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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 030 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Traduction]

    Bienvenue à la 30e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 février 2022, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur les obligations du gouvernement à l’égard des victimes d’actes criminels.
    La réunion d’aujourd’hui se déroule sous une forme hybride, conformément à l’ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés participent en personne, dans la salle, ou à distance à l’aide de l’application Zoom.
    J’aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme.
    Allez-y, monsieur Moore.
    Monsieur le président, certains témoins ont de la difficulté à vous entendre. Sont-ils au courant pour les oreillettes?
    J'y arrivais, justement.
    Il y a des écouteurs. Déroulez-les, mettez-les et sélectionnez la chaîne de votre choix. Les personnes bilingues peuvent probablement choisir « parquet », mais les canaux « anglais » et « français » sont également disponibles. Pour changer la langue, c'est en bas, et il faut aller vers la gauche ou la droite. Pour le volume, c'est la partie du haut.
    Si vous n'entendez pas ou s'il y a un problème d'interprétation, veuillez simplement faire un signe de la main pour nous en informer. Nous arrêterons immédiatement et vous ne perdrez pas votre temps de parole.
    Puisqu'il n'y a que des députés qui participent par Zoom, je ne pense pas avoir à répéter les consignes pour l'interprétation sur cette application. Utilisez l'icône au bas de l'écran pour choisir le son du parquet, l'anglais ou le français.
    Je vous rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence. Les membres présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole n'ont qu'à lever la main. Pour les membres sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi tâcherons de vous donner la parole rapidement.
    Avant de présenter nos témoins, j'aimerais informer le Comité qu'étant donné la nature de notre étude et du sujet dont nous sommes saisis, certains témoignages pourraient être difficiles ou éprouvants à écouter. J'aimerais rappeler à nos témoins, qui ont si gracieusement accepté de comparaître au Comité, en personne ou par Zoom, ainsi qu'aux députés et au personnel, que des ressources leur sont offertes ici même au Parlement, au besoin. Le greffier pourra certainement communiquer avec ces ressources, et sentez-vous tout à fait libres de demander des services pendant ou après, si vous en avez besoin.
    J'accorderai, si nécessaire, une petite pause à nos témoins afin qu'ils puissent livrer leurs témoignages dans les meilleures conditions possible. La présente étude sera certainement émotivement éprouvante pour nos témoins. Nous admirons le courage dont ils font preuve en venant nous raconter une expérience très personnelle. Je suis certain que tous les membres du Comité sont d'accord avec cette affirmation.
    Comme je n'aime pas interrompre les gens, je lèverai ce carton jaune pour indiquer qu'il vous reste 30 secondes, et ce carton rouge pour indiquer que votre temps est écoulé. Vous devrez alors conclure. Je ne veux pas vous faire perdre le fil de vos pensées, mais c'est ainsi que nous procédons. Cela vaut aussi pour les députés.
    Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Si vous ne parvenez pas à tout dire dans ces cinq minutes, je suis certain que les députés vous en donneront l'occasion lors des questions. Donc, n'hésitez pas à terminer votre propos.
    Nos trois premiers témoins sont Mme Morrell Andrews, Dianne et Mike Ilesic, et Mme Sharlene Bosma.
    Je donne d'abord la parole à Mme Morrell Andrews, pour cinq minutes.
(1545)
    Je tiens à remercier nos hôtes, le peuple algonquin anishinabe.
    J'espère que votre étude intègre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, notamment l'appel à l'action 36 sur les services pertinents sur le plan culturel; l'appel à l'action 41 sur la lutte contre la victimisation des femmes et des filles; l'appel à l'action 57 sur la formation des fonctionnaires sur les séquelles des pensionnats indiens, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les droits issus de traités, le droit autochtone et les relations entre les Autochtones et la Couronne.
    Aujourd'hui, je ne peux parler au nom de toutes les victimes-plaignantes ni exprimer pleinement la réalité des personnes qui sont confrontées à des obstacles systémiques en raison de leur identité sexuelle ou de genre, de leur race, de leur classe ou de leur handicap, mais je ferai de mon mieux pour respecter leur vécu.

[Français]

    Il est impossible d'exprimer l'angoisse et le stress d'une victime-plaignante d'une agression sexuelle.
    Comment puis-je expliquer correctement ce que signifie de voir sa cause abandonnée, d'être exclue des procédures, d'avoir des avocats trop occupés pour nous parler, de savoir que son agresseur n'aura jamais de dossier criminel ou de passer des nuits à pleurer en essayant d'interpréter la loi toute seule?
    Lorsque j'ai demandé à d'autres victimes-plaignantes ce que je devais dire aujourd'hui, ces femmes ont souvent utilisé les mêmes mots. Elles veulent que vous sachiez que le système juridique est paternaliste, qu'il est traumatisant et que nous avons l'impression d'être laissées de côté.

[Traduction]

    En vertu de l'article 486.4 du Code criminel, les victimes-plaignantes d'une agression sexuelle ont le droit de demander une ordonnance de non-publication. Cette ordonnance a pour but de protéger la vie privée des victimes et d'éliminer toute conséquence négative d'une divulgation publique de leur identité.
    Les ordonnances de non-publication ont une fonction essentielle, et elles devraient demeurer accessibles à quiconque en fait la demande. Cependant, il existe d'importants problèmes quant à la communication de renseignements sur les ordonnances de non-publication qui nous concernent, les renseignements nécessaires pour nous y conformer ou, si nous le souhaitons, pour les faire lever.
    Le 7 avril 2021, à l'occasion du prononcé de la sentence dans mon affaire d'agression sexuelle, j'ai appris que mon identité faisait l'objet d'une ordonnance de non-publication. J'ai immédiatement su que ce n'était pas dans mon intérêt. Au tribunal, j'ai demandé à la procureure de faire lever l'ordonnance, mais elle ne savait pas comment faire. Peu après, je suis intervenue et j'ai demandé à la juge de lever l'ordonnance, mais elle m'a dit qu'elle était dessaisie de l’affaire et qu'elle ne pouvait pas m'aider. Plus tard, les gens des services d'aide aux victimes m'ont dit que je devais présenter une demande moi-même auprès de la Cour supérieure et me débrouiller toute seule.
    On ne m'a jamais parlé de mon ordonnance de non-publication. Personne ne m'a demandé si je souhaitais qu'il y en ait une, et personne ne m'a expliqué que j'étais passible d'une amende allant jusqu'à 5 000 dollars et de deux ans de prison si je ne la respectais pas. On m'a dit que cette ordonnance était dans mon intérêt, mais je me suis sentie piégée.
    Après d'importantes démarches pour faire valoir mes intérêts, la Couronne a accepté de présenter une demande à la Cour supérieure. Le 14 mai 2021, non sans difficulté, j'ai pu réclamer mon droit de parole. L'avocat du contrevenant s'est opposé à ma demande et a tenté de retarder l'audience de plus de deux mois.
    Il était humiliant d'avoir à supplier qu'on me redonne mon droit de parole. Que le tribunal accorde au contrevenant l'honneur d'expliquer pourquoi je devrais être réduite au silence à jamais était choquant, déshumanisant et traumatisant. Alors, je me suis dit que je devais me souvenir du sentiment qu'on éprouve lorsqu'on est écrasé par système de justice et qu'un jour — pour moi, pour celles que j'ai rencontrées et pour celles qui viendraient après nous —, j'essaierais de changer les choses.

[Français]

    Non seulement l'exigence actuelle selon laquelle le juge doit superviser la capacité d'une victime-plaignante à parler de sa propre expérience est paternaliste, mais elle renforce un sentiment de stigmatisation et la notion selon laquelle les victimes-plaignantes ont seulement besoin d'être protégées plutôt que d'être représentées, informées et aidées.

[Traduction]

    Mes recommandations, très simples, sont les suivantes. Il faut modifier l'article 486.4 du Code criminel pour que le fait qu'une victime raconte son vécu ne constitue plus une infraction. Il faut éduquer les procureurs et les juges sur les ordonnances de non-publications et sur le droit des victimes de choisir si elles souhaitent une telle ordonnance. Il faut veiller à ce que les procureurs expliquent le but et la portée d'une ordonnance de non-publication et obtiennent le consentement de la victime avant de demander une ordonnance. Il faut simplifier le processus de levée d'une ordonnance et préciser que le contrevenant ou l'accusé n'est pas un facteur à considérer. Il faut fournir, en plusieurs langues, des informations accessibles sur les ordonnances de non-publication, la façon de s'y conformer et de les faire lever, lorsque désiré. Enfin, il faut modifier le formulaire de déclaration de la victime prévu au paragraphe 722(4) du Code criminel pour permettre aux victimes de se soustraire à une ordonnance de non-publication à l'issue d'une affaire sans avoir à justifier cette décision auprès du tribunal ou du contrevenant.
    Au Canada, seulement trois dossiers d'agression sexuelle sur 1 000 mèneront à une condamnation, mais les noms des victimes-plaignantes dont la cause ne s'est pas soldée par une déclaration de culpabilité demeurent visés par des ordonnances de non-publication. Pour les victimes qui veulent s'exprimer, cela représente un fardeau douloureux à porter. En outre, cela donne l'impression que nos agresseurs sont protégés et, en fait, que les ordonnances de non-publication non désirées sont à leur avantage.
(1550)

[Français]

     Il n'y a aucune justice dans une interdiction de publication non désirée.

[Traduction]

