LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 novembre 2024
[Enregistrement électronique]
[Français]
Je déclare la réunion ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 120e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
Je vais rapidement parler des consignes visant à éviter les accidents acoustiques causés par le système de son et les microphones, entre autres. Je vous demande de bien lire le petit carton qui se trouve devant vous, pour le bien des interprètes et de l'équipe technique. Les accidents acoustiques ne se produisent pas en mode virtuel, mais plutôt autour de la table.
Conformément à l'article 108(3)f) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 29 avril 2024, nous poursuivons notre étude sur le continuum de l'éducation dans la langue de la minorité.
Avant de donner la parole aux témoins, j'aimerais ouvrir une parenthèse.
Il y a deux semaines, nous avions, pour des raisons techniques, ajourné la réunion au lieu de la suspendre. Avant l'ajournement de la réunion, nous étions dans le feu de l'action, et c'est M. Godin qui avait la parole.
Nous allons bientôt passer aux témoins, soyez patients.
Monsieur Godin, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Nous pouvons nous réjouir du fait que nous allons probablement obtenir l'appui du parti d'en face, c'est-à-dire du parti gouvernemental, et que nous allons revenir à notre étude sur le continuum de l'éducation, du moins je l'espère.
Personnellement, je vais clore mon intervention, afin de permettre aux témoins de s'exprimer. J'attends évidemment de connaître la position du gouvernement.
Merci, monsieur Godin.
Selon la liste que j'ai, M. Serré était le prochain intervenant, mais il n'est pas ici.
Madame Gladu, voulez-vous prendre la parole?
Compte tenu du fait que M. Brock s'est excusé à la Chambre des communes, ce qui était l'objet de la motion, je pense que l'adage « mieux vaut tard que jamais » s'applique dans ce cas, et je crois que la motion est caduque.
Je demande donc le consentement unanime, afin que la motion soit retirée.
Monsieur le président, il y a une proposition de la part de M. Lightbound. Il faut prendre position à cet égard avant de donner la parole à quelqu'un d'autre.
Je le sais, mais M. Iacono a permis à M. Lightbound d'avoir la parole avant lui, puisque ce dernier voulait prendre la parole.
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Ce n'est pas à un membre du Comité de décider de l'ordre des intervenants, mais bien au président.
C'est exact, mais j'avais donné mon approbation.
Monsieur Iacono, vous avez la parole, mais je vous demande d'être bref.
Merci, monsieur le président. Vous êtes une personne très souple et raisonnable.
Je voulais simplement dire que je suis content que des excuses aient finalement été présentées à la Chambre. Cependant, j'aimerais souligner que c'est la troisième fois que nos collègues conservateurs manquent de respect...
Monsieur le président, M. Lightbound a demandé un consentement unanime. À mon avis, nous devons d'abord prendre position à cet égard et clore le débat.
Je vous demande donc...
J'ai accepté de changer l'ordre des intervenants, à la demande de M. Iacono.
M. Iacono sera le dernier intervenant. Par la suite, nous allons...
Monsieur le président, je retire ma demande de consentement unanime.
Cela dit, après M. Iacono, je...
D'accord. C'est parfait.
Je pense que tout le monde est d'accord pour retirer la motion.
Monsieur Iacono, vous avez la parole.
Comme je le disais, ce n'est pas la première fois que les conservateurs manquent de respect à la langue française, que ce soit à la Chambre des communes ou dans les comités parlementaires. J'espère qu'il n'y aura pas de quatrième fois.
Je suis un peu déçu de constater que, lors de ces trois événements, aucun député conservateur québécois ne s'est levé pour dénoncer les propos de ses collègues à l'égard de la langue française et des Canadiens qui parlent le français.
Pour ma part, je suis content du reste.
M. Lightbound demande le retrait de la motion. A-t-il le consentement unanime?
Monsieur Lightbound, voulez-vous reprendre...
Je vois Mme Shanahan à l'écran et tout le monde autour de la table. Tout le monde semble d'accord là-dessus. C'est parfait.
(La motion est retirée.)
J'aimerais obtenir le consentement unanime des membres pour que nos témoins aient le maximum de temps pour répondre à nos questions. Je propose qu'on consacre une heure complète à leurs témoignages. Je pense que c'est important d'entendre les organismes.
Merci, monsieur le vice-président. Vous avez précédé ma pensée. J'allais justement faire allusion à cela.
Je ferme la parenthèse technique.
Messieurs et mesdames les témoins, vous disposez d'une heure complète.
La réunion du Comité dure de deux heures, mais nous avons des travaux à accomplir à huis clos. Toutefois, avant cela, nous pouvons accorder une heure entière aux témoins.
Nous accueillons maintenant, à titre personnel, M. Basile Dorion, ancien conseiller scolaire. De Canadian Parents for French, nous recevons Mme Nicole Thibault, directrice générale, et M. Visweswaran, directeur des affaires publiques et des politiques.
Je pense que c'est la première fois que nous vous recevons au Comité permanent des langues officielles. Selon notre mode de fonctionnement, nous accordons cinq minutes à chaque témoin ou à chaque groupe pour faire son allocution d'ouverture. Il y aura donc cinq minutes pour M. Dorion et cinq minutes pour Canadian Parents for French. Ensuite, il y aura une série de questions posées par les membres des différentes formations politiques.
Nous allons commencer par M. Dorion. Je suis très sévère pour ce qui est du temps de parole parce que, plus je le serai, plus nombreuses seront les questions des membres.
Monsieur Dorion, commencez. Je vous donne cinq minutes pour prononcer votre allocution. Si vous manquez de temps, vous pourrez ajouter, au cours de la période des questions, ce que vous n'aurez pas le temps de dire.
Merci beaucoup.
Monsieur le président, membres du Comité et personnel de soutien, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mon expérience, de mes observations et, surtout, de ma très grande préoccupation à l'égard du français langue première et langue d'usage, ce que j'appelle le « français langue naturelle ».
Je dois avouer que je trouve qu'il est très difficile de vous présenter, en cinq minutes, l'ampleur du sujet complexe de l'état de la langue française. J'espère donc que vous me poserez des questions. Je précise aussi que je vais vous parler avec cœur et avec beaucoup d'émotion. J'admets que ce que je vais dire ne sera pas toujours politiquement correct; ce sera même parfois cru.
Ma famille est établie, depuis 1834, sur les bords de la baie Georgienne, en Ontario, dans la région de Lafontaine. Je suis Métis et Canadien français. Nous avons toujours vécu en français, à la maison et dans la communauté, même si nous étions entourés d'anglophones. J'ai toujours parlé en français à mes enfants, même si mon mariage est mixte. Je suis très chanceux que mon épouse appuie toutes mes démarches.
Pendant une grande partie de ma vie, j'ai travaillé à la défense du français et de ma culture, et ce, dans un milieu très minoritaire. C'est loin d'être facile, mais je continue de le faire avec détermination.
J'ai été conseiller scolaire pendant 21 ans, avant l'arrivée des conseils scolaires francophones. J'étais porte-parole et coordonnateur lors de la crise scolaire à Penetanguishene, en 1979, alors que nous avons dû lutter pour obtenir notre école secondaire française. Nous l'avons finalement obtenue, après de multiples manifestations et des démarches devant les tribunaux. En même temps, je travaillais aussi comme agent de développement communautaire et comme directeur général du Centre d'activités françaises, notre centre culturel, aujourd'hui appelé La Clé d'la Baie.
Le français langue seconde, même s'il est peu utilisé, semble se porter assez bien. Mes deux plus grandes préoccupations sont la chute alarmante du français comme langue d'usage et le fait que les enfants qui parlent déjà français en arrivant à l'école sont défavorisés par les conseils scolaires francophones, car ils sont dans un contexte à prédominance anglophone.
