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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 juin 2023

[Enregistrement électronique]

(1630)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 72e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 22 mars 2023, le Comité se réunit en public pour poursuivre son étude sur le projet de loi S‑224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes).
    La réunion d'aujourd'hui se tient de façon hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin. Les membres y participent en personne et à distance à l'aide de l'application Zoom.
    Avant d'entrer dans les détails, je crois avoir le consentement de tous les membres du Comité afin que nous poursuivions pendant environ 10 minutes avant d'aller voter, même si les cloches sonnent déjà. Nous pourrons ainsi entendre les déclarations préliminaires de cinq minutes des témoins, et nous passerons aux questions après le vote, si cela vous convient.
    Êtes-vous d'accord? Très bien.
    Oui, monsieur Fortin.

[Français]

     Monsieur le président, puisque certains de nos témoins comparaissent par vidéoconférence, j'aimerais savoir si les tests de son ont été effectués pour l'interprétation.

[Traduction]

    Oui, ils ont effectué les tests. Tout fonctionne.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'ai quelques commentaires à faire à l'intention des témoins. Veuillez s'il vous plaît attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et le mettre en sourdine lorsqu'ils ne parlent pas. Vous avez le choix, au bas de l'écran Zoom, entre le son du parquet, l'anglais et le français. Ceux qui se trouvent dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal souhaité. Je demanderais aux personnes qui se trouvent dans la salle de lever la main si elles souhaitent prendre la parole. Celles qui se joignent à nous avec Zoom peuvent utiliser la fonction « Lever la main ».
    Le greffier et moi allons faire de notre mieux pour respecter l'ordre des interventions.
    Je vous souhaite donc à tous la bienvenue. Nous étudions le projet de loi S‑224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes).
    Nous recevons aujourd'hui l'avocate Dawne Way de même que la directrice générale de l'organisme A New Day Youth and Adult Services, Wendy Gee, qui se joignent à nous par vidéoconférence. Nous recevons également Casandra Diamond, qui est fondatrice et directrice générale de BridgeNorth Women's Mentorship and Advocacy Services, et qui est avec nous dans la salle.
    Madame Diamond, nous allons vous entendre en premier. Vous disposez de cinq minutes. Je lèverai un premier carton lorsqu'il vous restera 30 secondes et un autre lorsque votre temps sera écoulé. J'espère ne pas devoir vous interrompre.
    C'est excellent. Vous avez la parole.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui. C'est un privilège pour moi d'être ici et d'avoir l'occasion de vous parler non seulement en tant que fondatrice de BridgeNorth, mais aussi en tant que survivante.
    J'aimerais vous expliquer pourquoi je crois que le projet de loi S‑224 aiderait les victimes de la traite de personnes.
    Il permettrait de lutter contre le lien traumatique, une conséquence psychologique connue émanant des manipulations des trafiquants. En vertu de l'amendement proposé, l'obligation de prouver qu'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il y ait crainte sera retirée.
    Lorsque j'ai été victime de la traite, je n'avais pas peur tout le temps, mais lorsque le sentiment me gagnait, je vivais l'horreur. Par exemple, je me souviens avoir entendu mon trafiquant parler au téléphone avec une fille qu'il avait envoyée après une journée de travail de plus de 13 heures à une soi-disant après-fête. Je pouvais entendre la fille pleurer et supplier mon trafiquant d'envoyer quelqu'un la chercher.
    Il y avait huit ou neuf hommes dans la pièce avec elle. Ils prenaient des photos, ils la filmaient et ils étaient très violents avec elle. Ils l'ont violée en groupe, et c'est mon trafiquant — son copain — qu'elle a appelé. Elle n'avait plus peur de lui. Elle le voyait comme quelqu'un qui pouvait l'aider et assurer sa sécurité. Elle ne réalisait plus qu'il était directement responsable de la violence sexuelle inimaginable que lui ont fait subir tous ces hommes ce soir‑là.
    C'est son trafiquant qu'elle a appelé pour qu'il fasse cesser tout cela. Sa réponse? « Ce sera bientôt terminé. » Cette femme n'avait plus peur de mon trafiquant ou de son trafiquant. Elle avait peur des clients qui la brutalisaient.
    L'histoire de cette femme n'est toutefois pas unique. La mienne est semblable, tout comme celle de nombreuses femmes que nous aidons. C'est pourquoi il est très important de retirer l'obligation de prouver qu'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il y ait crainte. Les nombreuses filles qui ont témoigné en cour ont dit que selon sa forme actuelle, cette obligation les empêcherait de se manifester.
    En raison du lien traumatique, les filles perçoivent les trafiquants qui facilitent la violence comme étant une personne qui les aide. Ce lien a été prouvé à maintes reprises. Lorsqu'elles voient leur trafiquant devant le tribunal, ces filles éprouvent de l'amour et leurs craintes s'effacent. C'est ce que fait le lien traumatique.
    Le projet de loi S‑224 aiderait les victimes en allégeant le fardeau qu'elles doivent porter lorsqu'elles témoignent devant le tribunal pour tenter de prouver qu'elles ont peur de leur trafiquant. L'amendement proposé éliminerait l'obligation actuelle qu'ont les procureurs en vertu du Code criminel de démontrer qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que la survivante craigne pour sa sécurité. Il tiendrait compte des situations comme la mienne où le trafiquant manipule ses victimes afin qu'elles le perçoivent comme une personne qui peut leur apporter sécurité et protection, plutôt qu'à titre de personne qui a facilité la violence sexuelle dont elles ont été victimes. Le projet de loi aiderait les victimes à se manifester dans le cadre du processus judiciaire et réduirait les obstacles, ce qui les aiderait à se sentir à l'aise de dénoncer leur agresseur.
    Le projet de loi S‑224 nous permettrait d'aider les victimes de la traite de personnes, que ce soit à des fins sexuelles, à des fins de travail ou pour le trafic d'organes. Selon mes connaissances et mon expérience de l'industrie du sexe, les filles sont exploitées dans toutes les régions et toutes les municipalités, dans des salons de massage et autres établissements du genre dans l'ensemble de la région du Grand Toronto. Ces femmes sont forcées de vendre leurs services sexuels six ou sept jours par semaine.
    En règle générale, une fille qui parle mieux l'anglais que les autres est responsable du téléphone. Elle doit superviser les autres filles, qui sont également victimes de la traite de personnes. Elles vivent toutes ensemble sous un même toit. Elles vont presque partout ensemble. Elles se déplacent et mangent en groupe. Elles n'ont que très peu d'autres options.
    On appelle cette tactique la servitude pour dettes. C'est une méthode très utilisée par les trafiquants pour restreindre la capacité des victimes de partir. Les filles qui se retrouvent dans cette situation sont contrôlées, dirigées et forcées de prendre part à des activités très dangereuses avec des hommes qui achètent des services sexuels, dans le cadre d'un système qui leur fait croire qu'elles sont en sécurité et qui les force à rester avec leurs trafiquants.
