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La séance est ouverte. Bienvenue à la troisième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à la motion adoptée le mardi 8 février, le Comité se réunit pour examiner la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Certaines personnes sont présentes dans la salle alors que d'autres communiqueront à distance à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre d'intervention global pour tous les députés, qu'ils participent en mode virtuel ou présentiel.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins, en attendant que la personne qui manque puisse se connecter.
Je vais utiliser des cartons aide-mémoire, que je vous montrerai pour vous avertir sans vous interrompre quand vous en serez aux 30 dernières secondes de votre intervention. Une fois votre temps écoulé — et sans vouloir être impoli —, je brandirai la carte indiquant que votre tour a conclu.
J'invite Mme Cathy Peters à témoigner en premier. Vous aurez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Les témoins qui suivront auront également cinq minutes chacun, après quoi nous passerons aux questions.
Madame Peters, vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
Je suis ancienne enseignante d'une école secondaire d'un quartier urbain défavorisé et je me consacre à sensibiliser les gens à cette forme moderne d'esclavage que constituent la traite des personnes à des fins sexuelles et l'exploitation à des fins de prostitution.
Voici quelques statistiques. L'âge moyen de recrutement est de 13 ans, voire beaucoup plus jeune encore chez les filles autochtones. Dans la région de Vancouver, l'âge cible est maintenant tombé à 10 ou 12 ans. La COVID a aggravé la situation. Les trafiquants sont organisés et bien équipés, et 90 % des activités de leurre, de conditionnement, d'achat et de vente se déroulent en ligne sur les plateformes des médias sociaux.
Le commerce du sexe est autochtone à 54 %, ce taux atteignant de 70 à 90 % dans les centres urbains. Les Autochtones sont fortement surreprésentés dans l'industrie du sexe. J'ai dit aux chefs de la Colombie-Britannique devant le ministre de la Justice, David Lametti, qu'il s'agissait de la forme de racisme systémique la plus flagrante au Canada. Parmi les personnes qui s'adonnent à la prostitution, 82 % ont été victimes d'abus sexuels ou d'inceste pendant leur enfance, 72 % souffrent de troubles de stress post-traumatique complexe, et 95 % y renonceraient volontiers, car ce n'est ni un choix ni un emploi. Il s'agit en grande majorité de victimes du proxénétisme ou de la traite où le crime organisé est habituellement impliqué, même à l'échelle internationale. Les criminels cherchent à s'enrichir, et les trafiquants gagnent des centaines de milliers de dollars par victime par année.
Je cherche quant à moi à mettre toutes les collectivités de la Colombie-Britannique à l'abri de la traite de personnes et à empêcher la décriminalisation complète de la prostitution au Canada en appuyant la loi fédérale, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. Je me consacre à la prévention de l'exploitation sexuelle depuis plus de 40 ans et j'ai commencé à sensibiliser les gens à temps plein depuis les huit dernières années, soit depuis que cette loi est devenue fédérale. En 2014, j'ai commencé à présenter des exposés aux politiciens des trois ordres de gouvernement, à la police et au public. Je leur expliquais la loi afin que la police l'applique et que le public la comprenne et puisse signaler toute infraction.
La loi comporte quatre parties. Premièrement, elle cible la demande, l'acheteur de services sexuels. Le trafiquant, le facilitateur ou l'acheteur de services sexuels est criminalisé. Deuxièmement, elle reconnaît que la personne qui vend des services sexuels est une victime, habituellement une femme, et qu'elle est à l'abri des poursuites. Troisièmement, elle met en place des stratégies pour aider la victime à abandonner le commerce du sexe. Quatrièmement, elle contient une solide sensibilisation à la prévention pour que les jeunes, les enfants et les personnes vulnérables ne soient pas entraînés dans l'industrie du sexe.
Cette loi se concentre sur la source du mal: les acheteurs de sexe et les profiteurs. Le Parlement a clairement déclaré que les filles et les femmes au Canada ne sont pas à vendre; ce sont des êtres humains à part entière qui ont de la dignité et des droits.
En huit ans, j'ai présenté plus de 500 exposés à quelque 20 000 personnes, sans compter ceux que l'on peut consulter en ligne, mais le point tournant pour moi a été la découverte de la fosse commune de Kamloops. Depuis, j'ai présenté plus de 200 exposés aux conseils municipaux, aux districts régionaux, aux conseils scolaires, aux services de police, aux écoles, aux fournisseurs de services de première ligne et aux groupes autochtones, y compris lors de manifestations portant sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées en Colombie-Britannique.
J'ai trois choses à dire.
Primo, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation n'est ni connue ni appliquée en Colombie-Britannique, ce qui en fait la meilleure province canadienne pour l'achat de services sexuels. Le crime organisé et les organisations criminelles internationales sont habituellement impliqués.
Secundo, la loi n'a jamais fait l'objet d'une campagne de mobilisation nationale. Certains Canadiens n'en ont jamais entendu parler, et la police ne reçoit ni le financement ni la formation qu'il faut pour pouvoir l'appliquer.
Tertio, l'industrie du sexe veut abroger la loi pour normaliser, commercialiser et institutionnaliser cette industrie au Canada. Si elle y parvient, le Canada deviendra une destination mondiale de choix pour le tourisme sexuel, un bordel américain. Les femmes et les filles autochtones seront les premières victimes. Pas un Canadien ne saurait approuver cela.
L'application uniforme de la loi et le renforcement de son libellé assortis d'une campagne de sensibilisation robuste, sont nécessaires. Sans l'application de la loi, l'industrie du sexe continuera de s'étendre rapidement. L'examen de la loi place le Canada à un point tournant. Son abrogation ou affaiblissement aura des conséquences néfastes pour ce beau pays qui est le nôtre.
En somme, je ne voudrais pas que les membres du Comité s'imaginent que l'industrie du sexe est sûre. On ne peut jamais la rendre sûre ou sécuritaire. C'est une industrie mortelle. J'ai rencontré l'agent de la Gendarmerie royale qui a repéré et recueilli des morceaux de restes humains sur la ferme de Robert Pickton.
Trisha Baptie fera une présentation au cours de la prochaine heure. C'est une survivante qui a été journaliste pendant deux ans lors du procès de Pickton.
Je vous demanderais de vous renseigner sur l'affaire Robert Pickton et de la comprendre bien à fond. Elle décrit les réalités de l'industrie du sexe et de sa manière de fonctionner.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Jennifer Dunn et je suis directrice exécutive du London Abused Women's Centre.
Lors de la séance de mardi dans le cadre de cette étude, on a dit qu'il fallait moins de lois, moins de statistiques et plus de renseignements provenant des personnes les plus directement touchées. Je vous remercie donc de m'accueillir aujourd'hui.
Notre centre est un organisme féministe situé à London, en Ontario, qui appuie et préconise des changements personnels, sociaux et systémiques visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles par les hommes. Nous ne sommes pas un établissement résidentiel. Ce que nous offrons aux femmes et aux filles de plus de 12 ans qui ont été victimes de violence, d'agression, d'exploitation et de traite, c'est un accès immédiat à des services de suivi psychologique, de défense des droits et de soutien à long terme, suivant la nature du traumatisme.
Au cours des prochaines minutes, lorsque je vous parlerai de notre travail, j'utiliserai l'acronyme LAWC. J'utiliserai aussi le terme « industrie du sexe », qui comprend les femmes qui ont été prostituées, exploitées sexuellement et victimes de la traite. Notre centre n'utilise pas l'expression « travail du sexe ».
Au cours du dernier exercice, le LAWC a offert des services de psychothérapie individuels et de soutien de groupe à quelque 4 600 femmes et filles victimes de violence, d'agression, d'exploitation ou de traite, en plus de répondre à plus de 5 000 appels demandant du soutien.
Voilà près de 25 ans que le LAWC offre des services aux femmes et aux filles qui travaillent dans l'industrie du sexe. Depuis 2015, notre centre a soutenu 2 800 femmes et filles actives dans l'industrie du sexe et plus de 1 800 à risque de les rejoindre. Ce nombre comprend au moins 68 filles qui ont déclaré avoir moins de 18 ans.
Les jeunes femmes et les filles âgées de 12 à 21 ans sont les plus à risque d'être exploitées sexuellement, conditionnées et attirées dans l'industrie du sexe, souvent par des trafiquants qui les manipulent pour les amener à croire qu'elles entretiennent une relation avec eux. Le LAWC reconnaît que la prostitution est de la violence masculine contre les femmes et qu'elle est incompatible avec les droits fondamentaux de la femme; c'est la demande de prostitution qui alimente le trafic sexuel.
Le modèle nordique ou d'égalité — dans le cas du Canada, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation — décriminalise les femmes dans l'industrie du sexe tout en criminalisant les acheteurs et les trafiquants de services sexuels. Ce même modèle fournit des services de soutien et de planification de la sécurité à celles qui souhaitent s'en sortir et à celles qui ne sont pas en mesure de le faire. Il sensibilise également les collectivités aux répercussions de la prostitution et de l'exploitation sexuelle sur la vie des générations futures.
Le Canada a besoin de cette loi pour protéger les personnes les plus vulnérables avant que les lois sur la traite des personnes n'entrent en jeu, et la meilleure façon de réduire la traite des personnes à des fins sexuelles est de continuer à décriminaliser les femmes et les filles exploitées tout en criminalisant les acheteurs et les trafiquants de services sexuels.
Certaines femmes et filles viennent au LAWC parce qu'elles sont maltraitées par leur partenaire intime. Après quelques séances, on apprend que celui-ci est aussi son trafiquant. De nombreuses femmes et jeunes filles victimes d'exploitation sexuelle qui participent à notre programme affirment avoir été victimes de torture et de cruautés sans nom de la part d'acheteurs et de trafiquants de services sexuels. Elles signalent qu'elles souffrent de problèmes de santé mentale importants et de traumatismes physiques découlant de ces expériences. Elles se présentent chez nous en quête de soutien.
Des femmes et des filles qui se sont engagées de leur propre chef dans l'industrie du sexe nous signalent qu'elles n'ont pas tardé à se retrouver sous le contrôle de quelqu'un d'autre. Certaines disent avoir été attirées par l'industrie du sexe, alors que pour d'autres, c'était une question de survie.
Certaines femmes se disent suicidaires, et il y en a qui vont jusqu'à mettre fin à leur vie. Il en est aussi qui ont de graves problèmes de toxicomanie, parce qu'elles sont initiées à une drogue toxicomanogène comme moyen de les aider à tenir le coup, ou simplement de les contrôler. La plupart des femmes déclarent qu'on les contraint à avoir des relations sexuelles non désirées avec des hommes de toutes sortes, certaines étant même assujetties à des quotas, qu'elles doivent respecter jour après jour.
Vous n'entendrez peut-être jamais parler de celles qui sont les plus vulnérables. Elles ne savent peut-être même pas que la question qui a une incidence directe sur leur vie fait l'objet de discussions en ce moment même à la Chambre des communes.
Depuis 2014, après la modification de la loi, il y a eu moins de meurtres de femmes dans cette industrie, moins de femmes accusées dans des affaires liées au commerce du sexe et plus d'hommes accusés d'avoir obtenu des services sexuels d'une personne mineure.
Le LAWC et d'autres organismes comme le nôtre partout au Canada voient chaque jour des femmes qui ont été exploitées et attirées par la promesse d'une vie meilleure ou qui espèrent l'obtenir. La vérité, c'est que l'industrie du sexe met les femmes et les filles en danger chaque jour. La normalisation de l'industrie du sexe par la décriminalisation des acheteurs et des trafiquants ferait reculer les droits des femmes de plusieurs décennies.
Le gouvernement a la responsabilité de prendre des décisions dans l'intérêt de tous. Il ne s'agit pas d'une question individuelle.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à tous. Je suis heureuse d’avoir enfin pu me joindre à vous.
Je suis ici pour vous faire part de quelques réflexions tirées de la recherche que j’ai menée sur le travail du sexe à Winnipeg, au Manitoba, au cours de la dernière décennie. J’ai obtenu un doctorat en sciences de la santé communautaire au Max Rady College of Medicine de l’Université du Manitoba en 2020. Ma thèse portait sur l’accès aux services de santé et aux services sociaux pour les femmes cisgenres et transgenres et les personnes non binaires qui vendent ou échangent des services sexuels en ville.
J'ai suivi une méthodologie ethnographique pour parler de l’accès aux services de santé et aux services sociaux. Il me fallait décrire ce qui se passait sur les plans politique et social en ce qui concerne le travail du sexe à Winnipeg et, bien sûr, encadrer le tout dans le contexte juridique, qui, pour l’ensemble de ma collecte de données, résidait dans la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation.
Mes recherches ont révélé que les travailleuses et travailleurs du sexe ont un accès limité aux services de santé et aux services sociaux, qu’ils manquent de sécurité, qu’ils sont fortement stigmatisés et qu’ils doivent surmonter des obstacles pour accéder à ce dont ils ont besoin. Il s’agit d’un climat général d’indifférence et de stigmatisation, qui est encadré par le contexte juridique actuel. Mes recherches montrent, entre autres, que les politiques, les programmes et les lois devraient être axés sur des approches qui accordent la priorité à la sécurité, à la santé et au bien-être des travailleuses et travailleurs du sexe selon ce qui leur convient. Un moyen d’y arriver consiste à décriminaliser tous les aspects du commerce du sexe.
Avant de vous en dire un peu plus au sujet de mes recherches, j’aimerais vous donner une meilleure idée des personnes à qui j’ai parlé. J’ai réalisé des entrevues formelles et semi-structurées avec 39 travailleuses du sexe et autres personnes qui vendent des services sexuels, 12 entrevues avec des parties prenantes et j'ai consacré plus de quatre ans à observer et accompagner des militants des droits des travailleuses du sexe dans la ville, sans parler de l’analyse d'une très ample documentation locale, nationale et internationale.
L'âge moyen des personnes que j'ai interviewées se situait à 36 ans, dans une fourchette allant de 20 à 55 ans. Parmi ce groupe, 52 % ont indiqué qu’ils étaient Autochtones ou Métis, et 17 % qu’ils étaient de race blanche. J’ai demandé à tout le monde où on rencontrait la plupart du temps des clients, et les réponses les plus courantes étaient dans la rue, dans les bars et en ligne. Je vous dis tout cela pour que vous sachiez que j’ai parlé à un groupe très diversifié de personnes.
Je veux vous donner un exemple tiré de ma recherche qui porte sur le climat de manque de sécurité des travailleuses et travailleurs du sexe à Winnipeg en vertu de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation. Il se trouve que c’est aussi un exemple d’une dynamique très importante et documentée à Winnipeg, à savoir le musellement agressif de la voix des travailleurs du sexe qui ne voient pas leur expérience comme de l’exploitation. C’est ce que montre ma thèse et d’autres recherches. Je ne vais pas trop en parler ici, mais je tenais à le souligner.
Par exemple, en 2017, lors d’une assemblée publique, le chef Danny Smyth, du Service de police de Winnipeg, a répondu à une question d’un groupe local de défense des droits des travailleuses et travailleurs du sexe, la Sex Workers of Winnipeg Action Coalition, au sujet de la sécurité des travailleuses du sexe en vertu de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, en disant: « Mon opinion générale au sujet du commerce du sexe est que la plupart des personnes en cause sont exploitées d’une façon ou d’une autre. » Il a ensuite ajouté qu’il les qualifie de « personnes exploitées, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou d’enfants ».
Le chef Smyth a dit clairement qu’il ne pense pas que les travailleurs du sexe existent à Winnipeg. Je vous invite à réfléchir à ce que cela signifie lorsque le chef de police pense qu'on n'existe pas. En réponse à ses propos, les travailleuses et travailleurs du sexe ont dit que cela signifiait ne pas pouvoir s’attendre à être reconnus ou protégés par les services de police. C’est d'autant plus vrai pour les populations qui font déjà l’objet d’une surveillance excessive, comme les Autochtones et d’autres groupes racialisés.
Mes recherches documentent les expériences inacceptables de discrimination et de stigmatisation que la plupart de mes participants vivent dans les services de santé et les services sociaux. Ce n’est pas tout le monde qui a décrit des expériences de discrimination, mais tout le monde s’en est inquiété et a eu recours à des stratégies pour les éviter et s’en protéger. La stigmatisation et la peur qu’elle suscite ont touché tout le monde.
Des sentiments allant de la méfiance à la colère pure et simple et la peur de la police ont été exprimés par 12 personnes à qui je me suis adressée de façon spontanée. Une personne à qui j’ai parlé, que j’ai appelée « C » dans ma dissertation, était une femme cisgenre autochtone de 49 ans qui travaillait en plein air. Après m’avoir dit qu’elle ne signalerait jamais une agression sexuelle à la police, je lui ai demandé si elle était prête à me dire pourquoi, et elle m’a répondu: « Parce que je n’aime pas la police. Les agents nous regardent de travers simplement parce que nous sommes dans le quartier... Je ne leur fais même pas confiance. Ils ont fait des affaires aux travailleuses qu’aucune personne normale ne ferait. Ils ont tout bonnement tendance à dénigrer les travailleuses qui sont dans la rue, je le sais. »
Les gens à qui j’ai parlé ont demandé que les services soient plus compatissants, qu’ils utilisent un langage approprié, qu’ils se renseignent sur les diverses réalités du travail du sexe, qu’ils embauchent plus de travailleurs du sexe et, surtout, qu’ils respectent leur humanité.
Le résultat le plus dévastateur...
J’aimerais remercier les trois témoins — Mme Peters, Mme Dunn et Mme Chevrier — pour le travail tellement important qu’elles font dans le domaine qui nous occupe. Vos commentaires et vos réponses à nos questions cet après-midi seront très utiles au Comité à l'heure de formuler des recommandations.
J’aimerais commencer par poser des questions à Mme Peters. Madame Peters, je suis un ancien procureur de la Couronne et, à ce titre, je me suis spécialisé dans la poursuite de causes touchant des victimes spéciales d’actes criminels, en particulier des victimes de la traite des personnes et des enfants. J’ai aussi passé beaucoup de temps à m’occuper des délinquants autochtones et des victimes autochtones. Je suis très préoccupé par le fait que, même si les femmes et les enfants autochtones représentent un si faible pourcentage de la population de Brantford, ils sont fortement et disproportionnellement représentés comme victimes de la traite des personnes.
Ma circonscription, Brantford—Brant, comprend la plus grande réserve indienne du Canada, celle des Six Nations de la rivière Grand. Je ne sais pas si vous connaissez cette réserve, mais j’aimerais vous demander ce que vous pensez de ce qui se passe dans cette administration en particulier et pourquoi, en général, on retrouve un pourcentage aussi élevé de victimes parmi les femmes et les enfants autochtones.
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Je me concentre plutôt sur la Colombie-Britannique et, bien sûr, nous avons un très grand nombre d’Autochtones. J’ai eu l’occasion et l’honneur de participer à des rassemblements portant sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Les femmes et les filles me donnent l’information. J’ai également fait de nombreuses présentations supplémentaires à des jeunes travailleurs autochtones, au Vancouver Native Education College et à la House of the Moon. Ce ne sont pas les occasions d'en parler qui manquent. Ce sont eux qui me disent ce qui se passe.
Ce que Mme Chevrier vient de dire est vrai. Habituellement, le problème, c'est la méfiance à l’égard de la police. On ne leur signalera jamais rien. C’est un gros problème. Ces communautés autochtones souffrent elles aussi de troubles de stress post-traumatique complexe. J'avoue que je n'y connaissais pas grand-chose à cet aspect complexe. C’est un autre niveau. C’est un traumatisme générationnel. C’est ce que vivent les femmes et les filles autochtones, de génération en génération.
Leurs collectivités ne sont pas nécessairement les endroits les plus sains ou les plus sûrs non plus. Ils me l’ont dit. Il y a des agressions sexuelles pendant l’enfance et il y a souvent de l’inceste. Ils ne se sentent pas en sécurité ou libres d’en parler ou de le signaler. C’est ce cycle continu qui a tendance à se perpétuer de génération en génération.
La merveilleuse nouvelle, c’est que les femmes et les filles autochtones veulent se faire entendre. Elles apprennent qu’elles ont une voix. Je les encourage à s’exprimer. Oui, elles sont fortement surreprésentées. Ce n’est pas seulement dans votre région; c’est partout au pays, et certainement en Colombie-Britannique.
L’industrie du sexe cible maintenant très précisément les femmes et les filles autochtones. Des jeunes filles autochtones m’ont dit que cela se fait en ligne, et que ces trafiquants leur proposent simplement des drogues et de l’alcool gratuitement. C’est tout ce qu’il faut; cela ne prend pas grand-chose.
C’est ce dont nous devons nous occuper, et je pense que l’éducation est vraiment la clé. C’est ce qui nous manque.
J’aimerais ajouter que la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation s’attaque à la cause profonde, à la demande. Nous devons nous occuper des acheteurs, des hommes et des garçons qui exploitent les femmes et achètent leurs services. Nous devons sensibiliser les hommes et les garçons. Je leur dis: « La femme a une partie sacrée à laquelle vous n’avez pas droit. » Je viens de le dire à tous les chefs autochtones de la Colombie-Britannique. Nous devons nous attaquer aux causes profondes, et c’est ce que fait cette loi.
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Si vous me demandez si la loi a rendu les choses plus sûres pour les travailleuses et travailleurs du sexe, ce n'est pas le cas. Des recherches ont été faites à ce sujet dans le domaine de la santé publique.
Par exemple, lors d'un sondage effectué en 2019 auprès de 299 participants, 26,4 % des répondants ont fait valoir que leurs conditions de travail s'étaient détériorées depuis l'adoption de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. Leur situation a donc changé, oui, mais pour aller de mal en pire.
Des recherches effectuées à Vancouver montrent par ailleurs que, même si la police locale a pour consigne de ne pas déranger les gens, il suffit qu'elle soit présente pour que les négociations entre les clients et les travailleuses se fassent de plus en plus hâtivement. Cette recherche portait concrètement sur les travailleuses du sexe qui consomment des drogues. Elle se penchait également sur la violence perpétrée par les clients et d'autres indicateurs de vulnérabilité. Par conséquent, la présence de la police ne fait qu'accroître la violence contre les travailleuses et travailleurs du sexe.
Lors d'une autre étude menée en 2021 auprès de 200 travailleuses et travailleurs du sexe dans cinq villes du Canada, 31 % des répondants ont déclaré avoir trop peur de composer le 911 si leur sécurité ou celle d'une collègue était en danger, car la police risquait de les repérer, elles, leurs collègues ou les personnes qui gèrent leurs activités.
Je pourrais continuer, mais je ne tiens pas à vous inonder de statistiques. Je veux simplement dire que, de toute évidence, cela ne fonctionne pas. La loi ne fonctionne pas pour les travailleuses et travailleurs du sexe. Elle ne rend pas leur vie plus sûre et elle ne fonctionne pas pour les victimes d'exploitation sexuelle non plus. Elle ne fait rien pour leur sécurité.
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Je pense que cette loi a été conçue pour mettre fin à la demande, comme il en a été question, et qu'elle continue à criminaliser certaines parties du commerce du sexe. Elle criminalise les clients et les travailleuses à bien des égards, et tant qu'il en sera ainsi, les résultats sur le plan de la santé et sur le plan social seront médiocres à mon avis. C'est ce que la documentation fait ressortir à l'échelle internationale aussi bien que locale.
Il serait très utile d'adopter une approche fondée sur des données probantes et des consultations sérieuses auprès des parties prenantes, c'est-à-dire les personnes qui travaillent dans le domaine du sexe actuellement.
Je pense qu'une autre façon dont... [Difficultés techniques]... les travailleuses du sexe au Canada. Cela contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés, et c'est un aspect qu'il faudrait examiner... [Difficultés techniques]...
En somme, je dirais que la criminalisation, comme le veut la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, pousse les travailleuses et travailleurs du sexe à fonctionner dans la clandestinité et à signaler moins de cas dénonçables à la police, en plus de créer des obstacles à l'accès aux services dont ils ont besoin, qu'il s'agisse de services sociaux ou de services de santé.
Dans le cadre de mes recherches, j'ai parlé à de nombreuses personnes qui s'interrogeaient sans cesse et concoctaient toutes sortes de stratégies pour décider si elles devaient oui ou non divulguer la nature de leur métier à des fournisseurs de soins de santé ou à des travailleuses sociales, tout cela parce qu'elles craignaient des répercussions sur leur vie, celle de leurs collègues et de leurs proches. C'est là le résultat de la criminalisation, le résultat du fait que le commerce du sexe continue à être criminalisé.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages. Nous leur en sommes très reconnaissants.
Je vais à mon tour m'adresser à vous, madame Chevrier.
Le projet de loi a été adopté dans le contexte de la décision rendue dans l'arrêt Bedford, qui estimait que certaines dispositions du Code criminel de l'époque imposaient des conditions dangereuses à la prostitution. Le projet de loi avait trois objectifs majeurs: protéger les personnes qui se prostituaient et qui étaient considérées comme des victimes d'exploitation sexuelle, protéger les collectivités contre les torts causés par la prostitution et réduire la demande pour les services sexuels.
À la lumière de votre témoignage, on comprend que ce projet de loi n'a pas protégé les personnes qui pratiquent la prostitution. En fait, cela les a plutôt mises en danger encore plus. J'aimerais que vous nous parliez davantage de cet aspect.
J'aimerais aussi vous entendre parler du troisième objectif, soit celui de réduire la demande pour des services sexuels. D'où vient cet objectif, selon vous? Pensez-vous qu'il a été atteint?
Vous avez raison, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation a été mise en œuvre en réponse à l'arrêt Bedford. Malheureusement, l'intention derrière l'arrêt Bedford n'a pas été suivie. Je ne suis pas une spécialiste du droit, mais c'est mon avis. Comme je l'ai expliqué plus tôt, on continue de considérer comme des criminels les travailleurs et les travailleuses du sexe, donc les personnes qui vendent des services sexuels.
J'ai suivi les discussions sur le projet de loi , auxquelles a pris part notamment le sénateur Donald Neil Plett. Selon ce que j'entendais, l'objectif était de rendre la situation tellement difficile pour tous ceux et celles faisant partie du travail du sexe que cela les forcerait à passer à autre chose. Or, ce n'est pas ce qui s'est produit. On a plutôt rendu la situation très difficile pour les travailleurs et les travailleuses du sexe. On a créé de nouvelles barrières empêchant ces personnes d'avoir accès aux services dont elles ont besoin.
L'objectif de faire diminuer la demande est une idée très forte chez les prohibitionnistes, chez les personnes qui sont contre le travail du sexe. Malheureusement, aucune donnée ne démontre que cela fonctionne. Par exemple, la Suède a adopté un cadre légal similaire, en 1999, je crois, et cela n'a pas fonctionné. Les seules données que nous avons indiquent que la demande a peut-être baissé un peu au début, mais cette baisse n'a pas continué de manière soutenue.
En revanche, nous savons qu'il y a eu une augmentation de la violence et du harcèlement à l'endroit des travailleuses du sexe. Par conséquent, elles doivent maintenant se cacher davantage pour échapper aux services sociaux et aux policiers.
Je ne crois pas que cette approche fonctionne. Qui plus est, je crois que cela va à l'encontre de l'idée que je défends et qui est appuyée par les données de recherche, à savoir que l'on doit se concentrer sur la sécurité des gens qui travaillent dans l'industrie du sexe.
Peu importe l'opinion ou les sentiments de certaines personnes à l'égard de l'industrie du sexe, celle-ci existe et elle continuera d'exister. Les citoyens et les citoyennes qui travaillent dans cette industrie ont le droit d'être en sécurité. Ils doivent avoir accès aux mêmes ressources que les autres citoyens et citoyennes.
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Merci, monsieur le président.
Vous savez, nous pourrions facilement passer trois heures avec ce groupe de témoins, compte tenu de tous ces renseignements tellement intéressants et spécialisés.
Je pense qu'il faut être très clair. Le projet de loi , qui était une réponse à l'arrêt Bedford, établit très clairement que la vente de services sexuels de son propre chef est protégée contre la responsabilité criminelle. C'est déjà décriminalisé. Ce que les gens qui demandent la décriminalisation complète disent maintenant, c'est que ceux qui obtiennent des services sexuels moyennant rétribution, ceux qui achètent, vendent et exploitent... Comme Cathy Peters et d'autres témoins l'ont rappelé, la grande majorité des victimes d'exploitation sont des femmes. Bien sûr, beaucoup de gens, surtout des femmes, rejettent tout de go l'idée que cela devrait être légal, que nous devrions décriminaliser l'achat et la vente de personnes canadiennes.
Vous avez fait des déclarations sur lesquelles j'aimerais revenir rapidement. Premièrement, vous avez dit que le Canada pourrait devenir « le bordel des États-Unis ». Vous vous êtes inspirée de votre expérience en Colombie-Britannique, où vous avez dit que la loi adoptée en 2014 n'était pas appliquée. Vous avez entendu des témoignages sur les différentes approches suivies dans d'autres provinces.
Pourriez-vous nous éclairer un peu plus à ce sujet et nous dire en quoi le fait de ne pas appliquer cette loi peut entraîner une augmentation du nombre de victimes?
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Je ne sais pas si vous savez tous qui est Joy Smith. Elle a présenté nos trois lois sur la traite des personnes. J’ai fait du bénévolat pour elle.
Tout le monde au Manitoba comprend ce problème. Même en Alberta on le comprend, notamment grâce à Paul Brandt et aux programmes #NotinMyCity. En Colombie-Britannique, Vancouver est devenue une destination mondiale pour le tourisme sexuel, tout comme Tofino et Whistler.
J’interviens auprès des conseils municipaux de toute la Colombie-Britannique. La semaine dernière, j’ai parlé aux gens du petit village de Telkwa, qui est situé sur la route des larmes. Les femmes autochtones me disent qu’elles perdent leurs filles. Ça continue!
Je travaille en étroite collaboration avec les organismes d’application de la loi, avec le quartier général de la GRC, le service de police de Vancouver et le service de police de Victoria.
La criminalité est en hausse à Vancouver et à Victoria. On devine un sentiment de craindre envers les policiers en qui « il ne faut pas faire confiance », et à qu’il faut couper les vivres. Cette situation s’est beaucoup aggravée. Mardi, un policier d’Ottawa a parlé de la vraie nécessité d’avoir des agents de liaison dans les écoles. Or, à Vancouver, à New Westminster et à Victoria, on les a retirés, et le crime organisé s’est installé. On parle de crime organisé.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais adresser mes questions à Mme Chevrier.
Tout d’abord, madame, pourriez-vous nous faire parvenir la documentation et les statistiques que vous avez mentionnées tout au long de votre témoignage devant le Comité. Nous vous en serions très reconnaissants.
Premièrement, vous avez beaucoup parlé des travailleuses du sexe et des victimes qui ne peuvent pas faire confiance à la police. Elles sont même terrifiées. Ce n’est pas la première fois que nous entendons cela. Le plus souvent, ceux qui font le travail que vous faites pour aider les gens nous en font part dans leurs témoignages.
Que pourrait-on faire pour encourager les policiers à faire preuve de compassion envers les travailleuses du sexe et à reconnaître qu’elles sont souvent des victimes? Pouvez-vous nous dire ce qui ne va pas dans toute cette culture? Pourquoi cette culture déshumanisante?
Si vous pouviez nous donner des solutions concrètes, nous vous en serions très reconnaissants.
Merci beaucoup.
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Merci de votre excellente question.
Ce sont de grands enjeux. Je vais faire de mon mieux pour vous les expliquer, et je ne vais peut-être pas vous parler de la recherche... En fait, je vous enverrai toutes les recherches. Je vais déposer un mémoire, ainsi que toute la littérature que j’ai mentionnée. C'est très varié.
Le fait que les gens ne fassent pas confiance à la police est une question très complexe. Un mouvement récent comme Black Lives Matter et des initiatives qui visent à critiquer la police ou à lui couper les vivres ont élargi notre compréhension de la réalité de beaucoup de populations marginalisées depuis toujours. La population en général comprend mieux cette réalité, et je m’en réjouis.
De façon générale, une meilleure compréhension des réalités serait utile. C’est ce que m’ont dit les personnes que j’ai interrogées. À la fin de mes entrevues, j’ai demandé: « Que voudriez-vous dire aux fournisseurs de services si je vous donnais un micro? » Elles avaient toutes sortes de choses à dire.
Tout d’abord, absolument toutes celles que nous avons interviewées voulaient être traitées comme des êtres humains, ce qui a été terrible à entendre. Cependant, elles ont également formulé des suggestions concrètes, comme la possibilité pour les travailleuses du sexe d’offrir des formations aux agents de police et aux différents prestateurs de services, et la création de programmes visant à aider les policiers à comprendre les diverses réalités qui se cachent derrière l'expression « travail du sexe ». Ils comprendraient la différence entre le travail du sexe, l’exploitation sexuelle et la traite des personnes, car ce ne sont pas des synonymes et il ne faudrait pas les employer comme tels. Elles ont aussi proposé une formation sur la compassion. Je ne sais pas trop comment on peut faire cela avec un adulte, mais cela montre à quel point les choses peuvent être terribles. Ce sont des choses concrètes qui sont ressorties de mes recherches.
De façon plus générale, dans un contexte où le travail du sexe serait décriminalisé, il pourrait être plus facile pour les travailleuses du sexe — victimes de violences liées au travail du sexe ou pas — de communiquer avec les policiers ou tout autre service dont elles ont besoin, sans craindre d’être criminalisées pour travail du sexe ou autre, ou de subir des pressions pour produire la liste de leurs clients. Les clients sur ces listes peuvent être de bons clients, et c’est pourquoi elles veulent préserver leur confidentialité...
Si l'activité n'était pas criminalisée, il serait plus facile pour les travailleuses du sexe d’appeler la police. Il serait également plus facile pour les clients témoins de quelque chose qui semble dangereux d’intervenir ou d’appeler la police. Cela ne se produira jamais dans la situation où...
Je veux donner rapidement l’exemple de la Nouvelle-Zélande, où le travail du sexe est décriminalisé depuis 2003. Il y a quelques années, il y a eu l’histoire d’une travailleuse de salon de massage qui a pu porter plainte contre son patron, qui la harcelait sexuellement. Elle a eu gain de cause et a été indemnisée, comme tout autre travailleur. À l’heure actuelle, il est impensable qu’une travailleuse du sexe puisse faire une telle chose au Canada.
Je voulais m'arrêter là.
Merci.
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Merci beaucoup de la question.
La pandémie a eu de graves conséquences pour tous les Canadiens. Pour les femmes et pour les jeunes filles, la situation a été très difficile, car en période de « confinement, » c’est-à-dire quand les femmes et les jeunes filles sont priées de réduire au minimum leurs déplacements, que les écoles sont fermées et ainsi de suite, l’accès aux services devient très difficile pour elles.
Plusieurs raisons expliquent cette situation. Les femmes peuvent être piégées chez elles avec leurs agresseurs ou leurs trafiquants, et elles n’ont pas la possibilité de demander de l’aide. Notre organisme met vraiment l’accent sur la capacité d’offrir un soutien immédiat et d’être disponible quand une femme se présente à notre porte ou nous téléphone, afin que nous puissions lui offrir du soutien le plus rapidement et le plus efficacement possible.
Une grande partie de notre travail concerne la planification de la sécurité. Si une femme qui a été victime de traite des personnes ou d’exploitation sexuelle ou qui est travaille dans l’industrie du sexe se présente à notre porte, nous la rencontrons pour déterminer ce qui fonctionne le mieux pour elle à ce moment-là.
Comme je l’ai dit, la pandémie a eu d’énormes répercussions sur la vie de toutes les femmes et de toutes les filles. Les femmes qui ont été exploitées sexuellement et ont été victimes de la traite des personnes ne sont pas différentes, et elles sont les plus à risque. Les femmes sont confrontées à des problèmes de violence et de santé physique...
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Je peux revenir à mes recherches, mais il y a aussi des recherches approfondies sur l’accès aux services de santé et aux services sociaux pour les travailleuses du sexe partout au pays. Il y a beaucoup de raisons. Il y a des obstacles passifs et des obstacles actifs.
Les barrières passives peuvent être des choses comme l’emplacement, ou les heures de travail, ou le fait qu’elles offrent leurs services à un seul sexe, ce qui peut rendre l’accès à ces services difficile. Il peut aussi s’agir de la stigmatisation, de la peur de la stigmatisation — et il ne s’agit pas seulement de la sensibilité des gens. Il y a des expériences horribles de stigmatisation dans tous les services de santé et les services sociaux, même ceux qui sont très progressistes.
Il se produit quelque chose de particulier à Winnipeg, et, d'après la littérature, partout ailleurs je crois, soit le fait que, s'il existe bien des services pour les travailleurs et travailleuses du sexe, ces services ne sont dispensés qu’à celles et ceux qui vivent des expériences particulières dans le commerce du sexe. Par exemple, on dit implicitement ou explicitement aux gens qu’ils doivent parler de leur expérience d’exploitation ou de traite des personnes pour recevoir des services. Parfois, c’est implicite, ou alors on conseille les gens dans ce sens. Il est donc difficile pour ces gens de bénéficier de ces services. C’était la situation au Manitoba au début de mes recherches, où il n’y avait pas de services offerts.
J'ajouterai que la criminalisation donne lieu à un autre obstacle de taille. Les gens craignent qu'en divulguant leur situation de travailleurs du sexe, ce qu'il convient parfois de faire, n'entraînent la participation de différents organismes ou services, comme les services d’application de la loi ou de protection de l’enfance, participation qui pourrait être inappropriée.
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Je tiens à remercier le Comité de me donner cette occasion d'exprimer mon point de vue.
J'aimerais vous faire part de plusieurs réflexions, alors je vais essayer d'être rapide. N'hésitez pas à me dire de ralentir si je parle trop vite.
J'ai survécu à 15 ans de prostitution, de l'âge de 13 ans à l'âge de 28 ans. Pendant les six premières années, j'étais considérée comme une mineure ayant besoin d'aide pour faire la transition vers une vie plus saine. À minuit le jour de mon 19e anniversaire, j'ai commencé à être perçue comme une femme libre de ses choix, sans égard à mon histoire ni au fait que je ne connaissais rien d'autre, comme tant d'autres personnes dans la même situation.
Vous ne m'entendrez à peu près jamais utiliser le terme « travailleuse du sexe », car nous ne croyons en aucun cas qu'il s'agit d'un emploi. Que l'on utilise les termes « travail du sexe », « relation sexuelle transactionnelle » ou « escorte », on qualifie la même chose, c'est-à-dire satisfaire les demandes sexuelles des hommes. Le rôle des hommes comme cause profonde du problème de la prostitution se perd souvent dans tout le bruit qui entoure cette activité, et c'est sur ce comportement que je veux me concentrer aujourd'hui, car c'était le but visé par la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation ou LPCPVE et la raison pour laquelle nous appuyons cette loi. Je vous encourage à lire le préambule. Nous trouvons qu'il est encourageant et qu'il constitue un plan véritable pour notre pays.
Je viens de Vancouver. Dans les années 1990, j'ai perdu certaines de mes amies aux mains du pire tueur en série qu'a connu le Canada. Nous avons également dû faire face à d'autres formes de violence physique et sexuelle que trop de prostituées connaissent intimement. Je veux être claire. Ce n'est pas à cause de la loi et à cause de la stigmatisation que mes amies et moi avons été battues, violées et tuées; c'est à cause des hommes. Ce ne sont pas les endroits où nous nous trouvions qui n'étaient pas sécuritaires. Ce sont les hommes qui étaient là qui les ont rendus dangereux. Il ne s'agit pas d'un seul type d'homme, mais bien d'hommes de tous les horizons.
Ces hommes ne recherchent pas des femmes de 40 ans qui ont un diplôme. Il leur faut plutôt un flot constant de jeunes femmes, de préférence naïves. Je sais que ce n'est pas la traite des personnes qui est au cœur de la discussion ici, mais le fait d'ignorer le lien qui existe entre les deux rend un mauvais service à la multitude de femmes et de filles qui font face à cette menace très réelle. On ne s'adonne pas à la traite de jeunes femmes pour qu'elles deviennent infirmières ou députées. Ces personnes sont victimes de la traite des personnes pour satisfaire aux besoins sexuels des hommes. Même si nous décriminalisons ou légalisons complètement la prostitution, il y aura toujours des jeunes femmes pour s'y adonner. Si nous choisissons la décriminalisation ou la légalisation, nous disons essentiellement qu'il y aura toujours un endroit où acheter des services sexuels. Est-ce vraiment ce que nous voulons pour le Canada, pour nos filles et nos jeunes femmes?
Tout cela nous amène à la question suivante: comment le fait de permettre aux hommes de payer pour avoir des relations sexuelles peut-il contribuer à créer une société égalitaire? En quoi l'achat de services sexuels par les hommes favorise-t-il une société plus sécuritaire pour toutes les femmes et les filles?
Qu'est-ce qui me fait dire que les femmes et les filles ne sont pas en sécurité? Dans ma ville — et dans toutes les villes — il y a des endroits où les hommes estiment avoir le droit de solliciter des services sexuels à n'importe qui dans la rue — des grands-mères, des adolescentes, n'importe qui. Pour être plus juste, il s'agit généralement des quartiers pauvres et racisés de la ville.
Je vais passer rapidement en revue quatre points de la loi, puis je vais conclure. Voici ce qu'il y est dit:
Attendu que le Parlement du Canada a de graves préoccupations concernant l'exploitation inhérente à la prostitution et les risques de violence auxquels s'exposent les personnes qui se livrent à cette pratique;
que le Parlement du Canada reconnaît les dommages sociaux causés par la chosification du corps humain et la marchandisation des activités sexuelles;
qu'il importe de protéger la dignité humaine et l'égalité de tous les Canadiens et Canadiennes en décourageant cette pratique qui a des conséquences négatives en particulier chez les femmes et les enfants;
qu'il importe de dénoncer et d'interdire l'achat de services sexuels parce qu'il contribue à créer une demande de prostitution;
Il ne s'agit pas de détester les travailleuses du sexe ou de vouloir les éradiquer. Il s'agit de mettre fin à une pratique qui repose sur l'inégalité, le sexisme, le racisme, le colonialisme, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie et d'autres problèmes.
Nous sommes ici pour discuter de l'examen quinquennal de cette loi, mais celle-ci n'a pas été appliquée de façon uniforme partout au pays et n'a pas eu la possibilité de créer un véritable changement ni de profiter aux personnes qui en ont besoin.
Il est impossible d'avoir des statistiques fiables sur les effets de cette loi, alors que certaines régions du pays n'en ont même pas encore entendu parler. Nous avons besoin de plus de temps pour voir cette loi progresser, s'implanter pleinement et aider à changer la société.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
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Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui. Je suis avocate et codirectrice exécutive du Réseau juridique VIH, une organisation qui travaille aux côtés des travailleuses et des travailleurs du sexe depuis sa création, il y a près de 30 ans, afin de plaider pour des lois et des politiques qui défendent les droits humains de ces personnes.
J'aimerais parler d'une étude que j'ai corédigée il y a trois ans et qui s'intitule The Perils of « Protection ». Elle porte sur les expériences qu'ont les travailleuses et des travailleurs du sexe de l'application de la loi en Ontario. Nous avons parlé à des travailleuses et des travailleurs du sexe noirs, autochtones, asiatiques et racisés, à des travailleuses et des travailleurs du sexe migrants, transgenres et bispirituels et à des travailleuses et des travailleurs du sexe soumis à des conditions extrêmement précaires. Certains participants travaillaient de façon autonome, tandis que d'autres travaillaient avec des tiers, comme des gérants, des chauffeurs, des pairs, des traducteurs, des agents de sécurité, des experts-comptables, des webmestres et des réceptionnistes, qui leur offraient un soutien et une infrastructure essentiels pour travailler en toute sécurité.
Tous les participants à notre étude nous ont dit que l'application de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, ou LPCPVE, qui continue de criminaliser les communications publiques des travailleuses et des travailleurs du sexe, a alimenté la stigmatisation, la violence et l'exploitation dont ils sont victimes, remettant en question la prétention selon laquelle la loi les protège. De plus, la loi n'a atteint aucun des objectifs qu'elle comporte.
Par exemple, les travailleuses et les travailleurs du sexe ont continué à travailler après l'adoption de la loi. La criminalisation du travail du sexe n'a pas changé la réalité, à savoir que les travailleuses et les travailleurs du sexe ont toujours besoin d'un revenu pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille. Alors qu'elles continuent de travailler, ces personnes parlent des répercussions financières négatives de leurs contacts avec la police, qui est habilitée par la loi à les surveiller.
Comme l'a dit une femme, « La police veut mettre nos clients en prison. Cela a donc un grand impact sur nous... De plus, comme cela touche nos finances, cela a des répercussions sur tous les autres aspects de notre vie…nos besoins fondamentaux, comme le logement, la nourriture, les vêtements, l'amour. »
De plus, certains travailleurs et travailleuses du sexe ont décrit comment la criminalisation limitait leurs perspectives d'emploi à l'extérieur de l'industrie du sexe. Un travailleur du sexe bispirituel, qui avait déjà fait l'objet d'accusations criminelles, m'a dit qu'il était incapable de poursuivre une carrière en soins infirmiers, parce que la vérification de ses antécédents en vue d'un travail en milieu vulnérable a révélé ces condamnations.