Je pourrais vous donner des centaines d'exemples qui démontrent que les personnes sont de moins en moins nombreuses à avoir le français comme langue naturelle. Par exemple, autrefois, je pouvais compter 37 maisons sur mon rang, ou dans ma « concession », comme on le dit chez nous, où on parlait toujours le français à la maison. Il n'y en avait qu'un ou deux où on ne parlait pas en français. Aujourd'hui, 50 ans plus tard, c'est exactement le contraire: de ces 37 maisons, il y en a à peine deux ou trois où on parle encore français.
Je le vois aussi dans ma propre famille, dans ma communauté et dans mon entourage. On a perdu la fierté d'être francophone. En effet, on pense maintenant que, parler en français en public, ou à la maison, c'est être mal élevé. L'Église nous a dit qu'il fallait être très poli envers ceux qui ne comprenaient pas le français. De ce fait, si un anglophone est à 50 pieds de nous, il ne faudrait surtout pas l'offenser. Parfois, on oublie que l'anglophone n'est plus là et on continue à parler en anglais, par habitude ou par paresse. Le français en milieu minoritaire est devenu une deuxième langue, et non une langue naturelle. S'il ne l'est pas encore devenu, il est rapidement en train de le devenir.
Nos conseils scolaires francophones, en même temps que les foyers, ont un rôle majeur à jouer, et ils ont l'importante responsabilité de préserver le français comme langue première ou langue d'usage. Par contre, à mon avis, les conseils scolaires francophones sont trop préoccupés par les chiffres, c'est-à-dire par les subventions. Il est bien plus payant d'avoir des élèves à prédominance anglophone dans nos écoles de langue française, plutôt que des élèves à prédominance francophone.
À une certaine époque, on parlait d'enfants d'école. Ensuite, on est devenu plus sophistiqué et on les a appelés des élèves. Aujourd'hui, les conseils scolaires les appellent des « effectifs scolaires ». Cela ne semble pas très humain; en effet, il semble qu'on pense plutôt à l'argent.
J'irais jusqu'à dire que nos conseils scolaires francophones sont trop pissous pour prendre des mesures proactives, car ils ont peur d'offusquer et de perdre la clientèle à prédominance anglophone.
Merci, monsieur Dorion.
Vous pourrez fournir plus d'information au fur et à mesure des questions qui vous seront posées. Vos cinq minutes sont déjà écoulées.
Je ne sais pas si c'est Mme Thibault ou M. Visweswaran qui va prendre la parole.
Madame Thibault, vous avez la parole pour cinq minutes.
C'est moi qui vais prendre la parole.
[Traduction]
Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je suis la directrice générale du réseau national Canadian Parents for French, ou CPF. Je vais partager mon temps de parole avec M. Visweswaran.
Établi en 1977, Canadian Parents for French se consacre depuis longtemps à la promotion du bilinguisme au Canada en mobilisant des alliés pour soutenir la francophonie. Notre mission est de promouvoir l'apprentissage du français au moyen de programmes, de ressources et d'activités de sensibilisation destinés aux anglophones et aux allophones partout au pays.
CPF compte des succursales et des bureaux à l'échelle nationale qui défendent l'accès équitable aux programmes de français, langue seconde, y compris aux programmes d'immersion française. Grâce à des initiatives telles que le concours d'art oratoire, le tutorat virtuel et la foire des carrières virtuelle, CPF répond aux besoins de la communauté depuis plus de 50 ans dans toutes les provinces et tous les territoires. Ces programmes aident les jeunes Canadiens à acquérir de précieuses compétences langagières qui leur procureront des avantages dans leur vie personnelle et professionnelle et qui accroîtront la prospérité économique et sociale au pays. Nous reconnaissons l'importance de se pencher sur l'entièreté du continuum d'éducation à toutes les étapes de la vie des Canadiens.
Les programmes de la petite enfance jouent un rôle crucial dans le développement cognitif, émotionnel et social. Tandis que l'apprentissage précoce du français est soutenu par le système scolaire de langue française et dans la plupart des familles exogames, il n'est pas assez mis en valeur dans les programmes de la petite enfance de la population majoritaire. Pour normaliser le bilinguisme au Canada, il faut s'y prendre tôt. CPF préconise la mise en place d'un programme bilingue dans les services de garde de langue anglaise pour que les parents y soient exposés tôt et qu'ils inscrivent leurs rejetons dans un programme préscolaire d'immersion française qui leur fournira la meilleure expérience d'apprentissage possible.
CPF a mis sur pied le programme pilote French Footprints qui montre aux praticiens anglophones comment intégrer le français dans leurs activités de tous les jours. Ce programme qui a connu un franc succès a apporté beaucoup aux praticiens et aux familles. Malheureusement, le financement qui permettra de poursuivre ce travail novateur n'a pas encore été versé.
[Français]
Pour nous, la qualité et l'accessibilité des programmes de français langue seconde sont primordiaux. Les programmes de français langue seconde au Canada ont connu une croissance importante. En effet, plus de 450 000 élèves s'y inscrivent chaque année, ce qui représente une augmentation de 40 % en 20 ans.
Cette hausse reflète un intérêt croissant pour l'apprentissage du français, en particulier parmi les familles immigrantes, qui souhaitent offrir à leurs enfants des possibilités dans les deux langues officielles, soit le français et l'anglais.
Selon Canadian Parents for French, si davantage de places étaient offertes, environ 100 000 élèves supplémentaires pourraient s'inscrire aux programmes d'immersion dès demain. Cependant, l'accès à ces programmes est restreint à cause de certaines barrières géographiques et des ressources limitées des conseils scolaires anglophones.
Les gens qui présentent des demandes essuient souvent des refus. Seulement 15 % des jeunes Canadiens sont inscrits en immersion. Cela veut dire que 85 % des élèves n'ont pas cette possibilité, ce qui me préoccupe, en 2024, dans un pays qui se dit officiellement bilingue.
Bien sûr, le gouvernement fédéral doit revoir le financement des programmes de langues officielles en éducation. Il faut soutenir l'investissement et garantir un enseignement de langue seconde accessible et équitable partout au pays.
Nous notons que les grands conseils scolaires anglophones, comme ceux de Toronto, d'Ottawa, de Calgary et de Vancouver, ne comparaîtront pas devant votre comité. Cependant, malgré ces défis, nous espérons que vous allez penser au Peel District School Board, qui a refusé près de 7 000 inscriptions au cours des 10 dernières années.
Monsieur le président, cette exclusion n'est pas simplement une statistique.
Chaque année, 700 jeunes talents de la grande région de Toronto ne peuvent pas aspirer à devenir juges à la Cour suprême, gouverneurs généraux ou leaders d'opinion dans la société canadienne. En leur refusant ces possibilités, on limite leur potentiel individuel.
Étant moi-même le finissant d'un programme d'immersion française, je crois fermement en sa valeur. C'est grâce à ce cadeau que j'ai pu accéder à d'autres occasions enrichissantes, qui n'auraient pas été accessibles si je n'avais pas parlé les deux langues officielles. D'ailleurs, limiter l'accès à la possibilité de devenir bilingue, c'est aussi créer des barrières à l'intégration dans toutes les sphères de la société canadienne. Cela rend nos institutions non représentatives de la diversité canadienne et nourrit le discours des deux solitudes.
Nous allons maintenant vous permettre de nous poser des questions pour pouvoir continuer.
Je vous remercie, monsieur Dorion, madame Thibault et monsieur Visweswaran.
Il y aura d'abord un premier tour au cours duquel chaque formation politique pourra vous poser des questions auxquelles vous pourrez répondre. Environ six minutes seront accordées dans chacun des cas. Comme toujours, nous allons commencer par les conservateurs. M. Godin, qui est le premier vice-président de ce comité, aura l'honneur de briser la glace.
Monsieur Godin, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous ce matin. Il est toujours agréable de tenir des rencontres en personne. Nous l'apprécions particulièrement, vu ce que nous avons traversé.
Je vais d'abord m'adresser aux représentants de l'organisme Canadian Parents for French.
Vous avez dit — c'est stimulant pour nous — qu'il y avait beaucoup de demandes de la part de jeunes désireux d'étudier en français. Il y a donc une clientèle.
Comme le temps dont nous disposons est très limité, pourriez-vous nous donner assez rapidement des explications qui nous permettront de comprendre la différence entre l'immersion, qui semble s'adresser aux anglophones, et la formation en français pour les ayants droit?
Pouvez-vous nous expliquer cela, étant donné que nous parlons ici du continuum en éducation, soit de la petite enfance au postsecondaire? Il a été demandé que nous fassions plus tard une étude sur l'immersion, mais j'aimerais d'abord entendre ce que vous avez à nous dire sur cette question.
Il est important de comprendre que ce sont deux voies complètement différentes. Nous avons des conseils scolaires francophones, qui sont destinés aux francophones. Il y a un parcours à suivre. Ces personnes doivent au départ avoir une certaine connaissance du français. M. Dorion a mentionné qu'on s'inquiétait de la qualité de ce qui était offert quand des gens n'ayant pas nécessairement le même niveau de français étaient intégrés au système.
Je vais parler de mon domaine, soit l'immersion. Le Toronto District School Board et l'Ottawa‑Carleton District School Board, qui sont des conseils scolaires anglophones, offrent un programme en anglais, donc une voie, ainsi que le français de base. Il y a donc 30 ou 40 minutes de français par jour. On offre également une autre voie, soit celle de l'immersion en français. Cela signifie que, dès la maternelle, les journées se déroulent à parts égales en anglais et en français. En première année, 80 % de la journée se passe en français et 20 % en anglais.
La proportion augmente avec les années, jusqu'à la quatrième et la cinquième année, où la proportion est de 50 % de part et d'autre. Au secondaire, environ 25 % des cours sont en français.
Comme ces élèves ont débuté très tôt à utiliser le français, ils ont passé un seuil qui leur permet de converser, de communiquer en français. De plus, les différentes matières permettent d'apprendre cette langue.
Je vous remercie, madame Thibault, de ces éclaircissements.
Que se passe-t-il ensuite, au niveau postsecondaire?
À ce niveau, les choses se passent dans les mêmes milieux.
Je vais laisser M. Visweswaran vous en parler.
Pour ma part, je suis passé par l'immersion en français. Après ma 12e année, j'ai pu décider si j'allais poursuivre mes études en français ou en anglais. Dans le cas du Campus Saint‑Jean, le campus francophone de l'Université de l'Alberta, on dit souvent que 60 % des étudiants sont passés par l'immersion en français. La demande est donc élevée chez les jeunes qui ont commencé par le français langue seconde et qui veulent faire des études postsecondaires en français.
Par contre, on me dit que le problème, au postsecondaire, est que les programmes en français ne sont pas complets.
Est-ce exact?
Cela dépend des domaines. Quoi qu'il en soit, il y a moins de choix et il se peut qu'on doive aller dans une autre province pour trouver certains cours en français.
En ce qui concerne les programmes d'immersion, les conseils scolaires anglophones font-ils concurrence aux commissions scolaires francophones? On parle ici de deux mondes différents. Y a-t-il une certaine concurrence entre eux?
Ma réponse est non, même s'il est possible que ce soit le cas dans de petites communautés.
Pensons à une famille qui veut choisir l'école francophone en tant qu'ayant droit. S'il n'y a pas d'école francophone dans le quartier ou aux alentours, ces personnes pourraient choisir une école qui se trouve à proximité, fait partie d'un conseil scolaire anglophone et offre un programme d'immersion en français.
Pour notre part, nous insistons sur le fait qu'il s'agit vraiment de deux voies. Notre organisme porte le nom de « Canadian Parents for French », et non de « Canadian Parents for French immersion ». Quand nous conseillons les parents, nous leur recommandons de rechercher la meilleure qualité de français possible. Si les personnes sont des ayants droit, nous leur suggérons d'opter pour le programme francophone, mais, si ce n'est pas le cas, nous leur recommandons le meilleur programme de français possible pour eux, c'est-à-dire l'immersion.
Le problème, dans de petites communautés, est que certains ayants droit n'ont pas eu l'occasion d'utiliser le français et d'en avoir une maîtrise naturelle. C'est peut-être là un défi qui doit être abordé au moyen de la francisation.
Merci, madame Thibault. Comme M. Babin l'a indiqué dans sa présentation, malheureusement, les élèves représentent souvent des signes de piastre pour les conseils scolaires.
J'aimerais vous poser une question sur l'enseignement. Y a-t-il un manque de main-d'œuvre dans l'enseignement en français?
Je ne suis pas enseignant, et je sais que Mme Thibault pourrait en parler aussi mais, selon une étude récente de l'Association canadienne des professionnels de l'immersion, 50 % des enseignants qui enseignent dans des programmes d'immersion en français sont anglophones et 6 % sont allophones. Cela veut dire que les enseignants francophones ne sont pas majoritaires dans les écoles d'immersion en français.
Ils sont passés par le programme d'immersion. Ils sont fiers de leur français et ils retournent, comme enseignants, dans le programme d'immersion en français.
D'après moi, c'est souvent parce qu'ils n'ont pas la sécurité linguistique pour enseigner du côté francophone.
Monsieur le président, j'aimerais faire une correction. J'ai appelé M. Dorion « M. Babin » quand j'ai parlé de signes de piastre.
Merci beaucoup.
Essayons de respecter le temps de parole de chacun afin que tout le monde puisse poser encore plus de questions. C'est mon objectif. Mon rôle, qui n'est pas toujours agréable, est d'être strict à cet égard.
Je cède maintenant la parole à M. Samson, de la formation libérale, pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Leur présence enrichit notre travail et nous aidera à achever notre rapport, qui sera le premier rapport jamais fait sur le continuum de l'éducation. En effet, nous étions limités par certaines interprétations de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Mes premières questions s'adresseront à Mme Thibault, que je connais depuis bien longtemps et avec qui j'ai travaillé en étroite collaboration, assez tôt dans ma carrière, quand je travaillais dans le domaine de l'éducation et que j'étais responsable des programmes de base et des programmes d'immersion.
Il n'y avait pas d'école francophone dans le temps. J'ai donc fait toute ma scolarité en anglais.
Mon temps de parole s'écoule et je sais que mes collègues vont essayer de me voler quelques secondes. Je vais donc procéder rapidement.
Madame Thibault, depuis combien de temps êtes-vous directrice générale de cette association?
Je suis directrice générale de Canadian Parents for French depuis 10 ans. J'ai également été directrice générale de l'Association canadienne des professeurs de langues secondes pendant 10 ans...
Excusez-moi de vous interrompre. Je vais poser mes questions assez rapidement, parce que je veux aussi m'adresser à M. Dorion.
Je dois dire que vous avez toujours appuyé l'éducation en français, langue première. J'ai toujours vu en vous une alliée, et je vous en remercie, ainsi que votre association.
Si j'ai bien compris, je pense que vous avez dit que le Peel District School Board avait refusé l'admission à 10 000 élèves. Il y a donc un manque. J'imagine que le nombre de places dans les classes d'immersion est limité et qu'il y a une liste d'attente. Est-ce bien le cas?
Oui, et on le voit partout au pays. Par exemple, à Halifax, il y a beaucoup d'immigration. Deux nouvelles écoles vont donc être ouvertes.
Canadian Parents for French plaide pour que ces deux écoles offrent un programme d'immersion, mais vous comprendrez que c'est plus facile de ne pas en offrir...
Je suis désolé de vous interrompre à nouveau, mais mon temps de parole est limité et j'ai deux autres questions à vous poser.
D'abord, il existe un mythe que j'aimerais que vous brisiez. Certains disent que les écoles d'immersion en français volent des enseignants aux conseils scolaires francophones. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Ensuite, pourquoi avez-vous choisi de faire une présentation ici, aujourd'hui?
Je crois que ces questions sont importantes afin que ce comité arrive un jour à faire une étude sur l'immersion en langue française. Veuillez essayer de répondre en 30 secondes.
Les programmes d'immersion en français sont complémentaires. Nous sommes en train de créer les alliés de la francophonie. Pour nous, le fait que vous fassiez cette étude est extrêmement important. Il faut comprendre cette question et, ensuite, aller plus loin pour voir comment les membres bilingues du groupe linguistique majoritaire pourraient appuyer la francophonie au pays.
Il ne s'agit pas de concurrence. Les enseignants sont formés dans deux voies différentes. De plus, l'auditoire d'élèves est différent. Il faut vraiment respecter les critères d'admission.
Merci beaucoup.
Monsieur Dorion, j'ai beaucoup aimé votre présentation. Je comprends comment vous vous sentez. J'ai aussi un sentiment un peu partagé, car il n'y avait pas d'offre d'éducation en français, langue première, à mon époque.
Je vais vous poser une question, à laquelle j'aimerais que vous répondiez rapidement.
Quelle est la définition d'un anglophone?
Un anglophone, c'est quelqu'un qui vit plutôt en anglais. Selon ma définition, son nom peut aussi bien être Marchand, Dorion ou Lorrain que Ferguson ou Smith.
La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que c'est primordial. Dans mon cœur, le bilinguisme au pays a été remis en question depuis la Confédération. Les francophones et les Acadiens n'ont pas eu accès à des écoles françaises. Ils ont été assimilés. Ce n'était pas leur choix. Ils ont été assimilés parce que le système les a laissés tomber.
Aujourd'hui, ces personnes me regardent dans les yeux et me disent qu'ils s'appellent Landry, Marchand ou Beaulieu et qu'ils ont perdu leur langue française. Ils me demandent si l'article 23 de la Charte pourra les aider à retrouver leur langue et leur culture.
Je ne suis pas certain qu'il est bon de définir ces gens-là comme des anglophones. Pour moi, n'importe quel Acadien assimilé n'est pas un anglophone, mais un Acadien assimilé. Le sang qui coule dans ses veines est le sang acadien. Mon cœur est donc large.
En Nouvelle‑Écosse, malgré tous les efforts faits par la société pour le bilinguisme depuis la loi de 1969, 80 % des élèves qui arrivent dans le système scolaire francophone ne parlent pas la langue de l'établissement d'enseignement, et ce, même si la plupart d'entre eux sont des ayants droit. Ces enfants ne parlent pas français parce qu'ils sont souvent issus de mariages mixtes.
Il ne s'agit pas d'aller chercher des anglophones, mais d'offrir de nouveau une éducation et une culture. Il y a une ligne très mince à laquelle il faudrait travailler. En Nouvelle‑Écosse, un directeur général du conseil scolaire francophone a été assez innovateur: il a créé un système d'éducation préscolaire. À 4 ans, les enfants font leur éducation préscolaire dans un environnement de plaisir et de jeux en français. Cela leur permet d'apprendre la langue avant de commencer leur éducation formelle en français.
Je termine en disant que, d'après le jugement de la Cour suprême du Canada qui a donné raison à la Commission scolaire francophone des Territoires‑du‑Nord‑Ouest, on a le droit d'accepter. Par contre, je vous dis que...
Merci beaucoup, monsieur le président. Excusez-moi, je ne m'étais pas aperçu que vous étiez à mon écoute.
On connaît votre passion, monsieur Samson. Je vous remercie de votre intervention.
Tout le monde comprend que j'ai étiré de 15 secondes les 6 minutes allouées pour le temps de parole. J'essaie d'être juste avec tout le monde.
Je cède maintenant la parole au deuxième vice-président de ce comité.
Monsieur Beaulieu du Bloc québécois, vous avez six minutes.
J'en avais encore à dire parce que la parole me vient facilement.
Il est important de dire que nos écoles de langue française ont trois clientèles différentes. La première, ce sont des francophones qui parlent déjà français. Très souvent, ils sont la petite minorité dans l'école et ils sont perdus dans un monde à prédominance anglophone. La deuxième clientèle, c'est exactement comme les membres de ma famille, mes voisins, mes cousins et mon frère: ce sont des francophones qui ont perdu leur langue pour différentes raisons. Dans certains cas, ce n'est pas leur faute; dans d'autres cas, ce l'est parce qu'ils s'en fichent.
La troisième clientèle, ce sont des ayants droit. Nos conseils scolaires ont admis des centaines et des centaines de non-ayants droit en créant des ayants droit. Lorsqu'un anglophone devient un ayant droit à l'école, toute sa famille le devient automatiquement, tout comme les générations suivantes. Cela se multiplie à toutes les générations. On en accepte d'abord deux; il y en a quatre à la prochaine génération; à la suivante, il y en aura huit, etc. L'aspect des trois clientèles est très important.
Je suis préoccupé par le fait que l'enfant qui parle déjà français en arrivant à l'école est désavantagé par le système. Nos conseils scolaires francophones sont trop pissous pour prendre des mesures proactives et travailler avec les parents. On a si peur de perdre un parent anglophone qu'on se met à genoux devant lui, et tant pis pour le parent francophone qui, lui, n'a pas d'autre choix.
N'y a-t-il pas un problème de financement? L'article 23 de la Charte parle des droits à l'instruction dans la langue de la minorité là où le nombre le justifie, mais il ne précise pas le nombre.
Plutôt que d'établir un critère qui permettrait aux écoles par et pour les francophones de fonctionner, à la limite avec moins d'élèves, si c'était nécessaire. Cela les obligerait un peu à...
Il faudrait que les fonds octroyés par le fédéral et le provincial servent d'abord à retenir les francophones qui sont déjà là, plutôt que les négliger complètement. Toutefois, les critères sont toujours basés sur le nombre d'élèves, ce qui n'a jamais avantagé la minorité francophone.
Pour avoir une école francophone, on accueille un tas de petits anglophones ou des francophones assimilés qui ont peut-être le droit d'y être. Cela ne me pose pas de problème. Le problème est que les fonds octroyés sont basés sur le nombre d'élèves et non sur les besoins. Ce sont les besoins qui devraient primer, et non le nombre d'élèves.
On force nos conseils scolaires à se prostituer pour recruter un nombre suffisant d'élèves afin d'obtenir du financement, parce que les fonds octroyés permettent de créer de bons emplois.
Dans votre document, vous parlez un peu de l'urgence de la situation.
Pouvez-vous nous donner plus d'exemples qui démontrent vraiment l'urgence de modifier la façon de faire?
Je reviens toujours au fait que c'est le petit francophone arrivant à l'école qui est négligé. La grande majorité des fonds octroyés sont dirigés vers la francisation plutôt que vers le maintien de la francophonie. Le petit francophone est donc négligé. Il arrive à l'école et, s'il veut avoir des amis, il faut qu'il fasse comme la majorité des élèves et qu'il parle anglais. Sinon, il est ostracisé, il fait rire de lui, on l'appelle « petit frenchy », et ainsi de suite. C'est ce qui se passe dans une école de langue française. Imaginez le défi que doivent relever les enseignants dans une salle de classe où 23 sur 25 élèves ne comprennent pas le français, dans une école de langue française.
Le problème est astronomique.
Cela me fait penser au problème que nous avons dans les écoles de Montréal, où les francophones sont minoritaires.
Nous avons dit tantôt que le dernier Plan d'action pour les langues officielles 2023‑2028 prévoyait augmenter le financement des écoles d'immersion. Même si les écoles d'immersion sont une bonne chose, on ne parle pas d'augmenter le financement des écoles par et pour les francophones. Selon certains témoignages que nous avons entendus, il arrive souvent qu'il n'y ait pas d'école française à proximité. Les francophones vont donc dans une école d'immersion ou ailleurs.
Ne devrait-on pas orienter davantage le financement vers les écoles par et pour les francophones, ou, à tout le moins, l'augmenter?
L'accès à l'éducation dans la langue française, dans la langue première, c'est un droit. L'accès à une langue seconde, c'est un privilège. Effectivement, j'adore le fait que beaucoup d'anglophones veuillent apprendre le français, mais il ne faut pas que ce soit au détriment du petit enfant francophone qui se sent comme un étranger dans sa propre école. C'est ce qui doit changer.
Les enseignants veulent bien faire. Je pense à une enseignante de la région de York. Elle s'était plainte sur Facebook que sa petite fille ne pouvait pas se faire d'amis à l'école, une école de langue française, parce qu'elle était la seule dans sa classe à parler le français et à le comprendre. On a communiqué avec cette dame. Elle a reçu une lettre de son surintendant lui demandant de retirer ses commentaires si elle ne voulait pas s'exposer à des mesures disciplinaires.
Nos enseignants qui se tiennent debout pour défendre le français sont ostracisés. Cette dame m'a appelé en pleurant, un vendredi soir, pour me dire qu'elle ne pouvait plus être associée à moi, parce qu'elle risquait de perdre son emploi.
Lorsque je cherche des personnes pour défendre la cause des francophones, les gens ont peur de s'engager, parce qu'ils ont peur des conséquences que pourraient subir leurs enfants à l'école. Beaucoup de parents francophones sont des enseignants. Ils ont peur de s'exprimer. Cette situation malheureuse a lieu dans nos conseils scolaires de langue française.
Merci, messieurs Dorion et Beaulieu.
Nous passons aux dernières questions de ce tour.
Je cède la parole à M. Boulerice, qui remplace Mme Ashton, du Nouveau Parti démocratique.
Monsieur Boulerice, vous disposez de six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tout le monde d'être ici dans le cadre de cette importante étude.
Avant de poser mes questions, j'aimerais faire un commentaire.
Monsieur Dorion, quand vous avez dit que le terme « élèves » avait été remplacé par « effectif scolaire », cela m'a donné un peu froid dans le dos. J'avoue que, moi aussi, j'ai vu le gros signe de dollar arriver. Je pense qu'on est en train de perdre la philosophie, la mission et l'orientation.
Aux représentants de Canadian Parents for French, je veux dire que cela me fait toujours très chaud au cœur de voir à quel point il y a des parents du Canada anglais qui souhaitent que leur enfant apprenne le français. Je trouve que c'est un bon signe. La Colombie‑Britannique, ce n'est pas la province où il y a le plus grand nombre de personnes dont la langue maternelle ou la langue d'usage à la maison est le français, mais la demande pour des cours de français ou des écoles d'immersion y est immense. Certains de mes collègues du NPD de la Colombie‑Britannique me disent que certains parents se lèvent à 3 heures ou 4 heures du matin pour aller faire la file en espérant pouvoir trouver une place à leur enfant dans une école d'immersion pour qu'il profite de cette occasion. J'allais dire « opportunité », mais il faut faire attention de ne pas faire d'anglicisme au Comité permanent des langues officielles.
J'aimerais vous entendre parler de ce mouvement. Vous avez donné des chiffres assez éloquents. Pourquoi ce mouvement est-il si important pour la survie et la préservation de la langue française au Canada et au maintien de l'esprit du bilinguisme?
Je vais commencer.
Je crois que c'est important, parce que ces parents sont nos alliés. Je pense qu'on assiste de plus en plus à un changement dans notre population canadienne. Nous avons beaucoup d'immigration. Des gens arrivent au Canada et, tout de suite, ils pensent que le Canada est un pays bilingue. Pour profiter de leur expérience et contribuer à la société canadienne, ils veulent maîtriser les deux langues officielles. Dès le début, en arrivant au pays, ils sont prêts à apprendre les deux langues. L'immersion leur offre cette occasion, étant donné qu'ils ne sont pas nécessairement des ayants droit. Il faut aussi offrir un certain investissement à la majorité des nouveaux arrivants, de manière à faire comprendre qu'il y a une garantie de possibilité d'apprendre le français et de devenir bilingue.
C'est ce qui m'inquiète depuis 20 ans. M. Samson a dit que je travaillais depuis longtemps dans le domaine. Les gens qui apprennent le français par immersion n'ont aucune garantie que leur enfant aura la même occasion. Certains enfants n'auront jamais appris le français au Canada. De la maternelle jusqu'à la deuxième année, ils peuvent passer à l'école en anglais et ne jamais apprendre le français. Selon moi, cela ne devrait pas être acceptable. Tous les Canadiens devraient atteindre un certain niveau de français.
On parle beaucoup de garanties. On pourrait garantir l'éducation en immersion aux enfants dont les parents en ont reçu une. Ainsi, on ne prendrait pas la place d'un élève dans une école francophone si on avait la garantie d'avoir une place dans une école d'immersion. Si on investissait davantage dans les écoles d'immersion, moins de gens essaieraient d'aller dans les écoles francophones. On pourrait élever le niveau de qualité d'enseignement pour eux. Il ne faut pas mettre en place un système concurrentiel, mais un système complémentaire.
On a souvent l'impression que les langues officielles constituent une équation à somme nulle, où quand l'un gagne, l'autre perd. Je pense qu'il faudrait penser que les deux communautés peuvent y gagner. En ce moment, ce que je comprends, c'est qu'il y a une concurrence; on se vole la clientèle.
De plus, ce chiffre ne s'applique qu'à un seul conseil scolaire. Je peux vous donner les chiffres de 23 autres conseils scolaires. Demain, je pourrais combler 100 000 places en immersion, si elles étaient disponibles.
En Colombie‑Britannique, on procède par tirage au sort. Vous pouvez imaginer un parent qui a des jumeaux. Un des enfants pourrait donc avoir accès à l'immersion, et l'autre, non. Est-ce acceptable pour ce parent de dire qu'il va offrir cette occasion à l'un, mais pas à l'autre? Or il existe de ces situations où un parent doit faire ce choix.
On s'inquiète des investissements pour l'enseignement du français aux anglophones. Si on augmente la qualité de l'enseignement, il va y avoir moins de concurrence. On pourrait offrir deux systèmes de qualité qui enseignent le français pour l'avenir du bilinguisme au Canada.
Je ne dispose pas d'énormément de temps, mais je vais peut-être avoir droit à un deuxième tour de questions.
Monsieur Visweswaran, vous avez parlé de votre parcours et des occasions que le bilinguisme peut amener dans une carrière, par exemple, des promotions. J'aimerais vous entendre en parler. Quelles possibilités et occasions de développement économique cela peut-il apporter au Canada? Je pense notamment aux relations avec l'Afrique, qui est maintenant le continent comptant le plus de francophones sur la planète. Comment voyez-vous la flèche supplémentaire dans un carquois que constitue la maîtrise d'une seconde langue?
Si je ne me trompe pas, vous venez tout juste de faire une étude sur le développement économique des communautés de langue officielle en situation minoritaire. On parle beaucoup de la pénurie de main-d'œuvre bilingue. Or, dans la grande région de Toronto, 7 000 personnes se sont fait refuser l'accès à une éducation en français, langue seconde. Ces 7 000 personnes qui pourraient travailler en français et contribuer non seulement à la francophonie, mais à l'offre de services en français. Elles pourraient enseigner le français. Sur 10 ans, on a refusé à ces 7 000 personnes la chance de promouvoir la francophonie et d'y contribuer, non seulement sur les plans culturel et linguistique, mais également sur le plan économique. C'est un manque à gagner énorme. Alors, si on veut investir dans la francophonie canadienne, il faut aussi investir dans l'éducation en français, langue seconde.