    J'ai fait tout ce que l'on attendait de moi. J'ai fait un signalement. Je suis allée au tribunal. Je me suis fait entendre sur cette question et je suis venue ici aujourd'hui pour présenter des recommandations. Je vous demande, à tout le moins, de défendre ce changement indispensable avec vigueur et de faire preuve d'audace en exigeant mieux, pour nous.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Andrews.
    Nous passons maintenant à Mme Bosma, pour cinq minutes.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie de l'invitation et de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole ici aujourd'hui.
    Merci à M. Brock.
    Comme je suis une victime et que je suis passée par notre système de justice, j'estime qu'un examen des droits des victimes — et du manque de droits — s'impose de toute urgence.
    Je m'appelle Sharlene Bosma. Le 6 mai 2013, Tim, mon mari, a été enlevé de notre domicile, puis abattu dans son propre camion de l'autre côté de la route, en face de notre maison. Son corps a éventuellement été transporté à l'aéroport de Waterloo, puis brûlé dans un incinérateur pour animaux.
    Nous avons passé huit jours à le chercher partout dans la province, sans savoir où il était. Le huitième jour, mon monde s'est écroulé. J'ai entendu l'une des phrases les plus terrifiantes qu'on puisse entendre: « Son corps était brûlé au point d'être méconnaissable. » Il a fallu trois autres années avant que je puisse savoir ce que cela voulait dire.
    Deux arrestations ont été effectuées peu de temps après, grâce à l'excellent travail du service de police de Hamilton, en collaboration avec les services de police de la région. En 2016, nous avons passé six mois à Hamilton pour le procès. L'équipe de procureurs de la Couronne a travaillé avec acharnement et a gagné la cause en obtenant la condamnation pour meurtre au premier degré non pas d'un seul, mais des deux contrevenants. L'enquête sur le meurtre de mon mari a mené à d'autres accusations pour les meurtres de Laura Babcock et de Wayne Millard, deux affaires qui se sont également soldées par des verdicts de culpabilité de meurtre au premier degré.
    Il m'est impossible de décrire la joie et le soulagement incommensurables que tous les membres de notre famille ont ressentis lorsque des peines consécutives d'emprisonnement à perpétuité ont été prononcées dans chaque cas, soit 75 ans et 50 ans pour ces meurtriers sans cœur et sans pitié. En tant que mère d'une petite fille qui n'avait pas tout à fait deux ans et demi lorsque son père a été assassiné, j'étais extrêmement reconnaissante qu'elle n'ait jamais à se retrouver devant les monstres qui ont tué son père simplement parce qu'ils le pouvaient.
    Comparativement aux nombreuses autres familles touchées par des homicides que j'ai eu le privilège de rencontrer, bien que dans des circonstances malheureuses, ces neuf dernières années et demie, nous nous en sortons mieux que quiconque ait pu l'espérer, étant donné les condamnations et les peines qui ont été rendues dans notre affaire. Cela a permis à d'autres victimes d'avoir espoir qu'il était possible d'obtenir vraiment justice dans le système de justice canadien et que les contrevenants reçoivent une sentence proportionnelle aux crimes qu'ils ont commis, c'est à dire, véritablement, « une vie pour une vie ».
    Certains diraient que je ne suis pas en position de parler des droits des victimes en raison de mon expérience plutôt positive avec les services de police et les bureaux de procureurs de la Couronne. Ils ont peut-être raison, mais cela ne diminue en rien ma capacité d'être ici devant vous et de me battre pour l'avenir de ma fille et pour les personnes qui n'ont pas eu une expérience aussi positive que moi. Tout le monde a besoin et a le droit au même système de justice dont j'ai bénéficié.
    En mai dernier, le gouvernement a supprimé l'une des rares choses auxquelles les victimes pouvaient s'accrocher: les peines consécutives. Il s'agit d'un des plus durs coups jamais portés par le gouvernement canadien aux victimes de crimes violents. Il envoie comme signal qu'au Canada, n'importe qui peut tuer autant de personnes qu'il veut, car les peines ne changeront pas. Il se trouve à dire qu'au Canada, seule la vie de la première victime a une valeur et que celle des autres victimes n'a aucune importance, du moins pas ici, au Canada.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, ma fille avait deux ans et demi lorsque son père a été assassiné. Elle n'a aucun souvenir de lui. On ne lui a jamais donné l'occasion de le connaître; cela lui a été volé. Elle n'a que les histoires que nous racontons et les photos que nous lui montrons, les autres proches et moi. Certains diraient que c'est suffisant, mais ce n'est pas le cas. Elle avait le droit de connaître son père. Elle avait le droit d'être élevée par son père et, au même titre que n'importe qui d'autre, de connaître l'homme aimant qu'il était.
    Or, en raison du jugement rendu en mai, ma fille devra, lorsqu'elle aura 27 ans, poursuivre le combat que je pensais avoir déjà mené pour elle. Les audiences de libération conditionnelle commenceront. Elle sera appelée à expliquer pourquoi ces monstres ne devraient pas se voir offrir le moindre sentiment de liberté et pourquoi ils devraient rester en prison. Elle devra faire face aux psychopathes sans âme qui ont marqué sa vie avant même qu'elle ne sache que c'était la sienne.
(1555)
    Dans ces moments-là, dans son corps de femme, elle sera la petite enfant pleurant pour que son papa rentre à la maison. Elle témoignera de la vie de son père, ainsi que celle de Laura et de Wayne, afin que ces hommes restent en prison.
    Ce sera plus seulement à moi de continuer le combat, mais aussi à ma fille, car ce gouvernement accorde plus de valeur à la vie de criminels qu'à celle de ses citoyens respectueux des lois. Notre cauchemar va recommencer. À chacune de leurs demandes de libération conditionnelle, nous serons victimisées de nouveau et nous revivrons tout ce traumatisme.
    En tant que victimes, dans la société actuelle, on nous traite comme des parias dans nos écoles, nos lieux de culte et nos lieux de travail. Dans l'esprit de beaucoup de gens, il est plus facile de croire que nous avons fait quelque chose de mal pour mériter ce qui est arrivé que d'accepter qu'il existe vraiment au pays des monstres à forme humaine. Si cela peut nous arriver, cela peut vous arriver.
    En tant que victime, je peux vous dire que le Canada ne se soucie pas de nous. Je demande au Comité de prouver, à moi et à toutes les autres victimes de crimes violents, que j'ai tort. Prenez notre défense, comme nous l'avons fait nous-mêmes. Montrez-moi que j'ai tort.
(1600)
    Merci, madame Bosma.
    Nous passons maintenant à M. et Mme Ilesic.
    Nous vous remercions de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité de la justice.
    Notre fils Brian a été brutalement assassiné, en 2012, pendant son quart de travail pour une entreprise de transport blindé. Deux de ses collègues ont aussi été assassinés. Un autre collègue a survécu, mais sa vie a considérablement changé après l'incident.
    Les victimes ont été trahies par leur collègue. Ils ont tous reçu une balle dans la tête tirée à courte distance. En fait, les funérailles de Brian ont été retardées d'une semaine parce qu'une reconstruction faciale était nécessaire pour qu'il puisse être exposé avant la cérémonie commémorative.
    L'unité des services aux victimes d'Edmonton a été une bénédiction pour nous. Son personnel nous a guidés tout au long du processus de deuil. Dianne et moi faisons également partie de la Victims of Homicide Support Society, ce qui a énormément aidé, et nous continuons à participer au sein du groupe. Cela nous a aidés à maintenir notre force.
    La récente décision de la Cour suprême du Canada d'invalider la loi sur les peines consécutives était une très mauvaise décision. Cette décision a une incidence sur toutes les victimes et dévalorise la vie.
    Lors d'une audience de libération conditionnelle, je veux pouvoir regarder le contrevenant en face et ne pas être obligé de regarder l'arrière de sa tête. Si le contrevenant n'est pas prêt à coopérer, l'audience ne devrait pas être autorisée à avoir lieu.
    Le meurtrier de notre fils est le premier contrevenant du Canada à être condamné en vertu de la loi sur les peines consécutives. Il a reçu une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans. Nous avons été soulagés de savoir que nous n'aurions pas à assister à une audience de libération conditionnelle avant 40 ans.
    Ce délai signifiait que nous n'aurions fort probablement jamais à nous présenter à une audience de libération conditionnelle. Mais maintenant, avec la décision de la Cour suprême, le meurtrier a demandé que sa peine soit réduite de 40 à 25 ans. Il pourrait donc demander une libération conditionnelle dans 15 ans.
    Ce serait un euphémisme que de qualifier cette possibilité de perturbante. Quand nous avons discuté de cette décision avec des membres de la famille, des amis et notre député Michael Cooper, nous avons constaté que la majorité des gens ne l'appuient pas. Le gouvernement libéral aurait dû invoquer la clause dérogatoire pour renverser la décision de la Cour suprême.
    Nous vous enjoignons d'écouter la population canadienne. À titre de victime, je suis mystifiée et déçue par la décision de la Cour suprême et l'absence de réaction du gouvernement. La prison n'est pas cruelle et injuste, mais un meurtre l'est.
    Notre première recommandation, c'est que le gouvernement aurait dû invoquer la clause dérogatoire pour renverser la décision rendue dans l'affaire Bissonnette. Je suis déçue par le fait que le ministre de la Justice, David Lametti, n'ait pas réagi, sauf pour dire qu'il respecte la décision de la Cour suprême.
    Notre deuxième recommandation, c'est de ne pas permettre aux auteurs de tuerie, comme le meurtrier de notre fils, d'être admissibles à une libération conditionnelle après 25 ans.
    Notre troisième recommandation, c'est que les parlementaires devraient visiter des pénitenciers pour s'informer. La prison n'est pas un lieu de résidence cruel. Les prisonniers y jouissent de nombreux avantages, aux frais des contribuables. Tous leurs repas sont gratuits. Ils sont logés et nourris sans frais. Ils reçoivent de l'éducation et pourraient obtenir un baccalauréat ou une maîtrise, mais qu'en est‑il des victimes laissées derrière?
    Notre quatrième recommandation, c'est que lorsque cet incident est survenu, j'ai été submergée par la douleur et la peine. J'ai admis que j'avais besoin de services de consultation. Ces services pourraient-ils être payés par le gouvernement? En 2012, ils coûtaient 185 $ l'heure. Qui peut se permettre de tels honoraires?
    Dans notre cinquième recommandation, nous vous demandons de parrainer un moyen d'aider les victimes à s'orienter dans le système de justice. Un défenseur des victimes devrait être nommé pour les aider à se retrouver dans le système et leur fournir tous les renseignements dont ils ont besoin et qu'ils méritent.
    En terminant, nous voulons vous faire savoir que nous nous sommes inscrits au service de notifications aux victimes de Service correctionnel Canada, mais que nous ne recevons pas de notifications comme promis. Or, nous aimerions vivement être tenus informés.
    Nous vous remercions de votre temps et de votre attention. Nous traversons l'épreuve et nous ne sommes toujours pas sortis d'affaire.
(1605)
    Nous remercions tous les témoins. Ce n'est pas facile pour vous de nous faire part de vos histoires, et je suis certain que vous les racontez encore et encore. J'exhorte tous les membres du Comité à faire preuve de sensibilité quand ils posent des questions.
    J'accorderai la parole à M. Brock pour six minutes.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je voudrais commencer en remerciant tous les participants à la séance d'aujourd'hui du courage dont ils font preuve en témoignant pour raconter un chapitre extrêmement difficile de leur vie. Vous méritez tous d'être félicités d'avoir la force de venir défendre non seulement votre personne et votre famille, mais aussi toutes les victimes qui existent au Canada. Je vous remercie beaucoup.
    Madame Andrews, j'ai écouté vos paroles avec grande attention. Nous avons eu l'occasion de parler avant votre comparution d'aujourd'hui. Je tiens à vous assurer que le Comité a entendu très clairement votre voix, qu'elle sera entendue à l'échelle nationale et qu'elle sera communiquée au gouvernement fédéral.
    J'ai examiné certains des documents dont nous avons parlé à titre préparatoire, et je veux parler brièvement de la décision que la juge a formulée dans l'affaire dont vous êtes une victime. À la fin de sa déclaration au contrevenant, elle s'est adressée à vous pour vous dire que votre voix aurait un grand retentissement. Quel présage de votre témoignage d'aujourd'hui.
    Je veux vraiment vous remercier de la résilience et de la force dont vous faites preuve en intervenant dans un domaine qui a désespérément besoin de réforme, et je veux vous poser quelques questions. Je dispose essentiellement d'une minute.
    Vous avez parlé du manque de confiance, de la communication lacunaire et de la non-participation au processus. Tous ces droits sont enchâssés dans la Charte canadienne des droits des victimes, mais vous n'avez manifestement pas pu vous en prévaloir.
    Pouvez-vous nous expliquer plus précisément comment nous pouvons nous assurer que les victimes comme vous, les autres victimes qui se présentent devant les tribunaux, les victimes issues de communautés marginalisées et les victimes dont la langue maternelle n'est pas l'anglais peuvent recevoir un traitement équitable de la part de tous les intervenants du système de justice?
    La Charte canadienne des droits des victimes comprend trois parties — l'information, la protection et la participation — auxquelles je m'intéresse particulièrement à titre de victime. Tout au long du processus, alors que je me dépatouillais dans le système de justice, j'ai eu le sentiment que ces droits ne s'appliquaient pas à moi.
    Je n'ai pas été protégée, que ce soit par malveillance ou par négligence de la part de la Couronne, quand mon identité a été interdite de publication à mon insu. J'aurai pu perdre mon emploi. Je suis fonctionnaire et je dois conserver ma cote de sécurité. Si je suis accusée d'un crime, je perds mon emploi.
    En ce qui concerne l'information, ce fut un cauchemar de tenter de comprendre comment s'orienter dans le processus juridique. J'ai tenté de consulter l'aide juridique et des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, mais personne ne pouvait m'aider. J'ai vraiment eu l'impression d'être seule. J'ai dû passer CanLII au peigne fin par moi-même pour tenter de trouver des précédents. Il n'y avait tout simplement personne sur qui s'appuyer, et la Couronne n'avait pas vraiment le temps de me parler. Je comprends qu'elle manque de ressources, mais il n'y avait réellement aucun soutien pour la victime dans le besoin que j'étais.
    Pour ce qui est de la participation, je considère que j'avais le droit de me faire demander si je voulais ou non une interdiction de publication. Il me semble que c'est un élément fondamental de la participation au sujet duquel je n'ai jamais été consultée. Je ne savais même pas que je pouvais participer. C'est le cas d'un grand nombre de victimes que je connais. J'espère vous faire part de leurs histoires aujourd'hui.
    À dire vrai, la Charte canadienne des droits des victimes en entier fait 2 403 mots. Ma déclaration de la victime, qui contient un certain nombre de critiques et d'observations sur notre système, en fait 2 300. Cela pourrait certainement être plus long.
    Je vous remercie, madame Andrews.
    Madame Bosma, je vous présente mes plus sincères condoléances pour votre perte terrible et tragique. Les mots ne peuvent décrire ce que vous et votre famille avez vécu, et je suis profondément désolé pour vous.
    Mon temps est très limité. Je dispose d'environ 1 minute et 30 secondes. Je veux aborder quelque chose dont vous n'avez pas parlé dans votre allocution, mais que je sais que vous avez vécu. Il s'agit de votre droit de déposer une déclaration de la victime et de vous adresser directement au tribunal à cette fin.
    Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet et m'expliquer comment vous avez été traitée? Le processus a‑t‑il été équitable? Avez-vous pu utiliser tous vos mots sans correction, sans épuration et sans problème de la part de la défense ou de l'accusé? Pouvez-nous me dire comment cela s'est passé?
(1610)
     Bien sûr.
    Dans notre cas, puisque les contrevenants ont été déclarés coupables de meurtre au premier degré et devaient automatiquement purger une peine de 25 ans avant d'être admissibles à une libération conditionnelle, le procureur de la Couronne nous a recommandé de ne pas déposer de déclaration de la victime. Nous avons ainsi pu passer immédiatement à la déclaration de la peine. Sinon, le processus d'en serait trouvé prolongé.
    On nous a remis des formulaires à présenter aux tribunaux pour qu'ils soient examinés. Je pense qu'il y avait trois niveaux. Les accusés allaient également avoir l'occasion de lire nos déclarations et de formuler des recommandations ou de proposer des corrections avant que nous puissions les lire en cour.
    Dans notre situation, nous avons évité tout le processus. Ainsi, le jour de la déclaration de culpabilité, les contrevenants ont pris le chemin de la prison.
    Je pense que mon temps est écoulé, monsieur le président. Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Brock.
    Nous accordons la parole à Mme Diab pour six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Vous tous qui comparaissez aujourd'hui, je tiens à vous féliciter de témoigner devant nous, de faire preuve de bravoure, de nous faire part de la douleur et de la peine que vous avez éprouvées, et de vous en servir pour faire valoir des droits des victimes. Rien de ce que nous disons ici ne vous rendra justice. Nous sommes le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, mais nous ne rendrons pas justice à la douleur que vous avez vécue et que vous continuez d'éprouver parce que vous avez perdu des êtres chers: monsieur et madame Ilesic, votre fils; madame Bosma, votre conjoint; et votre fille, son père.
    Je veux poser une question à Mme Andrews.
    Je vous remercie de la conversation que nous avons eue plus tôt aujourd'hui au sujet des interdictions de publication. Je tiens à dire ce qui suit aux fins du compte rendu. Je vous ai demandé au téléphone si vous connaissiez le nom de Rehtaeh Parsons et vous avez répondu que oui. En Nouvelle-Écosse, ma province d'origine, Rehtaeh Parsons a été victime de pornographie juvénile à 17 ans. En 2012, elle a été la victime de quatre garçons, qui ont pris d'elle des photos qu'ils ont ensuite diffusées en ligne. Cette jeune étudiante du secondaire de 17 ans qui vivait à Dartmouth et qui était connue dans son école et dans sa communauté a fini par mettre fin à ses jours.
    Quand je suis entrée dans la sphère publique à titre de députée provinciale de la Nouvelle-Écosse, on m'a confié le mandat de ministre de la Justice et de procureure générale. J'ai été saisie de l'affaire en 2014. Son nom a été frappé d'une interdiction de publication en vertu du paragraphe 486.4(3) du Code criminel, et ce, malgré les souhaits de sa mère, de son père et de tous ceux qui les soutenaient.
    Je me souviens que c'était juste avant Noël 2014. L'affaire avait pris des semaines; c'était une période très difficile. J'ai envoyé au service des procureurs de la Couronne une directive ministérielle — dont on m'a dit à l'époque qu'elle était sans précédent — indiquant qu'aucune violation de l'interdiction de publication visant le nom de Rehtaeh, de quelque forme que ce soit, ne ferait l'objet de poursuites. J'ai ajouté que cela s'appliquait à moins que son nom ne soit utilisé de manière dérogatoire. J'ai probablement agi en tant que mère, que femme et que personne qui n'avait pas vraiment fait de politique avant.
    À l'époque, c'était difficile à faire, car le procureur n'avait jamais rien vu de tel. Il va sans dire que le ministère de la Justice et le reste des intervenants n'avaient pas vu cela non plus, mais c'était la bonne chose à faire. Je suis donc sensible à ce que vous demandez.
    Vous m'avez dit au téléphone que votre activisme vous a permis de rencontrer de nombreuses autres femmes qui ont des histoires à raconter. Je vous ai promis de vous offrir l'occasion, dans les quelques minutes qui me sont accordées, de nous faire part de ces histoires et de les porter au compte rendu au bénéfice du Comité.
(1615)
    Je vous remercie.
    En janvier 2020, Matthew McKnight a été déclaré coupable de cinq chefs d'accusation d'agression sexuelle. Ses 13 victimes d'Edmonton n'ont pas fait lever leurs interdictions de publication, mais je veux vous parler de N.T., qui a déclaré que le fait d'avoir raconté son histoire avait joué un rôle extrêmement important dans sa guérison. Elle s'est battue pour changer les choses et faire rejeter le projet de loi 16 du Parti conservateur uni et aujourd'hui, elle vient en aide à d'autres survivantes. Elle n'a jamais consenti à une interdiction de publication.
    À Toronto, Maarika Freund a demandé la levée de son interdiction de publication, dont elle a appris l'existence deux ans après son procès. Elle a dû demander l'aide de deux avocats pour y parvenir. Ce n'est qu'en octobre 2021 que cette interdiction a été levée parce que l'ancien accusé s'était vu accorder 70 jours de plus pour présenter un argument valable pour maintenir cette interdiction, à laquelle elle n'avait jamais consenti.
    À Victoria, Kelly Favro, ici présente aujourd'hui, s'est défendue elle-même en cour pour faire lever l'interdiction de publication, dont elle a appris l'existence quatre ans après la fin de ses procédures judiciaires. Elle a affirmé que le processus lui avait enlevé son autonomie pour la deuxième fois et que le système de justice avait fait d'elle une victime une nouvelle fois. Elle n'avait jamais consenti à une interdiction de publication.
    À Dartmouth, Carrie Low a dû retenir les services de son propre avocat pour faire lever une interdiction de publication dont elle ne voulait pas. Elle a déclaré que quelqu'un, sans l'en informer, lui avait enlevé son droit de voir son nom publié dans les médias, ajoutant qu'elle avait dû se soumettre à un autre processus juridique pour faire lever l'interdiction. Elle a trouvé cela très injuste. Le juge a indiqué qu'il n'aurait pas levé l'interdiction sans le consentement de la Couronne. Elle n'avait jamais consenti à faire l'objet d'une interdiction de publication.
    À Barrie, Brandy, qui est dans la salle aujourd'hui, a fait lever l'interdiction de publication qui la visait en mai 2022, après voir dénoncé une ancienne agression sexuelle survenue 30 ans plus tôt. Elle a indiqué que le système juridique canadien lui avait maintenant enlevé une partie de sa voix et qu'elle était très déçue de son incapacité à soutenir les survivantes. Elle n'avait jamais consenti à l'interdiction.
    Le nom de S., une habitante de Toronto, est toujours frappé d'une interdiction de publication. Elle a affirmé que la justesse et la transparence des renseignements qui lui ont été fournis dans le système juridique posaient un problème. Selon ce que l'employé du service aux victimes lui a indiqué, elle avait besoin d'argent et d'un avocat pour faire lever cette interdiction. C'est faux. Elle a dit que l'interdiction de publication l'a réduite au silence et protège son agresseur. Elle n'a jamais consenti à l'interdiction de publication.
    En août 2022, une victime de Nanaimo nommée Jade a fait lever son interdiction de publication. Sa demande a été initialement rejetée. On lui a fait savoir qu'elle aurait dû présenter sa demande avant la fin des procédures. Elle a demandé la levée de l'interdiction à trois reprises avant d'avoir gain de cause. Elle n'avait jamais consenti à cette interdiction.
    Je vous remercie, madame Andrews et madame Diab.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Fortin pour six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les quatre témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Je pense que votre participation est importante. Comme mes collègues autour de la table, je sympathise avec vous. Les événements que vous avez vécus sont particuliers, et personne n’aurait envie de les vivre. J'ai beaucoup de...