Les participants ont également expliqué comment la criminalisation les force à accepter de mauvaises conditions de travail et des incidents de violence. La criminalisation force les tiers et les lieux de travail à dissimuler le travail du sexe, de sorte que les travailleuses et les travailleurs du sexe ne peuvent ni avoir accès à des conditions de travail décentes, ni signaler le harcèlement ou la violence, parce que cela a pour effet que leurs employeurs et leurs pairs sont scrutés à la loupe en tant que tiers ou trafiquants de personnes.
Selon une participante, une femme a été victime de chantage et de vol par de nombreux bandits. Elle a essayé d'appeler la police pour mettre fin à cette violence... L'agent chargé de l'affaire n'a pas enquêté sur le chantage ou le vol qualifié, mais lui a donné un avertissement pour qu'elle quitte immédiatement les lieux. La police ne lui a pas demandé à quoi ressemblait le voleur, mais plutôt qui lui avait loué l'endroit où elle se trouvait. On lui a aussi demandé qui lui avait offert ce travail et qui l'aidait à faire sa publicité.
Une autre participante a expliqué comment la surveillance policière constante a amené certaines femmes qui ne peuvent plus travailler de façon autonome dans des espaces publics à travailler pour des tiers qu'elles ne connaissent pas.
Comme d'autres intervenants vous l'ont dit, la loi a découragé les signalements de cas de violence par les travailleuses et les travailleurs du sexe. Cette affirmation est renforcée par de nombreuses autres études. La plupart des travailleuses et des travailleurs du sexe à qui nous avons parlé nous ont dit qu'ils ne s'adresseraient jamais à la police pour obtenir de l'aide, surtout si la violence se produisait dans le cadre de leur travail. Certains travailleurs et travailleuses du sexe, et en particulier ceux qui sont racisés, ont fait l'objet d'accusations criminelles lorsqu'ils ont communiqué avec les forces de l'ordre pour obtenir de l'aide. Plusieurs participants ont décrit comment le signalement de cas de violence à la police avait entraîné une enquête sur leur lieu de travail ou la fermeture de leur lieu de travail, ce qui les a forcés à déménager dans des régions éloignées, les privant de l'accès aux réseaux assurant leur sécurité et les exposant à un risque accru d'exploitation.
Sachant que les travailleuses et les travailleurs du sexe et leurs employeurs sont incapables de demander l'aide de la police, une participante a décrit comment les lieux de travail de ces personnes sont souvent la cible de vols qualifiés.
L'ensemble des travailleuses et des travailleurs du sexe ont expliqué comment les lois et la présence des forces de l'ordre ont mené à leur isolement, augmentant ainsi le risque qu'ils fassent l'objet de violence ciblée et d'autres abus. Beaucoup ont décrit comment l'interdiction d'acheter des services sexuels a fait peur aux clients, qui demandent désormais des rencontres dans des endroits plus isolés, et a forcé des rencontres à la sauvette. Cela nuit à la capacité des travailleuses et des travailleurs du sexe de prendre des mesures pour promouvoir la sécurité, comme le filtrage, la communication des services offerts et la négociation des conditions de l'activité sexuelle avec un client.
Cela mine la capacité des travailleuses et des travailleurs du sexe de consentir aux activités sexuelles auxquelles ils se livrent. Comme une participante l'a mentionné, les clients ne veulent même plus discuter initialement dans la rue, ce qui est beaucoup plus dangereux pour les filles, qui préféreraient avoir une entente avant de s'impliquer.
Une autre participante a expliqué comment l'interdiction de faire de la publicité avait affecté sa sécurité: « Si je ne peux pas communiquer en ligne, cela va me forcer à communiquer au moment où je rencontre le client. Les limites sont importantes... Si vous n'êtes pas en mesure de communiquer à l'avance, cela vous oblige à expédier les choses au moment de fixer vos limites, vos prix et tout le reste. »
De façon plus générale, la criminalisation a fait en sorte que les travailleuses et les travailleurs du sexe ont subi de nombreux autres préjudices, y compris des évictions de leur lieu de travail et de leur logement, des répercussions sur leur vie familiale et la garde des enfants, des limites quant à leur mobilité, leur identité comme travailleur ou travailleuse du sexe ressortant par suite des recherches dans les bases de données effectuées par les agents des services frontaliers, la détention et l'expulsion des travailleuses et des travailleurs du sexe migrants considérés comme contrevenant aux règlements de l'immigration qui interdisent le travail du sexe, et des entraves à la pratique du sexe à moindre risque.
Ce sont les travailleuses et les travailleurs du sexe les plus marginalisés, qui font déjà l'objet de profilage racial et social, qui ont subi les répercussions les plus graves de la loi. Ces constatations ressortent également d'une vaste série de recherches comprenant de nombreuses études et enquêtes soumises à un examen par les pairs, qui proviennent d'organisations de défense des droits de la personne et de multiples organismes des Nations Unies. Elles confirment uniformément que la criminalisation de tout aspect du travail du sexe porte atteinte aux droits de la personne, ainsi qu'à l'autonomie, à la santé et à la sécurité des travailleuses et des travailleurs du sexe.
Nous exhortons le Comité à se concentrer sur l'expérience de ces personnes, qui ont été profondément touchées par cette mesure législative, et nous recommandons l'abrogation des infractions liées au travail du sexe.
Merci.
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Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Je travaille comme coordonnatrice d'Action Santé Travesti(e)s et Transsexuel(le)s du Québec, ou ASTTeQ, un groupe communautaire de Montréal qui est constitué de personnes transgenres et qui travaille pour elles.
Depuis 1998, ASTTeQ offre des services, de l'accompagnement, des informations juridiques et du soutien par les pairs, en particulier aux femmes transgenres sans abri, migrantes et vivant avec le VIH, ainsi qu'aux travailleuses du sexe. ASTTeQ est le seul organisme qui œuvre principalement auprès des travailleuses du sexe transsexuelles au Québec et, à ma connaissance, dans tout le Canada. Le travail d'ASTTeQ auprès de ces personnes est financé par le gouvernement fédéral.
Les travailleuses du sexe avec lesquelles je travaille tous les jours ne nous demandent pas d'aide pour quitter le travail du sexe. Elles veulent continuer de s'adonner à cette activité pour diverses raisons, certaines pour atteindre l'autosuffisance économique ou pour subvenir aux besoins de leur famille, d'autres pour compléter les prestations d'aide sociale, qui ne sont pas suffisantes pour payer un loyer; certaines parce qu'elles sont victimes de discrimination transphobique ou raciste dans le monde du travail licite, et d'autres encore parce que leur statut en matière d'immigration les empêche d'occuper d'autres emplois.
Les femmes qui fréquentent ASTTeQ nous demandent plutôt de l'aide pour répondre aux problèmes causés par la criminalisation de leur travail. Elles s'adressent à nous parce que leurs propriétaires les menacent d'éviction après avoir découvert le travail qu'elles faisaient chez elles. Elles s'adressent à nous parce que la surveillance policière constante exercée à leur endroit a fait en sorte qu'elles font face à des accusations criminelles, ce qui pourrait mener à leur incarcération dans une prison pour hommes ou mettre en péril leur statut d'immigrante. Bon nombre des femmes avec lesquelles ASTTeQ travaille sont de nouvelles arrivantes au Canada, qui sont venues à la recherche d'une vie à l'abri de la haine, de la discrimination et de la violence. Pourtant, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation a privé un grand nombre de ces femmes de la vie qu'on leur avait promise en les forçant à travailler dans des conditions dangereuses et en les exposant aux préjudices causés par la présence policière constante.
La loi n'a pas éliminé et n'éliminera pas le travail du sexe dans les communautés transgenres au Canada, mais elle a simplement rendu ce travail moins sécuritaire. La majorité des personnes transgenres qui fréquentent ASTTeQ vivent dans la pauvreté et dans des conditions précaires, et la loi a accentué cette précarité en leur imposant des conditions de travail dangereuses et invivables. Elles ne peuvent pas collaborer avec d'autres membres de leur collectivité pour assurer leur sécurité ou prendre des mesures ensemble pour filtrer les clients. La menace d'accusations policières et criminelles les a obligés à travailler en isolement, loin du centre-ville, dans des endroits où il n'y a pas de ressources communautaires. Même pour les personnes qui n'ont jamais fait l'objet d'accusations criminelles, la menace constante de criminalisation réduit leurs possibilités dans la vie et les empêche de profiter d'une certaine forme de stabilité et de sécurité pour elles-mêmes.
Récemment, ASTTeQ a mené une recherche pour une étude qualitative commandée par le ministère de la Justice du Canada sur une vaste gamme de problèmes juridiques graves auxquels font face les personnes trans, bispirituelles et non binaires au Canada. Le contenu du rapport a été approuvé par le ministère de la Justice, et il est en attente de traduction avant sa publication. Nos recherches ont révélé ce qui suit :
Pour de nombreuses participantes, la criminalisation du travail du sexe empêche l'accès à un revenu stable, à des conditions de travail plus sécuritaires, au soutien de la communauté trans et à l'affirmation de genre. Plusieurs participantes ont explicitement indiqué que le cadre législatif pénal actuel lié au travail du sexe était une source de conditions de travail non sécuritaires ou de peur. (p. ex., peur des contacts avec les organismes chargés de l'application de la loi, répercussions sur d'autres aspects de leur vie, comme leur statut d'immigrante, leur logement et leur impôt sur le revenu).
