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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 21 mars 2022

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. C'est intéressant d'écouter des universitaires parler de leurs tribulations et discuter des cours qu'ils peuvent donner ou non.
    Je suis heureux de revoir M. Fergusson. Je crois que la dernière fois que nous nous sommes vus, c'était à Washington, mais je n'en suis pas absolument certain.
    Une voix: Je crois que oui.
    Le président: Je suppose que nos intrépides fonctionnaires ont fait le point sur la météo à travers le Canada, de Calgary à Ottawa en passant par le Manitoba. Tout ce qui nous manque, c'est un bulletin des sports.
    Excusez-moi de commencer avec quelques minutes de retard, mais nous avions un vote. Les députés sont en train d'arriver. Comme nous avons le quorum, nous pouvons y aller.
    Je vais vous appeler dans l'ordre indiqué au Feuilleton, c'est-à-dire M. Fergusson, M. Huebert et M. Saideman.
    Monsieur Fergusson, je suis heureux de vous revoir. Vous avez cinq minutes. Allez‑y, je vous en prie.
    Je serai bref et je vais surtout vous parler de l'évaluation de la menace pour l'Amérique du Nord. Il faut d'abord savoir que cette évaluation n'a pas vraiment changé malgré la guerre en cours en Ukraine. Les enjeux de la défense de l'Amérique du Nord sont connus depuis un certain temps déjà. On peut remonter à une décennie avec la mise au point de missiles de croisière de longue portée, qui ont pour ainsi dire rendu le Système d'alerte du Nord obsolète. Depuis environ cinq ans, le développement et le déploiement de véhicules hypersoniques par les Russes constituent un autre problème important pour la défense de l'Amérique du Nord.
    En termes simples, la défense de l'Amérique du Nord comporte des lacunes importantes et graves en matière de capacité et en matière de coordination du commandement. Du côté de la capacité, il y a le fait que le Système d'alerte du Nord ne peut rien contre les missiles de croisière de longue portée susceptibles d'être lancés par-dessus l'Extrême-Arctique, voire, selon l'évolution de la situation, depuis la Russie elle-même — grâce à des missiles de croisière de longue portée à lanceur terrestre. Le système peut capter très brièvement leur présence lorsqu'ils survolent la région, mais il ne peut pas vraiment les détecter, les suivre et guider des intercepteurs sur leur trajectoire.
    Les hypersoniques posent un autre problème très défini. Le Système d'alerte du Nord n'est pas calibré pour ces armes, et il n'a pas la capacité de les repérer. Le réseau américain d'alerte aux missiles balistiques, qui alimente le système d'alerte avancé pour les missiles balistiques du NORAD, est calibré pour faire face aux missiles balistiques, qui volent beaucoup plus haut et beaucoup plus vite que les hypersoniques. Il y a donc deux lacunes importantes dans notre système de défense.
    Deuxièmement, concernant la coordination du commandement, l'Amérique du Nord a toujours été limitée au Canada et aux États-Unis lorsqu'il était question du NORAD et de la défense de l'Amérique du Nord. Il y a des problèmes importants dans cette structure, notamment au sujet du Groenland. Le Groenland fait partie de l'Amérique du Nord. Les États-Unis ont avec ce pays des liens plus étroits que nous. En fait, nous n'en avons pas. Le Groenland a toujours été considéré comme un pays tourné vers l'Est. Dans le plan de commandement unifié des États-Unis, il est rattaché au Commandement des forces des États-Unis en Europe, alors qu'il devrait en fait être rattaché au U.S. Northern Command et au NORAD. On pourrait dire la même chose de l'Islande.
    Il y a des problèmes de coordination du commandement; il y a des problèmes de déficit de capacité, et le contexte de la défense aérienne ou aérospatiale devient très compliqué, notamment parce que les hypersoniques brouillent la distinction entre aviation et aérospatiale pour la défense antimissile balistique.
    Le gouvernement du Canada et notre allié du Sud, les États-Unis, sont confrontés à de graves problèmes dans l'instauration d'une capacité de défense et d'une structure de commandement efficaces, aptes à détecter les menaces potentielles et à venir, à dissuader et à vaincre les agresseurs éventuels et à nous en défendre.
     [Difficultés techniques] ici. Les répercussions financières sont nombreuses en l'occurrence, mais je vais m'en tenir à un aperçu général. Je me ferai un plaisir, pendant la période de questions, de vous fournir plus de détails sur les problèmes auxquels nous faisons face.
    Merci beaucoup, monsieur Fergusson.
    Monsieur Huebert, vous avez cinq minutes. Allez‑y, je vous en prie.
     Merci beaucoup. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de mes réflexions au sujet de l'excellent travail que vous faites.
    Mon exposé préliminaire porte sur deux axes principaux. Il y a d'abord les difficultés du Canada, d'hier à aujourd'hui, en matière d'évaluation de la menace et en matière de capacité. Il y a ensuite les nouvelles menaces contre le Canada.
    À mon avis, il s'agit dans le premier cas de composer avec les menaces et d'essayer de les gérer, puis de trouver la capacité de les opérationnaliser selon une triple perspective.
    Le premier élément est le fait que les États-Unis éclipsent totalement les évaluations canadiennes de la menace. Depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, ce sont en fin de compte les États-Unis qui veillent à ce que la sécurité de l'Amérique du Nord soit la priorité absolue. Cela a donc nui dans une certaine mesure à la capacité du Canada — voire à sa volonté — de procéder à une évaluation de la menace qui soit indépendante et extérieure à un cadre d'alliance. C'est à la fois une bonne et une mauvaise façon d'envisager l'avenir.
    Le deuxième élément qui nuit à notre évaluation de la menace est que, parmi tous les pays alliés, le Canada est de ceux dont le processus d'approvisionnement est le plus politisé. Il a donc toujours été difficile de se faire une idée de la menace qui pèse sur nous et de trouver les outils nécessaires pour y faire face. Comme les Américains seront toujours là pour nous protéger contre n'importe quelle menace, on a presque l'impression d'un financement discrétionnaire, et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles le Canada a de la difficulté à réagir aux types de dangers dont M. Fergusson vient de parler.
    Le troisième élément est que ces deux réalités ont créé une culture stratégique au Canada qui nous a permis de devenir très bons au niveau tactique. Nous savons très bien être interopérables avec nos alliés et répondre avec un maximum [inaudible] et un minimum de dépenses. L'opération Reassurance témoigne du leadership du Canada à cet égard.
    Notre problème, c'est notre capacité, du point de vue stratégique, à évaluer la menace dans un contexte purement canadien. Bien des gens feront valoir que nous n'aurons jamais besoin de le faire et que cela ne vaut qu'à l'échelle de l'Amérique du Nord et de l'Europe occidentale.
    Du point de vue de l'évaluation de la menace, cela se traduit par une réaction un peu tardive à un système international qui évolue très rapidement. Comme M. Fergusson, je pense que les difficultés du Canada sont bien connues et existent depuis un certain temps.
    Ma chronologie serait un peu différente. À mon sens, ce que nous avons commencé à voir avec l'arrivée de Poutine à la présidence de la Fédération de Russie était à la fois l'intention et le désir de redonner à la Russie son statut de grande puissance. Il a entamé une série de processus qui n'ont probablement pas été bien compris dans le contexte canadien. On a tenté de maintenir le dialogue du côté de la coopération dans l'Arctique, mais dans le contexte de ce qu'on appelle l'exceptionnalisme de l'Arctique.
     Mais ce qui est encore plus problématique, c'est qu'on a plus ou moins minimisé les déclarations et les actions des Russes. Ils ont éprouvé quelques difficultés dans leurs premières démarches d'approvisionnement, mais beaucoup des systèmes d'armes dont parle M. Fergusson ne sont pas brusquement apparus en 2022. Nous pouvons les retracer entre 2005 et 2010, et c'était un autre avertissement, notamment du côté des hypersoniques, des véhicules autonomes sous-marins et d'autres types de systèmes de vecteurs représentant une menace directe. Ces moyens ont commencé à être connus dès les années 2010.
    Nous avons également été témoins du recours à la force pour redessiner les cartes de l'Europe. La Tchétchénie a probablement été un premier signalement des objectifs militaires de la Russie. En Géorgie, la guerre a clairement fait comprendre que les États voisins de la Russie ne seraient plus autorisés à se joindre à l'OTAN. Le début de la guerre en Ukraine, en 2014, l'illustre très clairement.
    Autrement dit, la menace à laquelle fait face le Canada dans le contexte de la sécurité collective et de sa propre sécurité dans le Nord nous a probablement été signalée dès 2012‑2013, mais le moment est venu de vraiment y accorder toute notre attention.
(1540)
     Je conclurai en rappelant que nous avons beaucoup de difficulté à composer avec la menace que représente l'évolution de la Chine. Certains, bien sûr, ne voient pas la Chine comme une menace militaire directe, mais plutôt comme une menace économique, ou peut-être quelque chose entre les deux — une menace hybride — et il faudra effectivement y accorder plus d'attention à mesure que le système international se rétablira après les événements de la guerre en Ukraine.
    Je vais m'arrêter ici et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.
    La parole est maintenant à M. Saideman. Allez‑y, monsieur.
    Cela peut sembler étrange à un moment où le monde entier, y compris les dirigeants canadiens, se concentre principalement sur la guerre entre la Russie et l'Ukraine, mais il se trouve que les menaces les plus importantes auxquelles font face le Canada et les FAC sont les changements climatiques et les abus de pouvoir qui ont provoqué une crise dans l'armée. Je vais parler brièvement ici des menaces auxquelles nous faisons face et de la façon dont le MDN et les FAC s'y préparent.
    J'aborde cette question en fonction de mon expertise en relations entre la société civile et l'armée, de mon travail comme spécialiste des relations internationales...
(1545)
    Excusez-moi. Pour une raison étrange, nous avons l'interprétation de l'anglais au français, mais je ne sais pas si nous avons l'interprétation du français à l'anglais.
    Pourriez-vous recommencer, s'il vous plaît? Je suis désolé.
    Pas de problème.
    On s'emmêle parfois les baguettes par ici.
     C'est à Montréal que j'ai passé mes 10 premières années au Canada, mais mon français n'a jamais vraiment été très bon.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole.
    L'idée peut sembler étrange aujourd'hui, quand l'attention du monde entier et des dirigeants canadiens est tournée vers la guerre entre la Russie et l'Ukraine, mais les menaces les plus importantes auxquelles font face le Canada et les Forces armées canadiennes sont les changements climatiques et les abus de pouvoir qui ont provoqué une crise dans l'armée.
    J'aborderai ici brièvement ces menaces et la façon dont le MDN et les FAC s'y préparent. Je m'appuie sur mon expertise des relations entre la société civile et l'armée, sur mon travail comme spécialiste des relations internationales, sur mes interactions avec divers représentants du milieu de la défense et de la sécurité et sur ce que j'ai appris comme directeur du Réseau canadien sur la défense et la sécurité.
    Je commencerai par formuler deux réserves importantes. Je ne suis expert d'aucune technologie militaire en particulier — ni de Zoom, semble-t‑il —, et mon avis sur l'approvisionnement est moins bien informé que mon avis sur les FAC et la crise qu'elles traversent depuis des années.
    Deuxièmement, contrairement à mes deux collègues ici présents, je suis sceptique concernant l'Arctique. Si les Russes n'arrivent pas à fournir l'appui logistique nécessaire à une campagne militaire conventionnelle menée contre un voisin immédiat, je ne vois pas en quoi ils représentent une menace énorme pour le Nord.
    Nous devons effectivement investir dans la modernisation de notre technologie d'alerte dans le Nord, mais ce qu'il faut surtout, c'est se concerter davantage avec les gens qui y vivent. La meilleure façon de nous protéger contre les menaces dans le Nord est d'avoir de meilleures relations avec les gens qui y vivent et d'investir dans leurs collectivités. Le système des Rangers canadiens fonctionne précisément en raison de la confiance et de l'adhésion de la population locale.
    Pour revenir à mon sujet principal, on parlait jusqu'ici des changements climatiques en termes abstraits. Cet automne, des tempêtes et des inondations ont isolé Vancouver et rompu le lien du Canada avec le Pacifique plus efficacement qu'une première frappe russe ou chinoise. Avant la pandémie, le général Eyre, alors chef d'état-major de l'armée, avait fait remarquer que l'aide aux autorités civiles était en train d'augmenter en intensité et en fréquence.
    La pandémie elle-même, qui a fait plus de morts parmi les civils canadiens que n'importe quelle attaque ou guerre, a été une autre situation d'urgence où les FAC sont largement intervenues, et pourtant, nous continuons de considérer les opérations internes comme secondaires. Elles font toujours partie des priorités, mais toujours parmi les moindres. Il faut que cela change. Cela doit devenir une priorité plus importante pour les Forces armées canadiennes.
    La deuxième menace, ce sont les FAC elles-mêmes. L'inconduite sexuelle n'est qu'une partie de la crise plus vaste due aux abus de pouvoir. De nombreux généraux et amiraux ont perdu leur poste à cause d'un comportement répréhensible, et cela crée un effet paralysant qui n'est pas nouveau. Les soldats, les marins et les aviateurs savent depuis longtemps que les haut gradés ne veulent pas entendre de mauvaises nouvelles et qu'ils n'y réagissent pas bien.
    Pendant ce temps, les promotions se passent entre vieux copains, le chef d'état-major de la Défense choisissant son personnel de commandement sans grande supervision. Le ressentiment et les querelles caractérisent souvent les relations entre les deux tours de contrôle que sont le MDN et les FAC, et ce, depuis bien longtemps, bien que cela commence à peine à se savoir.
    Les civils, censés avoir la charge du contrôle civil des militaires, ont largement abdiqué leurs responsabilités. Dans ce contexte et compte tenu d'un marché de l'emploi favorable, il ne faut pas se surprendre que les gens n'aient pas envie de s'enrôler ou de rester dans les FAC. Le général Eyre a parlé de « crise existentielle » pour décrire les difficultés actuelles des FAC, car il nous manque environ 10 000 personnes pour atteindre nos objectifs de recrutement et de rétention de personnel. C'est plus de 10 %, et, en fait, c'est plus près de 16 %.
    Peut-être que des gens préfèrent ne pas s'enrôler parce qu'ils craignent d'être maltraités. Il se peut que des gens partent à cause de cela. Ils ont évidemment peur de dénoncer ces mauvais traitements auprès de la chaîne de commandement. Pendant plusieurs années, nous avons eu un ministre et un chef d'état-major qui n'ont pas fait grand-chose, qui n'ont rien fait ou pire, pour changer les choses. De fait, le chef d'état-major de la Défense a désigné pour diriger son personnel un homme à qui son aptitude à échapper à ses responsabilités avait valu le surnom de Mulligan man.
    La bonne nouvelle, c'est que nous avons une nouvelle ministre qui est beaucoup mieux outillée et beaucoup plus déterminée à changer les choses. Jusqu'à maintenant, les FAC font miroiter un changement de culture, mais il s'agit surtout de savoir si elles accepteront un vrai contrôle civil de l'armée? La fonction de ministre ne se limite pas à choisir le chef d'état-major de la Défense. Et la ministre le sait. Son rôle est plus large que cela, et elle le sait beaucoup mieux que son prédécesseur. Je ne suis pas certain que ce soit le cas des officiers des grades intermédiaires des FAC.
    Le général Eyre et la ministre Anand ont entamé de sérieuses réformes, mais celles‑ci doivent être institutionnalisées, et nous devons tirer des leçons des échecs antérieurs.
    J'ai quelques suggestions à faire au Comité.
    Il faudrait examiner de plus près la Loi sur la défense nationale et déterminer si elle prévoit des pouvoirs et des outils suffisants [difficultés techniques]. La fonction de sous-ministre est-elle dotée des outils dont il a besoin pour s'assurer que les gens peuvent faire leur travail?
    Je suggère deux changements. Appliquer une restriction semblable, mais plus stricte que celle des États-Unis. Les États-Unis ne sont pas censés avoir comme secrétaire à la Défense un militaire de haut rang qui vient de prendre sa retraite. Ils se sont écartés de ce principe par deux fois au cours des dernières années.
     Comme nous le savons, sous des gouvernements libéraux comme sous des gouvernements conservateurs, des officiers supérieurs sont devenus des ministres de la Défense nationale, et, comme on pouvait s'y attendre, cela n'a pas donné de bons résultats. Ils étaient trop proches de la mentalité et des réseaux de l'armée pour avoir la distance qui leur aurait permis d'être suffisamment critiques.
    Dans le même ordre d'idées, les États-Unis et la plupart des autres démocraties procèdent à des examens quadriennaux, et le Canada devrait en faire autant. Nous devons nous adapter. Il nous faut des points de repère à évaluer régulièrement. Beaucoup de choses ont changé depuis le dernier examen de la défense. Cela permettrait également au MDN de se faire des muscles et de prendre des habitudes en vue d'évaluations régulières.
(1550)
    J'ai parlé de la crise du recrutement. J'ai une autre suggestion à ce sujet: faire du service militaire une voie d'accès à la citoyenneté. Les États-Unis offrent ainsi depuis longtemps la citoyenneté à des gens d'ailleurs, qui finissent par devenir des citoyens américains. Ce ne serait pas facile, mais cela aiderait à créer un bassin de recrues plus vaste, plus riche et plus diversifié. Il se trouvera des opposants pour résister et dire que les habilitations de sécurité sont un obstacle, mais c'est un processus que les États-Unis ont réussi à perfectionner. Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il ne faut pas essayer. Nous pouvons le faire nous aussi.
    Nous pouvons à tout le moins réduire les obstacles auxquels se heurtent les immigrants qui vivent déjà ici, car nous avons besoin de leurs compétences, de leurs perspectives multiples et de leur énergie. Comme les populations des bassins habituels de recrues sont en déclin, nous devons faire preuve d'imagination et de détermination.
    Merci.
    Merci.
    Sur ce, nous allons passer aux questions de six minutes, en commençant par Mme Kerry-Lynne Findlay.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui. C'était très instructif.
    Monsieur Huebert, vous avez dit que le Canada a l'un des systèmes d'approvisionnement les plus politisés. Pourriez-vous étoffer cette affirmation? À qui nous comparez-vous et qu'entendez-vous par là?
    À titre d'exemple direct, prenez la question du remplacement d'un avion de chasse. En Finlande, au Danemark, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne, le processus est effectivement teinté de politique — c'est le cas de tous les pays occidentaux, entendons-nous —, mais on peut compacter le processus par lequel on arrive à cette décision. La Finlande, par exemple, qui a toujours appuyé sa voisine et amie la Suède, a pu, en l'espace de deux ans, parce qu'elle se sentait plus menacée, prendre une décision au sujet des F‑35.
    Du côté des Australiens, qui ont toutes sortes de difficultés dans la mise en place et la mise en route de certains de leurs systèmes, on aborde les décisions globales d'un point de vue plus ou moins biparti. C'est le cas au Japon pour le maintien des capacités navales. Les grands systèmes qui se mettent en place passent par une acceptation de la multipolarité. Autrement dit, ces systèmes, ces procédures, que les Américains, les Britanniques, les Japonais et les Australiens mettent en œuvre, sont loin d'être parfaits, mais ils permettent de prendre des décisions à une vitesse que le Canada ne peut tout simplement pas égaler.
    Comme je le disais, on a l'impression que la menace sera prise en charge par quelqu'un d'autre.
    Monsieur Fergusson, quel est votre avis sur le récent essai du système de bombardement orbital fractionné dans le Sud de la Chine? Le NORAD est‑il prêt à faire face à ce genre de menace?
    Strictement parlant, non. Les choses ont évolué dans les années 1960. L'Union soviétique a fait l'essai d'un système de bombardement orbital fractionné, mais l'a abandonné. C'est une menace potentielle, et c'est important pour le Canada [difficultés techniques] sur le Système d'alerte du Nord, cette ligne de radars dans le Nord. Nous n'avons pas encore compris que l'Amérique du Nord est un continent qu'il faut défendre à 360º. Dans le cadre des relations du NORAD avec les États-Unis, nous nous en remettons aux Américains — c'est leur problème —, et ils doivent mettre au point des radars et des systèmes de détection plus perfectionnés, ce qu'ils sont sur le point de faire, je crois.
    Au final, je ne crois pas que cet essai soit vraiment important du point de vue de l'intention et des capacités de la Chine. Quand on examine la doctrine militaire chinoise, la pensée militaire chinoise, sa perspective stratégique, on comprend qu'elle se soucie surtout de ce que les États-Unis appellent des capacités de refus d'accès et d'interdiction de zone. Les Américains ont des intérêts régionaux en ce moment. Les Chinois sont en train de développer des capacités à long rayon d'action pour pouvoir menacer l'Amérique du Nord, et ils le peuvent effectivement grâce à leurs bases terrestres de lancement de missiles balistiques intercontinentaux et à leurs réserves croissantes de missiles balistiques mer-sol. Dans l'ensemble, pour l'instant, les Chinois représentent davantage un problème régional de l'Asie-Pacifique qu'une menace pour l'Amérique du Nord.
(1555)
    Professeur, j'aimerais aussi vous demander si vous croyez que la Russie ou la Chine — ou la Corée du Nord, d'ailleurs — font une distinction entre un tir de missile contre le Canada et un tir de missile contre les États-Unis.
     Non. En raison de [difficultés techniques] et du fait démographique que des villes canadiennes se trouvent près de la frontière et de villes américaines, les problèmes liés à l'exactitude et au guidage de missiles balistiques intercontinentaux de longue portée potentiellement menaçants et le fait qu'ils savent parfaitement que nous sommes intégrés sur le plan économique font en sorte qu'ils nous considèrent, à mon avis, comme une seule et même cible.
    Il nous est difficile de nous faire une idée de leurs cibles prioritaires exactes ou [difficultés techniques].
    Merci, professeur.
    Pardon?
    Je suis désolée, mais nous perdons le contact avec vous. Je pensais que vous aviez terminé.
    Pas de problème.
    À la base, l'idée que tout le monde ferait la distinction entre le Canada et les États-Unis est un mythe canadien dont les motifs sont politiques. Nous sommes une seule et même cible, et c'est ce que confirment nos relations étroites avec les États-Unis.
    Je vais peut-être m'adresser de nouveau au professeur Huebert.
    D'après vous, comment la Russie et la Chine considèrent-elles l'Arctique canadien et le passage du Nord-Ouest sur le plan stratégique?
    Il faut se montrer prudent sur le plan stratégique, parce qu'on a un peu tendance à dire que la souveraineté sur le passage du Nord-Ouest est une question de sécurité — parce que les Chinois et les Russes pourraient vouloir en profiter. La position des Russes est en fait très semblable à celle du Canada à l'égard de leur propre route maritime dans le passage du Nord-Est. C'est davantage l'enjeu de la sécurité qui doit nous préoccuper.
    À ce stade, on peut se demander si les Russes, notamment, remarquent effectivement les efforts du Canada pour ne pas se moderniser dans la mesure prévue en 2017. J'ajouterais également que nos alliés du Nord de l'Europe modernisent activement leurs forces de surveillance et de réaction depuis 2016. Qu'on nous considère ou non comme un maillon faible... Maintenant, il s'agit de savoir « le maillon faible de quoi? ».
    Donc, dans ce contexte, la réponse à votre question est qu'on ne sait pas ce que Poutine pense ou ce qu'il veut dire. Le danger auquel nous faisons face est... N'oubliez pas que Poutine a laissé entendre qu'il pourrait recourir aux armes nucléaires tactiques lorsque la guerre en Ukraine est entrée dans sa deuxième phase, et il suit une politique à long terme depuis au moins un an ou un an et demi. C'est ce qu'on appelle « l'escalade pour la désescalade ». On ne sait pas exactement ce que cela veut dire, mais quant à la preuve de la faiblesse du Canada... Très franchement, on ne sait pas, mais cela reste une possibilité.
    Les Chinois...
    Malheureusement, nous devons nous arrêter ici. Je suis désolé.
    Monsieur Fisher, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins d'aujourd'hui d'avoir partagé leur grande expertise.
    Je vais commencer par M. Fergusson et, s'il me reste du temps, je m'adresserai à M. Huebert.
    L'an dernier, les États-Unis et le Canada ont publié une déclaration conjointe sur la modernisation du NORAD, où sont énumérés quatre domaines d'investissement prioritaires, à savoir la connaissance de la situation, la modernisation des systèmes de commandement et de contrôle, les capacités de dissuasion et de neutralisation des nouvelles menaces aérospatiales pour l'Amérique du Nord, et la recherche-développement.
    J'ai déjà posé cette question au comité de la défense: en matière de capacité, quels sont les investissements les plus importants que nous pourrions faire aujourd'hui pour assurer notre avenir, compte tenu de ce qui se passe aujourd'hui?
    Je vais commencer par M. Fergusson, puis je m'adresserai à M. Huebert.
    L'investissement le plus important, en ce moment, serait dans [difficultés techniques]. Il ne s'agit pas simplement du Système d'alerte du Nord ou de son remplacement par une autre série de radars terrestres. Les discussions actuelles portent probablement sur les radars transhorizon...
    Excusez-moi, monsieur Fergusson.
    Oui.
    Vous avez dit: « L'investissement le plus important serait », mais la communication a été coupée, et tout le monde s'est demandé ce que vous veniez de dire.
    Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît?
    Le besoin le plus important et le plus pressant à l'heure actuelle, ce sont les systèmes de détection, et pas seulement le remplacement de la base terrestre du Système d'alerte du Nord. On s'intéresse actuellement aux radars transhorizon à réflexion troposphérique. En remplaçant en même temps les systèmes terrestres et les systèmes aériens... Qu'il s'agisse de l'acquisition éventuelle de systèmes AWACS, de l'utilisation de ballons captifs en haute altitude ou de systèmes basés dans l'espace, et pas seulement pour la partie nord de l'Arctique faisant l'objet de l'évaluation de la menace, mais aussi dans un rayon de 360 degrés... C'est cela qui est prioritaire.
    Je reconnais que le processus est lent et que certaines des technologies envisagées en sont encore au stade de la R‑D. C'est pourtant fondamental, parce que, si on ne peut pas détecter la menace, on ne peut pas l'identifier, on ne peut pas la suivre et on ne peut pas guider les systèmes d'interception vers la cible, et, dans ce cas, tous les systèmes d'interception du monde ne vous serviront à rien.
(1600)
     Monsieur Huebert.
    M. Fergusson a tout à fait raison au sujet des systèmes de détection, mais j'aimerais ajouter deux choses auxquelles le Canada devra faire face. Cela nous ramène également à la question des tests chinois.
    Il est question, bien entendu, de la modernisation du NORAD en lien avec le Système d'alerte du Nord. Cela en fait partie. Les radars transhorizon en sont un autre élément. Il faudra également examiner les ressources spatiales, surtout compte tenu de la vitesse et de la furtivité de certains missiles de croisière russes, notamment le missile Kinjal.
    Il faudra aussi examiner le rôle du NORAD en 2005 et en 2006, et je parle évidemment du site de détection sous-marine. Juste avant la reprise de la guerre en Ukraine, les Russes ont démontré qu'ils peuvent effectivement couper des câbles sous-marins. Des câbles ont été coupés entre le Svalbard et la Norvège continentale.
    Ils ont de nouveaux systèmes d'armes, comme le Poséidon, par exemple, et d'autres véhicules sous-marins autonomes, qui ont la capacité de se rapprocher du sol canadien, voire du sol nord-américain, ce qui nous ramène à ce que M. Fergusson disait au sujet de la menace à 360º. Compte tenu du type de missiles de croisière dont ils disposent, le territoire canadien sera de plus en plus menacé.
    Pour revenir à la question concernant le passage du Nord-Ouest, ces nouveaux systèmes sous-marins vont vraiment soulever des questions d'ordre technique à mesure que la menace s'amplifiera.
    Merci.
    En quoi la nature de telle ou telle administration présidentielle américaine influence‑t‑elle les décisions du Canada en matière de défense continentale?
    Je vais continuer avec vous, monsieur Huebert. Historiquement, est‑ce que la coopération a été moindre ou meilleure dans certaines circonstances?
    Notre grâce salvatrice vient du fait que, dans l'histoire de nos relations, s'est développée une coopération solide entre les gens qui sont au‑dessous du niveau politique. Il existe une acceptabilité politique du principe que l'Amérique du Nord doit être défendue globalement, mais la véritable force de l'accord du NORAD et de la coopération nord-américaine dans son ensemble vient du réseau très profond de coopération entre les autorités militaires canadiennes et américaines. En général, ce degré de coopération est manifeste.
    Le problème est de savoir si on a une idée du type de ressources financières et de ce dont on a besoin. C'est là qu'on commence à voir certaines différences. À mon avis, les présidents démocrates et les présidents républicains voient les choses de la même façon quant à ce qu'ils jugent nécessaire.
    Les Américains ont un peu perdu de vue la défense de l'Amérique du Nord lorsqu'ils se sont engagés dans les guerres en Afghanistan et en Irak. Comme l'atteste une série de politiques et de stratégies pour le Nord publiées par chaque branche des forces américaines, celles‑ci comprennent comment elles doivent coopérer avec le Canada.
    Merci, monsieur Fisher.
    Madame Normandin, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question porte surtout sur l'approvisionnement.
    Messieurs Huebert et Fergusson, pour illustrer de façon très concrète le problème d'approvisionnement, je souligne qu'à l'heure actuelle, les Forces armées canadiennes ne sont pas en mesure de fournir des bottes aux soldats. On leur demande de les acheter eux-mêmes et de se faire rembourser par la suite. On peut imaginer que cette façon de procéder est beaucoup moins avantageuse et efficace que les achats groupés.
    La ministre est sur le point d'annoncer une augmentation du budget de la Défense. Il est possible que nous dépassions les 2 % au sujet desquels nous nous étions engagés envers l'OTAN.
    La seule solution sera-t-elle d'augmenter le budget?
    La question devrait-elle être avant tout « combien » ou ne devrait-elle pas être aussi « comment »?
(1605)

[Traduction]

    Est‑ce que je commence?
    Allez‑y, monsieur Fergusson. L'âge avant la beauté.
     La question n'est pas vraiment d'augmenter le budget de la défense. Elle est de savoir combien d'argent, sur quelle période et, notamment, pour quelles acquisitions, indépendamment des opérations et de l'entretien et, comme l'a souligné le professeur Saideman, indépendamment des problèmes de recrutement.
    Si on veut investir ou engloutir cet argent dans l'expansion des Forces armées canadiennes, le recrutement et la rétention du personnel sont un enjeu énorme, et on se retrouvera probablement en grande difficulté.
    Si l'argent est investi dans certaines immobilisations — je parle de nouveaux investissements en dehors de ceux qui ont été engagés en 2017 et en 2018 —, on ne sait pas où il irait. C'est vrai que, en 2017, avec « Protection, Sécurité, Engagement » et avec la modernisation de la défense nord-américaine, on a mis l'accent sur la modernisation du NORAD, mais, plus précisément, sur une réflexion au sujet non seulement des systèmes de détection, de tir et d'interception, mais aussi des dispositifs de commandement et de contrôle et de l'infrastructure, vraiment dans une vue d'ensemble. Il est difficile de savoir ce qu'il faudrait faire.
    Il est facile de... et je crois que l'Allemagne [difficultés techniques] a augmenté son budget de défense de 110 milliards de dollars américains sur une certaine période. C'est excellent, et c'est absolument essentiel, aussi bien pour l'Allemagne que, dans notre cas, pour les ressources que le gouvernement doit investir et qu'il dit qu'il va investir. Mais la question est de savoir dans quoi cet argent va être investi. Cela soulève la question de la nécessité d'un examen de la défense, ce que le gouvernement actuel ne veut pas faire — aucun gouvernement ne veut le faire après une première expérience.
    Il est très clair dans mon esprit que ce à quoi on s'est engagé en 2017, en l'absence d'un engagement financier pour la modernisation du NORAD et de la défense nord-américaine, concerne l'axe stratégique à adopter. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est important que le gouvernement l'énonce clairement. Cela signifie qu'il faut agir sur le plan politique avant de dire qu'il y a de l'argent.
     N'oubliez pas que la Défense nationale, au cours des dernières années — et pas une ne fait exception dans mon souvenir —, a continué de redonner de l'argent à l'organisme central. Je me trompe peut-être sur le montant exact, mais je crois que, l'an dernier, il a redonné 1,1 milliard de dollars. Eh bien, c'est un problème. On peut promettre de l'argent, mais la question est de savoir à quoi on le consacre [difficultés techniques] à quelles fins? Cela reste une question ouverte jusqu'ici au Canada.
    Soyons clairs, l'augmentation de 2 % prévue par l'OTAN est un objectif politique. En fait, la question est de savoir s'il est nécessaire pour l'armée canadienne de s'engager dans ce nouvel environnement. Il s'agit de la capacité de contrer la montée en puissance d'États agresseurs et de lutter dans un cadre de sécurité collective si cette dissuasion s'effondre.
    Au début de la période suivant la guerre froide, beaucoup de pays démocratiques ont, bien sûr, jugé bon d'économiser de l'argent sur la défense, parce qu'ils ne craignaient pas de devoir dissuader qui que ce soit ni d'être appelés à se battre. Cela a évidemment changé depuis au moins 2014 — je dirais même depuis 2008.
     Un engagement de 2 % du budget, c'est bien beau, mais il s'agit vraiment d'en arriver à cette capacité, et c'est ce dont parlait M. Fergusson au sujet du personnel que vous serez en mesure de recruter et des forces que vous pourrez mettre en œuvre.
    C'est au cœur de ce que vous demandez, autrement dit nous devons avoir la capacité d'aller au‑delà d'un simple accord de principe sur 2 % ou 1,9 %. Ce ne sont que des chiffres. Ils ne veulent rien dire, alors qu'une connaissance stratégique s'inscrivant dans une capacité constante, aux plus hauts niveaux, de comprendre les types de menaces auxquelles nous faisons face et sommes en mesure de réagir avec agilité, permet d'aller plus loin, à bien des égards, que des chiffres artificiels sur ce que vous allez [difficultés techniques].
    Il y a un aspect dont nous n'avons pas parlé et qu'il faut aborder, et c'est évidemment que le Canada doit aussi intégrer cette participation et accroître sa capacité d'obtenir du renseignement au‑delà des systèmes de détection, au‑delà de la détection de systèmes d'armes. Nous le constatons dans les choix de guerre progressivement privilégiés par la Chine et la Russie — la cyberguerre, la guerre hybride et l'ingérence éventuelle des Russes dans le Brexit, dans les élections américaines et dans le mouvement sécessionniste espagnol. Cela veut dire qu'il faut en tenir compte dans les mesures que nous prendrons. Les budgets en cause peuvent sembler assez modestes, mais c'est probablement un aspect auquel nous n'avons pas donné assez de... Cela fait partie du contexte général dans lequel nous réfléchissons et réagissons, après quoi il faut évidemment calculer le budget.
(1610)
    J'aimerais intervenir ici pour dire que nous devons aussi réfléchir un peu plus à notre mode d'approvisionnement, parce que c'est souvent perçu comme un programme d'emplois à saveur électoraliste, plutôt que comme une réflexion sur ce qui convient le mieux à nos besoins.
    Par exemple, on constate en Ukraine que divers systèmes de défense fonctionnent très bien, mais nous [difficultés techniques]. Faudrait‑il construire nos propres armes antichars, alors qu'il en existe déjà de très bonnes? Faudrait‑il construire nos propres armes antiaériennes, alors qu'il en existe déjà de très bonnes?
    Nous devons être un peu plus réalistes concernant ce que notre propre industrie de la défense peut faire et ce qu'elle devrait faire, et cela renvoie à un problème qui n'est pas nouveau. Nous avons l'impression que, à partir du moment où nous élaborons une industrie de la défense, elle doit rester occupée par toutes sortes de projets, comme celui de vendre des VBL à l'Arabie saoudite.
     Réfléchissons un instant à notre industrie de la défense et demandons-nous s'il est logique d'avoir des producteurs canadiens pour tout, quand cela nous place dans la position difficile d'essayer de les occuper entre nos propres grands projets. Il faudrait songer un peu plus à la possibilité d'acheter ailleurs.
     Nous devons malheureusement nous arrêter ici.
    Je suis certain que Mme Mathyssen a quelque chose à dire sur la vente de VBL à l'Arabie saoudite.
    Six minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Saideman, pour commencer, vous avez dit dans votre exposé préliminaire que vous étiez sceptique au sujet de l'Arctique. Vous avez fait valoir l'échec militaire de la Russie en Ukraine. Pourriez-vous expliciter votre point de vue et nous parler des difficultés qu'aurait la Russie en cas d'invasion de l'Arctique?
    Des experts qui travaillent dans l'armée et ailleurs m'ont dit que, si les Russes s'emparaient de quelques-unes de nos îles, le problème ne serait pas tant que nous aurions à récupérer ces îles, mais plutôt que les Russes qui s'y trouvent devraient être secourus. Compte tenu des distances à parcourir et des conditions météorologiques à affronter pour maintenir leurs troupes là‑bas, je pense, comme l'ont expliqué les deux professeurs, que la véritable menace pour l'Arctique, ce sont ces missiles. Ce n'est pas le navire de renseignement chinois qui passe éventuellement par là. Ce n'est pas une vraie menace en cas d'invasion de territoire.
    Il ne faut pas oublier que la plupart des investissements russes visent à protéger l'Arctique russe plutôt qu'à passer de notre côté de l'Arctique.
    C'est tout simplement un endroit où tout coûte très cher. Ce n'est pas pour rien que nous n'avons pas dépensé autant que nous l'aurions voulu dans le Nord — quand on y réfléchit bien, on constate que cela devient très coûteux très rapidement. Et, si cela nous coûte cher, cela coûte cher aussi aux Russes.
    Ils s'inquiètent de cette porte arrière, sécuritaire pendant longtemps, mais qui s'ouvre maintenant en raison des changements climatiques. Ils se préoccupent davantage de la protéger que de braconner de notre côté de l'Arctique. Ils plastronnent, mais ce n'est pas vraiment une menace importante pour nous.
    Nous avons appris que leurs systèmes d'approvisionnement sont très corrompus. Ils ne peuvent pas entretenir les pneus de leurs camions. Il semblerait qu'ils n'utilisent pas leur force aérienne autant qu'on l'aurait pensé dans cette guerre parce que la logistique d'approvisionnement en pièces d'avion ne serait pas à la hauteur. Ils n'ont peut-être pas eu assez de vols d'entraînement, parce que, comme ils le disent, la deuxième monnaie de l'armée russe est le carburant, et ils utilisent le carburant qui serait censé servir à l'entraînement et aux opérations pour acheter d'autres choses ou pour s'enrichir. Ils ne seraient donc pas vraiment capables d'envahir l'Arctique et d'y rester.
    Les missiles sont une menace réelle, mais la menace conventionnelle ne l'est pas tant que cela.
    Au sujet de ces importantes dépenses dans l'Arctique, on parle beaucoup d'infrastructures et d'investissements en infrastructures dans cette région. J'ai entendu différentes formulations. Les militaires parlent de partenariats avec les Autochtones. On nous a aussi parlé de la différence entre cela et les projets dirigés par des Autochtones.
    Pourriez-vous nous parler de certains problèmes à venir concernant ce que le gouvernement devrait investir en infrastructures et nous expliquer comment le faire de concert avec les Autochtones et sous leur direction?
    C'est une excellente question et je ne suis pas vraiment bien placé pour y répondre. Je pense que vous devriez inviter Whitney Lackenbauer à vous en parler. Il serait mieux à même de vous expliquer le travail qui se fait entre les Forces armées canadiennes et les gens du Nord [difficultés techniques]. À mon avis, nous avons absolument besoin d'une infrastructure pour les investisseurs dans la région. Je le redis, cela coûte extrêmement cher, de sorte que les choix que nous ferons seront vraiment à long terme et prudents et devraient absolument inclure la participation des gens du Nord.
    Je ne suis pas vraiment en mesure de vous dire si les Autochtones en assument la direction ou s'il y a collaboration.
(1615)
    D'accord.
     Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, vous savez peut-être qu'il y a environ un mois, le ministère de la Défense nationale du gouvernement du Canada a conclu un contrat avec la Société de développement des Inuits en vertu duquel celle‑ci s'occupera non seulement de l'entretien du Système d'alerte du Nord jusqu'à ce qu'il soit remplacé, mais aussi des bases d'opérations avancées.
    Compte tenu de l'extension de la zone d'identification de la défense aérienne du Canada et du remplacement d'un réseau de radars terrestres et, peut-être, de bases d'opérations avancées, il est clair que les occasions de partenariat avec des entreprises inuites et autochtones dans le Nord et l'Arctique se multiplieront. Ce sera une décision importante et essentielle puisque les processus d'approvisionnement détermineront la façon dont ces projets se déploieront, et les possibilités seront donc multipliées.
    Si ma mémoire est bonne — cela remonte à 2014 —, un dirigeant inuit a dit quelque chose d'intéressant au sujet du rôle précieux que jouent les Inuits et de l'importance qu'ils accordent à la coopération avec la Défense nationale et les Forces canadiennes dans l'Arctique.
    N'oubliez pas que, quand on parle des intérêts [difficultés techniques], la modernisation du NORAD ne se limite pas à l'aspect militaire et à la défense; elle se répercute sur les infrastructures et les projets civils, et c'est un double avantage important, pourrait‑on dire, en l'occurrence.
    Le gouvernement du Canada — et c'est quelque chose qui me préoccupe — a tendance à cloisonner ces activités. La Défense fait ceci, les Transports font cela, la Santé fait cela, mais, quand on songe aux enjeux des communications, à l'expansion de meilleurs terrains d'aviation, etc., il faudra bien que tout cela se fasse en collaboration avec les collectivités inuites et leurs entreprises commerciales dans le Nord.
    Merci, madame Mathyssen.
    Nous avons terminé le premier tour. La deuxième série de questions dure 25 minutes, et nous avons 20 minutes. Je vais donc devoir réduire d'une minute le temps de parole de chaque intervenant.
    Nous allons commencer par Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Fergusson. Il a parlé d'infrastructure et de la nécessité d'intégrer les différents secteurs. Les systèmes de contrôle industriels canadiens sont exposés, et Shodan, par exemple, est un moteur de recherche pour l'Internet des objets. Il permet d'analyser Internet pour y détecter les appareils connectés, y compris les systèmes de contrôle industriels comme les installations chimiques, les systèmes de contrôle de la circulation, les stations-service, les plateformes pétrolières, les éoliennes, les centrales électriques, les stations de pompage d'eau, les systèmes de traitement des eaux usées et les cargos. Il circonscrit toutes les zones exposées, comme un système en ligne, et dresse la liste des faiblesses et des zones fragilisées.
    Comment le Canada devrait‑il s'y prendre pour se doter d'une capacité défensive, compte tenu de la nécessité d'intégrer ces différentes infrastructures?
    Eh bien, c'est un peu en dehors de mon domaine d'expertise, mais je vais vous répondre de la façon suivante. Je ne suis pas sûr que ce soit un problème de défense. La Défense nationale et le NORAD, par exemple, ont toujours estimé qu'ils devraient jouer un rôle de premier plan dans la cyberdéfense ou la cybersécurité en Amérique du Nord. Je ne pense pas que ce soit nécessairement le cas. Le problème se pose lorsqu'il y a mélange des genres, alors que ces systèmes sont en grande partie fermés ou isolés, et lorsqu'il y a à la fois des systèmes publics et des système privés. Comment coordonner tout cela? Comment amener tout le monde à chanter la même partition? C'est à cause de la façon dont nous avons organisé le gouvernement dans le passé, du moins à mon avis.
    Au final, cela devrait incomber à la Sécurité publique. C'est d'elle que relève cet élément fondamental, et non pas de la Défense. Elle doit pouvoir faire plus que simplement remplir une fonction de coordination, même si c'est très important.
    Je crois qu'il faut se montrer prudent quand on a des gouvernements structurés comme l'armée, avec des silos qui deviennent problématiques quand leurs membres ne peuvent pas et ne veulent pas se parler. Comment éliminer ces obstacles? Il est important que le gouvernement du Canada examine la question de très près. Le programme dont vous parlez est un premier pas dans la bonne direction, mais nous devons aller plus loin.
(1620)
     Le problème, c'est que le système de défense canadien et les différentes bases utilisent tous ces systèmes d'infrastructure civile. Ils y sont reliés et, par extension, ils sont exposés en même temps que la structure civile.
    Avec la Chine, nous avons non seulement le problème du vol de propriété intellectuelle, mais nous avons maintenant celui de la militarisation des données. Les Chinois exercent une surveillance massive sur les Canadiens comme sur leurs propres citoyens et s'en servent pour mener une guerre hybride.
    Comment nous en défendre, surtout du point de vue de la défense nationale, puisque tout est lié?
    Peut-être pourriez-vous répondre au tout en 20 secondes.
    Très rapidement, tout est lié, en effet, mais qui va prendre l'initiative? C'est la question.
    Merci.
    Madame Lambropoulos, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être venus répondre à certaines de nos questions aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Huebert.
    Vous avez fait allusion au fait que le Canada ne sait pas très bien envisager la menace d'un point de vue strictement canadien. Cependant, M. Fergusson et vous-même avez dit que la cible serait l'Amérique du Nord comme entité unique et non deux entités distinctes.
    Pourriez-vous approfondir un peu? Mon collègue M. Fisher a posé une question semblable, mais j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus en détail pourquoi nous avons besoin d'un point de vue strictement canadien et ce qu'on pourrait faire pour obtenir cette perspective.
    Il y a deux grandes raisons d'envisager la situation d'un point de vue strictement canadien. La première est, bien sûr, de s'assurer que nous tirons le maximum de...[difficultés techniques]... américains. Nous ne pouvons pas donner aux Américain l'impression que nous faisons cavalier seul.
    Sous l'administration Trump, je pense que nous avons commencé à avoir quelques indices du fait que notre statut spécial— en vertu duquel on partait du principe que les Américains comprenaient qu'il y avait une relation spéciale avec le Canada et que nous avions donc probablement plus de choix que ce qu'appelait le contexte international — pourrait devenir problématique à l'avenir et que nous serions considérés comme distincts. Nous devons donc comprendre... pour jouer notre rôle auprès des Américains dans le contexte qui convient pour être en mesure de réagir dans la mesure de cette capacité.
    L'autre problème, évidemment, c'est qu'il peut y avoir des situations liées à la sécurité nationale ou des enjeux hybrides de sécurité nationale qui ne concernent pas les intérêts américains et que nous devons quand même affronter. Nous avons commencé à en avoir une petite idée avec les deux Michael et nous avons dû y réagir sur le plan diplomatique.
    Cependant, la plupart des observateurs ont souligné que l'appui des Américains à notre égard n'a peut-être pas toujours été à la hauteur dans cette histoire, de sorte qu'il est effectivement possible... Nous voilà revenus aux questions soulevées tout à l'heure au sujet de certaines cybermenaces. Il est possible que la Russie ou la Chine aient recours à une forme de cyberattaque contre le Canada, surtout pour montrer aux Américains ce qui peut effectivement arriver et avoir un effet dissuasif sur eux.
    Je répète que cela relève de Sécurité publique, de la capacité... mais cela rejoint ce qu'a dit M. Fergusson au sujet de la nécessité d'avoir les moyens de réagir. À la base, nous devons comprendre les menaces et jouer notre rôle dans notre système d'alliance, et nous ne pouvons le faire qu'en envisageant désormais les choses d'un point de vue strictement canadien.
    Merci beaucoup, monsieur Huebert.
    Monsieur Fergusson, je voudrais savoir si nous pourrions ou non...
    Je sais que la ministre Anand va bientôt parler des moyens de mieux identifier et détecter les véhicules hypersoniques. Je voulais vous poser quelques questions à ce sujet, mais je vais plutôt poser à M. Saideman une question qui me préoccupe beaucoup au sujet de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.
    Vous avez dit que le sous-ministre devrait pouvoir utiliser certains outils si on veut que les choses changent dans les FAC. Vous avez parlé de deux ou trois mécanismes utilisés aux États-Unis. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails à ce sujet, pour que nous puissions voir comment les utiliser au Canada également.
(1625)
    Premièrement, il ne faut pas oublier que le MDN devrait avoir un leadership qui ne soit pas composé uniquement de militaires à la retraite. Il faut une perspective distincte pour les militaires. Ce n'est pas seulement une question de ministre de la Défense; le problème est aussi, peut-être, le nombre de retraités qui occupent des fonctions au MDN. Puisque les gens qui sont arrivés au sommet de la hiérarchie militaire dans la dernière génération ont beaucoup de problèmes, il faudrait peut-être chercher ailleurs. C'est la première chose.
    Deuxièmement, nous devons réfléchir aux outils attribués à la fonction de sous-ministre. Jody Thomas a affirmé que, lorsqu'elle avait proposé d'aider Jonathan Vance à s'occuper du rapport Deschamps, il lui a dit de ne pas s'en mêler. Cela donne à penser qu'il y a un vrai problème dans les relations avec les civils au Canada, puisqu'on leur dit de ne pas se mêler de processus sur lesquels les militaires estiment devoir exercer leur contrôle. On a vu où cela nous a menés.
    Si j'ai bien compris, nous avons la Loi fédérale sur la responsabilité...[difficultés techniques]... qui porte sur l'argent qu'il faut redonner et qui est assujetti à la supervision et à l'approbation du sous-ministre. C'est un outil qui pourrait servir à s'assurer que les militaires tiennent compte du contrôle civil...
    Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter ici. Je suis désolé.
    Madame Normandin, vous avez une minute.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Huebert, vous avez mentionné dans votre exposé que les États‑Unis, historiquement, avaient tendance à prendre les devants en matière de défense. Ils analysent la capacité de défense du Canada, mais ce sont eux qui prennent les devants. Vous disiez que c'était à la fois une bonne et une mauvaise chose.
    J'aimerais que vous expliquiez en quoi c'est une mauvaise chose, puisque vous ne nous l'avez pas expliqué.

[Traduction]

    Le plus gros inconvénient des mesures prises par les Américains, parfois sans que nous en tenions dûment compte, c'est qu'on ne sait pas s'ils respectent toujours les intérêts canadiens dans les dépenses qu'ils engagent dans la défense.
    Je vais vous donner l'exemple de l'initiative américaine de développement de la capacité de lancement de missiles antibalistiques. À mesure que le temps passe, une série de débats politiques au Canada est en train de révéler qu'on se demande si c'est vraiment la voie à suivre pour relever les défis liés à l'équilibre stratégique global. Autrement dit, si on a un système de défense, est‑ce qu'on affaiblit la dissuasion nucléaire?
    Il se trouve que tout le monde est en train de mettre au point son propre système de défense antimissiles, et le débat en devient assez stérile. Dans les années 1980 et 1990, le Canada a joué un rôle de base et passif dans le déroulement des choses. C'est probablement le meilleur exemple de ce que sont les intérêts canadiens, mais nous ne semblions pas avoir une position que les Américains soient prêts à suivre.
    Madame Mathyssen, vous avez une minute.
    Monsieur Saideman, pour revenir à ce que vous disiez au sujet de la surveillance et de la reddition de comptes au sein du MDN et des FAC, j'ai parlé récemment à l'ombudsman de sa capacité à assumer cette surveillance et cette reddition de comptes supplémentaires.
    Seriez-vous d'accord pour dire qu'au lieu de rendre compte à la ministre ou au sous-ministre, le MDN et les FAC auraient tout à gagner d'un lien hiérarchique direct avec le Parlement?
    Je suis partagé à cet égard.
    Je comprends bien qu'il est logique d'accorder plus d'indépendance à quiconque rend compte des activités de l'armée, qu'il s'agisse d'un ombudsman ou d'un inspecteur général. Le problème, c'est que, par le passé, le Parlement n'a pas été le meilleur endroit pour ces gens, parce qu'il a contribué à politiser les enjeux de telle sorte que les rapports n'étaient pas vraiment axés sur l'amélioration des FAC. Au final, on s'attache surtout à trouver le meilleur moyen de coincer le ministre de la Défense nationale en poste.
    Ce qui m'a surpris dans toute ma carrière, c'est que je m'intéresse désormais vraiment aux personnalités. Nous sommes en bien meilleure posture avec quelqu'un comme la ministre Anand. Elle prendra plus au sérieux les plaintes de l'ombudsman.
     Je crois que nous devons réformer le bureau de l'ombudsman pour qu'il ait plus de contrôle sur son budget de déplacement et sur ses dépenses. Il pourrait ainsi faire son travail sans être assujetti à la microgestion de ceux qui ne veulent pas avoir de mauvaises nouvelles.
(1630)
    Merci.
    Monsieur Motz, vous avez quatre minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fergusson, j'ai une question pour vous. Je vais vous demander de solliciter votre mémoire.
    Vous avez comparu devant le Comité en 2014. Vous aviez dit que la défense de l'Amérique du Nord ne se limite pas aux domaines de l'air, de la terre, des mers, de l'espace et du cyberespace, mais qu'elle concerne aussi la préparation de l'industrie de défense, la technologie de défense et la recherche-développement.
    Monsieur Fergusson, quel est notre bilan des huit dernières années du point de vue de la préparation de l'industrie de défense, de la technologie de défense et de la recherche-développement? Quelle note nous donneriez-vous et avez-vous des suggestions pour l'améliorer?
    Une note... Voilà qui est difficile.
    À mon avis, nous avons généralement fait du surplace. On a mis davantage l'accent sur les investissements, en particulier à RDDC. Le ministère a, par exemple, obtenu plus d'argent pour la recherche et le développement de technologies destinées à moderniser le NORAD.
    Je suis d'accord avec M. Saideman au sujet de la canadianisation et du développement industriel, etc. J'ai toujours considéré qu'il fallait entre autres reconnaître — et c'est là que je ne suis pas d'accord avec mon collègue M. Huebert — que notre défense est indissociable de celle des États-Unis, laquelle est indissociable de celle de nos alliés à bien des égards.
    Il faut s'éloigner de ce système d'innovations industrielles et technologiques en vase clos — qui est fondamental pour le MDN, qui le vend au gouvernement, et pour le gouvernement — pour mieux comprendre l'évolution du développement et de la production des technologies industrielles de défense au fil des ans.
    Je donne toujours l'exemple du programme des F‑35, non pas du point de vue de la question de savoir si on va en acheter ou non, mais du point de vue du développement de consortiums où tout le monde s'engage à participer. Le secteur privé participe en fonction de sa compétitivité et de ses capacités technologiques.
    Nous n'avons pas réussi à dépasser un certain modèle — qui remonte à 20, 50 ou 100 ans — pour reconnaître que le Canada et les États-Unis sont effectivement intégrés en raison de l'augmentation constante des coûts exorbitants de la R‑D et de l'approvisionnement. La base technologique de notre industrie de défense est intégrée à celle des États-Unis, mais nous ne semblons pas nous en rendre compte, entre autres parce que le gouvernement ne sait pas ce qui se passe. Cela s'applique désormais à nos alliés.
    Si vous me demandez une note, je dirais que nous avons probablement un C+ ou un B, mais il est tout à fait possible de progresser et — encore une fois, je ne suis pas d'accord avec M. Huebert — de renoncer à ce truc de l'unicité de la canadianisation. Il faut abandonner cette idée, car il n'y a pas grand-chose d'unique dans la zone que nous occupons dans le monde.
    Merci beaucoup, monsieur Fergusson.
    Je crois que c'est à vous que je vais poser ma question. Les témoins d'aujourd'hui ont parlé de notre intégration aux États-Unis et de l'intégration de notre défense à la leur.
    Si nous devions subir une série d'attaques de missiles, serions-nous aussi protégés que les États-Unis? Vont-ils nous protéger contre ces missiles ou vont-ils s'attaquer uniquement à ceux qui visent les États-Unis, et pas à ceux qui visent le Canada?
    Premièrement, la réponse est que nous ne le savons pas. Deuxièmement, pour des motifs juridiques propres aux États-Unis, ils ne sont pas tenus de nous défendre. Mais, compte tenu de notre voisinage géographique et de notre intégration économique et autre avec les États-Unis, il est dans leur intérêt de le faire.
    Au final...[difficultés techniques]... des États-Unis. Nous ne participons pas. Nous ne nous engageons pas. Nous ne voulons pas investir. C'est une sorte de pile ou face pour le Canada. Cela dépendrait de divers scénarios stratégiques compte tenu des caractéristiques de l'attaque, de la direction des missiles, de la vitesse à laquelle on pourrait circonscrire leurs cibles...
    Autrement dit, monsieur, nous sommes vulnérables.
    Merci, monsieur Motz.
    Exactement.
(1635)
    Nous le serions de toute façon, parce que leur système ne fonctionne pas très bien non plus.
    C'est très discutable, monsieur Saideman.
    Oui, mais nous n'allons pas avoir ce débat maintenant.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Je dois dire qu'à l'université, C+ était l'une de mes meilleures notes.
    Sur ce, monsieur May, c'est à vous de prendre le relais.
     Merci, monsieur le président. Je suis sûr que ce n'est pas vrai. Je suis sûr que vous avez obtenu de bien meilleurs résultats.
    Tout le monde ici pense que c'est vrai.
    Des voix: Oh, oh!
    Monsieur Saideman, pourriez-vous nous parler brièvement du rôle des changements climatiques dans la défense continentale. Comment les urgences climatiques affectent-elles la capacité des FAC à défendre le continent? Avez-vous des solutions ou des alternatives à proposer?
    Je peux faire mieux pour la première question que pour la deuxième.
    En fait, les FAC consacrent plus de temps aux inondations, aux incendies, aux tempêtes de verglas et aux pandémies en raison des changements climatiques. Il n'y a pas deux façons de voir les choses. Les FAC ont moins d'argent, moins de temps et moins de ressources pour s'occuper d'autres problèmes. Cela soulève la question du temps: les périodes d'entraînement et d'autres activités sont interrompues. Les FAC sont débordées. La pandémie a exercé encore plus de pression sur l'armée en raison de ses diverses interventions pour aider le pays à faire face à la pandémie. Cela rend tout simplement la tâche plus difficile.
    D'autres que moi pourraient vous parler plus précisément des effets de la fonte du pergélisol et des difficultés que cela entraînera dans l'entretien des bases actuelles et l'aménagement de nouvelles bases...[difficultés techniques]... dans le Nord, mais je dois dire que chaque investissement dans le Nord sera très, très coûteux. Les changements climatiques ne vont pas réduire les dépenses. Ils vont les rendre absolument nécessaires, parce que nous...[difficultés techniques]... pour obtenir des secours. Nous aurons besoin de plus de ressources dans le Nord, parce que c'est un passage qui sera fréquenté.
    Quelle est la solution? Je pense que la première chose à faire est de dire aux militaires que les opérations d'urgence nationales ne sont pas simplement un contretemps qui entrave les opérations expéditionnaires. Elles sont tout aussi prioritaires que les autres opérations. Ces situations d'urgence ont causé plus de préjudices que n'importe quelle agression étrangère au cours des dernières années. Il faut prendre des mesures pour que cela fasse partie de leur travail quotidien et non pas que cela entrave leur travail quotidien. C'est une question de priorités.
    Merci.
    Monsieur Fergusson, à votre avis, quel est le rôle de la cybercapacité dans la défense continentale?
    Eh bien, vous devez comprendre que je suis vraiment « de la vieille école », et je suis donc enclin à séparer le plus possible la défense et la sécurité. Ces domaines se recouvrent trop. Cependant, compte tenu des besoins cybernétiques modernes et de la numérisation des forces armées, la cyberdéfense est d'une importance vitale pour l'armée, pour ses capacités et pour les missions qu'elles doit remplir.
    Cela devient problématique quand on commence à étendre cela au monde de la sécurité, au secteur privé, aux services de police...[difficultés techniques]... organismes sectoriels et que l'on se retrouve avec un nombre d'intervenants aux liens complexes et aux intérêts variés. Il est certain que la priorité numéro un de l'établissement de défense est de protéger les siens.
    Brièvement, comment les capacités navales dont se dote le Canada améliorent-elles sa capacité à contribuer à la défense continentale?
    Le futur navire de combat de surface — c'est le terme qu'on emploie aujourd'hui, je crois — est un ajout important. Le problème, à mon avis, est que la Marine royale canadienne veut cette capacité évidemment pour se moderniser, mais aussi pour pouvoir s'intégrer à nos alliés et, je dirais, pour « sillonner les sept mers ».
    Ce que cette nouvelle catégorie de navires, compte tenu de ses capacités... et cela dépend des composants ou des intercepteurs. Ces navires ont une importante capacité de défense contre les missiles de croisière navals et, un jour, contre les missiles hypersoniques navals lancés contre l'Amérique du Nord. À plus long terme, compte tenu des essais effectués aux États-Unis, il sera possible de fournir également une mesure supplémentaire de défense contre les missiles balistiques, du moins contre les missiles balistiques navals.
    Tout dépend de ce qu'on achète, mais c'est une contribution essentielle à la défense de l'Amérique du Nord si la Marine n'adhère pas à l'idée que cela se passe là‑bas, et non au pays. Cela a toujours été un problème pour le Canada.
(1640)
    Merci à tous les témoins.
    Je crois que mon temps de parole est écoulé, monsieur le président.
    Oui. Merci. C'est même un peu plus.
    Je remercie les témoins au nom du Comité. Nous avons entendu d'excellents exposés au cours des dernières semaines, et vous avez poursuivi cette belle tradition. Merci à chacun d'entre vous.
    Sur ce, je vais suspendre la séance pendant que nous nous préparons pour la deuxième heure.
(1640)

(1640)
     Nous reprenons nos travaux. Notre deuxième groupe de témoins est composé de la professeure Kimball et du général Semianiw.
    Je vais vous demander de prononcer votre nom, car il est clair que je ne le fais pas correctement.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je me présente: lieutenant-général Semianiw.
    D'accord. Merci, monsieur.
    Je crois qu'un joueur de deuxième but des Blue Jays portait ce nom, mais ce n'était pas un général.
    Sur ce, chers collègues, je vais demander à professeure Kimball de faire son exposé préliminaire de cinq minutes.
    Merci.
    Je vous remercie de m'avoir invitée. Depuis quelques semaines, à mesure que la crise en Ukraine s'est transformée en invasion, puis en guerre, il est essentiel de laisser s'exprimer toutes sortes de points de vue, car ils sont la garantie que différents types d'expertise alimenteront l'élaboration des politiques à venir. Je vais maintenant passer au cœur du sujet.
     Le Canada doit entretenir ses connaissances et ses capacités d'intervention dans de multiples domaines pour garantir sa souveraineté. Par ailleurs, le Canada a englouti des sommes importantes dans le NORAD et [difficultés techniques] les institutions de défense et de sécurité coopérative de l'OTAN ont été investies des pouvoirs et des ressources nécessaires pour répondre à de multiples menaces. Pourtant, les promesses de l'OTAN exigent également que le gouvernement canadien investisse dans une défense crédible [difficultés techniques]. Ces deux institutions sont de bons investissements et aident le Canada à conserver son statut de partenaire international honnête apportant un appui réaliste à la défense et à la sécurité collectives. Le NORAD veille à ce que le Canada ait accès aux principaux systèmes d'alerte, de commandement et de contrôle sur le continent, tandis que l'OTAN nous permet de collaborer et de communiquer régulièrement avec 29 États et partenaires mondiaux de l'OTAN. L'ONU et l'Union européenne délèguent de plus en plus la gestion des crises à l'OTAN [difficultés techniques] parce que l'OTAN est mieux équipée pour le faire par l'entremise du partenariat pour la paix et des centres d'excellence. En fait, la plus récente opération de maintien de la paix de l'ONU remonte à il y a huit ans.
    Il y a sans aucun doute des menaces importantes pour le Canada à l'interne, qui est la première catégorie dont j'ai parlé, et celles‑ci comprennent certains mouvements de résistance à l'obligation du port du masque conjugués aux racines du populisme et de l'anti-libéralisme qui ont donné lieu il y a quelques semaines à ce que des médias étrangers ont appelé le « siège » d'Ottawa. La productivité économique, la liberté de circulation et la qualité de la vie ont été suspendues dans une capitale nationale par des actions relativement coordonnées et par le pouvoir symbolique de gros véhicules [difficultés techniques] dans notre pays. On a dit que des Américains avaient fourni un soutien financier, mais il reste que ce sont des Canadiens qui ont manifesté dans les rues d'Ottawa. Il ne faut pas l'oublier. Ces personnes étaient motivées par ce qui se passe au Canada et probablement moins par ce qui se passe aux États‑Unis, malgré les rumeurs selon lesquelles le mouvement était lié à Trump.
    Certains de ces manifestants exprimaient leur frustration à l'égard de l'état de l'information sur la pandémie. L'asymétrie entre les communications fédérales et les communications provinciales du point de vue de la qualité de l'information et de la cohérence des politiques pendant la pandémie a fait ressortir l'importance de la transparence et de la coordination dans la transmission de l'information [difficultés techniques]. L'extrémisme violent, la violence raciale ou sexiste et les difficultés d'adaptation à une culture militaire diversifiée et respectueuse au sein des FAC sont également des menaces importantes pour leur efficacité, leur disponibilité opérationnelle et leur moral. Ce sont des menaces internes dont il faut tenir compte.
    Il faut rappeler que certains des principaux manifestants ou organisateurs des manifestations d'Ottawa sont d'anciens militaires ou des membres actifs des FAC. Les FAC ont toujours eu dans leurs rangs des extrémistes, des suprémacistes et des complotistes. Certaines de ces personnes ne s'intéressent déjà plus à la pandémie et s'occupent de soutenir la Russie contre les sanctions occidentales, ce qui indique que ces gens continueront de travailler contre les intérêts canadiens.
    Chacune des autres menaces que j'ai regroupées a des liens institutionnels essentiels avec l'OTAN et le NORAD. Elles sont classées selon [difficultés techniques] des menaces. Les menaces d'aujourd'hui ne s'arrêtent pas aux frontières nationales et, bien souvent, n'ont pas de forme physique, contrairement à ce qui se passait pendant la guerre froide. Cela complique la dissuasion. Enfin, les participants qui se livrent simultanément à ces activités veillent à réduire la possibilité d'attribuer de façon crédible quoi que ce soit à un seul participant, ce qui complique également notre capacité d'intervention.
    J'inclus ici les conflits hybrides, où s'ajoutent désinformation et cyberattaques, mais aussi la participation de troupes irrégulières. Je parle des mercenaires et des participants privés qui sont engagés dans des zones de conflit.
    La désinformation ou les fausses informations sont produites par des robots, de l'intelligence artificielle, et passent par des êtres humains qui ne font que transmettre des mensonges et des rumeurs. Les cyberattaques peuvent également viser des infrastructures essentielles, des services bancaires, des commerces ou des institutions gouvernementales. On l'a vu chez les partenaires de l'OTAN. En fait, le centre d'excellence en cyberdéfense de l'OTAN comptait sept membres en 2006 et en compte aujourd'hui 28.
(1645)
     Ces États collaborent, et le Canada doit obtenir un meilleur accès à ces environnements et rapatrier ces ressources chez lui.
    Pourriez-vous terminer rapidement, s'il vous plaît?
    Oui.
    Des collègues ont déjà parlé des missiles. Ces menaces persistent. Le Canada a un pied à l'intérieur et un pied à l'extérieur de la défense contre les missiles balistiques. C'est problématique sur le plan fonctionnel dans le cas où un missile terrestre serait lancé. Des recherches remontant à 2018 ont été effectuées au sujet de l'utilisation éventuelle du NORAD pour régler les problèmes du Canada en matière de défense stratégique, et je me ferais un plaisir de vous en parler.
    Notre souveraineté territoriale dans l'Arctique a déjà été abordée par des collègues, mais j'aimerais ajouter deux ou trois choses. La Russie s'est servie du Conseil de l'Arctique pour sécuriser une institution qui était explicitement censée ne pas se mêler de politique. C'est évident. La Russie est prête à déstabiliser de multiples institutions pour réaliser des gains en Ukraine. Les investissements canadiens dans sa souveraineté dans l'Arctique sont dérisoires comparativement aux investissements américains.
    Dans l'ensemble, le Canada bénéficie d'un certain soutien de ses partenaires pour gérer ces menaces ou y réagir, mais il n'en fait tout simplement pas assez.
(1650)
    Je suis désolé, professeure Kimball, mais nous avons dépassé les cinq minutes allouées à l'exposé préliminaire.
    Merci.
    Je suis certain que vous pourrez y revenir en répondant aux questions.
    Sur ce, écoutons le lieutenant-général Semianiw.
     Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à prendre la parole devant le Comité.
     Comme dernier commandant du Commandement Canada et responsable du Nord du Canada du point de vue militaire, je vais vous parler, comme vous devez vous en douter, des menaces qui pèsent sur le Nord du Canada et de ce que le gouvernement du Canada peut faire pour contrer ces menaces.
    Pour vous donner un peu de contexte, j'ai eu le privilège de voyager dans le Nord pendant plus de deux ans et demi, de travailler en étroite collaboration avec le commandant du Commandement du Nord, mon homologue américain responsable de l'Arctique américain, et d'effectuer des opérations dans le Nord avec de nombreux partenaires différents.
    Je suis certain que d'autres témoins vous ont dit que la menace peut être déterminée par deux facteurs, que certains considèrent comme les deux côtés d'une même médaille, à savoir, d'une part, la menace et, d'autre part, les capacités. Ces deux aspects se conjuguent pour constituer le niveau de la menace, de faible à élevé.
    Soyons justes, il serait difficile aujourd'hui de désigner un pays qui aurait manifesté l'intention de contester la souveraineté du Canada dans le Nord. Cela pourrait‑il changer? Oui. L'intention de causer un préjudice peut changer très rapidement, et c'est pourquoi l'analyse des pays susceptibles d'agir dans le Nord s'ils le décidaient permettrait au Comité de se faire une idée plus claire de ce que pourraient être la menace ou les menaces à venir pour le Canada. Du point de vue des capacités, la réponse est très claire: c'est la Fédération de Russie.
    Si le Comité en a le temps, il devrait examiner de près ce que la Fédération de Russie a accompli dans le Nord depuis trente ans. Il ne s'agit pas seulement de défense, dont j'ai entendu parler il n'y a pas si longtemps, mais aussi de préparation à une agression.
    La Chine, de son côté, a la capacité d'agir dans l'Arctique, mais elle n'a pas la capacité d'y maintenir des troupes. Je ne suis pas d'accord avec ce qui a été dit. Je crois que la Russie a la capacité de maintenir des activités militaires dans l'Extrême-Arctique et dans la région subarctique grâce ce qu'elle a construit sur son littoral septentrional dans les dernières décennies. Oui, je sais que cela va à l'encontre de ce que nous voyons aujourd'hui en Ukraine, mais il y a de bonnes raisons d'en arriver à cette conclusion. C'est la Russie qu'il faut surveiller.
    Que pourrait faire le gouvernement du Canada pour être prêt face aux menaces à venir dans le Nord canadien? Là encore, la réponse est sujette à débat, et je suis sûr qu'on vous l'a dit, mais le fait est que tout ce que nous ferons coûtera très cher. On vous l'a dit plusieurs fois. En général, il en coûte au minimum environ quatre fois plus pour construire et entretenir une infrastructure dans le Nord que dans le Sud. C'est peut-être une raison de renforcer nos capacités sur une plus longue période en fonction d'un plan pluriannuel ou d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie pour protéger le Nord canadien, qui fait défaut depuis très longtemps. Nous avons besoin d'un plan pour protéger le Nord.
    Ensuite, nous devons être en mesure de détecter les menaces aériennes, maritimes et terrestres, ainsi que certaines ou l'ensemble des menaces multiples, comme on vient de vous le dire. À cet égard, notre faiblesse concerne toujours la connaissance du domaine maritime — c'est‑à‑dire sur ce qui se passe sur et sous les eaux de l'Arctique canadien. J'ajoute que cette capacité devrait être gérée par une seule organisation.
    Par ailleurs, quand on parle de la modernisation du NORAD, faudrait‑il aussi parler, peut-être, de sa responsabilité de gérer les menaces maritimes dans le Nord canadien? Il y a de bonnes raisons de le faire. Pour gérer ces menaces, le NORAD dispose déjà d'un grand nombre des éléments utiles, mais il a clairement besoin d'un mandat à cet égard.
    Enfin, il est difficile de détecter les menaces terrestres. Nous avons actuellement des capacités susceptibles d'être utilisées et de servir de levier à cette fin — je parle des Rangers canadiens. J'ai travaillé avec eux dans le Nord, en personne, sur le terrain. Pour mémoire et pour faciliter la discussion, il y a cinq groupes dans le programme des Rangers canadiens. Ils sont chargés d'effectuer des patrouilles dans le Nord, de signaler les activités inhabituelles ou ce qu'ils observent d'inusité et de veiller à la souveraineté ou à la sécurité nationale.
    À ce titre, je dirais que nous avons besoin, premièrement, d'élargir le Programme des Rangers pour qu'il couvre tout le Nord et, deuxièmement, de professionnaliser le programme. Les Rangers canadiens font un travail extraordinaire avec ce qu'on leur donne, c'est vrai, mais le soutien qu'ils reçoivent en matière d'équipement, de formation et de logistique doit être massivement amélioré pour qu'ils soient aptes à détecter les menaces terrestres modernes dans le Nord canadien. Encore une fois, c'est la façon la plus économique, la plus rapide et la plus efficace d'implanter un système de surveillance terrestre des régions du Nord.
    On pourrait aussi ajouter des drones à cet ensemble, des drones de moyenne et de haute altitudes patrouillant dans l'Arctique avec les Rangers et l'armée canadienne. On pourrait ainsi accroître considérablement notre capacité à détecter les menaces terrestres sur les quelque 2,6 millions de kilomètres carrés du Nord canadien. Les drones de ce genre ont déjà servi partout dans le Nord canadien, mais il faut encore qu'ils soient intégrés à l'inventaire régulier de l'armée canadienne.
(1655)
    Une fois la menace détectée, on peut espérer avoir la capacité d'y réagir. La modernisation du NORAD dans son sens le plus large, grâce, entre autres, à de nouveaux avions de combat pour le Canada, permettra de répondre efficacement aux menaces dans l'espace aérien du Nord canadien. La réponse à une menace maritime, comme vous avez pu l'entendre à l'instant, peut prendre de nombreuses formes, dont des opérations aériennes et l'intervention de drones de moyenne et haute altitudes, mais il serait plus difficile de réagir à une incursion maritime dans le Nord avec un navire de guerre canadien.
    Pourquoi? Il faut d'abord des moyens de déglaçage [difficultés techniques] la côte [difficultés techniques] les systèmes d'armes embarqués, qui relèvent de la Marine royale canadienne. Pourrions-nous réunir ces deux solitudes — armer la Garde côtière et doter la Marine de moyens de déglaçage? Je laisse cette réflexion au Comité.
    Enfin, pour répondre à la menace terrestre, les Rangers seraient déjà sur place dans tout le Nord canadien, avec l'appui de drones, mais ils auraient besoin d'être rapidement augmentés par l'armée canadienne. Celle‑ci peut combattre efficacement dans le Nord. Nous l'avons vu. Cependant, il faudrait y envoyer rapidement du personnel militaire, là où il serait nécessaire, pour contenir une menace terrestre.
    L'Aviation royale canadienne a déjà démontré sa capacité à déplacer du personnel militaire de l'Ouest ou de l'Est du Canada vers le Nord.
    Général Semianiw, je suis désolé, mais nous allons devoir nous arrêter ici...
    ... mais je suis certain que vous pourrez parler du reste de votre exposé durant la séance.
    Chers collègues et témoins, je suis désolé, mais nous continuons d'avoir des difficultés techniques, et il ne semble pas y avoir moyen de les résoudre au cours de cette séance. Nous devrons donc faire avec.
    Je vais demander à Mme Kimball de relever légèrement son microphone. Cela pourrait aider les interprètes.
    Sur ce, nous allons passer à notre série de questions de six minutes, avec M. Doherty, M. Spengemann, Mme Normandin et Mme Mathyssen.
    Monsieur Doherty, je vous en prie.
    Lieutenant-général, selon votre riche expérience, si l'agression russe s'étendait à des partenaires de l'OTAN et à des amis de l'Ukraine, le Canada serait‑il en mesure de se défendre contre une série de missiles balistiques intercontinentaux? Si oui, comment cela se passerait‑il?
    C'est une excellente question. La question a été posée au groupe de témoins précédent, et je pense que la réponse est claire. Au final, personne ne sait si nous serions laissés à nous-mêmes. C'est pourquoi j'ai un point de vue légèrement différent. Comme M. Huebert, je suis plutôt enclin à dire qu'il est peut-être temps d'analyser notre propre situation et de déterminer ce que nous pouvons faire et le faire par nous-mêmes au besoin.
    Il est vrai qu'en Amérique du Nord, nous travaillons de concert avec les États‑Unis. Il y faudrait beaucoup d'autorisations juridiques, mais, au final, quand on examine de près les accords, rien ne garantit que les États‑Unis d'Amérique défendront le Canada contre n'importe quelle agression, que ce soit par voie aérienne, terrestre ou maritime.
    À votre avis, en temps de crise, nos aérodromes avancés dans l'Arctique et leurs installations seraient-ils toujours prêts à recevoir des CF‑18 pour intercepter des avions stratégiques russes?
    Oui. C'est une excellente question. Comme je l'ai dit dans la dernière partie de mon exposé, il faut s'en soucier, parce qu'il n'y a pas assez d'avions de chasse et pas assez de personnel dans le Nord ou de gens envoyés dans le Nord. Bien sûr, il y a Resolute, Yellowknife et Iqaluit, mais il nous faut plus de terrains d'aviation. Bien sûr, il y a quelques sites opérationnels avancés, mais il en faut plus pour couvrir efficacement le Nord.
    Que pensez-vous du récent essai du système de bombardement orbital fractionné par la Chine, et le NORAD est‑il prêt à faire face à ce genre de menace?
    C'est une excellente question. Je n'ai pas de réponse ni l'expertise pour répondre, mais je peux vous dire que j'ai eu le privilège de siéger [difficultés techniques] à plusieurs reprises pour observer des lancements de missiles à partir de la Chine. À un certain stade, la menace est déterminée par la physique et par la trajectoire.
    En théorie, je crois que les États‑Unis ont la capacité de contrer ces menaces. En pratique, je n'en ai pas été témoin et je ne le sais pas.
(1700)
    Comment décririez-vous les menaces maritimes et sous-marines que représentent la Russie et la Chine pour l'Amérique du Nord?
    Ce sont à mon sens des menaces réelles.
    Comment la Russie et la Chine considèrent-elles l'Arctique canadien et le passage du Nord-Ouest sur le plan stratégique?
    Un rapide examen de la politique publiée en 2018 par la Chine révèle qu'elle se considère comme un État du proche Arctique. Et il n'y a pas que la Chine. Le commentaire du Conseil de l'Arctique rappelé par le groupe précédent est tout à fait vrai. J'ai assisté à un certain nombre de réunions du Conseil de l'Arctique, et la clé, l'intention, était d'en écarter les militaires. On a fait beaucoup dans ce sens.
    Cependant, quand on prend en considération les membres du Conseil de l'Arctique et les observateurs présents, on voit qu'il n'y a pas que la Chine. De plus en plus de pays se rendent compte de l'importance de l'Arctique, à cause du passage du Nord-Ouest ou d'autres régions, et, à mon avis, la Chine et la Russie ont pour objectif clair d'y exercer un jour leur contrôle.
     Le NORAD, dans sa forme actuelle, est‑il prêt à mener une guerre moderne?
    Le niveau stratégique des opérations aériennes et sous-marines de la Russie est‑il revenu à ce qu'il était pendant la guerre froide à l'égard de l'Amérique du Nord?
    Pas encore, mais cela viendra.
    Croyez-vous que la Corée du Nord fasse une différence entre viser le Canada et viser les États‑Unis?
    Je n'ai pas d'expertise en la matière. Je ne sais pas. Je consulte, comme vous probablement aussi, seulement les sources ouvertes. Je m'en remettrais à quelqu'un d'autre pour répondre plus précisément à cette question.
    La récente déclaration commune du Canada et des États‑Unis sur la modernisation du NORAD portait sur la consolidation des capteurs du plancher océanique à l'espace. Pourriez-vous nous en parler?
    Oui, c'est vraiment nécessaire. C'était déjà une préoccupation en 2010‑2011. Nous avons fait un certain nombre d'essais et de tests de capteurs sur le plancher océanique pour savoir qui se trouve dans le Nord.
    Comme les membres du Comité le savent sûrement, il y a des sous-marins qui traversent régulièrement le Nord canadien — dans ce qui serait une partie des eaux canadiennes — sans que nous le sachions. Nous sommes informés, je crois, par le biais de nos partenariats, mais nous ne savons pas vraiment ce qui se passe sous l'eau dans le Nord canadien, et je pense que cette mesure est un pas dans la bonne direction.
    Dans cette récente déclaration commune, il était également question des moyens de dissuasion et d'interception déployés contre les nouveaux missiles susceptibles de menacer l'Amérique du Nord. Quel est le rôle du Canada dans les mesures visant à contrer les nouvelles menaces technologiques qui pèsent sur la sécurité de l'Amérique du Nord?
    Je ne sais pas. Il faudrait demander à quelqu'un d'autre de répondre à cette question.
    Dans quelle mesure nos sous-marins de la classe Victoria sont-ils aptes à défendre l'Arctique? Quelles en sont les limites et que prévoit‑on pour les remplacer?
    Les sous-marins de la classe Victoria ne sont pas efficaces dans l'Arctique. Je ne sais pas dans quelle mesure ils sont efficaces à l'extérieur de l'Arctique, et je ne sais pas si les militaires ont un plan.
    On discute encore beaucoup dans les Forces armées canadiennes de la question de savoir si nous avons besoin ou non de sous-marins capables de se déplacer sous la glace, parce que cela soulève la question du nucléaire, qui, je crois, fait peur à un certain nombre de gens partout au Canada. Si j'ai bien compris, on a besoin de sous-marins nucléaires pour pouvoir rester sous la glace assez longtemps pour prendre les mesures nécessaires pour contrer les menaces et protéger notre souveraineté, mais je n'ai pas entendu parler de programme de remplacement des sous-marins de la classe Victoria.
    Merci de votre dévouement.
    Merci, monsieur Doherty.
    Monsieur Spengemann, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous cet après-midi.
    J'ai trois catégories de questions, et la substance de chacune d'elles dépasserait très rapidement le temps dont nous disposons. J'aimerais donc que vous me fassiez part de quelques réflexions préliminaires pour guider le Comité dans l'examen plus approfondi que nous pourrions faire de l'un ou l'autre de ces trois domaines.
    Ma première question, monsieur le président, concerne la formation d'une alliance et le partage du fardeau. La professeure Kimball a beaucoup écrit sur ce sujet depuis 15 ans, je crois, et c'est donc à elle que je vais d'abord m'adresser.
    Madame Kimball, compte tenu des récents événements en Ukraine — la crise, l'intervention militaire, etc. —, que pensez-vous de la composante politique de la formation d'une alliance autour de l'OTAN? Si vous avez observé des changements au cours des dernières semaines, à quel point sont-ils radicaux?
    Comme je l'ai dit, l'OTAN est évidemment un engagement extrêmement important dans lequel le Canada [difficultés techniques] a englouti des sommes importantes. En ce moment, on nous demande souvent s'il faudrait laisser l'Ukraine adhérer à l'OTAN ou à l'Union européenne. Qu'en est‑il de la Finlande et de la Suède? Devraient-elles adhérer à l'OTAN?
    Ce qui est clair, c'est que l'objectif de 2 % est manifestement de nature politique. Ce chiffre ne s'appuie sur aucune analyse quantitative. Il ne s'appuie pas non plus sur une analyse stratégique ni de quoi que ce soit du genre, et je peux l'affirmer avec une certaine confiance, parce que, dans le cadre de mes recherches sur l'OTAN, j'ai consulté plus de 200 documents de recherche publiés sur le partage du fardeau de l'OTAN — des documents stratégiques, des livres, des articles, etc. La première chose que je peux dire, c'est que le taux de 2 % a été déterminé par des responsables politiques et qu'il a fallu ensuite adapter les budgets de défense et essayer d'atteindre cet objectif.
    Il faudrait souligner autre chose, à mon avis. Deux pour cent, comme certains de mes collègues l'ont dit, cela ne dit pas grand-chose de ce qu'on fait en réalité. Ma propre recherche sur le partage du fardeau m'amène à m'intéresser davantage à d'autres institutions utilisées par l'OTAN pour le partager, par exemple le Partenariat pour la paix [difficultés techniques]. Pour rappel, le Canada accueillera dans quelques années son premier centre d'excellence de l'OTAN pour le climat et la sécurité. C'est donc un moyen très important pour les États de partager un fardeau dont on ne parle pas quand on examine la budgétisation centrale ou la budgétisation civile.
    J'ajouterais que l'idée d'élargir l'alliance du jour au lendemain [difficultés techniques]. Zelenski lui-même en a parlé.
    J'ai publié un article de recherche dans European Politics and Society en 2020, où j'explique qu'il ne suffit pas de présenter une demande. C'est un processus qui peut prendre 10 ou 15 ans.
(1705)
     Permettez-moi de vous arrêter ici. Merci beaucoup, c'est instructif.
    Mon deuxième sujet de réflexion n'a pas été abordé cet après-midi, mais il est évident que les gens y songent. Où en sont les efforts mondiaux de désarmement nucléaire, jusqu'ici et maintenant avec cette crise? Qu'en est‑il selon vous du statu quo? Est‑ce que c'est en train de changer? Est‑ce que cela pourrait changer? Est‑il vraiment plus fermement ancré que jamais?
    Si je pouvais obtenir une réponse en 30 secondes de votre part, et aussi de la part du général à ce sujet, ce serait bien.
    Je rappelle que presque toutes nos mesures de contrôle des armements stratégiques, et de tout ce qui y ressemble, sont essentiellement axées sur la Russie. La Chine est entrée dans le jeu de façon assez crédible. La majeure partie de notre analyse architecturale de ces risques se limite essentiellement à la Russie. Il faudrait, selon moi, réfléchir au moyen d'amener la Chine à participer à ce processus et d'obtenir plus de transparence.
    Quant à ce qui se passe en Ukraine, je rappelle que des missiles y sont actuellement utilisés. Nous constatons qu'ils posent des problèmes, ce qui augmente les risques.
    Je vais céder la parole à mon collègue.
    Général Semianiw, j'allais vous inviter à prendre 30 secondes pour donner votre avis. Mais j'ai une troisième question et, si nous en avons le temps, je la poserai.
    Est‑ce que ce qui se passe en Ukraine — et je suis d'origine ukrainienne; j'ai des amis qui se trouvent en Ukraine en ce moment, mais je ne suis pas ici pour parler de l'Ukraine —, est un échec de la détente? C'est une excellente question. La réponse courte est non, mais nous aurions probablement pu faire beaucoup mieux.
    Depuis 15 ou 20 ans, les Forces armées canadiennes ont eu d'autres soucis, comme l'Afghanistan. Notre perspective et nos priorités ont rapidement changé, comme cela a été le cas de nombreux gouvernements dans le dossier nucléaire. Franchement, cela n'a jamais vraiment [difficultés techniques]
    Merci beaucoup.
    Je vais demander au général de répéter la dernière phrase ou les deux dernières. La communication a été coupée.
    Depuis quelques années, le dossier nucléaire — l'importance accordée à ce qui pourrait arriver dans le monde du point de vue des armes nucléaires — est peut-être passé à l'arrière-plan. Nous avons continué d'observer ce qui se passait dans le Nord, c'est vrai [difficultés techniques] mais quand tout a éclaté, il y avait beaucoup d'autres choses auxquelles nous n'avons peut-être pas prêté attention.
    Monsieur le président, il me reste 30 secondes, si vous me le permettez.
    Les obligations du Canada dans le domaine des opérations de paix de l'ONU... Selon vous, en quoi sont-elles liées aux évaluations stratégiques des menaces? Ces obligations multilatérales sont-elles indépendantes des évaluations de la menace ou sont-elles directement liées aux évaluations de la menace à l'échelle mondiale?
    Je suis sûr que ce sera une réponse intéressante.
    Depuis au moins les dernières années, l'ONU délègue de plus en plus ce genre d'activités à l'Union européenne et à l'OTAN. À l'heure actuelle, il reste environ une douzaine d'opérations de maintien de la paix organisées par l'OTAN. Certaines remontent évidemment à l'époque de la guerre froide.
    On a demandé la présence de Casques bleus en Ukraine. C'est aussi un malentendu fondamental au sujet du rôle de la Russie au sein de l'ONU et de la façon dont elle et la Chine travailleraient ensemble pour bloquer toute action de l'ONU, et c'est pourquoi je suis sceptique.
(1710)
    Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Madame Normandin, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais commencer par vous, professeure Kimball. Vous avez rapidement parlé du rôle du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, mais aussi du rôle du Canada dans le contexte, entre autres, du bouclier antimissile.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur la structure du NORAD, puisque vos collègues ont précédemment fait part de points de vue divergents sur le sujet. Selon vous, cette structure devrait-elle être beaucoup plus intégrée et le Canada devrait-il, dans certains contextes, tirer un peu mieux son épingle du jeu?
    J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    En effet, c'est au Canada de décider dans quelle mesure il veut participer au bouclier antimissile.
    En ce moment, compte tenu de l'amendement qui a été apporté au NORAD en 2004, le Canada a quand même un droit de consultation, mais, quand il faut une réponse musclée, la décision revient aux Américains. C'est à peu près la même chose en Europe. En effet, c'est le commandant suprême des forces alliées en Europe, ou SACEUR, qui contrôle tout ce qui concerne la réponse.
    Nous pouvons donc dire que le Canada remet une bonne partie de sa bonne foi entre les mains des Américains. Il faut également noter que, pour tout ce qui concerne l'interception des missiles balistiques, nous misons beaucoup sur le fait que nous allons les intercepter de [difficultés techniques]. Nous sommes de plus en plus en mesure de voir et de calculer [difficultés techniques].
    En Europe, les territoires sont tellement rapprochés que la période de réponse est courte. Elle est en fait de deux minutes. Encore une fois, nous devrions nous demander si nous sommes capables, en deux minutes, de transmettre l'information, de prendre une décision éclairée et d'assurer quand même un échange entre Washington et Ottawa.
    Je crois que nous vivons dans un monde très idéaliste.
     Merci beaucoup.
    Justement, pour ce qui est de la difficulté que pose tout ce qui est hypersonique, on doit intervenir sur trois fronts: la détection, la dissuasion et la défense.
    Y en a-t-il un que l'on devrait privilégier dans le contexte actuel, alors que tout va très rapidement?
    Il est certain que la détection est la première chose à faire. Le NORAD a déjà ce mandat [difficultés techniques]. Le Canada serait mieux protégé s’il investissait davantage dans certaines facettes du NORAD, qu'il s'agisse de forces qui occupent le territoire ou de forces mobiles. Actuellement, le matériel que le Canada obtient est désuet. Ce sont des équipements qui ont dépassé leur durée de vie prévue. Alors, si le Canada veut demeurer un partenaire important du NORAD, il doit faire plus d'investissements.
    Je sais que c'est une question délicate aux yeux des Canadiens, mais je crois que, en 2022, on devrait tenir une réflexion plus étoffée sur la fiabilité des promesses américaines. Nous avons vécu les années Trump et, comme je le dis souvent, je crois que le Canada a bénéficié du fait que les États‑Unis ont presque réélu quelqu'un qui est assez [difficultés techniques]. Avec Trump, on a vu ce qui peut arriver lorsqu'un dirigeant américain [difficultés techniques] les alliés démocratiques.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Si vous le permettez, très brièvement, il fut un temps où la géographie du Canada était un élément de notre défense. Comme nous étions très loin de tout, cela n'avait pas vraiment d'importance.

