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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 123 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(0815)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Il est 8 h 15. Je vois que nous avons le quorum.
    Il y a encore des discussions du côté des conservateurs.
    Permettez-moi de vous expliquer le déroulement de la journée. Nous allons lever la séance à 9 h 45. Nous nous rendrons à la salle 420 pour rencontrer la délégation finlandaise, puis les membres du Comité des affaires étrangères se joindront à nous. Nous nous entretiendrons avec la délégation finlandaise — la discussion durera aussi longtemps que vous le souhaiterez, à vrai dire —, mais nous avons plus de temps que prévu d'ici là, soit une heure et 15 minutes au lieu d'une heure.
    Nous attendons l'arrivée de M. Byers, mais nous allons commencer par Mme Steer. Lorsque M. Byers arrivera, nous ferons un test de son.
    J'espère que nous aurons le temps de faire trois tours. Nous aviserons après deux séries de questions.
    J'invite maintenant Mme Cassandra Steer, présidente de l'Australian Centre for Space Governance, qui se joint à nous par vidéoconférence, à commencer.
    Je vous remercie de votre disponibilité. Vous avez cinq minutes.
    Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à contribuer à cette étude.
    Mes travaux dans le domaine de la sécurité spatiale, du droit spatial et de la gouvernance spatiale portent sur l'Australie et l'Amérique du Nord. Je m'intéresse en particulier au rôle que peuvent jouer les puissances spatiales moyennes, en particulier lorsqu'elles collaborent et travaillent avec de petits blocs ou blocs de plus petits pays.
    Je vais me concentrer sur quatre aspects. Premièrement, les répercussions de la commercialisation de l'espace. Deuxièmement, la façon dont le Canada peut être un chef de file — ce qu'il est déjà, en fait — en apportant une perspective sexospécifique à la sécurité spatiale. Troisièmement, les impacts géopolitiques sur l'espace. Quatrièmement, si le temps le permet, les raisons pour lesquelles il est essentiel d'avoir une politique spatiale nationale. Je sais que d'autres ont abordé la question.
    Premièrement, au sujet des répercussions de la commercialisation de l'espace, il est primordial de garder la question de l'espace et des services spatiaux à l'esprit en tout temps, un peu comme nous le faisons tous pour rapport le cyberespace et la cybersécurité.
    Nous sommes tous conscients de l'omniprésence du cyberespace dans nos vies. Nous sommes tous sensibilisés à la nécessité d'avoir des mots de passe forts et de protéger nos renseignements personnels. Nous comprenons tous les risques de cyberattaques et la nécessité de la cybersécurité pour assurer la sécurité nationale.
    Voilà l'approche que nous devons aussi adopter à l'égard de l'espace, en tout temps. Cela imprègne nos vies. C'est omniprésent. Les services spatiaux font partie de notre quotidien, de notre bien-être économique national, et de notre sécurité nationale. Même s'il est encore assez tôt, vous avez probablement utilisé l'espace au moins 10 fois ce matin, et d'ici ce soir, vous l'aurez probablement utilisé de 20 à 40 fois. Voilà à quel point l'espace est omniprésent. La défense spatiale est donc importante, car l'espace est important pour le Canada.
    Je ne sais pas si d'autres en ont parlé, mais je pense qu'il est également utile de comprendre que les systèmes spatiaux sont composés de quatre segments.
    Il y a évidemment le segment spatial, soit le satellite ou l'engin spatial qui se trouve dans l'espace. Il y a le segment terrestre, qui comprend les antennes paraboliques, les récepteurs et le traitement des données. Puis, il y a le segment des liens, qui est le lien de communication entre les satellites et le segment terrestre, et qui fournit des données sur l'exploitation des satellites. Il s'agit du segment le plus vulnérable aux menaces et aux ingérences. Le quatrième segment est le segment humain, c'est‑à‑dire vous et moi, en tant qu'utilisateurs de l'espace, les exploitants de l'espace et les décideurs.
    Lorsqu'il est question de défense spatiale, il est très utile de bien comprendre que tous ces systèmes sont importants pour nous, sur Terre, et que dans les faits, trois de ces segments ne sont même pas dans l'espace.
    En outre, comme d'autres l'ont déjà dit au Comité, il est important de comprendre que la majorité des services spatiaux sont à double usage. Un système spatial fournit les mêmes services, par exemple des services de communications et de navigation, à la fois à des fins militaires et à des fins civiles. Cela découle en bonne partie de la commercialisation de l'espace. On compte aujourd'hui environ 10 000 satellites opérationnels en orbite. Puisque les trois quarts de ces satellites appartiennent à des intérêts privés et que seulement 580 satellites sont des satellites militaires dédiés, l'espace en tant que service est devenu la norme. Le MDN, comme bon nombre d'entités militaires dans le monde, achète des services spatiaux auprès de fournisseurs commerciaux.
    Le mois dernier, à Ottawa, j'ai codirigé un atelier financé par le MDN et offert par une société d'experts-conseils avec laquelle je travaille, SSCL, ou Space Strategies Consulting Limited. L'atelier portait sur la défense et la protection des systèmes spatiaux commerciaux en période de tension et de conflit. Les discussions ont porté sur la nécessité d'établir des modalités contractuelles claires relativement aux protections que les fournisseurs de services spatiaux doivent intégrer à leurs propres systèmes. Nous avons discuté des menaces pour les systèmes commerciaux venant de nos adversaires et, surtout, des répercussions sur les civils en cas de pertes de service résultant de telles menaces et activités perturbatrices. Cela fera l'objet d'un rapport qui sera publié au début de la prochaine année.
    Cela m'amène à mon deuxième point, à savoir que le Canada peut être un chef de file en apportant une perspective sexospécifique à la sécurité spatiale. Il a été démontré, à l'échelle mondiale, que les filles et les femmes subissent de façon disproportionnée les répercussions des conflits armés, et ce, pour diverses raisons. Ensuite, étant donné le double usage des services spatiaux commerciaux, toute perte de service en raison d'une attaque a non seulement une incidence sur les forces armées qui dépendent de ces services, mais aussi sur les civils qui dépendent de ces mêmes services. Souvent, cela entraîne des répercussions disproportionnées pour les femmes et les filles. La cyberattaque de la Russie contre un satellite commercial américain Viasat, en 2022, est un exemple.
    En outre, les capacités d'observation de la Terre et les capacités de communication peuvent être déployées de manière positive afin de respecter les obligations du Canada en vertu du programme de l'ONU sur le genre, les femmes, la paix et la sécurité visant la protection des droits des femmes et des filles pendant les conflits armés. Le Canada a agi de manière très proactive en préconisant un langage neutre et non sexiste dans les discussions sur la sécurité spatiale à l'ONU et dans les mémoires sur l'inclusion d'une perspective sexospécifique à la sécurité spatiale. Le MDN a l'occasion de promouvoir explicitement ce programme dans le volet de ses procédures opérationnelles normalisées portant sur la stratégie spatiale, et d'établir des partenariats avec des pays comme les États-Unis et l'Australie, qui sont très désireux de faire progresser ce dossier.
(0820)
    Il me reste très peu de temps, alors je vais aborder le troisième point très brièvement.
    Puisque cette étude comprend les répercussions des avancées dans le domaine spatial sur la souveraineté et la sécurité nationale du Canada, il est important de comprendre les facteurs géopolitiques qui sous-tendent les investissements dans l'espace. Simplement dit, je pense que l'espace n'est qu'un autre domaine où la géopolitique a une incidence. Les tensions que l'on observe à l'échelle régionale et mondiale se manifestent également dans ce domaine technologique, d'où l'importance primordiale de la diplomatie spatiale.
    Le Canada a acquis la réputation internationale d'être un diplomate efficace pour les questions spatiales. Il travaille avec ses alliés et partenaires, y compris les petits pays, pour promouvoir les principes de comportements responsables lors de discussions de l'ONU à Genève et à New York. Il a été le premier pays à se joindre aux États-Unis pour interdire les essais d'armes antisatellites destructives à montée directe, et son rôle dans la clarification du droit international applicable à la sécurité spatiale dans le cadre de ces discussions internationales est également très reconnu.
    Mon dernier point est la nécessité d'une politique spatiale nationale. Je dirai simplement que je fais écho à ceux qui préconisent une telle politique.
    Merci.
    Merci, madame Steer.
    Je suis heureux de vous revoir, monsieur Byers. Vous avez cinq minutes.
(0825)
    Je m'appelle Michael Byers. Je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politique mondiale et en droit international depuis maintenant deux décennies. Je suis codirecteur de l'Outer Space Institute, un réseau mondial d'experts qui travaillent sur les défis de premier plan dans l'espace circumterrestre.
    En outre — ce qui est également très pertinent pour le Comité —, je codirige le réseau de sécurité spatiale MINDS, qui est financé par le ministère de la Défense nationale par l'intermédiaire du financement destiné au réseau universitaire. Le réseau examine les enjeux fondamentaux liés à la sécurité spatiale qui concernent le Canada et la défense nationale du Canada. Je suis ravi d'être ici pour parler de ce sujet précis, car c'est précisément là‑dessus que portent mes travaux en ce moment.
    J'ai deux points simples, que je vais présenter brièvement. Premièrement, les satellites seront toujours beaucoup plus faciles à attaquer qu'à défendre. Ils sont extrêmement vulnérables. Deuxièmement, le Canada compte plusieurs entreprises spatiales qui ont actuellement en orbite des systèmes satellites qui servent à appuyer l'armée ukrainienne dans son conflit armé avec la Russie. Rien de ce que je vous dis n'est secret. Tous ces renseignements sont du domaine public. Ce sont des choses que vous devez savoir.
    En novembre 2021, la Russie a détruit un satellite désaffecté de l'ère soviétique en orbite à 483 kilomètres au‑dessus de la surface terrestre afin de démontrer sa capacité d'utiliser des missiles terrestres contre des satellites. Cela a créé beaucoup de débris. Les astronautes et cosmonautes de la Station spatiale internationale ont ainsi été exposés à des risques de collisions avec des débris, mais la Russie a démontré sa capacité de le faire.
    Au cours des deux dernières années, la Russie a fréquemment brouillé les transmissions satellitaires dans toute l'Europe de l'Est, de l'Ukraine jusqu'à la frontière nord entre la Norvège et la Russie. Le matin de l'invasion massive de l'Ukraine par la Russie, Viasat, une entreprise américaine qui fournissait du soutien aux communications à l'armée ukrainienne, a été la cible d'une cyberattaque massive. Le matin de l'invasion, les communications ont été interrompues. Je pourrais continuer.
    Même les systèmes complexes comptant des milliers de satellites, comme Starlink de SpaceX, sont vulnérables à toutes ces attaques de systèmes, notamment une arme utilisée pendant la guerre froide, appelée [difficultés techniques] test de novembre 2021 en plein milieu de la constellation Starlink, ce qui obligerait SpaceX à effectuer des dizaines de milliers de manœuvres d'évitement des collisions, rendant ainsi le système dysfonctionnel.
    Il n'est pas réellement possible de défendre les satellites, d'où l'importance primordiale de la diplomatie spatiale, notamment, pour rappeler à la Russie et à la Chine que nous sommes tous extrêmement vulnérables à des choses comme les débris dans l'espace, et que les comportements irresponsables nuisent à tout le monde.
    Le deuxième point — et c'est du domaine public, encore une fois —, c'est que nous savons que peu après l'intervention à grande échelle de la Russie, le PDG de MDA Space, la plus importante entreprise spatiale du Canada, a publié un communiqué de presse annonçant que MDA fournissait de l'imagerie radar à ouverture synthétique en appui à l'armée ukrainienne, une imagerie incroyablement utile. Cette technologie peut produire des images à haute résolution, de nuit, par temps nuageux, et suivre les mouvements de chars russes de nuit. C'est très bien. C'est un élément très important de la contribution du Canada à l'effort ukrainien.
    Télésat exploite des satellites de communication en orbite géosynchrone. Le ministre de la Défense de l'époque avait alors révélé que Télésat avait obtenu un contrat du gouvernement canadien pour fournir un soutien aux communications à l'armée ukrainienne. On peut supposer que cela se poursuit.
    Comme Mme Steer l'a indiqué, c'est tout à fait normal. Beaucoup de satellites sont à double usage. Beaucoup de gouvernements ont des contrats avec des exploitants commerciaux. Le problème, c'est que l'on peut supposer qu'en participant à ces activités de soutien, ces entreprises canadiennes font de leurs satellites des cibles légitimes en vertu des lois de la guerre, et risquent par conséquent de donner un rôle au Canada dans le conflit contre son gré. Nous avons travaillé très fort pour éviter tout conflit direct avec la Russie. Nous n'avons ménagé aucun effort pour éviter de déclencher l'application de l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord. Ces satellites nous font frôler la limite d'une participation directe à ce conflit.
(0830)
    J'encourage les membres du Comité à réfléchir à la façon dont le Canada devrait réagir si, par exemple, RADARSAT‑2, le principal satellite utilisé par MDA pour appuyer l'armée ukrainienne, était abattu par un missile russe. Qu'est‑ce que cela signifierait quant à la participation du Canada au conflit? Comment pourrions-nous réagir?
