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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 février 2022

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la troisième réunion du Comité permanent de la défense nationale.
    Nous nous réunissons en format hybride. Je suis sûr que tous les membres du Comité connaissent les règles qui s'appliquent aux réunions hybrides. Je ne vais pas les lire. Mettons-nous tout de suite au travail.
    Deux témoins se joignent à nous pour la première heure de notre réunion: M. Jolicoeur et M. Ihor Michalchyshyn. Si j'ai bien compris, M. Michalchyshyn prendra la parole en premier, suivi de M. Jolicoeur. Allez‑y, s'il vous plaît. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie le Comité pour l'invitation.
    Je m'adresse à vous au nom du Congrès des ukrainiens-canadiens, dont je suis le directeur exécutif. Notre organisme réunit les organisations ukrainiennes du Canada qui œuvrent aux échelles nationale, provinciale et locale. Nous faisons de la coordination et nous représentons les intérêts des membres de notre communauté, qui compte près de 1,4 million de Canadiens, selon le dernier recensement. Nous menons nos activités depuis 1940. Nous travaillons dans différents domaines, y compris celui de la politique de défense.
    Comme les députés le savent déjà, en février 2014, la Russie a envahi l'Ukraine. Aujourd'hui, elle occupe toujours la Crimée et une partie des oblasts de Donetsk et de Lougansk, dans l'Est de l'Ukraine. La guerre que la Russie mène dans cette région depuis 2014 a fait plus de 13 000 morts et a forcé le déplacement de 1,5 million de personnes à l'intérieur de l'Ukraine.
    En novembre dernier, la Russie a à nouveau intensifié ses mouvements de troupes près de la frontière de l'Ukraine. Les discussions diplomatiques des dernières semaines entre les États-Unis, l'OTAN, l'Ukraine et la Russie n'ont donné aucun résultat concret; la Russie ne s'est pas engagée à amorcer une désescalade de ses actes d'agression envers l'Ukraine.
    Le CUC et la communauté ukrainienne du Canada croient fermement que des mesures doivent être prises maintenant pour empêcher la Russie d'envahir l'Ukraine. N'attendons pas que cela se produise. À notre avis, le moyen le plus efficace de dissuader la Russie d'envahir l'Ukraine, c'est en prenant des mesures proactives énergiques plutôt qu'en réagissant après-coup.
    Au cours des dernières semaines, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Pologne, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la République tchèque et, pas plus tard qu'hier, le Danemark ont tous accepté de fournir des armes de défense aux forces armées ukrainiennes en réponse à l'intensification des actes d'agression et des menaces de la Russie contre l'Ukraine.
    Nous accueillons favorablement la prolongation et l'expansion, annoncées par le premier ministre le 26 janvier, de l'opération Unifier, la mission de formation militaire du Canada en Ukraine. À long terme, la prolongation et l'expansion de cette mission critique permettront de renforcer les capacités de défense de l'Ukraine. Toutefois, chaque jour, la menace d'une invasion immédiate par la Russie s'intensifie, et c'est aujourd'hui que les forces armées ukrainiennes ont besoin de notre aide.
    L'Ukraine fait face à une grave menace d'hostilité croissante de la part de la Russie et elle a besoin d'armes immédiatement. Les Ukrainiens ne demandent à personne de se battre pour eux, mais ils ont besoin de notre aide pour défendre leur pays contre une puissance coloniale qui cherche à le détruire. Nous savons qu'il y a plusieurs semaines que le gouvernement de l'Ukraine demande des armes de défense au gouvernement du Canada.
    Par ailleurs, le renforcement des sanctions aidera à priver l'État russe des revenus qu'il utilise pour continuer à faire la guerre et pour financer les mouvements de ses troupes. Il enverra un message clair au gouvernement de la Russie que l'Occident est déterminé à s'opposer à toute agression de la part de la Russie.
    Le Congrès des ukrainiens-canadiens exhorte le Comité à soutenir la fourniture d'armes de défense et le renforcement des sanctions contre la Russie. Nous savons que la vaste majorité de la population canadienne appuie la fourniture d'armes. D'après un sondage que nous avons mené la semaine dernière, trois Canadiens sur quatre sont ouverts à ce que le Canada fournisse des armes de défense à l'Ukraine. De plus, les Canadiens qui appuient ouvertement la fourniture d'armes sont plus nombreux que ceux qui s'y opposent, dans une proportion de 42 % contre 23 %.
    En outre, je souligne que dans un rapport publié en 2017, votre comité a recommandé que le gouvernement du Canada fournisse des armes létales à l'Ukraine pour lui permettre de protéger sa souveraineté contre les agressions de la Russie.
    Les dernières sanctions notables prises par le Canada remontent à mars 2019: ces sanctions ont été imposées à l'égard de 114 personnes et de 15 entités en réponse à des actions agressives contre l'Ukraine. Durant les 32 mois qui se sont écoulés depuis, les États-Unis et l'Union européenne ont beaucoup plus alourdi leurs sanctions à l'égard des responsables et des entités russes que le Canada ne l'a fait.
    En résumé, nos deux recommandations principales pour le Comité et pour l'ensemble des députés sont les suivantes: le Canada doit fournir des armes de défense à l'Ukraine dès que possible et le Canada doit renforcer ses sanctions contre la Russie en réponse à l'intensification de ses actes d'agression contre l'Ukraine.
    Je vous remercie.
(1540)
    Je vous remercie, monsieur Michalchyshyn.
    Nous passons maintenant au professeur Pierre Jolicoeur, du Collège militaire royal du Canada.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Jolicoeur. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Bonjour à tous. Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui.
    Je ne reprendrai pas les éléments contextuels qui ont été présentés par l'autre témoin. Je partage ses opinions et j'estime que sa mise en contexte est exacte. Cependant, pour compléter ce qu'il a déjà présenté, ce que j'aimerais ajouter, c'est ce que la Russie demande actuellement et la raison pour laquelle nous faisons face à cette crise.
    Tout d'abord, par l'entremise de Valdimir Poutine, la Russie exige, pratiquement, la fin des projets d'élargissement de l'OTAN en Europe de l'Est. Il cherche à prévenir de futurs élargissements qui rapprocheraient les frontières de l'OTAN de la Russie, parce que l'OTAN est toujours considérée comme une menace par les décideurs russes.
    En outre, la Russie demande que l'OTAN retire ses troupes et le renforcement de sa présence militaire dans ses nouveaux États membres. Essentiellement, elle exige que l'OTAN revienne à une position qui ressemble plus ou moins à celle qu'elle occupait pendant la guerre froide.
    Ce sont donc des demandes explicites de la [difficultés techniques]. Les autorités russes savent très bien que ce sont des conditions ou des demandes inacceptables et que jamais les pays membres de l'OTAN ne pourront accepter de soumettre leurs décisions à une puissance étrangère. Ce serait comme accorder à la Russie une espèce de droit de veto sur des décisions des États membres de l'OTAN. Ce sont donc des conditions impossibles à accepter, et la Russie le sait très bien.
    En fait, ce qu'on peut se demander, c'est ce que veut véritablement la Russie, ou ce que veut Vladimir Poutine. Si on regarde sa politique étrangère des dernières années, on constate que, ce qu'il cherche à faire, en réalité, c'est restaurer la grandeur de la Russie. Il cherche à redonner une place respectable à la Russie dans l'ordre international. Il cherche aussi à protéger les intérêts et la sécurité de la Russie. Encore une fois, il pense que l'OTAN pose une menace à la Russie. Il cherche donc, par tous les moyens, à éloigner cette menace de ses propres frontières.
    Il cherche aussi à préserver ce qu'on peut désigner comme sa sphère d'influence. La Russie cherche à avoir un espace d'États tampons qui répondraient à ses demandes sur le pourtour de son territoire. Il s'agit donc d'États qui ne seraient pas entièrement souverains. Le problème de ces demandes de la Russie, qui sont des demandes de longue date, c'est qu'elles remettent en question l'ordre international dans lequel on vit.
    Aux yeux de la Russie, il y a deux types d'États dans le monde. D'une part, il y a des États souverains qui sont en principe [difficultés techniques], c'est-à-dire qu'il n'y a pas de puissance étrangère ou internationale supérieure à laquelle ils doivent se plier. D'autre part, il y a des États de l'« étranger proche » — c'est le vocabulaire utilisé en Russie —, des États qui sont issus de l'ancienne URSS. Les 14 anciennes républiques — avec la Russie, elles étaient 15 — sont considérées comme faisant partie de l'« étranger proche » et, aux yeux de Moscou, ces États qui sont issus de l'ex-URSS ne sont pas totalement souverains, car ils doivent aligner leur politique étrangère sur la volonté de Moscou.
    Les États qui se rapprochent de la volonté de Moscou n'ont pas de problèmes et la Russie coopère avec eux. Par exemple, le mois dernier, le Kazakhstan a vécu des émeutes et a demandé à Moscou l'envoi de troupes pour l'aider à rétablir l'ordre. La Russie a obtempéré, et, une fois l'ordre revenu, elle a retiré ses troupes sans aucun problème. Le Kazakhstan aligne sa politique étrangère sur la volonté de Moscou.
    Par contre, d'autres États, comme la Géorgie — on l'a vu en 2008 — et l'Ukraine ne veulent pas nécessairement aligner leur politique étrangère sur celle de Moscou et ils vivent des problèmes. En effet, Moscou encourage, entre autres, les mouvements sécessionnistes en leur sein, ce qui est un outil facile à utiliser pour Moscou pour manipuler ces États et faire pression sur eux. Entre d'autres termes, ces États ne sont pas complètement souverains.
(1545)
     Je dirai deux mots sur...

[Traduction]

    Monsieur Jolicoeur, vos cinq minutes sont écoulées. Pouvez-vous conclure en une minute ou deux?

[Français]

    D'accord.
    Pour conclure, je dirai que la crise actuelle semble un peu artificielle. La Russie prend acte de la volonté de l'OTAN de s'élargir, mais la dernière promesse d'un élargissement de l'OTAN a été faite en 2008. Pourquoi la crise survient-elle maintenant? Cette crise semble fabriquée, artificielle et manipulée par les autorités russes.
    Si la crise se produit maintenant, c'est que la Russie semble considérer que la volonté de l'Ukraine de s'orienter vers l'Occident va s'approfondissant. Les forces de sécurité ukrainiennes se renforcent grâce à l'entraînement du Canada et d'autres pays contributeurs qui aident l'Ukraine. On aide notamment l'Ukraine sur le plan militaire en lui envoyant des armes.
    La Russie se sent maintenant relativement forte, car elle vient de terminer un programme de réforme militaire. Je ne dis pas que la Russie doit intervenir, mais, si elle doit le faire, mieux vaut que ce soit maintenant plutôt que plus tard.
    Je terminerai là-dessus.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Jolicoeur.
    Nous passons maintenant à la première série de questions. Chaque intervenant dispose de six minutes. Nous allons commencer par les conservateurs. Je vais donner la parole à M. Ruff, suivi de M. Fisher, puis de Mme Normandin et de Mme Mathyssen.
    La parole est à vous, monsieur Ruff. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je suis ici comme remplaçant; je suis donc en train de me mettre au courant. Heureusement pour les témoins, j'ai un peu d'expérience dans le domaine: je me suis retiré des Forces armées canadiennes il y a 2 ou 3 ans, après 25 ans et demi de service, et j'ai participé aux premières discussions entourant la mise sur pied de l'opération UNIFIER.
    Ma première question s'adresse aux deux témoins. J'aimerais avoir le point de vue de chacun.
    D'après vous, quelle est la probabilité que les Russes mènent réellement une incursion terrestre en Ukraine?
    Allez‑y, monsieur Jolicoeur.

[Français]

    Je peux commencer, si vous le voulez bien.
    À mon avis, il existe six scénarios possibles quant à ce que la Russie pourrait entreprendre. Je vais vous les nommer et évaluer rapidement leur probabilité.
    Le premier scénario, c'est que la Russie ne fait rien, que tout était du bluff. Selon mon analyse, ce scénario est peu probable, parce que Vladimir Poutine a placé la barre très haute en exigeant des États membres de l'OTAN des recommandations très précises. De plus, il a refusé de plier jusqu'à maintenant et il semble au contraire augmenter le niveau de ses revendications. En d'autres termes, j'ai l'impression qu'il ne peut se replier sur ses positions sans perdre la face.
    Le deuxième scénario, c'est celui d'une intervention limitée dans le Donbass. La Russie pourrait vouloir faire ce qu'elle a fait avec la Géorgie, c'est-à-dire encourager les mouvements sécessionnistes et, éventuellement, reconnaître l'indépendance des deux territoires que sont Lougansk et Donetsk. C'est une possibilité hautement probable à mes yeux, car c'est un scénario que la Russie a déjà employé. Cela coûte peu cher à la Russie, sinon qu'elle s'expose à des sanctions supplémentaires. Or la communauté internationale est peu encline à intervenir pour libérer ces territoires, et ce travail reposerait sur les épaules de l'Ukraine.
    Le troisième scénario est une variante du scénario précédent. Il s'agirait d'élargir les territoires sécessionnistes actuels. Ces deux territoires sécessionnistes n'occupent pas l'ensemble de leurs provinces telles qu'elles sont dessinées dans la structure administrative de l'Ukraine. La Russie pourrait donc venir en aide à ces deux territoires pour élargir le contrôle du territoire qu'elles occupent actuellement. À mon avis, [difficultés techniques] encore une fois, c'est moyennement probable.
    Le quatrième scénario est une intervention limitée dans le Sud et dans l'Est de l'Ukraine. Dans ce cas-ci, la volonté de Moscou serait d'établir une continuité territoriale entre les territoires sécessionnistes dans le Donbass et la Crimée. Cela permettrait à la Russie d'avoir une espèce de continuité territoriale dans tout le Sud de l'Ukraine. À mon avis, ce scénario est moyennement probable.
    Le cinquième scénario est une intervention dans la moitié de l'Ukraine, dans tout l'Est ukrainien, pour élargir l'occupation militaire jusqu'à la rivière Dniepr, qui sépare l'Ukraine en deux. Tout l'Est ukrainien serait sous occupation militaire de la Russie. C'est un scénario moyennement probable, car la Russie a mobilisé les capacités militaires nécessaires pour le faire, et elle serait donc techniquement capable de le faire.
    Le sixième scénario est une intervention visant à prendre toute l'Ukraine. À mon avis, ce scénario est peu probable, même s'il n'est pas exclu complètement.
    Finalement, une intervention générale contre l'OTAN serait le dernier scénario possible. À mon avis, c'est hors de question, car la Russie ne veut pas déclencher une troisième guerre mondiale.
(1550)

[Traduction]

    Il vous reste un peu moins de deux minutes, monsieur Ruff.
    Votre micro est désactivé.
    Désolé. Je remerciais simplement M. Jolicoeur.
    Puis‑je avoir l'avis du second témoin?
    Je vous remercie pour votre service, monsieur Ruff, et particulièrement pour votre participation à l'opération UNIFIER.
    Je pense que les scénarios présentés doivent être pris au sérieux. Je dirais que le comportement passé est le meilleur prédicteur du comportement futur. La Russie a fait la guerre dans l'Est de l'Ukraine; elle a fait semblant de procéder à une invasion dite « hybride » de la Crimée, qui s'est avérée une invasion réelle; elle a annexé illégalement la Géorgie et la Moldova; et la liste continue.
    Les gens me demandent des pourcentages. Nous devons prendre cent pour cent au sérieux les 130 000 soldats russes déployés au Bélarus et le long des 3 frontières de l'Ukraine. Nous devons aussi prendre cent pour cent au sérieux les menaces proférées par M. Poutine dans les médias à l'égard de l'OTAN, du Canada et des États-Unis.
    Je reviens à notre recommandation. Ce que nous pouvons faire, c'est hausser le niveau de risque pour les Russes; c'est changer leur calcul du risque que représente une invasion de l'Ukraine. Si l'Ukraine est sans soutien, le risque est faible, mais si elle fait partie d'une alliance, le risque augmente grâce à l'appui du Royaume-Uni, des États-Unis et d'autres alliés, comme je l'ai déjà dit. À mon avis, c'est la chose la plus importante à faire en pareille situation.
    Je vous remercie. Je crois que mon temps de parole est écoulé, monsieur le président, n'est‑ce pas?
    En effet.
    Nous allons donc passer à M. Fisher. Vous disposez de six minutes.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Un instant, je dois laisser sortir mon chien.
(1555)
    C'est un vrai comité, vous savez.
    C'est probablement le pire moment qu'un chien pouvait choisir pour demander qu'on lui ouvre la porte.
    Monsieur le président, je remercie les deux témoins d'être avec nous aujourd'hui et de mettre leur savoir à notre service, ainsi que leur temps précieux en cette période hautement instable. Je suis ravi de siéger à nouveau au Comité permanent de la défense nationale. J'en ai été membre de 2015 à 2019.
    Je tiens à dire très clairement que le Canada est un ami de l'Ukraine et du peuple ukrainien. J'ai eu la chance et le bonheur d'avoir l'occasion de visiter l'Ukraine il y a quelques années avec le Comité. J'ai rencontré des personnes formidables, des gens du pays et des dirigeants mondiaux. Ce fut une des plus belles visites de ma vie.
    Comme vous le savez, le Canada a dénoncé haut et fort les menaces continues de la Russie et le renforcement de ses troupes autour de l'Ukraine. Bien que tous demandent et espèrent une solution diplomatique, nous avons d'autres outils à notre disposition. Comme les ministres l'ont dit, toute nouvelle agression de la part de la Russie aura des conséquences.
    Maintenant, j'aimerais parler de l'opération Unifier. Notre gouvernement vient de la prolonger, et nous l'élargissons. Ma question concerne la capacité de réaction des forces armées ukrainiennes. Comment l'opération Unifier aide‑t‑elle à préparer l'équipe de défense de l'Ukraine contre l'hostilité croissante de la Russie dans la région?
    Je demanderais à M. Michalchyshyn de répondre, comme nous nous sommes déjà rencontrés plusieurs fois.
    Le chien de M. Fisher semble attendre la réponse avec impatience.
    Je vous remercie. Je suis très heureux de vous revoir virtuellement.
    J'ai rencontré l'ancien ministre Champagne la semaine avant le début de la pandémie. Nous étions à la base de Yavoriv, dans l'Ouest de l'Ukraine. Nous avons vu des Canadiens, des Américains, ainsi que des Suédois et des Danois, je crois, en action. Grâce à l'opération Unifier, d'autres alliés bilatéraux et de l'OTAN viennent en aide à l'Ukraine. À ma connaissance, il s'agit de la plus grande mission permanente en cours sur le territoire ukrainien.
    L'expansion de cette mission témoigne de la confiance et de la relation étroite entre les forces armées. Vous êtes sans doute nombreux à avoir discuté avec des membres des Forces armées canadiennes à leur retour. Ils nous disent qu'ils en apprennent autant que les Ukrainiens qu'ils entraînent. Ils apprennent au sujet de la guerre hybride et de la technologie. Ils apprennent aussi au sujet des batailles et du coût réel de la guerre menée par la Russie parce qu'ils discutent avec les soldats qui ont servi au front, et ils en parlent avec admiration.
    Tout cela étant dit, je le répète, nous accueillons favorablement la prolongation et l'expansion de l'opération Unifier. Toutefois, je pense qu'il faut comprendre que ce programme vise un objectif à moyen ou à long terme. À l'heure actuelle, comme la ministre Anand l'a annoncé, les militaires de l'opération ont été déplacés vers l'ouest du fleuve Dniepr, dans des positions plus sûres de l'Ukraine occidentale, et ce, avant même qu'il y ait une invasion.
    Malheureusement, je pense que nous savons tous que les missions et les militaires canadiens seraient évacués dès le début d'une invasion, pour leur propre sécurité. L'opération Unifier est importante, mais je le répète, les armes de défense auraient un effet immédiat et elles resteraient sur place en cas d'invasion.
    Au début de mon intervention, j'ai mentionné que nous avions d'autres outils à notre disposition. Nous avons déclaré haut et fort, et les ministres ont déclaré haut et fort, que nous étions prêts à prendre des mesures supplémentaires en cas de nouvelle agression de la part de la Russie. Je pense que la ministre a dit que des sanctions sévères pourraient être appliquées en moins d'une demi-journée.
    L'Ukraine a demandé des armes de défense et des armes létales. Monsieur Michalchyshyn, pouvez-vous nous en dire plus sur l'incidence que la fourniture de telles armes aurait sur la capacité de réaction de l'Ukraine? Pourrait-elle provoquer une escalade des tensions avec la Russie?
    Il y a deux ou trois semaines, les partenaires et les alliés de l'Ukraine ont changé de position, tant ses partenaires bilatéraux que ses alliés de l'OTAN. Auparavant, tous évitaient d'agir par crainte de provoquer la Russie. Puis, ils ont pris une nouvelle position, le Royaume-Uni d'abord, suivi des États-Unis.
    Aujourd'hui, je ne sais plus combien de cargaisons de munitions et de missiles les alliés ont envoyées, et la liste de pays continue de s'allonger. La Pologne et le Danemark s'y sont ajoutés hier. L'envoi de tout ce matériel a plusieurs incidences. Sur le plan moral, c'est important pour les Ukrainiens de savoir qu'ils ont autant de partenaires partout dans le monde prêts à leur fournir une aide concrète pour qu'ils puissent se défendre. En outre, l'Ukraine reçoit de l'équipement à la fine pointe de la technologie qu'elle n'avait pas nécessairement avant.
    Il ne faut pas oublier que personne n'espère utiliser cet équipement de défense. Ce serait le pire scénario: des chars d'assaut russes traversant la frontière ou — Dieu nous en protège — des avions russes bombardant de grandes villes ou des infrastructures ukrainiennes. En réalité, aider l'Ukraine à se défendre cadre avec l'expansion de l'opération Unifier. Nous sommes là pour aider les Ukrainiens à se défendre. Aucune demande n'a été faite d'envoyer des troupes de combat du Canada ou d'ailleurs. L'Ukraine n'en a jamais fait la demande.
    Les sanctions sont importantes. Il faut en imposer maintenant. Comme il est indubitable que M. Poutine continue à renforcer son déploiement de personnel militaire, nous sommes d'avis qu'il devrait subir des conséquences maintenant, et non le jour ou l'après-midi après qu'il décide de passer à l'action.
(1600)
    Malheureusement, votre temps de parole est écoulé, monsieur Fisher.
    Je vous remercie.

[Français]

     Madame Normandin, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais aussi remercier les deux témoins de leur présence. Ils mettent la table pour la suite de l'étude, et nous leur en sommes très reconnaissants.
    Mes questions vont principalement s'adresser au professeur Jolicoeur.
    Professeur Jolicoeur, j'aimerais vous entendre parler des différents types de menaces directes que la Russie constitue à l'égard du Canada et des probabilités que ces menaces soient mises à exécution.
     Je vous remercie de votre question, madame Normandin.
    Les menaces à l'endroit du Canada peuvent prendre plusieurs formes. Quant à moi, si la Russie considère que le soutien du Canada à l'Ukraine est un casus belli, c'est-à-dire une cause de conflit, elle pourrait entreprendre une série de mesures, qu'elles soient directes ou indirectes.
    Les menaces à l'endroit du Canada pourraient prendre la forme de cyberattaques. Comme on le sait, par le passé, la Russie n'a pas hésité à utiliser ce type d'outil pour intimider d'autres États. Le Canada pourrait donc être l'objet d'une cyberattaque.
    Au-delà des cyberattaques, la Russie pourrait s'attaquer directement à nos infrastructures ou à nos institutions gouvernementales au moyen de mesures cybernétiques. La Russie peut aussi organiser des campagnes ou des opérations d'information, afin de faire de la propagande, de dénigrer l'effort canadien, de miner le tissu social canadien et de faire que la population canadienne pourrait ne pas être d'accord sur les décisions de son propre gouvernement. C'est le genre de menaces que la Russie pourrait aisément entreprendre. À mon avis, non seulement c'est hautement probable, mais la Russie a déjà commencé à le faire en partie.
    Parmi les autres types de menaces que la Russie peut faire peser sur le territoire canadien, il y a la menace à l'intégrité territoriale canadienne. Autrement dit, il pourrait y avoir une attaque. À mon avis, celle-ci est peu probable. En effet, je ne crois pas que la Russie s'en prenne au Canada et veuille élargir le conflit ou le théâtre des opérations. Le Canada n'est pas le principal acteur aux yeux de la Russie. Il pourrait être tentant de s'en prendre à un petit État comme le Canada. J'utilise le mot « petit » dans le sens où le Canada n'est pas la même puissance que les États‑Unis, la France ou le Royaume‑Uni. La Russie pourrait donc vouloir corriger le Canada et lui donner une bonne leçon. À mon avis, cela est très peu probable, car le Canada est un pays membre de l'OTAN. Une attaque contre le Canada voudrait donc dire que tous les pays membres de l'OTAN répondraient par la force de leurs canons de façon unanime. Or je ne crois pas que la Russie veuille s'exposer à ce type de menaces.
    Un autre type de menaces serait d'utiliser la communauté russe au Canada. La Russie pourrait essayer de manipuler la communauté russophone ou des ressortissants d'origine russe au Canada. On sait que [difficultés techniques] russe, mais cette politique vise surtout les communautés russes dans les États de l'ex‑URSS. Pour ce qui est des communautés russes plus lointaines, la Russie cherche peut-être à les influencer, et elle peut communiquer avec elles par le truchement de différents organes de presse, différentes chaînes de télévision, notamment RT, l'ancienne Russia Today, Sputnik ou d'autres canaux de communication. La Russie peut utiliser ces canaux pour essayer de désinformer, de mobiliser ou d'influencer la communauté russe. À mon avis, la communauté russe au Canada [difficultés techniques] de nombreux ressortissants, mais cette communauté est de moindre importance que la communauté ukrainienne au Canada.
    Les autres menaces que pourrait brandir la Russie sont les suivantes. Elle pourrait essayer de manipuler la communauté ukrainienne du Canada pour tenter de la désolidariser des mesures prises par le gouvernement canadien. À mon avis, c'est peu probable. Enfin, c'est probable que la Russie tente de le faire, mais la Russie risque de ne pas être en mesure d'influencer la communauté ukrainienne, qui est presque unanimement mobilisée derrière l'effort de soutien à l'Ukraine.
    Enfin, la Russie pourrait lancer des attaques contre les troupes canadiennes; pas celles qui sont au Canada, mais celles qui sont en Europe de l'Est pour participer aux opérations Unifier et Reassurance. Le Canada a déployé des troupes pour soutenir les pays membres de l'OTAN qui sont à proximité de la Russie et qui se sentent menacés par le comportement de celle-ci. La Russie pourrait donc essayer de s'en prendre à ces troupes.
(1605)
     À mon avis, si la Russie le faisait, ce ne serait pas de façon concrète, c'est-à-dire au moyen d'attaques militaires armées, mais bien au moyen de campagnes d'information ou de propagande. Cela est déjà commencé, à mon avis. C'est donc plus que probable.
    Il vous reste 30 secondes, madame Normandin.
    J'aurais à peine le temps de poser une question sans en avoir la réponse, alors je me reprendrai au deuxième tour. Merci, monsieur le président.
    Merci.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous disposez de six minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Il a beaucoup été question de la possibilité que le Canada fournisse plus d'armes létales à l'Ukraine. Bien entendu, certains néo-démocrates s'y opposent. Nous voulons trouver la solution dissuasive la plus diplomatique et la plus pacifique qui soit.
    Les deux témoins peuvent-ils nous expliquer pourquoi les mesures diplomatiques prises jusqu'à maintenant n'ont pas fonctionné? D'après moi — et si j'ai raison, j'invite les témoins à en parler aussi —, le Canada n'a pas fourni le soutien nécessaire au chapitre du corps diplomatique et de l'aide internationale; c'est pour cette raison qu'après des années, nous faisons maintenant face à une crise d'une telle gravité.
    Pour gagner du temps, je vais vous poser tout de suite une autre question. Par rapport à la demande d'armes létales de la part du Canada, on a dit que des cargaisons... Je pense que c'est M. Michalchyshyn qui a mentionné qu'il ne savait plus combien de cargaisons de munitions ont été envoyées par les États-Unis et le Royaume-Uni. Pourquoi n'est‑ce pas assez? Les États-Unis et le Royaume-Uni sont manifestement mieux placés que le Canada, sur le plan des ressources, pour fournir les armes létales demandées. Pourquoi n'est‑ce pas assez?
    À qui la question s'adressait-elle? Au représentant du Congrès des Ukrainiens?
    Nous allons commencer par lui.
    Excellent. Je peux répondre en partie.
    Je prenais des notes, et concernant la dernière partie, la Russie mène toutes sortes d'activités de désinformation. Le Comité a vu des cyberattaques contre Affaires mondiales. Nous savons que la Russie est notre voisin du Nord. Elle mène activement une campagne de désinformation. Heureusement, notre communauté travaille avec les membres de la communauté russe, plus petite, qui ont fui la Russie de Poutine et veulent vivre dans un endroit où les droits de la personne et la liberté d'expression sont respectés. Je [Difficultés techniques] réponse.
    Concernant les armes défensives létales et la diplomatie, ce que nous avons vu ces dernières semaines, est de la diplomatie de mauvaise foi, comme M. Jolicoeur l'a indiqué. La Fédération de Russie s'est présentée à la table avec des demandes scandaleuses et irréalistes. Je pense qu'elle exigeait que la Pologne et tous les pays baltes soient expulsés de l'OTAN. La vision de Poutine consiste à revenir à l'URSS et à redessiner les frontières de l'Europe — et de l'Eurasie, je dirais — selon ses préférences, et nous ne devrions pas non plus douter de son intérêt pour le Nord canadien.
    Poutine comprend la force. Dans ce scénario, nous espérons ne jamais aller jusqu'à fournir des armes létales, mais cela aurait pour effet d'augmenter le sérieux des efforts diplomatiques avec la Fédération de Russie et l'OTAN. Cela renforcerait le sérieux de la réponse et montrerait que l'Ukraine n'est pas seule dans ce scénario.
    Quant à la question sur les raisons pour lesquelles l'aide actuelle est insuffisante, nous avons vu hier que le drapeau canadien figurait parmi les drapeaux qui ont été hissés au Parlement ukrainien. Donc, pour le Canada, malgré l'importance de la mission de l'opération Unifier, il convient de souligner que le Canada ne figure pas sur la liste des pays, notamment les pays alliés de l'OTAN, qui fournissent ce genre d'équipement de défense militaire. Pour assurer le maintien de la bonne réputation du Canada en Ukraine et au sein de nos alliances de l'OTAN, nous estimons qu'il faut faire tout ce qui est possible. Je n'ai pas de liste pour l'un ou l'autre pays; je sais seulement que nos forces armées travaillent en étroite collaboration, entretiennent une solide relation de confiance et savent quelles mesures pourraient être prises immédiatement.
(1610)
    Vous avez environ une minute et demie.

[Français]

     D'accord, je me permettrai de compléter.
    Je suis d'accord sur l'analyse de l'autre témoin. Effectivement, je pense que Vladimir Poutine a [difficultés techniques] qu'il n'était pas possible de rencontrer les pays membres de l'OTAN. Je pense que la négociation ne se fait pas de bonne foi. Comme les pays membres de l'OTAN ne pouvaient pas répondre à ses exigences, je crois que nous pouvons remettre en question l'intention réelle des autorités russes actuelles.
    Si nous pouvions offrir quelque chose à la Russie, elle pourrait avoir l'impression de sauver la face et retirer les moyens de pression qu'elle met présentement aux frontières de l'Ukraine, mais ce serait abdiquer notre souveraineté et ce serait un mauvais message à envoyer.
    Je note également que les États‑Unis, le Royaume‑Uni et d'autres États fournissent maintenant des armes directement à l'Ukraine ou renforcent la présence militaire de l'OTAN à proximité de l'Ukraine pour renforcer le dispositif de sécurité. On voit cela à proximité de la mer Noire et dans d'autres États en bordure de la Russie également.
    C'est le type d'action que le Canada peut entreprendre. Je crois que l'état actuel des Forces canadiennes ne permet pas une mobilisation beaucoup plus importante ou un déploiement en Ukraine.
    Cela dit, je crois que le Canada fait ce qu'il peut pour soutenir l'Ukraine, mais l'envoi de troupes supplémentaires serait difficile.

[Traduction]

    Nous devons malheureusement en rester là.
    Chers collègues, si nous voulons faire un deuxième tour complet, nous devrons procéder de façon réfléchie. Commençons.
    Je demanderais aux gens du Parti libéral de me dire qui sera le troisième intervenant, au cas où l'on en arriverait là.
    Nous commençons par M. Doherty et Mme O'Connell, pour cinq minutes chacun, s'il vous plaît.
    Je veux simplement être certain. Êtes-vous favorable à ce que le Canada fournisse des armes défensives létales à l'Ukraine?

