Bienvenue à la 29e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 février, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur les obligations du gouvernement à l’égard des victimes d’actes criminels.
La réunion d’aujourd’hui se déroule sous une forme hybride, conformément à l’ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés peuvent participer en personne dans la salle, ou à distance à l’aide de l’application Zoom.
J’aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l’icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. En ce qui concerne l’interprétation, pour ceux qui sont sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre l’anglais, le français ou le parquet. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l’écouteur et choisir le canal désiré.
Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
J'ai également des cartons pour signaler le temps restant. Lorsqu’il vous restera 30 secondes, je brandirai celui‑ci, alors essayez d’y porter attention parce que je ne veux pas vous interrompre. S'il ne vous reste plus de temps, je brandirai le carton rouge. Veuillez alors conclure immédiatement.
Pour les députés présents dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les députés sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir l’ordre de parole, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Les témoins disposeront de cinq minutes chacun avant le début d’un tour de questions.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins pour la première heure: Arlène Gaudreault, Monique St. Germain et Kat Owens.
Nous allons commencer par Arlène Gaudreault, pour cinq minutes.
D'abord, je veux vous remercier de nous permettre de participer à cette consultation. Je représente, en tant que présidente, l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, un organisme de défense collective des droits des victimes.
D'emblée, je veux dire que nous tenons à saluer le travail qui a été entrepris par le gouvernement fédéral afin de faire connaître la Charte canadienne des droits des victimes, ou CCDV, d'actualiser ses dispositions dans les pratiques et de soutenir la mission de nombreux organismes.
Grâce au soutien financier du ministère de la Justice du Canada et à la collaboration du ministère de la Justice du Québec, nous avons mené de nombreux projets d'envergure se rapportant à la Charte canadienne des droits des victimes. J'ai annexé un bref résumé de ces initiatives au court mémoire que j'ai transmis.
Dans le temps qui m'est imparti, je voudrais souligner quelques obstacles qui entravent le parcours des victimes lorsqu'elles veulent faire valoir leurs droits et recours. Je parlerai en premier de la méconnaissance des droits des victimes inscrits dans la Charte et des problèmes liés au droit à l'information, qui ont été largement documentés dans le cadre de consultations menées au Canada et dans les rapports du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. L'ombudsman a notamment recommandé que l'on permette aux victimes d'exercer leur droit à l'information et que les informations leur soient acheminées de façon proactive plutôt qu'à la suite d'une demande.
Il s'agit d'une proposition intéressante, mais qui devrait faire l'objet d'une étude plus approfondie quant à sa mise en application. Il faudrait examiner, par exemple, les dispositions des lois provinciales et fédérales qui balisent la confidentialité et le respect de la vie privée. Il faudrait aussi se pencher sur les dispositifs qui devraient être mis en place et consulter un très large éventail de victimes, afin de recueillir leurs opinions et propositions.
La Charte présente certaines difficultés. L'une des plus importantes tient au fait qu'elle dresse une liste sommaire et non exhaustive des droits que les victimes peuvent exercer dans différents contextes et auprès de diverses instances. Les droits sont peu définis. Les obligations des instances et des acteurs au sein du système de justice ne sont pas précisées.
Par conséquent, cela ne permet pas aux victimes de savoir à quoi elles peuvent s'attendre. Elles doivent entreprendre de multiples démarches auprès de différentes instances de justice pour trouver des réponses aux questions qui les préoccupent.
Pour pallier ces difficultés, de nombreux organismes ont élaboré des directives, des déclarations de services afin de permettre aux victimes de mieux comprendre leurs responsabilités ainsi que les mesures qui ont été mises en place pour répondre à leurs besoins et à leurs droits. Dans mon mémoire, j'ai donné des exemples. La Directive du commissaire 784, intitulée « Engagement des victimes », de Service correctionnel Canada, ainsi que les directives établies par le directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec sont de bonnes pratiques, qui pourraient inspirer d'autres organismes qui n'ont pas, jusqu'à présent, bien défini leurs engagements.
La Charte présente un obstacle assez important du fait que les droits sont discrétionnaires dans beaucoup de cas et que les acteurs au sein du système de justice ont beaucoup de latitude pour juger de ce qui est raisonnable et de ce qui est de l'intérêt de la saine administration de la justice. La Charte est aussi tributaire des ressources dont disposent les organismes. Elle est tributaire de leurs missions respectives et de la façon dont ils définissent leur prise de position à l'égard des victimes. Elle est balisée aussi par d'autres lois, comme le Code criminel et les lois qui régissent le système correctionnel. Ce sont des réalités qui ne sont pas toujours bien comprises ni bien acceptées par les victimes.
Lorsque la Charte a été adoptée, en 2015, le législateur a voulu mettre en place des mécanismes d'examen des plaintes pour permettre aux victimes de faire valoir leurs droits lorsqu'elles considèrent qu'elles sont lésées. Cela constituait un pas en avant. Malheureusement, les résultats que nous constatons à l'heure actuelle sont plutôt décevants. Dans les entités fédérales où des mécanismes d'examen des plaintes ont été mis en place dès le départ, on rapporte très peu de plaintes, soit une vingtaine par année, pour l'ensemble des organismes fédéraux, ce qui est vraiment très peu. Cela laisse croire que les victimes ignorent l'existence de ces mécanismes.
En ce qui concerne les provinces et territoires, il n'y a pas, actuellement, de portrait nous permettant d'évaluer comment ils ont répondu aux exigences de la Charte, et il n'y a pas d'analyses non plus.
Il s'agit d'une question importante. Un bilan critique s'impose afin d'examiner ce qui a été mis en place dans l'ensemble des organisations du Canada. Il faut déterminer la nature des problèmes et apporter des correctifs. Pour faire ce bilan, la collaboration des provinces et des territoires est incontournable.
L'ombudsman a fait des recommandations concernant une proposition qui revient souvent, soit celle d'offrir aux victimes la possibilité d'exercer des recours judiciaires et administratifs. Actuellement, elles n'ont pas le droit d'interjeter appel d'une décision ou d'un jugement.
Selon nous, cette question complexe devrait être étudiée par un groupe de travail. Ce dernier devrait se pencher sur la faisabilité de ce type de recours dans notre système de justice pénale et formuler des recommandations. Cela permettrait d'approfondir la question et notre réflexion et de déterminer les mesures qui devraient être prises.
J'aimerais ajouter un petit mot sur le dédommagement, un autre élément majeur. Les dispositions de la Charte visaient à renforcer le recours au dédommagement. Si vous lisez le...
Il me reste deux choses à dire.
Il faudrait examiner cet élément, parce que non seulement on n'a pas amélioré le recours au dédommagement, mais on observe une diminution du nombre de recours après l'adoption de la Charte.
En conclusion, je dirai que nous sommes déçus, et nous ne comprenons pas le manque d'empressement du gouvernement fédéral à procéder à la révision parlementaire qui était prévue dans la Loi lorsqu'elle a été adoptée. Il est important de le faire pour déterminer les problèmes, renforcer les droits, connaître les bonnes pratiques...
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Merci, monsieur le président et distingués membres du Comité. Je vous remercie de me donner l’occasion de participer à cette étude.
Je m’appelle Monique St. Germain et je suis avocate générale au Centre canadien de protection de l’enfance, qui est un chef de file mondial dans la lutte contre la prolifération du matériel montrant l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Nous sommes un organisme de bienfaisance national et nous offrons des programmes et des services aux victimes d’actes criminels depuis plus de 37 ans.
Cela fait 20 ans que nous exploitons Cyberaide.ca, la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation sexuelle d’enfants en ligne. La centrale de signalement est un élément important de la stratégie nationale du gouvernement du Canada pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle sur Internet. Le rôle que nous jouons, par l’entremise de Cyberaide, consiste à transmettre les signalements aux services de police et aux organismes de protection de l’enfance appropriés, au besoin, à accroître la sensibilisation par l’éducation et à fournir des services de soutien pour aider directement les familles et les enfants canadiens. La centrale de signalement n’a jamais été aussi achalandée, et mon objectif ici aujourd’hui est d’être la voix des victimes et des familles que nous aidons.
En 2015, notre organisme croyait que la était une étape essentielle vers un système plus équitable pour les victimes. C’est toujours le cas, mais depuis 2015, l’ampleur de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne a explosé. Selon Statistique Canada, le taux global d’incidents d’exploitation et d’abus sexuels en ligne déclarés à la police est passé de 50 incidents pour 100 000 habitants en 2014 à 131 incidents en 2020. Ces chiffres indiquent que nous avons un énorme problème sur les bras, surtout si l’on considère que ces chiffres ne sont que la pointe de l’iceberg.