    La prochaine fois que nous nous retrouverons dans une situation semblable, quels facteurs devrions-nous considérer pour déterminer s'il convient d'autoriser une entreprise canadienne à jouer ce genre de rôle? Tout s'est passé très vite en février et mars 2022. Je ne dis pas que les mauvaises décisions ont été prises, mais à mon avis, nous nous sommes retrouvés beaucoup plus mêlés à ce conflit que les décideurs ne le réalisaient à l'époque. Il s'agit de nouveaux enjeux et de nouveaux domaines, mais le soutien que nous offrons par l'intermédiaire des satellites fait de nous une cible et nous rapproche considérablement d'une participation directe à des conflits que nous préférerions éviter.
    Je vais me limiter à ces deux points: ces satellites sont pratiquement impossibles à défendre et, à certains égards, leur utilisation nous entraîne dans des conflits armés à l'étranger. C'est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du Comité.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Byers et madame Steer, je vous remercie. Vous nous avez tous deux amplement donné matière à réflexion.
    Nous allons commencer notre série de questions de six minutes avec Mme Gallant.
    Vous avez six minutes.
    Monsieur Byers, comme vous l'avez souligné, l'OTAN a tergiversé pendant un certain nombre d'années quant à la possibilité de déclencher l'application de l'article 5... et aux motifs pour le faire. Étant donné que les satellites sont à un double usage, la possibilité d'appliquer l'article 5 dans le cas d'une attaque contre un satellite a‑t‑elle fait l'objet de discussions?
    Je n'ai pas l'habilitation de sécurité nécessaire pour savoir si les armées de l'OTAN ont eu des discussions à ce sujet. Je sais — parce que ces renseignements sont publics — que l'OTAN consacre beaucoup de temps à la sécurité spatiale et que des fonctionnaires canadiens travaillent sur ces enjeux dans les bureaux européens de l'OTAN. Je présume donc que oui, cette possibilité a été examinée.
    Il y a un changement simple que je suggérerais; en fait, il a peut-être déjà été apporté. Les entreprises canadiennes qui contribuent à soutenir les forces militaires étrangères ne devraient pas révéler leur participation. C'est très étonnant que le directeur général de MDA ait publié un communiqué de presse en mars 2022 pour annoncer la participation de MDA au conflit. Sauf le respect du directeur général, c'était une très mauvaise décision. Beaucoup de gens ont été pris de court. Des erreurs ont été faites durant les premières semaines de la guerre en Ukraine, et c'en était une. Cette annonce a transformé en cible un satellite canadien valant des milliards de dollars qui est utilisé non seulement pour des opérations militaires, mais aussi à diverses fins civiles, comme la navigation dans les glaces de l'Arctique canadien et la recherche sur les changements climatiques. La liste est longue.
    Le problème, c'est que si l'on perd un satellite à double usage parce qu'on participe à un conflit, en plus de risquer une intensification du conflit, on perd toutes les fonctions civiles extrêmement importantes de l'appareil.
    Je le répète, la réponse, c'est que je présume qu'il y a eu des discussions à ce sujet, mais je ne suis pas habilité à le savoir.
    Monsieur Byers, si vous aviez l'habilitation de sécurité nécessaire et si vous connaissiez la réponse à ma question, pourriez-vous la donner au Comité?
    Bien sûr que non.
    Pourquoi?
    Parce que les délibérations du Comité sont publiques.
    D'accord, je vous remercie, monsieur Byers.
    Y a‑t‑il des mesures de préparation aux situations d'urgence mise à part la redondance dans l'espace? Des mesures sont-elles en place et prêtes à exécuter pour protéger la population canadienne en cas d'attaque contre un de nos satellites?
    Merci pour la question.
    Mon premier argument, à savoir que les systèmes satellites sont toujours plus faciles à attaquer qu'à défendre, est lié à la redondance dans l'espace. D'après moi, la redondance dans l'espace n'est pas vraiment une forme de protection efficace, du moins pas quand des centaines ou des milliers de satellites faisant partie d'un même système sont répartis sur la même orbite. L'une des recommandations que mon collègue Aaron Boley et moi avons présentées au ministère de la Défense nationale et à d'autres armées de l'OTAN, c'est de placer les satellites à différentes altitudes afin de mieux les répartir et d'en réduire la vulnérabilité. C'est une solution simple à ce problème.
    En ce qui concerne la vulnérabilité des opérations quotidiennes des systèmes civils et militaires au Canada, on devrait conserver les systèmes non satellites. Je vous donne un exemple simple: nous dépendons énormément des satellites de localisation. Le système de localisation des États-Unis — le GPS — est un élément central de l'économie canadienne; les avions commerciaux en dépendent fortement. Or pour des raisons que je ne comprends pas, on est en train de supprimer les systèmes terrestres de navigation aérienne qui étaient utilisés avant le GPS; par conséquent, il y a de moins en moins de systèmes de remplacement. Si la Russie ou tout autre État hostile réussissait à détruire le GPS ou à l'empêcher de fonctionner au moyen d'un système de brouillage ou d'une attaque dans l'espace, ce serait une véritable catastrophe pour l'aviation civile au Canada. Il ne faut pas éliminer les systèmes terrestres.
    Il y a des redondances. Il ne faut pas enlever les câbles à fibres optiques parce qu'on se fie aux systèmes satellites. Plus il y a de types différents de systèmes à différents endroits, plus il y a de redondances et mieux nous sommes protégés, non seulement contre les attaques, mais aussi contre, par exemple, une violente tempête solaire qui pourrait également endommager des milliers de satellites.
    N'éliminons pas les systèmes terrestres. Ne pensons pas qu'il est plus rentable de les supprimer et de compter uniquement sur les satellites.
(0835)
    Je vais vous citer la prochaine fois que ma famille se plaint de ma collection de cartes routières.
    Quand il y a violation du Traité sur l'espace extra-atmosphérique, quels types de mesures peuvent être prises pour redresser la situation?
    La question s'applique à l'ensemble du droit international. Le droit international est respecté 99,9 % du temps, mais il arrive à l'occasion qu'un acteur malveillant choisisse de violer une règle ou un traité.
    Aujourd'hui, la Russie est un État paria. Elle est soumise à de vastes sanctions. Elle doit faire face au fait que l'OTAN fournit des quantités énormes d'armes et d'autres formes de soutien à l'Ukraine pour l'aider à se défendre. La Russie paye un prix pour ses violations non seulement du Traité sur l'espace extra-atmosphérique, mais aussi de la Charte des Nations unies et de l'interdiction du recours à la force...
    D'accord. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons pour la réponse.
    Monsieur Collins, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, et bienvenue aux témoins.
    Monsieur Byers, je vais m'adresser à vous en premier. J'aimerais parler des débris spatiaux. Quand j'étais membre du comité de la science, je voulais qu'on entreprenne une étude à ce sujet. Ce qui me fascine, c'est que nombre des accords relatifs à l'espace ont été signés il y a des dizaines d'années. Ils ont été conclus entre les nations dans les années 1960 et 1970. Depuis, peu de modifications y ont été apportées pour les moderniser et peu de nouveaux accords multilatéraux ont été signés pour répondre non seulement au problème des débris spatiaux, mais aussi à d'autres enjeux liés à la gouvernance dans l'espace.
    Ma question pour vous est la suivante. Vous avez parlé des risques que les débris spatiaux présentent pour nos infrastructures commerciales et militaires dans l'espace. Quelles sont vos recommandations pour le Comité par rapport à la possibilité de moderniser les accords, ou encore de continuer à suivre les accords tacites et non contraignants, en place actuellement, qui régissent la question des débris spatiaux et des mesures prises à leur égard?
    J'ai une question complémentaire, mais je la poserai après.
    Je vous remercie pour la question. C'est une question très difficile.
    Vous avez raison: les principaux traités multilatéraux relatifs à l'espace ont tous été négociés et adoptés dans les années 1960 et 1970. Ils se sont avérés très solides, mais ils ont aussi été renforcés par beaucoup de coopération. Par exemple, le Canada dépend fortement du système de recherche et de sauvetage par satellite Cospas-Sarsat. Ce système a été créé en 1979, en pleine guerre froide, en partenariat avec l'Union soviétique, la France et les États-Unis. Chaque année, il sauve des milliers de vies partout dans le monde. La Russie et la Chine y participent toujours.
    Il y a aussi la station spatiale [difficultés techniques]. La présence d'un astronaute américain à bord de la fusée russe Soyouz lancée à partir du Kazakhstan il y a quelques mois témoigne de la coopération continue.
    À l'échelle internationale, il y a encore de la coopération au sein du Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique des Nations unies. Je tiens à mentionner que les diplomates canadiens jouent un rôle essentiel. La représentation diplomatique du Canada auprès des organismes des Nations unies responsables de l'espace est très efficace. Sur ce plan, les choses vont plutôt bien.
    En ce qui a trait spécifiquement aux débris spatiaux, il faut comprendre deux choses. D'abord, les débris spatiaux sont impossibles à éviter. Nos systèmes de surveillance, nos radars et nos télescopes peuvent seulement détecter les débris qui mesurent au moins environ huit centimètres. Il y a des millions et des millions de débris qui sont trop petits pour être détectés et qui se déplacent à 17 000 kilomètres-heure. Un débris de la taille d'un fragment de peinture peut détruire un satellite valant des milliards de dollars. On ne peut pas éviter les débris spatiaux et on ne peut pas les ramasser. En théorie, on pourrait ramasser les gros morceaux, mais pas les petits.
    Par conséquent, l'accumulation de débris dans l'orbite terrestre basse crée une situation de destruction mutuelle assurée. Tout pays ou tout acteur qui poserait un geste entraînant la création de dizaines de milliers, voire de centaines de milliers de nouveaux débris, exposerait ses propres satellites à de sérieux risques. Les États qui dépendent déjà fortement de l'espace ont dans leur propre intérêt d'éviter les collisions catastrophiques et le recours aux missiles antisatellites. Les États-Unis, la Chine, les pays européens, le Canada et même la Russie ont tout intérêt à éviter de produire plus de débris.
    Ma grande préoccupation pour l'avenir, c'est que des pays qui ne dépendent pas beaucoup de l'espace sont en train de développer la capacité de produire beaucoup de débris spatiaux. Je pense à l'Iran et à la Corée du Nord. Si la Corée du Nord acquiert la capacité de lancer un demi-million de boules d'acier dans l'orbite terrestre basse afin de créer un anneau de débris, nous aurons un sérieux problème.
    Tout cela fait partie du contrôle des armements et de la tentative de maîtriser les États voyous comme l'Iran et la Corée du Nord. On le faisait déjà avec les armes nucléaires; maintenant, on le fait aussi dans l'espace.
(0840)
    Excusez-moi, monsieur Byers. Je pense qu'il me reste moins d'une minute.
    J'ai lu certains de vos textes. Selon vous, un débris rentrant dans l'atmosphère fera probablement une victime sur terre au cours des 10 prochaines années; ce n'est qu'une question de temps. J'ai aussi lu dans un article qu'un fragment d'équipement de SpaceX était tombé dans un champ sur une ferme en Saskatchewan. Heureusement, personne n'a été blessé. Je pense qu'un débris spatial a transpercé le toit d'une maison et a fini dans le salon d'une famille de la Floride.
    À l'heure actuelle, aucune mesure ne protège la population mondiale contre les morceaux d'infrastructure qui retombent sur la planète. D'après vous, par quels moyens une politique relative à l'espace devrait-elle s'attaquer à ce problème?
    Il y a un an, l'Institut de l'espace extra-atmosphérique s'est associé à l'Organisation de l'aviation civile internationale pour examiner le risque que présentent les débris spatiaux rentrant dans l'atmosphère pour les avions commerciaux. Un débris d'à peine 300 grammes pourrait causer des dommages dévastateurs à un Boeing 777 ou à un Airbus A350. Ainsi, une collision avec un débris spatial rentrant dans l'atmosphère terrestre pourrait entraîner la mort de 300 personnes. Les probabilités sont extrêmement faibles, mais les conséquences seraient désastreuses.
    L'un des moyens de réduire le risque, c'est en empêchant les fournisseurs de services de lancement d'abandonner en orbite les étages des fusées après le lancement. Il faut demander ou plutôt exiger qu'ils procèdent à ce qu'on appelle une rentrée contrôlée et qu'ils envoient le corps de la fusée dans l'océan Pacifique Sud, où il n'y a de risque pour personne. Nous prônons la mise en place d'un régime de rentrée contrôlée. Je sais que dorénavant, la Force spatiale des États-Unis accordera uniquement des contrats de lancement aux entreprises capables de garantir que les étages des fusées rentreront dans l'atmosphère de manière contrôlée et qu'elles finiront dans l'océan.
(0845)
    Je suis désolé de vous interrompre une fois de plus, mais malheureusement, c'est une série de questions de 6 minutes, et non de 10 minutes.
    La prochaine intervenante est Mme Normandin. Je vous rappelle que pour entendre l'interprétation, vous devez sélectionner la bonne option à l'écran.
    Madame Normandin, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup.
     Je remercie les deux témoins de leur présence.
    Je vais alterner entre vous deux afin de vous laisser faire des pauses.
    Madame Steer, je m'adresserai d'abord à vous.
    Vous avez parlé de l'importance d'avoir une certaine hygiène technologique pour ce qui est de l'utilisation de l'espace. Nous avions discuté de la cybernétique et du fait que l'humain pouvait devenir un vecteur permettant d'entrer dans un système informatique, ce qui confirmait l'importance de cette hygiène technologique.
    Dans le domaine de l'espace, à quel point le citoyen lambda doit-il aussi être conscientisé? Est-ce au même niveau que la cybernétique? Par exemple, de quelle façon, comme citoyenne, puis-je devenir un risque, le vecteur, dans le domaine spatial, d'une attaque ou de quelque chose du genre?