[Traduction]

    Monsieur Fortin, pouvez-vous arrêter un instant? Il semble qu'il y ait un problème avec l'interprétation.
    C'est probablement le volume. Vous n'avez qu'à l'augmenter.
    Je remets le chronomètre à zéro, monsieur Fortin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je disais que je compatis avec vous. Je comprends la douleur que vous avez subie. Comme mes collègues autour de la table, j'ai beaucoup de compassion pour vous.
    Cela dit, pour essayer de résoudre les différentes problématiques, dans la mesure du possible, j'aimerais revenir sur quelques éléments.
    Je m'intéresse beaucoup au point qu'a soulevé Mme Andrews par rapport à l'interdiction de publication.
    Madame Andrews, je comprends de votre témoignage que vous auriez souhaité qu'il n'y ait pas d'interdiction, mais qu'elle vous a été imposée sans que vous la demandiez. D'abord, pourquoi ne souhaitiez-vous pas d'interdiction de publication? Avez-vous eu des consultations avec un procureur de la Couronne ou avec d'autres avocats qui vous ont expliqué la portée de cette interdiction? Vous a-t-on expliqué en quoi elle pouvait vous être utile ou non?
(1620)

[Traduction]

    Je n'ai eu littéralement aucune consultation avec la Couronne ou des avocats. C'est seulement parce que la juge a mentionné l'interdiction au passage pendant l'audience de détermination de la peine que j'en ai appris l'existence. À titre de victime, j'ai été complètement abasourdie sur le coup, car personne ne m'avait parlé d'une interdiction de publication. J'ai su immédiatement que je n'en voulais pas, mais personne ne semblait savoir comment la lever ou ne voulait m'aider à la faire lever.
    Je voulais la faire lever pour une myriade de raisons, la principale étant que je voulais simplement être libre. Je savais que je voudrais publier ma déclaration de la victime sur Instagram et Twitter à la fin des procédures. Je n'avais jamais pensé me trouver dans cette position, mais quand j'ai découvert qu'il m'était interdit de parler, j'ai su que je devais faire quelque chose pour que cela ne se reproduise pas.
    Les femmes avec lesquelles je parle ont toutes sortes de motifs pour faire lever les interdictions de publication, que ce soit pour prendre la défense d'autres femmes qui se trouvent dans la même situation ou pour créer de l'art qu'elles jugent important pour leur guérison. Pour ma part, je voulais que les mots soient diffusés dans le monde et laisser les gens en faire ce qu'ils veulent.
    Pour certaines personnes, il est crucial de s'exprimer. Pour d'autres, les interdictions de publication constituent des outils utiles et elles sentent qu'ils les protègent. C'est un fait très important à reconnaître, mais certaines d'entre nous n'en veulent pas.

[Français]

    Avez-vous pu discuter avec le procureur de la Couronne relativement à cela pour demander la levée de l'interdiction?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Qu'est-ce qu'on vous a dit?

[Traduction]

    Lorsque j'ai demandé à la procureure de la Couronne de la lever... Nous avons eu une pause-dîner, et la juge avait mentionné l'interdiction de publication pendant la matinée. Lorsque j'ai entendu ce commentaire, j'ai envoyé un courriel à mon conseiller en services aux victimes pour lui demander de dire à la procureure de la Couronne de lever l'interdit dont je ne voulais pas. Un échange s'en est ensuivi, et la procureure de la Couronne a répondu qu'elle ne savait pas comment la lever et qu'elle ne connaissait pas la politique pour ce faire. Sa réponse m'a paru absurde parce que, à l'époque, j'étais une femme de 26 ans, et cet interdit était censé protéger ma propre identité. Qui d'autre que moi devrait se prononcer sur la question? C'est moi qui devrais déterminer ce qui contribue à me protéger et ce que je veux pour moi-même.
    Différents types d'interdictions de publication peuvent s'appliquer selon les cas, et aucun d'entre eux ne s'appliquait à moi. L'interdiction de publication qu'on voulait m'imposer visait à protéger mes propres intérêts. La procureure de la Couronne a jugé qu'il n'était pas nécessaire d'aller de l'avant et de demander au tribunal de lever l'ordonnance cette même journée.

[Français]

    Avez-vous soulevé cette question devant le tribunal et devant le juge? Avez-vous dit au juge que le procureur de la Couronne ne savait pas comment lever l'interdiction et que vous vouliez la faire lever?

[Traduction]

    Le problème, c'est que j'avais déjà prononcé ma déclaration de victime. En tant que victime, on est considéré comme témoin d'un crime. On n'a dans les faits pas le droit de jouer de rôle dans les audiences, alors je ne pouvais rien dire. Toutefois, étant donné ma nature, j'ai désactivé la sourdine de mon microphone pour demander à la juge si nous pouvions discuter de l'interdiction de publication. Elle a simplement répondu qu'elle était dessaisie de l'affaire et qu'elle n'avait plus compétence dans mon dossier. Je n'ai donc même pas eu l'occasion d'expliquer que j'avais demandé à la procureure de la Couronne de lever l'interdiction et qu'elle avait refusé. La juge aurait pu lever l'ordonnance de non-publication. Au lieu de cela, elle a simplement affirmé qu'elle ne pouvait rien y faire et que je devais plutôt m'adresser à la Cour supérieure pour exaucer mon souhait.
    J'ajouterai que, dans une cause récente — l'affaire Société Radio‑Canada c. Manitoba —, la Cour suprême du Canada a clarifié que les cours d'appel ont la capacité de lever les interdictions de publication qui ont d'abord été entendues à leur instance. Elles n'ont pas à se tourner vers un palier supérieur, alors cette question a au moins été éclaircie. Toutefois, si je me fie à mon expérience, les procureurs de la Couronne et les juges comprennent mal comment lever une ordonnance de non-publication et saisissent mal les répercussions pour les victimes qui n'en veulent pas.