(1635)
    L'amendement proposé aiderait les victimes d'autres pays qui se retrouvent au Canada et qui perçoivent leur trafiquant comme une personne qui peut les aider à communiquer ou qui peut répondre à leurs besoins de base, comme le besoin de manger et de se loger. Il aiderait les personnes les plus vulnérables de la société qui sont victimes de la traite et qui sont ciblées en raison de leurs troubles cognitifs, de leur neurodivergence ou d'autres déficiences qui nuisent à leur capacité de comprendre et d'assimiler la peur.
    En résumé, grâce au projet de loi S‑224, il serait plus facile de prouver qu'une personne est une survivante, puisqu'il ne serait plus obligatoire de prouver son état d'esprit, ce qui est intrinsèquement subjectif. Ainsi, les survivantes auraient moins d'obstacles à surmonter lorsqu'elles demandent justice. Les trafiquants ne pourraient plus utiliser la manipulation comme arme, puisqu'ils ne pourraient plus se cacher derrière un mensonge soigneusement tissé qu'ils racontent aux femmes qu'ils exploitent, même s'ils réussissent à les convaincre avec ce mensonge. De façon très importante, le projet de loi est axé sur les traumatismes et il fait passer les victimes en premier.
    Les survivantes de la traite de personnes méritent mieux que ce que leur offre actuellement la loi. Le projet de loi S‑224 représenterait une amélioration en ce sens.
    Je vous remercie de m'avoir écoutée. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Merci, madame Diamond.
    Nous allons maintenant entendre Mme Way, qui se joint à nous par vidéoconférence, et qui dispose de cinq minutes.
    Allez‑y, madame Way.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant votre comité.
    Dans le cadre de ma pratique, je représente exclusivement les victimes de crimes sexuels ou de la traite de personnes dans le cadre d'affaires criminelles. Ces personnes sont parmi les plus vulnérables à passer par le système de justice pénale. Je remercie le Comité de porter attention aux victimes de la traite de personnes et de se soucier d'elles.
    J'appuie tout amendement au Code qui pourrait aider mes clientes à passer à travers le processus judiciaire, et particulièrement les modifications qui offriraient aux victimes de la traite de personnes les mêmes protections que les victimes d'agression sexuelle. L'absence de telles protections représente une lacune importante dans la loi actuelle.
    Depuis que le Comité m'a invitée la semaine dernière, j'ai pensé longuement aux diverses conséquences des modifications législatives proposées, mais c'est à contrecœur que je vous annonce que je ne peux appuyer l'amendement proposé.
    Deux principales raisons expliquent ma position. Premièrement, l'amendement n'est pas nécessaire et deuxièmement, il entraînerait des retards imprévus et des contestations constitutionnelles qui nuiraient aux plaignantes.
    Je dis que l'amendement n'est pas nécessaire parce qu'il se fonde sur une méconnaissance de la loi, du moins de la loi actuelle de l'Ontario. Il ne revient pas nécessairement à la Couronne de prouver qu'il y a crainte de la part de la plaignante. Dans l'affaire Sinclair, la Cour d'appel de l'Ontario a fait valoir que la crainte de la plaignante ne représentait pas un élément de l'infraction.
    Ce que je veux faire valoir ici, c'est que l'amendement a pour objectif d'éliminer la référence à la peur de l'article 279.04, mais ce n'est pas nécessaire en vertu de la loi actuelle. De façon précise, dans l'affaire Sinclair, on énumère certaines circonstances selon lesquelles le tribunal peut déterminer si une plaignante a des raisons objectives de craindre l'accusé, même si elle ne le démontre pas. Ces circonstances sont larges et comprennent la vulnérabilité due à l'âge ou à des circonstances personnelles, comme un désavantage social ou économique et la victimisation par d'autres sources. Il y a également d'autres considérations.
    Globalement, les considérations énoncées dans l'arrêt Sinclair semblent établir un large éventail de circonstances sur lesquelles peut miser la Couronne afin de convaincre le tribunal que la plaignante avait une raison objective de craindre l'accusé, par opposition à une crainte subjective.
    L'autre chose qui me préoccupe, c'est la constitutionnalité des amendements. Le fondement du droit criminel canadien veut qu'il incombe au procureur de la Couronne de prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Ce fardeau ne doit jamais être inversé. La présomption d'innocence est d'une importance fondamentale pour le système de justice pénale puisqu'elle place le fardeau de la preuve uniquement sur les épaules de la Couronne.
    Permettez-moi de prendre une pause. Je me porte à la défense des plaignantes. Mon travail consiste à veiller à ce que leurs droits soient protégés et à ce qu'elles reçoivent toutes les prestations auxquelles elles ont droit en vertu de la loi, mais les amendements qui entraînent des changements constitutionnels fastidieux ne profitent pas aux plaignantes. En fait, ils ont une incidence négative sur le système de justice pénale dans son ensemble.
    L'amendement proposé entraînerait sans aucun doute des changements constitutionnels et dans pareils cas, il arrive souvent que l'on doive examiner les délibérations parlementaires afin de déchiffrer l'intention du Parlement. Dans le cas présent, le registre parlementaire pourrait très bien mener à la conclusion que l'intention du Parlement était de transférer le fardeau de la preuve vers la défense, ce qui entraînerait une déclaration d'inconstitutionnalité.
    Comme nous le savons, il faut plusieurs années pour qu'un cas passe à travers le système. Les contestations constitutionnelles prennent beaucoup de temps et accaparent énergie et ressources. Ainsi, les amendements pourraient avoir un effet d'entraînement qui accentuerait les retards qui affligent déjà les tribunaux criminels. N'oubliez pas que le système judiciaire subit encore les conséquences des retards occasionnés par la COVID‑19. De plus, un verdict d'inconstitutionnalité peut entraîner le rejet de nombreux cas.
    Je soulève la question de la constitutionnalité des amendements proposés d'après mes années d'expérience à titre de représentante de centaines de plaignantes dans le cadre d'affaires d'agression sexuelle et de traite de personnes. Nous savons que les retards dans le processus judiciaire peuvent être douloureux pour les plaignantes qui anticipent devoir faire face à leur agresseur devant les tribunaux.
(1640)
    Je crains que l'amendement crée de la confusion en ce sens et soit jugé inconstitutionnel.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Way.
    Nous allons maintenant entendre...
    Excusez-moi, monsieur le président. Je suis désolé de vous interrompre.
    Oui.
    Il reste neuf minutes. Je n'arrive pas à faire fonctionner mon application. Je vais devoir me rendre à la Chambre pour voter.
    D'accord. Nous allons suspendre la séance.
    Madame Gee, nous allons vous entendre à notre retour, soit dans environ 20 ou 25 minutes, si cela vous convient. Nous passerons ensuite aux séries de questions.
    Merci.
(1640)