[Français]

    Cela a changé.
    Cela m'amène à ma prochaine question, que j'aimerais vous poser à tous les deux.
    Lieutenant-général, vous avez parlé de l'importance de l'occupation du territoire et de la présence de personnel militaire sur le terrain, pour contrer une menace. On entend également beaucoup parler de la souveraineté canadienne dans l'Arctique.
    Est-ce que l'affirmation de la souveraineté canadienne dans l'Arctique doit d'abord se faire par une prise de position politique ou par une occupation effective des lieux?
     Ces deux éléments vont-ils ensemble, ou doivent-ils se faire séparément, l'un avant l'autre?
(1715)

[Traduction]

    Je vais laisser ma collègue commencer.

[Français]

    C'est un compromis assez important. Plus on met d'effectifs dans l'Arctique, plus cela coûte cher. Il y a certainement une volonté de valoriser les personnes qui vivent dans cet environnement et qui peuvent quand même nous fournir certaines informations. Il y a donc des possibilités, mais il y a aussi la question de la dissuasion. Cela nécessite-t-il que des soldats soient présents sur le terrain, ou cela peut-il se faire autrement, avec nos systèmes, nos drones et d'autres choses?
    Ce qu'on entend, c'est qu'il serait très coûteux d'envahir l'Arctique d'une manière conventionnelle. Cela soulève une réflexion: avons-nous besoin [difficultés techniques] défendre? Y a-t-il d'autres moyens de le faire?
    C'est la question que nous vous posons, parce que c'est vous qui avez un plus grand accès aux informations. De mon point de vue, je crois que nous pourrions avoir plus de troupes sur le terrain, mais il y a une limite au-delà de laquelle cela devient inutile, car c'est trop coûteux.
    À ce sujet, il y a des choses qui sont plus importantes.

[Traduction]

    Je vais basculer d'une langue à l'autre.
    Nous avons eu un exercice dans l'Arctique en 2011 — un exercice cartographique, qui s'est déroulé très discrètement. Un pays nordique a envoyé un certain nombre de scientifiques sur le territoire canadien pour y effectuer des essais. Nous allions déplacer les agents de l'ASFC et de la GRC en fonction sur place pour les éloigner. Leur réaction a été d'envoyer des militaires pour protéger leurs scientifiques. Qu'avons-nous fait? Il a fallu réagir.
    Au final, je suis d'accord avec mon collègue, mais, pour être en mesure de garder et de conserver un territoire, il faut que quelqu'un y soit présent. Il ne peut pas être conservé par un drone, un avion ou un navire. Il faut que quelqu'un soit sur place, et, pour prendre le contrôle, il faut pouvoir le déplacer de ce territoire.
    La question est de savoir comment le faire dans tout l'Arctique.
     Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Il m'arrive souvent de poursuivre la conversation entamée par Mme Normandin. Mes questions vont dans le même sens.
    Général, vous avez parlé du personnel militaire sur le terrain. Pourriez-vous nous en dire davantage sur leur nombre?
    Nous souhaitons bien sûr obtenir plusieurs recommandations pour notre rapport. Nous avons souvent entendu parler des déficits d'infrastructure qui existent dans l'Arctique. Ce n'est pas seulement sur la base militaire. Il est question de logements, de ressources pour fournir nourriture et eau potable au personnel militaire — malheureusement pas aux résidants — et de toutes les répercussions qui s'ensuivent.
    De quoi aurait‑on besoin pour soutenir le genre de mesures dont vous parlez?
    Je suis d'accord.
    C'était le dernier élément de mon exposé. Il y a déjà des réservistes dans le Nord, mais pas assez. Il y en a à Yellowknife, à Whitehorse et à Iqaluit.
     J'allais dire, dans les cinq premières minutes, que l'augmentation du nombre de réservistes dans le Nord serait une mesure à prendre dans l'immédiat. Cela coûterait beaucoup moins cher que des soldats de l'armée régulière. Ils pourraient répondre à la menace actuelle. Il faudrait augmenter le nombre de réservistes dans le Nord pour former un certain type d'organisation ou de bataillon.
    Pour faire suite à une question que vous avez posée au groupe précédent, je vais vous donner une excellente réponse. Donnez à cette organisation une identité nordique complète. À l'heure actuelle, cette organisation fait partie du Loyal Edmonton Regiment. Pourquoi ne pas organiser ce groupe en 600 ou 800 membres — 200 à Whitehorse, 200 à Yellowknife et jusqu'à 400 à Iqaluit — et en faire une organisation du Nord, dotée d'une identité autochtone nordique?
    Je pense que cela réglerait un certain nombre de problèmes. Cela permettrait de répondre immédiatement au besoin d'avoir des gens sur le terrain pour faire face aux menaces terrestres éventuelles, parce que le programme des Rangers serait également élargi. Entre les Rangers, l'augmentation du nombre de réservistes et la capacité d'obtenir [difficultés techniques]
     Je ne sais pas si cela répond à votre question.
(1720)
    C'est certainement un début.
    Il y a une différence entre les partenariats autochtones et les projets dirigés par des Autochtones. Préconisez-vous davantage les projets dirigés par les Autochtones? Que proposeriez-vous à cet égard?
    Oui, mes réponses portent sur le présent. Que faire maintenant qui soit rentable et qui puisse être fait rapidement?
    Je dirais qu'il faut d'abord créer une organisation dans le Nord. Et, en effet, elle serait dirigée par des Autochtones, mais, si on fait partie de l'armée canadienne, on fait partie de l'armée canadienne. Ils ne seraient pas séparés; en cas de nécessité, ils se battraient au sein de l'armée canadienne dans le Nord.
    Il y a une identité et un leadership à un certain niveau, mais au final, cela ferait partie de la collaboration entre l'armée canadienne et les Rangers, dont le programme doit être étendu à l'ensemble du Nord et dont la formation, l'équipement et le soutien logistique doivent être augmentés. Avec ces deux éléments sur le terrain, il peut y avoir un partenariat et un élément de leadership, mais tout cela ferait évidemment partie d'un même ensemble.
    Le groupe précédent a souligné un élément important, à savoir qu'il s'agit d'un enjeu à l'échelle du gouvernement. Toute menace dans le Nord devrait aussi être affrontée par la GRC, par l'ASFC, par la Garde côtière et par les Forces armées canadiennes. Comment toutes ces organisations peuvent-elles s'unir légalement pour atteindre un objectif? Pas très facilement.
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, la fondation du centre d'excellence de l'OTAN sur le climat et la sécurité est une occasion vraiment unique pour le Canada. Il faut encore que [difficultés techniques] être un actif physique. Le Canada a un rôle à jouer dans le choix des voix qui seront au centre. On parle beaucoup des Autochtones. En ce moment, c'est l'occasion pour le Canada de planifier et d'en tirer parti à certains égards. C'est une occasion temporaire, mais cruciale. Le Canada a annoncé à l'OTAN que le centre serait fonctionnel en 2024.
    Il s'agit de sortir des sentiers battus.
    Pour terminer, je m'adresse à vous deux au sujet de l'infrastructure et de l'Internet haute vitesse.
    Madame Kimball, vous avez parlé des drones et de leur utilisation. Quel genre de dépenses envisager pour mettre sur pied ce genre de programmes d'infrastructure?
     Je pourrais peut-être répondre brièvement.
    Premièrement, ce sera extrêmement coûteux. Je pense que Mme Kimball serait d'accord. Ce n'est pas donné. Donc, quand on réfléchit à ce qu'il est possible de faire avec les deniers publics, puisque la santé et l'éducation sont probablement tout aussi importantes, sinon plus, il faut échelonner le développement sur un certain nombre d'années, mais à partir d'une base et d'un plan. À défaut d'un plan, nous continuerons de multiplier les petits pansements ici et là. Il faut dresser un plan. Il faut élaborer une stratégie pour protéger le Nord canadien. Cela peut prendre 5, 10 ou 15 ans. Mais on aurait une base pour démarrer.
    Je vais céder la parole à ma collègue.
    Veuillez être très brève, s'il vous plaît.
    Je suis d'accord. Le coût sera très élevé. Comme je l'ai dit, le Canada a comparativement investi beaucoup moins dans l'Arctique que les États-Unis, et beaucoup moins que la Russie et même que certains autres États comme la Suède et la Finlande. Je pense que cela a un peu [difficultés techniques] mais beaucoup à voir avec les machinations politiques entre les partis à Ottawa. J'essaie autant que possible de me tenir à l'écart de la politique, parce que mon travail est d'ordre universitaire.
    À mon avis, il faut que tout le monde soit sur la même longueur d'onde et considère que c'est une priorité, parce que la défense territoriale du Canada est importante.
    Merci, madame Mathyssen.
    Chers collègues, nous en sommes encore à la deuxième série de questions. Si nous allons jusqu'à 17 h 45, il nous reste un peu moins de 20 minutes. Nous aurons donc des questions de trois minutes, trois minutes, une minute, une minute, trois minutes et trois minutes.
    Madame Gallant, vous avez trois minutes.
    Général Semianiw, comme vous le savez, l'atout principal des Forces armées canadiennes est leur personnel. Je vous adresse ces deux premières questions en votre qualité d'ex‑commandant.
    Quand la COVID‑19 a frappé, les recrues des FAC en formation de base ont été isolées dans leurs chambres pour le reste du programme. Certaines de ces recrues étaient des adolescents qui étaient loin de chez eux pour la première fois. Ils se sont pour ainsi dire retrouvés en isolement cellulaire. Les repas étaient laissés à la porte. Il n'y avait aucun contact humain. Au moins un d'entre eux s'est suicidé. Comme ils n'ont pas acquis les compétences requises dans les délais prévus, ceux qui n'ont pas démissionné d'eux-mêmes ont été renvoyés chez eux.
     Puisque vous avez commandé du personnel militaire, quelles mesures recommanderiez-vous pour améliorer la rétention de personnel dans une situation semblable?
(1725)
    C'est une excellente question. Premièrement, comme vous le savez tous, la rétention du personnel est sans doute parfois l'élément le plus difficile et [difficultés techniques]
    À cet égard, je pense [difficultés techniques] expliquer aux hommes et aux femmes des Forces armées canadiennes les raisons de ce qu'on fait. Simplement cela. Je sais que cela semble parfois peu militaire, mais nous avons clairement constaté au cours des deux dernières décennies qu'il était plus nécessaire de communiquer pour que les hommes et les femmes qui protègent notre pays comprennent clairement pourquoi ils doivent rester dans leur chambre ou pourquoi ils doivent faire ceci ou cela, en application d'une directive du chef d'état-major de la défense. À bien y penser, aucun d'entre nous, à mon avis, n'était préparé comme il aurait dû l'être pour la COVID. Il a fallu du temps.
     Monsieur le président, pour vous donner un peu plus de détails, je travaille avec le personnel des Forces armées canadiennes qui participait au programme cybernétique, et j'ai donc beaucoup de connaissances à ce sujet. J'ai vu ces gens essayer d'apprendre et de s'entraîner. Il s'agissait de toutes nouvelles recrues. Aucun d'entre nous n'était prêt à changer ses habitudes, parce que, dans l'armée, cela a toujours été une question de formation en personne et de présence dans une école d'entraînement.
    Il est difficile de répondre à cette question. En vérité, je ne sais pas ce que j'aurais fait si je ne m'y étais pas préparé. Je suis certain qu'aucun d'entre nous n'était vraiment prêt pour la COVID‑19.
     Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    Général Semianiw, avons-nous désormais, avec nos homologues européens, une constellation de satellites depuis la partie la plus occidentale du passage du Nord-Ouest jusqu'en Europe? Cela existe‑t‑il déjà?
    N'oubliez pas que, quand on parle de satellites, il faut se demander si nous en sommes propriétaires ou si nous louons du temps de satellite? La réponse courte, à ce que je sache, est non. Nous obtenons du temps. Nous obtenons l'information dont nous avons besoin quand nous pensons en avoir besoin.
    Mon [difficultés techniques]
    Malheureusement, je crois que nous allons devoir nous arrêter ici...
    Mon collègue a raison. La plupart des renseignements proviennent de nos partenariats actuels, qui sont solides, comme le Groupe des cinq.
    Nous avons un peu parlé de l'Arctique. Ce dont on ne parle pas vraiment, c'est la façon dont des États ont réussi à obtenir de l'information sur l'Arctique en se servant de scientifiques. Je peux vous raconter une histoire intéressante au sujet de microphones sous-marins conçus pour écouter les baleines et qui, en fait, ont permis d'écouter les sous-marins placés par [difficultés techniques]
     Malheureusement, nous n'aurons pas le temps d'entendre l'histoire des baleines et des microphones sous-marins.
    C'est au tour de Mme O'Connell, pour trois minutes.
    Je vous remercie tous les deux d'être venus nous voir.
    Madame Kimball, vous avez écrit des articles sur l'approvisionnement militaire. Dans votre exposé préliminaire, vous avez également parlé de l'évolution des besoins et des capacités. Vous avez parlé de désinformation et d'attaques hybrides.
    En matière d'approvisionnement, quelles sont, d'après vous, certaines des priorités à envisager, compte tenu de cette nouvelle ère ou des menaces à venir au Canada?
    Le Canada doit absolument investir dans le domaine de la sensibilisation à l'information. On en parle comme si c'était facile, mais il faut investir pour communiquer plus clairement avec les partenaires, investir dans l'équipement et investir davantage dans les institutions. Le Canada est bien placé pour avoir accès à plus d'information, mais il ne réussit pas assez bien à s'assurer d'avoir accès à l'information ou à exercer des pressions dans certains cas.
     Au final, le mieux à faire est d'investir dans les gens et dans les talents [difficultés techniques]. Il faut convaincre la prochaine génération de jeunes Canadiens de s'engager dans l'armée et de s'intéresser à ces questions, parce que nous voyons d'autres pays recourir à la conscription, alors qu'ici, nous avons du mal à simplement attirer des gens dans l'armée. On le sait, l'un des atouts de l'armée canadienne est littéralement la diversité des gens qu'elle peut envoyer sur le terrain.
    Je terminerai en disant qu'une des choses que le Canada fait très bien — il ne veut pas vraiment le reconnaître, mais tous les partenaires de l'OTAN le savent —, c'est d'être un expert en langues. C'est le seul partenaire de l'OTAN qui a deux langues officielles, et c'est dans le bataillon du Canada qu'on trouve actuellement le plus grand nombre de langues représentées. Le Canada est à la tête du plus grand nombre de nouveaux partenaires et gère le plus grand nombre de langues, et il le fait très bien, à la hauteur d'États beaucoup plus puissants et aux moyens plus importants. Il accomplit les mêmes tâches que ses partenaires en Pologne et dans d'autres pays baltes.
    Cela prouve que le Canada a quelque chose à offrir de plus que ses partenaires. Peut-être faudrait‑il surmonter les désaccords politiques fédéraux et se rendre compte que c'est un atout pour le Canada et qu'il faut s'en servir.
(1730)
    C'est évidemment surtout dans les gens qu'il faut investir. Combien d'années faut‑il pour avoir un sergent qui a 20 ans d'expérience? Cela prend 20 ans. Je peux toujours acheter du matériel de série. Ce sont les gens qui doivent être la priorité absolue.
    Merci.
    Il vous reste une minute, madame Normandin.

[Français]

     Je serai brève.
    Il y a le réchauffement de la planète, la glace qui fond dans le Nord et le fait qu'il peut devenir de plus en plus intéressant pour les États‑Unis de ne pas reconnaître la souveraineté canadienne dans l'Arctique. Malgré tout, peut-on espérer que le Canada maintiendra sa souveraineté d'une façon ou d'une autre, considérant son peu d'investissement dans la défense continentale et le NORAD?
    Il faut savoir que l'entente actuelle entre le Canada et les États‑Unis découle d'un échange de notes dans les années 1970, qui dit [inaudible]. On reconnaît le fait qu'on ne s'entend pas, mais on ne veut pas s'avancer davantage.
    Il faut convaincre les Américains qu'il faut changer cette entente, alors qu'ils en bénéficient beaucoup [difficultés techniques] que le Canada est de bonne foi.

[Traduction]

    Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez une minute.
    Les témoins des deux groupes nous ont parlé des problèmes liés aux ministères concernés, notamment au sujet de la souveraineté dans l'Arctique. Il y a l'Agence des services frontaliers du Canada, le MDN, la recherche et le sauvetage dans le domaine de la pêche et tous ces silos fonctionnels.
    Comment éliminer ces cloisonnements pour mieux coordonner les interventions dans l'Arctique? Je pourrais peut-être obtenir une recommandation importante des deux témoins.
    La réponse courte est: désigner un responsable. C'est le dilemme quand tous les partenaires se réunissent...
     J'en ai fait l'expérience. J'ai coprésidé le Comité de la protection civile du gouvernement du Canada avec au moins 30 ou 40 partenaires différents. Au final, quand personne n'est responsable, les comités ne font pas ce qu'on attend d'eux. Il faut qu'un ministère se fasse dire: « Vous êtes le ministère responsable à cet égard. » C'est ce qui est arrivé au gouvernement dans les dernières années.
    C'est un peu plus complexe, parce que, dans le Nord, ce n'est pas uniquement une question de défense. Il ne s'agit pas de militariser le Nord; il s'agit de l'armée dans le Nord. Quand une question se pose ou qu'une difficulté ou une menace surgit, le gouvernement doit mettre un ministère aux commandes.
     Merci, madame Mathyssen.
    J'ai bien l'impression, général, que quelqu'un derrière vous s'apprête à vous brasser la cage pour voir qui commande ici.
    C'est ma chatte. Elle veut manger.
    Des députés: Oh, oh!
    Nous allons confier à un chat le commandement du Nord. Mme Lambropoulos va probablement se battre contre vous.
    Madame Kerry-Lynne Findlay, vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ce que vous avez dit est très intéressant, général. Il est clair, comme on l'a dit, que l'éloignement géographique du Canada, qui, à une certaine époque, constituait un obstacle bien compris, n'est plus un problème. Il ne s'agit donc plus de notre éloignement, je vous remercie.
    Vous me rappelez aussi ce qu'on nous a dit au sujet du Nord: « si on ne s'en sert pas, on le perd ».
    Vous avez parlé du Programme des Rangers. Quand j'étais ministre associée, on m'avait expliqué le caractère unique au monde de ce programme et fait comprendre qu'il nous donne un avantage distinct puisque les rangers sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain, ce qu'on ne voit pas ailleurs.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de l'élargissement et de la professionnalisation du Programme des Rangers, du soutien à leur formation et de leur réarmement avec de nouvelles armes légères.
    Considérez le Conseil de l'Arctique et ce que d'autres pays ont en matière d'organisations de type ranger, et vous verrez que nous sommes les seuls à avoir ce genre d'organisation avec ce genre de responsabilité. Cela contribue à protéger le Nord canadien, et c'est donc une nécessité évidente.
    Il y a cinq patrouilles de rangers dans l'Arctique, dans la région subarctique et dans le Nord canadien. Elles sont organisées géographiquement par province. Selon le site des Forces armées canadiennes, on compte environ 60 000 rangers dans le programme. Ils sont répartis entre de nombreuses patrouilles différentes, mais ils ne suffisent pas à couvrir tout le Nord.
    Pourquoi ne couvrent-ils pas tout le Nord? C'est en partie une question d'organisation. Mais il y a aussi la question du recrutement. À voir ce qu'on donne à un ranger... J'ai travaillé avec eux, je sais qu'ils agissent par bonté d'âme, parce qu'ils sont de grands Canadiens. Ce n'est pas une question de paye, ce n'est pas une question de relation employé-employeur. Pour le peu que nous leur offrons, je suis toujours étonné de l'excellent travail qu'ils font pour nous.
    Que faire? Premièrement, on pourrait élargir le Programme en veillant à ce qu'il y ait suffisamment de patrouilles dans le Nord, à ce qu'on y fasse plus régulièrement des exercices, et ainsi multiplier le nombre des rangers. On pourrait offrir plus de formation. Ils font effectivement partie des Forces armées canadiennes, mais, si on demandait à un militaire de témoigner et de dire si les rangers ont les mêmes avantages, la même formation et le même soutien qu'une personne en uniforme, la réponse serait non. Pourquoi pas, étant donné ce qu'on attend de ces braves gens? Ne devrait‑on pas leur fournir la même chose? On pourrait donc demander plus de formation et plus d'équipement.
    Que je sache, on leur a accordé une allocation annuelle pour l'utilisation de leur motoneige, avec un peu d'essence. On pourrait faire beaucoup pour professionnaliser et élargir le Programme.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.
(1735)
    Oui, c'est très instructif. Je crois que, si nous avons appris quelque chose de l'Ukraine, c'est la fierté. Je sais qu'ils sont très fiers de leurs acquis.
    Mon temps est...
    Oui. Je peux dire très brièvement que tous les sous-marins et toutes les baleines que nous avons repérés dans le Nord du Canada — parce que c'est un fait que les deux ont le même type de mouvement dans l'eau — l'ont été par des rangers et non par du personnel militaire de l'armée régulière ou par un drone ou peu importe. Ils ont une valeur réelle.
    Les sous-marins, les baleines ou les chats...
    Tous, oui. Nous aurons une patrouille de chats.
    Monsieur Fisher, avez-vous une opinion sur les patrouilles de chats dans le Nord?
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Vous avez trois minutes.
    D'accord. Merci.
    Ma question s'adresse à Mme Kimball, mais je tiens à saluer rapidement le général Semianiw.
    Merci de votre dévouement, mais aussi du travail incroyable que vous avez fait après ce que vous n'appelleriez probablement pas votre « retraite ». Cela vaut aussi pour le travail que vous avez fait dans ma collectivité, dont je vous remercie.
    Je vous en prie.
    Madame Kimball, j'ai posé cette question au dernier groupe de témoins et j'aimerais avoir votre avis. Quel est l'investissement le plus important que nous puissions faire aujourd'hui pour nous préparer non seulement aux menaces à venir, mais à celles d'aujourd'hui?
     Ce qu'il y a de plus important aujourd'hui, c'est d'investir davantage dans les gens. Il faut investir davantage dans nos soldats. Il faut investir davantage pour remonter le moral de nos troupes.
    Chaque fois que je rencontre des gens en uniforme, je suis toujours impressionnée[difficultés techniques] par leur volonté de représenter le Canada dans leurs missions.
    J'ai été l'hôte de la rencontre Université-Défense la semaine dernière. Plus de 100 personnes en uniforme ont discuté avec des universitaires et des étudiants. C'est vraiment ce que nous devons faire. Nous devons organiser plus d'événements comme celui‑là, qui permet de parler ouvertement. Nous pouvons vraiment créer cette synergie, pour qu'il n'y ait plus de cloisonnements entre les décideurs, les militaires et les universitaires, parce que nous avons tous des choses à partager.
    Comme l'a dit le lieutenant-général Semianiw, offrir de la formation et créer ces troupes pour l'avenir est un investissement dans le temps, et nous pouvons le faire dès aujourd'hui. L'autre aspect est celui de l'argent. Nous avons besoin d'un meilleur équipement [difficultés techniques] dans notre zone.
    Dans ce cas, j'ai le temps de poser une brève question au général.
    Général, concernant le programme de missiles balistiques, est‑il temps de le réévaluer et de prendre des mesures?
    Oui, compte tenu de l'importance de ce qui se passe avec la Chine. Je l'ai constaté personnellement, j'ai siégé au quartier général du NORAD, c'était il y a 12 ans. Même à ce moment‑là, j'aurais dit oui, et la réponse courte est donc oui.
(1740)
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Fisher.
    Au nom du Comité, je tiens à vous remercier tous les deux de vos excellents exposés. Tous les exposés que nous avons entendus aujourd'hui ont été excellents et très instructifs.
    Il est intéressant de constater que, au fil du temps et de ces divers exposés, nous commençons à dégager des éléments de consensus. Vous avez tous les deux soulevé des questions qui font consensus, et je vous en remercie.
    Sur ce, chers collègues, la réunion est ajournée jusqu'à mercredi. Merci.
    La séance est levée.
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