:
La séance est ouverte. Il est 8 h 15 et je constate qu'il y a quorum.
Nous accueillons ce matin la générale Jennie Carignan et le lieutenant-général Stephen Kelsey pour faire le point sur le mandat et les priorités du chef d'état-major de la Défense.
Au nom du Comité, je tiens à vous souhaiter la bienvenue en particulier, générale Carignan, et aussi à vous, général Kelsey. C'est la première fois que vous comparaissez à titre de chef et de vice-chef d'état-major de la Défense, et nous vous souhaitons la meilleure des chances. Cela dit, nous espérons également avoir une très bonne relation de travail au sein du Comité. J'espère que vous le considérerez comme un endroit amical et, je l'espère, comme un comité collaboratif et constructif.
Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire au cours des cinq prochaines minutes, puis nous passerons à nos séries de questions. Encore une fois, merci d'être venus, et félicitations à vous deux.
Vous avez cinq minutes.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, tout le monde.
[Traduction]
Il s'agit de ma première comparution en tant que chef d'état-major de la Défense, et je tiens d'abord à dire à quel point j'apprécie le travail de ce comité. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de discuter de mon mandat et de mes priorités pour les Forces armées canadiennes. Je suis accompagnée aujourd'hui du vice-chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-général Stephen Kelsey.
[Français]
Sur la scène mondiale, nous sommes confrontés à un contexte de sécurité à la fois volatil et imprévisible.
Ce comité est très au courant de la situation à laquelle nous devons faire face, allant des guerres qui sévissent en Ukraine et au Moyen-Orient aux tensions croissantes dans la région indo-pacifique, en passant par les changements climatiques et la technologie perturbatrice, sans oublier la désinformation.
Ces menaces nous obligent à faire preuve de vigilance et à nous livrer à une réflexion prospective en ce qui concerne l'approche que nous adoptons et adopterons pour l'avenir quant à la défense.
[Traduction]
Nous devons reconnaître que même si, du point de vue de la défense et de la sécurité, nous avons bénéficié de notre géographie dans le passé, la situation évolue. Nous devons maintenant transformer notre armée pour faire face à des menaces mondiales croissantes, avec nos alliés et nos partenaires.
J'ai eu le privilège de servir aux côtés des membres des Forces armées canadiennes au cours des 38 dernières années, et j'ai maintenant le privilège de les diriger. Nos Forces sont compétentes, courageuses et dévouées au plus haut point. Soutenir nos effectifs et prendre soin d'eux doit continuer d'être notre priorité absolue, et je suis déterminée à poursuivre le travail de mes prédécesseurs. Pour ce faire, nous devons miser sur les trois points suivants: le recrutement, le maintien en poste et la disponibilité opérationnelle.
[Français]
Bon nombre de nos alliés doivent faire face aux mêmes défis, et nous devons veiller à ce que nos forces disposent à nouveau d'un effectif complet d'ici cinq ans. C'est absolument essentiel.
Ainsi, nous continuerons de moderniser la façon dont nous recrutons et notre sélection de personnel recruté. Nous continuerons d'améliorer aussi nos processus, sans toutefois abaisser nos normes.
Cela signifie qu'il nous faut déployer d'importants efforts en vue de recruter des Canadiens et des Canadiennes de tous les horizons, notamment en ouvrant la porte à un plus grand nombre de résidents permanents.
[Traduction]
La diversité nous rend plus efficaces sur le plan opérationnel, et nous savons que ce qui fonctionnait dans le passé ne fonctionnera pas à l'avenir. Nous ne pouvons pas continuer à nous appuyer sur la même façon de penser, la même mentalité et les mêmes processus ou méthodologies; nous avons besoin de nouvelles perspectives, approches et idées plus larges si nous voulons résoudre les défis complexes d'aujourd'hui et de demain.
Pour ce qui est du maintien en poste, nous avons endigué la tendance à la baisse et stabilisé nos chiffres. Nous faisons des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire. Lorsque nous maintenons les normes de conduite et de rendement les plus élevées, que nos effectifs peuvent croître et s'épanouir, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel, non seulement nous attirons les meilleurs et les plus brillants, mais nous parvenons à les conserver.
Nous devons aussi être prêts, toujours prêts et prêts à tout. La disponibilité opérationnelle est une constante et une nécessité.
[Français]
Le monde est en cours de transition, et il en est de même pour les Forces canadiennes. Les résultats ne sont pas garantis à l'avance, et nous devons être à l'aise à l'idée d'être mal à l'aise.
[Traduction]
La disponibilité opérationnelle, c'est un personnel fort et pluriel, doté de capacités pertinentes qui répondent aux besoins futurs de la guerre, avec la volonté d'innover, de s'adapter et de prendre des risques. Cela signifie de collaborer avec nos alliés et nos partenaires du monde entier.
[Français]
C'est particulièrement vrai au moment de défendre l'Amérique du Nord, de concert avec les États‑Unis, par l'intermédiaire du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD et, plus généralement, par la collaboration entre le Commandement des opérations interarmées du Canada et le United States Northern Command.
[Traduction]
Comme vous le savez, l'intérêt mondial à l'égard de l'Arctique croît, notamment celui de nos concurrents et de nos adversaires; c'est pourquoi nous devons nous efforcer de protéger et d'affirmer la souveraineté du Canada dans le Nord.
J'ai visité le quartier général du NORAD cette semaine, où j'ai vu de mes propres yeux la manière dont les militaires canadiens travaillent harmonieusement avec leurs collègues américains en tout temps pour défendre le continent que nous partageons. Nous devons poursuivre notre étroite collaboration par l'intermédiaire du NORAD dans le but de détecter les menaces aérospatiales, de nous défendre contre celles‑ci et de dissuader nos adversaires. Et au‑delà du NORAD, grâce au Commandement des opérations interarmées et au US NORTHCOM, nous devons continuer de surveiller nos approches maritimes communes.
En juillet dernier, par exemple, des chasseurs canadiens et américains du NORAD ont intercepté des aéronefs russes et chinois dans l'espace aérien international près de l'Alaska. Au cours de ce même mois, le NCSM Regina a filé un navire de recherche polaire chinois dans le détroit de Béring. Comme toujours, nous devons veiller à exécuter nos interceptions de manière sécuritaire et professionnelle.
Monsieur le président, je sais que rien de tout cela n'est facile. Nous transformons les Forces armées canadiennes, tout en continuant de nous acquitter de nos fonctions croissantes. C'est comme si nous devions construire et faire voler un avion simultanément. Nous connaissons toutefois nos défis internes, et nous savons ce qui est attendu de nous. Je crois fermement en cette institution et en ce qu'elle représente.
Nous continuerons d'accomplir notre travail avec détermination et résolution, et nous y parviendrons.
Merci. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Félicitations, générale Carignan, pour votre nomination au poste de chef d'état-major de la Défense.
Bienvenue à vous aussi, général Kelsey. Bienvenue à ce poste.
Je me réjouis de la poursuite de notre relation productive.
Vos prédécesseurs ont toujours parlé très clairement et sans détour avec le Comité pour expliquer l'environnement de menace auquel nous sommes confrontés et l'état de préparation des Forces armées canadiennes. Vous avez mentionné vos trois R qui se traduisent en français par: recrutement, maintien en poste et disponibilité opérationnelle. Voyons cela plus en détail.
La dernière fois que le général Eyre a comparu ici, il a dit qu'il nous manquait 16 000 soldats pour atteindre notre pleine capacité, et que 10 000 autres membres des Forces armées canadiennes étaient sous-entraînés et non déployables.
Avez-vous une mise à jour de ces chiffres? Où en sommes-nous aujourd'hui en ce qui concerne la pénurie et le manque de préparation de certains de nos membres?
Une personne qui connaît un peu le système et le recrutement a laissé entendre que le problème, c'est que chaque fois qu'un nouveau problème survient chez un militaire, on ajoute un autre critère de recrutement. Par conséquent, avec le temps, les exigences se sont accumulées, et il est maintenant très difficile de satisfaire à toutes ces exigences. Que pensez-vous de cette affirmation?
Deuxièmement, on m'a également parlé de ce qu'on appelle la barrière des quatre A, en anglais, c'est‑à‑dire que si quelqu'un souffre d'asthme, d'allergies, de TDAH ou d'anxiété, il n'est pas admissible. Il me semble que cela exclut beaucoup de gens potentiellement très qualifiés. Par exemple, en ce qui concerne l'asthme, deux ou trois de mes six enfants souffrent d'asthme, mais ils en ont souffert lorsqu'ils étaient enfants. Ils ne font pratiquement plus jamais d'asthme. Ce n'est pas vraiment un problème. Cependant, il semble que l'armée dirait que non, ils ne sont pas admissibles, même s'ils pourraient être d'excellents candidats.
J'ai donc deux questions. La première concerne le trop grand nombre d'exigences, et la deuxième, les exigences médicales et la possibilité de les assouplir.
D'abord, je veux juste souligner que nous dépensons chacun de nos dollars de la bonne façon. C'est sûr que, dans l'armée, il y a une pression liée à l'entraînement, mais cela fait partie d'un équilibre entre la mise sur pied des forces, la préparation de nos recrues et le système d'entraînement.
La question est liée à la disponibilité opérationnelle, au personnel et au système de recrutement. Une personne va suivre un entraînement lors de la formation de base et un entraînement plus poussé par la suite.
Le commandant de l'armée veut avoir beaucoup plus d'argent pour l'entraînement, mais c'est un problème lié à la capacité. C'est sûr qu'il y a un manque d'entraînement dans certains secteurs de l'armée, mais, bien évidemment, la priorité, comme la chef d'état-major de la Défense l'a dit, c'est le recrutement et le processus continu de préparation du personnel. C'est un continuum. Le début est important, mais le reste l'est aussi. On doit investir dans les sous-officiers, les leaders et les jeunes officiers pour assurer la suite des choses.
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Les enjeux de logement et d'hébergement de notre personnel sont une priorité pour nous. C'est extrêmement important. Pour avoir été moi-même déplacée plus de 13 fois, si je compte bien, je peux dire que nous comprenons la nécessité de fournir un soutien adéquat à nos membres, à qui nous demandons de déménager régulièrement dans le cadre de leurs fonctions à notre service.
Nous comprenons ce besoin. Nous sommes aussi conscients que les problèmes de logement affligent également les Canadiens en général. Cependant, nous mettons en place de nombreuses initiatives visant à faciliter l'accès au logement et à assurer à nos membres une plus grande mobilité. À l'heure actuelle, nous avons quelques projets en cours. Il faut comprendre que nous exploitons actuellement 11 700 maisons résidentielles destinées à nos membres à 27 endroits différents. Au cours des cinq prochaines années, nous construirons 1 400 nouvelles maisons dans différentes bases. De plus, nous rénovons 2 500 unités résidentielles dans de nombreuses bases afin qu'elles demeurent en bon état.
Il y a également des avantages pour nos membres. Les besoins sont très différents selon les familles et la situation personnelle de chacune, c'est pourquoi nous favorisons une approche multidimensionnelle. Les membres n'ont pas tous besoin du même type de soutien pendant leur service. Nous offrons également l'indemnité différentielle de logement des Forces canadiennes, qui a été mise en œuvre pour permettre à nos membres de se déplacer. En fait, 28 000 membres des FAC en bénéficient.
Tout n'est pas parfait. Nous connaissons les difficultés auxquelles nos membres sont confrontés. Par contre, nous recueillons régulièrement leurs commentaires, nous comprenons leur expérience et nous nous efforçons constamment d'améliorer la situation de tous nos membres.
Je me demandais... Il est parfois difficile pour les gens de se représenter ce que cela signifie compte tenu du grand nombre d'unités de logement. Concernant ces 11 000 unités, je pense avoir vu dans la mise à jour de la politique de défense qu'il manquait 7 000 unités — environ 7 000, habituellement entre 6 000 ou 7 000 — et que 295 millions de dollars sont prévus pour ces unités, jusqu'en 2032‑2033, il me semble. Sur cette période, cela équivaut à environ 1 800 $ par logement.
Quand on songe à ce montant pour construire et rénover 2 500 unités, sans compter la pénurie de 6 000 logements, ne faudrait‑il pas que le gouvernement affecte plus d'argent au logement? Ce serait une façon de remonter le moral des troupes à peu de frais, non? Surtout à une époque où nous sommes très exigeants envers les membres des FAC, ne pourrions-nous pas investir dans nos effectifs? La mise à jour contient 36 recommandations dont 25 % portent sur les ressources humaines. Pour moi, c'est un élément clé.
Comme je l'ai dit, nous devons tirer le maximum de nos forces. Nous devrions alors cibler nos investissements en fonction d'eux, non?
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Merci, monsieur le président.