[Français]

    Aux autres étapes du procès, si on laisse de côté la question de l'interdiction de publication pour l'instant, avez-vous eu une bonne communication avec la Couronne et avec le procureur? Compreniez-vous le processus?

[Traduction]

    J'ai seulement pu parler à la procureure de la Couronne après qu'elle eut décidé de rédiger une proposition conjointe avec l'avocat de la défense. Mon cas d'agression sexuelle s'est soldé par un accord de plaidoyer pour un chef d'accusation moins grave d'agression. Après avoir décidé que c'est ce qu'elle proposerait au tribunal, la procureure de la Couronne m'a appelée pour m'en informer et pour me demander mon avis. Ses explications étaient cependant fort succinctes. Lors de ce type de discussions, de nombreux mots inconnus sont prononcés. En quoi consiste un mandat d'arrêt décerné sur le siège? Qu'est-ce qu'une plaidoirie? Que signifie tout ce charabia? Personne n'explique vraiment tout ce vocabulaire aux victimes.
    J'ai seulement eu un bref échange avec la procureure de la Couronne, et le premier procureur qui s'occupait de mon dossier ne s'est même pas présenté en cour la journée de l'audience. Une procureure de la Couronne que je n'avais jamais vue de ma vie l'a remplacé. Je ne savais même pas qu'elle était la procureure de la Couronne jusqu'à ce qu'elle se mette à parler. J'avancerais que notre relation ne reposait ni sur la collaboration judicieuse ni sur la consultation.
(1625)
    Merci, monsieur Fortin.
    Nous passons maintenant à M. Garrison qui dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens moi aussi à d'abord remercier les quatre témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui. Je ne puis imaginer, comme je l'ai dit auparavant, le traumatisme et la douleur que notre système judiciaire fait revivre aux victimes. Je vous félicite tous de tenter de transformer vos horribles expériences en apport positif pouvant améliorer le système judiciaire. Plus précisément, ce que j'entends constamment de la part des victimes — et ce que je pense vous avoir entendu dire aujourd'hui — est que la grande motivation pour agir est de veiller à ce que personne d'autre ne connaisse le même sort à l'avenir. Je vous en remercie.
    J'aimerais adresser mes questions à Mme Andrews parce que nous n'avions pas encore abordé la question des ordonnances de non-publication avant aujourd'hui à ce comité.
    Madame Andrews, vous avez formulé des recommandations très précises. Je sais que vous nous avez remis un mémoire qui sera traduit et distribué aux membres du Comité, mais j'aimerais vous donner l'occasion de nous expliquer à nouveau vos recommandations fort précises.
    Je vais vous fournir l'explication exhaustive de mes recommandations. Dans ma déclaration liminaire, j'ai énoncé la version courte.
    J'aimerais qu'on permette aux victimes-plaignantes de publier, diffuser et transmettre en tout temps pendant les procédures judiciaires de l'information pouvant les identifier, et ce, sans demander l'approbation de la cour. La condition serait que la publication ne soit pas susceptible d'identifier une autre victime-plaignante qui n'a pas consenti à être identifiée.
    Je crois qu'on devrait permettre plus facilement aux victimes-plaignantes adultes de fournir leur consentement ponctuel ou continu par le biais d'une demande ex parte simplifiée et publique. Ainsi, une tierce partie telle qu'un membre de la famille ou un journaliste pourrait publier, diffuser et transmettre de l'information nominative à tout moment pendant les procédures. Cette permission s'assortirait de contraintes déterminées par la victime-plaignante et ne tiendrait pas compte de l'opinion du contrevenant ou de l'accusé qui n'aurait pas à être avisé de la démarche. Ici encore, les publications seraient permises pour autant qu'elles ne risquent pas d'identifier une autre victime n'ayant pas consenti à être identifiée publiquement.
    À mon avis, on devrait faciliter, par le biais d'une demande ex parte simplifiée et publique, le retrait complet des interdictions de publication à tout moment pendant ou après les procédures à la demande d'une victime adulte ou, dans le cas d'une victime décédée, à la demande d'un conjoint, d'un parent, d'un tuteur ou d'un enfant adulte. Le processus se déroulerait sans tenir compte de l'opinion du contrevenant ou de l'accusé qui n'aurait pas à être avisé de la démarche. Dans d'autres administrations, l'option est déjà offerte. En 2020, l'Australie a modifié ses lois afin de fournir ces recours aux victimes. Le pays a reconnu que le système dont il était doté à l'époque était extrêmement paternaliste et privait les victimes de tout pouvoir.
    Je crois qu'il m'aurait été utile de pouvoir consulter le site Web du ministère de la Justice pour y trouver l'information permettant de vraiment saisir la portée de mon ordonnance de non-publication, c'est-à-dire pour savoir ce qu'elle englobait, comment s'y conformer et comment la faire lever. À l'heure actuelle, nul besoin de retenir les services d'un avocat pour lever une interdiction de publication. Or, je ne sais toujours comment m'y prendre. J'ai posé la question un million de fois sans que personne puisse m'éclairer. Mme Favro y est parvenue seule, ce qui relève d'un formidable exploit. Il est possible de le faire, mais l'information ne se trouve nulle part.
    Je dirais aussi qu'un petit changement au formulaire de déclaration de la victime faciliterait le retrait d'une interdiction de publication pendant les procédures judiciaires alors qu'un juge toujours saisi du dossier peut encore agir. Au bas du document se trouve une petite case à cocher si on souhaite prononcer la déclaration devant le tribunal. Il suffirait d'ajouter une petite case à cocher dans ce document Word pour quiconque souhaite que l'interdiction de publication en vertu de l'article 486.4 soit retirée. Ce serait aussi simple que de crier ciseau.
    Je crois que vous avez aussi exprimé limpidement — et je veux vous donner l'occasion de refaire valoir votre point — que les ordonnances de non-publication peuvent s'avérer utiles pour certaines victimes, mais que les tribunaux présument qu'elles sont appropriées pour toutes les victimes.
    Tout à fait. Les interdictions de publication constituent d'importants outils qui ne devraient en aucun cas être refusés aux victimes. Je respecte le choix de toute victime d'agression sexuelle de maintenir son interdiction de publication. Toutefois, pour les personnes qui n'en veulent pas, nous devons veiller à ce que nos processus et procédures n'entraînent pas la revictimisation des victimes et des plaignantes.
    C'est ce qui se produit à l'heure actuelle, surtout dans le cas des femmes — les femmes sont touchées de façon disproportionnée — dont les procédures ne se soldent pas par un verdict de culpabilité. Ces femmes ne sont pas considérées comme des victimes, mais plutôt comme des plaignantes; leurs interdictions de publication demeurent néanmoins permanentes jusqu'à ce qu'un juge les lève. Il faut régler la situation parce qu'il ne faut pas seulement penser aux plaignantes qui ont obtenu gain de cause. Sont touchées toutes les plaignantes qui ont entamé des procédures et qui ont vu leur nom frappé d'une interdiction de publication par un procureur de la Couronne.
(1630)
    Je me répète : diriez-vous qu'on présume qu'une interdiction de publication est appropriée pour la plupart des infractions de nature sexuelle et qu'on suppose pratiquement toujours qu'une telle interdiction sera en vigueur?
    Je crois que les procureurs de la Couronne supposent assurément que toutes les plaignantes en voudront un, alors ils en font la demande sans même s'enquérir auprès d'elles.
    Je n'en aurais jamais demandé un. Nombre de femmes à qui je parle partagent mon avis. C'est une question de consentement et de fondement du féminisme. Je suis une féministe. Les femmes devraient avoir le choix.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, je ne vous vois pas, alors je ne sais pas combien de temps il me reste.
    Il vous reste environ huit secondes.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Cooper qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord remercier tous les témoins. Je suis de tout coeur avec vous. Je sais que le processus est pénible et que vous faites preuve de courage pour nous faire part de votre expérience en tant que victimes.
    Monsieur et madame Ilesic, j'ai le privilège de vous connaître depuis environ six ans. Dans votre témoignage, vous avez exprimé votre frustration quant au gouvernement libéral qui n'a pas su réagir à la décision dans l'affaire Bissonnette en invoquant la disposition de dérogation ou en ayant recours à toute autre mesure. Comme vous l'avez souligné, le ministre de la Justice a simplement déclaré respecter la décision.
    Monsieur et madame Ilesic, ainsi que madame Bosna, pouvez-vous dire au Comité quel message vous envoie le ministre, vous qui êtes des victimes, lorsqu'il déclare respecter cette décision et qu'il choisit de se croiser les bras?
    Dans notre cas, le message véhiculé est que, lorsqu'il y a plus d'une victime, seule la première victime qui entame un procès compte. Même si les autres victimes participent au processus entier pour en arriver à un verdict de culpabilité, un verdict d'innocence ou à un autre résultat — elles assistent à tout le procès et obtiennent une condamnation —, rien ne change au bout du compte. Les bourreaux ne purgent pas... J'essaie de peser mes mots. Aucune peine ne s'ensuit. Même si un tueur enlève la vie à de nombreuses personnes, il ne purgera qu'une seule peine.
    Allez-y, monsieur et madame Ilesic.
    Dans notre cas, il y avait au départ trois condamnations pour meurtres au premier degré. Malheureusement, à la suite d'un accord de plaidoyer, le tueur s'est fait imposer une peine réduite pour meurtre. Les procureurs de la Couronne nous ont expliqué à l'époque qu'ils respecteraient cette décision parce qu'ils s'appuyaient sur le principe voulant qu'un meurtre soit un meurtre.
    Voilà pourquoi le tueur s'est fait imposer une peine de 40 ans, sans plus. Personnellement, nous aurions voulu qu'il purge une peine de plus de 40 ans, mais l'accord de plaidoyer et l'entente entre le système judiciaire et l'accusé ont permis à ce dernier de négocier une peine écourtée.
    Si vous me permettez de renchérir sur cette réponse, je dirai que quand nous avons entendu la décision, nos enfants... Nous avons trois autres fils. Nous observons la coutume de reconnaître le fait que... Même si Brian est mort, nous lui rendons hommage à son anniversaire et à toutes les autres festivités que nous soulignons. Nous honorons sa mémoire sans vraiment discuter des événements.
    Lorsque nous avons annoncé à nos fils que nous allions peut-être intenter un procès, nous leur avons demandé — sachant que nous ne vivrons pas éternellement — de s'inscrire aux avis envoyés aux victimes pour qu'ils puissent continuer le combat en notre nom. Ils ne sont pas prêts à le faire parce qu'ils ne font aucunement confiance au système judiciaire actuel.
    Comme je le disais, mon épouse et moi ne rajeunissons pas. Dans 15 ans, si l'occasion se présente, je voudrai encore le confronter, peu importe l'issue du processus. Je tiens à ce que d'autres discussions aient lieu s'il croit qu'il ne me reverra plus en personne.
(1635)
    Merci. Je dispose de peu de temps, alors je vais poser cette question à M. et Mme Ilesic, et à Mme Bosna.
    Un des changements que le gouvernement pourrait apporter — pas seulement dans le contexte de cette décision, mais de façon plus globale — serait de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour les personnes condamnées à une peine pour meurtre au premier ou au deuxième degrés. Grâce à cette modification, les meurtriers qui demandent la libération conditionnelle — au terme de 25 ans dans les cas de meurtre au premier degré — et qui se la voient refuser — comme c'est pratiquement toujours le cas — ne pourraient pas en refaire la demande seulement 18 ou 24 mois plus tard. Ils devraient patienter plus longtemps, peut-être cinq ou sept ans.
    Croyez-vous que le gouvernement devrait adopter cette mesure? Est-ce que ce changement serait positif pour vous?
    Si vous me permettez de répondre, je dirais que ce serait à tout le moins un pas dans la bonne direction pour venir en aide aux familles. Je ne crois pas pour autant que notre famille aurait confiance en la mesure parce que nous ne croyons aucunement au système judiciaire.
    Au début de cette saga, nous avons lancé une pétition pour exhorter le gouvernement à invoquer la disposition de dérogation. Nous avons même eu du mal à convaincre nos enfants de la signer. Lorsque la pétition a gagné en popularité, ils l'ont finalement signée. Ils l'ont transmise à leurs amis et aux membres de notre famille et, oui, notre pétition a atteint un nombre inouï de signatures.
    Veuillez répondre très rapidement, madame Bosma.
    Je ne crois pas que la mesure suffirait, surtout dans les cas de condamnations multiples. Un délai de 18 ou 24 mois ne suffirait pas. Lorsqu'il y a trois, quatre ou tout autre nombre de victimes ou d'accusations, il doit y avoir moyen de reconnaître la souffrance que toutes les autres familles ont subie à cause des criminels.
    Dans notre cas, le hasard a voulu que le procès pour notre famille ait lieu en premier. Mon mari a été le dernier à être tué, mais notre procès s'est produit en premier. Nous avons obtenu une condamnation, et la peine de 25 ans est purgée pour lui. C'est insuffisant. C'est un minuscule pas dans la bonne direction, mais ce ne sera jamais assez.
    Merci, madame Bosma et monsieur Cooper.
    C'est maintenant au tour de Mme Dhillon, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis vraiment désolée, et je pense que le Comité sent le chagrin qui vous habite lorsque vous parlez, car il se lit dans vos yeux. Vous allez vivre avec ce chagrin pour le reste de votre vie, et vous nous l'avez bien fait comprendre. Nous vous offrons nos plus sincères condoléances.
    J'aimerais commencer par Mme Andrews. Vous avez parlé de la difficulté de naviguer dans le système judiciaire, quand il s'agit des droits des victimes. Quelles mesures concrètes notre gouvernement peut‑il prendre pour veiller à ce que les droits des victimes soient mieux expliqués aux personnes qui portent des accusations, qui passent par le système judiciaire et qui essaient de s'y retrouver? Que peut‑on faire concrètement pour les aider dans ce processus?
    Je pense que l'information joue un rôle important. Chacun aborde le système judiciaire de manière un peu différente. J'ai une personnalité de type A, donc je voulais avoir tous les renseignements possibles et imaginables. Le problème est que tout est très fragmentaire. Essayer de comprendre les subtilités de ce qu'est une absolution conditionnelle par rapport à une condamnation, avec toute la terminologie que cela implique, est un véritable défi. Je pense qu'il serait vraiment utile de commencer par le langage. Je ne sais pas si un glossaire des termes pourrait être fourni aux victimes ou aux travailleurs des services aux victimes. Il est très difficile de comprendre le langage du système judiciaire.
    L'anglais est ma langue maternelle. J'ai fait mon signalement en Ontario. Si j'étais francophone en Ontario, je ne sais pas si j'aurais eu le même accès. Je ne vois pas comment c'est possible pour une immigrante au Canada dont l'anglais est la troisième ou quatrième langue. J'ai eu une bonne expérience par comparaison avec ce que vit la majorité des gens, et j'ai quand même cru que cette expérience me détruirait, mais je suis ici aujourd'hui.
    Quant aux modifications qui pourraient être apportées au recours à l'interdiction de publication, elles ne constituent qu'un changement mineur. Je pense que je pourrais vous être utile sur ce point, mais il y a tellement d'autres problèmes, comme le coût des transcriptions judiciaires. J'ai dû débourser 500 $ pour obtenir ma transcription. Pour la thérapie, j'en suis à près de 6 000 $ et ce n'est pas fini.
    Les procureurs de la Couronne étaient trop occupés pour me parler une fois mon dossier clos. Ils vous parlent avant, mais dès qu'il y a un plaidoyer de culpabilité et une sentence, ils ont d'autres choses à faire. Les intervenants qui possèdent vraiment la bonne information sont essentiels. La personne chargée des services aux victimes m'a dit que l'interdiction de publication était automatique et que c'était quelque chose qui se produisait dans tous les cas, mais c'est faux.
    Enfin, les demandes d'accès à l'information auprès de la police n'ont rien donné. Tout était caviardé.
    Les ressources faciles à trouver sont rares. Par exemple, je ne savais pas qu'il existait un congé pour les victimes de violence familiale ou sexuelle en Ontario. J'ai découvert sur Twitter que je pouvais m'en prévaloir pour me présenter au tribunal.
    Si vous n'avez pas d'avantages sociaux dans le cadre de votre emploi, si vous êtes confronté à des obstacles d'ordre systémique ou si vous avez l'impression que la police ne vous prend pas au sérieux, il s'agit de problèmes systémiques. Les victimes ne bénéficient pas d'un soutien adéquat.
(1640)
    À votre avis, qui devrait avoir la responsabilité de renseigner les victimes sur l'interdiction de publication et les formes d'aide comme le congé accordé aux victimes?
    Veuillez répondre très rapidement, je vous prie.
    À l'heure actuelle, le Code criminel dit:
le juge ou le juge de paix qui préside est tenu : a) d’aviser dès que possible [...] la victime de [son] droit de demander l’ordonnance[...]
    Dans les faits, cela ne se produit pas. Il faut un certain temps avant qu'une victime voie un juge, et les interdictions de publication sont normalement mises en place lors de la première comparution de l'accusé devant le tribunal; il faut donc que ce soit les procureurs de la Couronne ou les travailleurs des services aux victimes qui s'en chargent.
    Je n'évolue pas dans le système et je ne suis pas juriste, alors je n'en connais pas les subtilités, mais quelqu'un doit assumer cette responsabilité, car pour l'instant, personne ne le fait. Nous faisons du mal aux gens et nous les mettons en danger. Une victime de Kitchener-Waterloo a été poursuivie l'année dernière pour avoir enfreint sa propre interdiction de publication. Quelqu'un doit nous en parler. Je ne sais pas exactement qui, mais il faut que quelqu'un le fasse.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Dhillon.
    Merci à tous les témoins, du fond du coeur. Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie d'avoir bien voulu raconter vos histoires.
    Je tiens à rappeler aux autres personnes de la tribune qui pourraient avoir des histoires similaires ou qui viennent d'en entendre parler que si vous avez besoin de services, veuillez communiquer avec le greffier, dont vous devriez tous avoir les coordonnées.
    Encore une fois, merci de vos témoignages.
    Je vais suspendre la séance une minute, le temps de procéder aux vérifications de son et de préparer notre prochain témoin.
(1645)