Merci, monsieur Boulerice. Vous avez eu environ 6 minutes et 15 secondes.
Nous allons passer à un autre tour de questions. Cette fois, ce seront des tours de cinq minutes pour le Parti conservateur et le Parti libéral.
Nous allons commercer par un Franco-Albertain de naissance, M. Dalton.
Monsieur Dalton, vous avez la parole pour cinq minutes.
Je vous remercie tous de vos bons mots.
Je remercie aussi les témoins.
Je suis un Franco-Albertain qui habite la Colombie‑Britannique. J'ai deux filles et un fils, mais je vais parler de mes filles. Une d'entre elles a été inscrite à un programme d'immersion. Cela s'est bien passé et elle a continué à étudier en français au niveau postsecondaire. Toutefois, mon autre fille n'a pas pu apprendre le français, parce qu'elle était la 42e élève inscrite, alors qu'il y avait 40 places. Nous avions le droit d'envoyer nos enfants à une école de la commission scolaire francophone, mais je n'ai pas vraiment envisagé cette possibilité, parce que l'école se trouvait à une heure de route par autobus, alors que cela prenait trois minutes pour se rendre à l'école d'immersion.
Pensez-vous que les familles qui vivent une situation semblable devraient avoir le droit d'envoyer leurs enfants à une école d'immersion?
C'est certain que votre premier choix aurait été l'école francophone, si elle se trouvait à une distance raisonnable, mais les parents doivent faire des choix pour bien des raisons. Il y a aussi des familles exogames composées d'un ayant droit et d'un non-ayant droit, qui ont quand même chacun 50 % du pouvoir décisionnel.
D'après moi, tout Canadien devrait avoir un accès garanti à l'immersion. Le but de Canadian Parents for French est de s'assurer que les Canadiens ont accès aux meilleurs programmes possibles. Ce ne sera peut-être pas facile de leur garantir cet accès, sur le plan juridique, mais je pense que c'est un défi que nous vous lançons pour la prochaine modernisation de la Loi sur les langues officielles...
Ensuite, il faut aussi penser à l'immigration. Pourrait-on garantir aux nouveaux arrivants un accès aux programmes d'immersion? Je crois que c'est possible. De notre côté, nous espérons que ce sera mis en place au cours des prochaines années.
Monsieur Dorion, je vous remercie de nous avoir fait part de votre pensée. Je suis aussi Métis, et ma mère est franco-canadienne.
Je suis entièrement d'accord avec vous, les enfants devraient parler français dans les écoles des commissions scolaires francophones. Or c'est un vrai défi. Toutefois, j'aimerais que vous parliez d'un autre défi, soit le fait que la population et le nombre d'enfants diminuent. Si ces écoles sont réservées aux enfants qui parlent déjà français, on n'aura pas autant d'écoles et on ne pourra pas offrir des programmes pour attirer les enfants. Êtes-vous d'accord?
Ce ne sont pas les écoles d'immersion qui font concurrence aux conseils scolaires francophones. C'est l'inverse. Ce sont les conseils francophones qui font concurrence au système d'immersion, parce qu'ils veulent avoir les dollars. À mon avis, ce n'est pas qu'il y a une pénurie d'enseignants, c'est plutôt que les écoles de langue française ont un surplus d'élèves qui devraient peut-être être en immersion.
Je suis entièrement en faveur des programmes d'immersion, mais on parle de deux mondes complètement différents. L'un d'entre eux fait partie d'un peuple qui a une culture dans les tripes et l'autre profite d'un avantage...
Merci, monsieur Dorion.
Il me reste seulement quelques secondes et j'aimerais poser d'autres questions.
Madame Thibault, pourriez-vous nous parler des principales différences entre l'enseignement du français comme langue seconde et l'enseignement du français dans le cadre des programmes d'immersion, ainsi que de la pénurie d'enseignants?
Quand on enseigne le français langue seconde, on enseigne la langue française, mais très peu de temps est consacré à parler de culture et à vivre des expériences authentiques en français.
Par contre, dans le cadre des programmes d'immersion, un certain pourcentage de temps, pendant la journée, se déroule en français. Par exemple, on apprend le français en faisant des mathématiques ou en étudiant les sciences en français. On vit notre français et on est davantage porté à communiquer en français dans la vraie vie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je suis heureuse de votre présence parmi nous aujourd'hui.
Ma question s'adresse à M. Visweswaran.
Vous avez un parcours assez intéressant. Je ne le dévoilerai pas trop.
Pourriez-vous nous parler de ce que signifie la langue française pour vous?
Je le dis souvent.
[Traduction]
En m'inscrivant au programme d'immersion française, mes parents m'ont donné le plus beau cadeau qu'ils pouvaient m'offrir. Le français est vraiment le fil conducteur de mon parcours professionnel.
Je suis un enfant d'immigrants indiens. Je suis né aux États‑Unis et j'ai commencé l'école dans un programme d'immersion française à Winnipeg, au Manitoba. J'ai poursuivi mon parcours scolaire en immersion française à l'école secondaire à Edmonton, en Alberta. Je suis la preuve vivante que l'immersion française fonctionne même dans l'ouest du pays. J'ai poursuivi mes études postsecondaires entièrement en français dans le programme de sciences politiques et d'histoire au Campus de la faculté Saint‑Jean. Mes études se sont donc déroulées presque entièrement en français.
Force est de constater que l'accès aux études postsecondaires en français est semé d'embûches. Je suis heureux que le Comité se penche sur la question. J'espère que nous trouverons une solution qui permettra aux étudiants de poursuivre la totalité de leurs études postsecondaires en français.
Ma maîtrise du français m'a fourni une foule de possibilités. Récemment — l'an dernier —, j'ai suivi le programme de stage parlementaire à la Chambre des communes. J'ai travaillé avec un député du gouvernement et un autre de l'opposition dans un programme bilingue. Si je n'avais pas appris ma deuxième langue officielle, je n'aurais jamais déménagé à Ottawa pour y travailler en français et je n'aurais jamais profité de nombreuses autres possibilités du même type vraiment enrichissantes.
J'ai vraiment aimé ce que vous avez relaté dans votre témoignage.
Mon parcours est un peu différent du vôtre parce que je suis la fille d'immigrants grecs. Mes parents ont émigré de la Grèce en 1957. Je suis née à Montréal et je vis toujours dans cette ville. Mes enfants y sont nés. Lorsque j'ai eu l'âge d'aller à l'école élémentaire, ma mère — qui était un peu avant-gardiste — a voulu m'inscrire dans une école française, mais je n'avais pas le droit d'y aller. Les règles étaient très différentes à l'époque pour ceux qui n'étaient pas canadiens-français et catholiques. Je devais donc étudier en anglais.
Une génération plus tard, je suis heureuse de dire que mes deux fils sont parfaitement trilingues parce que j'ai eu les moyens de les envoyer dans une école française privée. J'étais consciente de l'importance d'être parfaitement bilingue dans notre beau pays. Je ne voulais pas que mes enfants se sentent désavantagés de ne pas parler les deux langues, comme c'est encore parfois mon cas aujourd'hui.
[Français]
Je suis vraiment fière de vous et de votre parcours.
Merci, madame Koutrakis.
Il vous reste deux minutes. Vous pouvez céder votre temps de parole à M. Iacono.
Monsieur Iacono, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
J'aimerais ajouter quelque chose à l'histoire de Mme Koutrakis parce que j'ai été aux prises avec la même situation. Dans les années 1970, mes parents ont voulu m'envoyer dans une école française.
Je précise qu'avant de venir au Canada en provenance de l'Italie, mes parents étaient allés vivre en France pendant cinq ans pour apprendre le français. Lorsqu'ils sont arrivés au Québec, ils ont voulu m'envoyer à l'école française. Nous avons été confrontés à la même impasse. Nous n'avions pas le droit de nous inscrire au système scolaire de langue française parce que nous aurions enlevé des places aux élèves francophones. Nous étions obligés d'aller à l'école en anglais.
