de façon volontaire. Nous reconnaissons que certaines victimes voudront assumer ce rôle et d'autres non. Je crois qu'il faut offrir diverses options aux victimes afin qu'elles prennent part au processus.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Roebuck.
    Madame Illingworth, j'imagine...

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin. Nous n'avons plus de temps.
    Nous allons maintenant entendre M. Garrison, qui dispose de deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais prendre mes deux dernières minutes et demie pour parler du comportement coercitif et contrôlant dans les relations entre partenaires intimes. Je sais que M. Roebuck a mené des recherches dans ce domaine. J'aimerais savoir quels sont les services offerts aux victimes et quelles sont les difficultés associées à leur prestation. M. Roebuck peut peut-être répondre en premier.
    Je sais que Mme Illingworth a travaillé avec des universitaires sur ce sujet en particulier; je lui accorderais donc la priorité pour cette intervention.
    D'accord. Merci.
    Je crois qu'il y a un défi important associé à l'absence du comportement contrôlant et coercitif du Code criminel. La violence psychologique n'y est pas reconnue. Nous savons que de nombreuses victimes de violence entre partenaires intimes souffrent non pas de violences physiques, mais bien de ce comportement contrôlant, et qu'elles sont enfermées dans cette sorte de cage invisible par un partenaire qui contrôle toutes les sphères de leur vie.
    À notre centre, Services aux victimes d'Ottawa, nous accueillons de nombreuses personnes victimes de ce type de violence, qui ne savent pas trop comment obtenir de l'aide. Nous offrons surtout des services de planification de la sécurité. Nous nous assoyons avec ces personnes. Nous leur parlons du choix qu'elles ont de rester dans cette relation ou de quitter leur partenaire, si elles décident qu'il s'agit de la meilleure chose à faire pour elles, mais nous n'avons pas suffisamment de mécanismes juridiques pour les aider. Nous savons que la police ne peut pas intervenir s'il n'y a pas de violence physique. C'est un réel problème pour le système judiciaire. Lorsque j'étais ombudsman, j'ai appuyé l'appel à la criminalisation de cette forme de violence au Canada.
(1410)
    Merci, madame Illingworth.
    J'aimerais revenir à M. Roebuck, qui a fait preuve de galanterie. Je vais lui accorder les 30 secondes qu'il me reste.
    Je crois qu'il y a de très bons exemples à suivre. Récemment, le Royaume-Uni a adopté une loi qui criminalise les comportements coercitifs et contrôlants, parce qu'il s'agit d'une violation de la liberté et de l'indépendance de l'autre.
    Je crois que nous devons aussi reconnaître que ces comportements ne sont pas associés à un seul sexe ou à un seul type de relation. Ils se produisent aussi chez les couples allosexuels. Les victimes sont souvent des femmes en couple avec des hommes, mais ce sont aussi des hommes en couple avec des femmes, ou des partenaires de même sexe. Je crois qu'il faut reconnaître toutes ces possibilités dans le cadre de l'offre de services et des interventions.
    Merci.
    Merci, monsieur Garrison et monsieur Roebuck.
    Voilà qui met fin à la réunion d'aujourd'hui sur la Charte des droits des victimes.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant cinq à sept minutes. Je demanderais à tous ceux qui participent à la réunion par Zoom d'utiliser le lien qui leur a été transmis à 13 h 10 par le greffier pour joindre la séance à huis clos. Nous reprendrons ensuite les travaux.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU