LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des langues officielles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 octobre 2022
[Enregistrement électronique]
[Français]
Je déclare la séance ouverte.
Je voudrais d'abord saluer le retour de M. Dalton au Comité permanent des langues officielles, le meilleur comité de la Colline du Parlement, et accueillir un nouveau venu, M. Brad Vis. Je suis enchanté de votre présence ici. Vous constaterez que c'est un beau comité.
Je souhaite la bienvenue à tous à la 35e réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 30 mai 2022, le Comité reprend l'examen du projet de loi C‑13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l'usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d'autres lois. La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Les députés peuvent ainsi y participer en personne ou au moyen de l'application Zoom.
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux qui utilisent Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et choisir le canal désiré. Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
J'invite les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole à bien vouloir lever la main. Les députés qui utilisent Zoom sont priés d'utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière du Comité et moi ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre des tours de parole. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe les membres du Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui comparaissent pendant la première heure de la séance et qui forment le premier groupe. Nous recevons d'abord l'organisme Impératif français, qui est représenté par son président, M. Jean‑Paul Perreault, sa trésorière, Mme Édith Gendron, et son agente d'administration et de développement, Mme Fêmi Abigaïl Houinsou. Nous accueillons également M. Jean‑François Parent, du Réseau de développement économique et d'employabilité du Canada, le RDEE, qui participe à la réunion en mode virtuel.
Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire son allocution d'ouverture. Bien que les députés y soient maintenant habitués, j'avise tout le monde que je suis très sévère quant au temps de parole, parce que cela permet à chacun de poser plus de questions.
Nous commencerons par Impératif français.
Monsieur Perreault, vous disposez de cinq minutes.
Monsieur le président et chers membres du Comité permanent des langues officielles, c'est évidemment avec plaisir que nous avons accepté votre invitation.
Je pense que la diversité culturelle mondiale est actuellement, à certains égards, sur la défensive. Le concept des nations est de plus en plus affaibli, les langues nationales et les autres langues internationales sont nécessairement poussées davantage dans le coin par l'américanisation et par l'anglicisation des préférences culturelles. Nous sommes dans un débat qui transcende de beaucoup celui du Québec, celui du Canada français et celui du Canada dans son ensemble.
Aujourd'hui, nous avons choisi une approche plus globale que la simple étude du projet de loi C‑13. Ce projet de loi ne peut pas répondre à l'ensemble de la situation d'infériorisation ou de banalisation que connaissent le français, la culture d'expression française, l'identité canadienne-française et l'identité québécoise. Il faut beaucoup plus que le projet de loi C‑13 pour répondre à cela. En effet, il faudrait notamment en repenser l'approche et la vision.
Dans un premier temps, je vais soulever différents éléments de réflexion. Il faut bien comprendre que lorsqu'on parle de langue française, on est au-delà du discours partisan.
Les députés ne doivent pas s'enfermer dans la vision de leur parti politique et s'imaginer que c'est celle qu'il faut promouvoir. À mon avis, il faut aller au-delà de la partisanerie et comprendre la situation pour que chaque parti politique développe une approche pour répondre au problème. En nous situant au-delà du discours partisan, nous avons ainsi certains commentaires à vous faire.
Il y a la non-reconnaissance ou la faible reconnaissance de l'asymétrie culturelle et linguistique au Canada. Le gouvernement fédéral, à sa façon, impose sa vision du bilinguisme et du multiculturalisme au Québec. De son côté, le Québec tente, sur son territoire, de protéger et de promouvoir son identité, sa culture et sa langue, pour en faire la seule langue officielle et la seule langue commune au Québec.
De plus, il y a l'inégalité engendrée par la vision symétrique du statut du français et de celui de l'anglais. La reconnaissance du statut ne pose aucun problème. Par contre, lorsqu'on réalise que la langue officielle française est minoritaire et, de surcroît, en déclin et en recul, il faut abandonner l'approche symétrique, non pas sur le plan de l'égalité des statuts, mais sur celui des ressources mises à la disposition du Québec et de la francophonie hors Québec.
Il y a aussi l'insuffisance des ressources fédérales. Si le français recule comme il le fait, c'est assez évident que c'est en bonne partie à cause de la vision fédérale. Il faut absolument augmenter, et de beaucoup, les fonds accordés à la production, à la diffusion et à la création d'une culture forte qui va servir à promouvoir et à faire rayonner la langue française.
Ma réflexion va bien au-delà du discours partisan, c'est vrai. Il faut réfléchir au surfinancement, au Québec, des établissements d'enseignement postsecondaire de langue anglaise au-delà de l'importance relative de la population de minorité historique, et même de langue maternelle anglaise, qui est de 7,6 %, ce qui contribue au sous-financement des établissements de langue française. Je parle ici de rayonnement et de prestige. Comme je le disais, cela occasionne le sous-financement des institutions universitaires de langue française, puisque 30 % de l'argent disponible est investi dans les établissements postsecondaires de langue anglaise.
Comment se fait-il que tout le monde reconnaisse, partout au Canada, incluant le Canada français et incluant le Québec, le recul du français?
Je ne vous demande pas de me donner une réponse, mais comment peut-on expliquer que les organismes qui œuvrent à la promotion et à l'avancement de la langue officielle majoritaire au Canada...
Je vous remercie, monsieur Perreault.
Pendant les tours de questions, vous pourrez commenter davantage.
Nous passons maintenant au gestionnaire de Recherche et analyse des politiques, du Réseau de développement économique et d'employabilité, ou RDEE, M. Jean‑François Parent.
Je vous cède la parole pour cinq minutes.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Chers membres du Comité, distingués invités, témoins et membres de l'auditoire, bonjour.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous exprimer aujourd'hui sur le projet de loi C‑13.
Avec plus de 430 000 entreprises francophones au pays, ce qui représente approximativement 19,5 % du PIB national et génère plus de 130 milliards de dollars en retombées économiques, la francophonie économique canadienne souhaite et doit impérativement faire partie des efforts de relance économique ainsi que de modernisation des éléments législatifs qui guident le plein développement des communautés de langue officielle au pays.
Les attentes sont élevées dans les communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire. Selon un sondage réalisé par l'entreprise TACT avec le groupe témoin en ligne Léger Opinion, 77 % des répondants disent souhaiter que le gouvernement en fasse davantage pour le développement économique des communautés francophones en situation minoritaire au pays. Les attentes des francophones sont donc élevées à l'égard de nos élus.
Alors que les restrictions et les répercussions de la pandémie commencent à peine à se résorber partout au Canada, quelques années après coup, et que la relance économique est en marche, et dès lors que nous faisons face à des défis sans précédent en matière de main-d'œuvre, notre organisme, le Réseau de développement économique et d'employabilité du Canada, ou tout simplement RDEE Canada, souhaite témoigner de son vif intérêt à l'endroit du projet de loi C‑13 et de son importance pour le plein développement des communautés francophones au pays.
Le 1er mars dernier, le gouvernement du Canada a présenté officiellement le projet de loi. Il vise principalement à modifier la Loi sur les langues officielles et certaines lois connexes, et particulièrement à créer une loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Cette dernière prévoit de nouveaux droits pour les employés et les consommateurs dans les régions à forte présence francophone. En effet, cette loi reconnaîtrait le droit de travailler en français et de recevoir des communications et des services en français dans les entreprises de compétence fédérale.
Au RDEE Canada, nous nous posons la question suivante. Pourquoi ces dispositions n'étaient-elles pas incluses depuis plusieurs années dans la législation? La nouvelle loi s'appliquerait, après tout, notamment aux institutions bancaires, aux entreprises de transport ferroviaire et routier interprovincial et international, ainsi qu'aux entreprises de transport aérien et maritime, de téléphonie et de câble. Ces entreprises représentent des acteurs importants de notre économie nationale et touchent des millions de Canadiennes et de Canadiens chaque année. Selon les toutes dernières données du recensement de 2021, la vaste majorité de ces entreprises commercent régulièrement avec certains des 2,7 millions de francophones vivant en contexte minoritaire.
Au cours de la dernière année, dans la presse et dans nos communautés, nous avons été témoins des nombreux débats portant sur l'importance que revêt le nouveau projet de loi. Chez nous, au RDEE Canada, ce dernier revêt une importance capitale, car il s'agit d'un projet ayant le potentiel d'avoir un effet de levier dans la prise en compte de la dimension francophone dans le développement des entreprises en sol canadien. Historiquement, la question linguistique a souvent été reléguée au second plan devant les décisions d'affaires. Nous souhaitons préconiser une autre approche, soit celle où le français a un statut d'équité réelle avec l'anglais d'un océan à l'autre.
Dans un article paru le 9 juin dernier dans L'actualité, on peut lire ce qui suit: « Le projet de loi C‑13 engendrera des coûts ponctuels de 240 millions $ pour les entreprises afin qu’elles se dotent de superviseurs bilingues, estime le directeur parlementaire du budget, dans un récent rapport. »
Cet article parle de coûts. Toutefois, dans notre vision des choses, cette logique semble un peu erronée. Nous devrions plutôt parler d’investissements, soit un investissement fort dans la capacité des entreprises à répondre adéquatement aux besoins des employés, de la main-d'œuvre et des communautés de langue officielle en situation minoritaire, ce que d'ailleurs bien trop d'entreprises privées ne peuvent faire à l'heure actuelle.
Nous devons bâtir des bases solides sur lesquelles les générations futures pourront s'appuyer et faire vivre et prospérer les communautés de langues officielles au pays.
Autrement, si nous ne prenons pas adéquatement en considération la dimension linguistique, de même que les dimensions économiques et sociales, dans l'équation, nous risquons de faire perdurer le déclin du fait français au Canada.
Je vais donc l'abréger.
Je dirai, pour terminer, que nous ne souhaitons pas la folklorisation du fait français à moyen terme. Au contraire, nous voulons voir le fait français devenir un puissant moteur de développement économique et communautaire au pays.
C'était d'ailleurs entièrement l'objet du sommet national que nous avons tenu les 28 et 29 septembre derniers.
Merci beaucoup, monsieur Parent. Vous pourrez nous donner plus de détails au fur et à mesure que des questions vous seront posées.
Nous allons maintenant passer à la première série de questions. Le temps imparti sera de six minutes. Comme je l'ai dit déjà, je suis strict en ce qui concerne le temps, de façon à ce que tout le monde dispose du temps voulu pour ses questions.
Je cède la parole au premier vice-président du comité.
Monsieur Godin, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de se prêter à cet exercice. Comme je le dis très souvent, vous nous aidez à être meilleurs.
Ma première question s'adresse à l'organisme Impératif français.
Monsieur Perreault, vous avez parlé, lors de votre allocution d'ouverture, du surfinancement de l'éducation en langue anglaise au Québec, que vous chiffrez à 30 %.
Pouvez-vous me dire d'où vient cet argent?
Il provient aussi bien de financement privé que de financement public. On parle néanmoins de 30 %. Ces chiffres sont documentés.
Le pourcentage que représente la population de langue maternelle anglaise au Québec est de 7,6 %.
Laissez-moi terminer. Vous allez comprendre avec nous...
Je veux préciser que je dispose de six minutes seulement et que je dois par conséquent maintenir un rythme très rapide. J'ai aussi des questions à poser à l'autre témoin.
Ma question est la suivante. Vous avez dit, concernant les 30 % de sur financement, qu'ils provenaient de financement privé et public. Quand vous parlez de financement public, s'agit-il du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial? Comme on le sait, l'éducation est de compétence provinciale.
Le surfinancement de 30 % qui vient de financement public est-il en grande partie attribuable au gouvernement fédéral ou au gouvernement provincial?
Peu importe, étant donné que le total est de 30 % pour une population de langue maternelle. Ici, je ne veux pas dire « historique ». Quand la Constitution a été adoptée, c'était pour la minorité historique qui existait à ce moment-là. Tout ce qui s'est ajouté, en matière de langue maternelle de langue anglaise, n'est pas à proprement parler soumis à cette même vision et devrait, selon nous, s'intégrer au système scolaire de langue française. Trente pour cent, c'est trop.