Les crimes d’exploitation sexuelle d’enfants sont nettement sous-déclarés. De nombreux cas impliquent des agresseurs qui sont membres de la famille immédiate ou du ménage de l’enfant ou une personne connue de la famille de la victime, ce qui rend essentiel le besoin de soutien pour l’enfant et les membres de la famille non fautifs. Pourtant, de nombreux programmes de services aux victimes n'offrent pas de services à leur famille.
Les crimes en ligne, comme le leurre ou la sextorsion, peuvent être commis par n’importe qui, n’importe où et sur n’importe quelle plateforme. Il y a des problèmes de compétence et d’autres complications qui rendent les enquêtes difficiles, et empêchent de nombreuses victimes d'obtenir justice. Aujourd’hui, les signalements de sextorsion explosent. De nombreux organismes policiers, ainsi que Cyberaide.ca, ont lancé des alertes publiques pour tenter d’avertir les parents et leurs enfants de la nature très organisée et impitoyable de ces crimes.
Si vous ne travaillez pas dans ce domaine, vous ne savez pas à quel point cela peut-être dévastateur. Notre organisme a établi des liens avec les familles d’enfants qui se sont suicidés après avoir été victimes de sextorsion. Nous avons travaillé avec des victimes d’exploitation sexuelle d’enfants qui sont devenues des célébrités secrètes pour les délinquants. Leurs images sont largement diffusées, ce qui crée un cycle continu d'exploitation en ligne et un flux sans fin de délinquants. Les personnes qui ont répondu à notre enquête internationale auprès des victimes nous ont dit que ces crimes ont des répercussions importantes tout au long de leur vie.
La puissance de leurs récits nous a amenés à créer le Projet Arachnid, un outil mondial novateur qui peut détecter où ce matériel est diffusé en ligne et émettre des avis de retrait. À ce jour, plus de six millions d’images et de vidéos d’exploitation sexuelle des enfants ont été retirées d’Internet à la suite d’un avis du projet Arachnid. Ces images et vidéos ont été détectées chez plus de 1 000 fournisseurs de services électroniques répartis dans près de 100 pays. Le problème est immense.
Je terminerai par quelques recommandations. Premièrement, en tant que signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant de l'ONU, le Canada a convenu de prendre « toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices ». Les victimes de crimes en ligne ont besoin d’un plan de sécurité, d’une thérapie et d’un soutien financier permanents. Leurs aidants naturels non fautifs ont besoin des mêmes choses. Ces services et ces soutiens doivent être uniformes dans toutes les provinces.
Il y a ensuite le dédommagement. L’ajout de ce droit en tant que droit spécifique semblait utile; cependant, en tant qu’organisation qui suit de près la jurisprudence concernant toutes les infractions d’exploitation sexuelle des enfants en ligne, nous pouvons vous dire sans équivoque que le dédommagement n’est pas ordonné ou même envisagé dans la plupart des cas.
[Difficultés techniques] se trouve dans la collection d’un délinquant subséquent. Cela signifie que les victimes d’exploitation sexuelle d’enfants sont rarement reconnues comme des victimes, de sorte que leurs droits en vertu de la ne sont pas respectés.
En terminant, nous savons que des familles mènent leurs propres enquêtes pour démasquer un agresseur en ligne anonyme et s'en protéger. Des victimes font de l’autosurveillance pour trouver leur propre contenu en ligne et demander son retrait, et les aidants naturels non fautifs s'efforcent de gérer tout cela alors que les systèmes qui sont censés les aider leur disent qu’ils ne sont pas des victimes. C’est inacceptable et ce n’est pas viable.
Nous exhortons le gouvernement à jouer un rôle de chef de file pour mieux soutenir les victimes d’actes criminels, non seulement dans le cadre du processus de justice pénale, mais au‑delà.
Bonjour, membres du Comité. Je m’appelle Kat Owens et je suis directrice de projet au Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, ou FAEJ. Je vous suis reconnaissante de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui à partir de Tkaronto, ou Toronto, qui se trouve dans les terres protégées par l’alliance wampum Dish With One Spoon.
Le FAEJ est solidaire des communautés autochtones, et nous faisons écho à leurs appels, entre autres, à la mise en œuvre immédiate des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que des appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le gouvernement a l’obligation urgente de rendre justice aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées, ainsi qu’à leurs communautés, et de veiller à ce qu’aucune autre femme, fille ou personne bispirituelle autochtone ne soit victime de cette crise.
Le FAEJ est un organisme de bienfaisance national qui veille à ce que la loi garantisse l’égalité réelle pour toutes les femmes, filles, personnes transgenres et non binaires. Il le fait par le biais de litiges, de réformes législatives et de l’éducation juridique publique.
Le FAEJ se réjouit non seulement que le Comité étudie la , mais qu’il entende parler de la façon dont les victimes d’actes criminels peuvent être mieux appuyées en général. Compte tenu de la nature du travail et de l’expertise du FAEJ en matière de promotion de l’égalité des sexes, je me concentrerai sur la façon de soutenir les victimes de la violence fondée sur le sexe, notamment la violence sexuelle, dont les femmes, les filles, les personnes transgenres et non binaires sont les cibles de façon disproportionnée.
Comme vous le savez, la violence fondée sur le sexe a des effets dévastateurs sur la vie des victimes et de leurs proches. Elle touche de façon disproportionnée les femmes noires, autochtones, queer, transgenres ou handicapées. Nous vous exhortons, en tant que parlementaires, à écouter les membres de ces communautés et les organisations qu’elles dirigent dans le cadre de votre travail.
Nous avons besoin d’approches axées sur les victimes pour lutter contre la violence fondée sur le sexe et y mettre fin, et les victimes doivent pouvoir agir et choisir à chaque étape du processus. Trop souvent, le système de justice pénale cause un préjudice supplémentaire à ceux qui cherchent à s'en prévaloir. Pour de nombreuses victimes, en particulier celles qui sont noires, autochtones, transgenres ou criminalisées, il peut être tout simplement dangereux de se manifester et de s’engager dans des systèmes juridiques officiels.
J’ai trois recommandations non exhaustives à présenter au Comité sur la façon de mieux soutenir les victimes de la violence fondée sur le sexe.
Premièrement, nous avons besoin d’un plan d’action national intersectionnel entièrement financé pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Les changements fragmentaires apportés à la façon dont les systèmes traitent la violence fondée sur le sexe sont insuffisants pour régler adéquatement le problème. Nous avons besoin de solutions globales. Nous avons également besoin de parlementaires de toutes les allégeances politiques pour veiller à ce que ce travail aille de l’avant en temps opportun, qu’il soit guidé par des organisations expertes et des personnes ayant une expérience concrète, et que le plan soit mis en œuvre.
Deuxièmement, il est impératif d’étudier, d’élaborer et de mettre en œuvre des solutions de rechange axées sur les victimes qui vont au‑delà des systèmes juridiques existants. Des solutions de rechange comme la justice réparatrice et les modèles de justice transformatrice élargissent les possibilités de justice, de responsabilisation et de guérison. Le FAEJ est prêt à appuyer ce travail dans le cadre de son projet sur les mécanismes de justice alternative, qui examinera les obstacles juridiques freinant l'utilisation de ce genre de mécanismes pour la violence sexuelle et proposera des mesures de réforme du droit pour éliminer ces obstacles.
Troisièmement, nous devons apporter des changements à nos réponses juridiques actuelles afin de les rendre plus accessibles aux victimes qui choisissent de se prévaloir du système de justice. Des conseils et une représentation juridiques gratuits et indépendants doivent être offerts aux victimes de la violence fondée sur le sexe. C’est essentiel pour qu’elles comprennent leurs options, leurs droits juridiques et la façon de s’y retrouver dans le système de justice.
Dans le contexte pénal, nous devons réformer la façon dont les ordonnances de non-publication sont mises en œuvre et retirées dans les poursuites pour violence sexuelle, ainsi que la façon dont le système de justice pénale traite les violations des ordonnances de non-publication par les victimes. La décision d’émettre une interdiction de publication pour protéger l’identité d’une victime devrait être prise en connaissance de cause par cette victime. Si elle ne veut plus de l’interdiction, il devrait y avoir un processus simple pour l’éliminer.
Enfin, une victime ne devrait jamais être poursuivie pour avoir enfreint une interdiction mise en place uniquement pour protéger son identité. Je crois savoir que Morrell Andrews comparaîtra devant vous jeudi, et je vous encourage à écouter son expérience, son leadership et son expertise sur cette question.
