Je vous souhaite la bienvenue à la 46e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier 2023, le Comité entreprend son étude de la réforme de la Loi sur l'extradition.
Conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Des députés y participent en personne et d'autres utilisent l'application Zoom.
J'aurais quelques précisions pour la gouverne des témoins et des membres du Comité. Je vous fais grâce des consignes concernant l'application Zoom, car je crois qu'il y a uniquement des députés qui vont l'utiliser aujourd'hui. Je vais seulement vous parler de mes cartons de rappel pour le temps. Lorsqu'il vous restera environ 30 secondes, je vous présenterai ce carton. Lorsque vous n'aurez plus de temps, je lèverai le carton rouge. Je vous demanderais de bien vouloir respecter ces signaux, de telle sorte que je n'aie pas à vous interrompre. Il en sera de même pour tous les participants à la réunion.
Je vous rappelle que vous devez sélectionner la langue de votre choix pour l'interprétation, que ce soit sur votre propre appareil ou dans la salle du Comité.
Pour notre première heure de séance consacrée à cette étude, nous accueillons des représentantes du ministère de la Justice. Nous recevons ainsi Me Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale du Service d'entraide internationale au sein du Secteur national du contentieux; et Mme Erin McKey, directrice et avocate générale, Section de la politique en matière de droit pénal.
Bienvenue à toutes les deux. Vous avez 10 minutes pour nous présenter vos observations préliminaires.
Bonjour. Je m'appelle Janet Henchey. Comme on vous l'a indiqué, je suis directrice générale du Service d'entraide internationale au ministère de la Justice. Le Service d'entraide internationale est responsable de la gestion de toutes les demandes d'extradition à destination du Canada et en provenance du Canada au nom du .
Je suis accompagnée cet après-midi de ma collègue Erin McKey, qui est directrice et avocate générale de la Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice. Nous voulons vous remercier de nous avoir invitées à vous parler aujourd'hui de la loi actuellement en vigueur au Canada en matière d'extradition.
L'extradition est le processus par lequel une personne accusée ou reconnue coupable et se trouvant dans un pays donné est livrée aux autorités d'un autre pays, à la demande de celui‑ci, à des fins de poursuite, ou d'imposition ou d'application d'une peine. L'extradition est un important outil de coopération internationale utilisé par les services de police et les procureurs canadiens et étrangers pour combattre la grande criminalité à l'intérieur des différents pays comme à l'échelle mondiale. Les procédures d'extradition ne sont pas assujetties aux mêmes règles que les procès criminels et n'épousent pas la forme d'un tel procès, car il est reconnu que ce procès se tiendra dans le pays qui demande l'extradition.
Une nouvelle Loi sur l'extradition a été proposée au Canada le 5 mai 1998 et a reçu la sanction royale le 17 juin 1999. Il s'agissait d'une refonte en profondeur du droit régissant l'extradition au Canada.
La ministre de la Justice alors en poste, Anne McLellan, s'adressant au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, a fait valoir que la réforme proposée dans le projet de loi était non seulement importante, mais attendue depuis longtemps pour répondre aux critiques suivant lesquelles le Canada ne constituait pas « un allié efficace dans la lutte contre la criminalité internationale » en raison de la désuétude de ses lois sur l'extradition.
Elle a alors souligné que la loi proposée permettrait de créer « une procédure uniforme d'extradition, une formule applicable à toutes les demandes dans ce sens [qui] assurera également une procédure juste et la sauvegarde des droits de la personne pour ceux contre lesquels l'extradition est demandée ». Elle notait en outre que la Loi allait préciser pour la première fois « les responsabilités et devoirs ministériels pour veiller à ce que soient sauvegardés, dans l'autre État, les droits de la personne, et que le fugitif, une fois livré pour y subir un procès et y purger une peine, y bénéficie d'un traitement juste. »
[Français]
La Loi sur l'extradition de 1999 est la loi qui régit actuellement l'extradition au Canada. Le est responsable de la mise en œuvre des accords d'extradition du Canada et de l'application de la Loi sur l'extradition de 1999.
Au sein du ministère de la Justice, les avocats du Service d'entraide internationale ont été délégués pour exercer la plupart des fonctions du ministre en vertu de la Loi.
La Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité de la Loi sur l'extradition de 1999 depuis son entrée en vigueur, ainsi que la constitutionnalité de la remise de personnes recherchées aux fins d'extradition en vertu de la Loi dans un nombre de circonstances différentes.
[Traduction]
La Loi sur l'extradition est un code exhaustif régissant une demande d'extradition de sa réception jusqu'à sa conclusion. Nous vous avons d'ailleurs fourni un diagramme illustrant les différentes étapes du processus d'extradition au Canada. J'espère que vous l'avez sous les yeux. Je vais prendre quelques minutes pour vous décrire ce processus.
En vertu de la Loi, le Canada peut seulement procéder à une extradition à destination d'un partenaire, c'est‑à‑dire d'une entité ou d'un État avec lequel il a conclu un traité d'extradition bilatéral, qui est partie à un traité multilatéral applicable ou dont le nom figure dans la liste annexée à la Loi sur l'extradition.
Le Canada compte 51 partenaires en vertu de traités d'extradition bilatéraux et 34 partenaires désignés dans la Loi sur l'extradition. Le Canada est en outre partie à plusieurs conventions multilatérales renfermant des dispositions en matière d'extradition.