(1710)
    Nous reprenons les travaux.
    Nous revenons aux discours préliminaires.
    Nous allons entendre Mme Gee.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie les membres du Comité de m'avoir invitée à témoigner au sujet du projet de loi S‑224, Loi modifiant le Code criminel, traite de personnes, qui vise à éliminer le fardeau injuste qui pèse sur les personnes exploitées, puisqu'elles doivent prouver qu'il y avait un élément de crainte associé à la violence pour obtenir une condamnation en cour.
    Je m'appelle Wendy Gee. Ma fille a été victime de la traite à des fins sexuelles lorsqu'elle était adolescente ici, à Ottawa. Dans ma vie professionnelle, je suis la directrice générale d'une organisation à but non lucratif qui offre de l'hébergement à long terme et des programmes pour les jeunes femmes victimes de la traite à des fins sexuelles au Canada. Je suis également présidente de la Coalition d'Ottawa pour mettre fin à la traite des personnes, un comité directeur formé de plus de 40 organismes qui luttent contre la traite de personnes sur le terrain à Ottawa et dans la région.
    Lorsque les jeunes filles viennent à nous, elles veulent entreprendre une guérison, pour passer à autre chose. Bon nombre d'entre elles ont passé des mois, voire des années, à subir de la violence sexuelle et physique. Elles ont donc d'horribles traumatismes et souffrent de TSPT ou de problèmes de dépendance. Elles ont raté une grande partie de leur vie d'adolescentes, qui consiste à aller à l'école, à se faire des amis et à acquérir les compétences qui les prépareront à la vie adulte. Elles ont plutôt subi de la violence sexuelle et dû satisfaire 10 clients ou plus par jour, des étrangers qui les avaient achetées pour satisfaire leurs fétiches sexuels, de même que de la violence physique, puisqu'elles étaient battues et torturées si elles n'arrivaient pas à faire gagner de l'argent à leur trafiquant.
    Au centre de ce style de vie déséquilibré se trouve une personne, un trafiquant, qui contrôle chaque mouvement de la victime. Elle devient dépendante de son trafiquant pour tout: le dentifrice, les tampons, la nourriture et les vêtements. Elle développe ce qu'on appelle un lien traumatique, ce qui fait qu'elle croit que le trafiquant la protège. Elle peut tomber en amour avec lui et croire qu'il a son intérêt à cœur, et qu'il veut assurer sa sécurité.
    La victime est conditionnée à croire qu'elle et son trafiquant sont seuls contre le reste du monde, qui veut les séparer. Est‑ce que c'est logique? Bien sûr que non, mais le trafiquant connaît bien son métier: la manipulation et la coercition.
    Le trafiquant utilise toutes sortes de tactiques pour continuer à faire de l'argent avec la victime, même si cela signifie qu'elle doit être amoureuse de lui. Vous comprendrez à quel point il est difficile pour une victime de dénoncer le trafiquant à la police. Même si la situation dans laquelle la victime se trouve est terrible, ses besoins de base sont satisfaits et elle a de la difficulté à croire qu'elle est exploitée.
    Ma fille m'a dit qu'elle aimait son agresseur et que tout ce qu'elle voulait, c'était l'aider, parce qu'il vivait avec une dépendance. Elle croyait qu'elle était complice, qu'elle était consentante. Aujourd'hui, elle sait que ce n'était pas le cas. Elle a encore parfois de la difficulté à accepter ce qui s'est passé et elle n'en parle que très rarement.
    Les jeunes femmes avec qui je travaille veulent elles aussi passer à autre chose. Elles ne veulent pas parler de ce qui leur est arrivé, parce que c'est douloureux. Elles ont honte. Elles se sentent stupides et elles croient qu'elles ont consenti à leur situation.
    Depuis que je travaille à titre de directrice générale de l'organisation A New Day, seules deux jeunes femmes ont dénoncé leur situation à la police. Il faut une grande force pour le faire. Les victimes doivent revivre les agressions sexuelles, la dépendance et la violence, et la honte associée au mode de vie horrible qu'elles ont dû endurer. Elles savent que si elles font une déclaration, elles devront faire face à leur agresseur en cour et que toutes les émotions refoulées les envahiront à nouveau. Elles savent aussi qu'elles devront expliquer pourquoi elles ont pris part à un mode de vie qui les plaçait en situation de risque et pourquoi elles ne sont pas tout simplement parties. Pourquoi une victime devrait-elle avoir à expliquer les raisons pour lesquelles quelqu'un a abusé d'elle?
    Le fardeau associé au comportement violent, contrôlant et coercitif d'une personne ne devrait pas être placé sur la victime qui en a souffert. Je vois de mes propres yeux les conséquences du comportement violent des trafiquants: un nez ou des os cassés qui n'ont pas été replacés par un médecin, des problèmes de fertilité à la suite d'avortements bâclés, des fausses-couches à répétition, des ITS chroniques, sans oublier la violence associée à — appelons les choses telles qu'elles sont — des viols à répétition. Les victimes font aussi des cauchemars, elles ont du mal à faire confiance aux autres, ont une faible estime de soi, vivent de la dépression et de l'anxiété, elles se mutilent — elles se coupent les bras, l'intérieur des cuisses, le vagin ou le cou à répétition pour tenter d'évacuer la douleur psychologique dont elles souffrent — ou alors elles retournent à ce mode de vie parce qu'elles ont l'impression que c'est la chose à faire... elles font une surdose ou elles meurent.
    En éliminant l'obligation de prouver qu'elles avaient peur alors qu'elles étaient exploitées, on dit aux victimes qu'on les croit, que ce qu'elles ont enduré n'est pas le reflet de ce qu'elles valent en tant que personnes ou du traitement qu'elles méritent, et que ce n'est pas le résultat de mauvaises décisions. On leur fait comprendre que le système judiciaire ne continuera pas de les victimiser.
(1715)
    Merci.
    Merci, madame Gee.
    Nous passons maintenant à notre première série de questions.
    Nous allons commencer avec M. Caputo, qui dispose de six minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins pour leur présence. Je dois dire que j'ai été très ému lorsque j'ai lu les profils que vous nous avez transmis. Ils sont très difficiles à lire. Je vous félicite pour votre courage et votre force, alors que vous devez faire face à des situations qui passent souvent sous le radar.
    Madame Way, je vous félicite également pour le travail que vous avez choisi de faire. J'ai participé aux audiences sur l'article 278 sur le plan de la procédure, et elles sont très difficiles. Ce sont des enjeux très complexes. Je vous remercie.
    Je ne sais pas si quelqu'un souhaite faire un commentaire à ce sujet, mais je crois qu'on ne le dit pas assez souvent et que le public ne comprend pas la nature insidieuse de ces infractions. C'est comme si les gens croyaient que cela n'arrivait pas. Or, vous dites toutes trois non seulement que ces situations existent, mais qu'elles sont assez courantes.
    Voulez-vous nous en parler, et nous parler du besoin de réforme dans ce domaine?
    Si je peux m'adresser au Comité...
    Oui, allez‑y.
    Merci.
    Dans le cadre de ma pratique, je représente habituellement les plaignantes dans les cas d'agression sexuelle et de traite de personnes en vertu de trois types de requêtes préalables à l'instruction.
    Je vous remercie d'avoir mentionné l'article 278, monsieur Caputo, qui représente l'une de ces requêtes.
    Il est important de comprendre que les protections offertes aux victimes d'agression sexuelle en vertu du Code criminel ne sont pas offertes aux victimes de la traite de personne, à moins que l'une des infractions associées à la mise en accusation soit l'agression sexuelle.
    Je demande aux membres du Comité d'examiner la question et de se demander s'il y a une façon d'étendre ces protections aux victimes de la traite de personnes. Il me semble que le fondement sous-jacent de ces articles qui protègent les victimes d'agression sexuelle s'applique tout à fait aux victimes de la traite de personnes, qui sont vulnérables.
    À l'heure actuelle, en Ontario, les décisions des tribunaux à ce sujet vont dans les deux sens, mais les litiges sont nombreux. La prépondérance des décisions veut que ces victimes aient droit aux mêmes protections que les autres, mais dans certains cas, les décisions vont dans l'autre sens. Il faut donc éclaircir la situation.
    Je suppose que nous pourrions tout simplement examiner la disposition relative à l'application de l'article 278, ce que je n'ai pas fait depuis un bon moment, je dois l'admettre. Je dirais quelque chose comme: « Lorsqu'une personne est accusée au titre de l'article 271, l'article 278 s'applique. » Je suppose que l'amendement serait assez direct et ferait référence à quelques articles pertinents.
    Êtes-vous d'accord?
(1720)
    Oui, merci.
    Ce qui m'a frappé aussi au sujet de la traite de personnes... et on n'en parle pas beaucoup dans la société... Je ne sais plus qui en a parlé, si c'est Mme Gee ou Mme Diamond, mais quelqu'un a évoqué le rôle de la pornographie et l'accès qui se fait à un âge de plus en plus jeune en raison de la prolifération d'Internet. Je suppose que cette réalité a contribué à la situation que vous nous décrivez aujourd'hui.
    Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, si vous êtes à l'aise de le faire?
    Je vais le faire, si le Comité me le permet.
    Merci, madame Diamond.
    La pornographie est utilisée de diverses façons pour faire croire aux victimes que certaines pratiques sexuelles sont acceptables. Lorsqu'elles les voient à la télévision, elles peuvent penser que c'est normal. Les trafiquants offrent aussi de la drogue aux victimes lorsqu'ils visionnent de la pornographie, pour réduire leurs inhibitions.
    Nous savons aussi que la pornographie et Internet sont utilisés dans le cadre de chaque transaction de traite de personnes. Par exemple, je travaille avec des jeunes de 12 à 17 ans. Toute photo de ces jeunes est considérée à titre d'image d'abus pédosexuels. Lorsque ces images sont distribuées, cela constitue un autre crime.
    Nous reconnaissons que la pornographie a une grande incidence sur les victimes de la traite de personnes, surtout en ce qui a trait à la consommation, à la commercialisation ou à la vente. Avec la pornographie, les femmes sont représentées comme étant des êtres faibles qui ne sont utilisés qu'à des fins d'hypersexualisation...
    Ce sont quelques-uns des rôles que joue la pornographie auprès des victimes de la traite.
    Je n'ai plus de temps.
    Je vous remercie une fois de plus pour votre présence. Madame Diamond, merci pour vos réponses.
    Merci, monsieur Caputo.
    Nous allons maintenant entendre Mme Dhillon, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui pour parler de ce sujet très difficile.
    Madame Diamond, j'aimerais commencer avec vous.
    À votre avis, est‑ce que toutes les provinces utilisent la même définition de l'exploitation? Est‑ce qu'il y a une différence entre l'interprétation qu'en fait l'Ontario et celle qu'en fait le Québec?
    Je ne crois pas que la loi soit appliquée de la même façon partout au Canada, ce qui pose problème, à mon avis. Ce qui est problématique, aussi, c'est que nous ne jouons pas notre rôle de voisin mondial. En plus de ne pas appliquer la loi de façon égale partout au Canada, nous ne contribuons pas à la lutte internationale contre le problème mondial que représente la traite de personnes.
    D'accord. Est‑ce que les autres témoins veulent ajouter quelque chose?
    Madame Gee ou madame Way?
    Ce que je peux vous dire, c'est que dans certains tribunaux de l'Ontario... Dans le cadre de l'affaire D'Souza, devant la Cour supérieure de l'Ontario, on a fait valoir que notre définition actuelle — notre modèle de travail — était plus avantageuse que le modèle international. Je crois que notre cadre juridique actuel fonctionne.
    Je représente les plaignantes. Je veux que la situation soit plus facile pour elles. Je n'aime pas que mes clientes soient écrasées par le système, mais nous devons faire très attention avec les amendements et examiner de très près la façon dont la loi et la jurisprudence fonctionnent actuellement.
    Je ne sais pas si le Comité prévoit d'entendre les membres de l'équipe chargée des poursuites contre la traite de personnes de l'Ontario ou de la Nouvelle-Écosse. Je crois que l'analyse des procureurs spécialistes pourrait être utile.
(1725)
    Merci, madame Way.
    Nous savons aussi que selon son interprétation des dispositions sur la traite de personnes, le Code criminel tient responsables les personnes qui s'adonnent à la traite et celles qui exercent certaines formes de coercition psychologique.
    Ma question peut s'adresser à tous les témoins, mais j'aimerais d'abord entendre Mme Way.
    Pouvez-vous nous expliquer comment les procureurs pourraient garder les outils dont ils disposent actuellement si le projet de loi S‑224 était adopté?
    Comme je l'ai dit plus tôt, je crains que les amendements ne créent un certain chaos au sein du secteur des poursuites en ce qui a trait à la façon dont on peut traiter les cas qui se trouvent actuellement dans le système et aux conséquences des contestations judiciaires.
    Je crois qu'il serait problématique de greffer les amendements à la loi qui est déjà en place, parce qu'il pourrait y avoir des conflits. Je crois que ce serait une façon problématique de procéder.
    Madame Diamond, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Pas pour le moment.
    Merci beaucoup.
    Vous pourriez peut-être répondre à cette question: pourquoi croyez-vous que la traite de personnes et la victimisation des femmes, surtout celles d'origine autochtone, sont si peu déclarées?
    Toutes les infractions à caractère sexuel sont sous-déclarées. Je crois que celles‑ci font partie de la même catégorie. Bien sûr, les personnes marginalisées sont moins susceptibles de faire confiance à la police lorsqu'elles ont besoin d'aide et ont parfois tendance à la craindre.
    Mes clientes sont des plaignantes dans des affaires criminelles et elles ont aussi contrevenu à la loi. Ainsi, il peut être très difficile pour les victimes de la traite de personnes de faire appel à la police et de dénoncer leur agresseur. Je crois que cette situation fait partie de la sous-déclaration des agressions sexuelles de façon plus générale.
    Souvent, lorsque les plaignantes font appel à la police, elles sont considérées à titre de victimes de violence familiale, et non à titre de victimes de la traite de personnes. On considère la situation comme une chicane de couple. J'ai été victime de la traite de personnes pendant une décennie. Je croyais que mon trafiquant était mon copain. D'autres personnes sont dans la même situation, qui est souvent considérée comme était de la violence familiale. Bien sûr, le trafiquant va ensuite contraindre à nouveau sa victime et la manipuler encore.
    Merci beaucoup.
    Je crois que je n'ai plus de temps.
    Merci, madame Dhillon.
    Nous allons maintenant entendre M. Fortin, qui dispose de six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie toutes les témoins, Mmes Diamond, Way et Gee, d'être des nôtres aujourd'hui.
    Madame Way, vous parlez dans votre présentation de problèmes liés à la présomption d'innocence. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Si ces modifications au Code criminel étaient adoptées, quels problèmes seraient à prévoir, selon vous, en ce qui a trait à la présomption d'innocence?