Merci de votre temps. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames, de vos exposés et de votre participation à cette étude extrêmement importante.
J’aimerais d’abord m’adresser à Monique St. Germain. Ma première réflexion, madame St. Germain, est qu'à lui seul, votre commentaire concernant la prolifération de l’exploitation des enfants au Canada pourrait facilement requérir sa propre étude. C’est multidimensionnel. Il y a plusieurs niveaux. Je vous pose mes questions en tant qu’ancien intervenant du système de justice qui a poursuivi ces causes pendant près de deux décennies. Je partage vos frustrations et vos préoccupations au sujet des lacunes du système actuel pour ce qui est de s’occuper des problèmes de sous-déclaration et des mesures de soutien qui manquent actuellement pour tous les enfants victimisés dans notre pays.
J’ai écouté très attentivement vos recommandations. Vous avez dit que, selon vous, le libellé actuel de la ne protège pas entièrement les droits des enfants. Pourriez-vous m’en dire plus à ce sujet, s’il vous plaît? Je vais vous donner tout le temps qu’il vous faudra.
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Depuis plusieurs années, notre organisation travaille avec du matériel concernant les victimes d’agression sexuelle d’enfants. Ce que disent les victimes, sans exception, c’est que leurs préoccupations en matière de sécurité sont énormes et que les répercussions à long terme sur leur vie, une fois que du matériel d’exploitation sexuelle d’enfants a été créé, ne sont pas bien comprises par les systèmes qui sont en place pour les soutenir.
Par exemple, lorsqu’elles consultent un conseiller, il arrive souvent que celui‑ci ne sache pas comment s’occuper de l’aspect imagerie de la victimisation. Bien sûr, la victimisation par imagerie se poursuit. Il y a la violence initiale, lorsque l’enfant est abusé et que la violence est enregistrée. Ensuite, cet enregistrement continue de circuler en ligne et de faire peur à la victime. Les besoins en matière de counselling de ces victimes sont très différents de ceux d’autres victimes pour lesquelles le crime a pris fin. Pour ces victimes, leur passé est leur présent. C’est en grande partie ce qui nous semble manquer.
De façon générale, nous constatons que les systèmes provinciaux ne sont pas équipés. Les services qui sont offerts n’ont pas le financement nécessaire pour offrir le niveau de thérapie et de counselling dont ces victimes ont besoin.
J’ai maintenant une question d’ordre général pour Mme Gaudreault et Mme Owens. Lorsque j’ai quitté le droit et que je suis entré en politique, j’ai réfléchi à la frustration qu’éprouvent les victimes de violence sexuelle à l’égard du système de justice pénale. Elles considèrent qu’il s’agit d’un système de justice complètement déséquilibré, en vertu duquel tous les droits, privilèges et attention sont accordés au délinquant, et les vœux pieux — ce sont mes paroles — vont aux victimes. Cela crée une certaine méfiance chez ceux qui entrent dans le système, ce qui explique probablement pourquoi, historiquement, les victimes de violence sexuelle n’ont pas voulu le signaler. Elles savent que cela dépend vraiment de la qualité du service de police qui enquête, de la qualité du soutien local offert aux victimes et de la qualité de la poursuite, sans compter l’incertitude du juge.
Cela dit, j’aimerais que vous me parliez toutes les deux de certaines des lacunes de la version actuelle de la Déclaration canadienne des droits et de certaines des façons dont nous pouvons améliorer et accroître la confiance et augmenter les signalements, particulièrement dans le domaine de la violence sexuelle. Ma question s’adresse à l’une ou l’autre d’entre vous.
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Le libellé de la Charte est très imprécis. En fait, l'application d'une grande partie des droits repose sur les épaules des provinces, puisqu'elles sont responsables de l'administration de la justice. Alors, il est difficile d'avoir une charte complète, à moins que l'on énumère tous les droits.
L'une des façons de pallier ce problème est de faire en sorte que le plus de victimes possible aient accès à de l'information sous différentes formes et à des intervenants qui peuvent répondre à leurs questions et à leurs préoccupations. Il y a beaucoup d'information, mais elle est très générale. Les victimes ont besoin de parler de leur dossier, de la situation qui leur est propre et d'avoir des réponses à des questions précises. Le système de justice est complexe, et les victimes ont affaire à différentes instances. C'est vrai pour les victimes de violence sexuelle et de violence conjugale, mais ce l'est aussi pour toutes les victimes. Alors, il faut continuer d'améliorer le système.
Il y a eu des avancées importantes en ce qui a trait au traitement des victimes dans le système de justice. Mme Owens a parlé des conseils juridiques. Il y a de plus en plus de services d'assistance juridique qui donnent de l'information et des conseils juridiques, car il y a un manque de représentation dans certaines instances. Beaucoup d'initiatives ont été mises en place, notamment en ce qui concerne la préparation des témoins. On critique beaucoup le système, mais on ne parle pas beaucoup des avancées et des mesures qui sont mises à la disposition des victimes. De temps en temps, il faudrait aussi envoyer un message positif aux victimes.
Cela dit, malgré ce qui est mis en place, cela reste une expérience extrêmement laborieuse pour les victimes.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je veux d'abord remercier tous les témoins de leur témoignage.
[Traduction]
Permettez-moi tout d’abord de donner à chacune de vous trois l’occasion, même si notre temps est limité, de me faire part de vos observations au sujet de la nomination du nouvel ombudsman des victimes. Comment voyez-vous cela dans chacun de vos groupes?
Je sais que le FAEJ a parlé de l’excellent travail qu’il fait sur la violence fondée sur le sexe pour les femmes et l’intersectionnalité.
Madame Monique St. Germain, je sais que vous avez parlé de l’exploitation sexuelle en ligne et de l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet, un sujet qui m'a été très familier en tant que Néo-Écossaise lorsque nous avons mis en œuvre la Cyber-safety Act dans notre province.
J’aimerais savoir comment, selon vous, l’ombudsman pourrait aider à cet égard, le cas échéant.
Madame Owens, je vais commencer par vous.
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Merci beaucoup de la question.
Je pense qu’il est toujours important d’avoir plus d’information plutôt que moins, et d’avoir une idée de la façon dont nos systèmes fonctionnent ou ne fonctionnent pas pour les victimes. Je pense qu’il est très important d’avoir un ombudsman capable de faire ce genre de travail d’évaluation des systèmes.
J’aimerais simplement revenir sur le fait que, quelles que soient les approches qui sont prises pour répondre à la violence, elles doivent être axées sur les victimes. Nous devons nous assurer que les victimes sont informées des options qui s’offrent à elles, qu’elles ont un organisme, qu’elles ont le choix et que nous élargissons ce choix.
Je pense que le travail de l’ombudsman pourrait être très utile à cet égard.
Je vous remercie de la question.
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Oui, je suis d’accord avec Mme Owens.
Pour poursuivre sur cette lancée, le travail de l’ombudsman, du point de vue de l’abus en ligne et de l’abus technologique, pourrait peut-être jouer un rôle pour sensibiliser les divers acteurs du système à certains types de traumatismes et aux autres considérations à prendre en compte sur le plan de la sécurité, particulièrement lorsqu’il s’agit d’enfants.
Une chose que nous voyons en tant qu’organisation, par exemple, c’est que dans le cas des victimes d’exploitation sexuelle d’enfants, les délinquants savent qui elles sont ou passent du temps à essayer de découvrir qui elles sont. Il y a des considérations de sécurité qui doivent être prises en compte un peu différemment, parce que ces images vivent en ligne. L’ombudsman pourrait être très efficace, à mon avis, pour ce qui est de sensibiliser et de réunir des renseignements provenant de diverses administrations afin de mieux informer tous les intervenants du système de ces types de défis.
Je vous remercie.
[Traduction]
J’ai une question complémentaire pour vous, madame Owens.
Vous avez parlé de la solution holistique et avez invité tous les parlementaires, peu importe leur allégeance, à travailler ensemble. La violence fondée sur le sexe est courante. Nous le savons tous, surtout dans le cas des femmes noires, autochtones, queer ou handicapées.
Qu’en est‑il des femmes multiculturelles et des personnes d’origines ethniques différentes, par exemple? Qu’en pensez-vous? Avez-vous fait des études à ce sujet ou avez-vous examiné cela? Je pense aux immigrantes qui sont récemment arrivées au pays ou qui sont peut-être ici depuis longtemps, mais qui viennent tout simplement de milieux différents.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. C'est un privilège de pouvoir compter sur leurs témoignages pour éclairer nos travaux.