Généraux, je vous souhaite la bienvenue au Comité.
Générale Carignan, j'aimerais commencer par l'Ukraine. Tout le monde suit avec intérêt la situation actuelle aux États-Unis. Le pays suit son propre processus électoral. Je pense que le président Biden est prêt aujourd'hui à fournir plus d'armes et de ressources à l'Ukraine.
Il y a deux positions différentes au sud de la frontière. Nous avons entendu le président Trump parler de mettre fin au conflit avant son assermentation, s'il gagne. Son candidat au poste de vice-président a été sans équivoque au sujet de son opposition à la guerre en Ukraine et du soutien des États-Unis à cette guerre.
Le même débat va certainement avoir lieu ici lors de nos propres élections. Nos partis ont des positions différentes ici. Nous avons exprimé très clairement notre soutien. Il y a un parti qui n'a pas exprimé son soutien à l'Ukraine et qui a cessé de fournir son appui à l'octroi de ressources aux Ukrainiens. Tout comme les Américains, les Canadiens auront l'occasion de faire connaître leur position à ce sujet.
Cela m'amène à la question de savoir pourquoi nous devrions nous en soucier. Je ne vais pas vous poser de questions sur la politique ici au Canada ou au sud de la frontière, mais les gouvernements fournissent un soutien à l'Ukraine parce que c'est important. Certains diront que c'est une « terre étrangère lointaine », mais ce qui se passe en Ukraine et ce que la Russie fait en Ukraine sont importants pour les Canadiens, et ils sont importants pour de nombreuses autres régions du monde.
Pouvez-vous expliquer au Comité pourquoi l'Ukraine est importante et pourquoi le soutien à l'Ukraine est important?
Il devient de plus en plus difficile de justifier et d'expliquer le soutien à l'Ukraine auprès des électeurs, parfois, en raison de ce qu'ils lisent dans les médias sociaux. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des défis que pose la désinformation. En tant que gouvernement, nous sommes confrontés à la désinformation sur tous les sujets, qu'il s'agisse des changements climatiques, du soutien à l'Ukraine ou des autres enjeux importants auxquels les Canadiens sont confrontés.
Votre prédécesseur a été très clair au sujet de la menace que représente la désinformation, non seulement pour les Forces armées canadiennes et notre société, mais aussi pour nos institutions démocratiques. Tout cela intervient dans la situation en Ukraine, et, malheureusement, je reçois constamment des messages en ce sens de toutes les régions du Canada. J'essaie de faire comprendre à mes électeurs, d'un point de vue éducatif, qu'une partie de ce qu'ils lisent dans les médias sociaux n'est pas vrai et provient d'adversaires étrangers.
Pouvez-vous nous parler des défis auxquels vous faites face dans le cadre de votre nouveau poste et de la façon dont vous prévoyez aborder ces questions, qu'il s'agisse de l'Ukraine ou d'autre chose?
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Nous allons devoir nous arrêter ici. Merci, madame Lambropoulos.
Générale Carignan et lieutenant-général Kelsey, au nom du Comité, je tiens à vous remercier.
J'ai un mot à dire avant de vous laisser partir. Vous pouvez constater qu'il y a beaucoup d'intérêt, de la part de tous les partis et de tous les députés, à l'égard du recrutement et de la façon dont nous allons nous y prendre. Je me demande si, lorsque vous serez de retour dans vos bureaux, vous pourriez réfléchir à ces questions et, si vous le voulez bien, rédiger une description du plan quinquennal en matière de recrutement, parce que, d'après ce que j'ai compris, le recrutement nous permettra seulement de revenir à une norme antérieure de préparation et de capacité. Le monde évolue très rapidement, comme vous l'avez souligné dans votre réponse à la dernière question et dans votre déclaration préliminaire. Je pense que le Comité gagnerait à obtenir un résumé de la façon dont nous allons nous y prendre pour atteindre nos objectifs, car nous pourrions alors discuter de la question de savoir si nous sommes suffisamment près d'atteindre ces objectifs.
Je peux dire, d'après les hochements de tête que je vois, que, si vous pouviez vous engager à nous fournir cela, nous vous en serions reconnaissants.
Je tiens à réitérer que la discussion d'aujourd'hui constitue un très bon début pour ce qui, je l'espère, sera un dialogue continu. Tout le monde autour de cette table souhaite sincèrement que nos forces armées soient aussi prêtes et aptes que possible à accomplir leur travail.