Il est important de savoir que les traités d'extradition sont de nature réciproque. Ils prévoient un mécanisme permettant au Canada de présenter des demandes d'extradition à ses partenaires et de donner suite aux demandes formulées par ceux‑ci. La réciprocité est une caractéristique essentielle de l'extradition en vertu du principe de la courtoisie internationale qui témoigne du respect mutuel que les partenaires doivent avoir envers les différences pouvant exister entre leurs lois et leurs systèmes judiciaires respectifs.
Lorsqu'un État fait une demande d'extradition, c'est la loi du pays qui reçoit la demande qui s'applique.
[Français]
Le processus d'extradition au Canada comporte trois étapes. Premièrement, il y a la prise de l'arrêté introductif d'instance. Il s'agit de la décision du Service d'entraide internationale, ou SEI, d'autoriser l'ouverture d'une procédure d'extradition devant les tribunaux canadiens. Deuxièmement, il y a l'audition d'extradition, également appelée la « phase judiciaire du processus d'extradition ». Finalement, il y a la phase ministérielle, soit la décision du ministre de la Justice ordonnant ou non la remise de la personne recherchée aux fins d'extradition à l'État requérant.
[Traduction]
Lorsqu'une demande d'extradition officielle est présentée, elle est examinée par le SEI afin de déterminer si elle répond aux exigences de la Loi sur l'extradition et du traité applicable.
Pour déterminer s'il doit émettre une autorisation de procéder, le SEI vérifie si la demande vise une conduite assujettie à l'extradition au sens de l'article 3 de la Loi. Cela signifie que la partie qui demande l'extradition est un partenaire au sens de la Loi; que la personne est visée par des poursuites ou l'imposition d'une peine criminelle par le partenaire d'extradition; qu'en vertu d'un accord pertinent, l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée est passible d'une peine d'emprisonnement maximale de deux ans ou plus; et — de façon plus importante — que la conduite criminelle présumée de la personne, si elle avait eu lieu au Canada, aurait constitué une infraction criminelle au pays. C'est ce qu'on appelle le principe de la double criminalité.
Si l'autorisation d'aller de l'avant est accordée, on entame le processus d'extradition devant un juge de la cour supérieure de la province où se trouve la personne visée par la demande. Dans le cadre des audiences, la partie requise est représentée par les avocats du procureur général du Canada dans la région où se trouve la personne. L'intéressé a le droit d'être représenté par l'avocat de son choix. S'il n'a pas les moyens d'engager un avocat, il peut faire une demande d'aide juridique.
[Français]
À l'audition d'extradition, le juge d'extradition décide si la personne recherchée sera incarcérée en vue de son extradition sur la base de la preuve fournie par l'État requérant. Il décide si la preuve présentée au nom de l'État requérant par le procureur général du Canada justifierait un renvoi à procès au Canada si l'infraction avait eu lieu ici. Comme je l'ai dit auparavant, c'est ce qu'on appelle le « test de la double criminalité ».
Si le juge est convaincu que les éléments de preuve remplissent cette exigence, il ordonne l'incarcération de la personne en attendant la décision du ministre de la Justice sur la remise. Autrement, le juge d'extradition ordonne la libération de la personne recherchée du processus d'extradition.
[Traduction]
À l'étape de l'incarcération, l'avocat de l'intéressé présente diverses motions, soulève des objections, demande plus de temps pour se préparer, etc. Si le juge ordonne l'extradition de la personne, le cas est renvoyé devant le ministre de la Justice, qui doit personnellement déterminer si la personne doit être remise à l'État requérant. L'avocat de l'intéressé peut présenter un mémoire écrit confidentiel au ministre afin de l'aider à prendre une décision. La décision du ministre doit tenir compte des intérêts de l'intéressé et des obligations du Canada en vertu des traités internationaux.
La Loi sur l'extradition établit une série de motifs obligatoires et discrétionnaires de refus d'extradition.
Le ministre doit refuser l'extradition s'il est convaincu qu'elle serait injuste ou tyrannique; si la demande est présentée dans le but de poursuivre ou de punir l’intéressé pour des motifs discriminatoires fondés sur la race, la nationalité ou l’origine ethnique; si la poursuite est prescrite ou dépasse la période de restriction; ou si la conduite est considérée à titre d'infraction à caractère politique.
Le ministre peut refuser l'extradition pour des motifs discrétionnaires si la personne avait moins de 18 ans au moment de l'infraction; si l'infraction n'a pas eu lieu sur le territoire du partenaire d'extradition ou si la personne a déjà été reconnue coupable de l'infraction au Canada, ce qui représente le principe de la double incrimination.
Le ministre doit aussi être convaincu que la remise n'irait pas à l'encontre de la Charte.
[Français]
La personne recherchée peut interjeter appel de la décision d'incarcération du juge et, si l'extradition est ordonnée, elle peut demander la révision judiciaire de l'ordonnance d'extradition du ministre.
Si la Cour d'appel confirme les décisions du juge et du ministre, la personne recherchée peut demander l'autorisation d'en appeler de l'une ou des deux décisions devant la Cour suprême du Canada.
[Traduction]
Chaque cas est évalué selon son bien-fondé, en vertu du droit canadien et de la Charte canadienne des droits et libertés.
Je n'ai pas dépassé le temps qui m'était accordé pour ma déclaration préliminaire. Nous serons heureuses de répondre à toutes vos questions.