Je m'adresserai d'abord à Mme Gaudreault.
Madame Gaudreault, à la lumière de votre témoignage et de celui d'à peu près tous les témoins que nous avons entendus sur cette question, il semble y avoir un problème majeur sur le plan de l'information. Je n'invente rien. Vous et d'autres témoins l'avez déjà dit.
J'aimerais avoir vos observations précisément là-dessus. Que pouvons-nous faire pour nous assurer que les victimes d'actes criminels sont mieux informées de leurs droits?
Vous avez parlé rapidement de dédommagement tout à l'heure, car le temps de parole était presque écoulé. Si vous voulez y revenir, je souhaiterais également connaître votre opinion à ce sujet.
Comment informer les victimes et les dédommager des torts qu'elles subissent à la suite des actes criminels dont elles ont été victimes?
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Comme je le disais précédemment, il faut continuer à produire de l'information, que ce soit sous forme écrite ou autrement.
La formation adéquate des intervenants constitue aussi un aspect important à tenir en compte. L'information fournie doit être rigoureuse et tenue à jour. Il faut suivre l'évolution des lois et des pratiques. De plus, il faut diriger les victimes vers les bonnes ressources.
L'information est complexe et elle peut toucher différentes sphères, qu'il s'agisse de conseils juridiques, de l'accès aux ressources ou de procédures. Certains organismes sont plus spécialisés que d'autres, et il est primordial que le grand public, et plus particulièrement les victimes, les connaisse.
Pendant la pandémie, il y a eu un grand roulement de personnel. Le nouveau personnel est parfois composé de jeunes. Il faut donc être attentif à cela et améliorer la formation dans les universités. Dans les facultés de droit, il faut que les avocats soient mieux formés et informés quant aux droits des victimes.
Je vais maintenant parler de la question du dédommagement.
Les choses se passent beaucoup mieux dans les provinces où il y a des mécanismes d'examen des plaintes et où des personnes sont affectées à ces tâches. Je pense, par exemple, au personnel des services d'aide aux victimes, qui s'occupent d'informer les victimes et de faire des démarches auprès des jeunes délinquants. La situation est beaucoup plus facile quand les victimes sont accompagnées par des intervenants d'un service d'aide aux victimes que lorsqu'elles sont laissées à elles-mêmes.
Il est déplorable de voir que les ordonnances de dédommagement ont diminué de 17 % depuis que la Charte a été adoptée. Ce résultat est contraire à celui que l'on voulait obtenir. Cela veut dire que les victimes ne sont pas informées et que les procédures sont trop lourdes pour elles. Entamer une procédure civile, c'est très lourd pour les victimes et cela s'ajoute à leur fardeau.
À mon avis, il faudrait examiner ce qui se fait de bien dans les autres provinces, afin de transposer les bonnes pratiques ailleurs.
Le gouvernement fédéral peut jouer ce rôle, parce qu'il finance beaucoup de projets. Une somme de 38 millions de dollars a notamment été accordée à certains services pour divers projets.
Les organismes du Canada ont tous besoin de connaître les bons programmes et les résultats atteints. Il faut nous les présenter afin que nous puissions les transposer dans nos propres pratiques.
Vous avez parlé de la formation des avocats dans les facultés de droit, ce qui est une bonne idée. On constate qu'il y a un problème sur le plan de l'information. En effet, les victimes ne sont pas nécessairement bien informées, pour toutes sortes de raisons.
N'y aurait-il pas lieu de prévoir certaines dispositions au Code criminel pour que les victimes soient davantage partie prenante du procès, pour qu'elles y participent d'une façon ou d'une autre et pour qu'elles valident les procédures, particulièrement celles concernant la négociation de plaidoyers?
Les victimes pensent souvent que la négociation de plaidoyers nuit à leurs droits. Elles la perçoivent presque comme un déni de justice. Personnellement, je ne suis pas d'accord sur cela. À mon avis, il est quand même important qu'il y ait des négociations entre les avocats au sujet des différentes peines qui peuvent être infligées. Cela peut même aider les victimes. Or, malheureusement, les victimes ne sont pas toujours suffisamment informées.
Compte tenu de tout cela, n'y aurait-il pas également lieu de prévoir que les juges soient eux-mêmes mieux informés sur les droits des victimes?
N'y aurait-il pas lieu de prévoir la participation des victimes à chacune des étapes d'un procès criminel?
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Les victimes sont des témoins dans le système de justice. Elles se trouvent en périphérie du système. Il faut que les victimes connaissent davantage la Déclaration des droits des victimes, afin qu'elles puissent y avoir recours devant diverses instances, par exemple devant les tribunaux administratifs comme la Commission d'examen des troubles mentaux, ou CETM.
On doit aussi consulter les victimes et discuter avec elles de leurs attentes et de leurs préoccupations, et ce, aux différentes étapes du système de justice. Je dois dire que les choses commencent à changer un peu à cet égard. C'est la responsabilité des services policiers, des procureurs qui rencontrent les victimes, des personnes qui travaillent dans les tribunaux administratifs et de tous les acteurs au sein du système de justice.
Il faut donner une plus grande place aux victimes. On dit qu'une victime peut donner son opinion sur une décision, mais c'est rarement le cas.
Il faudrait entamer une réflexion à ce sujet, mais on ne peut pas changer le système.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui. Je m’excuse à l’avance si mes symptômes persistants de la COVID‑19 m'empêchent de poser mes questions à un moment donné.
Nous avons entendu un bon nombre de témoins parler des différences dans les approches, les niveaux de soutien et les programmes d'une province à l'autre. Nous avons également entendu parler, surtout lors de notre dernière séance, de l’existence de pratiques exemplaires claires et de normes minimales dans d’autres administrations.
Ma première question s’adresse à Mme Gaudreault.
Pensez-vous qu’un groupe de travail national, composé de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux et des victimes, pourrait utilement établir des pratiques exemplaires et des normes minimales à l’échelle du pays?
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Ce serait une bonne idée.
Il y a environ une dizaine d'années, le Centre de la politique concernant les victimes avait mis sur pied un comité consultatif. C'était un lieu de réflexion et d'échange très intéressant à l'échelle du Canada. C'est quelque chose qu'il nous manque, effectivement, que de pouvoir échanger avec les représentants d'autres provinces et territoires sur notre travail et les obstacles que nous rencontrons afin de mettre des solutions en pratique.
Par ailleurs, on devrait examiner la question des normes et peut-être essayer de s'inspirer d'un modèle de charte comme celui du Royaume‑Uni, qui est basé sur les engagements des organisations et des institutions envers les victimes. Cela pourrait être prometteur, et il serait intéressant d'explorer cette avenue.
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Je vais dans le même sens que Mme Owens, parce que cela ne répond pas aux besoins de toutes les victimes.
Certaines d'entre elles veulent suivre toutes les procédures, y compris l'étape de l'exécution de la peine. D'autres ne veulent pas les suivre, parce que c'est trop lourd pour elles et qu'elles ne sont pas dans un état psychologique propice pour le faire.
Certaines victimes, après le prononcé de la sentence, veulent passer à autre chose et aller de l'avant. Les besoins varient d'une victime à l'autre. Je crois donc que le fait d'imposer une information automatique à tout le monde n'est pas la bonne voie à suivre. Il serait important de mener une consultation plus large auprès de différentes catégories de victimes pour voir quels sont leurs besoins.
Il y a aussi une question de ressources. En effet, si l'on met en place un système qui faciliterait ce travail, on aura besoin de ressources, de financement.
Par ailleurs, beaucoup d'informations relèvent des provinces, et il faudra donc tenir des discussions avec elles, selon moi.
Au cours des réunions que nous avons eues à ce sujet, j'ai été, à chaque fois, frappé par plusieurs choses que nous ont dites ceux d’entre vous qui viennent nous parler, et j'ai hoché simplement la tête en me demandant: « Comment le système de justice peut‑il avoir un tel mépris des victimes, de leurs besoins et de leurs droits? ». Il est certain qu'aujourd'hui n'a pas fait exception à la règle.
J’aimerais revenir sur quelques points. L’un d’entre eux, madame St. Germain, est que vous avez mentionné le dédommagement et le fait que, souvent, il n’est pas ordonné et qu’il n’est certainement pas appliqué. Nous allons commencer par cela.
D'autre par, je mentionnerais seulement, madame Owens, que je voudrais vous demander quelques précisions. Vous avez parlé des ordonnances de publication et de ce qui arrive à certaines victimes en ce qui concerne les violations des interdictions.