Si le gouvernement, dans ses programmes...
Monsieur Perreault, je suis obligé de vous interrompre. Je vous remercie de cette information. Toutefois, ce n'est pas clair pour moi. Il faut peut-être faire des vérifications auprès du gouvernement du Québec à ce sujet.
Il faut peut-être corriger le tir du côté fédéral, mais le fédéral n'a pas à porter l'odieux de la totalité des 30 %...
Un instant, monsieur Godin, j'arrête l'horloge.
On me dit qu'il y a des difficultés techniques du côté de l'interprétation, mais je n'en suis pas certain.
Vous n'avez utilisé que deux minutes et cinq secondes, monsieur Godin.
Nous allons maintenant revenir aux questions.
Merci, monsieur le président.
Je vais adresser ma prochaine question au représentant du Réseau de développement économique et d'employabilité du Canada.
Je comprends tout le processus. Vous nous avez dit que, par le passé, des choses avaient été mal faites. Comme vous le savez, on ne peut pas changer le passé, mais on peut changer l'avenir.
Monsieur Parent, quelles sont, selon vous, les trois priorités que l'on devrait retrouver dans le projet de loi C‑13?
C'est une très bonne question.
Premièrement, pour répondre aux questions qui touchent la main-d'œuvre, il devrait y avoir des mesures distinctes pour l'immigration francophone en contexte minoritaire. C'est d'ailleurs un avis que partage la Fédération des communautés francophones et acadienne, le FCFA. Cela répondrait pleinement aux questions de main-d'œuvre francophone dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Deuxièmement, il faudrait s'assurer que les entreprises de compétence fédérale permettent une pleine représentation, une pleine équité, quand il s'agit de consommateurs et d'employés francophones en contexte minoritaire.
Troisièmement, il faudrait définir plus précisément ce que représente officiellement une minorité de langue officielle en situation minoritaire. C'est assez flou, en termes législatifs, et nous aimerions le préciser davantage, notamment pour favoriser la recherche qui est faite sur les entreprises en contexte minoritaire. Une définition plus précise permettrait de faire avancer divers aspects, dont tous les travaux qui sont faits présentement par Statistique Canada sur le sujet.
Selon le projet de loi C‑13, une entreprise de Regina, un aéroport, doit se conformer au bilinguisme. Vous comprendrez, en ce qui concerne cette entreprise, qu'il y a une pénurie de main-d'œuvre et que l'accès à des francophones est un problème. Cet aéroport doit offrir le service bilingue, à parité, mais après avoir fait les démarches nécessaires et les appels de candidatures, elle n'a toujours pas les effectifs requis. Personne ne répond à cet appel de candidatures afin de venir travailler en français à Regina. Ces gens ne possèdent pas cette compétence.
Que fait-on de cet aéroport?
Ne pourrait-on pas, par exemple, créer des programmes d'apprentissage de langue seconde pour les personnes qui y travaillent déjà et qui pourraient en profiter?
Plusieurs possibilités s'offrent aux entreprises qui souhaitent avoir une représentation équitable des deux langues officielles dans leurs opérations. Si le bassin de main-d'œuvre ne permet pas d'aller chercher cet équilibre, il est possible également de développer les compétences au sein même de l'entreprise en créant des programmes d'apprentissage de langue seconde. Il n'y a pas toujours qu'une seule solution; plusieurs solutions peuvent être apportées à l'équation.
Vous avez parlé d'immigration francophone. Selon moi, le gouvernement traite les anglophones et les francophones de façon non équitable, actuellement. Les délais de traitement sont pratiquement trois fois plus longs pour les francophones.
Quelle serait votre priorité, d'une part, pour répondre aux besoins de vos membres en matière de développement économique et, d'autre part, pour protéger la langue française?
Il s'agirait de créer un parcours spécial pour l'immigration francophone en contexte minoritaire et les immigrants économiques, ceux qui ont des compétences recherchées dans le marché du travail au pays.
Merci, monsieur Parent.
Les prochaines questions seront posées par M. Drouin.
Monsieur Drouin, vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins qui sont parmi nous, en personne ou de façon virtuelle.
Ma première question s'adresse aux représentants d'Impératif français.
Monsieur Perreault, je vous salue. Je tiens à informer les membres du Comité que M. Perreault a déjà été mon enseignant, il y a plus de 15 ans...
M. Perreault m'a enseigné les statistiques, et je peux assurer aux membres du Comité que, même à la Cité collégiale, M. Perreault était strict en matière de français dans nos salles de classe. Il exigeait que tout le monde parle en français. Je le remercie de m'avoir donné la chance...
Bon, passons aux choses sérieuses.
Vous avez dit que le projet de loi C‑13 était un outil, mais que ce n'était pas cela qui allait défendre la francophonie. Je crois que c'est la même chose pour le projet de loi no 96 de l'Assemblée nationale. Ce sont des outils importants, mais il y a un ensemble d'outils qui doivent être appliqués. Je remarque de plus en plus que parler français est un choix, mais c'est encore plus vrai sur le plan international, où nous sommes présents, mais pas majoritaires, non plus. Nous avons la chance de parler en français avec certains membres du Comité, ainsi qu'avec d'autres parlementaires à l'international, mais nous réalisons que c'est quand même un choix que nous devons faire.
Comme je sais que vous êtes impliqué dans la défense de la langue française, monsieur Perreault, ma question portera sur les jeunes, qui passent beaucoup plus de temps sur leur téléphone et dans le monde virtuel, où les barrières géographiques n'existent pas. Selon vous, comment pouvons-nous nous assurer que du contenu français est disponible dans une mer de contenu anglophone?
Je ne pointe pas du doigt les anglophones, je ne fais que constater que le monde numérique est un monde largement anglophone. Même dans le domaine de la recherche scientifique, on s'aperçoit que, proportionnellement, le français est presque inexistant. C'est une question dont on discute non seulement au Québec, mais à l'international aussi.
Selon vous, que devons-nous faire, et est-ce que le projet de loi C‑13 pourrait nous donner un coup de main à cet égard?
La raison pour laquelle nous sommes ici, c'est justement pour inventer, pour penser et pour réfléchir à des programmes ou à des moyens de réaménager les structures afin que le français ne tienne pas uniquement une position de défense. Je pense que la francophonie canadienne et le Québec valent beaucoup plus que cela. Ce qu'il faut mettre en place, c'est une position qui permette à la langue française et à tout ce qui l'entoure, comme la culture et les communications, de prendre une position de rayonnement et d'avancement.
Vous nous parlez d'une présence déficitaire du produit français et d'une surconsommation du produit anglais dans les médias sociaux. Comme la démarche d'aujourd'hui ne se limite pas au projet de loi C‑13, nous pourrions nous lancer dans une réflexion et nous demander quels moyens peut prendre le gouvernement fédéral pour accroître la présence du français sur les réseaux sociaux. Nous pouvons poser la question aux municipalités aussi, ainsi qu'au gouvernement du Québec et aux gouvernements anglophones des provinces anglophones. Pourquoi pas? Que peuvent-ils faire pour accroître la présence du français sur Internet?
À mon avis, il y a sûrement des moyens. Nous sommes capables de faire de grandes choses, pas uniquement en anglais. Si la société le veut, elle va développer des moyens, notamment des programmes de présence dans les universités, dans les cégeps et dans les écoles secondaires. On peut penser à des programmes de financement de la création virtuelle ou électronique dans les médias sociaux et sur Internet. Une fois le problème constaté, il s'agit non pas de s'en servir pour inférioriser le français ou le banaliser davantage, mais plutôt de se demander ce que nous pouvons faire dorénavant.
C'est notre mandat, et beaucoup le vôtre également. Vous venez de cerner un problème sérieux, monsieur Drouin. Il est vrai que, chez les jeunes, il y a surconsommation de médias sociaux en anglais.
Merci beaucoup.
Je poserai la même question à M. Parent. Je connais le Réseau de développement économique et d'employabilité, ou RDEE Canada, et la Société Économique de l'Ontario, ou SEO.
Le projet de loi C‑13 comporte des dispositions sur l'immigration. En êtes-vous satisfait ou avez-vous en tête une amélioration ou un changement qui pourrait être apports au projet de loi sur la question?
Je crois que, peu importe sa forme, tout projet de loi peut être amélioré.
Nous sommes d'avis que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C‑13 devrait être modifié afin de prévoir un parcours distinct pour l'immigration économique francophone dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cet avis est d'ailleurs partagé non seulement par la SEO ou RDEE Canada, mais aussi par d'autres organismes de la francophonie canadienne, dont la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, ou FCFA.
Le sujet est abordé partiellement dans le texte du projet de loi, mais il faudrait préciser en quoi consisterait précisément un tel parcours.
Merci, messieurs Parent et Drouin.
La prochaine question sera posée par M. Mario Beaulieu, deuxième vice-président de ce comité.
Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins.
Je vais revenir à ce que M. Godin a dit plus tôt. Entre les années 2000 et 2017, le gouvernement fédéral a versé plus de 35 % des montants alloués aux universités anglophones. Seulement pour l'année de 2017, cette proportion s'élevait à 38,4 %, ce qui représente 363 millions de dollars, une somme assez importante.
Je sais que vous n'avez pas fini votre présentation, monsieur Perreault. Avez-vous d'autres éléments importants à soulever?
On a soulevé, tout à l'heure, la situation dans les aéroports.
Quelle est l'image internationale du Canada?
De fait, c'est l'image d'un pays anglophone, admettons-le. Dans les ambassades et les consulats canadiens, essayez de trouver du français. Vous allez peut-être en trouver, mais très peu. L'image du Canada comme pays francophone, cela n'existe pas.
Je vous donne un exemple visuellement très fort. Pensez à l'effet sur l'immigration. Si les ambassades et les consulats canadiens à l'étranger projettent sur leurs sites Internet d'accueil l'image d'un pays anglophone, je ne pense pas que cela encouragera beaucoup l'immigration francophone. Avant de venir ici, l'image qu'ont les immigrants est celle d'un pays anglophone.
Je vous donne un exemple personnel, monsieur Beaulieu.
Je reviens du Sud, où je suis allé passer mes vacances d'hiver. J'arrive à l'aéroport d'Ottawa, dans la capitale fédérale, comme n'importe quel immigrant, réfugié ou touriste de l'étranger. Sur tous les panneaux des kiosques d'accueil, il est écrit: « English agents — Agents anglais », mais il y a deux kiosques où il est écrit: « Bilingual agents — Agents bilingues ».
Cela ne m'a pas pris grand temps à comprendre qu'il y a deux langues au Canada: le français et le bilingue. Il n'est pas étonnant de constater que 90 % des Canadiens anglais sont unilingues, et qu'au Québec, avec la vision voulant que le français soit bilingue, il y ait un phénomène d'érosion.
Cela fait plaisir à l'« anglosphère », parce que cela lui permet, par l'anglicisation des citoyens, de remplir ses universités, ses cégeps, ses stations de radio, ses médias, nommez-les.
Je vais continuer dans la même veine.
Vous parlez de bilinguisme. Au fond, le modèle canadien, c'est le bilinguisme institutionnel. C'est ce qui est imposé au Québec par la Loi sur les langues officielles, alors que le modèle québécois veut faire du français la langue commune sur le territoire du Québec.
Si toutes les interventions du gouvernement fédéral visent toujours à augmenter les services en anglais pour assurer le bilinguisme, en quoi cela assure-t-il l'avenir du français?
En Amérique du Nord et au Canada, cette égalité de statut est bonne pour le français. Par contre, quand on met tous les programmes sur le même pied d'égalité, la langue officielle minoritaire sera hautement défavorisée. L'égalité sur le terrain se mesure par la disponibilité des ressources à la création, à la diffusion et à la production. Quand le gouvernement fédéral choisit de donner des subventions au Québec...
Attention! La langue française est la langue minoritaire. La langue française au Canada, c'est celle qui recule, c'est celle qui est poussée dans le coin. C'est celle qu'on veut arracher systématiquement. Le mot est juste: on l'arrache tranquillement. On l'a arrachée ici, à Hull, sur les panneaux de la CCN, qui a exigé de la Ville de Gatineau d'avoir des panneaux en français et en anglais. Pour pouvoir respecter cette vision du bilinguisme, on a arraché le français au Québec. Bien sûr, on avait enlevé l'anglais, mais on a arraché le français au Québec.
Quel geste de violence incroyable a posé le gouvernement fédéral par l'entremise de la Commission de la capitale nationale, qu'on devrait d'ailleurs appeler la « Commission de la capitale fédérale »! La capitale nationale, pour un Québécois, c'est Québec. Ottawa, c'est la capitale de la fédération canadienne. Dans cette appellation, le mot « nationale » est inapproprié, à mon avis.
Je suis bien d'accord avec vous.
Selon plusieurs chercheurs, dont Charles Castonguay, et le ministre de la Langue française du Québec, pour assurer l'avenir du français et maintenir le poids démographique des francophones, il faudrait qu'au moins 90 % des transferts linguistiques soient destinés aux programmes en français.
Or le gouvernement fédéral se base sur la première langue officielle parlée pour déterminer les services à offrir en anglais. Au Québec, cela inclut 33 % des immigrants. On veut obtenir 90 % de ces transferts, mais le gouvernement fédéral fait en sorte d'angliciser ces 33 % de la population du Québec. C'est donc dire qu'il travaille à la minorisation du français au Québec.
Êtes-vous d'accord sur cela?
Merci, monsieur Beaulieu.
C'est une excellente question, mais on va devoir y revenir plus tard.
Nous avons un petit vent du Manitoba. Madame Ashton, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d'aujourd'hui.
Ma question s'adresse à M. Perreault et à M. Parent.
Nous avons analysé les chiffres du ministère de l'Immigration en nous fiant aux données relatives aux résidents permanents admis en 2019. Les 10 principaux pays sources d'immigration fournissent 61 % des immigrants qui arrivent au Canada. Parmi ces 10 pays, six ont l'anglais comme seule langue officielle ou parmi leurs langues officielles. Aucun de ces pays n'a le français comme langue officielle. Ce sont 45 % des nouveaux arrivants qui proviennent de ces six pays. Ajoutons à cela une présence consulaire minimale en Afrique francophone, par exemple, et nous commençons à voir le portrait expliquant l'échec de la politique du gouvernement fédéral.
Monsieur Perreault et monsieur Parent, qu'est-ce que ces chiffres disent sur les efforts entrepris par le gouvernement fédéral pour attirer des francophones au Canada?
Oui, je peux répondre brièvement à la question.
Madame Ashton, vous avez soulevé un très bon point, soit la présence consulaire dans les pays d'intérêt pour la francophonie canadienne. Malheureusement, la présence du Canada en Afrique n'est pas proportionnelle à l'intérêt du pays envers la francophonie canadienne.
D'ailleurs, certaines initiatives menées par Affaires mondiales Canada, par le Service des délégués commerciaux ou d'autres services connexes, par exemple, sont minimales par rapport à ce que cela représente pour contrecarrer le bassin de francophones qui devraient normalement arriver au pays, mais qui n'arrivent pas.
J'ai participé à une consultation d'Affaires mondiales Canada, il y a quelques jours. On y mentionnait que, dans les consulats et ambassades, la valeur moyenne des dépenses en lien avec la programmation francophone était de seulement 2 000 $ par ambassade, en moyenne, ce qui est vraiment minimal. Il y a toute la question de la non-représentativité et de l'iniquité par rapport à la place du français à l'international. Il est nécessaire de rééquilibrer cela.
Je pense que le Québec réclame la compétence exclusive en matière d'immigration, soit une approche territoriale. C'est une approche que je valorise énormément, car une nation qui se respecte ne peut accepter qu'une autre lui dicte ses volontés. Le concept de nation est important.
L'immigration joue énormément sur la situation d'une nation et son avenir. À mon avis, tout le secteur de l'immigration devrait relever du Québec. Quant à ce que le Canada ferait à l'endroit des minorités francophones hors Québec, j'ose espérer que, dans le sens d'un partenariat égalitaire, le Canada anglais ouvrirait la porte à une immigration francophone encore plus forte.
Ce n'est pas étonnant qu'on reçoive autant d'immigrants anglophones, puisque le gouvernement du Canada multiplie les ententes internationales. Si le Canada avait été français, pensez-vous que les liens extérieurs se feraient davantage avec l'ensemble de la Francophonie? Bien sûr, ce serait le cas. Cependant, en se définissant par l'anglais, le Canada rayonne internationalement. Il y a un peu de français, en façade seulement.
Les immigrants veulent venir dans un pays où le confort est assez élevé. Vous comprendrez que ce sont des anglophones qui immigrent, ce qui nuit au Canada français et au Québec. En fait, 50 % des immigrants allophones qui optent pour une autre langue d'usage que la leur optent pour l'anglais alors qu'ils immigrent au Québec. Cela ne fonctionne pas. Il faudrait que 90 % des immigrants optent pour le français.
Vous parlez de recul. L'immigration et l'éducation sont centrales. En principe, l'éducation ne relève pas du gouvernement fédéral. Dans ce cas-là aussi...
Je suis désolée de vous interrompre, mais vous arrivez à ma prochaine question, qui porte sur l'éducation.
Ma question s'adresse à M. Parent.
Je vous remercie, monsieur Perreault, des éléments que vous avez soulevés.
Monsieur Parent, la RDEE, la FCFA et l'ACUFC ont dernièrement publié un rapport sur les besoins de main-d’œuvre au sein des communautés francophones et acadiennes.
Les faits saillants que vous nous avez transmis reflètent ce que le Comité a entendu. Il y a une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, ce qui menace la vitalité des communautés francophones.
Avons-nous suffisamment de personnel pour enseigner le français aux ayants droit et à ceux qui veulent l'apprendre?
Y a-t-il une demande à l'étranger de la part de potentiels enseignants francophones qui veulent venir au Canada pour travailler dans nos systèmes scolaires?
D'emblée, la réponse est non. Il n'y a pas suffisamment de personnel pour répondre à la demande. Le rapport indique d'ailleurs que ce constat est général. Toutes les régions du Canada connaissent des pénuries de main-d'œuvre, et ce, dans les neuf secteurs d'activité, y compris celui de l'éducation, sur lequel nous nous sommes basés pour réaliser l'étude.
Cela dit, il y a une forte demande sur le plan international, ce qui soulève également la question de la reconnaissance des diplômes, qui demande encore beaucoup de travail, malheureusement. Il y a tout un travail à faire pour arrimer le parcours distinct d'intégration de l'immigrant aux besoins en main-d'œuvre...
Merci, monsieur Parent.
Vous pourrez développer votre idée davantage plus tard.
Cela complète le premier tour de questions.
Pour commencer le deuxième tour de questions, je cède la parole à notre nouveau venu, monsieur Vis.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
J'ai le très grand plaisir d'être ici, aujourd'hui. Comme je vous l'ai déjà dit, le Nord du fleuve Fraser, en Colombie‑Britannique, est bien représenté aujourd'hui.
Au début de la réunion, quelqu'un m'a dit que le mot français « vis » se traduisait par « screw ». Or, ma famille vient des Pays‑Bas et, là-bas, le mot signifie en fait « poisson ». Alors, pensez à moi comme à un poisson plutôt qu'à un « screw ».
Monsieur Perreault, je vous écoutais parler de la protection du français avec passion. J'aimerais maintenant vous parler un peu de ma situation personnelle.
J'ai un fils de six ans qui veut apprendre le français. Il a participé à un tirage dans le système d'éducation en Colombie‑Britannique pour avoir une place dans une école francophone. Quand il y est arrivé, cette année, pas un seul professeur ne pouvait parler français. En Colombie‑Britannique, beaucoup de parents voudraient que leurs enfants reçoivent une éducation dans la deuxième langue officielle du Canada, mais nous ne sommes pas capables d'accorder ce droit constitutionnel à mon fils et à des milliers d'autres enfants de la province, qui n'ont ni la chance ni l'occasion de s'exprimer dans les deux langues officielles.
Comment pouvons-nous changer cette situation?
Est-ce une question de transferts du gouvernement fédéral? Ce dernier devrait-il établir des mesures incitatives pour obtenir plus de professeurs et pour s'occuper du problème du manque de main-d'oeuvre?
Au rythme où, dans ses provinces anglophones, le Canada assimile les francophones, il n'est pas étonnant qu'il manque de main-d'œuvre pour enseigner le français. Bien que ce soit dans des proportions moindres, au Québec aussi, il y a beaucoup de francophones dont la langue principale est devenue l'anglais compte tenu du contexte, malheureusement. Avec le temps, la langue maternelle se perd. On connaît les phénomènes d'assimilation hors Québec.
Maintenant, vous voulez agir sur ce plan, soit. Bravo! La dame qui intervenait plus tôt parlait d'immigration. Si le gouvernement de la Colombie‑Britannique veut des professeurs francophones et qu'il n'en trouve pas à l'intérieur de ses frontières, qu'il cherche à l'international. Cela remplirait l'objectif de M. Parent, qui demande une augmentation de l'immigration francophone. L'argent est là, et on est capable d'aller en chercher. Dans des pays comme le Gabon, le Maroc, la Suisse, la Belgique ou la France, il y a sûrement des gens qui seraient très heureux d'enseigner le français partout au monde, moyennant quelque accomodement. En disant « partout au monde », j'inclus bien sûr la Colombie‑Britannique, monsieur Vis.
Absolument.
Il y a un intérêt grandissant relativement aux programmes d'enseignement francophone en contexte minoritaire. Les programmes principalement en français, tels les programmes en immersion, sont mesurés depuis plusieurs années. Non seulement cela témoigne d'un appétit de comprendre la réalité canadienne et de vivre dans les deux langues officielles, mais cela représente également plus de débouchés et de possibilités sur le marché de l'emploi après coup pour les jeunes qui apprennent le français.
Dans une logique de construction économique de la nation, il faut pouvoir stimuler cet appétit à l'égard de l'enseignement du français, car cela peut ensuite créer des occasions de développement professionnel pour les bénéficiaires. Il s'agit d'un investissement qui est souhaité de la part des Canadiens. Le fait d'investir davantage dans l'immigration, spécialement pour l'enseignement en contexte minoritaire, représenterait une valeur ajoutée pour le gouvernement.
Vous avez parlé tantôt de la situation dans les aéroports fédéraux ou autres institutions fédérales. En Colombie‑Britannique, j'ai essayé récemment de parler en français avec quelqu'un à l'aéroport ou à Service Canada, par exemple, et il est presque impossible d'obtenir des services dans les deux langues officielles.
Comment pourrions-nous améliorer le niveau de français des travailleurs dans les institutions fédérales?
Merci, monsieur Vis, c'est une excellente question.
Nous allons maintenant céder la parole à Mme Arielle Kayabaga pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord remercier nos invités d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous.
Monsieur Parent, le projet de loi C‑13 oblige le ministère de l'Immigration à se doter d'une politique intégrée d'immigration francophone avec des indicateurs, des marqueurs et des cibles. .
Selon vous, quel en sera l'impact sur le poids démographique de la population francophone, sur la vitalité du français et, dans son ensemble, sur notre pays?
Si nous avions un cadre spécifique pour mesurer l'immigration francophone au pays, cela permettrait aux organismes et aux institutions qui travaillent dans le secteur d'avoir une meilleure mesure de l'évolution de l'immigration francophone au pays. Cela permettrait de faire des suivis plus approfondis sur le sujet.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir récemment avec des chercheurs, comme M. Guillaume Deschênes‑Thériault qui a collaboré à l'étude du commissaire aux langues officielles sur la question de la cible en immigration de 4,4 % en contexte minoritaire. Ce genre de données permettrait de développer des modèles prédictifs et d'assurer un meilleur suivi auprès d'IRCC. Certaines données étaient disponibles en 2003, 2008, 2019 et 2021. Cependant, il y a quand même des écarts à combler en matière d'accessibilité aux données sur l'immigration, et plus particulièrement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Il s'agirait d'avoir un cadre de reddition, des objectifs précis et de meilleures données métriques qui permettraient de faire des suivis plus réguliers et assidus, idéalement d'année en année, et de voir dans quelle mesure on pourrait rétablir les seuils d'immigration en contexte minoritaire. Il s'agirait idéalement d'avoir une cible réparatoire au cours des prochaines années.
Je vous remercie de votre réponse.
Votre organisation plaide aussi pour un programme distinct pour l'immigration francophone, qui ne serait pas mixte, comme solution pour recruter une main-d'œuvre francophone qualifiée.
Pourriez-vous nous parler davantage de la façon dont cela pourrait se réaliser? Dans quel sens voyez-vous cela?
En fait, il y a toute une adéquation à faire avec le projet de recherche qui a été souligné par Mme Ashton, précédemment, concernant les besoins en main-d'œuvre spécifique des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Dans certaines communautés, les besoins se recoupent. Il y a plusieurs milliers d'emplois non comblés dans différentes communautés.
Un tel programme permettrait de valoriser, en premier lieu, l'immigration économique et de combler directement des besoins existant sur le terrain. Ce ne serait pas facile à faire parce que cela nécessiterait une étude pour déterminer les besoins qui devraient être segmentés par communauté et par municipalité. Cependant, cela aurait un effet direct sur la main-d'œuvre.
Ainsi, un tel programme pourrait être élaboré sur mesure pour répondre adéquatement à des besoins et plus particulièrement aux difficultés éprouvées d'un océan à l'autre.
Vous êtes d'accord sur le fait que nous pouvons recourir à plusieurs méthodes pour en arriver à une approche visant à accroître l'immigration francophone à l'extérieur du Québec. C'est une bonne approche qui contribuerait à renforcer des communautés minoritaires pour qu'elles aient cette main-d'œuvre; elle contribuerait également à réaliser cette harmonie dans la francophonie de partout au Canada.
Exactement. Cela permettrait d'avoir une approche ciblée qui répondrait directement aux besoins des communautés, et qui serait définie par et pour les communautés elles-mêmes. Il faut considérer toute cette approche de « par » et de « pour » dans l'équation, afin d'avoir un programme distinct qui répond aux exigences du terrain, mais aussi à l'évolution de la représentation des communautés francophones au Canada.
Selon les dernières statistiques, on sait que le français est en recul proportionnellement dans les communautés. Cependant, si on regarde les nombres absolus, on constate que le nombre de francophones augmente légèrtement. Il faudrait donc comprendre ces réalités et considérer comment un tel programme pourrait répondre aux besoins particuliers, par exemple, du Grand Nord de l'Ontario ou de l'Ouest canadien. Les besoins de ces régions diffèrent de ceux de l'Acadie ou du Sud de l'Ontario.
Merci.
Monsieur Perreault, je reviens à une question que je vous ai posée plus tôt. En vertu du critère de la première langue officielle parlée, le gouvernement fédéral veut s'assurer que 33 % des immigrants au Québec ont accès à des services en anglais partout.
Est-ce que cela ne correspond pas à un effort visant à rendre minoritaires les francophones au Québec?
C'est une question de vision. Tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral n'afoptera pas une approche territoriale à l'égard du Québec et qu'il appliquera au Québec ce qu'il consent aux francophones hors Québec, on ne réglera pas le problème. Entre vous et moi, c'est une approche symétrique, mais on sait très bien que la situation n'est pas symétrique. Le Québec, en Amérique du Nord et au Canada, est dans une situation spéciale.
S'il y a un souci véritable, au Canada, de voir le Québec et, par conséquent, la francophonie nord-américaine, se développer, il va falloir que le gouvernement fédéral laisse tomber cette approche selon laquelle on fait au Québec ce que l'on fait au Canada hors Québec. Non, cela ne peut pas fonctionner! Sachez que 50 % des étudiants à l'Université McGill sont non anglophones. Cela représente tout un bassin de recrutement pour le français, et le fédéral donne des millions de dollars à des organismes au Québec pour faire la promotion de l'avancement et du rayonnement de l'anglais. Ils ont besoin d'étudiants dans leurs cégeps et leurs universités. Où vont-ils les chercher? Grâce aux programmes de bilinguisation et d'anglicisation des francophones, ils s'assurent une clientèle supplémentaire.
Entre vous et moi, c'est une astuce, une manipulation politicienne pour maintenir le déséquilibre. Le mot est fort, mais admettez-le, cette vision est la cause de l'affaiblissement de la francophonie au Québec et de la langue française. Quand le fédéral donne de l'argent à des organismes de promotion de l'anglais au Québec, que pensez-vous qu'ils font? Ils en auraient besoin, au Canada hors Québec...
Prenez cet argent-là et envoyez-le aux organismes de promotion du français hors Québec.
Je suis désolé, monsieur le président. J'ai triché et j'en suis fier.
Des voix: Ha, ha!
Merci beaucoup.
Monsieur Parent, nous savons que votre organisme aidait les immigrants avant leur arrivée. Vous avez souligné ce service que vous offriez avant que le gouvernement décide de ne pas retenir vos services dans le cadre de son appel d'offres en 2019. Vous avez aussi souligné que vous travailliez en Afrique francophone, où le gouvernement refusait systématiquement des demandes d'immigration.
À la lumière de votre expérience, pouvez-vous nous parler davantage des efforts que le gouvernement fait en Afrique pour attirer des francophones qui voudraient venir s'installer au Canada?
Que devrait faire le gouvernement pour cesser d'être un obstacle à ces efforts?
La réponse à votre dernière question est simple. Il s'agit d'augmenter les services pré-départ et, notamment, d'inclure la dimension économique dans l'équation. Si on souhaite avoir une présence plus importante en Afrique francophone et attirer davantage de francophones de l'international au Canada, il faut renforcer les programmes pré-départ, dans lesquels le Réseau de développement économique et d'employabilité, ou RDEE Canada, était impliqué depuis un certain nombre d'années, d'ailleurs, avant mon arrivée dans l'organisation. Malheureusement, ce service nous a été enlevé, malgré des résultats tangibles sur le terrain. Nous espérons qu'il sera rétabli.
L'immigration économique joue un rôle de plus en plus prépondérant dans notre société, donc cela prend des instances et des programmes particuliers pour combler les besoins sur le terrain. Le RDEE Canada, avec ses 12 organismes provinciaux et territoriaux représentant chacun des communautés en situation minoritaire, se prêtait tout à fait à ce genre d'initiative. Alors, lors du prochain renouvellement du Plan d'action pour les langues officielles, ou dans le cadre du remaniement des obligations liées au projet de loi C‑13, nous souhaitons pouvoir jouer un plus grand rôle à l'international afin de valoriser nos communautés francophones en situation minoritaire et d'augmenter leur attractivité.
Je voudrais vous remercier et vous dire que nous sommes choqués d'entendre que votre service a été coupé.
J'aimerais aussi souligner que la question de la pénurie de main-d'œuvre touche aussi les gens hors Québec et qu'il faut agir.
Je vous remercie, madame Ashton.
Avant de suspendre cette réunion, chers invités, je vous remercie de nous avoir fait part de vos commentaires avec passion au sujet du projet de loi C‑13. C'était très intéressant.
Si vous n'avez pas pu nous communiquer certaines informations en raison du manque de temps, je vous prie de les transmettre par écrit à notre greffière. Elle communiquera ensuite cette information à tous les membres de ce Comité.
Je vous remercie beaucoup de votre présence, chers témoins.
La séance est suspendue.
Nous reprenons la séance.
Le deuxième groupe de témoins comprend M. Alain Laberge, directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine, et M. Antoine Désilets, directeur général de la Société Santé en français, que nous accueillons tous deux par vidéoconférence.
Chers témoins, je vous accorde cinq minutes chacun pour faire votre présentation, puis nous passerons à la période de questions. Je compte le temps très rigoureusement; vous avez donc un maximum de cinq minutes.
Je cède la parole à M. Alain Laberge.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à vous tous.
Comme il a été mentionné, je suis Alain Laberge, directeur général de la Division scolaire franco‑manitobaine, une division scolaire qui compte près de 6 000 élèves et qui se situe sur les territoires visés par les traités nos 1, 2, 3, 4 et 5 ainsi que sur les terres de la patrie de Louis Riel et des Métis de la rivière Rouge.
J'aimerais débuter en remerciant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes de me permettre de comparaître ce matin. Entreprendre la modernisation de la Loi sur les langues officielles n'est pas une mince tâche, mais, après toutes ces années, elle était nécessaire. Je suis aussi reconnaissant de pouvoir vous présenter le point de vue de notre division scolaire quant aux modifications proposées.
Avant de vous faire part de nos commentaires touchant diverses modifications plus pointues proposées dans le projet de loi C‑13, j'aimerais vous transmettre quelques réflexions inspirées de la lecture de ce document.
Nous savons tous que l'éducation est de compétence provinciale, mais arrêtons-nous un court moment pour nous pencher sur les raisons pour lesquelles nous ne pouvons ni ne devons dissocier le projet de loi de ce que nous appelons le monde de l'éducation, et plus précisément de l'éducation en milieu minoritaire.
Y nageant depuis plus de 30 ans, parfois à contre-courant, je crois important, voire impératif, de souligner que l'éducation en milieu minoritaire englobe bien plus que l'apprentissage de savoirs. C'est plutôt un concept ou un univers qui prend ses racines dans nos tripes et qui inclut: la langue, qui porte en elle ses si beaux accents provenant de partout; l'inclusion, qui nous ressemble et nous rassemble; la culture, qui nous permet de nous exprimer de façon créative; la construction identitaire, qui bâtit ce que nous sommes; et plusieurs autres choses, comme la santé, l'immigration, la jeunesse et l'économie.
En fait, l'éducation en milieu minoritaire, c'est notre patrimoine d'hier et notre richesse de demain, car ne sommes-nous pas des apprenants du berceau à la berçante?
Il serait facile de parler de la santé, de l'éducation et de l'économie sous l'ombrelle individuelle de leurs ministères respectifs, mais pourquoi ne pas utiliser le projet de loi C‑13 pour faire un trait d'union entre ces différents secteurs afin que nos communautés en milieu minoritaire puissent mieux s'épanouir?
Nous accueillons favorablement le libellé qui remplace le dixième paragraphe du préambule de la Loi, et plus particulièrement les deux énoncés suivants à propos de la reconnaissance du gouvernement fédéral:
qu'il reconnaît l'importance de donner à toute personne au Canada la possibilité d'apprendre une deuxième langue officielle [...];
qu'il reconnaît l'importance d'appuyer des secteurs essentiels à l'épanouissement des minorités francophones et anglophones [...]
Comme vous pouvez le constater, nous refusons de conjuguer « éducation » au singulier.
Afin que cette recommandation puisse se réaliser, il sera important de s'assurer que des investissements importants et continus seront faits et que des programmes de francisation pourront être offerts autant en milieu urbain qu'en milieu rural.
Permettez-moi maintenant de vous présenter les grands pans de nos discussions quant aux dernières modifications à la Loi sur les langues officielles. Notez que je soulignerai certains changements, mais que j'insisterai aussi pour mettre en relief d'autres parties de la Loi qui sont déterminantes pour la survie de nos écoles francophones.
Nous croyons nécessaire de souligner l'importance des modifications proposées aux septième et huitième paragraphes du préambule de la Loi. Après qu'on dit du gouvernement fédéral « qu'il s'est engagé à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement », on ajoute ceci:
[...] compte tenu de leur caractère unique et pluriel et de leurs contributions historiques et culturelles [...]
Cet ajout fait réellement un pont entre nos deux solitudes, mais aussi un pont entre nos diverses solitudes, dois-je plutôt me permettre de dire, car n'oublions pas que le Canada d'aujourd'hui et de demain doit prendre en considération tous nos nouveaux compatriotes et le fait que nous métisserons nos histoires et celles qu'ils auront emportées avec eux dans leurs valises.
Nous croyons nécessaire de souligner l'importance des éléments du dixième paragraphe du préambule ainsi que des modifications qui y sont proposées, notamment ce qui suit:
qu'il reconnaît l'importance de donner à toute personne au Canada la possibilité d'apprendre une deuxième langue officielle [...];
qu'il reconnaît l'importance d'appuyer des secteurs essentiels à l'épanouissement des minorités francophones [...];
[...]
que la Constitution accorde à chacun le droit d'employer le français ou l'anglais dans les débats des chambres de la Législature du Québec et de celles de la Législature du Manitoba [...]
Je mets l'accent sur celles du Manitoba, parce que ce n'est pas évident.
Nous saluons également le nouveau libellé précisant l'objet de la Loi sur les langues officielles de la façon suivante:
b) d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones en vue de les protéger;
b.1) de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais, en tenant compte du fait que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord [...]
L'ajout précisant que le français est en situation minoritaire est crucial dans la compréhension du combat quotidien que livrent les différents conseils scolaires en milieu minoritaire. Ne nous méprenons pas, la vitalité de nos communautés scolaires ne tient qu'à un fil et est portée à bout de bras par des centaines, voire des milliers d'éducateurs et de parents partout au pays. Ces gens, tel le village des Gaulois, ont fait le choix de vivre en français tout en sachant que rien ne leur viendrait facilement. Permettez-moi l'allégorie de cette fleur qui, malgré les conditions désertiques, pousse et résiste contre vents et bourrasques.
Nous croyons nécessaire de souligner l'importance des éléments présents à la section « Définitions et interprétation », dont l'ajout des trois énoncés d'interprétation des droits linguistiques.
À notre avis, nous avons un devoir de nous rappeler que des milliers de francophones aux quatre coins du pays ont dû, malgré leur volonté, fréquenter des écoles anglophones et transmettre leur langue de façon clandestine, en cachant leurs livres, afin d'éviter l'ire de la majorité. Nous avons un devoir de nous rappeler qu'il s'agit d'ayants droit qui, malgré leur bonne volonté, ont perdu le privilège que leurs enfants soient éduqués en français. À cet égard, les trois énoncés qui ont trait aux droits linguistiques, même sans modification, doivent être interprétés de façon à réparer les erreurs du passé. Peut-on arrêter ces luttes de pouvoir trop souvent politiques et laisser les parents faire le meilleur choix lorsque vient le temps de se réapproprier leur langue et leur culture?
Merci, monsieur Laberge. Vous pourrez nous en dire davantage au fur et à mesure que des questions vous seront posées.
C'est maintenant au tour de M. Antoine Désilets, de la Société Santé en français, de faire sa présentation.
Monsieur Désilets, vous avez la parole pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité. C'est un grand plaisir d'être présent aujourd'hui.
D'abord, je tiens à reconnaître que les terres sur lesquelles la Société Santé en français se trouve font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple anishinabe algonquin.
Avant de proposer deux modifications au projet de loi C‑13 en lien avec la santé des communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire, j'aimerais d'abord vous donner quelques chiffres sur l'accès à la santé en français au Canada. Ces chiffres datent de 2020 et viennent d'un sondage de Léger Marketing réalisé pour Santé Canada. Ils font état de la perception des communautés de langue officielle quant à l'accès à des services de santé en français.
Le premier constat est que l'accès à des services de santé en français présente encore des défis. Un tiers des répondants au sondage ont indiqué avoir eu accès à des services de santé en français à 100 %, tandis que, pour un autre tiers, il s'agissait d'un accès partiel, et que le tiers restant n'avait eu accès à aucun service en français.
Deuxièmement, on a constaté des progrès sur le plan de l'accès aux services, mais également des reculs. De fait, 19 % des répondants au sondage ont constaté une amélioration à ce chapitre dans les 10 dernières années, 42 % ont trouvé que la situation s'était maintenue et 16 % ont trouvé qu'elle s'était dégradée. Le pourcentage qui manque représente les gens qui n'avaient pas d'opinion sur la question.
Finalement, le sondage révèle que des obstacles importants demeurent pour ce qui est de l'accès aux services de santé en français, qu'il s'agisse du manque de ressources humaines, du risque d'attendre plus longtemps en milieu hospitalier, d'information non disponible en français, ou même du risque d'obtenir des services de santé de qualité inférieure.
Monsieur Désilets, excusez-moi de vous interrompre, mais on me dit de vous demander de parler plus lentement aux fins de l'interprétation.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais essayer de parler moins vite. Je ne fais pas souvent de présentation devant les comités.
Je vais dire quelques mots sur la Société Santé en français.
Nous sommes un organisme national appuyé par Santé Canada. Nous avons célébré nos 20 ans d'existence cette année. Nous sommes un réseau de réseaux, essentiellement, en raison de l'administration des services de santé. Nous avons besoin d'avoir des bases dans toutes les provinces et tous les territoires. Ainsi, nous appuyons 16 organismes indépendants de santé en français partout au Canada. Ces 16 membres sont en relation directe avec leur système de santé et avec un ensemble de partenaires essentiels, que ce soit les gouvernements, les établissements de santé, les professionnels de la santé, les institutions de formation ou les communautés elles-mêmes. Notre travail consiste à leur faire comprendre les besoins des francophones et la contribution que ces partenaires en santé peuvent apporter. Nous appuyons le développement de la capacité à servir les francophones, dans l'objectif de transformer de façon durable les programmes et les politiques publiques en santé.
Vous aurez compris que les fonds nous viennent du gouvernement fédéral pour que nous offrions notre appui. Nous ne pouvons pas intervenir directement dans la prestation des services. Nous faisons donc un travail d'accompagnement pour favoriser le développement des systèmes et de la capacité, mais c'est un combat qui ressemble à celui de David contre Goliath.
En 2021, au total, 300 milliards de dollars ont été dépensés en santé par les gouvernements fédéral et provinciaux. Gardez bien ce chiffre à l'esprit. Pourtant, l'appui du gouvernement fédéral aux communautés de langue officielle s'élève à 40 millions de dollars par année. Cet argent est destiné à 13 systèmes de santé distincts, anglais et français, pour la formation professionnelle et pour le développement des capacités. Essentiellement, de chaque tranche de 100 $ dépensée au Canada annuellement, un sou est destiné précisément aux communautés de langue officielle. Nous sommes dans un canot et nous tentons de faire bouger des paquebots.
Cela m'amène à formuler deux propositions au sujet du projet de loi C‑13.
Je veux commencer par préciser que la Société Santé en français est membre de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada depuis décembre 2021. Nous appuyons la totalité des propositions qui ont été déposées par la FCFA, par exemple la gestion du dossier par une agence centrale. Cela dit, les deux propositions que je vous présente aujourd'hui sont plus précisément liées à la santé.
Notre première proposition est de réaffirmer dans la Loi le pouvoir du gouvernement d'attacher des conditions en lien avec les langues officielles dans le cadre de son pouvoir de dépenser dans les secteurs essentiels à l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui sont nommés à la partie VII.
De quel type de conditions parlons-nous? Je vous en propose deux. D'abord, il pourrait y avoir la collecte de données sur la santé des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il n'y a toujours pas de portrait clair de l'état de santé des communautés francophones par rapport à celui de la population majoritaire. Les données sont collectées par système ou par établissement et ne sont pas normalisées à l'échelle nationale. Il semble pourtant essentiel d'avoir une idée claire de la situation en vue de la prestation de programmes en appui aux langues officielles. Une deuxième idée de condition serait que la prestation de services dans les deux langues officielles se reflète dans les priorités du gouvernement dans le cadre de ses accords bilatéraux, que ce soit sur le plan de la santé mentale ou des soins de longue durée.
La deuxième proposition que nous vous soumettons est de clarifier dans la Loi que la santé comprend deux dimensions: les services de santé et la santé publique. Je vous explique la distinction. Par services de santé, j'entends l'appareil public, les professionnels de la santé, les hôpitaux et tout ce qui relève de la compétence des provinces. Par santé publique, j'entends l'état de santé des populations, les saines habitudes de vie, la prévention, la vaccination et la promotion de la santé. C'est un domaine dans lequel le gouvernement fédéral apporte une contribution directe, car c'est une responsabilité partagée.
Merci, monsieur Désilets. Vous pourrez nous en dire davantage au fur et à mesure que des questions vous seront posées.
Nous commençons le premier tour de questions.
Je cède la parole pour six minutes au premier vice-président de notre comité, M. Joël Godin.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de se prêter à l'exercice d'aujourd'hui. Comme je l'ai dit au groupe précédent, vous nous aidez à être meilleurs.
Ma question s'adresse aux deux organisations.
Dans vos allocutions d'ouverture, vous avez fait un constat de la situation, et nous faisons tous le même: il y a énormément de travail à faire pour améliorer la situation de la langue française, l'une des deux langues officielles au Canada. Maintenant, comment pouvons-nous y arriver?
Aujourd'hui, nous sommes réunis pour améliorer le projet de loi C‑13, qui vise à moderniser la Loi sur les langues officielles. Ma question sera très précise. Comment pouvons-nous mettre en place des outils, des dispositions législatives, qui permettraient d'intervenir dans les différents territoires et provinces? Comment pouvons-nous améliorer le projet de loi en parlant, entre autres, des clauses linguistiques? Selon vous, quel serait le meilleur amendement pour que les clauses linguistiques soient efficaces?
J'invite M. Laberge à répondre en premier et, par la suite, ce sera au tour de M. Désilets.
Je vous remercie beaucoup de cette question très pertinente, monsieur Godin.
À la Division scolaire franco‑manitobaine, nous croyons que le fédéral peut jouer un rôle prépondérant dans les assises du bilinguisme.
J'ai triché un peu: j'ai écouté le premier groupe de témoins tout à l'heure.
Les outils essentiels pour nous viseraient à offrir aux nouveaux arrivants l'accès à des cours de francisation, pas seulement en ville, mais aussi dans les milieux ruraux. Il faut accompagner ces gens. Nous recevons souvent des gens qui arrivent de l'Afrique, de l'Europe et de l'Asie...
Excusez-moi, monsieur Laberge. Je vous arrête tout de suite.
Ma question est très précise: selon vous, quelles seraient les meilleures clauses linguistiques que nous pourrions inclure dans le projet de loi C‑13 pour obtenir un résultat concret?
Comme nous l'avons souligné, l'une des clauses linguistiques devrait viser à favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais au sein de la société canadienne. Tant que nous n'aurons pas cette égalité, les écoles serviront simplement à enseigner une langue qui ne sera jamais utilisée dans la société et nous ferons des régions hors Québec des endroits où l'on apprend une langue française désuète qui ne servira absolument à rien.
Dans le projet de loi, il est présentement fait mention de la reconnaissance des compétences provinciales en vertu de la Constitution canadienne. Nous pourrions également y ajouter la reconnaissance du droit d'ajouter des conditions au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral.
Dans ma présentation, j'ai parlé de deux éléments particuliers, dont la collecte de données probantes. Chaque année, une somme de 45 milliards de dollars est versée par le gouvernement aux provinces. Cette somme augmentera probablement dans les prochaines années. Je suis d'avis que nous avons le droit de demander au gouvernement fédéral quelque chose en retour, par exemple des données qui concernent précisément l'usage des langues officielles dans les services de santé ainsi que les niveaux de services offerts par les programmes. Cela permettrait d'obtenir une idée complète de la situation. Si les transferts fédéraux en santé font augmenter les iniquités entre les francophones et les membres de la population majoritaire, je pense qu'on rate l'objectif de la Loi.
Merci, monsieur Désilets.
Je vais tester un amendement concernant les clauses linguistiques auquel j'ai réfléchi et que j'ai l'intention de proposer.
Il faut comprendre qu'il y a des secteurs de compétence provinciale et territoriale et des secteurs de compétence fédérale. Je pense que M. Désilets compose avec cette situation au quotidien.
Disons que nous proposions un amendement au projet de loi C‑13 à propos des clauses linguistiques dans lequel nous préciserions qu'il y aurait des ententes bilatérales entre le fédéral et les provinces et territoires pour tout investissement dans les infrastructures, mais que des fonds supplémentaires seraient consacrés aux provinces et aux territoires désireux de prendre des mesures concrètes pour les minorités. Cela serait-il réaliste et efficace?