Aujourd'hui, mon fils de 10 ans fréquente une école bilingue. Hier soir, mon épouse lui a dit: « Gabriel, parle-moi en français. » Il a obtenu de très bonnes notes récemment parce que nous le poussons à parler en français à la maison. Il réussit très bien et nous sommes fiers de son parcours. Nous sommes fiers de soutenir l'apprentissage des langues.
[Français]
[Traduction]
Nos témoignages démontrent que les immigrants et les nouveaux arrivants au Canada valorisent le bilinguisme et souhaitent vraiment que leurs enfants réussissent dans les deux langues officielles. Nos parcours le prouvent.
Du côté des données probantes, Statistique Canada révèle qu'environ la moitié des élèves inscrits aux programmes d'immersion française au Canada sont issus de l'immigration. Ces programmes n'attirent pas seulement les gens qui sont nés et qui ont grandi au pays, mais aussi les gens qui viennent au Canada et qui veulent être en mesure de saisir toutes les possibilités que le pays peut offrir.
[Français]
Je veux revenir rapidement à ce qu'ont mentionné Mme Koutrakis et M. Iacono. J'aimerais qu'ils me donnent l'année de ces refus et le nom des écoles qui les ont refusés. J'ai lu une étude selon laquelle un mythe se serait propagé à ce sujet. On en reparlera.
Ma question s'adresse à M. Dorion.
Dans votre étude, vous dites qu'il faut investir des fonds dès maintenant, et que la langue et la culture ont déjà perdu énormément de terrain depuis deux générations.
Quelles sont les perspectives d'avenir du français, à votre avis?
Il faut nettement investir dans les personnes déjà francophones. Si elles disparaissent toutes, on n'aura plus besoin du français comme langue seconde, ou alors ce besoin sera beaucoup moins grand.
Le problème, c'est que nos conseils et nos organismes croient que tous les ayants droit sont des personnes ayant le français comme langue principale. Ce n'est pas le cas du tout. Si on veut un service, on le demande dans la langue dans laquelle on est à l'aise. Si on est plus à l'aise en français, on le demande en français. Si on est plus à l'aise en anglais, on le demande en anglais.
On n'investit pas dans l'enfant qui est déjà francophone. Tous les autres investissements qu'on fait ne me posent pas de problème, sauf qu'il faut investir dans les personnes qui sont encore francophones, parce qu'elles tombent comme des mouches. Il faut vraiment y mettre de l'énergie, autant pour préserver ceux-là que pour aller en chercher d'autres.
Pour préserver l'enseignement par et pour les francophones, ne faudrait-il pas plus d'écoles? Si les écoles francophones sont à 200 kilomètres de chez soi, cela devient compliqué.
Il pourrait y avoir plus d'écoles francophones à certains endroits, mais il ne faut pas toujours se fier à la petite boîte traditionnelle qui caractérise l'école. On peut adopter des façons créatives. Oui, il faudrait offrir la possibilité d'apprendre en français à tous les francophones et ne pas avoir un nombre minimal trop bas.
Par exemple, à l'époque où j'étais conseiller scolaire, j'ai voté pour l'ouverture d'une nouvelle école à Barrie, chez nous. Comme je le disais, il y avait de 25 à 30 personnes non catholiques qui avaient droit à l'éducation en langue française. C'est pourquoi j'avais proposé qu'on ouvre une école pour prendre soin de ces 25 à 30 élèves, sachant que leur nombre allait augmenter. Peu de temps après, le surintendant nous est arrivé avec des comités d'admission d'anglophones. Je lui ai fait savoir que, non, ce n'était vraiment pas une école d'immersion que je voulais ouvrir, ce sur quoi il m'a répondu qu'on allait avoir l'air fou si on avait moins de 100 élèves. Pour lui, la question n'était pas de prendre en charge des élèves, mais d'éviter d'avoir l'air fou si on avait moins de 100 élèves dans une école.
En tant que conseiller scolaire, j'étais prêt à me battre jusqu'au bout pour ces 25 ou 30 élèves. On a donc ouvert l'école, et 92 % des enfants en première, deuxième et troisième années étaient de nouveaux ayants droit identifiés sur place. Les 8 % restants étaient déjà entrés par l'admission normale.
... parce qu'il y a trop d'élèves dans les écoles de langue française qui devraient être dans les écoles d'immersion.
Monsieur Dorion, je vais sortir la strappe.
Ouf, monsieur Beaulieu, vous êtes chanceux.
Monsieur Boulerice, je vais être généreux, aussi. Normalement, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai la chance de partager ma vie avec une personne pour qui le français est la troisième langue. On parle davantage ici des enfants de la loi 101. Aujourd'hui, elle travaille, elle fait ses communications exclusivement en français. Ce n'est pas tout à fait pareil, mais cela m'a un peu rappelé cela.
Madame Thibault, plusieurs personnes pensent que les institutions qui offrent le français langue seconde enlèvent des enseignants, des élèves ou des ressources aux institutions francophones. Comment voyez-vous cela? Est-ce la réalité?
Je ne crois pas que ce soit la réalité. Selon les rapports que nous avons sur l'immersion, environ 50 % des enseignants en immersion sont passés par l'immersion.
Personnellement, de profession, je suis enseignante de français langue seconde, ici, à Ottawa. J'ai enseigné en français de base et en immersion, et je dois dire que, malgré ce que le niveau actuel de mon français peut laisser croire, je n'avais pas la confiance ou la sécurité linguistique nécessaire pour enseigner dans une école francophone d'Ottawa. Je me sentais très à l'aise dans ma classe d'immersion, mais jamais je n'aurais eu la confiance nécessaire pour tenter de me faire embaucher par le conseil francophone. Il faut dire que je n'ai pas eu la chance de vivre complètement en français. Ma mère était irlandaise, et j'ai appris le français. Il est évidemment possible qu'une personne ait suffisamment confiance en ses capacités pour enseigner dans une école francophone. Je lui dis bravo!
Cela dit, monsieur Boulerice, je ne crois pas que les chiffres reflètent la réalité. Je crois qu'ils sont peut-être plus vrais dans le cas des régions éloignées, où on est content d'accueillir quelqu'un qui parle français, même si cette personne a suivi un cours d'immersion dans une école francophone. On est content de pouvoir offrir le programme.
De plus, les compétences sont différentes. Quand j'enseigne en langue seconde, j'utilise une méthodologie différente pour enseigner la langue à quelqu'un qui ne l'a jamais parlée. Les élèves francophones vont avoir de l'oreille pour le français, comme on dit. Les élèves anglophones ne sont pas encore en mesure de dire si on dit « le table » ou « la table ». On doit employer des stratégies d'enseignement pour les aider à bien entendre le français. Personnellement, je suis qualifiée pour enseigner le français langue seconde dans une école anglophone, mais je ne suis pas qualifiée pour enseigner le français dans les écoles francophones.
J'aimerais maintenant revenir aux responsabilités du gouvernement fédéral.
Trouvez-vous que le fédéral en fait assez en matière de recrutement et de rétention des professeurs dans les écoles francophones, surtout en région rurale?
Depuis la mise en place du Plan d'action pour les langues officielles, il y a eu des investissements spécifiques à ce sujet, et je crois qu'il s'agit d'un très bon début.
J'aimerais faire un commentaire, si vous me le permettez.
Le Commissariat aux langues officielles a publié, en 2019, un rapport intitulé « Accéder aux possibilités: Étude sur les difficultés liées à l’offre et à la demande d’enseignants en français langue seconde au Canada ». La première recommandation de ce rapport était de mettre sur pied une table nationale de consultation sur le français langue seconde, qui réunirait les ministères de l'Éducation de toutes les provinces, des organismes communautaires et le ministère du Patrimoine canadien, entre autres.