Cependant, nous allons commencer par vous, madame St. Germain. Peut-être pourriez-vous nous parler un peu plus des ordonnances de dédommagement. Pouvez-vous nous donner une idée, si vous avez des statistiques à ce sujet, de la fréquence à laquelle elles sont émises et des raisons pour lesquelles on ne les applique pas? Si vous avez des suggestions sur ce qui peut être fait pour améliorer cela, nous aimerions les entendre également.
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Je n’ai pas de statistiques sur la question du dédommagement. Ce que je sais, c’est que notre organisation surveille la jurisprudence rapportée, c'est-à-dire toutes les décisions publiques qui sont à la disposition des avocats au sujet de la détermination de la peine et d’autres questions qui sont soumises aux tribunaux. Le dédommagement n’est presque jamais mentionné dans les infractions que nous surveillons, c’est-à-dire les infractions d’exploitation sexuelle des enfants en ligne, comme ce qu’on appelle la pornographie juvénile dans le Code criminel, le leurre en ligne, l’entente ou l’arrangement, le genre d’infractions qui ont tendance à faire intervenir la technologie.
Dans les rares cas où, à notre connaissance, un dédommagement a été demandé, il n’a pas été accordé parce que le juge estimait qu'étant donné que l’accusé irait en prison pendant longtemps, il ne serait pas en mesure de payer. C’est semblable aux raisons invoquées par les juges pour ne pas imposer une suramende compensatoire. À cela, notre organisation répondra que dans notre pays, les gens ne restent pas en prison éternellement. Ils en sortent. Ils obtiennent des emplois. Ils travaillent. Il n’y a aucune raison pour laquelle il ne pourrait pas y avoir une ordonnance de dédommagement qui sera payable à un moment donné de leur vie. Évidemment, il n’est pas nécessaire que ce soit au moment de l’incarcération.
L'autre problème concerne le libellé du Code criminel comme tel, qui exige que le dédommagement soit facilement vérifiable au moment de la détermination de la peine. Pour les victimes de crimes commis en ligne, les dommages, le coût total et les répercussions sur la vie de la personne ne sont souvent pas du tout connus au moment de la détermination de la peine. Vous ne savez pas si le matériel d’exploitation sexuelle des enfants en possession de cette personne va devenir viral dans les cercles des délinquants. Vous ne savez pas quels autres délinquants vont cibler cette personne parce que ses images ou ses renseignements personnels ont été mis en ligne.
Ce sont là certains des défis que nous voyons en ce qui concerne le dédommagement.
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C’est très bien. Merci beaucoup.
J’espère sincèrement que le Comité fera ces recommandations et que le gouvernement en tiendra compte. Je pense qu’il s’agit de recommandations très judicieuses et qu’elles seront très importantes pour les victimes.
Madame Owens, je ne crois pas que nous ayons beaucoup de temps, mais je vais m’adresser à vous. Si on vous interrompt pour une raison ou une autre, vous pourriez peut-être envoyer quelque chose par écrit au Comité afin que nous puissions profiter de vos recommandations dans ce domaine.
En ce qui concerne les violations des ordonnances de publication et le fait que des victimes soient poursuivies pour ces infractions, pourriez-vous nous donner une idée de ce qui s’est passé et des résultats pour les victimes? De plus, que pourrait‑on faire pour améliorer ce processus et donner aux victimes le droit de faire le choix qui leur convient le mieux dans ces situations?
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D'abord, il y a un besoin quant à la collecte de données, comme l'ombudsman l'a judicieusement souligné dans son rapport. Il devrait y avoir plus d'échanges de données entre le fédéral et les provinces et territoires.
Il n'est pas normal que, sept ans après l'adoption de la Charte, nous n'ayons pas le portrait des mécanismes d'examen des plaintes dans les provinces et territoires, que nous ne sachions pas ce qui fonctionne ou pas, ni quelles sont les meilleures pratiques. Il devrait y avoir un comité spécial regroupant des représentants du fédéral ainsi que des provinces et territoires pour examiner de façon continue les obstacles que rencontrent les victimes dans leur parcours et pour voir quelles seraient les améliorations à apporter.
Nous avons l'impression que le travail se fait un peu en vase clos. Il existe des dédoublements dans le financement. Certains programmes qui sont déjà financés par le provincial le sont également par le fédéral. Nous n'échangeons pas suffisamment sur les façons de faire dans nos milieux respectifs pour que nous puissions progresser dans l'amélioration de nos pratiques, dans la bonification des droits et dans la mise en commun de la recherche. Nous avons l'impression que cela se fait de façon cloisonnée, que chacun travaille de son côté.
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On crée beaucoup de programmes relativement à la formation des intervenants. Le fédéral a fait beaucoup d'investissements dans les provinces et les territoires pour la formation. Il est important de le faire, mais il faut une formation générale et une formation ciblée. Ce qui est déjà financé par le fédéral ne devrait pas l'être par les provinces. Il y a aussi des dédoublements, par exemple, du côté des services d'assistance juridique. Cela se développe beaucoup.
Actuellement, nous voyons toutes sortes d'expériences et de façons de faire. Par exemple, des étudiants en criminologie ou en droit donnent de l'information juridique. Ils sont supervisés par des professeurs, bien sûr, mais des pratiques contestables sont aussi financées tant par le fédéral que par les provinces. Ce serait donc une bonne idée de regarder ce qui est déjà financé et de s'occuper des problèmes qui nous ont échappé ou qui ne sont pas documentés.
Nous travaillons actuellement à un projet visant à améliorer la reconnaissance des droits des personnes qui font une déclaration devant la Commission d'examen des troubles mentaux. Nous nous rendons compte que ces personnes ne sont pas du tout informées. Il n'y a pratiquement pas de déclarations, et il n'y a pas de mécanismes de concertation entre les organismes. Il y a beaucoup de travail à faire à cet égard.
Il faut donc dresser un bilan critique. Il y a de très bons programmes de préparation des témoins au Canada, et c'est bien de voir des avocats donner des conseils juridiques. Nous en avions besoin.
Il y a aussi des manques importants quant à la représentation des victimes devant certains tribunaux, et il faut prendre le temps de s'occuper de ces choses. L'analyse de la mise en œuvre de la Charte devrait permettre de consacrer du temps à cette analyse critique.
Les provinces et les territoires sont responsables de la mise en application de nombreux droits, et elles font beaucoup d'autres choses aussi. Il est important de faire connaître ce bagage que nous avons acquis, et la Charte peut servir de levier pour faire avancer les droits de toutes les victimes. Il y a des populations que nous n'arrivons pas à joindre, notamment à cause de la langue et de l'éloignement géographique. Il faut donc analyser ces problèmes pour que ces droits soient accessibles à tous.
Par ailleurs, ce n'est pas normal qu'en 2022, il y ait encore de jeunes avocats qui nous disent ne pas savoir grand-chose à propos de la Charte. Cela est inacceptable. Il y a encore beaucoup de travail à faire.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai presque envie de présenter des excuses à Mme Owens et à Mme St. Germain. Nous ne leur posons pas beaucoup de questions, mais ce n'est pas parce que leurs témoignages ne sont pas importants. Nous avons pris beaucoup de notes pendant leurs témoignages.
Madame Gaudreault, je vais encore me permettre de m'entretenir avec vous, si vous le voulez bien. Comme Mme Dhillon, je vais revenir sur bon nombre de sujets, mais je vais vous amener ailleurs.
J'aimerais aborder la question des victimes collatérales, c'est-à-dire, entre autres, les enfants de la victime, tout comme les enfants de l'agresseur. À mon avis, ils en font partie. Je pense, par exemple, au jeune garçon ou à la jeune fille dont le père aurait été déclaré coupable dans un procès criminel. Ces enfants peuvent subir des préjudices importants.
À votre avis, n'y a-t-il pas lieu d'adapter la Charte pour tenir compte davantage de cet aspect et s'assurer que les enfants ou les conjoints qui ne sont pas impliqués dans le crime, ni comme victimes ni comme agresseurs, mais qui en subissent les conséquences, sont mieux protégés?
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C'est une question difficile.
Vous soulignez un problème important. On ne peut pas ne pas être touché par la situation de ces enfants et de ces conjoints ou conjointes. Nous avons la responsabilité de mettre en place des programmes pour venir en aide à ces personnes, lesquels pourraient dépendre de l'organisme Service correctionnel Canada, par exemple. Quant à leur inclusion à titre de victimes dans la Charte, on ne voit pas cela dans d'autres déclarations ni dans d'autres pays. Cela mériterait une plus ample réflexion.