[Traduction]

    Merci beaucoup pour la question.
    Il y a plusieurs éléments.
    D'abord, c'est très important de comprendre qu'en réalité, la plus grande menace pour les systèmes spatiaux, ce sont les cyberattaques. En effet, seulement quatre pays ont démontré qu'ils avaient la capacité de lancer le type d'armes antisatellites à ascension directe dont M. Byers a parlé. Par ailleurs, il est très peu probable que les États aient recours à une attaque de ce genre précisément en raison des débris qu'elle produirait et des risques qu'elle poserait pour leurs propres appareils. En revanche, des cyberattaques et d'autres formes d'interférences, comme le brouillage et la transmission de faux signaux, se produisent déjà tous les jours.
    Pour ce qui est du risque qu'un citoyen devienne le vecteur d'une attaque, ce risque est très faible. Il est peu probable qu'un individu cause une interférence par accident. Cependant, il y a un risque réel qu'une cyberattaque entraîne la perte de services. Je reviens à l'exemple de la cyberattaque menée délibérément par la Russie contre le satellite américain Viasat en 2022. Cette attaque a eu l'effet escompté: elle a interféré avec les communications, non seulement pour les forces ukrainiennes, mais aussi pour l'ensemble de la population ukrainienne, ainsi que pour beaucoup de citoyens dans les pays voisins.
    À mon avis, il faut conscientiser davantage la population à ces enjeux. Je suis une ardente défenseure de la littératie spatiale. Je donne souvent des cours de formation des cadres pour le gouvernement australien, et aussi pour le gouvernement canadien, en collaboration avec SSCL. Vous pouvez tous suivre le cours sur les principes de base relatifs à l'espace pour mieux comprendre les risques.
    À titre individuel, il y a probablement peu de choses que nous pouvons faire pour améliorer la protection ou la cyberhygiène, mais il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour approfondir la compréhension des risques et des fins auxquelles les systèmes spatiaux sont utilisés.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Byers. Je reviens à la question de ma collègue Mme Gallant au sujet de l'utilisation de l'article 5. On a aussi posé cette question en ce qui concerne la cybernétique, et c'était souvent l'attribution qui était problématique. Cela semble être moins le cas des satellites.
    Par contre, j'aimerais que vous nous parliez des dégâts pouvant être causés par une attaque contre un satellite. En effet, on sait que, dans le cas de la cybernétique, les attaques contre les infrastructures essentielles peuvent être vraiment très lourdes et mortelles, comme dans le cas d'une station de purification d'eau, par exemple.
    Quel est le risque d'attaque contre des infrastructures par l'entremise de satellites? Les dégâts peuvent-ils être de même importance que ceux causés par la cybernétique?
    Je vous remercie beaucoup de votre question.

[Traduction]

    Elle touche aussi plusieurs éléments.
    La première chose qu'il faut comprendre, c'est que la décision d'invoquer l'article 5 appartient aux États membres de l'OTAN. Disons qu'une attaque est lancée contre un satellite commercial canadien comme RADARSAT‑2. L'une des premières choses que le gouvernement canadien doit faire, c'est décider s'il considère la menace comme une attaque armée entraînant la mise en œuvre de l'obligation de l'OTAN.
    D'après moi, dans le cas d'une attaque contre un seul satellite, on n'invoquerait pas l'article 5. Il s'agirait d'une attaque contre une infrastructure canadienne importante, mais ce ne serait pas une attaque en territoire canadien. On serait conscient que l'utilisation de l'article 5 signifierait qu'on serait en conflit direct avec un État doté d'armes nucléaires, une situation hautement indésirable. La décision revient à l'État touché. C'est la première partie de la réponse.
    Cela dit, les conséquences pourraient être très sérieuses. RADARSAT‑2 est la principale source de revenus de la plus importante société spatiale au Canada. Je ne sais pas si elle survivrait à la perte d'un appareil qui génère autant de revenus. Ensuite, il faut penser à tous les utilisateurs de RADARSAT‑2, comme les sociétés pétrolières qui se servent des images pour surveiller les pipelines et pour détecter les dépressions du sol et les problèmes d'érosion autour de leur équipement et de leurs opérations dans les régions éloignées, ou comme les brise-glace de la Garde côtière canadienne qui naviguent dans le passage du Nord-Ouest en essayant d'éviter la glace de plusieurs années. La liste est très longue.
    Oui, ce serait très sérieux, aussi sérieux que s'il s'agissait d'une infrastructure essentielle terrestre située au Canada.
(0850)

[Français]

     D'accord.
    J'aimerais que vous précisiez, par exemple, ce qu'il en serait des vies humaines. Ma question portait plutôt là-dessus. Je comprends l'aspect économique de l'attaque d'un satellite, mais quel est le danger potentiel pour les vies humaines?

[Traduction]

     Une attaque contre RADARSAT‑2 aurait comme conséquence de nuire à notre capacité à mener des activités comme la surveillance de la glace marine, qui est essentielle au ravitaillement des collectivités dans l'Arctique. Ce sont des répercussions directes. Les plus graves toutefois seraient issues de problèmes touchant les satellites commerciaux.
    La constellation satellitaire Starlink de SpaceX fournit à présent des services essentiels dans le Nord canadien. La dépendance envers le système satellitaire s'est accrue, comme en témoignent les terminaux de la taille d'une boîte de pizza qui se trouvent à l'extérieur des immeubles au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Les abonnés institutionnels ont un système d'appoint. Ils auront un abonnement à un service de satellite géosynchrone, mais SpaceX gagne progressivement du terrain.
    Plusieurs complications entrent en jeu.
    Je suis obligé encore une fois...
    Une des complications est la vulnérabilité du système.
    ... de vous interrompre. Toutes mes excuses encore une fois.
    Cette dépendance envers Elon Musk n'a rien pour me rassurer.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être venus comparaître aujourd'hui.
    Madame Steer, vous avez à votre actif de nombreuses publications sur la nécessité d'établir des accords internationaux contraignants pour empêcher la militarisation de l'espace, plus particulièrement la conduite d'essais de systèmes de missile antisatellite à ascension directe.
    D'autres pays tels que la Russie, les États-Unis et l'Inde ont mené des essais de ces systèmes. Pourriez-vous expliquer pourquoi il est important d'empêcher la conduite d'essais?
    La question s'adressait-elle à moi ou à Mme Steer?
    Je suis désolée. La question s'adresse à Mme Steer.
     Comme je l'ai dit, le Canada a été le premier pays à s'engager, à la suite des États‑Unis, à ne pas faire d'essais d'armes antisatellite à ascension directe, ou DA‑ASAT. Aujourd'hui, 37 pays ont pris cet engagement contraignant unilatéralement. Conformément au droit international, les déclarations unilatérales faites par un État sont systématiquement contraignantes.
    En outre, à l'Assemblée générale des Nations unies, plus de 130 pays ont voté en faveur d'un moratoire sur les essais DA‑ASAT. Ce vote est l'expression d'une volonté politique qui n'a pas force exécutoire. Quant à la question de savoir si un traité contraignant doit être adopté sur la question, c'est justement sur ce sujet que portaient les discussions au siège des Nations unies à New York cette semaine. Un nouveau groupe de travail à composition non limitée sera chargé, d'une part, de déterminer le type d'accord non contraignant qui pourrait être préparé sur les essais — autrement dit, des normes de comportement —, et d'autre part, d'examiner la possibilité d'adopter un traité qui les interdirait.
    Je suis plutôt du côté de ceux qui ne croient pas qu'un traité nous permettrait d'obtenir les résultats escomptés. Comme M. Byers l'a mentionné, le problème est la quantité de débris qui se retrouvent dans l'espace. Quatre pays se sont livrés à des essais qui ont engendré chacun une quantité énorme et incontrôlable de débris. Les débris propulsés par les essais chinois en 2007 gravitent encore en orbite. Des milliers de fragments sont produits, dont certains se déplacent à une vitesse de sept kilomètres par seconde en orbite basse. Comme le disait M. Byers, une particule aussi petite qu'un éclat de peinture peut entraîner la destruction d'un satellite. Ces objets sont impossibles à contrôler.
    Une des raisons pour lesquelles je ne crois pas en la nécessité d'un traité, c'est l'interdiction qui existe déjà au titre du droit international sur les conflits armés d'utiliser des armes d'emploi aveugle lors de conflits armés sur Terre. Notons aussi l'impossibilité de déterminer les impacts d'une telle quantité de débris sur l'ensemble des satellites utilisés un peu partout dans le monde. Les essais correspondent par conséquent à la définition de frappe aveugle. L'impossibilité de viser uniquement un objectif militaire entraîne des répercussions sur les civils et les infrastructures civiles.
    Cela nous ramène aussi aux questions précédentes liées aux impacts des cyberattaques sur les humains et au seuil à atteindre pour invoquer l'article 5 du Traité de l'OTAN. Tout dépend des effets des attaques. Les DA‑ASAT produisent des débris impossibles à contenir et dont les effets sont impossibles à prédire. Toutefois, nous savons que tôt ou tard, les débris vont frapper quelque chose.
    Quant aux cyberattaques et aux interférences non cinétiques, il faut se demander quels seraient leurs impacts physiques sur le système satellitaire. Auraient-elles pour effet de couper les communications? Affecteraient-elles les opérations de recherche et de sauvetage? Les systèmes satellitaires qui contribuent à contrôler les réseaux d'aqueduc municipaux seraient-ils touchés? La sécurité alimentaire serait-elle mise en péril vu la dépendance du monde envers les systèmes satellitaires? Tout dépend des effets physiques dans le monde réel.
    Conformément à ce que prévoient les lois sur les conflits armés pour le cyberespace et à ce que nous pensons qu'elles prévoient pour l'espace, aussitôt que quelque chose a des effets dans le monde physique, nous pouvons le considérer comme une attaque armée. Cela dit, c'est une décision à prendre au cas par cas.
(0855)
     Dans le cadre des discussions qui se poursuivent, le Canada parvient‑il à convaincre les autres pays du bien-fondé d'une désescalade? Ma question s'adresse aux deux témoins. Le Canada fait‑il tout en son pouvoir au moyen des mécanismes en place pour soutenir la désescalade?
    Le Canada accomplit un travail exceptionnel sur ce front. Je l'ai souligné dans la partie de ma déclaration liminaire qui portait sur le rôle important des puissances moyennes.
    Le Canada a la réputation d'être un diplomate de l'espace très efficace. Il a grandement contribué au premier groupe de travail à composition non limitée pendant les deux années du mandat du groupe. Il a aussi fait partie d'un groupe d'experts gouvernementaux issus de 22 nations qui a présenté un rapport consensuel un peu plus tôt cette année, ce qui n'est pas un mince exploit. Pour des raisons politiques, le groupe de travail à composition non limitée n'a pas pu présenter de rapport consensuel — ni même de rapport qui n'aurait précisé que les dates auxquelles se sont tenues les réunions et les membres qui y étaient présents. À vrai dire, la Russie a refusé d'avaliser tout consensus pour produire un rapport.
    Quant à lui, le petit groupe d'experts gouvernementaux est parvenu à produire un rapport consensuel. Le Canada fait partie des pays qui ont travaillé très fort pour y arriver. Je vous encourage vivement à lire ce rapport relativement court qui explique pourquoi établir ou non les traités contraignants et pourquoi continuer ou non à travailler sur des normes non contraignantes de comportement pour soutenir la désescalade.
    Le Canada fait un travail remarquable. Récemment, une proposition a été présentée pour mettre sur pied deux groupes de travail à composition non limitée, dont un se pencherait sur les traités, et l'autre, sur les normes non contraignantes. Si elle se concrétise, la proposition ne va que diluer le processus et empêcher les petits pays de participer, car leurs délégations peu nombreuses ne leur permettront pas de prendre part à deux processus parallèles. Par conséquent, le Canada travaille d'arrache-pied avec bon nombre d'autres pays. Un vote se tiendra la semaine prochaine à New York sur la possibilité de fusionner les deux groupes de travail.
     Un autre domaine où le Canada excelle est la diplomatie de corridor et les discussions derrière des portes closes auprès des petits pays. Les délégués canadiens veulent s'assurer que tout le monde comprend bien les enjeux. Ils mettent en œuvre des stratégies pour promouvoir le vote en faveur de la fusion des deux groupes de travail. Enfin, ils tâchent d'instaurer de concert avec d'autres nations, mais hors du cadre des discussions multilatérales onusiennes, une meilleure compréhension de l'espace...
     Malheureusement, nous devons nous arrêter ici.
     Monsieur Allison, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais parler un peu de l'intelligence artificielle. Je devine que ce n'est pas nécessairement votre domaine d'expertise, mais je souhaiterais vraiment avoir votre point de vue.
    Madame Steer, que pensez-vous des développements de l'intelligence artificielle dans le secteur de la défense spatiale?
     Bien honnêtement, l'intelligence artificielle est quelque chose auquel on n'accorde pas suffisamment d'attention.
    Divers aspects des systèmes satellitaires, notamment le traitement des données, dépendent de plus en plus de l'IA. Les satellites d'observation de la Terre recueillent d'immenses quantités d'informations dont une partie est traitée par l'IA. Lorsque ces données servent ensuite à orienter les décisions militaires, il faut que les modèles décisionnels et les modèles automatisés employés suscitent suffisamment de confiance.
    La gestion du trafic dans l'espace est en bonne partie dépendante de l'IA. Je le répète, c'est plus de 10 000 satellites opérationnels et au bas mot 130 millions de débris, dont certains, comme le soulignait M. Byers, sont trop minuscules pour être suivis. L'IA est un outil de gestion du trafic dans l'espace de plus en plus utilisé pour faire dévier les satellites des trajectoires de collision et essayer de localiser les risques de collision.
    Cette technologie est indispensable en raison de la vitesse physique des objets dans l'espace, de la quantité de données que nous utilisons et de notre dépendance envers les satellites. Il faut toutefois en arriver à une meilleure compréhension des risques inhérents à l'IA, surtout si cette technologie oriente les décisions militaires concernant le choix de cibles, la navigation des troupes au sol, en mer et dans les airs, les communications de même que la compréhension des mouvements de l'adversaire. L'IA est de plus en plus présente dans la chaîne décisionnelle. Lorsque l'IA est imbriquée dans les systèmes satellitaires, les spécialistes des systèmes d'IA et les spécialistes de l'espace n'ont pas assez d'occasions ou de mécanismes à leur disposition pour réunir ces deux univers. Les risques sont élevés à mon avis.
(0900)
    Merci.
    Je vais poursuivre sur ma lancée.
    Puisque la présence de l'IA continue de croître dans divers aspects de notre vie, dans le milieu militaire et dans l'espace, parlons un peu de la cybersécurité. Pensez-vous que le Canada est bien préparé à relever les défis posés par le monde complexe de l'IA?
    Cette question pourrait être posée à tous les pays.
    Je suis ambivalente sur ce point pour les raisons que je viens d'énumérer. Toutefois, je vois des forces qui pourraient être utilisées à bon escient pour défendre et protéger les systèmes satellitaires commerciaux ou souverains. Une des difficultés est la concurrence pour les talents dans le domaine. Les individus qui possèdent les connaissances techniques vont probablement choisir des emplois dans le secteur privé, qui offrent de meilleurs salaires. C'est difficile d'attirer ces candidats au gouvernement dans la filière civile ou militaire.
    Ce qui me fait peur, c'est que personne n'est vraiment préparé. Il faut absolument connecter les deux univers. Les experts de la cybersécurité, de l'IA et des technologies spatiales doivent travailler dans la même pièce que les spécialistes de la gouvernance de ces différents domaines.
     Merci.
     Comment le gouvernement peut‑il créer des avantages concurrentiels pour le Canada concernant les technologies de l'IA? Comment le gouvernement peut‑il faire mieux pour tirer profit de ces technologies?
     Malheureusement, cela nous ramène à l'approvisionnement. Je sais que le sujet est revenu souvent au Comité.
     Les petites entreprises dans le domaine de l'espace, de l'IA et de la cybersécurité... Le gouvernement se débrouille sans doute mieux dans le domaine de la cybersécurité, mais dans le domaine spatial et dans l'IA, il attend souvent que les entreprises démontrent leur niveau de maturité technologique auprès d'autres clients. C'est mission quasi impossible.
    Les entreprises qui offrent ce type de capacités vont tout simplement offrir leurs services à d'autres clients si le gouvernement s'est approvisionné ailleurs. Les choses doivent aller dans les deux sens. Le gouvernement devra à un moment donné se résoudre à être le premier client même si sa tolérance au risque est faible. Étant donné la vitesse à laquelle les technologies évoluent, le gouvernement devra à un certain point être prêt à plonger.
    Les États‑Unis sont un bon exemple. Ils investissent constamment dans leurs technologies. Je ne pense pas que ce pays est un modèle à rejeter.
    J'aurais une dernière question.
    Nous commençons à songer à investir dans l'IA ou dans les infrastructures d'IA. Auriez-vous des investissements en particulier à recommander comme point de départ dans le domaine des technologies, de l'intelligence artificielle et des infrastructures? Certains investissements seraient-ils plus importants que d'autres à moyen terme?
    Par quoi nous conseillez-vous de commencer?
    Je dois avouer que je ne possède pas l'expertise nécessaire pour recommander un domaine de l'IA en particulier.
     Je pourrais peut-être parler par contre des mécanismes qui pourraient guider les investissements. Selon moi, le gouvernement n'a pas à acquérir une expertise dans les technologies de l'IA. Il doit plutôt se doter de mécanismes qui lui permettront de mettre les systèmes à l'épreuve.
    Aux États-Unis, encore une fois, le Center for Arctic Security and Resilience permet à des fournisseurs de technologies spatiales commerciales d'entrer dans l'appareil de la défense, où leurs capacités sont mises à l'essai et adaptées avant que des décisions ne soient prises par rapport à l'approvisionnement. Ces mécanismes aident, d'un côté, les fournisseurs commerciaux à comprendre les besoins du secteur militaire et de la défense, et de l'autre, les acheteurs de la défense à comprendre l'état d'avancement des technologies de même que les limites et les possibilités. Les deux parties peuvent ainsi en arriver à une solution.
    Je pense que des mécanismes comme ceux‑là vont aider à résoudre...
    Merci, monsieur Allison.
    Madame Lambropoulos, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus répondre à nos questions sur ce sujet vraiment important. Je vais commencer avec M. Byers.
    Vous avez dit que les satellites nous rapprochaient de la ligne de front dans le contexte d'une guerre. Vous avez parlé d'un satellite que le Canada utilise à l'heure actuelle dans le cadre de ses efforts pour aider l'Ukraine. Admettons que la Russie interférait avec ces efforts, les opérations en question seraient-elles considérées comme des actes de guerre, et le cas échéant, comme une attaque contre l'OTAN?
    Qu'en pensez-vous?
(0905)
     Merci.
    Cette question nous ramène à l'article 5, dont nous avons discuté il y a 20 minutes. Ces opérations seraient qualifiées de [difficultés techniques]...
    Je suis désolée, mais nous vous avons perdu pendant quelques secondes.
    Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
    Cela soulève la question de l'article 5, qui laisse chaque pays exercer son propre jugement. Le Canada pourrait considérer une telle action comme un acte de guerre — une attaque armée — ou choisir de ne pas le faire. Il y aurait un problème d'attribution pour certains types d'attaques, mais pas pour d'autres. Un missile terrestre lancé depuis la Russie serait assez facilement attribuable.
    Ici encore, nous devons soigneusement réfléchir à l'avance. Nous autorisons des entreprises de communication par satellite à fournir du soutien dans un conflit armé à l'étranger, que nous soyons ou non prêts à prendre ces décisions difficiles plus tard. Voulons-nous être en conflit direct avec un État doté d'armes nucléaires parce que nous avons autorisé une entreprise canadienne de communication par satellite à fournir un soutien aux opérations de première ligne dans un conflit armé à l'étranger?
    Voilà la question. C'est une question de politique. Nous devons prendre les devants et décider quels sont nos critères pour autoriser des entreprises canadiennes à soutenir des armées étrangères.
    Je comprends. Merci beaucoup.
    Madame Steer, je suppose que vous pourriez nous donner votre son de cloche. Je veux une précision, et je me demande si vous pouvez m'aider à comprendre un peu mieux.
    Vous avez dit qu'en général, si un satellite fait l'objet d'une attaque, il peut y avoir des répercussions sur d'autres. C'est ce que j'ai compris. Un pays peut‑il attaquer un seul satellite sans craindre que cela ait une incidence sur les siens également?
    Cela dépend vraiment du vecteur d'attaque, et c'est pourquoi il importe de comprendre que les systèmes spatiaux sont composés de quatre segments.
    S'il s'agit d'une attaque physique cinétique contre un satellite, on se préoccupe de ce que les débris feront aux autres satellites dans l'espace. En fait, comme je l'ai mentionné, les menaces les plus importantes sont terrestres et ciblent des liens, comme le blocage d'une connexion avec un satellite de communication; la mystification et l'envoi d'un faux lien de navigation pour qu'on ne sache pas où on se trouve ni où sont ses adversaires ou sa cible; l'aveuglement d'un satellite d'observation de la Terre pour qu'il ne puisse pas collecter l'information qu'il tente de recueillir; et les cyberattaques. Ces attaques non physiques et non cinétiques sont beaucoup plus répandues, beaucoup plus utiles, en fait, et beaucoup plus difficiles à attribuer, sont donc également beaucoup plus efficaces en période de tension et de guerre.
    En ce sens, on s'attaque souvent à une autre partie du système qu'un simple satellite. Si les gens ne cessent de parler d'architecture répartie et de ce que Spacelink a fait, c'est parce que quand il y a plusieurs satellites, cela n'a plus d'importance si un seul satellite ou un seul lien est ciblé, car les autres satellites peuvent prendre le relais et assurer le service. Plus l'architecture est complexe, plus il est difficile de l'attaquer. C'est un mode défensif.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    Merci. Vous avez fourni quantité de bons renseignements. Je vous en remercie.
    J'aimerais vous poser une autre question, madame Steer. Vous avez parlé du fait que les femmes sont touchées de façon disproportionnée par les conflits armés et que nous devrions en tenir compte quand nous réfléchissons à l'espace pour voir ce que nous pouvons faire à cet égard.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont cela nous aide à comprendre l'espace un peu différemment? Pouvez-vous nous dire quelles recommandations vous feriez au Canada pour avancer dans ce dossier?
    En raison de la nature à double usage de tous ces systèmes, étant donné que les civils sont touchés lorsqu'un système à double usage est ciblé, nous devons réfléchir aux répercussions sur les civils.
    Dans de nombreuses situations de conflit, les femmes et les filles se voient déjà, par exemple, refuser l'accès à l'école, de sorte qu'Internet pourrait être leur seul moyen d'accéder à l'éducation. Elles peuvent perdre la communication absolue entre elles au sein des unités familiales pendant la situation de conflit. Elles pourraient perdre l'accès pour se rendre à des sources d'eau, par exemple. Dans les cas où des femmes et des filles sont physiquement ciblées par la violence fondée sur le sexe et la violence sexuelle, les satellites d'observation de la Terre peuvent contribuer à recueillir en temps opportun des éléments de preuve et des renseignements en temps réel qui aideraient ensuite les troupes canadiennes à intervenir.
    Il faut penser à la fois à la façon dont les femmes et les filles pâtissent de ces situations et à la façon dont nous pouvons utiliser les systèmes spatiaux pour nous assurer que le Canada respecte ses obligations en vertu de son plan d'action national pour les femmes, la paix et la sécurité. Le Canada est le premier pays à avoir explicitement inclus l'espace dans son plan d'action national, ce que je trouve remarquable.
    Je pense...
(0910)
    Malheureusement, encore une fois, je vais devoir interrompre la réponse.
    Madame Normandin, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Comme Mme Lambropoulos vient de voler ma question, je vais passer à la suivante.
    Je m'adresse à vous, monsieur Byers.
    Vous avez parlé de l'importance de la redondance; vous avez également parlé du fait qu'on ne doit pas se débarrasser de nos structures terrestres qui peuvent servir de remplacement aux structures de satellites.
     J'aimerais vous entendre sur deux aspects. Vous avez dit qu'on devait maintenir ces structures. Est-ce qu'on devrait aussi investir dans plus de structures terrestres, d'une part? D'autre part, j'imagine que ces structures terrestres sont déjà utilisées à d'autres fins.
    A-t-on un système d'utilisation prioritaire pour les urgences ou les utilisations nationales, advenant un problème du côté des satellites? Comment cela fonctionnerait-il si on devait tout à coup les utiliser comme remplacement?

[Traduction]

    C'est une excellente question. Je pourrais donner des dizaines d'exemples de redondances existantes et de la façon dont nous pourrions en ajouter dans notre système. Permettez-moi de vous donner un exemple simple.
    En ce qui concerne l'utilisation du GPS, comme je l'ai mentionné, le Canada et les États-Unis sont en train d'éliminer un grand nombre de systèmes de navigation aérienne terrestres, car le GPS est tout aussi bon et moins cher. Les pilotes sont habitués à utiliser le GPS pour toutes sortes d'opérations. Le problème, c'est que si le GPS est hors ligne, s'il est faussé à cause d'une tempête solaire ou s'il y a un blocage et que la visibilité est faible à l'aéroport Pearson de Toronto, les pilotes dépendent alors entièrement des systèmes terrestres pour effectuer leurs approches. Si on éliminait le système terrestre, les pilotes seraient pour ainsi dire aveugles en cas de faible visibilité.
    Personne ne propose de retirer le système terrestre de l'aéroport Pearson de Toronto, mais cela se fait dans beaucoup de petits aéroports au Canada et aux États-Unis. Au cours d'une journée normale, 364 jours par année, tout fonctionne parfaitement bien, mais le jour où le GPS ne fonctionne pas correctement, peut-être en raison d'une tempête solaire, les pilotes se trouvent alors dans une situation plus difficile. Nous voulons assurer un maximum de sécurité en ce qui concerne les fonctions essentielles comme le transport. On garde les systèmes terrestres. On assure la redondance.
    C'est la même chose pour les câbles à fibres optiques. Ce n'est pas parce qu'on se fie aux satellites et qu'ils sont absolument fantastiques qu'il faut abandonner les projets de construction d'un câble de fibre optique jusqu'à Iqaluit. Il faudrait avoir des systèmes redondants dans la mesure du possible.
    L'espace, c'est bien beau, mais si on dépend trop d'un domaine et qu'on le perd pour une raison quelconque, on est vraiment dans le pétrin. Lorsqu'on élabore des politiques judicieuses, on pense toujours à prévoir des solutions de secours. C'est tout ce que je demande.
    Merci beaucoup.
    Madame Mathyssen, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je suis désolée. Juste pour que tout soit clair, nous ferons aussi un troisième tour, n'est‑ce pas?
    Probablement...
    Vous l'espérez...?
    ... si nous sommes un peu serrés.
    D'accord.
    Monsieur Byers, pour donner suite à ce qui vient d'être dit, les gens risquent de perdre les compétences qui leur permettent de lire ce que vous appelleriez, je suppose, les vieux systèmes ou les systèmes de secours au profit du GPS. Les compétences humaines permettant de comprendre ou de lire ces systèmes se perdent-elles également?
(0915)
     Oui, c'est probablement le cas. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue en septembre 2019 avec un haut gradé de la marine américaine qui faisait rapport sur un exercice naval de l'OTAN effectué au large des côtes de la Norvège. Les Russes avaient bloqué les GPS tout au long de l'exercice de l'OTAN. Cet officier supérieur américain s'en réjouissait, car son personnel en poste sur les navires de la marine américaine avait dû sortir les sextants et naviguer à l'ancienne. Les Russes avaient en fait amélioré l'exercice en causant ce problème et en brouillant le GPS pour le rendre peu fiable.
     Oui, nous devons conserver les anciennes façons de faire. Par exemple, il faut savoir comment piloter un pétrolier partant de Vancouver pour se rendre dans l'océan Pacifique sans GPS. Nous devons nous assurer que les pilotes de nos navires savent comment utiliser les systèmes de phares terrestres pour piloter leurs navires et ne dépendent pas trop des écrans informatiques et des systèmes de positionnement global.
     C'est une question d'ordre général. À mesure que les technologies numériques évoluent, nous devons veiller à ne pas perdre les anciennes façons de faire. Si on perdait Internet ou les satellites, on ne voudrait pas revenir à l'âge de pierre. On voudrait revenir aux années 1990.
    J'ignore combien de temps il me reste, mais je dirai simplement qu'il reviendrait au gouvernement fédéral de continuer à investir dans les phares, je suppose, ce qu'il ne fait pas.
    Monsieur Stewart, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Monsieur Byers, vous avez parlé des déchets et des débris spatiaux. Je pense qu'on en parle depuis longtemps. Je me demande ce que font les opérateurs d'engins spatiaux pour se protéger contre les débris spatiaux. Je n'entends pas beaucoup parler de collisions ou de dommages, mais peut-être que je ne lis pas les bonnes publications.
    Ils font plusieurs choses. Tout d'abord, ils décident souvent de placer leurs satellites à des altitudes où il y a moins de congestion, moins de débris. C'est une stratégie dans le cadre de laquelle ils positionnent leurs satellites et leur système de satellites.
    Certains opérateurs dotent leurs satellites de boucliers et de redondances. Au lieu d'avoir un seul fil électrique entre deux composantes, il y en a deux, de sorte que si un petit fragment de peinture de débris spatial devait en couper un, il en resterait un autre qui permettrait au satellite de rester opérationnel. Plus il y a de boucliers et de redondances, plus le coût du satellite est élevé.
    L'un des gros problèmes aujourd'hui, c'est que certains opérateurs, dirigés par SpaceX, ont adopté l'approche consumériste [difficultés techniques] des milliers de satellites produits en masse à faible coût sans redondance. Or, leur durée de vie opérationnelle n'est que de quatre ou cinq ans. Tout comme pour votre téléphone cellulaire, les opérateurs se débarrassent de leurs satellites au bout de quatre ou cinq ans et les envoient sur une trajectoire de retour.
    Existe‑t‑il un point, une sorte de point prévisionnel, auquel nous atteindrons la saturation maximale de satellites artificiels dans l'espace?
    Il y a ce qu'on appelle le syndrome de Kessler, qui repose sur l'assomption voulant qu'une fois qu'on a atteint un certain taux de collisions et de création de débris, il s'enclenche une sorte de spirale de la mort, une cascade continue de débris, qui finit par détruire l'orbite où cela se produit. Il est effectivement possible que nous en soyons déjà aux premiers stades du syndrome de Kessler et que, à certaines altitudes, nous ayons dépassé la capacité d'accueil de débris orbitaux et nous finirons par perdre l'accès.
    Cependant, nous devons lutter contre ce phénomène en insistant pour que les satellites soient capables de résister aux petites collisions avec des débris grâce à des redondances et à des boucliers. Ils doivent être construits pour durer et résister aux conditions de l'espace.
    Parlons un instant de l'Iran. Vous avez indiqué précédemment que les pays qui ne dépendent pas de l'espace seraient ceux qui seraient les plus incités à s'en prendre à nos engins spatiaux. Je pense que vous avez précisément mentionné l'Iran. Avez-vous entendu de la part des services du renseignement que l'Iran est en train de préparer une mission pour lancer des débris spatiaux afin de créer un anneau de débris qui perturbera nos communications spatiales?
(0920)
    Non, je n'ai rien entendu de tel. N'ayant pas accès aux renseignements classifiés, je ne puis faire de commentaires à ce sujet.
    Je veux profiter de l'occasion pour dire que je ne crains pas que la Chine se livre à une telle attaque, car elle a exactement le même intérêt que les pays occidentaux à maintenir l'espace sûr pour ses satellites. Nous avons là une occasion en or de faire jouer la diplomatie avec la Chine. Bien sûr, nous pouvons marcher et mâcher de la gomme en même temps face à une grande puissance comme la Chine. Nous pouvons nous montrer fermes et renforcer nos défenses tout en collaborant avec la Chine dans des dossiers discrets où il y a un intérêt commun, et il y en a un ici.
    Je me demande si je pourrais intervenir brièvement pour dire que je ne crois pas qu'il y ait un seul pays au monde qui ne dépende pas des capacités spatiales. Les degrés de dépendance varient, mais je pense que cela réduit en fait la probabilité d'attaques cinétiques parce que les pays compromettraient leur propre dépendance.
    Monsieur Byers, tout à l'heure, vous avez parlé de RADARSAT de MDA et de son importance pour nous et pour d'autres pays. Comment notre industrie aérospatiale, en général, se compare‑t‑elle à d'autres sur la scène mondiale au chapitre de la taille et de l'avancement?
    Le Canada a été le troisième pays dans l'espace, y lançant son premier satellite en 1962. Certaines de nos entreprises pionnières ont grandi et évolué, et sont maintenant des acteurs mondiaux. Télésat, un chef de file mondial dans le domaine des communications qui est en train de construire une constellation de communications très solide en orbite terrestre basse, suit le genre de recommandations...
    Si nous représentons 4 % de l'économie mondiale, représentons-nous plus de 4 % de l'industrie spatiale?
    Je ne connais pas le chiffre exact, mais je sais que nous comptons quelques acteurs importants.
    Oui, nous pouvons construire plus d'engins spatiaux. C'est un milieu concurrentiel et ces systèmes sont essentiels pour toute économie du XXIe siècle.
    Je tiens à souligner que nous avons plusieurs chefs de file mondiaux et des entreprises qui sont en train de devenir des chefs de file mondiaux, comme Canadensys, qui construit actuellement un véhicule lunaire pour l'Agence spatiale canadienne. Avec Télésat, MDA Space et Canadensys, nous avons des acteurs importants.
    Devrions-nous en avoir plus? Bien sûr que oui. Les États-Unis sont-ils en avance sur nous? Absolument...
    Nous allons devoir en rester là.
    Monsieur Powlowski, vous avez les cinq dernières minutes.
    Monsieur Byers, vous avez parlé des entreprises canadiennes de communication par satellite qui permettent à l'armée ukrainienne d'utiliser leurs satellites, évoquant la possibilité qu'ils deviennent des cibles légitimes et entraînent le Canada dans un conflit international. Cela soulève une question stratégique: devrions-nous autoriser cette utilisation?
    Dans quelle mesure les satellites sont-ils une exception? Le Canada produit également des véhicules blindés légers qu'il vend ou donne à l'Ukraine. Nous produisons des systèmes optiques pour aider les drones ukrainiens. Ils pourraient, en théorie, être des cibles légitimes, mais je suppose qu'ils sont construits en sol canadien. Si les Russes attaquaient le territoire canadien, ce serait différent. Nous devons toutefois envoyer ces systèmes en Ukraine; ils passeront donc par les eaux internationales de toute façon. N'est‑ce pas une situation comparable?
    Dans quelle mesure les satellites sont-ils une exception en droit international?
    Permettez-moi de dire d'emblée que j'appuie l'offre de services par satellite par le Canada à l'armée ukrainienne. Ce qui se passe dans le cadre de l'invasion russe est une question presque existentielle de sécurité internationale. J'appuie donc ce qui se passe.
    Je ne suis toutefois pas certain que l'on ait examiné attentivement, en mars 2022, les conséquences possibles qu'il y a à permettre à des entreprises comme MDA et Télésat de fournir un soutien de première ligne. Par soutien de première ligne, je fais référence aux communications et aux images réellement utilisées pour le ciblage. Cela crée des risques potentiels. Non seulement le satellite est potentiellement une cible légitime, mais la station terrestre l'est aussi. Et où se trouve la station terrestre? À Richmond, en Colombie-Britannique.
    Je ne crois pas que la Russie veuille aggraver le conflit en entraînant l'OTAN dans un conflit armé direct. Je pense que c'est ce qui l'empêche de cibler des satellites occidentaux comme RADARSAT‑2, mais nous ne devrions pas compter sur la Russie pour prendre la bonne décision ou faire preuve de retenue. Nous devrions examiner soigneusement toutes les répercussions possibles...
(0925)
    Je suis désolé. Puis‑je vous interrompre? Je pense que j'aborderai une question connexe.