Cette table nous a beaucoup aidés sur le plan de la collaboration et de la coopération relativement à certains projets et à l'échange de projets qui fonctionnent bien. Par exemple, si je fais quelque chose en lien avec le recrutement, je peux parler à une autre province, qui pourra faire quelque chose de semblable.
Merci.
Que l'indiscipline à cette table est grande!
Vraiment, les propos des témoins sont intéressants. Je pense que le Comité va leur donner une « carte chouchou ».
Madame Gladu, vous avez maintenant la parole pour deux minutes, au maximum. Au bout de deux minutes, le couperet va tomber.
Par la suite, les libéraux vont disposer de cinq minutes.
Madame Gladu, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Mon rêve, c'est que notre pays soit vraiment bilingue. Quand j'étais jeune, j'ai appris le français à l'école, en deuxième année, parce que tout le monde devait parler les deux langues. Maintenant, on a mis cette bonne idée de côté. Toutefois, je pense qu'on devrait y revenir.
Mon temps de parole n'est que de deux minutes, mais j'aimerais poser une question à M. Dorion.
Que doit faire le gouvernement pour améliorer la situation?
Il s'agit d'une grande question.
On doit investir dans ceux dont le français est la langue maternelle, c'est-à-dire dans les francophones, et dans l'immersion. Honnêtement, on ne peut pas arrêter d'investir dans l'immersion, parce que celle-ci est nécessaire. De mon côté, je rêve d'un pays vraiment bilingue depuis 76 ans, et j'espère que mon rêve va se réaliser de mon vivant. Jusqu'à maintenant, il ne s'est pas réalisé.
Il y a deux communautés, mais la communauté anglophone est dominante. Les gens ne connaissent pas la réalité. Quand une langue et une culture font partie de nos tripes, il est très important de les garder vivantes. C'est là qu'on devrait investir.
Personnellement, j'aimerais que les écoles de langue française embauchent des animateurs culturels. Dans ma région, le conseil scolaire anglophone nous avait permis, à un moment donné, d'embaucher un animateur culturel dans chaque école.
Merci, monsieur Dorion.
Les deux prochaines minutes sont réservées aux libéraux, mais comme M. Lightbound me passe la rondelle, j'ai une question à vous poser, monsieur Dorion, simplement pour que ce soit transcrit, puisque nous devrons rédiger un rapport.
Monsieur Dorion
Tantôt, vous nous avez parlé de l'effet domino de la situation des ayants droit. D'après ce que j'ai compris de vos explications, dès qu'il y a un ayant droit dans une famille, toutes les générations ultérieures le deviennent aussi.
Toutefois, comment une personne qui n'est pas un ayant droit peut-elle le devenir et avoir le droit d'envoyer ses enfants à l'école en français comme ayant droit?
Par quel processus juridique un anglophone de famille anglophone peut-il devenir un ayant droit?
Il serait important de connaître l'intention de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés lorsque Jean Chrétien l'a présenté, il y a longtemps. Était-ce de reconnaître ceux qui étaient déjà là et certaines exceptions, ou bien était-ce d'ouvrir la porte toute grande? Malheureusement, nos conseils francophones ont abusé de la chose et sont allés beaucoup...
Excusez-moi, je perds un peu...
Cela se précise. Si je vous comprends bien, vous dites que, lorsque les conseils scolaires — ce sont donc les provinces — accordent des droits à des anglophones, qui ne sont pas ayants droit, pour que leurs enfants puissent fréquenter les écoles françaises. Les enfants qui naissent ensuite dans cette famille deviennent des ayants droit, ce qu'ils transmettent aux générations suivantes.
Est-ce ce que vous nous expliquez?
Ce sont les conseils scolaires qui sont à blâmer, ce sont eux qui les acceptent, sans prendre en considération l'effet sur le petit francophone.
Ce sont les ministères de l'Éducation qui accordent les droits aux conseils scolaires.
On peut donc croire qu'un conseil scolaire se trouvant dans une région éloignée va peut-être interpréter les choses à sa manière et changer les critères. Par exemple, si un parent approche le conseil scolaire en justifiant sa demande de droit par le fait qu'il parle bien français et qu'il va élever son enfant en français, le conseil va le lui accorder.
Les choses se produisent différemment selon les provinces et les conseils scolaires.
Dans votre étude, il sera vraiment important d'examiner les différents types d'interprétation.
Ce qu'on doit comprendre, au bénéfice du Comité, c'est qu'on interprète de façon assez large ce qu'est un ayant droit pour pouvoir aller combler ses effectifs scolaires. C'est cela, le cercle vicieux.
Comme il reste un peu de temps, je vais être généreux, monsieur Samson, parce qu'on vous connaît.
J'aimerais faire un commentaire, monsieur le président.
Vous auriez intérêt à participer au débat plus souvent, parce que votre question était très pertinente. Merci.
J'aimerais m'exprimer à ce sujet pour enrichir la définition d'ayant droit, parce que c'est plus large que cela.
Premièrement, la Cour suprême a dit que les conseils scolaires ont le droit d'accorder ce droit, et les provinces travaillent avec eux. Elles ont compris le principe.
Toutefois, il existe une autre façon de faire. Je vous donne l'exemple de deux anglophones de la Nouvelle‑Écosse qui ne parlent pas un mot de français et dont les parents déménagent au Québec. Ils fréquentent une école française au Québec pendant un semestre, et, dès leur retour dans leur province, ils sont des ayants droit qui peuvent aller à l'école française automatiquement.
Nous savons cela, parce c'est prévu dans la loi. Il suffit d'avoir fréquenté une école en français, peu importe pendant combien de temps.
Exactement.
Monsieur Dorion, au cours des cinq minutes de votre présentation, vous nous avez dit que des anglophones étaient devenus des ayants droit sans avoir obtenu aucun droit juridique et que l'effet domino des générations avait alors commencé.
On va chercher les anglophones, on les invite à pleines pages d'annonces dans le Toronto Star, en anglais seulement, à venir fréquenter nos écoles. Par contre, on n'assure aucun suivi une fois ce droit accordé. On leur donne les mots clés pour répondre. C'est comme passer un examen où toutes les réponses sont fournies à l'avance.
Il y a des exceptions. J'ai beaucoup d'amis anglophones qui sont très engagés. L'une d'elles, en particulier, est allée en vacances au Québec pour que ses enfants soient exposés au français. Il s'agit par contre d'une petite minorité. Les autres veulent seulement un droit d'entrée, et ils délaissent leur engagement par la suite.
Même l'école dit aux parents de ne pas s'inquiéter, qu'elle s'en occupe. Elle s'en occupe, mon œil!
Monsieur Dorion, je ne trouve pas que ce soit une mauvaise chose d'augmenter le nombre d'ayants droit, parce que ces personnes ont alors accès à de la formation en français. Pour les francophones, c'est un gain.
Cela dit, je comprends que ce n'est pas dans un environnement idéal, mais je vois d'un très bon oeil le fait d'augmenter le nombre d'ayants droit.
Cela peut être positif, mais je peux vous parler des amis de mes filles. J'ai quatre filles, qui sont adultes maintenant, et plusieurs personnes avec lesquelles elles sont allées à l'école ne comprennent plus le français aujourd'hui. Si le travail ne se fait pas à la maison, il n'arrivera rien.
Oui, mais il faut s'occuper des francophones pour les retenir. Sinon, il n'y a pas de raison d'exister.
Merci, chers témoins, d'avoir participé à ce débat et d'avoir répondu aux questions du Comité. Les langues officielles et l'éducation, surtout, sont des sujets passionnants pour les Canadiens, et c'est une belle étude que nous faisons.
Je vous remercie de votre patience. C'était votre première visite et, même si nous n'avons pas le mandat de le faire, si nous le pouvions, nous vous donnerions une « carte chouchou ».
Nous allons maintenant suspendre la séance momentanément pour passer à huis clos.
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