[Français]

    C'est une très bonne question.

[Traduction]

    Excusez-moi encore une fois, monsieur Jolicoeur.
    Votre connexion audio semble intermittente. On vous suggère d'éteindre votre caméra et de répondre pour voir si le son sera meilleur.
    Merci.

[Français]

    J'espère que le son est meilleur.
    Je vous remercie de votre question, monsieur Doherty.
    Suis‑je d'accord sur le fait que le Canada envoie des armes létales à l'Ukraine? Cela pourrait se faire. Le Canada dispose de certaines technologies qui pourraient être utilisées avec profit par l'Ukraine et qui pourraient augmenter le coût d'une éventuelle intervention militaire russe sur le territoire ukrainien, par exemple avec l'utilisation de drones ou de tout autre équipement létal. Le Canada a certaines capacités industrielles. Cependant, cela mettrait le Canada dans le même seau que le Royaume‑Uni et que les États‑Unis. Aux yeux de la Russie, ils seraient perçus comme des États qui soutiennent grandement l'Ukraine, ce qui exposerait possiblement le Canada à des politiques d'intimidation supplémentaires de la part de la Russie.
    Si le Canada est prêt à subir le choc de la Russie, alors oui, il pourrait le faire.

[Traduction]

    L'un ou l'autre témoin peut répondre à la question suivante: quels sont les défis que posent aux pays de l'OTAN les tactiques de zone grise de la Russie, c'est-à-dire les mesures qu’elle prend pour obtenir des avantages qui se situent sous le seuil de la guerre?
(1615)
    Ils sont devenus experts en la matière, comme nous l'avons constaté. Voilà ce dont je parlais dans ma réponse précédente au sujet de ce que les Forces canadiennes apprennent de leurs camarades ukrainiens dans le cadre de l'opération Unifier. On parle ici d'opérations sous pavillon de complaisance et de scénarios de « petits hommes verts », en Crimée, qui ne correspondent pas — j'ignore le terme militaire approprié — au combat traditionnel qu'on aurait imaginé. Encore une fois, les Forces armées ukrainiennes ont appris à s'adapter. J'ai eu l'occasion de constater personnellement, au centre opérationnel, notre interaction avec les Forces armées ukrainiennes.
    En toute franchise, j'ai lu la liste des pays qui fournissent des armes, et tous ces pays ont aussi comme objectif d'apprendre et d'échanger des technologies, même si leurs missions sont plus modestes. Nous devons comprendre que fournir des armes défensives létales fait partie de cela. C'est une partie très significative, symbolique et importante de nos relations bilatérales en matière de défense et de sécurité avec l'Ukraine.
    Avez-vous un commentaire, monsieur Jolicoeur?

[Français]

     Je n'ai pas vraiment de commentaire à ajouter à ceux de l'autre témoin. On peut procéder avec l'autre question.

[Traduction]

    Je me demande si l'un de vous est d'accord avec l'ancienne commandante de l'opération Unifier, Melanie Lake, qui a déclaré que nous devions cesser de dire qu'une invasion russe de l'Ukraine est inévitable. Elle a dit que nous devrions dépêcher à Kiev une multitude de dirigeants et de diplomates du monde entier d'ici le printemps et utiliser le temps à notre avantage, car la Russie ne peut se permettre de maintenir indéfiniment autant de forces à un niveau de préparation aussi élevé.
    Je peux faire un bref commentaire. Nous étions très heureux de la présence de la lieutenante-colonelle Lake à notre séance d'information.
    La Russie a envahi l'Ukraine et elle le fait encore. La guerre fait rage. C'est une autre invasion. C'est l'un des principaux points que j'ai fait valoir partout où j'ai pris la parole. Pour la Russie, encore une fois, les coûts du déploiement de 130 000 soldats qu'il faut payer, équiper, nourrir, etc. peuvent être très élevés, mais si nous appliquons des sanctions maintenant, ils le seront encore plus. L'application de sanctions contre les dirigeants militaires russes et le cercle intime de Poutine maintenant peut faire grimper les coûts pour la Fédération de Russie.
    Nous devons malheureusement en rester là, monsieur Doherty. Je dois gérer le temps.
    Madame O'Connell, la parole est à vous pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Je vous remercie tous les deux d'être venus. J'aimerais revenir sur certaines questions posées par plusieurs membres concernant l'appui à l'envoi d'armes létales ou les demandes en ce sens. Je ne suis pas certaine — vous avez donné des réponses courtes, puisque nous avons peu de temps —, mais j'ai presque eu l'impression que ces armes pourraient être utiles, certes, mais qu'il s'agissait aussi de signaler que le Canada fait tout ce qu'il peut. Encore une fois, si vous devez préciser vos propos à cet égard, je vous serais reconnaissante de le faire.
    Y a‑t‑il des armes létales ou des technologies précises que les alliés de l'OTAN n'ont pu fournir et que vous souhaiteriez que le Canada fournisse, ou que le gouvernement ukrainien souhaiterait que le Canada fournisse? Quelles sont ces technologies, ou s'agit‑il simplement de le faire savoir? En toute franchise, je pense que le Canada répond présent depuis des années. Nous avons parlé des diverses opérations et de l'opération REASSURANCE, qui concerne aussi les pays voisins.
    Donc, pouvez-vous préciser vos commentaires au sujet des armes létales? Y a‑t‑il des lacunes particulières que vous souhaiteriez voir combler par le Canada? Ou s'agit‑il de continuer à envoyer un message encore plus fort?
    J'ai commencé la dernière fois. M. Jolicoeur veut peut-être commencer.

[Français]

    Pour l'instant, le Canada essaie d'éviter de trop se commettre, et on peut comprendre pourquoi.
    Le Canada aurait-il les armes nécessaires pour renforcer les capacités militaires de l'Ukraine? Il faudrait que l'Ukraine établisse une liste précise.
    J'ai fait allusion un peu plus tôt à des drones. Je sais que le Canada a ces capacités technologiques. On sait que certains drones — notamment construits en Turquie, mais avec un peu de technologies canadiennes — ont été utilisés de façon admirable dans un conflit récent au Caucase, au Nagorno‑Karabakh, à l'automne 2020. C'est le genre d'arme qui a pu faire une différence sur un théâtre des opérations où le Canada a été impliqué, de façon indirecte par l'entremise de la Turquie, dans un conflit récent. Une technologie de ce genre pourrait être envoyée en Ukraine et aider les forces armées ukrainiennes à renforcer leur capacité militaire. Hormis cela, je ne connais pas bien les détails du type d'armement dont l'Ukraine aurait besoin.
(1620)

[Traduction]