Je vois une main levée.
Bonjour, monsieur le président. Bonjour, chers membres du Comité.
J'ai le grand plaisir d'être à nouveau invité à partager mon point de vue sur la situation actuelle dans le détroit de Taïwan. La dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, c'était en septembre 2023, et la situation n'a cessé d'évoluer depuis.
En janvier de cette année, Taïwan a organisé sa huitième élection présidentielle directe. M. Lai Ching-te, du Parti démocrate progressiste, a remporté l'élection et est entré en fonction le 20 mai. Pour la troisième fois consécutive, le peuple taïwanais a élu un président issu du même parti politique, et il a formé un nouveau Yuan législatif, qui constitue notre parlement, sans qu'aucun parti ne détienne la majorité absolue. Ce nouveau paysage politique témoigne de la volonté de notre peuple. C'est un triomphe démocratique qui a été réalisé au milieu de défis considérables, en particulier les pressions politiques exercées par la Chine et son ingérence dans le processus électoral.
Au lendemain des élections, la Chine semble avoir intensifié son ingérence dans le but de créer une impasse politique à Taïwan. Peu après les élections, la Chine a intensifié ses pressions en incitant la République de Nauru, un État insulaire du Pacifique, à rompre ses liens diplomatiques avec Taïwan, et elle a modifié arbitrairement ses itinéraires de vol dans le détroit de Taïwan. Après l'investiture présidentielle du 20 mai, la Chine a mené des exercices dits « punitifs » autour de Taïwan. Depuis, des avions et des navires de guerre chinois ont pénétré dans notre zone d’identification de défense aérienne, ou ADIZ, et dans les eaux avoisinantes, franchissant parfois la ligne médiane du détroit de Taïwan — un acte de provocation que nos pays voisins connaissent tout aussi bien.
Néanmoins, face à l'intensification des menaces politiques et militaires, nous avons fait preuve de retenue et de détermination pour sauvegarder notre démocratie, notre paix et notre stabilité.
Dans le cadre de notre engagement à maintenir la paix et la stabilité de Taïwan, nous avons obtenu un consensus national pour réformer notre système de défense nationale, fait passer la durée du service militaire obligatoire à un an et haussé notre budget de la défense pour 2025 afin qu'il atteigne 2,6 % du PIB. Cela démontre notre détermination à renforcer notre capacité à nous défendre nous-mêmes et notre conviction que la paix ne peut être maintenue que par la force.
Dans le cadre de notre engagement à protéger nos valeurs communes, nous nous sommes attachés à renforcer nos alliances avec d'autres pays démocratiques en vue de créer une dissuasion collective. Depuis cette année, nous avons assisté à des déclarations publiques de la part des États-Unis, du Japon, du G7, de l'Union européenne, de l'OTAN et du Quad, qui soulignaient toutes l'importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan. La déclaration conjointe sur les relations en matière de défense que le Canada et l'Australie entretiennent, ainsi que le rapport sur la défense que le Canada a publié récemment, se sont notamment fait l'écho de ce sentiment.
Malheureusement, malgré notre retenue, nous avons constaté que la Chine exerçait des pressions grandissantes visant à nous empêcher de participer aux organisations internationales. Après avoir déformé la résolution 2758 des Nations unies conformément à son principe d'une seule Chine, la Chine a utilisé cette résolution comme base juridique pour isoler davantage Taïwan. En fait, la résolution 2758 ne mentionne pas Taïwan, n'aborde pas son statut politique, n'établit pas la souveraineté de la RPC sur Taïwan et n'empêche pas Taïwan de participer aux activités des Nations unies et de ses organismes.
En résumé, la Chine a récemment intensifié l'interprétation erronée de la résolution 2758 des Nations unies. Cela fait partie de la guerre juridique que la Chine mène non seulement pour empêcher Taïwan de jouer un rôle sur la scène internationale, mais aussi pour justifier l'agression contre Taïwan que la Chine pourrait entreprendre à l'avenir. Si l'on n'empêche pas la Chine de déformer la résolution 2758 des Nations unies, si un conflit militaire se produit dans le détroit de Taïwan, il sera illégal pour le Canada de venir en aide à Taïwan. Je demande donc à votre comité de tenir compte de cet enjeu crucial et d'apporter son soutien à la démocratie taïwanaise.
Je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.
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Je vous remercie beaucoup de votre question, et je vous remercie de revenir sur ce que j'ai dit l'année dernière.
Des voix: Oh, oh!
M. Harry Ho-jen Tseng: Je crois que s'il y a une différence, elle peut être considérée comme une escalade progressive de la menace. Il y a également une différence, très nette, par rapport à l'année dernière, en ce qui concerne la Chine. Cette différence est liée aux difficultés internes que la Chine rencontre aujourd'hui. Je ne parle pas seulement de difficultés économiques, car celles-ci peuvent rapidement se transformer en difficultés financières et en problèmes sociaux, puis en problèmes politiques en Chine. La situation là-bas pourrait s'aggraver très rapidement, ce qui pourrait influer sur le comportement extérieur de la Chine.
J'estime que nous devons accorder plus d'attention à ce qui se passe dans la région indo-pacifique. Je crois que c'est exactement ce que de nombreux pays aux vues similaires sont en train de faire. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais au cours des dernières 24 heures, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont tous envoyé leurs navires de guerre circuler dans le détroit de Taïwan. C'est la première fois que cela se produit. C'est la première fois que la Nouvelle-Zélande envoie un navire de guerre dans le détroit de Taïwan. De plus, vous serez peut-être surpris d'apprendre que c'est aussi la première fois que le Japon le fait de son propre chef.
Nous savons que nous bénéficions du soutien du monde entier, car son attention est axée sur ce qui se passe là-bas, mais il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir. Nous ne pouvons pas nous permettre de baisser la garde, et nous devons en être conscients.
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Il est également très important de se poser cette question.
Lorsque je regarde le Canada et que je réfléchis à ce que votre pays peut pourrait faire pour aider Taïwan, je pense que nous vous sommes très reconnaissants de ce que vous faites déjà, à savoir envoyer vos navires de guerre pour qu'ils traversent le détroit de Taïwan. Vous avez déjà effectué quatre passages depuis la mise en œuvre de la Stratégie pour l’Indo-Pacifique, il y a plus d'un an et demi. C'est très important, car plus les pays montrent leur intention de maintenir le détroit de Taïwan dans les eaux internationales, la haute mer, plus la Chine se sentira contrainte, car elle ne veut pas considérer que le détroit de Taïwan fait partie des eaux internationales.
En ce qui concerne l'assistance que le Canada pourrait offrir à Taïwan, vous pourriez nous apporter de nombreuses autres formes d'aides non militaires. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais un groupe d'anciens agents de Sécurité et Défense du Canada s'est récemment rendu à Taïwan. Ils sont rentrés en fin de semaine dernière et ont déjà accordé une entrevue à l'émission Power & Politics de la CBC. Ils estiment que le Canada est très frileux dans ses relations avec Taïwan. Ils ont fait la comparaison avec ce que le Canada fait dans d'autres pays et dans les communautés occidentales aux vues similaires Le Canada peut faire beaucoup de choses. Il a été question, au cours de cet entretien, de l'échange de visites de hauts responsables.
On peut comprendre que le et la gouverneure générale ne puissent pas se rendre à Taïwan, car ils portent peut-être le symbole de la souveraineté. Il n'y a toutefois aucune raison pour que le Canada ne puisse pas envoyer les fonctionnaires de rang inférieur sur place, car beaucoup d'autres pays le font. Il serait très important pour les Taïwanais que des hauts fonctionnaires se rendent à Taïwan, car nous voulons savoir que nous ne sommes pas seuls. Nos concitoyens veulent savoir que nous défendons une bonne cause et que nous bénéficions du soutien de pays aux vues similaires. C'est très important pour nous.
Cette résolution a été adoptée en octobre 1971 et ne mentionnait que deux choses. Il s'agissait d'une résolution très simple et très courte.
La première était la reconnaissance du représentant de la RPC en tant que représentant légitime de la Chine à l'ONU. La deuxième était l'expulsion du représentant de Tchiang Kai-chek du siège qu'il occupait illégalement à l'ONU.
C'est ce qui figure dans cette très courte résolution. Elle ne mentionne pas Taïwan. Elle n'a aucune incidence sur les membres des Nations unies et je ne pense pas qu'elle établisse la moindre relation politique avec Taïwan. Je dis que cette résolution n'empêche absolument pas Taïwan de jouer un rôle au sein de cette organisation internationale.
Malheureusement, après 1971, lorsque les pays du monde l'un après l'autre, ont reconnu la Chine, le monde entier a souscrit à l'interprétation qu'elle faisait de cette résolution. Aujourd'hui, plus que jamais, la Chine estime que la résolution 2758 équivaut à son principe d'une seule Chine.
Si vous n'empêchez pas la Chine de déformer cette résolution, vous lui donnez carte blanche pour faire ce qu'elle veut à Taïwan. Il s'agit d'une distorsion évidente de l'ordre mondial.
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Merci beaucoup d'être présent. Je suis ravie de vous voir.
Vous avez mentionné la présence accrue de nos partenaires et alliés dans le détroit de Taïwan, et vous avez brièvement parlé de la présence du Canada. Je sais qu'il y a eu une augmentation de la présence dans la région indo-pacifique, y compris dans la mer de Chine méridionale.
L'année dernière, ici au Canada, l'un de nos hélicoptères militaires, le CH‑148 Cyclone, a été... Il a été intercepté de manière non sécuritaire par deux J‑11 de l'Armée populaire de libération. Il est clair, à nos yeux — et, je pense, aux yeux des personnes qui partagent nos valeurs — que ces activités étaient peu professionnelles et très dangereuses.
Pouvez-vous parler à notre comité des conséquences de ce type de comportement et nous dire si nos partenaires et alliés sont confrontés au même type d'activité dans la région?
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Nous ne nous inquiétons pas trop de savoir si la Chine va rattraper ou supplanter Taïwan en ce qui concerne la fabrication de microprocesseurs. Comme je l'ai dit, la Chine reste très forte pour fabriquer des puces héritées, parce qu'elle a déjà la chaîne d'approvisionnement pour ce faire. Elle dispose déjà d'un marché intérieur qui englobe toutes sortes d'appareils électriques. Elle fabrique des puces héritées et elle a un marché intérieur pour les écouler.
Parallèlement, ce type de puce peut n'être que de 50 nanomètres — ce qui est loin d'être ce que l'on qualifierait de « mature » — ou pas aussi avancée que 7 nanomètres ou même plus petite, mais elles peuvent être utilisées dans des systèmes d'armement. C'est là le problème, mais comme je l'ai dit, ils n'ont pas acheté de puces américaines. Les États-Unis ont adopté une loi en octobre 2022 — la CHIPS and Science Act —, puis ont mobilisé des pays aux vues similaires pour qu'ils travaillent ensemble. C'est quelque chose qui se poursuit. Cette prise de position se répercute sur le contrôle des exportations.
La société TSMC et d'autres fabricants de puces de Taïwan ne sont pas soumis à l'embargo ou à la sanction concernant l'exportation de microprocesseurs vers la Chine, mais il s'agit de microprocesseurs que la Chine peut fabriquer de toute façon. Inutile de dire que les microprocesseurs plus avancés qui ne peuvent être fabriqués qu'à Taïwan ne sont en aucun cas exportés en Chine.
En raison de cette pression extérieure, la Chine tente d'utiliser l'approche dite « pangouvernementale » pour éliminer le goulet d'étranglement. Elle veut disposer de ses propres puces très avancées. Elle prétend être capable de fabriquer des puces de 7 nanomètres ou de 5 nanomètres, mais ce qu'elle dit en fait, c'est qu'elle peut le faire, mais en laboratoire.
C'est en fait une histoire très compliquée, mais cela fait partie de la façon dont la Chine a réagi à notre élection présidentielle. Notre élection présidentielle s'est soldée par l'élection de la dernière personne que la Chine aurait voulu voir gagner. Après notre élection, la Chine a pris une série de mesures pour punir Taïwan, et celle‑là fait partie du lot. En modifiant unilatéralement les itinéraires de vol au milieu du détroit de Taïwan — itinéraires qui sont déjà très proches de la ligne médiane —, les Chinois ont concentré encore plus les itinéraires le long de cette ligne. Qui plus est, il n'y a pas de liaison vers le sud. Dans le détroit de Taïwan, il n'y a pas d'itinéraire vers le sud. En lieu et place, les Chinois ont réactivé un autre itinéraire, le M503, au milieu du détroit de Taïwan.