    Pour ce qui est de la question stratégique, l'Ukraine n'agit pas à l'encontre du droit international. La Russie viole certainement les principes les plus fondamentaux du droit international en attaquant un État international souverain. Cela m'amène à la question suivante: les Ukrainiens peuvent obtenir et obtiennent de l'aide au moyen de satellites commerciaux, mais qu'en est‑il des Russes? Les Russes peuvent certainement payer des entreprises pour utiliser leurs satellites.
    Savons-nous si cela se produit? Que pouvons-nous faire pour empêcher cela en droit international public ou privé?
    C'est une forme de contrôle des exportations, et cela s'est déjà produit. Je peux vous assurer que l'on surveille cette situation de très près.
    Il y a quelques années, l'Iran a lancé une attaque de missiles sur une base américaine en Irak et s'est fié aux images fournies par une entreprise de satellites occidentale pour planifier son attaque. Heureusement, les services de renseignement des États-Unis ont été en mesure de pénétrer ces communications. Ils ont donc appris que l'attaque était imminente et ils ont pu protéger la majorité des membres de leurs forces.
    Oui, il y a des entreprises occidentales sans scrupules qui vendent des images ou des communications à n'importe qui. Les organismes de réglementation doivent maîtriser la situation, la surveiller et sévir lorsque de telles choses se produisent. Il s'agit essentiellement d'une question de contrôle des exportations.
    Ce qui me préoccupe, c'est que des entreprises canadiennes agissent comme des entrepreneurs militaires privés en fournissant un soutien à un conflit armé étranger. Il faut réfléchir très sérieusement aux conséquences de ces activités avant qu'elles n'aient lieu. C'est comme si une entreprise canadienne envoyait des mercenaires se battre sur la ligne de front en Ukraine. Voudrions-nous autoriser cela? Quelles pourraient en être les conséquences?
    Je ne suis pas certain que l'on a tenu ce genre de discussions et effectué cet examen stratégique minutieux en mars 2022. La prochaine fois que nous nous retrouverons dans cette situation, j'espère que nous aurons une stratégie qui permettra au gouvernement canadien de mener une analyse et de prendre la bonne décision.
    Madame Steer, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet? Je suis désolé que nous ne vous ayons pas donné de temps.
    Merci beaucoup.
    Vous vouliez savoir dans quelle mesure les satellites étaient une exception. Je pense qu'ils ont quelque chose de différent: les services qu'ils fournissent ne sont pas limités sur le plan géographique. Si le Canada fournit un laboratoire ou même envoie de l'équipement militaire, il va sans dire que cet équipement, dans le cadre d'un conflit, devient une cible, mais il est moins probable que le territoire canadien devienne une cible.
    Les satellites qui se trouvent dans l'espace ne relèvent pas de la compétence nationale, et les services qu'ils fournissent ne se limitent pas aux limites géographiques d'un pays ou d'une région. Ces services sont mondiaux... ou internationaux, en tout cas. Pour ce qui est du double usage, le droit régissant les conflits armés stipule qu'on ne peut cibler qu'un objet militaire. On ne peut pas cibler un objet civil. Par contre, si un objet fournit des services à des fins militaires et civiles, il s'agit probablement d'une cible légitime.
    La prochaine question qu'il faut alors se poser est la suivante: si l'on entrave ce service, quelles en seront les conséquences pour les civils? C'est la raison d'être du droit régissant les conflits armés.
    Malheureusement, je dois encore vous interrompre. Je suis désolé, mais pas vraiment.
    Chers collègues, il nous reste 15 minutes pour poser l'équivalent de 25 minutes de questions lors d'une troisième série de questions. Je suppose que nous voulons passer à une troisième série de questions. Le prochain intervenant est M. Bezan, pour trois minutes.
    Merci.
    Ma question s'adresse à Mme Steer.
    Vous avez mentionné un groupe de gens issus de 22 nations qui ont produit un rapport, et vous avez dit que nous devrions lire ce rapport. Pouvez-vous nous rappeler l'objet de ce rapport?
    Un groupe d'experts gouvernementaux s'est réuni sous la bannière de l'ONU pour discuter des progrès réalisés dans la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Le rapport a été publié en août dernier.
    Nous veillerons à ce que nos analystes le trouvent et le distribuent.
    Ensuite, vous avez dit que des membres issus de 22 nations en font partie. C'est bien cela?
    C'est exact. Il s'agit d'un groupe fermé. Le groupe de travail à composition non limitée est un groupe que tous les pays membres des Nations unies peuvent rejoindre. Le groupe d'experts gouvernementaux est un groupe fermé dont les membres ont été choisis, et le Canada en faisait partie.
    D'accord. Parmi nos adversaires, qui de la Chine, la Russie, l'Iran ou la Corée du Nord faisaient partie de ce groupe?
    La Chine et la Russie en faisaient partie, oui.
    Vous venez de l'Australie, vous êtes donc dans une position avantageuse, puisque vous êtes membre de l'AUKUS. Nous parlons d'intelligence artificielle, d'informatique quantique, d'apprentissage automatique et de cybersécurité.
    Est‑ce que le deuxième pilier du partenariat AUKUS prévoit l'apport de cette expertise par les trois pays membres aux ressources spatiales?
(0930)
    C'est ce que bon nombre d'entre nous, qui comprennent comment ces technologies sont interreliées, espèrent. Je pense que l'AUKUS a été mis sur pied dans une grande précipitation. Pour être tout à fait honnête, l'ensemble du gouvernement australien ne savait rien à ce sujet jusqu'à ce que le premier ministre en fasse l'annonce publique. Les procédures appropriées n'avaient pas été suivies. Tout le monde pensait que l'AUKUS n'avait trait qu'aux sous-marins nucléaires. Ce n'est que plus tard que nous avons commencé à essayer de comprendre ce que cette alliance représentait en matière de dépendances technologiques et d'occasions potentielles relatives aux capacités.
    Oui, cela s'inscrit dans le deuxième pilier, mais cela a nécessité beaucoup d'efforts de sensibilisation et de travail de la part de nombreux secteurs différents.
    Vous avez tous deux parlé du danger que constituent les satellites qui deviennent des déchets spatiaux, des vulnérabilités qui en découlent et de la menace qu'ils représentent pour notre survie ici sur Terre.
    Cependant, la grande préoccupation de ce comité est l'utilisation de l'IEM, ou impulsion électromagnétique, et ce qu'elle peut détruire. Il va sans dire que si on l'utilisait, les infrastructures des pays subiraient des dommages collatéraux. Or, des pays comme la Corée du Nord ou l'Iran ont des capacités spatiales limitées. L'utilisation de l'impulsion électromagnétique n'y causerait donc que peu de dommages. Ces pays doivent toutefois se dire que l'IEM pourrait causer des torts considérables aux démocraties occidentales.
    Existe‑t‑il un moyen de se défendre contre cela, et si oui, comment?
     Je ne suis pas convaincue que l'on utilisera l'IEM. Comme je l'ai dit, tous les pays dépendent des capacités spatiales. Il ne faut pas le sous-estimer. Ces pays n'ont pas leurs propres satellites dans l'espace, tout comme l'Australie, qui n'a pas non plus de satellites souverains dans l'espace. Nous avons quelques satellites commerciaux. Cependant, Internet, les télécommunications et les technologies de navigation font partie du quotidien des gens, même dans les pays en développement et même dans ces pays dont on craint les motivations politiques.
    Je pense que le risque qu'ils bombardent l'espace pour le ramener à l'âge de pierre est assez faible. Cela dit, nous ne pouvons pas prédire les décisions politiques. Il se peut qu'ils soient prêts à prendre un plus grand risque.
    Merci, monsieur Bezan.
    Madame Lapointe, vous avez trois minutes.
    Monsieur Byers, je représente la circonscription de Sudbury. Sudbury est une ville minière, donc tout ce qui touche à l'exploitation minière m'intéresse. Dans votre livre Who Owns Outer Space? — c'est un excellent titre, soit dit en passant —, vous indiquez que selon le Traité sur l'espace extra-atmosphérique de 1967, l'exploration et les ressources de l'espace doivent être partagées par tous les habitants de la Terre, mais qu'il est difficile d'établir un cadre juridique pour l'exploitation minière dans l'espace. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Oui. Selon mon interprétation, le Traité sur l'espace extra-atmosphérique n'aborde pas la question de savoir si l'exploitation minière commerciale dans l'espace est autorisée ou non. Cette question a été reportée à plus tard — d'accord, le traité a été conclu en 1967 —, mais elle est au cœur de relations diplomatiques très importantes sur la scène internationale à l'heure actuelle. Il ne faut pas seulement se demander si l'exploitation minière commerciale dans l'espace est autorisée. Il faut aussi se demander quelles en seraient les limites, si elle venait à être autorisée. Quels sont les éléments dont il faut tenir compte en matière de sûreté et de sécurité? Comment coordonner les différents acteurs, par exemple sur la Lune? Cette question est au cœur de la diplomatie de nos jours.
    Il existe un groupe de travail au sein du Comité des Nations unies sur les utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique, qui mène un examen multilatéral sur cette question. Le Canada a beaucoup à apporter: son expertise en matière d'exploitation minière terrestre, évidemment, et en matière de diplomatie multilatérale, sa capacité à trouver des compromis et à amener tout le monde à s'entendre dans une organisation fondée sur le consensus.
    Je voudrais toutefois profiter de cette occasion pour souligner que l'exploitation minière dans l'espace sera mille fois plus difficile que l'exploitation minière sur Terre. Les éléments de sûreté et de sécurité relatifs à l'exploitation minière dans l'espace doivent être une priorité. Ne nous laissons pas emporter par l'enthousiasme que nous inspirent les retombées économiques possibles; il y a beaucoup d'enthousiasme, beaucoup de battage médiatique au sujet de l'exploitation minière dans l'espace. Je tiens à vous rappeler que l'espace est un environnement extrêmement dangereux et difficile, avec des distances extrêmes, le vide spatial. Les défis, comme la poussière lunaire, me font hésiter sur un grand nombre de propositions dont nous entendons parler. L'exploitation minière dans l'espace sera possible un jour, mais ce n'est pas pour tout de suite, malgré ce que beaucoup d'entrepreneurs voudraient vous faire croire.
(0935)
    Vous avez parlé de l'importance de la diplomatie. On parle de plus en plus de l'espace en tant que domaine militaire potentiel. Quelles politiques ou mesures diplomatiques le Canada devrait‑il soutenir pour empêcher la militarisation de l'espace?
    Selon vous, comment le Canada devrait‑il travailler avec ses alliés pour promouvoir l'espace en tant que domaine pacifique tout en assurant la sécurité nationale?
    Je ne veux pas laisser transparaître que je critique les diplomates canadiens. Je pense qu'ils font un travail exceptionnel dans ce domaine, mais certaines choses devraient être plus fréquentes, comme un dialogue avec la Chine et l'Inde sur ces questions. L'Inde est aussi une puissance spatiale importante. Nous avons évidemment des relations difficiles avec la Chine et l'Inde sur d'autres questions, mais nous avons des intérêts communs relativement à l'espace. La diplomatie n'a pas pour but de parler avec ses amis. Elle a pour but de parler avec ses adversaires, de trouver des débouchés et de parvenir à des compromis. En tant que puissance moyenne, ce type de conversations bilatérales et officieuses avec la Chine et l'Inde pourrait contribuer à faire avancer les choses. Là encore, ce n'est pas facile.
    Je suis désolé de devoir vous interrompre une fois de plus.
    Madame Normandin, vous avez 90 secondes.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Madame Steer, j'ai une question à vous poser.
    On a beaucoup parlé des conséquences d'attaques en droit international, par exemple, mais les forums sont-ils adéquats pour ce qui pourrait être, par exemple, des accidents entre pays alliés? Ce qui pourrait être accidentel passe-t-il un peu sous le radar ou se trouve-t-il dans un angle mort, par exemple?