    J'ajouterais brièvement, encore une fois, que ces listes existent. Les forces armées des deux pays les examinent depuis quelques mois, voire depuis plus longtemps. On m'a dit, en général, que le Canada est évidemment spécialisé... Il a une longue frontière terrestre et maritime. Donc, tout type de système de surveillance que nous pourrions partager avec eux serait particulièrement utile pour détecter... [difficultés techniques]... vont envahir. C'est une de nos spécialisations, notamment dans le secteur de la haute technologie.
    Comme vous l'avez indiqué, l'idée est de rendre la perspective d'une invasion plus coûteuse pour la Russie. Nous savons que ces discussions ont lieu à un niveau très sécurisé, étant donné la relation de confiance entre les deux forces armées.
    Merci de cette précision.
    J'ai juste une petite question complémentaire. Considère‑t‑on cette technologie de surveillance, en particulier pour la surveillance terrestre et maritime, par exemple, comme faisant partie des armes défensives létales? Encore une fois, on nous demande continuellement des armes létales précises. À titre d'exemple, si les spécialistes de la surveillance terrestre et frontalière ont travaillé avec les forces sur le terrain, cela entre‑t‑il dans la catégorie des armes létales?
    Encore une fois, je ne peux pas spéculer sur le nom exact de ce genre de système. Je peux simplement dire que les forces ukrainienne et canadienne ont des communications claires au sujet des besoins et de l'équipement qui peut être utilisé. Je vais m'en tenir à ce commentaire.
    Très bien. Comme je l'ai dit, si on nous demande des armes létales, il me semble que la surveillance n'en fait pas partie. J'essayais simplement d'obtenir une petite précision sur la nature précise de la demande et sur cette détermination.
    Concernant...
    Je dois malheureusement vous interrompre, madame O'Connell.
    Madame Normandin, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais continuer ma conversation avec le professeur Jolicœur, qui a déjà parlé de diverses possibilités d'intervention du Canada. Nous avons parlé quand même assez abondamment d'armes, par exemple. Nous avons un peu parlé de la possibilité d'intervenir militairement, mais aussi des risques qui y seraient associés. J'aimerais l'entendre aussi sur d'autres possibilités d'intervention, par exemple des sanctions économiques, l'augmentation du soutien par le biais d'opérations comme Unifier. J'aimerais qu'il fasse une gradation des risques associés à chacune de ces possibilités ainsi que des effets qu'elles peuvent avoir sur le conflit.
    Bonjour, madame Normandin, je vous remercie de votre question.
    Pour ce qui est du type de sanctions ou d'autres mesures que le Canada peut prendre pour augmenter la pression sur les autorités russes sans que ce soit nécessairement en Ukraine même, le Canada peut adopter des sanctions économiques supplémentaires. On peut identifier du personnel russe, notamment des oligarques ou des supporteurs, des gens qui sont proches de Vladimir Poutine, ou Vladimir Poutine lui-même, et augmenter les sanctions, geler les avoirs économiques de ces personnes. Évidemment, ce n'est pas nécessairement au Canada que les grandes fortunes russes sont entreposées, c'est davantage à Londres ou dans d'autres systèmes bancaires à l'étranger. Des sanctions économiques de ce type gèlent les avoirs et accroissent certainement la pression économique sur la Russie. C'est le type de mesure que peut prendre le Canada sans trop de conséquences, mais qui augmente [difficultés techniques]. C'est le genre de mesure qui est hautement probable. Dans ce cas, il faudrait que le Canada ne le fasse pas seul, mais bien en coordination avec les autres pays membres de l'OTAN, et l'Ukraine évidemment, pour coordonner un effort simultané et cohérent.
    Nous pouvons aussi augmenter le soutien à l'Ukraine, augmenter le financement. Même si nous ne voulons pas déployer de troupes, nous pouvons quand même soutenir le gouvernement ukrainien par une contribution financière. Nous pouvons aussi envoyer des armes, des armes létales notamment. Ce sont aussi des moyens que nous pouvons utiliser.
(1625)

[Traduction]

    Nous devons malheureusement en rester là, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez deux minutes et demie.
    Je vais simplement poursuivre où Mme Normandin était rendue.
    Très bien, c'était une excellente série de questions.
    J'aimerais également avoir l'avis de M. Michalchyshyn au sujet des sanctions et des mesures d'aide. Le Canada a évoqué ces possibilités. Aujourd'hui même, un des membres du Comité a déclaré que nous étions prêts et disposés à le faire. Je ne sais pas ce qui nous en empêche.
    Monsieur Jolicoeur, vous avez dit que les alliés de l'OTAN doivent coordonner ces sanctions. Vous pourriez peut-être en parler brièvement tous les deux.
    Rapidement, je dirai simplement que nous pouvons recourir davantage à la législation Magnitski pour sanctionner les oligarques russes. Nous pouvons certainement intensifier nos efforts. Par exemple, nous sommes au courant de situations de certaines personnes comme Oleg Sentsov. Il s'agit de prisonniers politiques ukrainiens qui ont été pris dans le système carcéral russe. M. Sentsov est le plus connu et il a été libéré, mais il y a des centaines d'autres personnes qui ont été poursuivies et emprisonnées par des individus précis au sein de la Fédération de Russie.
    Des sanctions personnelles qui auraient pour effet d'empêcher ces individus et leur famille de voyager ou d'effectuer des transactions financières en Occident changeraient réellement la donne, à notre avis. Encore une fois, nous sommes reconnaissants de l'engagement du Canada quant à l'application de sanctions, mais selon nous, elles n'ont pas été aussi sévères que celles que nos alliés américains et européens ont imposées ces dernières années.

[Français]

     Pour compléter la réponse qui vient d'être faite, je dirai que l'importance de se coordonner avec les pays membres de l'OTAN tient au fait que, si un régime de sanctions supplémentaires est adopté, ce n'est pas vraiment le Canada qui en fera les frais, mais davantage nos alliés européens.
    Imaginons, par exemple, qu'on empêche l'importation de sources énergétiques de la Russie. Ce sont les pays européens consommateurs qui constituent la clientèle énergétique. Cela ferait une pression importante sur la Russie, mais les pays partenaires européens devraient également subir des conséquences. Il faudrait voir s'il y a des partenaires pouvant suppléer à la Russie comme fournisseur d'énergie. Le Canada pourrait peut-être faire un petit effort à cet égard, mais on a du mal, au Canada, à exporter nos ressources pétrolières, parce qu'il manque de réseaux de pipelines, c'est un vieux contentieux canadien interne. Alors il faudrait trouver...

[Traduction]

    Nous devons encore une fois nous arrêter là, malheureusement. Je me sens mal. On dirait que c'est mon rôle dans la vie, couper la parole aux professeurs.
    Toutes mes excuses, monsieur Jolicoeur.
    Pour les deux dernières séries de questions, nous passons à Mme Gallant pour cinq minutes, puis à M. Zuberi pour cinq minutes.
    Premièrement, monsieur Michalchyshyn, vous avez parlé de pavillon de complaisance. Cette semaine, aux nouvelles, notre diffuseur national a dit que les Russes étaient derrière la manifestation des camionneurs sur la Colline du Parlement en ce moment. Ils ont appelé cela un complot des Russes.
    Quelle est la probabilité que les Russes soient derrière ces gens? Il semble que ce sont des citoyens ordinaires qui défendent leurs propres causes.
    RT et Sputnik sont deux des chaînes publiques russes qui diffusent au Canada, par câble et en ligne. Elles contribuent considérablement à semer la discorde et la désinformation au sein des démocraties occidentales. Elles sont ce que nous considérons comme des médias parrainés par l'État. Nous exhortons le Comité et d'autres instances à modifier les modalités de diffusion de ces médias au Canada, car je pense qu'ils tentent de miner notre démocratie parlementaire de nombreuses façons, et aussi par l'intermédiaire d'autres activités médiatiques occultes possibles.
    Nous sommes certains que le moyen le plus puissant dont nous disposons pour veiller à la diffusion d'informations exactes au Canada et dans le monde est de s'attaquer aux médias d'État de la Fédération de Russie.
(1630)
    En fait, c'était un reportage de la CBC. De votre point de vue, Russia Today a‑t‑elle joué un rôle quelconque au Canada pour susciter l'ire de la population d'origine russe à l'égard de l'Ukraine?
    Je n'ai pas à regarder Russia Today souvent, heureusement, mais je sais que la chaîne a fait certaines choses dans le passé lorsqu'elle a envoyé de prétendus reporters au Canada, comme harceler nos dirigeants communautaires chez eux et dans les centres communautaires, et perpétuer la désinformation.
    Par conséquent, malheureusement — ou heureusement, en fait —, je n'ai pas d'exemples récents, car je suis trop occupé à discuter avec vous et d'autres Canadiens. Je n'ai donc pas le temps de regarder RT, mais le professeur a peut-être d'autres commentaires à ce sujet.
    Monsieur Jolicoeur, étant donné que les actions passées peuvent servir à prédire l'avenir, en quelque sorte, avez-vous une idée du moment où la Russie pourrait envahir l'Ukraine, si elle décidait de commencer à occuper une partie du territoire? Cela fait maintenant deux fois que cela coïncide avec les Jeux olympiques, et les Jeux olympiques viennent tout juste de commencer. Est‑ce plutôt imminent, à votre avis?

[Français]

     Je vous remercie de votre question.
    En ce qui a trait au moment où l'intervention pourrait être faite, je crois que la Russie va vouloir ménager les autorités chinoises et attendre la fin des Jeux olympiques. Quant à savoir si une action militaire risque d'être entreprise, Vladimir Poutine nous a habitués à des surprises. L'intervention contre la Géorgie, en 2008, s'est faite pendant les Jeux olympiques en Chine. La « guerre des cinq jours » au mois d'août 2008 s'est déroulée alors que l'attention de la communauté internationale était orientée vers Pékin. Y aura-t-il une répétition de ce scénario? Je ne peux pas le dire, mais j'en serais surpris. Je crois que la Russie cherche à ménager la Chine, parce que celle-ci est un appui important de la Russie actuellement, à un tel point que si l'on adopte des mesures et des sanctions et qu'on coupe, par exemple, l'approvisionnement énergétique que la Russie fournit aux pays européens, la Chine serait le meilleur partenaire de la Russie pour l'aider à soutenir le poids économique de telles décisions. Je crois que la Russie cherche à ménager la Chine et pourrait donc attendre.
    Cela dit, j'aimerais revenir sur un élément qu'a dit l'autre intervenant. La Russie est passée maître dans la désinformation. Arte et Sputnik sont les véhicules principaux que la Russie utilise pour tenter d'influencer le comportement des Canadiens d'origine russe et des Canadiens en général. Il se peut que des stations de nouvelles comme CBC reprennent à leur profit des nouvelles qui sont diffusées sur Arte. Il est donc possible que la Russie soit un peu derrière le soutien aux camionneurs qui manifestent à Ottawa, indirectement.