À première vue, je dirais qu'il faut d'abord penser à des programmes visant à leur venir en aide et à des initiatives à mettre en place localement et dans l'ensemble des provinces.
Ce que vous dites ne correspond pas vraiment à la définition d'une victime. Il faudrait revoir la définition d'une victime et avoir une discussion de fond là-dessus. Peut-être y a-t-il d'autres solutions permettant d'arriver au même but sans les inclure dans la Charte.
Merci à tous de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui en mon nom, au nom de ma famille et au nom de toutes les victimes d'actes criminels qui veulent que des changements soient apportés pour nous aider à mieux nous y retrouver dans le système de justice pénale.
En 1987, ma sœur de 16 ans a été assassinée par Patrice Mailloux alors qu'elle travaillait au dépanneur de mon père. À l'époque, il était en liberté conditionnelle et vivait dans une maison de transition à proximité. Il a été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré et condamné à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 20 ans. Quelques années plus tard, alors qu'il était incarcéré dans une prison à sécurité maximale à Edmonton, il a reçu une autre peine de 20 ans pour une tentative d'évasion avec violence au cours de laquelle un gardien de prison avait été blessé. Par la suite, il a continué de commettre de nombreux crimes tout en étant incarcéré et il a enfreint à maintes reprises les conditions de sa libération conditionnelle.
Depuis, ma famille doit surmonter de nombreux obstacles pour faire respecter nos droits de victimes. Nous n'avons pas choisi d'être des victimes, mais le délinquant a délibérément choisi de tuer ma sœur.
En 2007, nous avons dû nous battre pour obtenir des services d'interprétation, le délinquant ayant choisi de tenir son audience de libération conditionnelle en français. À titre de victimes anglophones, nous méritions d'être traitées équitablement et avec respect, alors que nous nous battions pour que justice soit faite. En 2009, ma famille et moi — y compris mes parents vieillissants — venions tout juste d'arriver à Montréal pour assister à l'audience de libération conditionnelle lorsqu'on nous a dit que le délinquant avait décidé de retirer sa demande d'audience. Elle a été annulée sur‑ le‑champ et nous avons dû retourner au Nouveau‑Brunswick. La raison de l'annulation ne nous a pas été donnée à ce moment‑là. En 2020, en pleine pandémie, une autre audience de libération conditionnelle était prévue. On nous a dit que la seule façon pour nous de participer était par téléconférence, même si le délinquant a pu comparaître par vidéoconférence devant la Commission des libérations conditionnelles. Les mêmes droits auraient dû nous être accordés comme victimes.
Ce ne sont là que quelques-unes des difficultés auxquelles nous avons dû faire face comme victimes depuis que ma sœur a été assassinée il y a près de 35 ans.
Le 1er septembre, j'ai été informée par le bureau de Montréal des services aux victimes du Service correctionnel du Canada qu'un mandat pancanadien avait été émis contre Patrice Mailloux pour violation des conditions de sa libération conditionnelle. Il était en liberté illégale avant que le mandat ait pu être exécuté. Quand nous avons demandé à quel moment son dernier contrôle avait eu lieu — puisqu'il était en semi-liberté —, on nous a répondu que cette information n'était pas connue. Nous avons aussi demandé quelles conditions avaient été violées. On nous a répondu une fois de plus qu'on n'avait pas cette information et que si on l'avait eue, elle aurait été confidentielle. C'était maintenant entre les mains de la police, et Services aux victimes ou la police communiqueraient avec moi s'il était appréhendé.
J'ai communiqué avec la GRC et avec mes députés fédéral et provincial pour exprimer mes préoccupations au sujet de la sécurité de ma famille et du grand public, car ce délinquant est un récidiviste violent. Même s'il était visé par un mandat d'arrestation pancanadien, je n'ai pas pu trouver la publication de ce mandat où que ce soit. On m'a dit que la police était au courant et qu'il y avait des endroits où elle allait le chercher. Si la police l'interceptait sur la route, elle pourrait découvrir alors qu'il fait l'objet d'un mandat. La GRC m'a fourni, à moi et à ma famille, plus de mises à jour et d'assurances que Services aux victimes.
J'ai personnellement utilisé la photo la plus récente du délinquant sur le portail des victimes, je l'ai diffusée sur Facebook et j'ai inclus des renseignements sur sa condamnation, le mandat dont il faisait l'objet et des précisions sur ses dernières allées et venues. J'ai demandé aux gens d'en faire la plus grande diffusion possible. Le Service correctionnel a alors communiqué avec moi pour me dire de retirer la photo, car elle était confidentielle. Je l'ai fait, mais le message avait déjà été partagé des centaines de fois. J'ai aussi communiqué avec un journaliste local, un avocat, les services de nouvelles de la CBC et de CTV pour leur raconter l'histoire. Ils n'ont pas affiché la photo du délinquant avant d'avoir parlé à un juriste. Après l'avoir appréhendé, la GRC m'a informée qu'elle avait reçu de nombreux renseignements sur ses allées et venues grâce à la photo diffusée dans les médias sociaux et les services de nouvelles.
Il ne devrait pas revenir aux victimes de se protéger elles-mêmes et de protéger le public.
Les victimes se sentent aussi victimisées quand leurs déclarations de victime ne peuvent être adressées qu'à la Commission des libérations conditionnelles. Elles sont communiquées au délinquant avant l'audience. Les victimes devraient pouvoir parler directement aux membres de la Commission des libérations conditionnelles ainsi qu'au délinquant. Les déclarations ne devraient pas être communiquées au délinquant avant l'audience.
Le délinquant utilise souvent ces déclarations pour préparer ses réponses aux audiences, ce qui fait qu'il donne de fausses réponses et les membres de la commission peuvent ne pas avoir la moindre idée qu'elles sont fausses. Comme victimes, nous ne sommes pas en mesure d'interroger le délinquant lorsqu'il fait de fausses déclarations, et ces fausses réponses peuvent amener la commission à rendre une décision qui n'est pas fondée sur des faits.
Lorsqu'un délinquant violent se voit accorder une libération conditionnelle, il devrait être tenu de porter un bracelet électronique à la cheville afin que ses allées et venues soient toujours connues. Cela aiderait à déterminer si le délinquant respecte ou non les conditions de sa libération conditionnelle.
Les audiences de la Commission des libérations conditionnelles devraient également reprendre en personne. C'est important, car les victimes devraient avoir le droit d'observer l'audience et d'y prendre part. Il est essentiel de pouvoir voir le délinquant et les membres de la commission pendant l'audience pour s'assurer que justice soit faite correctement. Si le délinquant choisit de ne pas participer à une audience de libération conditionnelle dans les deux semaines de la date prévue, il faudrait exiger que l'audience se déroule comme prévu et que les victimes soient autorisées à y assister, même si le délinquant choisit de ne pas le faire.
Les victimes ne devraient pas...
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Merci, monsieur le président.
Merci pour votre présence, madame Davis. D'entrée de jeu, je tiens à dire qu'aucune famille au Canada ne devrait avoir à vivre ce que vous avez vécu. J'ai connu votre père, Ron, à l'époque où il était conseiller municipal à la ville de Riverview; il s'est toujours battu non seulement pour votre famille à la mémoire de votre sœur, mais aussi pour toutes les victimes.
Ses propos ont eu une incidence sur les audiences de libération conditionnelle, surtout en ce qui concerne l'aspect que vous avez mentionné, à savoir que les délinquants annulent une audience de libération conditionnelle sans que les familles en soient avisées. Je me souviens qu'il a raconté l'histoire de son voyage au Québec pour l'audience, qui a été annulée à la dernière minute. Cela ne devrait jamais se produire.
Votre cas, plus que de nombreux autres, illustre la revictimisation du processus. Votre famille et votre sœur étaient déjà les victimes d'un acte criminel, mais le processus continue malheureusement — et c'est ce que nous devons arrêter — de victimiser à nouveau.
Vous étiez au beau milieu d'une réflexion, alors vous pouvez conclure, mais pouvez-vous aussi nous parler du système de libération conditionnelle et de la fréquence des audiences de libération conditionnelle? Le fait est que la personne qui a tué votre sœur était en liberté conditionnelle quand il a commis cet acte. Malgré cela, le Service correctionnel du Canada ne savait pas où il se trouvait dans les semaines précédentes. Vous m'avez dit que cela vous avait fait peur comme membre de la famille.