[Traduction]

    J'ai examiné la troisième lecture du projet de loi, et ce qui m'a frappée, c'est qu'on dit qu'il placera le fardeau de la preuve sur l'auteur des crimes plutôt que sur les survivantes.
    Le fardeau ne devrait pas peser sur les survivantes, mais il pèse sur la Couronne. Je crains vraiment qu'en cas de contestation constitutionnelle du projet de loi, le tribunal détermine que l'amendement est inconstitutionnel, ce qui aurait des effets néfastes sur toutes les poursuites pour traite de personnes actuellement dans le système. Une telle décision pourrait même avoir une incidence sur les cas réglés qui font l'objet d'un appel. C'est ce qui m'inquiète, monsieur. Nous devons faire preuve d'une grande prudence.
    Dans le cadre de l'affaire Mills, par exemple, la Cour suprême du Canada a déterminé que l'équité du procès passait par le droit des défendeurs à une réponse et à une défense complètes — et nous sommes tous de cet avis —, et que les tribunaux devaient tenir compte des intérêts des plaignants et de la société dans son ensemble.
    Si nous revenons aux commentaires précédents, il y a d'autres mesures que nous pourrions prendre pour aider les victimes de la traite de personnes, qui ne soulèveraient pas de questionnements au sujet de la constitutionnalité, en raison d'un transfert de responsabilité.
(1730)