[Traduction]

    Merci, madame Gallant.
    Pour la dernière question, nous avons M. Zuberi. Bienvenue au Comité.
    Merci de m'accueillir.
    Ma première question porte sur le rôle du Canada au sein de l'OTAN, la nouvelle opération Reassurance, et sur la façon dont cela se compare aux autres pays de l'OTAN.
    À qui la question s'adresse‑t‑elle?

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Jolicoeur.

[Traduction]

    Pourriez-vous répéter la question? Ce n'est pas clair pour moi. Dans quelle mesure...
    La question porte sur l'opération Reassurance et le rôle de notre pays au sein de l'OTAN. Quel est le rôle des autres pays de l'OTAN dans cette opération en Europe centrale et en Europe de l’Est?
    Si vous vouliez bien nous éclairer, je serais ravi d'entendre vos observations à ce sujet.

[Français]

    C'est important pour le Canada de participer à ces missions. C'est d'ailleurs une priorité, puisque ce sont des pays membres de l'OTAN qui bénéficient de ce soutien. Pour le Canada, c'est important de soutenir l'Ukraine sur les deux plans, bien sûr, surtout que nous avons une vaste communauté ukrainienne au Canada. Les autres partenaires de l'OTAN, notamment les États‑Unis, ont annoncé l'envoi de troupes supplémentaires dans l'Est de l'Europe, mais on prend bien soin de ne pas mettre de soldats américains supplémentaires en Ukraine pour éviter de fâcher la Russie et d'augmenter la pression. Il faut dire que la Russie s'adresse aux États‑Unis dans cette crise. Ce n'est pas l'Ukraine, ce n'est pas l'OTAN en général, ce sont les États‑Unis qui sont visés par la Russie. Les États‑Unis font très bien, je crois, d'éviter d'y mettre des soldats américains. Par ailleurs, s'il y avait des soldats américains en Ukraine, cela augmenterait les pressions sur la Russie de façon considérable, plus que ce que le Canada pourrait faire.
(1635)
    Merci, monsieur Jolicoeur.
    J'ai une deuxième question à vous poser.

[Traduction]

    Selon vous, comment le Canada exploite‑t‑il ses forces, comparativement à l'ensemble de l'OTAN? Comment tirons-nous parti de nos forces et de notre expertise pour aborder l'enjeu du conflit?
    Je ne sais pas si on m'a entendu.
    Je n'entends pas M. Jolicoeur.

[Français]

     J'ai eu des problèmes de son.
    Je m'excuse encore une fois. Pouvez-vous répéter votre question?
    Bien sûr.

[Traduction]

    Constatons-nous que l'expertise et les capacités du Canada, en comparaison avec l'alliance de l'OTAN, sont exploitées de façon productive et utile dans le cadre de l'intervention de l'OTAN en Ukraine et dans la région?

[Français]

    Je vous remercie de votre question.
    Le Canada fait pratiquement tout ce qu'il peut étant donné ses capacités militaires. Le Canada a déjà des forces déployées à maints endroits dans le monde et il existe présentement un manque de personnel au sein des Forces armées canadiennes. Le Canada pourrait certainement contribuer un peu davantage, mais les capacités militaires canadiennes actuelles ont une limite, et je crois que le Canada atteindra bientôt cette limite en raison des déploiements actuels. Le Canada exploite comme il le peut ses ressources et fait ce qu'il peut pour soutenir l'Ukraine et les pays membres de l'OTAN.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    J'aimerais poser une dernière question.

[Traduction]

    En ce qui a trait à l'expansion territoriale et à l'intention de la Russie de déstabiliser la région, voyez-vous dans ce conflit — dans l'implication de la Russie en Ukraine — une tentative d'élargir le territoire [Difficultés techniques] en ce qui a trait à la déstabilisation dans la région?
    Ma question s'adresse encore une fois à M. Jolicoeur.

[Français]

    D'accord.
    Je vous remercie encore une fois de votre question.

[Traduction]

    Il vous reste environ 30 secondes.

[Français]

    Il s'agit selon moi d'une possibilité, mais, pour la Russie, le plus important est de déstabiliser l'Ukraine. La partie importante que la Russie voulait obtenir, c'est la Crimée, et elle l'a déjà pour l'instant. La communauté internationale a adopté des sanctions, mais ne fait aucun geste pour renverser la situation.
    Est-ce que la Russie veut étendre davantage son territoire? C'est une possibilité, mais, à mon avis, elle est mineure. Ce que veut absolument la Russie, c'est déstabiliser l'Ukraine pour éviter qu'elle se démocratise, pour éviter qu'elle devienne un pays membre de l'OTAN. Tant que le conflit est aux portes de l'Ukraine, cette dernière ne pourra pas se joindre à l'OTAN. En ce sens, la Russie atteint son objectif, à mon avis.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Zuberi et monsieur Jolicoeur.
    Voilà qui met fin à notre première heure de réunion. Au nom du Comité, je tiens à remercier M. Michalchyshyn et M. Jolicoeur pour ce début d'étude exceptionnel. La discussion a été très instructive.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance pendant une minute ou deux afin d'accueillir les prochains témoins.
(1640)