(1650)
    Bienvenue à notre nouveau témoin. J'espère que votre casque d'écoute fonctionne bien et que vous avez choisi le bon canal.
    Je vais répéter ceci pour notre témoin, car il n'était pas là tout à l'heure. En raison de la nature délicate de notre discussion d'aujourd'hui, si quelqu'un trouve difficile d'écouter le témoignage présenté ou éprouve un malaise face à la nature du sujet abordé, je rappelle aux témoins sur Zoom ou autrement qu'ils ont la possibilité d'utiliser les ressources de la Chambre. Si vous en ressentez le besoin, veuillez contacter le greffier.
    Docteur, au besoin, faites une pause. Ne vous sentez pas pressé. Même si le temps accordé aux témoins est de cinq minutes, si vous avez besoin d'un peu plus de temps, n'hésitez pas.
    Nous accueillons le Dr Hamed Esmaeilion, président et porte-parole de l'Association of Families of Flight PS752 Victims.
    Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie, ainsi que les estimés membres du Comité, de m'accueillir cet après-midi pour vous livrer un témoignage sur les obligations du gouvernement envers les victimes d'actes criminels.
    Plus de 1 000 jours se sont écoulés depuis le jour où un avion de ligne civil a été atteint par des missiles dans le ciel de Téhéran. Ce sont 176 êtres humains et un enfant à naître qui ont été assassinés. De jeunes mariés ont été assassinés. Des enfants ont été assassinés. De nombreux passagers étaient des étudiants à l'avenir prometteur pour le Canada et l'Iran. Ils ont tous perdu la vie d'une manière insensée il y a un peu plus de 1 000 jours, jalon que nous avons souligné par une marche et un rassemblement ici, sur la Colline du Parlement, il y a deux jours à peine.
    Où en sommes-nous? Où en est le monde? Où est la justice dans toute la politique, les querelles juridiques, les négociations et la bureaucratie?
    Les familles des victimes se sont retrouvées dans le sillage d'une atrocité sans précédent dans l'histoire de l'aviation. En dépit de leur chagrin et de leur angoisse, la majorité des familles sont restées unies tout au long de ce parcours insupportable. Elles ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faire éclater la vérité. Les personnes réellement touchées par ce crime odieux n'ont aucun pouvoir de décision, aucun droit à l'information et aucune place à la table des négociations, pas même leurs représentants juridiques.
    Moins de cinq heures après que le vol PS752 a été abattu, alors que les bulldozers rasaient le site et détruisaient les preuves, les rouages de la justice auraient dû s'enclencher. Dès l'instant où il est apparu clairement que le Corps des gardiens de la révolution islamique avait lancé les missiles qui ont abattu le vol PS752, il aurait fallu se pencher sur l'absurdité de laisser l'enquête aux auteurs de l'attentat. À partir du moment où les témoins et les familles des victimes ont fait l'objet de harcèlement, d'intimidation et de persécution, un organisme d'enquête international impartial aurait dû s'occuper de toute l'affaire.
    Au nombre des personnes assassinées figuraient 55 citoyens canadiens, et 83 autres victimes avaient des liens étroits avec le Canada. Cependant, malgré nos efforts, la GRC a refusé jusqu'à présent d'ouvrir un dossier criminel au Canada parce qu'elle ne peut pas compter sur la coopération des auteurs de ce crime.
    D'après les nombreuses discussions que j'ai eues avec des gens du milieu juridique canadien, y compris un ancien ministre de la Justice, je crois savoir qu'ils ont le pouvoir de le faire. J'espère que ce comité pourra contribuer à faire avancer les choses.
    L'OACI n'a toujours pas condamné les violations de ses conventions par la République islamique, en prétendant de manière absurde à la neutralité. Nous faisons pression pour qu'elle le fasse à l'ouverture de cette nouvelle session, afin de réparer enfin cette grossière omission.
    Nous ne voulons pas entendre parler de la mesure dans laquelle cette question est complexe et délicate. Nous sommes les principales parties prenantes et nous savons trop bien, plus de 1 000 jours plus tard, que le chemin vers la justice n'est pas facile, rapide ou simple.
    Nous réclamons une feuille de route claire et des actions concrètes. Nous demandons de l'empathie, doublée d'un véritable changement dans les rouages de la justice. Nous ne sommes pas des avocats, des diplomates ou des politiciens. Nous formons un collectif de familles en deuil qui méritent une réparation, à savoir la vérité, la justice et la paix, et non des excuses vides ou des compensations financières.
    Voici ce qui doit être fait. Premièrement, notre dossier doit être déposé au conseil de l'OACI sans délai et de toute urgence, et nous devons préparer notre dossier pour la Cour internationale de justice. Deuxièmement, le Canada doit soutenir notre demande à la Cour pénale internationale par un renvoi de l'État ou une lettre de soutien. Troisièmement, la GRC doit ouvrir un dossier criminel au Canada. Quatrièmement, le Corps des gardiens de la révolution islamique doit être inscrit sans tarder sur la liste des organisations terroristes.
    Je demande aux parlementaires de tous les partis et de toutes les tendances de nous aider à faire avancer les choses pour que ces demandes soient satisfaites. Pendant que je suis ici, permettez-moi également de remercier et de féliciter tous les partis qui ont travaillé avec nous à ce dossier jusqu'à présent. Nous vous sommes reconnaissants du temps et de l'attention que vous avez consacrés à cette question et du soutien que vous nous apportez, que ce soit ici, lors du rassemblement, ou lors des anniversaires passés et à venir.
    Nous allons poursuivre nos efforts avec une détermination croissante. Même après 1 000 jours, nous savons que notre douleur, nos vies brisées, nos succès et même nos échecs pour obtenir des résultats, dévoiler la vérité et obtenir justice ne peuvent qu'ouvrir la voie à la liberté et à la justice en Iran. Peu importe le temps qu'il faudra, nous défendrons fermement la justice et les droits de la personne. Nous n'oublierons jamais, et nous ne pardonnerons jamais.
    Encore une fois, je vous remercie. Je suis prêt à répondre à vos questions sur notre travail et notre mandat.
(1655)
    Je vous remercie.
    La parole est à M. Cooper, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Esmaeilion, c'est un plaisir de vous revoir. Lorsque vous avez comparu devant le Sous-comité des droits internationaux de la personne en juin, je vous ai interrogé sur le fait que le gouvernement n'a pas désigné le Corps des gardiens de la révolution islamique comme étant une organisation terroriste. Quatre mois se sont écoulés et rien n'a encore été fait. Comme vous l'avez dit, plus de 1 000 jours après que le vol PS752 a été abattu et que 85 citoyens canadiens et résidents permanents ont été assassinés — un total de 176 passagers — rien n'a encore été fait.
    Pouvez-vous nous parler de la frustration que vous cause cette inaction? Vous avez rencontré à l'époque la ministre des Affaires étrangères. De toute évidence, rien n'a progressé à la suite de cette réunion.
    En tant que victime, pouvez-vous expliquer en quoi il n'est pas que symbolique de désigner le Corps des gardiens de la révolution islamique comme étant une organisation terroriste? Une telle désignation donne aux victimes les moyens d'obtenir justice, notamment en leur permettant d'invoquer la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme.
    Quand on nous dit que c'est une procédure judiciaire qui peut prendre beaucoup de temps, notre réaction est de dire au gouvernement: « D'accord. Si vous voulez attendre, donnez-nous des signaux positifs, des signaux qui montrent votre sérieux dans cette affaire. » L'inscription du Corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste est l'un de ces signaux.
    Nous ne comprenons pas pourquoi le Corps des gardiens de la révolution islamique ne figure pas sur la liste. Nous savons que la Force Al‑Qods s'y trouve déjà, mais il s'agit d'une branche externe du CGRI, et nous savons tous qui a abattu l'avion. C'est la branche interne du CGRI qui l'a fait. C'est cette entité qui a assassiné Zahra Kazemi et Kavous Seyed-Emami, et en ce moment même, dans les rues d'Iran, c'est elle qui tire sur des innocents.
    Si vous prenez au sérieux la justice et ce dossier, nous pensons que vous devez vous montrer plus sévères envers l'Iran. Mettre le Corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste est l'une des mesures élémentaires que notre gouvernement peut prendre.
    Je vous remercie.
    Lors de votre témoignage de juin, vous avez également indiqué que votre organisation, au nom des victimes, avait fourni ou tenté de fournir au gouvernement une liste de 50 personnes connues pour leur implication dans la destruction du vol PS752. En juin, aucune mesure n'avait été prise à l'encontre de ces personnes. Le gouvernement n'avait pas encore invoqué la Loi Magnitsky pour imposer des sanctions. Je crois que rien n'a été fait à ce jour.
    Pouvez-vous confirmer qu'aucune mesure n'a été prise et, peut-être, nous parler de ce manquement?
    Il y a quelques jours, une liste d'organisations ou d'individus en Iran qui ont été sanctionnés par le gouvernement canadien a été publiée. Je suis choqué de ne pas voir Ali Khamenei sur cette liste. Je suis choqué de ne pas voir le ministre des Affaires mondiales, Mohammad Javad Zarif, sur la liste. Je suis choqué de ne pas voir Ebrahim Raisi, l'actuel président de l'Iran, sur la liste.
    Nous avions également sur la liste l'Organisation de l'aviation civile en Iran — les personnes qui ont essayé de couvrir ce crime — et le tribunal militaire en Iran, ainsi que le procureur militaire de Téhéran, celui qui a dit aux familles qu'ils avaient tué leurs proches et que c'était une bonne chose qu'ils l'aient fait. Ces personnes auraient dû figurer sur la liste des personnes visées par les sanctions.
    Nous savons que la ministre des Affaires étrangères a bien accueilli les nouveaux noms, mais les noms étaient déjà là. Nous avons donné les noms il y a plus d'un an, à l'été 2021. Nous espérons donc voir très bientôt sur la liste les noms d'Ali Khamenei, Mohammad Javad Zarif, Ebrahim Raisi, ainsi que les autres noms.
(1700)
    En juin dernier, vous avez parlé du Corps des gardiens de la révolution islamique et avez dit qu'il était actif au Canada. Je pense que le Canada pourrait être considéré comme un refuge pour cette organisation. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    On rapporte qu'ils font du blanchiment d'argent dans ce pays, et vous avez peut-être remarqué aux informations, en janvier de cette année, la photo de l'un des anciens commandants du Corps des gardiens de la révolution islamique, Morteza Talaei. Il était chef de la police de Téhéran au moment de l'assassinat de Zahra Kazemi.
    C'est le même individu qui organise ce qu'on appelle la police de la moralité en Iran, et il a été vu en train de courir sur un tapis roulant dans le Grand Toronto. Les Iraniens ont été choqués par cette nouvelle. Je pense que ce n'est que la pointe de l'iceberg. Nous avons vu cette personne aux informations et sur les médias sociaux, et je suis sûr qu'il y a ici beaucoup d'individus liés au Corps des gardiens de la révolution islamique.
    Nous recevons actuellement de nombreux messages de la part d'Iraniens qui disent que ces personnes devraient être expulsées du pays — pas seulement elles, mais aussi leurs familles —, parce qu'elles sont très ingénieuses en matière de blanchiment d'argent. Leurs biens ou propriétés ne sont probablement pas à leur nom. Les membres de leur famille sont également impliqués dans les crimes de cette nature.
    Pour terminer, pouvez-vous nous parler du harcèlement que le Corps des gardiens de la révolution islamique fait vivre aux familles des victimes ici au Canada?
    Là encore, le SCRS a publié deux rapports jusqu'à présent, et on peut y lire que les familles des victimes du vol PS752 font l'objet de harcèlement et d'intimidation en sol canadien. Je n'ai rien à ajouter à cela. Cependant, nous avons été menacés, nous avons été intimidés et cela se poursuit.
    Merci, monsieur Cooper.
    Nous allons maintenant passer à M. Ehsassi.
    Bienvenue au Comité, monsieur Ehsassi. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président. C'est un grand honneur d'être de retour au Comité de la justice, même si c'est pour une heure seulement.
    Monsieur Esmaeilion, bienvenue à Ottawa. Nous voyons que vous faites un travail incroyable pour défendre les intérêts des familles, et cela fait maintenant bien plus de deux ans et demi.
    Comme vous le savez, au début de la semaine, notre gouvernement a annoncé qu'il sanctionnait des fonctionnaires de haut rang. Certains de ces noms étaient des noms que vous et les familles aviez soumis pour examen. La ministre a indiqué qu'il ne s'agissait que d'une première étape. Est‑ce qu'il y a des responsables iraniens en sol canadien qui présentent un intérêt particulier pour vous et que vous souhaiteriez voir subir des sanctions?
    Oui. Je peux vous parler d'une personne que nous aimerions voir expulsée du pays: Farhad Parvaresh, le représentant de l'Iran à l'OACI. Il vit à Montréal avec sa famille. Cet homme a nié l'attaque du vol PS752 pendant les trois premiers jours; il a insulté notre gouvernement en disant qu'il mentait et que l'attaque n'avait pas eu lieu. Il entretient des liens étroits avec la force al-Qods.
    Il existe un enregistrement de Javad Zarif, l'ancien ministre des Affaires étrangères de l'Iran, disant que Farhad Parvaresh, du temps qu'il était à la tête d'Iran Air, avait collaboré avec Qassem Soleimani pour faire entrer des armes et du personnel militaire de façon clandestine en Syrie. Cette personne vit maintenant à Montréal avec sa famille.
    Nous avons demandé à plusieurs reprises l'expulsion des ambassadeurs iraniens des pays de l'Union européenne et d'autres pays. La République islamique d'Iran a une ambassade ici. Nous pouvons commencer par agir chez nous, avec Farhad Parvaresh à Montréal.
    Merci. Votre réponse nous est très utile. Je vais m'assurer d'en parler aux responsables du ministère.
    Comme vous le savez, il y a maintenant trois semaines que de braves Iraniens sont sortis dans les rues un peu partout au pays.
    Étant donné les discussions en cours au sujet du CGRI — et je sais que cette question vous tient à coeur —, pourriez-vous nous expliquer ce qu'il fait aux manifestants qui sortent dans les rues un peu partout en Iran?
(1705)
    Avant de répondre à cette question, monsieur Ehsassi, j'aimerais prendre le temps de nommer cinq braves jeunes femmes qui ont été tuées par le CGRI: Mahsa, Nika, Hadis, Hannaneh et Sarina. Elles avaient entre 16 et 22 ans. Elles étaient sorties dans les rues et s'étaient battues pour leur liberté.
    Nous devons manifester notre appui envers ces femmes. Nous avons vu les vidéos horribles du CGRI, sa façon de faire et les voyous en civil qui font le travail pour lui. Ils attaquent des gens innocents, des citoyens non armés; ils les tuent. C'est incroyable que le monde libre ne réagisse pas à cela.
    C'est bien de voir le drapeau iranien sur la Colline parlementaire ou aux chutes du Niagara, mais il ne s'agit que d'un symbole. Nous devons prendre des mesures concrètes pour montrer notre appui envers les Iraniens. En inscrivant le CGRI à cette liste, nous pouvons leur montrer que nous prenons la justice et les droits de la personne au sérieux.
    Je tiens à réitérer que la ministre a fait valoir qu'il s'agissait d'une première étape; c'est pourquoi votre témoignage est si important. Merci.
    Nous avons tous entendu parler de l'intimidation que vous et d'autres membres de l'association avez subie en sol canadien. Pourriez-vous nous donner des exemples?
    Oui. Il y a 18 mois environ, quelqu'un m'a appelé et m'a dit « J'aimerais qu'on parle des derniers moments de votre femme et de votre fille. » J'ai porté plainte à la police.
    Plus récemment, il y a quatre ou cinq mois, nous avions mené une campagne contre la tenue d'une partie de soccer au Canada. Je suis sorti faire des courses à l'épicerie; quand je suis revenu à ma voiture, deux pneus avaient été crevés.
    Nous avons vu des voitures suspectes autour de nos maisons... et je ne parle pas juste de moi. D'autres familles ont vécu la même chose. Nous avons rapporté chacun de ces incidents à la police. Je sais que la GRC a ouvert une enquête sur l'interférence étrangère, mais je n'en connais pas les détails.
    Vous avez dit que le CGRI devait se retrouver sur la liste également. Comme vous le savez, cela peut entraîner des répercussions juridiques, et des personnes innocentes pourraient être prises au piège. Toutefois, vous maintenez que le CGRI devrait figurer à la liste. Est-ce exact?
    Oui, et j'ai entendu parler de la complexité de l'affaire. J'ai entendu le gouvernement dire que pour les personnes qui ont fait le service militaire en Iran, c'était un peu difficile.
    En Iran, les garçons doivent faire le service militaire à 18 ans. L'armée et le CGRI sont les principaux volets militaires. Sur le plan statistique, je crois que plus de deux millions de personnes sont passées par l'entraînement du CGRI. Je ne sais pas combien d'entre elles sont au Canada; environ 10 000 ou 15 000, je suppose.
    Avec une lettre d'exemption... ceux qui font le service militaire en Iran ne peuvent passer le grade de lieutenant; il existe un rang spécial. On peut exempter ces gens. Nous avons parlé avec plusieurs avocats, et il existe une solution simple en vue d'inscrire le CGRI à la liste.
    Merci, monsieur Ehsassi.
    Merci, docteur Esmaeilion.
    Nous allons maintenant entendre M. Fortin, qui dispose de six minutes. Allez-y.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Esmaeilion. Tantôt, je n'ai pas très bien compris le chiffre. Il y a 176 victimes de cet attentat. Combien de Canadiens y a-t-il eu sur ces 176 victimes?