[Français]

    Merci, madame Way.
    Encore une fois, je me permets de revenir sur un point et de vous demander de quel passage il s'agit. Dans la version actuelle du paragraphe 279.04(1) du Code criminel, on exige de faire la preuve que, par les agissements de l'agresseur, il est raisonnable de s'attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils fassent croire qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité.
    Selon vous, est-ce ce qui fait en sorte que le fardeau de la preuve est transféré à l'agresseur? On s'entend pour dire que cela allège le fardeau de la preuve de la Couronne, puisque le procureur de la Couronne n'a pas à prouver qu'il était raisonnable pour la victime de s'attendre à ce que son refus mette en danger sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît. Le procureur de la Couronne échappe à ce fardeau de la preuve, mais en quoi est-ce que cela alourdit le fardeau de la preuve de l'accusé?

[Traduction]

    Je trouve votre question difficile, monsieur.
    D'après ce que je comprends des séances antérieures du Comité, on a laissé entendre que cet amendement signifierait que la partie plaignante n'aurait pas à prouver cet élément au tribunal.
    Rien dans la loi n'indique que la partie plaignante doit en faire la preuve. Bien sûr, la Couronne peut s'appuyer sur les éléments de preuve les plus solides dont elle dispose. Dans ce type de cause, la plaignante ou le plaignant fournit presque toujours des éléments de preuve. Cela a été le cas même dans des situations où les victimes de traite de personnes ne veulent pas que la poursuite aille de l'avant. Comme on l'a entendu au fil des séances, très souvent, les victimes du crime sont en mesure d'identifier leurs agresseurs. Si l'objectif est de protéger les plaignants, je ne crois pas qu'il soit judicieux sur le plan juridique de retirer le fardeau de la preuve de la Couronne.

[Français]

     Merci.
     Le projet de loi S‑224, que j'imagine que vous avez lu, remplace le paragraphe 279.04(1) du Code criminel. Dans le nouvel alinéa 279.04(1)b) qui est proposé, on introduit la notion de « tout autre acte semblable ». Selon vous, est-ce que ce n'est pas trop vague et est-ce un bon ajout? J'aimerais que vous m'en parliez rapidement, il ne reste que 30 secondes.

[Traduction]

    Merci.
    Je demande au Comité d'examiner l'affaire Sinclair, à la Cour d'appel de l'Ontario, qui donne une liste exhaustive de circonstances que le tribunal peut consulter lorsqu'il évalue si une personne objective aurait constaté de la peur — sans égard à l'expérience subjective de la partie plaignante.

[Français]

    Comme avocate, pensez-vous que le fait d'inscrire dans la loi cette notion de « tout autre acte semblable » est trop vague ou si c'est conforme aux règles?

[Traduction]