Monsieur Laberge, je vous laisse répondre.
Vous avez tout à fait raison. J'adore votre proposition.
Il faudrait quand même qu'il y ait une transparence lorsque l'argent est versé aux provinces. Comme vous l'avez bien noté, il y a deux systèmes. L'éducation est un secteur de compétence provinciale. Nous aimerions savoir si cet argent serait versé directement dans nos coffres pour que nous puissions faire avancer les choses, de sorte qu'il n'y ait pas par la suite de blocage par la province. Par exemple, nous pourrions construire de nouvelles écoles, offrir plus de transport et avoir plus de professeurs dans les milieux ruraux. Nous pourrions avoir la même chose.
Vous avez raison. Je pense qu'il y a une obligation de résultat et qu'il faut prévoir cela dans la clause linguistique.
Monsieur Désilets, j'aimerais entendre vos commentaires sur ma proposition au sujet des clauses linguistiques.
Vous avez parlé de l'idée de consacrer une enveloppe aux provinces et territoires qui sont prêts à faire des gestes concrets. Je pense qu'il pourrait s'agir là d'un bon amendement. Par contre, il ne faut pas nier que le gouvernement fédéral doit aussi faire preuve de leadership. À l'heure actuelle, ce ne sont pas toutes les provinces du Canada qui, d'emblée, vont s'investir dans les questions de langues officielles. Il faut continuer de mettre sur la table des attentes et des objectifs très clairs et d'appuyer les organismes de la communauté francophone qui sont sur le terrain, qui offrent des outils et qui sont porteurs.
Merci, monsieur Désilets.
J'aurais aimé vous poser d'autres questions, mais M. le président me fait signe.
En fait, si vous avez d'autres éléments ou libellés d'amendement à suggérer pour renforcer le projet de loi et les clauses linguistiques, mais que vous n'avez pas le temps de nous en parler au cours de la réunion, j'aimerais que vous nous les fassiez parvenir par écrit.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de se joindre à nous aujourd'hui pour nous aider à étudier le projet de loi C‑13.
Ma première question s'adresse à M. Laberge.
Je suis très contente que vous soyez des nôtres et que le milieu scolaire soit représenté aujourd'hui. Pour ma part, j'ai été commissaire scolaire au sein de la plus grande commission scolaire anglophone du Québec. Je suis donc très contente de vous voir parmi nous, parce que vous serez peut-être en mesure de nous fournir des pistes de réflexion concernant la façon de préserver le milieu scolaire. Nous parlons ici d'une compétence provinciale, mais, comme vous l'avez très bien dit dans votre discours, il ne s'agit pas seulement d'une école, mais d'une communauté. C'est une question d'inclusion, de culture et, en fait, d'identité.
J'aimerais aller un peu plus loin, dans l'objectif de vous aider. Au-delà de l'augmentation du nombre de professeurs de français dans vos écoles, y a-t-il d'autres mesures ou d'autres investissements qui pourraient bonifier la présence et le maintien du français au Manitoba?
Je me permets de préciser que je me souviens de vous, madame Lattanzio. J'ai déjà occupé le poste de directeur général de la Commission scolaire de Sorel‑Tracy, dans une autre vie, et je me souviens très bien de vous.
Comment serait-il possible d'aller plus loin? Vous avez mentionné les enseignants, et c'est l'un des aspects. Or, lorsqu'on parle d'éducation en milieu minoritaire, on semble souvent oublier que des coûts énormes sont nécessaires simplement pour avoir une école dans son milieu, qu'il s'agisse de coûts associés aux livres, aux logiciels ou au transport. Lorsque des élèves font matin et soir un parcours de 75 ou 90 minutes en autobus, il faut vraiment être dévoué à la cause de l'éducation en français.
Comme nous avons peu d'écoles ou un nombre presque insuffisant d'écoles, nous devons disposer d'un plus grand parc immobilier pour accueillir les élèves. Nous devons aussi laisser aux parents la chance de choisir l'école de leurs enfants. À Flin Flon et à Thompson, plusieurs parents sont des ayants droit qui ont cependant perdu leurs droits. Il faut faire en sorte que l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés soit considéré dans son entièreté et sa globalité.
Comme vous le savez, nous venons de recevoir les résultats du Recensement de 2021. Il s'agit d'un nouveau recensement qui fait justement état de données qui ont été récoltées plus précisément au sujet des ayants droit. Pourriez-vous nous en dire plus sur les résultats statistiques des données qui ont été récoltées?
En fait, les premières statistiques dévoilées n'incluaient pas cela. Les statistiques comprenant ce que nous appelons les ayants droit sont censées être publiées en novembre. En effet, le recensement a été élargi pour permettre à des familles d'indiquer qu'elles ont deux langues maternelles, ce qui est génial. Cela dit, je n'ai pas encore reçu ces données.
Les dernières données que nous avons reçues aux mois d'août et de septembre nous ont permis de constater que le nombre d'élèves voulant suivre des programmes d'enseignement en français avait augmenté substantiellement. Cela a d'ailleurs été mentionné par M. Parent, qui faisait partie du premier groupe de témoins. Le problème est qu'ici, au Manitoba, même si l'on veut suivre un programme d'immersion — je sais que je m'adresse ici à la concurrence, mais j'ose le faire —, aucune école à l'extérieur de Winnipeg n’en offre. On se prive donc d'une partie de la population, qui ne pourra jamais parler français parce qu'on ne lui donne même pas la possibilité de fréquenter de telles écoles.
Le nouveau recensement ainsi que les modifications proposées à l'article 23 de la Charte vont nous permettre d'élargir ce bassin. Il faut comprendre que nous devons toujours nous battre avec les ministères pour prouver nos besoins. À Transcona, les anglophones n'ont qu'à dire que la population a augmenté et qu'ils veulent une nouvelle école, et ce sera accepté. De mon côté, si je dis que la population francophone de Transcona a augmenté, on va me demander combien de familles de plus cela représente. Cependant, je n'ai pas les données qui me permettraient de me battre devant le ministère. Ces données vont donc devenir essentielles.
Ma prochaine question s'adresse à M. Désilets.
Vous avez justement parlé tantôt d'un sondage qui a été mené sur la santé. Combien de personnes ont été sondées pour l'obtention de ces données? Quand le sondage a-t-il eu lieu? Était-ce avant, pendant ou après la pandémie?
Je vous remercie de la question.
En ce qui a trait à la méthodologie, je n'ai pas en main le nombre de répondants. Le sondage a été réalisé par la firme Léger, qui est bien reconnue dans ce domaine.
L'étude a été publiée au début de 2020, et les données ont donc été collectées avant la pandémie. Nous n'avons pas d'idée claire quant aux répercussions de la pandémie. Cependant, la Société Santé en français estime que les effets de la pandémie, qui se sont répercutés sur la population générale, sont encore plus importants au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire, en raison des défis liés à l'accès aux services de santé.
Croyez-vous que les communications doivent toutes être faites dans les deux langues officielles, qu'il s'agisse d'un état d'urgence ou non?
Selon moi, cela est essentiel.
Lors d'une situation d'urgence, si la société esquive ses responsabilités et renonce à ses objectifs en matière de langues officielles, elle envoie le message que le français est une langue secondaire. Je ne pense pas que ce soit un bon message à envoyer.
J'aimerais maintenant revenir sur les propositions que vous avez mises en avant.
Vous avez fait une nuance entre la santé publique et les services de santé.
Comment cela se déroule-t-il pour les deux services?
À peu près 75 % des fonds et des appuis, c'est-à-dire la majorité d'entre eux, touchent présentement la question du développement des services au fédéral.
Comme je l'ai dit dans ma présentation, nous avons une influence un peu indirecte sur cette situation. En effet, notre travail, c'est d'outiller les provinces afin qu'elles puissent faire ce travail.
En santé publique, présentement, il y a un...
Je vous remercie, monsieur Désilets.
Nous pourrons y revenir plus tard.
Je donne maintenant la parole au deuxième vice‑président du Comité.
Monsieur Beaulieu, vous avez la parole pour six minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question porte sur les écoles.
J'ai lu qu'environ 50 % des enfants de parents francophones n'ont pas accès à une école française.
Selon vous, ce pourcentage reflète-t-il la réalité?
Si cela est le cas, cette réalité serait-elle attribuable au fait que les francophones sont éparpillés sur un immense territoire?
Vous soulevez un excellent point.
J'ai travaillé 15 ans en Colombie‑Britannique. Les Québécois s'étaient regroupés à Maillardville.
À un moment, le nombre de nouveaux arrivants qui parlaient anglais a explosé, tout comme le prix des maisons. Les francophones se sont alors retrouvés un peu partout. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de plus d'écoles.
Par ailleurs, les nouveaux arrivants ont souvent des défis d'ordre financier et ils vont tous se retrouver dans le même secteur, ce qui accroît le nombre d'élèves dans nos écoles déjà remplies. De plus, on leur transmet un mauvais message en leur disant que, même si le Canada est un pays bilingue, ils ne travailleront jamais en français au Manitoba. Afin d'assurer leur propre survie, ces gens vont inscrire leurs enfants dans des écoles anglophones. Je parle très bien français, et ma fille est allée à l'école française et elle est déjà bilingue.
Cela dit, il faut prendre en considération tous ces éléments.
Monsieur Beaulieu, vous avez raison de dire que près de 50 %, peut-être même un peu plus, des enfants de parents francophones ne fréquentent pas une école francophone présentement.
Selon le projet de loi C‑13 et le Livre blanc, on vise à augmenter le financement accordé aux écoles d'immersion. Cependant, on ne parle pas d'augmenter le financement destiné aux écoles gérées par des francophones et destinées à des francophones.
Plusieurs intervenants m'ont dit que les écoles d'immersion garantissent un minimum d'apprentissage du français, mais que, souvent, elles favorisent l'assimilation des jeunes francophones.
Ne pensez-vous pas que nous devrions aussi augmenter le financement accordé aux écoles gérées par des francophones et destinées à des francophones?
Je suis entièrement d'accord avec vous.
Selon moi, il faut aussi changer la culture. S'il y a des écoles d'immersion, mais qu'il n'y a absolument pas de vie francophone à l'extérieur de l'école, cela tue la langue.
Par exemple, un enfant peut fréquenter une école d'immersion et avoir la volonté d'apprendre le français, mais si tout ce qu'il fait se déroule en anglais, comme jouer au soccer ou faire de la natation aves ses amis qui parlent anglais ou aller à la messe en anglais, c'est un coup d'épée dans l'eau.
Le fait que les écoles d'immersion reçoivent plus d'argent, c'est une chose. Cependant, il faut absolument que les écoles évoluent dans un milieu où la structure permet aussi de vivre en français.
Comme il a été mentionné tout à l'heure, il faut qu'une partie du budget des écoles francophones serve à favoriser, notamment, une nouvelle immigration. Nous aussi, nous aimerions faire du recrutement en Afrique pour que ces gens viennent ici, mais nous ne pouvons pas leur offrir de travail ni rien d'autre. C'est une roue qui tourne mal.
La plus grande partie du financement va aux écoles d'immersion.
Serait-ce une bonne chose, que les écoles d'immersion soient gérées par des francophones?
Il s'agit là d'une question hautement politique, monsieur Beaulieu.
Je suis un administrateur. Si vous me dites que, demain matin, la Division scolaire franco-manitobaine va gérer le parc immobilier des écoles d'immersion, je vais le faire puisque ce sera mon devoir. Nous y prendrions-nous autrement? Oui, bien entendu. Aurions-nous de la difficulté à trouver des enseignants? Oui, nous aurions le même défi.
Le Canada se dit un pays bilingue, encore faut-il qu'il joigne le geste à la parole. Il faut donner accès à des services en français partout. Il est impossible d'être servi en français à l'Hôpital Saint‑Boniface. Alors, où est la logique?
Pourquoi les enfants et les nouveaux arrivants voudraient-ils apprendre cette langue si rien ne les y rattache par la suite?
Au Québec, la Loi sur les services de santé et les services sociaux garantit des services en anglais à toute personne d'expression anglaise, c'est-à-dire non seulement aux anglophones, mais à tous les gens qui en font la demande.