[Traduction]

    C'étaient 55 citoyens canadiens et 30 résidents permanents; donc 138 personnes qui avaient des liens avec le Canada.

[Français]

    D'accord.
    Évidemment, nous compatissons avec les familles de ces victimes.
    Comment peut-on les aider? Je comprends que la procédure vous tient à cœur. Je partage d'ailleurs votre préoccupation en ce qui concerne l'inscription sur la liste des organisations terroristes.
    Mis à part cet aspect, comment le Canada peut-il aider les familles de ces victimes? Y a-t-il des choses qui ont été faites? Y a-t-il autre chose qui devrait être fait à votre avis?
(1710)

[Traduction]

    L'objectif premier pour les familles, c'est de connaître la vérité et d'obtenir justice. Deux principaux organismes internationaux peuvent prendre en charge ces cas: la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.
    Le Canada n'a pas démontré d'intérêt à se rendre devant la Cour pénale internationale. Le 14 septembre dernier, l'Association des familles a déposé une plainte devant la Cour de façon indépendante; c'est pourquoi nous avons demandé à notre gouvernement, de même qu'aux gouvernements de l'Ukraine, de la Suède et du Royaume-Uni — les quatre pays touchés —, de rédiger une lettre d'appui pour nous.
    Le Canada pourrait aussi s'adresser à l'Organisation de l'aviation civile internationale et à la Cour internationale de justice. Ce sont les possibilités prises en compte par le Canada.
    Jusqu'à maintenant, après 1 000 jours, nous n'avons pas de feuille de route; nous n'avons pas d'échéancier. Lorsque nous demandons à ce que le CGRI soit inscrit à la liste et avons demandé à ce que des sanctions soient imposées aux auteurs de ces crimes, nous voulons seulement que le gouvernement montre qu'il prend la chose au sérieux, pour les familles.
    Comme je l'ai dit, ces familles ont refusé les indemnisations; elles ont refusé les excuses de la République islamique d'Iran. Honnêtement, on ne peut pas s'attendre à des excuses de la part d'Ali Khamenei. Ce n'est pas le genre de personne à s'excuser auprès de la population canadienne. Il doit être ajouté à la liste des personnes visées par les sanctions. C'est l'une des premières mesures à prendre.