L'un des objectifs de la loi était de réduire la violence et l'exploitation dans le contexte du travail du sexe. Là encore, elle a échoué lamentablement. Un grand nombre des travailleuses du sexe trans évitent à tout prix les contacts avec la police, y compris après avoir été agressées au travail, parce que ces contacts et le fait d'être connues de la police comme travailleuses du sexe les entraînent dans un cycle d'aggravation des problèmes juridiques qu'elles éprouvent, comme l'interdiction de territoire pour criminalité dans le système d'immigration, l'augmentation des obstacles au logement et à l'emploi et l'escalade des accusations criminelles exacerbée par les contacts constants et violents avec la police. L'amélioration de la formation policière ou de l'accès à des ressources juridiques ne réglerait pas les problèmes de ces femmes, car c'est la loi elle-même qui les cause. C'est la loi qui donne à la police le pouvoir d'entrer dans leurs maisons et leurs lieux de travail.
Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a déployé de nombreux efforts pour accroître la protection des transgenres, mais ces droits et protections sont totalement inaccessibles pour les personnes pauvres et les transgenres marginalisées avec qui je travaille et le demeureront jusqu'à ce que la loi soit abrogée et que le travail du sexe soit décriminalisé au Canada.
Merci.
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Je ne pense pas que cela se limite au centre-ville de Vancouver. Ce sont les médias sociaux qui sont le problème dans une large mesure. Les prédateurs ont maintenant des façons d'avoir accès à des personnes de plus en plus jeunes au moyen d'applications et de différents sites Web. Il y a beaucoup de jeunes filles qui sont aux prises avec de très gros problèmes, et ces prédateurs le savent et ils s'en prennent à elles. Leur démarche est tout à fait intentionnelle.
J'ai travaillé avec une jeune de 16 ans qui vivait dans une maison en rangée de Kits, dont le loyer était de 2 500 $ par mois. Comment pouvait-elle se permettre cela? Nous ne le savons pas.
Oui, les personnes sont de plus en plus jeunes. Oui, cela fait de plus en plus peur, et c'est pourquoi nous devons nous concentrer sur le problème, c'est-à-dire la demande. Si les hommes n'exigeaient pas que les filles soient de plus en plus jeunes, celles-ci pourraient vivre en paix.
Nous devons aussi parler de ce qui arrive aux femmes et aux filles lorsqu'elles quittent cette vie. Quel traumatisme vivent-elles après avoir fui la violence, le viol; dans quelles situations se retrouvent-elles?
J'avais 13 ans. C'était assez courant pour les jeunes de cet âge à l'époque. Je vivais dans un foyer de groupe. La plupart de mes amies étaient autochtones — donc racisées. Mais ce problème n'est pas rare. C'est vraiment ce que nous devons faire. Ce problème n'est pas rare, et le cœur du problème, ce sont les exigences des hommes.
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Nous devons investir beaucoup plus dans la santé mentale des jeunes, et je vais vous donner un exemple rapide de cela.
Je suis allé en Suède pour voir comment la loi avait une incidence sur les femmes et les collectivités là-bas. Je suis allée dans une école secondaire, parce que je voulais savoir comment la loi, qui est appliquée depuis huit ou neuf ans, influait sur la perception que les jeunes ont d'eux-mêmes. J'étais dans une école secondaire avec des jeunes de 15, 16 et 17 ans qui parlaient tous de la prostitution comme d'un sévice infligé à soi-même. Ils disaient qu'ils signaleraient leurs amis s'ils apprenaient qu'ils s'adonnent à cela, parce que c'est une pratique nocive, qui n'est pas bonne pour eux ni pour la société.
Ensuite, je leur ai dit, d'accord, c'est très bien, nous comprenons que la prostitution est une forme de préjudice pour l'ensemble de la société, mais qu'en est-il de la pornographie? Qu'en pensez-vous?
Ils m'ont regardé et, en tant que Nord-Américaine, je suis restée médusée pendant une minute ou deux, après qu'ils m'aient dit qu'ils ne sortiraient jamais avec quelqu'un s'étant adonné à la prostitution, parce que ce n'est pas ce qu'ils veulent pour eux-mêmes. C'est ce niveau de conscience de soi et d'estime de soi que je veux pour nos filles ici. Je veux que nos filles disent qu'elles ne s'adonneront jamais à cela, parce qu'elles valent mieux que cela.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à vous trois d'être venues aujourd'hui. Comme vous le savez, notre travail en tant que parlementaires n'est pas facile, mais dans ce groupe, nous nous penchons précisément sur une loi qui a été adoptée et qui est maintenant soumise à un examen.
Il y a déjà eu beaucoup de discussions, et nous n'avons commencé à parler de cela que la semaine dernière. Nous aurons un certain nombre de séances au cours desquelles nous entendrons les points de vue et les opinions de différentes personnes, organisations, etc. On nous parle beaucoup des femmes et des filles qui se trouvent dans différentes régions de notre pays — des Autochtones, des Noires, des personnes racisées, des jeunes de 13 ans, des mineures. Nous parlons du travail du sexe. Nous parlons d'exploitation. Nous parlons de traite de personnes. Je reconnais que ces situations sont toutes différentes. Nous avons des lois pour certaines de ces choses. Je le souhaite en tout cas. Quant à savoir si ces lois sont appliquées uniformément dans tout le pays, c'est une autre question. Aujourd'hui, cependant, nous examinons cette loi particulière qui traite des problèmes qui se posent dans ce domaine.
Sandra — si vous n'avez pas d'objection à ce que je vous appelle Sandra —, pouvez-vous me donner votre point de vue, s'il vous plaît, au sujet des dispositions législatives dont nous sommes saisis? Que feriez-vous pour les améliorer?
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Oui. Je vous remercie de la question.
Permettez-moi de vous citer la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Bedford. C'est une affaire dans laquelle nous sommes intervenus il y a près de 10 ans. La Cour suprême a déclaré à l'époque qu'une disposition qui empêche les travailleuses et travailleurs du sexe de prendre des mesures de sécurité de base est « une disposition qui a perdu de vue son objectif ». Je pense que c'est ce qui arrive avec la LPCPVE. Vous avez entendu parler des recherches que j'ai menées. Vous avez entendu d'autres chercheurs. Depuis l'adoption de la LPCPVE, de nombreuses données montrent que la loi empêche absolument les travailleuses et travailleurs du sexe de prendre des mesures de sécurité très élémentaires, ce qui a eu une incidence sur leur sécurité et a alimenté l'exploitation.
Il est absurde de confondre travail du sexe et traite des personnes. Que veut dire exploitation quand tout est confondu? Des travailleuses et des travailleurs du sexe me disent qu'ils sont souvent en mesure de repérer les situations d'abus ou d'exploitation au sein de leur industrie, mais quand leurs clients, leurs pairs et souteneurs sont criminalisés, ces gens-là ne s'adressent pas à la police. Vous connaissez les statistiques du nombre de déclarations. C'est épouvantable de voir que si peu de travailleuses du sexe — surtout les travailleuses du sexe autochtones et racialisées, et les travailleuses du sexe migrantes — s'adressent à la police, quelles que soient les circonstances, même dans les situations les plus violentes qui soient, parce que les gens les exploitent impunément. Elles ne s'adressent pas à la police.
Je pense que la seule solution serait d'abroger entièrement la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages.
Madame Ka Hon Chu, vous avez parlé de l'arrêt Bedford et du contexte dans lequel la Loi a été mise en vigueur. Depuis ce temps, des tribunaux de première instance ont établi que certaines parties de la Loi étaient inconstitutionnelles et qu'elles rendaient plus difficiles et moins sécuritaires les conditions dans lesquelles se trouvaient les travailleuses du sexe. Vous avez dit que, finalement, cela n'avait pas changé grand-chose, parce que les femmes continuaient de travailler. Cela n'a pas changé leur réalité. En fait, cela leur a nui dans la façon dont elles pouvaient faire leur travail.
Vous avez commencé à répondre à la question plus tôt, mais j'aimerais vous entendre nous en dire davantage.
Que devons-nous faire de cette loi, que nous révisons aujourd'hui? Devrions-nous tout effacer et recommencer à zéro, ou plutôt en modifier certaines parties? Y a-t-il certaines dispositions qui sont meilleures que d'autres et qui ont leur raison d'être? Devons-nous décriminaliser le travail du sexe complètement?
Bref, quelles seraient les solutions, selon vous?
C'est un débat qui divise la population en général. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
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Comme vous le savez, la décision de la Cour suprême du Canada a invalidé trois dispositions, soit le proxénétisme, les maisons de débauche et la communication.
La LPCPVE rétablit ces mêmes dispositions, en ajoutant l'interdiction d'acheter et l'interdiction de faire de la publicité. Rien n'a changé. Les préjudices que la Cour suprême du Canada a constatés il y a près d'une décennie sont toujours présents, comme vous l'ont dit les chercheurs. Cela signifie que la loi actuelle est encore inconstitutionnelle; elle ne résistera pas à un examen fondé sur la Charte. Les mêmes préjudices se produisent, et des tonnes de recherches le prouvent.