Plusieurs hôpitaux ont été désignés pour offrir ces services suivant l'article 29.1 de la Charte de la langue française. Cela signifie qu'ils fonctionnent en anglais et qu'ils engagent du personnel anglophone.
Les plans relatifs à l'accès à ces services ne sont pas assujettis à une clause qui préciserait « là où le nombre le justifie ». Les services sont simplement offerts sur demande.
Cela ne devrait-il pas être implanté à l'extérieur du Québec pour les francophones? En tout cas, je pense qu'il devrait y avoir un revirement de situation en ce sens.
Cette question concerne peut-être davantage le représentant de la Société Santé en français.
La question des désignations est cruciale et il est essentiel de bien connaître les bassins de population.
Je reviens à la question des données probantes. Tout comme dans le domaine de l'éducation, il n'y a pas d'information claire sur les services que les francophones utilisent et sur les points de service où ils se rendent. Nous ne savons pas s'ils ont des besoins différents en matière de santé. Alors, tout repose sur l'accès à de bonnes données, et cela n'existe pas sur le terrain présentement.
Compte tenu de ce constat, le projet de loi C‑13 devrait-il être renforcé afin d'inverser la tendance quant à l'assimilation des francophones hors Québec?
Il est important de saisir l'occasion. Il faut clarifier les objectifs dans le projet de loi C‑13 et mettre en place les bonnes mesures.
Je suis évidemment d'accord sur le fait qu'il faut renforcer ce projet de loi de manière à garantir des retombées. Nous avons pour objectif ultime de faire en sorte que la langue ne soit pas un obstacle pour les francophones en matière de santé. Nous voulons que les Canadiens soient tous bien servis partout au pays.
Je vous remercie, monsieur Beaulieu.
Nous allons finir ce premier tour de questions avec Mme Ashton, du Manitoba.
Madame Ashton, vous avez la parole pour six minutes.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie beaucoup les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Cette réunion a un caractère spécial pour moi, puisque nous recevons un représentant de la Division scolaire franco-manitobaine, ou DSFM. Le Comité connaît bien les défis que j'ai dû affronter lorsque j'ai essayé d'inscrire mes enfants à la garderie francophone de Thompson, et nous savons que ces défis sont liés à la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine de l'éducation à la petite enfance partout au pays.
Le Comité sait aussi que je suis très heureuse que la DSFM ait accueilli mes enfants, qui commencent la maternelle cette année. Si vous les entendez, c'est parce que les écoles sont fermées aujourd'hui. C'est une journée de perfectionnement professionnel pour les professeurs. Je dois dire que cela fonctionne bien pour mes enfants et que nous continuons de parler le français entre nous, même si l'école est fermée aujourd'hui.
Messieurs Laberge et Désilets, je vous remercie de vos témoignages et du message clair que vous envoyez sur ce que nous pouvons faire, en ce moment historique, pour améliorer le projet de loi et mettre fin au recul du français partout au pays, y compris dans les communautés du Manitoba.
Monsieur Laberge, le Comité a déjà reçu M. Jean‑François Parent, du Réseau de développement économique et d'employabilité. Celui-ci a publié un rapport, le mois dernier, portant sur la pénurie de main-d’œuvre francophone dans plusieurs domaines, notamment en éducation.
Nous avons aussi reçu M. Roger Lepage, qui nous a dit que la situation était comparable en Saskatchewan.
Selon vous, par quoi les conclusions de ce rapport se traduisent-elles au Manitoba?
Il s'agit effectivement d'une question cruciale.
Vous parlez de la ville de Thompson, au Manitoba, qui comprend une petite communauté francophone située dans le nord de la province. Cette communauté ne cherche qu'à grandir. Or, pour qu'une communauté puisse grandir et s'épanouir en français, il faut qu'elle ait accès à des services, et ses membres doivent travailler deux fois plus fort pour les obtenir. Il faudrait donc favoriser non seulement l'arrivée de nouveaux arrivants pour qu'ils viennent travailler dans la communauté et la repeupler, mais aussi la rétention. Cela ne donne rien d'avoir de nouveaux éducateurs à la garderie La Voie du Nord, par exemple, si, deux ans plus tard, ils déménagent à Winnipeg.
Il faut mettre un système en place et faire les investissements nécessaires pour garantir un minimum de services. S'il n'y a qu'une garderie francophone dans une ville comme Thompson et qu'elle se trouve à 10 ou 15 kilomètres de chez soi, il est plus facile d'inscrire son enfant à la garderie anglophone qui se trouve au coin de la rue.
Il est impossible de se battre contre ce genre de système. Pour aider les familles, il faut une offre équitable en matière de services partout dans les provinces.
C'est bien cela. Nous connaissons bien cette réalité.
J'aimerais aussi vous demander votre opinion, compte tenu de votre expérience non seulement au sein de la DSFM, mais aussi en Colombie‑Britannique, sur la question suivante.
Nous reconnaissons cette pénurie de main-d'œuvre. Nous avons essayé d'appuyer les services de garderie en recrutant des personnes de l'étranger. Nous nous sommes heurtés à plusieurs obstacles, qui sont liés au manque de priorités, au gouvernement fédéral, concernant le recrutement de professionnels en éducation et en petite enfance, y compris à l'international.
Croyez-vous que, au moyen de cette loi, le gouvernement fédéral devrait faire beaucoup plus pour attirer des éducateurs francophones de l'étranger, y compris ceux qui travaillent dans le domaine de la petite-enfance?
L'éducation est un peu le parent pauvre à l'échelon fédéral, parce qu'elle est de compétence provinciale. Je pense que le fédéral comprend l'importance d'y investir des sommes. Il comprend également le rôle que peut jouer le pays pour retenir ces travailleurs étrangers. Or, pour cela, il faut aller les chercher. Il faut les attirer et il faut leur donner envie de vouloir demeurer ici.
En éducation comme dans tous les domaines, il y a des lacunes. Serait-ce parce que ce n'est pas considéré comme une économie ou, plutôt, un investissement?
Je pense qu'il faudrait inverser notre façon de voir les choses, et de considérer l'éducation comme le moteur et le poumon d'une communauté francophone hors Québec. Même pour le Québec, cela serait la même chose.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Laberge.
Monsieur Désilets, selon le rapport sur l'employabilité du Réseau de développement économique et d'employabilité, il y a aussi une pénurie de personnel qualifié quant aux services en matière de soins de santé.
Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire de plus pour assurer la pérennité des services francophones dans le domaine de la santé, et quelles sont les répercussions de l'échec de la politique sur l'immigration francophone?
Je ne suis pas spécialiste de la politique sur l'immigration. Cependant, sur le plan de la disponibilité de la main-d'œuvre, il existe une pénurie dans le domaine de la santé partout au Canada. Il faut noter que cette pénurie touche davantage les francophones. J'entends par là qu'il n'y a aucun professionnel de la santé francophone au Canada qui n'est pas capable d'offrir également les services en anglais, du moins à l'extérieur du Québec.
Ce sont des personnes qui sont réellement bilingues, parce que c'est la réalité du milieu. Cela signifie qu'elles peuvent travailler aussi bien dans des milieux anglophones, dans des milieux francophones et dans des milieux bilingues. La pénurie s'en trouve donc exacerbée.
L'immigration francophone est certainement une solution aux problèmes liés à l'immigration. La reconnaissance des diplômes en est une autre, qui est aussi extrêmement importante. Or, il y a des défis considérables liés à l'intégration de la main-d'œuvre venant de l'étranger. Je pense, entre autres choses, aux tests de langue qui précèdent les tests de mise à niveau des compétences. Les gens arrivent ici et pensent venir travailler en français, mais ils se font dire d'apprendre l'anglais avant même que leurs capacités soient reconnues. Il y a des choses que l'on pourrait changer sur ce plan.
Finalement, il ne faut pas oublier la formation. Des situations structurelles nuisent à la formation des gens. Je cite, par exemple, une situation liée la formation des infirmiers et infirmières au Canada. À l'heure actuelle, dans plusieurs provinces, on utilise un test américain qui défavorise de façon importante les francophones. Avant l'instauration du nouveau test, on obtenait un taux de réussite de 93 % chez les francophones. Depuis que le nouveau test a été mis en place, ce taux a chuté à 35 % la première année.
Je vous remercie, monsieur Désilets.
Je vous remercie, madame Ashton.
Nous passons maintenant au prochain tour de questions.
C'est le grand retour de quelqu'un qui s'est tellement ennuyé du Comité permanent des langues officielles qu'il l'a supplié de l'accueillir de nouveau.
Je suis heureux d'être de nouveau au Comité.
Je remercie beaucoup tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Je suis un député de la Colombie‑Britannique, comme l'est également mon collègue M. Vis. Il m'est difficile de ne pas souligner toute l'importance qu'a le français dans notre histoire, dans l'Ouest. Le problème ne se pose pas seulement au Québec et au Nouveau‑Brunswick, mais aussi dans l'Ouest.
De l'autre côté du fleuve Fraser, la première capitale a été Fort‑Langley et il y avait là beaucoup de coureurs des bois. Cela fait partie de qui nous sommes historiquement. Nous ne voulons pas voir l'usage de la langue française diminuer dans notre province ni dans l'Ouest. Il est très important de la préserver, et je vous remercie des efforts que vous faites en ce sens.
Auparavant, le français était parlé dans les campagnes, dans les églises et dans les communautés rurales où il y avait de nombreux fermiers. De nos jours, la vie est beaucoup plus urbaine. Il s'agit vraiment d'une lutte pour préserver l'usage de la langue française.
Monsieur Laberge, vous représentez la Division scolaire franco-manitobaine. Vous connaissez la grande importance qu'ont l'éducation, la formation et l'usage du français dans les écoles. Il faut améliorer plusieurs aspects dans ces domaines.
Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne le processus d'aliénation des biens immobiliers? Pouvez-vous nous en donner des exemples concrets?
Qu'en est-il des immeubles qui se retrouvent en surplus?
Pouvez-vous nous parler de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas bien?
Je vous remercie de la question.
Monsieur Dalton, j'ai été directeur d'école à Chilliwack. Je connais donc bien la vallée du Fraser.
Vous avez parlé de la situation en milieu rural, et il est important d'en parler.
Les francophones et les peuples autochtones devraient avoir le premier choix quand un immeuble est déclaré vacant ou libre. Toutefois, ce processus est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.
Nous sommes allés au Manitoba pour y chercher des terrains et des immeubles, mais en vain. Il arrivait souvent que des promoteurs immobiliers eussent déjà acheté des immeubles, sans que l'on ait cherché à savoir si la communauté autochtone ou les francophones avaient été consultés. Nous n'aurions peut-être pas acquis ces immeubles, mais il reste que nous perdons des occasions d'acquérir de nouveaux immeubles.
Cela pourrait effectivement contribuer à conserver des centres communautaires ou des centres d'éducation en français.
Quelle proportion de l'argent fédéral destiné aux francophones du Manitoba se rend vraiment à eux?
C'est une bonne question.
Nous n'avons pas accès à toutes les données. Une partie de l'argent est consacrée à la gestion du Bureau de l'éducation française, ou BEF, qui fait partie du ministère de l'Éducation. Il s'occupe de l'éducation française et de l'immersion.
Un cinquième de notre budget total provient du fédéral, ce qui représente environ 24 ou 25 millions de dollars par année. La question est toujours de savoir quel est le montant global. Combien d'argent a été alloué aux programmes d'immersion? Combien d'argent le BEF a-t-il reçu? Combien d'argent mon organisme a-t-il reçu? Il est toujours un peu compliqué d'obtenir ces réponses, car le processus est complexe.
Je ne dis pas que nous ne pourrions pas les obtenir, mais nous ne pouvons pas remplir des formulaires de la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée à longueur de journée.
C'est aussi le cas en Colombie‑Britannique. On ne sait pas exactement où va l'argent destiné à l'amélioration des programmes.
Comment pourrions-nous mieux accueillir les nouveaux arrivants dans les communautés francophones en situation minoritaire?