[Français]

    Je vous remercie.
    Je comprends que d'inscrire ces gens et l'organisation sur la liste pourrait permettre de faire le deuil ou de s'assurer que les criminels sont punis pour les gestes posés. Comme dans n'importe quel crime il y a effectivement un processus judiciaire qui est ou qui peut être entamé contre la personne qui commet le crime. Dans ce cas-ci, on comprend que les membres du Corps des gardiens de la révolution islamique devraient être sur cette liste, tout comme Ali Khamenei et un certain nombre de dirigeants. Ce sont surtout des procédures qui visent à punir ces gens pour le crime qu'ils ont commis et c'est correct que cela soit fait.
    Ma question visait plutôt à savoir si ces familles ont besoin de soins de psychologues. Est-ce qu'elles ont besoin d'aide financière parce qu'elles ont perdu quelqu'un qui apportait un revenu à la famille? De quoi ont-elles besoin outre les sanctions? Qu'a-t-on fait pour les aider jusqu'à maintenant?

[Traduction]

    Au début, le gouvernement a accordé une aide financière aux familles des citoyens et des résidents permanents, mais les autres familles qui avaient des liens avec le Canada ne figuraient pas à la liste des bénéficiaires d'une aide financière.
    Pour ce qui est de l'aide psychologique, j'en ai fait la demande à maintes reprises, parce que la majorité des familles souffrent de TSPT et de dépression. Je peux vous donner l'exemple de l'avion de ligne MH17, abattu en 2014. Je communique avec les familles des victimes, avec les familles d'Air India et d'autres. Je sais qu'après les événements, trois universités des Pays-Bas ont aidé les familles pendant cinq ans.
    Nous n'avons jamais eu ce genre de services ici. La GRC a dit que nous pouvions être ajoutés à la liste des services d'aide aux victimes. Par exemple, je reçois un appel le jour de la fête des Pères ou de Noël; on m'offre de la sympathie.
    Il y a des enfants qui ont été touchés, des mères et des pères. Certains ne sont pas au Canada. Il est très difficile de les aider. C'est pourquoi notre association a demandé l'aide de professionnels dans leur langue.

[Français]

    Revenons à la question des sanctions, pour terminer.
    Le ministre a, jusqu'à maintenant, refusé d'inscrire le Corps des gardiens de la révolution islamique sur la liste en raison du fait que cela pouvait causer des préjudices à des personnes innocentes.
    À votre connaissance, y a-t-il d'autres raisons qui ont été invoquées dans vos discussions avec le bureau du ministre pour que ce ne soit toujours pas fait au moment où on se parle?
(1715)

[Traduction]

    C'est la seule chose que j'ai entendue au sujet du personnel militaire.

[Français]

    Merci, monsieur Esmaeilion.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Nous allons maintenant entendre M. Garrison, qui dispose de six minutes. Allez-y.
    J'aimerais d'abord remercier le Dr Esmaeilion de témoigner devant le Comité aujourd'hui.
    Les questions d'aujourd'hui sont un peu plus larges que celles que nous posons habituellement au comité de la justice. Je crois que vos témoignages et vos suggestions pratiques au sujet des mesures que nous pourrions prendre pour exercer des pressions plus importantes sur le gouvernement iranien seront très utiles dans le cadre de notre étude sur les victimes.
    J'aimerais dire pour commencer qu'en plus d'être responsable de la tragédie — et ce n'est pas une tragédie, mais bien un crime — du vol PS752, le Corps des Gardiens de la révolution islamique est responsable de multiples violations des droits de la personne, notamment les attaques accrues envers les femmes qui ne respectent pas certaines lignes directrices jugées essentielles pour la société iranienne par le CGRI.
    Nous avons appris la mort de Mahsa Amin et avons vu les manifestations qui s'en sont suivies. Selon le Comité pour la protection des journalistes, au moins 35 journalistes ont été placés en détention depuis. L'Associated Press fait état de l'arrestation de plus de 1 900 manifestants. Le groupe des droits de la personne de l'Iran, dont le siège social est à Oslo, a rapporté l'assassinat d'au moins 154 manifestants.
    Nous savons que les activités des Gardiens de la révolution s'étendent aussi à la communauté des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenre de l'Iran. Il y a une semaine à peine, un important groupe d'experts en matière des droits de la personne de l'ONU a demandé la suspension de l'exécution de deux femmes, Zahra Sedighi-Hamadani et Elham Choubdar, toutes deux accusées d'avoir fait la promotion de l'homosexualité et condamnées à la peine de mort.
    Il y a un large éventail de violations des droits de la personne perpétrées par le Corps des Gardiens de la révolution islamique. Ma question pour vous, docteur Esmaeilion, est la suivante: est-ce que les familles des victimes ont tenté de travailler avec d'autres défenseurs des droits de la personne afin d'exercer des pressions supplémentaires sur le gouvernement iranien, qui soutient clairement le terrorisme et qui bafoue les droits de la personne?
    Notre association est d'avis que nous sommes un maillon d'une chaîne de 43 années de crimes... Des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. Nous ne représentons pas une exception. Nous faisons partie des victimes de ces 43 dernières années.
    La semaine dernière, il y a eu un grand rassemblement dans le monde et notre association y a participé. Nous avons aidé les organisateurs de chaque pays à tenir un événement pour la liberté en Iran. Au départ, il n'y avait que huit villes participantes au Canada, aux États-Unis et dans les pays européens, mais le peuple iranien a reconnu l'événement, qui s'est étendu à 155 grandes et petites villes partout dans le monde. Il n'était pas seulement question du vol PS752; c'était aussi pour toutes les victimes du régime iranien. Voilà ce que peut faire la population.
    Au cours des 43 dernières années, le peuple iranien a tenté de faire confiance au monde libre pour l'aider, mais aujourd'hui, la situation est différente. C'est pourquoi il lutte contre les opérations du régime. Il agit de manière indépendante et ne se fie plus aux politiciens du monde libre, à mon avis.
    J'aimerais vous poser une question que je ne devrais peut-être pas poser. Pourquoi le Canada n'a-t-il pas pris de mesures plus concrètes, à votre avis? Tous semblent s'entendre pour dire qu'il faut en faire plus, mais le gouvernement n'a pas pris les mesures précises que vous avez proposées. Comment pouvez-vous expliquer une telle hésitation?
(1720)
    J'ai rencontré toutes les personnes qui travaillent à ce dossier au sein du gouvernement et même au Royaume-Uni, en Suède et en Ukraine. D'après ce que j'entends, en raison des poursuites judiciaires contre la République islamique d'Iran, on a dû passer l'étape des négociations. Le 5 janvier 2022 — cette année —, ils ont déterminé que les négociations avec l'Iran étaient inutiles.
    Je crois que les principaux intervenants au sein d'Affaires mondiales — je ne parle pas des élus, mais bien des équipes juridiques ou des conseillers — croient toujours que les négociations sont possibles en Iran. Ils ne perçoivent pas le régime iranien à titre de groupe mafieux. En changeant d'état d'esprit — on ne négocie pas avec la Suisse ou un autre pays démocratique ici —, on pourrait régler le problème.
    Par exemple, une partie de soccer était prévue au printemps, au Canada, et j'ai posé une question simple: « Accepteriez-vous que des athlètes de la Corée du Nord viennent jouer au hockey ici?  » On m'a répondu que l'Iran n'était pas comme la Corée du Nord. Le problème est là, à mon avis: on ne perçoit pas la République islamique d'Iran de la même façon que l'on perçoit la Corée du Nord ou la Russie. Ces États voyous devraient être traités de la même façon. On ne devrait pas exempter la République islamique d'Iran de la liste.
    Merci, monsieur Garrison et docteur Esmaeilion.
    Nous allons maintenant entendre M. Genuis, qui dispose de cinq minutes. Je vous souhaite la bienvenue au comité de la justice.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, docteur Esmaeilion, pour votre présence. Je vous remercie aussi d'être la voix de votre famille et d'autres, pour nous faire comprendre l'expérience et la souffrance du peuple iranien, dans la région et partout dans le monde, qui subit depuis des décennies l'oppression de ce régime.
    Évidemment, la violence du régime n'a pas commencé avec l'écrasement du vol PS752 et ne se terminera pas là non plus. Comme vous le savez, environ deux ans auparavant, nous avions adopté une motion au Parlement pour ajouter le CGRI à la liste des organisations terroristes. Les données probantes étaient largement suffisantes à l'époque, avant les événements récents. En fait, le gouvernement avait voté en faveur d'une telle mesure, mais n'a pas su la mettre en oeuvre.
    Ma première question porte là-dessus. Savez-vous quelle est la position du gouvernement sur le sujet? Je ne le sais pas et nous tentons d'obtenir une réponse de la part du gouvernement. Il a voté pour la motion, mais n'a pris aucune mesure par la suite. On fait passer certains messages, associés à des excuses. J'espère que vous pouvez communiquer régulièrement avec les ministres. J'espère que vous pouvez leur poser des questions et qu'ils vous répondent.
    Est-ce que le gouvernement prévoit ajouter le CGRI à la liste? Est-ce qu'il y songe? La motion a été adoptée il y a quatre ans; le vol PS752 s'est écrasé il y a 1 000 jours. Savez-vous quelle est la position du gouvernement du Canada sur le sujet?
    Comme je l'ai dit plus tôt, c'est un mystère pour moi. La réponse est non; je ne le sais pas.
    J'ai dit plus tôt que chaque gouvernement était responsable de lutter contre le régime islamique. Si nous en avions fait assez lorsque Zahra Kazemi a été tuée, M. Seyed-Emami serait vivant aujourd'hui. Si nous en avions fait assez lors que M. Seyed-Emami a été tué, le vol PS752 n'aurait pas été abattu. Si notre gouvernement ne réagit pas de manière forte et résolue, alors la République islamique d'Iran continuera de commettre ces crimes.
    C'est frustrant et malhonnête quand un parti politique essaie en quelque sorte d'embrouiller une position sur un enjeu crucial. Si les libéraux ne veulent pas ajouter le Corps des gardiens de la révolution islamique à la liste, ils devraient expliquer pourquoi. Je suis d'avis qu'ils devraient l'ajouter à la liste, mais ils devraient assumer leur position.
    Vous avez présenté certains noms que vous aimeriez voir figurer sur une liste de sanctions. Je tiens à mentionner que le projet de loi C‑281, qui est un projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue, Philip Lawrence, sera débattu demain. Il vise à modifier la loi de Sergueï Magnitski afin de créer une disposition permettant à un comité parlementaire de désigner une personne en vue de lui imposer des sanctions. Cela permettrait, par exemple, au comité des affaires étrangères de proposer au gouvernement certains, voire la totalité, des noms figurant sur votre liste. Le gouvernement serait alors tenu de fournir une réponse à cette nomination.
    Nous parlons d'ajouter le Corps des gardiens de la révolution islamique à la liste, mais il convient également de noter que personne ayant des liens avec le régime iranien n'a jamais été visé par la loi de Sergueï Magnitski. Cela pourrait changer au cours des prochains jours. Nous l'ignorons, mais le premier pas a été fait après tant d'inaction, à ce qu'il paraît.
    Y a‑t‑il des changements que vous souhaiteriez que nous apportions au régime de sanctions du Canada afin de le renforcer et de donner aux parlementaires plus de poids pour ajouter des noms à la liste?
(1725)
    Bien sûr, nous encourageons tout le monde à ajouter des noms à cette liste. C'est une longue liste. Il ne s'agit pas seulement des commandants du Corps des gardiens de la révolution islamique. Comme je l'ai dit, il y a beaucoup de gens en Iran qui commettent des meurtres et qui font partie de cette répression en Iran. Tous ces noms devraient figurer sur la liste.
    Le fait que le Canada soit devenu un refuge pour les criminels de la République islamique d'Iran inquiète beaucoup le peuple iranien. Le fils du vice-président de l'Iran vit actuellement à Vancouver. Ces gens mènent une vie somptueuse alors que ma femme, ma fille et certaines des victimes sont enterrées ici. Ce n'est pas acceptable pour le peuple iranien. Ce n'est pas acceptable pour la communauté irano-canadienne, et je suis sûr que ce n'est pas acceptable pour les Canadiens.
    Il me reste 30 secondes, alors si vous n'avez pas le temps de répondre à cette question verbalement, vous pouvez peut-être faire parvenir une réponse au Comité.
    J'entends de la part d'un grand nombre de communautés diasporiques du Canada — au premier rang desquelles se trouve peut-être la communauté iranienne — cette préoccupation au sujet de l'intimidation et de la violence soutenues par des États étrangers. Je pense que de nombreux Canadiens ne sont pas du tout conscients de l'ampleur du problème et de la façon dont les menaces à l'encontre des membres de la famille et des individus ici sont utilisées pour faire taire les gens qui veulent s'exprimer contre la violence qui se produit dans leur pays d'origine.
    Pourriez-vous faire quelques suggestions sur la façon de soutenir ces victimes de crimes?
     Ne laissons pas les agents de la République islamique d'Iran venir ici. Je pense que c'est la première étape.
    En outre, cela ne concerne pas seulement le Canada; ces agents sont partout. Ils sont dans les médias. Nous voyons que certaines institutions au pays ont été parrainées par le gouvernement, et nous pouvons constater des liens avec la République islamique d'Iran au sein de ces institutions.
    Merci, monsieur Genuis.
    La parole est maintenant à Mme Diab, qui dispose de cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Docteur Esmaeilion, merci d'être des nôtres aujourd'hui, et merci de porter la voix des familles des victimes du vol PS752.
    Nous étudions les droits des victimes, et normalement, ce n'est pas aussi intense que cet après-midi.
    Je me souviens encore du choc et de la douleur que nous avons ressentis dans ma collectivité de Halifax en janvier lorsque la nouvelle nous est parvenue. Une cérémonie commémorative a été organisée par l'Al Rasoul Islamic Society à Bedford, dans ma région, mais je me suis également jointe, au nom du gouvernement de la Nouvelle-Écosse de l'époque, aux amis et aux familles des victimes, aux côtés de près de mille personnes, pour assister à une vigile communautaire à l'Université Dalhousie, organisée par la Dalhousie Iranian Students Society, en partenariat avec l'Iranian Cultural Society of Nova Scotia.
    Un certain nombre de victimes avaient des liens avec la Nouvelle-Écosse, et je veux lire leurs noms parce qu'il est important que nous nous souvenions de ces victimes: Masoumeh Ghavi, connue sous le nom de Masi, étudiante en génie à l'Université Dalhousie; la jeune sœur de Masoumeh, Mahdieh Ghavi; une dentiste de la région, la Dre Sharieh Faghihi, dont les enfants sont venus à la cérémonie commémorative et ont pris la parole; Fatemeh Mahmoodi et Maryam Malek, étudiantes à l'Université Saint Mary's; et une ancienne résidente de Halifax, la Dre Shekoufeh Choupannejad, et ses filles, Sara et Saba Saadat. Nous nous souvenons d'elles.
    À l'époque, les universités ont organisé des bourses d'études en leur honneur pour les étudiants et la famille de la dentiste. Il était difficile de décrire l'ampleur de la perte à l'époque, et très franchement, c'est toujours le cas.
    Samedi, j'ai participé à une marche avec la communauté iranienne et d'autres personnes à Halifax pour protester et être la voix des femmes et des filles qui sont tuées en Iran, mais aussi de leurs familles et de tous ceux qui sont en deuil.
     Pouvez-vous nous parler un peu de votre femme et de votre fille?
(1730)
    Merci beaucoup.
     Oui, c'était Masoumeh et sa petite sœur, Mahdieh. Je voulais simplement dire leurs noms, parce que je sais que pour leur mère, c'est très important d'entendre leurs noms.
    Ma femme avait 42 ans et était dentiste. Nous nous sommes mariés alors que nous étions à l'université, il y a 22 ans. Ma fille avait 9 ans, 7 mois et 16 jours lorsque cela s'est produit. Nous étions une famille heureuse ici au Canada. Nous avons déménagé ici en 2010; nous avons réussi passé tous les examens.
    Ma femme et moi avons grandi ensemble et nous étions les meilleurs amis du monde. Je pense donc qu'il est de notre devoir quotidien de défendre leurs intérêts, et ce n'est pas seulement moi. C'est tous les membres de la famille. Je ne suis pas seul. Je suis ici au nom de l'association, mais il y a une grande équipe qui me soutient, et je suis sûr qu'ils écoutent ce témoignage. Ils veulent voir de l'action pour la vérité et la justice. C'est la chose la plus importante pour nos familles.
    Merci, docteur.
    Que diriez-vous aux pays du monde qui n'ont pas été directement touchés par cette tragédie particulière et qui sont réticents et ne veulent rien faire? Encore une fois, je ne connais pas toutes les subtilités. Je suis une nouvelle députée. Cela fait un an, et ce n'est pas un sujet que j'ai étudié ici, mais je crois comprendre que des mesures s'imposent à l'extérieur du Canada.
    Nous n'avons pas vu grand-chose de la part des politiciens du monde libre.
     Je pense que l'une des premières mesures à prendre est de rompre les liens avec la République islamique d'Iran en guise de punition. Ce que nous entendons de la part du gouvernement ici aussi, lorsqu'il dit qu'il faut imposer des sanctions à ces personnes, c'est que les sanctions servent à changer les comportements, pas à punir. Or, cette façon de penser est erronée. Parfois, les sanctions servent à punir, et rompre les liens avec la République islamique d'Iran sert justement à cette fin.
    Si vous leur montrez que vous êtes sérieux, ils n'agiront pas de la sorte avec le peuple iranien. Par contre, si vous fermez les yeux et que vous vous assoyez à la table des négociations avec les représentants de la République islamique d'Iran en passant sous silence le vol PS752, le novembre sanglant, le mouvement vert et les massacres de 1988 — tous ces crimes —, cela montre que vous n'êtes pas sérieux et que vous ne soutenez pas le peuple iranien.
    Les personnes comptent pour nous. Les gens doivent comprendre que ceux qui dirigent ce pays ne constituent pas un gouvernement normal. C'est une bande de mafieux.
    Merci, madame Diab.
    Pour terminer, nous allons entendre M. Fortin, qui dispose de deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Esmaeilion, j'ai l'impression d'avoir fait le tour des grandes lignes de vos revendications. Je les partage. Je pense que tout le monde autour de la table partage votre peine. Vous avez parlé de votre épouse et de votre fille, c'est évidemment bien triste. Je comprends votre demande pour que le Corps des gardiens de la révolution islamique soit ajouté à la liste des organisations criminelles. Par ailleurs, je comprends les hésitations du ministre, qui ne souhaite pas que des personnes innocentes vivent des inconvénients importants si cette organisation est portée sur la liste. Cela dit, je comprends aussi que vous avez consulté, comme vous nous l'avez dit tantôt, des avocats spécialisés dans le domaine qui vous ont expliqué que c'était possible d'ajouter l'organisation sur la liste tout en protégeant les individus qui, autrement, seraient touchés par cet ajout à la liste.
    J'aimerais que vous me parliez davantage de cela. Quelles dispositions devraient être prises pour éviter que d'autres innocentes victimes soient visées en ajoutant l'organisation sur la liste?