[Traduction]

    On dit souvent que la transparence et la communication sont de mise dans le cadre d'activités précises dans l'espace, notamment parce qu'il y a de plus en plus de contre-opérations dans l'espace; des satellites peuvent se rapprocher les uns des autres, soit pour effectuer des réparations, soit pour causer de l'interférence. Il est nécessaire de communiquer les intentions et d'avoir des mesures pour assurer la transparence et accroître la confiance, justement pour éviter... si c'est ce que vous vouliez dire par des interférences accidentelles ou des interprétations erronées au sujet de ces activités.

[Français]

     Imaginons, par exemple, qu'il y ait des litiges qui relèvent plus du domaine public que du domaine de la défense. Existe-t-il des forums adéquats pour les trancher? Si oui, les pays alliés y participent-ils adéquatement?

[Traduction]

    Il n'y a probablement pas assez de forums pour le faire. La nécessité d'avoir des points de contact fait l'objet de discussions de plus en plus nombreuses. Il faut assurer un meilleur partage des renseignements sur les débris et les objets spatiaux, mais la structure de gestion internationale à ce sujet est lacunaire. Beaucoup de discussions ont lieu aux Nations unies pour faire avancer les choses — de façon multilatérale, bilatérale et mini-latérale — et le secteur privé participe beaucoup à ces efforts, car il est nécessaire qu'il le fasse. Cette situation ne passe pas inaperçue, car on est conscient qu'il n'y a pas assez de forums. Cependant, les mécanismes de dialogue ne sont pas encore tout à fait au point.
    Je vous remercie.
    Nous passons à Mme Mathyssen pour 90 secondes.
    La question de Mme Lapointe était semblable à celle que j'allais poser. Je ne me priverai pas de faire un jeu de mots: j'aimerais creuser la question de l'extraction des ressources.
    Des voix: Ha, ha!
    Mme Lindsay Mathyssen: Je n'ai pas pu m'en empêcher. C'est le café.
    Madame Steer, pourriez-vous nous parler des accords Artemis dirigés par les États-Unis et des intérêts potentiels en matière d'extraction de ressources des Américains? Les accords Artemis sont-ils différents à cet égard?
    De quoi le Canada devrait‑il se soucier dans le domaine de l'extraction des ressources?
    Je pense que M. Byers a raison de dire que le Traité sur l'espace extra-atmosphérique laisse une certaine place à l'interprétation. Il est interdit de s'approprier l'espace. Tout pays vous dira, si d'autres pays ou entreprises sont venus s'emparer de leurs ressources naturelles, qu'il s'agit d'une appropriation.
    Il y a des débats sur la question de savoir si les accords Artemis eux-mêmes peuvent être — selon certains pays — une violation du Traité sur l'espace extra-atmosphérique. Les États-Unis ont simplement déclaré que, selon leur interprétation du traité, l'exploitation minière dans l'espace est légale et aura lieu. Tous les pays, dont le Canada, qui ont signé les accords Artemis ont donc accepté cette définition. L'Australie en fait partie. L'Australie est l'un des trois pays à avoir signé à la fois les accords Artemis et l'Accord sur la Lune de 1979, qui indique qu'aucune entité ne peut posséder une quelconque partie de la lune, et que, si l'exploitation minière dans l'espace est sur le point d'avoir lieu, il faut se doter d'un régime réglementaire international.
    Des discussions sont en cours au sein du Comité sur les utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique. Il existe trois ou quatre régimes différents, et la Chine et la Russie ont leurs propres régimes. Nous ne savons pas encore ce qui se passera.
(0940)
    Merci.
    Monsieur Bezan, vous avez trois minutes.
    Merci.
    J'aimerais revenir rapidement sur quelques points. Parlons d'abord de RADARSAT et de son utilisation en Ukraine. En 2015, je faisais partie du gouvernement, et nous avons eu un débat rigoureux pour déterminer s'il fallait fournir ou non des images obtenues grâce à RADARSAT à l'Ukraine. Nous avons décidé de le faire, et j'étais fier de participer à cette décision.
    En 2016, on le sait, le gouvernement libéral de l'époque, avec Stéphane Dion à titre de ministre des Affaires étrangères, est revenu sur cette décision. Cela a été perçu comme une réinitialisation ou un apaisement des relations avec Poutine. Pendant six ans, les conservateurs ont plaidé en faveur du rétablissement de cette mesure. L'ancienne ministre de la Défense nationale, la ministre Anand, l'a finalement fait, et nous nous en réjouissons. Il est nécessaire de disposer de cette capacité de collecte de renseignements pour que l'Ukraine sache ce qui se passe à ses portes.
    Sauf erreur, dans le contexte de RADARSAT, le ministère de la Défense nationale ne dispose que d'un seul satellite dédié au RSR; renseignement, surveillance et reconnaissance.
    Ma question s'adresse à vous deux. Je sais, madame Steer, que vous travaillez avec le ministère de la Défense nationale.
    Monsieur Byers, vous étudiez cette question depuis longtemps, en lien avec le NORAD.
    Pour le bien de notre souveraineté dans l'Arctique et de nos relations avec les membres du NORAD, devrions-nous nous doter, au Canada, d'un plus grand nombre de satellites dédiés au RSR?
    Je vais commencer par Mme Steer, puis passerai à M. Byers.
    Je dirais que le Canada a bel et bien besoin de plus de satellites souverains de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, ou RSR. En même temps, le Canada profite de sa participation à l'Initiative d'opérations spatiales conjointes, ou CSpO, qui était au départ une alliance du Groupe des cinq, mais qui comprend désormais l'Allemagne, la France, l'Italie et le Japon. L'objectif est d'échanger des renseignements sur l'espace.
    Le Canada est une économie de taille moyenne. C'est une puissance moyenne. Il ne peut pas tout faire. De nos jours, aucun pays ne peut tout faire seul dans le domaine spatial.
    Je pense aussi que la collaboration entourant les techniques spatiales peut servir de levier politique pour d'autres intérêts. Cependant, pour ce qui est des besoins de RSR, il est vrai que le Canada doit maintenir une capacité souveraine plus spécialisée. Or, il peut aussi continuer à bénéficier de ce partenariat international.
    Si vous me permettez d'ajouter...
    Je pose également la question du point de vue du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, ou NORAD. Je m'intéresse particulièrement à la relation du Canada avec le NORAD et à la façon dont nous pouvons intégrer les satellites spatiaux de RSR à cette conversation.
    Permettez-moi d'ajouter que nous avons la Constellation RADARSAT. J'ai concentré mes commentaires sur RADARSAT‑2 puisqu'il s'agit d'un satellite commercial, mais nous avons trois satellites radar très performants qui appartiennent à l'Agence spatiale canadienne et qui sont essentiellement opérés par le ministère de la Défense nationale, ou MDN.
    Je suppose que ces satellites soutiennent également l'Ukraine. Or, je me suis attardé à une entreprise commerciale qui assiste les opérations de première ligne, car la situation soulève des questions très complexes qui doivent être abordées par des politiques, comme on l'a fait après l'annexion de la Crimée en 2014.
    Je vous remercie, monsieur Bezan.
    Dans les dernières secondes qu'il nous reste, j'aimerais dire qu'au cours de cette étude, je me suis inquiété du double usage de cette technologie, en particulier du fait qu'elle est largement destinée à un usage commercial et parfois à un usage militaire accessoire. À l'occasion, c'est l'inverse, mais derrière toute cette technologie et ces entreprises, il y a parfois des personnes qui prennent des décisions erratiques, c'est le moins qu'on puisse dire.
    Je ne pense pas avoir besoin d'en dire plus au sujet de M. Musk, mais nous avons vu que M. Bezos, avec sa technologie Blue Origin, a eu un entretien avec M. Trump et que, peu de temps après, le Wall Street Journal n'a pas publié leur opinion. Bien sûr, ce n'est pas lié.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez, car nous nous retrouvons à dépendre énormément d'un très petit groupe de personnes, ce qui a rendu toutes nos nations vulnérables. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette vulnérabilité.
(0945)
    Si vous me permettez de commencer, je dirais qu'Elon Musk est un cas particulier. Les entreprises spatiales commerciales d'autres pays n'ont pas de monopole sur les orbites et n'ont pas à leur tête l'homme le plus riche du monde, qui a essentiellement des visites d'État à l'étranger.
    Il fait un peu bande à part, mais je pense que cela signifie que nous devons...
    Mais il s'agit d'un marginal très important.
    Absolument, et c'est pourquoi le Canada doit ensuite décider dans quelle mesure on veut que le pays dépende de la capacité particulière de Starlink. La technologie aide à connecter les collectivités éloignées, par exemple, mais que pourrait mettre en place le Canada pour s'assurer qu'il ne dépend pas d'une capacité fournie par une personne marginale?
    Je pense que la commercialisation de l'espace est non seulement inévitable, mais en plus, il est trop tard pour nous demander si nous voulons collaborer avec des acteurs commerciaux. C'est la simple réalité: 75 % des systèmes dans le monde sont commerciaux. Le MDN achète des services commerciaux, et cette tendance va continuer de s'accentuer. Plutôt que de nous demander si nous voulons cette relation, nous devons examiner quelles en sont les répercussions.
    J'ai mentionné l'atelier que nous avons tenu à Ottawa le mois dernier. Un rapport à venir examinera ces questions en détail et cernera d'autres domaines de recherche. Je serai ravie de le transmettre à M. Wilson ou au président pour...
    Ce serait très utile.
    Je vois que M. Byers est impatient de répondre à cette question.
    Oui, c'est vrai. Le gouvernement canadien a accordé 1 milliard de dollars supplémentaires à Télésat pour sa constellation de satellites Lightspeed très peu de temps après l'arrivée de la couverture limitée de Starlink par Elon Musk dans la mer Noire, ce qui a empêché l'armée ukrainienne de cibler la flotte russe là‑bas.
    Je relie ces deux avancées. Je pense que le gouvernement canadien a agi de façon responsable. Nous avons besoin de notre propre constellation de communications souveraine, ce que Télésat et le MDA sont en train de bâtir pour nous.
    La réponse est oui, nous devons réduire notre dépendance à l'égard des grandes entreprises, en particulier celles dirigées par des personnes sans cesse changeantes et incohérentes, comme M. Musk, mais nous avons déjà commencé à réagir. J'ai hâte que le service Lightspeed de Télésat comble une grande lacune en améliorant notre sécurité et notre indépendance.
    Bravo!
    Au nom du Comité, je tiens à vous remercier tous les deux de cette conversation absolument fascinante.
     Un député: Et un peu effrayante.
     Le président: C'est un peu effrayant, oui, surtout à l'Halloween. Cependant, aucun d'entre nous ne va se déguiser en bien spatial. Quoiqu’à l'occasion, je pense que l'opposition vient d'une autre planète.
    Sur ce, je tiens à vous remercier encore une fois. C'était fort utile.
    Monsieur Byers, je suis heureux de vous revoir, et je suis ravi que la caféine ait fait son effet et que vous ayez très bien expliqué vos points de vue.
    Sur ce, chers collègues, nous allons lever la séance et aller rendre visite à nos amis finlandais.
    Je vous remercie.
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