Pouvez-vous nous parler de la façon dont le système de libération conditionnelle doit être amélioré, peut-être avez-vous des idées qui pourraient améliorer la situation pour les familles des victimes, et parler de l'importance pour les familles des victimes de toujours être informées des actions des délinquants?
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Tout d'abord, lorsqu'une personne est mise en liberté conditionnelle à de nombreuses reprises et qu'elle continue de voir sa libération conditionnelle révoquée, qu'elle enfreint les règles, qu'elle retourne en prison, qu'elle commet d'autres crimes et qu'on la remet en semi-liberté, elle est dans le système depuis si longtemps qu'elle sait ce qu'elle doit dire pour obtenir sa libération conditionnelle. Ensuite, elle sort et ne respecte pas les conditions de sa libération conditionnelle. C'est arrivé tellement de fois. Nous allons constamment à ces audiences et nous devons nous battre pour que cette personne reste incarcérée, parce que nous savons qu'elle va récidiver. Dans son cas, cela ne faisait que trois semaines qu'il était sorti de prison.
Il est peut-être plus âgé, mais c'est un homme valide. C'est un homme physiquement apte, et s'il se retrouve dans une situation où il a besoin d'argent, il n'a aucun problème à répéter ce qu'il a déjà fait. Il n'a jamais manifesté de remords.
Ce n'est que des mois après l'incident qu'on nous dit ce qui s'était passé. La semaine dernière, on nous a informés que c'est l'agent de libération conditionnelle qui va décider s'il retourne en semi-liberté, assortie de conditions supplémentaires. Si l'agent de libération conditionnelle décide de maintenir la suspension, la décision finale reviendra à la Commission des libérations conditionnelles, mais nous n'avons pas notre mot à dire. Il n'y aura pas une autre audience. La décision va être prise et la famille est exclue. On ne nous dit rien.
En fait, il est incroyable de même entendre que cette personne qui n'aurait jamais dû obtenir une libération conditionnelle, à mon avis, après toutes ces infractions, serait admissible à une forme quelconque de libération.
Pensez-vous que pour les familles, lorsqu'il s'agit d'un meurtre au premier ou au second degré, les audiences de libération conditionnelle aux deux ans sont trop fréquentes? Pensez-vous que si quelqu'un se voit refuser la libération conditionnelle, la période devrait être plus longue? D'autres familles et la vôtre m'ont dit qu'une fois l'audience de libération conditionnelle terminée, vous prévoyez déjà la suivante à votre calendrier. Si la libération conditionnelle est refusée, cela aiderait‑il les familles que la suivante se tienne à une date plus éloignée?
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La transparence en est une. Il faudrait dire à la famille exactement ce que sont ces manquements aux conditions lorsque le délinquant viole une condition ou lorsqu'il est en prison et commet un acte qui lui vaut d'être mis en isolement ou de voir sa libération conditionnelle suspendue. On devrait nous dire de quoi il s'agit, mais on ne nous le dit pas. On nous le dit des mois plus tard. Même là, il y a des choses qu'on ne nous dit pas.
Je pense qu'en tant que victimes, nous méritons de le savoir. Non, cela n'a peut-être rien à voir avec le crime initial, mais il purge une peine pour le crime initial. Je crois que tout cela s'additionne, et c'est notre droit de savoir. On nous le dit toujours plus tard. C'est comme notre voyage à Montréal qui a été annulé. Des mois plus tard, nous avons appris pourquoi il avait été annulé. C'est un processus continu. Il faut de la transparence.
Dans notre cas, lorsqu'il s'est évadé et est resté en cavale pendant trois semaines, nous n'avons pas eu de réponse non plus. On nous a dit que son mandat avait été émis le 1er septembre, c'est‑à‑dire un jeudi, mais qu'il bénéficiait d'une semi-liberté dite « en cinq et deux ». Il passe cinq jours seul et deux jours dans une maison de transition. Nous ne savons pas vraiment quand il a été vu pour la dernière fois. On ne pouvait pas me dire où il se trouvait ni où ils pensaient qu'il se trouvait. Ce n'est pas juste pour les familles.
On m'a demandé: « Pourquoi pensez-vous être en danger? » Je pense que tout le monde peut voir que nous avons réussi à le garder en prison pendant très longtemps après le moment où il avait droit à une libération conditionnelle, et c'est à cause de ses infractions. Je pense qu'on devrait nous dire exactement ce qui se passe lorsque cela se produit. Je pense que les services aux victimes devraient jouer un plus grand rôle pour aider les victimes.
J'ai demandé à la GRC de m'appeler deux ou trois fois par semaine pour savoir si tout allait bien, mais on m'a aussi dit que je devrais installer un système de sécurité, avec des caméras, chez moi. À mon avis, ce n'est pas mon travail. C'est leur travail — au Service correctionnel, à la Commission des libérations conditionnelles — de le surveiller, de s'assurer de savoir où il se trouve, afin que les victimes n'aient pas à s'inquiéter tout le temps. Nous ne devrions pas être ceux qui doivent avertir le public. C'est un délinquant à haut risque. C'est un délinquant violent. Il a été en prison depuis les années 1970, et ce, presque continuellement. Lorsqu'il n'était pas en prison, c'est parce qu'il était en liberté conditionnelle, et sa libération conditionnelle a été révoquée.
Nous n'obtenons pas de réponses. Nous découvrons des choses que plus tard. Nous arrivons aux audiences de libération conditionnelle et il a déjà toutes nos déclarations, alors il sait quoi dire. Ce n'est pas juste pour les victimes. Ce que nous disons ne devrait pas lui être remis avant...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, madame Davis. Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
Votre témoignage est presque troublant. Ce que vous avez dû vivre à cause des façons de procéder n'a aucun sens. Je pense notamment au fait que vous n'avez pas été informée au préalable lors des remises, ce qui est inacceptable, à mon avis. Il serait assez facile de changer une telle façon de faire. Les victimes devraient participer aux procédures judiciaires d'une certaine façon, notamment quand il s'agit de remises. On pourrait les en avertir au moins la veille ou l'avant-veille pour leur éviter de se déplacer. À mon sens, cela est un minimum.
J'aimerais discuter avec vous de la question de la langue dans laquelle le procès est tenu. Selon ce que je comprends, vous avez subi un certain préjudice. Je ne suis pas certain d'en avoir saisi les détails, mais je retiens que l'accusé a demandé que son procès se tienne en français. Étant moi-même francophone, je peux le comprendre, malgré le peu de sympathie que j'ai pour lui en raison des gestes qu'il a commis. Cependant, cela ne devrait pas se faire au détriment des victimes ou de la famille de la victime, comme dans ce cas-ci.
J'aimerais que vous me parliez davantage de la façon dont les choses se sont déroulées. J'ai cru comprendre que l'on ne vous avait pas informée que des services d'interprétation ne vous seraient pas offerts.
Est-ce exact? J'aimerais en savoir un peu plus sur cette question.
Il s'agit d'une question sur laquelle nous devrions revenir dans notre rapport, car je pense qu'elle est importante. Nous allons sûrement en discuter. Je vous remercie d'avoir porté cette question à notre attention.
Parlons maintenant des remises faites à l'improviste ou à peu près le matin de l'audience. Je comprends que l'accusé, conformément à ses droits, opte pour un procès devant juge ou jury et que cela occasionne des désagréments pour les victimes.
Avez-vous été contactée d'une façon ou d'une autre au préalable par le procureur responsable du dossier, ou est-ce que vous n'avez eu aucun contact et avez appris, le matin de l'audience, qu'il y avait une remise?
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Pendant le procès, nous étions accompagnés d'un préposé aux services aux victimes, mais plus rien après le procès. C'est tout. Personne ne nous a rien dit.
J'avais déménagé au Yukon, et j'ai décidé là‑bas que j'allais essayer de voir ce que je pouvais faire et trouver de mon côté, mais ce n'était pas évident.
J'ai fouillé et cherché jusqu'à trouver que je pouvais obtenir des renseignements sur lui et que j'avais le droit de les obtenir. J'ai obtenu cette information, je l'ai transmise à ma famille et nous nous sommes dès lors attachés à trouver les moyens d'obtenir de l'information sur ce qui allait se passer, ce à quoi s'attendre et combien de temps cela allait prendre.
Mais personne n'a communiqué avec nous pour nous dire quoi faire et où aller lorsque la date de sa libération conditionnelle approchait. Personne n'a communiqué avec nous ne serait‑ce que pour nous aviser que ce serait pour dans un an ou deux et qu'on voulait simplement que nous soyons préparés. Il n'y a eu rien de tel.