[Traduction]

    Si les avocats d'Affaires mondiales veulent avoir une réunion avec nos avocats, nous en serons heureux. C'est ce que nous avons suggéré depuis le début, non seulement à cause du Corps des Gardiens de la révolution islamique, mais aussi pour assurer la voie vers la justice. Il y a eu quelques réunions par le passé, mais en général, ils ne sont pas prêts à donner la moindre information.
    Nous leur avons proposé une solution et nous pouvons les aider. Nous pouvons aider à fournir la liste. Nous pouvons aider dans le dossier, mais pour autant que je sache, ils veulent agir indépendamment. Les représentants juridiques des victimes n'ont aucun rôle dans la prise de décisions.
(1735)

[Français]

    Je vous remercie.
    Concrètement, comment cela peut-il protéger ces victimes innocentes? Avez-vous cette information? Qu'est-ce que vos avocats suggèrent?

[Traduction]

    Vous savez que je ne suis pas avocat, alors un conseiller juridique serait probablement mieux placé pour répondre à cette question. Ce que je sais, c'est que tous ceux qui font le service militaire en Iran reçoivent une carte. Cette carte indique qu'une personne a servi dans le Corps des Gardiens de la révolution islamique de manière involontaire. Elle montre à tout le monde que l'individu ne faisait pas partie de l'organisation, mais qu'il devait simplement y rester pendant ces deux années. Je pense que cela aboutirait à une solution facile.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Esmaeilion. Je vous offre encore une fois mes condoléances.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Docteur Esmaeilion, je tiens à vous remercier de votre témoignage. Vous avez manifestement vécu une situation très horrible, vous et toutes les familles du vol PS752. Nous vous remercions d'être venu et de nous avoir fait part de votre expérience. Nous espérons que certains des conseils que vous nous avez fournis seront pris en considération et appliqués en temps utile.
    Voilà qui met fin aux témoignages pour l'étude. Nous devons maintenant discuter de certains travaux du Comité.
    Monsieur Esmaeilion, vous êtes libre de partir, mais vous pouvez certainement rester si vous le souhaitez.
     Très rapidement, nous devons adopter le budget pour cette étude. Je pense que vous l'avez tous reçu. Êtes-vous tous d'accord?

[Français]

    Monsieur le président, j'aurais besoin d'information.
    En ce qui a trait à l'ajout de dépenses supplémentaires, j'ai cru comprendre qu'on parlait de deux témoins qui venaient de Vancouver pour 2 000 $. Je ne suis pas certain de comprendre ce qui est inclus dans ce montant.
    Monsieur Fortin, il s'agit de billets d'avion et d'une nuitée d'hôtel à Ottawa pour de nouveaux témoins. Essentiellement, c'est ce qui figure au budget supplémentaire.
    Ce sont des billets d'avion et l'hôtel pour une nuit, d'accord.
    Dans le cas de Calgary, je comprends que c'est un peu moins cher. J'imagine que l'avion était moins cher. Est-ce bien cela?
    Exactement.
    Il s'agissait de 1 750 $ par témoin plutôt que de 2 000 $ pour ceux qui viennent de Vancouver.
    Oui.
    Il y a vraiment une différence de 250 $.
    Je suis allé à Vancouver à quelques reprises et, de mémoire, l'avion me coûtait environ 700 $, parfois moins, parfois un peu plus. Mes prix ne sont peut-être pas à jour. Je voulais simplement comprendre de quoi il s'agissait. Cela me va.
     On fait la somme des prix des billets qu'on trouve et on fait une moyenne. On ne veut pas avoir de déficit.
    Je comprends que c'est un budget, et non une dépense. Merci, monsieur le greffier.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

     Merci, monsieur Fortin, de nous avoir permis de respecter le budget. Je pense que nous sommes tous d'accord là‑dessus.
    Il nous reste une heure pour la prochaine réunion consacrée à l'étude sur les victimes d'actes criminels, soit le 17 octobre, au retour du congé de l'Action de grâce. Nous entreprendrons l'étude du projet de loi C-28 tout de suite après. Je vous demande donc de nous faire parvenir tous les noms des témoins d'ici le 12 octobre, soit le mercredi de la semaine prochaine.
    Y aura‑t‑il assez de témoins pour la dernière heure?
    Monsieur le greffier, qu'en dites-vous?
     Oui. Je suis en train de revérifier auprès de certains des témoins qui ont refusé de comparaître en raison de contraintes de temps.
    Allez‑y, monsieur Anandasangaree.
    Pour que ce soit bien clair, monsieur le président, la première heure servirait-elle à terminer l'étude?
    C'est exact.
    La deuxième heure serait-elle consacrée aux instructions de rédaction de l'étude ou plutôt aux témoignages? À un moment donné, nous devons...
    Elle serait consacrée aux travaux du Comité sur le projet de loi C-28.
    Les analystes pourraient-ils nous dire quand ils seront en mesure de nous présenter une ébauche de rapport?
    Les instructions de rédaction pourraient être données à cette date, si les députés sont prêts, mais il y aurait une heure de prévue pour cela durant la réunion, ce que vous n'avez peut-être pas envisagé. C'est aux membres du Comité de décider quand ils voudront nous donner des instructions.
(1740)
    Très bien. Si c'est tout, je vais lever la séance.
     Allez‑y, madame Brière.
    Quelle est la décision pour la deuxième heure?
    Je suis désolé, mais j'ai tout raté. Je pensais qu'on vous avait donné une date. J'étais en train de parler au greffier.
    Cela peut se faire le même jour.
    D'accord. Nous nous en occuperons le 17. Nous pourrons commencer à rédiger les instructions cet après-midi‑là, si tout le monde est d'accord.
    Merci.
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