Il faut bien accueillir les nouveaux arrivants et reconnaître leurs diplômes. Il faut que cet accueil se prolonge pendant quatre ou cinq ans, le temps de permettre à ces familles de bien s'installer. On demande à des gens qui viennent d'une autre province s'ils ont un permis...
Je vous remercie, monsieur Laberge. Vous aurez l'occasion de donner plus d'explications plus tard.
Je donne maintenant la parole à M. Iacono pour cinq minutes.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous ce matin.
Monsieur Désilets, quelles sont vos revendications?
Qu'est-ce qui devrait absolument être inclus dans le projet de loi C‑13?
Selon nous, la question des clauses linguistiques est essentielle. Il est souvent difficile de savoir où va l'argent. Il faut des clauses linguistiques pour avoir des détails sur les résultats. J'ai mentionné deux domaines importants plus tôt.
La gestion par une agence centrale nous apparaît essentielle. En santé, il y a un programme géré par un ministère qui n'est pas Patrimoine canadien. Le gros du plan d'action et les mesures mises en place sont gérés par Patrimoine canadien. Cela mène à un désalignement quant aux indicateurs et aux résultats. Une agence centrale permettrait de suivre tout cela.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, il faudrait que la Loi parle très clairement de la santé publique. Cela nous donnerait les moyens d'agir. Le gouvernement fédéral finance un programme de langues officielles dans le domaine de la santé publique, mais il ne concerne que la petite enfance. Il n'y a aucun programme de langues officielles pour les soins de santé mentale ni pour les aînés. La santé publique est une responsabilité qui incombe directement au gouvernement fédéral.
Je vous remercie.
Pour les communautés francophones et acadienne en situation minoritaire, quels sont les principaux défis liés au projet de loi C‑13?
Cela ressemble-t-il à ce que vous nous avez dit?
Avez-vous d'autres commentaires à formuler?
La question est complexe, car la santé relève en grande partie des provinces. Chaque système de santé au Canada a sa propre structure et ses propres défis.
Il faut savoir ce dont on a besoin pour agir. En fait, ma réponse ressemble à ma réponse à la question précédente.
C'est parfait.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé de faire la collecte de données manquantes. Pourriez-vous nous orienter à cet égard? Quels types de données devraient être collectées? Dans quels objectifs et contextes devraient-elles l'être?
Je serai très bref. En fait, deux types de données devraient être collectées.
Premièrement, il faudrait des données sur la capacité des systèmes, pour savoir quels centres de services ou quels professionnels sont capables d'offrir des services en français. L'objectif est de générer l'affichage et de s'assurer que les services sont accessibles.
Deuxièmement, il faudrait des données sur les besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire en matière de santé. On sait qu'elles ont des besoins particuliers en raison de leur statut minoritaire.
À certains endroits, on a adopté de bonnes solutions. Par exemple, l'Île‑du‑Prince‑Édouard collecte des données sur la variable linguistique, comme la langue des gens, ce qui lui permet d'indiquer sur la carte santé la langue de préférence des gens pour l'obtention de services médicaux.
Grâce à de telles données, le Canada aurait une vue de l'ensemble des besoins. Il existe une foule d'autres façons d'aller chercher de l'information sur la capacité des systèmes de santé.
En ce qui a trait à la collecte de données sur les besoins des communautés, cela s'inscrit dans le travail que nous faisons directement avec les provinces et les territoires. Nous devons les outiller et les influencer. Bien sûr, l'ajout de conditions de financement et de certaines données très probantes, qui pourraient être collectées notamment pour le compte de l'Institut canadien d'information sur la santé, pourrait aider à brosser un bon portrait de la situation et à s'assurer que les programmes mis en place par le fédéral répondent réellement aux besoins sur le terrain.
Merci, monsieur Désilets.
Monsieur Laberge, vous avez parlé du besoin d'un investissement pour augmenter le nombre d'enseignants francophones. Est-ce que cela devrait être prévu dans le projet de loi C‑13? Comment pourrions-nous faciliter cet investissement?
C'est pour cela que je vous la pose.
En fait, nous voulons savoir de quelle façon nous aligner. Effectivement, nous ne voulons pas trop empiéter sur d'autres domaines, parce que plusieurs provinces vont nous dire que nous sommes en train d'outrepasser nos champs de compétence.
Il faut que le projet de loi C‑13 soit un trait d'union. Cette question est liée à l'immigration, d'une part, et à la capacité d'accueillir de nouveaux élèves dans les universités, d'autre part. Chaque province a aussi un collège qui autorise ou non des enseignants à enseigner. Nous nous retrouvons avec plusieurs personnes qui viennent d'autres pays, mais dont les acquis ne sont pas reconnus.
Nous nous rendons compte, par exemple, que la Colombie‑Britannique compte deux universités superbes, mais que son programme en français est minime. Dans l'Ouest, à l'exception du Campus Saint‑Jean et de l'Université de Saint‑Boniface, il y a peu de programmes en français. Alors, où pouvons-nous aller chercher nos gens? Nous allons les chercher à Ottawa ou à Moncton. Or, quand je vais chercher des gens à Moncton, je me fais taper dessus par la directrice générale de l'Université de Moncton, qui me dit que je lui vole ses gens. Quand ils viennent ici, certains ne veulent plus retourner à Moncton alors que d'autres veulent repartir.
Il doit donc y avoir un trait d'union entre l'immigration et l'éducation.
J'aime beaucoup le mot « trait d'union » et je vais l'utiliser plus souvent.
Monsieur Désilets, voulez-vous ajouter un commentaire?
Il faut se souvenir du rapport de force qui existe dans les services de santé. Comme je l'ai mentionné, de chaque tranche de 100 $ que l'on dépense au Canada, un sou est versé aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous devrions être fiers des avancées que nous avons réalisées en santé, mais je pense que nous avons encore besoin d'appui pour réduire les iniquités.
Merci.
Au sujet de la question des écoles, j'ai parlé hier à M. Lepage, de la Saskatchewan. Il a suivi le parcours d'immigrants africains et m'a fait part de ses observations. Après une année de fréquentation d'une école francophone, quand ils se rendent compte qu'ils ne peuvent presque pas obtenir de services en français et que le Canada n'est pas un pays bilingue à l'extérieur du Québec, ils changent d'avis et décident de fréquenter une école anglaise. Le taux d'assimilation des immigrants francophones, et même des Québécois qui vont s'installer ailleurs, est aussi élevé que le taux d'assimilation de l'ensemble des francophones.
Selon vous, est-ce qu'une disposition du projet de loi C‑13 pourrait aider à changer cette tendance?
Soit dit en passant, je connais bien M. Lepage. Lorsqu'on examine le projet de loi C‑13 et la situation actuelle, il faut toujours examiner aussi la structure d'accueil. Comme je l'ai déjà dit, trois ou quatre mois après leur arrivée au Canada, certains immigrants ne reçoivent plus de services. À la Division scolaire franco-manitobaine, nous avons ce que nous appelons des agents culturels, qui se rendent chez les immigrants en soirée pour leur parler, leur expliquer un peu ce qu'est l'éducation au Canada et leur dire que, inévitablement, leur enfant va apprendre l'anglais. Cela vise à tisser des liens dans ce bassin, dans ce que nous appelons une communauté scolaire.
Bien sûr, cela nécessite de l'argent, mais aussi la volonté du gouvernement fédéral de s'assurer que des services sont offerts dans les deux langues partout.
J'ai une question pour M. Désilets, au sujet de la santé.
En 2019, j'ai formulé une plainte auprès du commissaire aux langues officielles concernant la plateforme Services de crises du Canada, financée par Santé Canada, qui offrait un service de soutien par messagerie texte seulement en anglais. C'était décrit sur son site Web. J'en ai parlé directement à des gens de Santé Canada quand ils sont venus témoigner ici. Finalement, la situation a été corrigée.
Selon vous, ce genre de situation est‑il fréquent dans le contexte du gouvernement fédéral ou des services de santé en général?
Je pense que la fonction publique a de très bonnes intentions. Par contre, on voit souvent qu'il s'agit de programmes traduits de l'anglais et qui ne sont pas complètement adaptés à la réalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je pense, entre autres, au lancement d'Espace Mieux-être Canada, au début de la pandémie. La situation est maintenant réglée, mais il faut être vigilant.
Merci, monsieur Désilets.
Merci, monsieur Beaulieu.
Pour terminer, je cède la parole à Mme Ashton, du Manitoba, pour deux minutes et demie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais poser une question que j'ai posée au groupe précédent de témoins.
Selon les données sur les résidents permanents admis en 2019, 45 % des nouveaux arrivants proviennent de six pays ayant l'anglais comme langue officielle. Malgré le fait que 29 pays ont le français comme langue officielle, aucun d'entre eux n'apparaît parmi les 10 principaux pays d'où proviennent les immigrants. On sait aussi que la présence consulaire est minimale en Afrique francophone.
À la lumière de ces données, que pourrait faire le gouvernement fédéral pour aider vos domaines à combler les besoins en main‑d'œuvre et offrir les services essentiels que les communautés francophones méritent?
Monsieur Laberge, vous pouvez répondre en premier. J'aimerais par la suite entendre les réflexions de M. Désilets.
Les services consulaires, c'est vital. S'ils sont presque inexistants dans certains pays, les gens ne s'y rendront pas et les services consulaires ne pourront pas faire l'aiguillage qui amène les gens au Canada.
Il faut comprendre que le déracinement d'une famille entière du Congo ou du Rwanda, par exemple, représente un énorme changement pour elle. Cela nécessite un suivi et un accompagnement. Il est essentiel que les services consulaires soient omniprésents, mais aussi qu'il y ait plus d'appui pendant une plus longue période.
Pour ma part, je pense qu'on a besoin de plus de main‑d'œuvre, surtout dans le domaine de la santé. En même temps, il faut s'assurer que le parcours d'intégration est de qualité et qu'il y a une reconnaissance des diplômes. Cela ne sert à rien de faire venir un nombre énorme de personnes si leurs capacités et leurs compétences ne sont pas reconnues pour contribuer à la main‑d'œuvre. De toute évidence, cela passe par la reconnaissance des diplômes. En outre, il faut s'assurer que les milieux francophones sont réellement des milieux francophones dans toutes les dimensions de la vie.
Chaque année, 98 % des Canadiens utilisent au moins un service de santé. Autrement dit, tout le monde a recours aux services de santé. Si cet élément essentiel à la vie n'est pas disponible partout en français, on envoie le message que la santé est secondaire si on est francophone.
Il faut certainement de l'immigration francophone, mais aussi de bons milieux d'accueil et un bon parcours d'intégration pour s'assurer de bien atteindre les objectifs en matière de main‑d'œuvre au Canada.
Je vais poser rapidement ma dernière question.
D'autres témoins que nous avons reçus, par exemple de la FCFA et du Commissariat aux langues officielles du Canada, nous ont beaucoup parlé de l'importance d'inclure des clauses linguistiques dans ce projet de loi. Ces clauses permettraient de s'assurer que les ententes entre les provinces et le fédéral auront comme priorité l'investissement dans les services destinés aux francophones et aux communautés francophones.
Pensez-vous que, dans vos domaines respectifs, il est essentiel d'inclure des clauses linguistiques dans ce projet de loi? On peut commencer par...
C'est une excellente question, madame Ashton, mais votre temps de parole est écoulé.
Messieurs Laberge et Désilets, si vous croyez avoir manqué de temps pour développer votre pensée ou formuler vos conseils, n'hésitez pas à transmettre toute information supplémentaire par écrit à notre greffière. Celle-ci pourra ensuite envoyer cette information à tous les membres du Comité.
Au nom du Comité, je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Vu votre expérience, il était agréable d'entendre vos suggestions quant au projet de loi C‑13. Cela aidera certainement le Comité à préparer un meilleur rapport.
Cela dit, il semble y avoir eu des pourparlers pour que la deuxième heure de la séance de mardi prochain soit consacrée à des travaux du Comité. Je crois que la liste de témoins est dans le cartable. Nous pourrons en discuter.
Est-ce que tout le monde est d'accord?
Des députés: D'accord.
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