Maintenant, s'ils volent vers l'est depuis les zones côtières pour se connecter à ce M503, que ce soit vers le nord ou vers le sud, ils arrivent au milieu du détroit de Taïwan de sorte qu'il est maintenant impossible d'établir s'il s'agit d'un vol de passagers ou d'un avion de guerre. Ils ont déjà parcouru la moitié de la distance nécessaire pour traverser le détroit de Taïwan. Cela réduit notre zone de défense aérienne et constitue pour nous une préoccupation majeure en matière de sécurité nationale.
Nous avons soulevé la question auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale, mais cette dernière semble incapable de trouver quoi que ce soit pour contrôler le comportement des Chinois. Selon les règles de cette organisation, toute modification des itinéraires de vol doit être étayée ou faire l'objet d'une négociation préalable avec la région d'information de vol adjacente et, dans ce cas‑ci, la région d'information de vol est celle de Taipei.
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Chaque pays a son propre intérêt national, mais pour le Parti communiste chinois, cet intérêt national est en fait l'intérêt du parti.
Pourquoi l'invasion de Taïwan, ou la rhétorique de l'invasion de Taïwan, est-elle dans l'intérêt du parti communiste chinois? C'est parce que ce dernier a besoin d'une raison pour montrer que son pouvoir sur la Chine est légitime. Auparavant, il pouvait le faire en accordant au peuple certains avantages sur le plan financier.
Il semble y avoir un contrat social intangible entre le parti et le peuple chinois. Le parti dit au peuple: « Renoncez à vos droits politiques en notre faveur et le parti communiste chinois s'occupera de votre participation politique et de vos droits politiques. En retour, nous vous offrons la prospérité. » C'est ce que le Parti communiste chinois fait depuis des décennies. Il y est parvenu, et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles la corruption était si répandue en Chine.
En faisant cela, il tente de convaincre le peuple chinois de tout lui confier sur le plan politique, alors que sur le plan économique, c'est lui, le peuple, qui en profitera.
Maintenant qu'il sait qu'il n'est pas en mesure de maintenir ces avantages financiers, il crée une autre raison légitime pour continuer à obtenir le soutien du peuple. Il agite le nationalisme et les sentiments nationalistes. L'un de ces sentiments concerne Taïwan, car la Chine considère Taïwan non seulement comme une province renégate, mais aussi comme un héritage de la Seconde Guerre mondiale. La Seconde Guerre mondiale est directement liée à l'image que la Chine se fait des soi-disant « 100 ans d'humiliation ».
Elle tente de justifier ce qu'elle fait au monde en disant qu'elle ne fait que demander qu'on la traite de façon équitable, arguant que pendant les 100 dernières années, le monde l'a humiliée en lui imposant toutes sortes de traités léonins. Aujourd'hui, tout ce qu'elle demande, c'est un peu d'équité.
J'espère que vous n'adhérez pas à cet argument, car il n'a aucun sens. Si c'est le cas, pourquoi la République populaire de Chine n'a‑t‑elle pas agi de la sorte dès le premier jour de sa création? Elle ne fera valoir ce narratif que lorsqu'elle ne pourra plus se permettre de maintenir les autres arguments financiers. Il est très facile de trouver toutes sortes de prétextes.
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Vous avez terminé, même si vous n'avez pas terminé.
Représentant Tseng, je tiens à vous remercier une fois de plus pour ce qui est en train de devenir une comparution annuelle devant le Comité. Je ne sais pas s'il y en aura une troisième. Nous verrons bien. Certains d'entre nous entretiennent cet espoir. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier de vos éclaircissements.
Pour faire suite à la question de Mme Mathyssen, des efforts sont déployés pour que la résolution de l'IPAC soit adoptée à l'unanimité. Pour ceux d'entre vous qui ont une certaine influence sur ceux qui pourraient prendre ces décisions, nous vous encourageons à en user.
Chers collègues, ceci met un terme à notre évaluation des menaces dans la région indo-pacifique. Pour dire vrai, je crois que notre évaluation de la menace fait montre d'un peu trop de circonspection. Je serais curieux d'entendre ce qui ressortirait de discussions hors ligne afin d'établir s'il faut donner une suite à cette compréhension très précieuse et très utile de la menace qui pèse sur Taïwan et l'Indo-Pacifique, certes, mais aussi des conséquences pour le Canada.
Monsieur Bezan, il faut que ce soit très rapide.