    Soyez brève.
    Je regrette, monsieur, mais je n'ai pas de réponse rapide à votre question. Mes excuses.
    Merci, monsieur Fortin.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Nous passons à M. Cannings, pour six minutes.
    Je commence par Mme Way.
    Il semble que l'un des objectifs — peut-être pas l'objectif principal — du projet de loi S‑224, de cet amendement, soit de faciliter l'obtention de condamnations pour les infractions de traite de personnes. Je me demande, madame Way, si vous pourriez nous dire si ce serait le cas, à votre avis. De plus, quels sont les autres facteurs qui pourraient être à la source des taux plus faibles de condamnations pour ce crime?
(1735)
    Vous avez posé une très grande question, monsieur.
    Il est certain que le système de justice est sous-financé de façon chronique. Nous perdons des causes relatives à l'alinéa 11b) parce que les tribunaux mettent trop de temps à régler une cause. Le tribunal ordonne donc l'arrêt des procédures. Ces causes de traite de personnes sont très complexes.
    Voici un élément qui, à ma connaissance, n'a pas encore été abordé. Très souvent, les accusations de traite de personnes ne seront pas portées contre une seule personne, mais contre plusieurs. Récemment, j'ai eu plusieurs causes où il y avait quatre accusés — quatre personnes à l'acte d'accusation. Cela complexifie grandement ces causes. Il faut beaucoup de temps pour qu'elles cheminent dans le système. Il faut plus de ressources dans le système judiciaire. Nous avons besoin de plus de tribunaux, de plus de juges, de plus de procureurs. Il faut plus de fonds pour les services juridiques aux plaignants. Tous ces éléments s'additionnent.
    Je ne crois pas, comme société, que nous puissions toucher à la présomption d'innocence et au fardeau actuellement porté par la Couronne. C'est ce qui rend le droit pénal canadien si juste pour nous tous, même si cela mène à davantage d'erreurs d'acquittement que d'erreurs de condamnation. Ces principes nous protègent tous. Je m'inquiète que l'amendement proposé finisse par être jugé inconstitutionnel et cause davantage de problèmes dans le système. Il aurait pour résultat de voir moins de cas traduits en justice.
    Vous avez mentionné qu'il y a souvent plus d'une personne accusée. À votre avis, si nous élargissions la définition en retirant l'élément de peur, y a‑t‑il un risque d'y inclure des personnes qui ne participent pas vraiment à la traite de personnes ou qui ne sont pas impliquées dans ces cas de traite, ce qui pourrait être une conséquence involontaire? Est‑ce là un aspect qui vous inquiète?
    Je crois que vous parlez de la possibilité de voir une personne qui reconduit une travailleuse du sexe, par exemple — une personne liée à l'exploitation, mais qui n'y participe pas —, prise dans cette situation. Est‑ce là votre question?
    Oui, c'est plus ou moins cela. Ces personnes peuvent avoir différentes tâches.
    Oui. Je ne crois pas que ce soit quelque chose... Je ne m'inquiète pas instinctivement de cet enjeu précis. Le travail du sexe n'est pas illégal en soi, au Canada. J'ai représenté des travailleuses du sexe qui sont des travailleuses entièrement indépendantes, qui déclarent leurs revenus et qui sont des entrepreneuses autonomes. Cette activité n'est pas criminelle.
    Je ne crois pas que cet amendement entraînerait ce problème. Par contre, comme je l'ai répété à plusieurs reprises, à mon avis, il n'est pas nécessaire. Je ne crois pas non plus que la Couronne ait maintenant à prouver que la plaignante ou le plaignant avait peur. Elle doit prouver de manière objective qu'il ou elle aurait pu avoir peur.
    Combien de temps me reste‑t‑il?
    Vous avez une minute.
    Je poursuis en revenant à la question des ressources. Les ressources d'enquête ont-elles besoin d'être renforcées, par exemple chez les services policiers? Où sont les besoins de ressources additionnelles pour que l'on s'assure de traiter ces cas correctement?
(1740)
    Je suis certaine que tout acteur du système de justice témoignant au Comité affirmera que son secteur précis a besoin de plus de ressources. Je peux dire que la Ville de Toronto a un nouveau palais de justice, la Cour de justice de l'Ontario, et que, tous les jours, un certain nombre de ces cours ne peuvent être ouvertes en raison du manque de personnel. À la base, il est impossible d'ouvrir toutes les cours disponibles ou qui devraient être disponibles, et il est impossible de traiter toutes ces causes. Cela entraîne des répercussions en chaîne: tout est retardé et reporté à plus tard.
    Le besoin de ressources est présent dès le plus bas niveau à la base du système.
    Merci.
    Merci, monsieur Cannings.
    Je remercie tous les témoins pour leur présence.
    Merci, madame Diamond, madame Way et madame Gee.
    Madame Gee, votre main est levée. Je me demande si vous avez un commentaire à ajouter avant de conclure notre rencontre.
    En effet. J'aimerais apporter un éclaircissement sur un commentaire de Mme Way. Elle a parlé d'une travailleuse du sexe et d'un chauffeur. Quand une jeune personne est victime de traite, elle n'est pas une travailleuse du sexe — vous le savez — quand elle a moins de 18 ans, et normalement, les chauffeurs sont complices et font partie des activités. La discussion est tout autre dans ce cas.
    Voici l'un des défis dont j'entends parler, à l'heure actuelle. Nous parlons de financement pour le système judiciaire, alors que nous devrions parler des victimes et de la défense de leurs droits. Nous devrions parler de prévention et de sensibilisation dans les écoles, auprès des parents et des proches aidants. Ces sujets ne sont même pas abordés.
    Je comprends que les tribunaux sont surchargés et je ne sais pas comment régler ce problème, parce que ce n'est pas là mon travail. Mon travail consiste à aider ces jeunes femmes et ces jeunes hommes qui sont exploités depuis l'enfance. Voilà ce sur quoi nous devons nous concentrer, à mon avis.
    Si nous devons modifier la loi et que cela doit les aider à faire une déclaration où ils n'auront pas à porter le fardeau de prouver qu'ils avaient peur pendant tout ce temps, il nous faut en tenir compte.
    Merci.
    Je serai très franche avec vous: je ne me soucie pas des droits des trafiquants.
    Merci, madame Gee.
    Je remercie nos trois témoins. Merci pour votre temps. Je vous présente également nos excuses pour les interruptions attribuables aux votes. Nous vous remercions pour votre patience.
    Nous devons régler quelques affaires du Comité. Je crois que M. Moore est parti.
    Nous avons reçu une lettre du Comité permanent des finances, qui souhaite savoir si nous voulons étudier quelque élément que ce soit des consultations prébudgétaires à l'automne. Nous devons l'en informer d'ici le 31 juillet. Je présume qu'il souhaite se délester de certains travaux en n'étudiant pas les questions liées à la justice. Faites-moi savoir ce que vous en pensez; je répondrai à la lettre en fonction des commentaires que j'aurai reçus des vice-présidents et des autres membres du Comité.

[Français]

    Sur cette question, je pense qu'il peut être intéressant d'apporter notre contribution, mais je ne pense pas que notre comité doive hypothéquer à l'avance le temps dont il disposera à l'automne. Je suggère que nous regardions notre liste de travaux et nos priorités quand nous serons de retour en septembre, pas maintenant. C'est un peu trop tôt, et nous ne savons pas encore ce qu'il y aura au menu en septembre.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fortin.
    Malheureusement, M. Moore n'est pas présent. Je solliciterai donc sa rétroaction, également. Je suis du même avis. Nous avons beaucoup d'études à mener, et nous serons surchargés avec celles‑là. Certains sujets nous parviendront de toute façon s'ils font l'objet d'un projet de loi. Je suis porté à être du même avis. Je discuterai aussi avec M. Garrison, lorsque j'en aurai l'occasion, et j'éclaircirai la situation avec vous tous avant de répondre.
    Merci.
    La séance est levée.
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