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Oui, et il serait bon pour nous, les victimes, de savoir ce qui s'est passé depuis l'audience de libération conditionnelle précédente. A‑t‑il changé en quelque sorte? Son comportement s'est‑il amélioré? Va‑t‑il commencer à éprouver des remords? A‑t‑il fait quelque chose pour s'améliorer? Nous ne découvrons rien de tout cela avant l'audience de libération conditionnelle. Tout cela nous est voilé. Tout ce que nous obtenons, ce sont des mises à jour sur sa semi-liberté ou s'il a un rendez-vous chez le médecin à l'extérieur, par exemple.
Lorsqu'il s'agit de choses qui sont vraiment importantes, que nous devons savoir pour pouvoir parler à la Commission des libérations conditionnelles et lui dire ce que nous ressentons et ce que nous pensons, nous n'avons pas cette information. Ce n'est qu'a posteriori qu'on apprend s'il a eu des condamnations ou ce qu'il a fait.
Nous avons découvert qu'il jouait, qu'il vendait des cigarettes et qu'il s'était endetté. Il ne pouvait donc pas se payer grand-chose, ce qui l'a poussé à récidiver, parce que c'est tout ce qu'il sait faire. Mais on ne nous dit rien de tout cela.
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Tout d'abord, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Je sais que cela ne peut pas être facile pour vous, comme tout ce que vous devez faire pour participer au processus de libération conditionnelle et à diverses autres activités, qui sont, j'en suis sûr, extrêmement traumatisantes. Je vous remercie donc d'avoir fait le pas de vous placer dans cette situation difficile. Je suis certain que cela aidera à faire en sorte que d'autres victimes éprouvent un peu moins de douleur — un peu moins de douleur dans la vie des autres familles, je l'espère.
Il y a des aspects qui m'ont vraiment frappé dans ce que vous avez dit.
Le premier, c'est certainement tout le processus de libération conditionnelle. Corrigez-moi si j'ai mal compris la chronologie des événements.
Ce délinquant était en prison pour un crime antérieur, a été libéré sous condition, a récidivé et a eu ce qui semble être beaucoup de problèmes en prison à divers moments. Vous avez dit que plusieurs audiences avaient été annulées parce que le délinquant était en difficulté, de sorte qu'il n'a manifestement pas un comportement exemplaire en prison, loin de là. Il a quand même réussi à obtenir une semi-liberté et, essentiellement, à s'évader par la suite et à...
Lorsqu'on examine la situation et qu'on prend connaissance de l'évolution des choses, le résultat est presque entièrement prévisible. C'est prévisible pour vous, comme membre de la famille de la victime. C'est prévisible pour moi, même si c'est la première fois que j'en entends parler. Comment cela n'aurait‑il pas pu être prévisible pour la Commission des libérations conditionnelles? Il y a manifestement un problème. Il y a manifestement quelque chose qui ne va pas dans ce système.
Je me demande si vous pourriez nous éclairer sur les façons possibles de régler ce problème. Que pourrait‑on faire pour s'assurer que ce genre d'erreurs ne se reproduisent plus?
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Il y a manifestement un problème. De toute évidence, il faut tirer des leçons d'un trop grand nombre d'exemples de ce que votre famille et, malheureusement, de nombreuses familles ont vécu à la suite de l'échec d'un système qui permet aux délinquants de continuer de récidiver. C'est un véritable problème.
Je vous remercie de ces suggestions.
Vous avez parlé de la traduction. Je pense qu'il y a là une solution évidente. Si une victime a besoin de traduction dans sa langue, le service devrait lui être offert sans qu'elle ait à se battre pour l'obtenir. Je suis sûr que vous serez d'accord avec moi.
Je tiens également à vous féliciter d'avoir pris des mesures là où le système lui-même ne l'a pas fait pour s'assurer que le public était informé et protégé contre quelqu'un qui représentait clairement un danger pour la société. Je vous en félicite. Il semble que cela a pu contribuer à le faire arrêter. C'est bien, mais il est évident que nous ne devrions pas nous retrouver dans une situation où la famille d'une victime se voit dans l'obligation de prendre ce genre de mesures. De toute évidence, il y a quelque chose qui doit changer là aussi.
Pouvez-vous nous faire des suggestions ou des recommandations sur ce qui devrait être amélioré pour que le système prenne des mesures concrètes pour protéger les Canadiens et s'assure de ne pas laisser ce soin aux victimes?
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Toutes les audiences de libération conditionnelle auxquelles j'ai assisté m'ont semblé identiques. Je n'ai pas remarqué de changement.
Je ne peux pas dire qu'on nous offre du soutien lorsque nous assistons aux audiences. Ce n'est pas le cas. On ne nous fournit pas de renseignements, surtout. Il y a à peine de la transparence sur ce qui se passe en dehors des audiences de libération conditionnelle. Nous ne savons vraiment rien. Tout ce qu'on nous dit, c'est que le délinquant est en placement à l'extérieur ou qu'il doit quitter les lieux pour une raison ou une autre. À part cela, nous ne savons rien jusqu'à l'audience de libération conditionnelle.
Je pense que nous, les victimes, devrions savoir davantage sur ce qu'il fait au jour le jour, s'il commet des infractions et si on songe à révoquer sa libération conditionnelle. On devrait nous le dire. Nous méritons de le savoir.
La seule chose que j'ai remarquée qui s'est améliorée, c'est la possibilité d'obtenir la traduction.
Je me demande s'il y a des victimes qui ne peuvent pas assister aux audiences parce qu'elles n'ont pas les moyens de le faire. Je sais que nos déplacements, nos repas et tout le reste sont payés, mais surtout de nos jours, les gens ne peuvent pas se permettre de prendre congé pour voyager. Il faut compter trois jours à chaque fois. Combien de victimes ne sont pas capables de s'exprimer et de se battre pour que justice soit rendue?
Je pense que les victimes le méritent. Elles méritent une certaine forme de rémunération, outre leurs déplacements, pour pouvoir y aller. Les gens ne peuvent pas se permettre de perdre trois jours de salaire pour aller se battre pour quelque chose qui fait partie de leurs droits.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Davis, les faits que vous nous rapportez sont vraiment déplorables, mais ils sont intéressants dans le cadre de nos travaux. Je retiens la question du manque de services d'interprétation, l'idée des remises non annoncées — cela n'a aucun sens — et le non-respect des conditions, qui pourrait mener à une révocation du droit à la libération conditionnelle. On peut faire une nouvelle demande de libération conditionnelle deux ans après la précédente demande. Or il faudrait peut-être étendre cela à cinq ans, selon le cas.
J'aimerais explorer un élément avec vous, soit la participation au procès. Je comprends les inconvénients majeurs que posent les remises de dernière minute, les problèmes liés à l'interprétation et tout cela.
Au cours de la pandémie, nous avons beaucoup travaillé en mode virtuel. Par exemple, je suis présentement à mon bureau de circonscription, parce que je ne pouvais pas être à Ottawa. Je peux participer aux travaux du Comité de manière virtuelle. Nous avons accès aux services d'interprétation. Ainsi, les questions que je pose en français sont interprétées en anglais, et les réponses fournies en anglais sont interprétées en français. Il s'agit d'un service efficace, et j'en profite pour remercier les interprètes.
Selon vous, si les audiences de libération conditionnelle étaient adaptées et permettaient la participation en présentiel de l'accusé ou du détenu qui demande une libération conditionnelle et si elles permettaient en plus de permettre aux victimes d'assister aux audiences en mode virtuel, cela serait-il satisfaisant ou pas?
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Merci, monsieur Fortin.
Je tiens à remercier Mme Davis. M. Garrison a dépassé son temps à cause de l'horaire actuel. Je tiens à remercier Mme Davis, qui se prononce depuis si longtemps pour les droits de sa famille. Il doit être très difficile de revenir là‑dessus encore et encore, mais nous vous félicitons de nous avoir éclairés à ce sujet.
Je tiens à remercier tous les députés.
Avant de partir, je tiens à vous informer que pour la prochaine réunion, qui aura lieu jeudi, de 15 h 30 à 16 h 30, nous entendrons cinq témoins au cours de la première série de questions, mais qu'au cours de la deuxième heure, nous attendons toujours les représentants de Calgary Legal Guidance, de la Criminal Lawyers' Association, de la Coalition d'Ottawa contre la violence faite aux femmes, et Mme Loanna Heidinger. Si l'un de ces témoins est le vôtre, vous pourriez peut-être insister auprès de lui pour voir s'il peut venir.
Cela dit, la séance est levée. À jeudi.