Même s'il y a un nouvel objectif législatif selon lequel on peut éliminer et décourager le travail du sexe pour promouvoir le signalement, vous avez entendu dans mon exposé que cela ne répond à aucun de ces objectifs législatifs. Il n'y a même pas de lien rationnel avec l'idée du féminisme et de l'égalité des sexes lorsqu'on se rend compte qu'on met les travailleuses et travailleurs du sexe en danger et qu'on les prive de leur identité en les stigmatisant.
Dans le dernier exposé, Mme Chevrier a dit vouloir rendre le travail du sexe tellement dangereux que les travailleuses et travailleurs du sexe quitteraient tout simplement l'industrie. Ce n'est pas un modèle féministe et il ne peut résister à un examen fondé sur la Charte.
Je dirais qu'il faut abroger complètement la LPCPVE. Il n'y a rien là-dedans qui soit... La loi est irrémédiable.
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Merci, Randall, de cette question.
Si la communication relative à l'achat de services sexuels est criminalisée, les gens ne sont pas en mesure de négocier les modalités de la transaction de façon claire et concise de manière à dire ce qu'ils sont prêts à faire et quelles sont les pratiques sexuelles sécuritaires à prendre. Cela nuit à la communication et à la capacité de négocier des pratiques sexuelles sécuritaires.
Les travailleuses et travailleurs du sexe qui travaillent dans des lieux de travail gérés nous disent aussi qu'ils n'ont pas de préservatifs et d'autres dispositifs sexuels sécuritaires sur place parce que, si ces objets sont découverts, c'est que la personne est une travailleuse du sexe. C'est criminel. Beaucoup de pratiques sexuelles sûres, comme l'usage de préservatifs, ne sont pas préconisées comme elles le devraient à cause de ce niveau de secret et de dissimulation.
Je voulais aussi vous faire part d'une statistique. Des recherches ont été effectuées il y a quelques années sur les régimes qui criminalisent le travail du sexe par opposition à la décriminalisation. Ces recherches ont révélé que la décriminalisation du travail du sexe a réduit de 33 à 46 % les nouvelles transmissions du VIH dans les 10 années qui ont suivi. C'est énorme. Tout se ramène à la capacité de négocier, de communiquer et d'avoir un milieu de travail ouvert où l'on fait la promotion de la santé et de la sécurité au travail.
Si vous me le permettez, Randall, j'aimerais ajouter quelque chose.
Quand vous décriminalisez, vous donnez aussi aux travailleurs et aux travailleuses du sexe accès à des normes de santé et sécurité au travail, à des lois sur l'emploi et à tout ce que vivent les autres secteurs décriminalisés. Tout cela favorise la santé et la sécurité au travail.
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C'est une excellente question. Merci beaucoup, M. Garison.
Comme vous le savez sans doute, il existe actuellement au Canada des lois pénales concernant la transmission du VIH. Cette situation, conjuguée à la criminalisation du travail du sexe, crée de nombreuses complications pour les personnes qui sont surveillées par la police parce qu'elles sont connues en tant que travailleuses du sexe ou soupçonnées de l'être.
Dans l'étude que j'ai mentionnée et qui a été commandée par le ministère de la Justice, on peut lire un cas dont j'aimerais vous parler. L'une des participantes à l'étude a été agressée dans le cadre de sa vie de travailleuse du sexe. Elle a signalé l'agression à la police et, dans le cadre du processus de signalement, elle a divulgué qu'elle était porteuse du VIH. La police a ensuite révélé à son agresseur qu'elle était porteuse du VIH. Elle s'est retrouvée avec des accusations criminelles pour transmission du VIH alors qu'elle signalait à la police qu'elle avait été agressée sexuellement.
C'est exactement le genre de problème qui empêche les travailleuses et travailleurs du sexe d'avoir accès à toute forme de sécurité de la part de la police. Tout cela découle de la façon dont les travailleuses et travailleurs du sexe sont traités par les policiers chaque fois qu'ils communiquent avec eux. Cela crée un climat de peur. Cela mène à un climat dans lequel les travailleuses et travailleurs du sexe sont moins susceptibles de se soumettre à un test de dépistage du VIH parce qu'ils craignent que, s'ils sont exposés au VIH ou s'ils ont des preuves qu'ils sont séropositifs, ce sera utilisé contre eux par la police par la suite.
Tout cela devient extrêmement compliqué dans un contexte où les travailleuses et travailleurs du sexe sont constamment surveillés par la police. Cela les décourage d'obtenir les services de santé dont ils ont besoin. Cela les empêche aussi d'avoir accès à des documents sur les pratiques sexuelles à risques réduits.
Merci à tous les témoins.
Je dirai tout d'abord que tout le monde devrait se sentir valorisé, aimé et en sécurité. S'il y a quelqu'un, particulièrement dans ma circonscription, mais partout au Canada, qui estime qu'il ne peut pas s'adresser à la police et qu'il se trouve dans une position non sécuritaire, je prendrai personnellement son appel et je ferai tout en mon pouvoir pour l'aider. Que celui ou celle qui, dans ma circonscription, se sent en danger et ne peut pas s'adresser à la police, n'hésite pas à prendre le téléphone et je serai heureux de l'aider.
Cela dit, ma question s'adresse à Mme Baptie.
Tout d'abord, merci beaucoup de votre témoignage et de nous avoir raconté votre histoire. Nous vous en sommes reconnaissants. Je sais qu'il faut de la force pour raconter votre histoire et livrer ce témoignage.
Vous avez dit souhaiter que ce projet de loi prenne racine ou soit pleinement mis en œuvre. Selon vous, comment pourrions-nous y parvenir? Que pourrait faire la police pour aider à cet égard? Que pourraient faire les représentants du gouvernement pour rendre cette mesure législative plus efficace?
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Je vais parler encore une fois du temps que j'ai passé en Suède, parce que ce pays avait adopté la loi. Ce qui s'est fait là-bas, et c'est tout à fait faisable ici, c'est d'éduquer la police et les procureurs de la Couronne au sujet non seulement de la loi, mais aussi de l'intention de la loi qui consiste à créer un Canada plus sécuritaire et d'éradiquer la prostitution parce que nous ne la considérons pas comme un commerce juste et équitable. Nous ne voulons pas que cela se poursuive dans notre société.
Nous devons éduquer tout le monde, des policiers aux procureurs de la Couronne. Nous pouvons le faire de plusieurs façons. Nous avons des policiers municipaux, nous avons la GRC. Il peut s'agir tout simplement d'envoyer une directive dont ces agents pourront ensuite parler, ou il peut s'agir d'un groupe de travail itinérant qui se rend dans tous les districts et qui fait de l'éducation. Le Canada est un très grand pays par rapport à la Suède, alors nous devrons peut-être faire preuve d'un peu de créativité à cet égard, mais je ne pense pas que ce soit impossible.
Dans notre monde, tout se fait sur Zoom. Rien ne justifie que nous ne puissions pas avoir des appels Zoom avec plusieurs agents de police pour les informer, les éduquer. Ensuite, ces agents vont parler à leurs collègues et à ceux qui relèvent d'eux.
Il y a une autre chose qui s'est fait. Les Suédois ont non seulement fait de l'éducation policière, mais ils ont aussi fait de l'éducation sociale sur des panneaux d'affichage, sur les autobus... partout! Ils ont expliqué pourquoi ils avaient adopté ces lois et quelle était l'intention de ces lois. C'est une campagne sociale et politique qui a permis de favoriser ce changement là-bas.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les personnes devant nous d'avoir livré des témoignages personnels. Nous savons que cela peut être plus difficile, alors nous leur en sommes très reconnaissants.
Évidemment, le but du Comité est de protéger les travailleuses et les travailleurs de l'industrie du sexe et d'améliorer la situation.
En janvier dernier, à Winnipeg, on a mis fin à l'octroi de licences aux agences d'escortes et aux salons de massage, entre autres. Des défenseurs des droits de la personne militaient pour l'abrogation de ces permis. Ils estimaient que ces changements étaient nécessaires pour mettre fin à l'exploitation et aux violences sexuelles. En contrepartie, des travailleuses de l'industrie s'opposaient à cette mesure, parce qu'elles craignaient des conséquences néfastes. Par exemple, elles étaient d'avis que l'abrogation des permis pourrait les pousser vers la clandestinité, ce qui faisait augmenter leurs inquiétudes quant à leur sécurité.
Madame Baptie, j'aimerais connaître votre opinion sur ce qui s'est passé à Winnipeg.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie mes collègues d'avoir donné leur consentement. Mon collègue M. Garrison et moi aurons donc un peu plus de temps pour poser des questions aux témoins.
Pour terminer, je m'adresserai à vous, madame Baptie.
Il y a plusieurs éléments qui expliquent une hausse de l'exploitation sexuelle, notamment la mondialisation et l'absence de réglementation à propos d'Internet. On remarque aussi une application lacunaire des lois: toutes les lois ne sont pas nécessairement bonnes, ou elles ne sont pas toujours appliquées. De plus, il y a un manque d'éducation préventive.
Vous parlez de mettre fin à tout cela.
Selon vous, que pouvons-nous faire, en tant que parlementaires, pour mieux prévenir l'exploitation sexuelle?