(1640)
    Nous reprenons les travaux.
    Je suis très heureux de voir M. Mulroney et M. Perry. La dernière fois que je les ai vus, ni l'un ni l'autre ne portait la barbe.
    Je vous invite à présenter chacun une déclaration préliminaire de cinq minutes. Avez-vous décidé lequel d'entre vous allait parler en premier?
    D'accord. Nous allons procéder par ordre alphabétique, alors.
    Monsieur Mulroney, vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité. Depuis que j'ai pris ma retraite il y a 10 ans, j'ai passé beaucoup de temps à réfléchir à deux questions émanant de ma vie professionnelle. La première est le défi associé à la gestion de notre relation avec la Chine, qui évolue constamment. La deuxième, qui est grandement liée à mon expérience de travail en Afghanistan, est la tendance de la fonction publique à se centrer beaucoup plus sur l'élaboration des politiques que sur leur prestation ou la façon d'obtenir des résultats. Il s'agit là d'un déficit de l'attention qui, trop souvent, donne lieu à un travail inachevé. À mon avis, ces deux questions sont pertinentes aux fins de l'étude que vous avez entreprise.
    Lorsque j'ai quitté Pékin, j'ai fait valoir que nous omettions de voir la Chine de façon globale comme un pays qui offrait de grandes possibilités, mais qui présentait aussi un ensemble de défis de plus en plus importants. Les choses n'ont pas changé, 10 ans plus tard, sauf que l'équilibre s'est renversé: les défis sont maintenant plus importants que les possibilités, et la Chine représente la plus importante menace pour notre pays à long terme.
    Je tiens à préciser que lorsque je fais référence à la Chine, je parle de la République populaire dirigée par le Parti communiste, et non au peuple chinois.
    Cette menace croissante est nourrie par la conviction, à Pékin, que la faiblesse et le déclin de l'Ouest donnent lieu à des possibilités sans précédent pour le leadership mondial de la Chine. Cette ambition est de nature collective et est partagée par les plus hauts membres du Parti communiste, mais aussi de nature personnelle pour le premier dirigeant de la Chine, Xi Jinping. Elle se nourrit d'un excès de confiance dangereux à l'égard des capacités de la Chine, et de certains doutes voulant que les turbulences économiques grandissantes, le déclin démographique et la résistance internationale de plus en plus importante empêchent la Chine d'atteindre l'hégémonie, à moins qu'elle n'agisse rapidement et avec détermination.
    Cette menace présente une dimension militaire, que je laisserai les spécialistes décrire. Bien qu'elle s'applique au Canada, cette dimension est plus importante pour nos amis et alliés de l'Asie de l'Est, pour la sécurité et la survie de leurs démocraties qui sont essentielles pour nous, d'autant plus que ces pays comptent de nombreux citoyens canadiens.
    Il faut donc investir sérieusement dans la capacité expéditionnaire des Forces canadiennes, qui est importante en soi, mais qui est aussi essentielle si nous souhaitons nous joindre à de nouvelles alliances et si nous voulons faire entendre notre voix dans les conversations significatives.
    En plus de faire face à la menace militaire, les Canadiens font face à l'agression de la République populaire de Chine ici, au pays. Par exemple, les membres de la diaspora chinoise sont victimes de harcèlement, tout comme les nombreux Tibétains, Ouïghours et adeptes du Falun Gong ciblés par le Parti communiste chinois au pays. La menace émane aussi d'un espionnage agressif, des efforts pour influer sur les médias et les divers ordres de gouvernement, et même des tentatives de restreindre notre autonomie: ce que nous pouvons et ne pouvons pas dire et faire en tant que nation. L'objectif de la Chine est de nous contraindre à une relation bilatérale qu'elle comprend bien, et qui signifie de devenir un État satellite docile et vassal.
    Pour relever ce défi sans précédent, il faut un leadership, une vision et une coordination d'un niveau rare au sein d'un gouvernement. Il faudra que les divers ministères et les Forces canadiennes comprennent certains objectifs communs, qui l'emporteront sur les objectifs organisationnels plus restreints. Il ne faut pas sous-estimer ce défi, qui nécessitera des changements au sein de la machine gouvernementale.
    Nous devons aussi aborder deux enjeux opérationnels fondamentaux, voire existentiels. En premier lieu, nous devons revitaliser et réparer la culture de leadership dans les forces armées et la fonction publique, et rétablir la conviction voulant que tout service public — et j'inclus ici les postes élus — prévoie une loyauté continue à l'égard du Canada et une obligation permanente de protéger les renseignements confidentiels obtenus dans le cadre du service à notre pays.
    En deuxième lieu, il faut retrouver ce que je décrirais comme étant une raison d'être nationale. La stratégie chinoise se veut psychologique: elle vise à intimider et à décourager les opposants, de sorte qu'ils se soumettent sans résister. La Chine utilise la violence et l'intimidation pour encourager la passivité et le défaitisme, ce qui entraîne un certain épuisement national chez la cible étrangère, un manque généralisé de volonté et une dérive vers une dépendance terminale.
(1645)
    Le meilleur antidote est la confiance en qui nous sommes et en ce que nous avons accompli, et la foi en notre histoire, en nos institutions et en notre peuple. Nous y avons eu recours à certains moments par le passé, et il ne nous a jamais trahis, mais cette ressource doit être entretenue et renouvelée par nos dirigeants et par nos grandes institutions. Nous ne pourrons pas lutter contre la menace de la Chine si nous avons perdu contact avec le Canada.
    Merci, monsieur Mulroney.
    Monsieur Perry, vous disposez de cinq minutes.
    Monsieur le président, membres du Comité, merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui de l'analyse des menaces affectant le Canada et de la préparation opérationnelle des Forces armées canadiennes à faire face à ces menaces.
    Dans le cadre de mon discours préliminaire, je vais me concentrer sur les changements dans l'analyse des menaces depuis la publication de la politique de défense du Canada Protection, Sécurité, Engagement en 2017, les récents changements concernant les opérations intérieures des Forces armées canadiennes, les lacunes de longue date dans les budgets d'entretien clés et leurs conséquences sur la préparation opérationnelle.
    Comme nous le voyons aujourd'hui avec le renforcement militaire russe à la frontière ukrainienne, le retour de la compétition entre grandes puissances, désignée dans notre politique de défense il y a cinq ans, n'a fait que s'amplifier. La Russie et la Chine continuent d'investir dans des programmes de modernisation militaire à grande échelle et emploient leurs forces armées modernisées de concert avec d'autres éléments de pouvoir étatique de manières qui menacent les intérêts canadiens. Ce comportement délibéré des grandes puissances antagonistes représente le contexte dans lequel se déroule le réinvestissement dans l'armée canadienne.
    Ce réinvestissement est nécessaire tant pour maintenir les engagements fondamentaux du Canada à l'égard de ses rôles nationaux, nord-américains et internationaux que pour améliorer notre capacité à dissuader tout comportement indésirable de la part des grandes puissances. En Amérique du Nord et dans la région indo-pacifique en particulier, une plus grande clarté sur nos objectifs et les ressources connexes est nécessaire pour assurer la sécurité continue du Canada et le libre accès au commerce mondial.
    En plus de ces pressions internationales, on a constaté une augmentation importante de l'utilisation de l'armée canadienne pour des opérations intérieures au cours des dernières années. Les changements climatiques et la pandémie actuelle ont mené à des déploiements plus fréquents partout au Canada, et cela pour des objectifs nouveaux et imprévus. Les opérations ont sans aucun doute offert un service inestimable au pays. Cependant, si nous prévoyons utiliser notre armée au pays selon la même échelle et à la même fréquence que ce que nous avons connu récemment, nous devrons réévaluer l'ensemble complet des missions que nous demandons que notre armée accomplisse et la façon dont nous mobilisons les ressources nécessaires.
    La planification de la défense présume que l'armée sera une force de dernier recours pour les opérations intérieures, mais cette présomption ne semble plus être valide. Si l'armée est devenue la force de choix pour offrir de l'assistance au pays, et si ces rôles sont priorisés, cela réduira inévitablement la préparation opérationnelle de l'armée en vue de s'engager dans d'autres missions et entraînera des conséquences sur l'entraînement, l'utilisation des équipements et le rythme opérationnel du personnel. Si ce type de réorientation en matière de défense est souhaité, cela se doit d'être fait de façon délibérée, en tenant en compte des compromis nécessaires en matière de ressources.
    Enfin, un élément clé de la préparation opérationnelle que le Comité souhaitera peut-être étudier est la disponibilité opérationnelle des parcs d'équipement des Forces armées canadiennes. La capacité de déployer des équipements pour des opérations dépend du régime d'entretien et de soutien qui garde nos navires, nos avions et nos véhicules en état de fonctionnement. Un élément clé de cet état de fonctionnement est la disponibilité des fonds et la capacité de les déployer dans ce que la Défense nationale appelle son compte d'approvisionnement national, un budget géré de façon centralisée qui finance une partie importante des opérations d'entretien de l'armée.
    Au cours de la dernière décennie, la Défense a dû composer avec deux lacunes distinctes en ce qui a trait à sa capacité de répondre aux besoins d'entretien de sa flotte. La première lacune est associée à la capacité du gouvernement de mettre en place des contrats d'entretien ainsi qu'à la capacité de l'industrie de réaliser les travaux. La deuxième lacune a trait à la disponibilité des fonds pour réaliser les travaux.
    Les manques cumulés en matière de financement et de capacité ont donné lieu à un entretien insuffisant des équipements pendant de nombreuses années. Au fil du temps, le sous-entretien de notre équipement en a réduit la disponibilité à des fins opérationnelles. Ce problème est exacerbé par le vieillissement de l'équipement. Étant donné l'âge avancé de certaines de nos flottes clés — nos frégates et nos avions de chasse en particulier —, ce déficit en matière d'entretien est de plus en plus important, ce qui limite la préparation opérationnelle de l'armée canadienne pour les prochaines années.
    En somme, plusieurs facteurs s'associent pour restreindre la préparation de l'armée canadienne: la nécessité de prendre des mesures supplémentaires pour défendre le Canada et l'Amérique du Nord avec nos alliés américains; un besoin impératif d'être plus engagé dans la région indo-pacifique; une augmentation importante du nombre d'opérations intérieures; les lacunes de longue date en matière d'entretien. Une réévaluation de ce que le Canada exige de son armée et des ressources requises pour le faire est de mise.
(1650)
    Merci, monsieur Perry.
    Sur ce, nous allons entreprendre notre première série de questions, de six minutes. Nous allons entendre, dans l'ordre, M. Motz, M. May, Mme Normandin et Mme Mathyssen.
    Monsieur Motz, vous disposez de six minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur Mulroney et monsieur Perry, pour vos témoignages, qui étaient très instructifs.
    Monsieur Mulroney, je vais commencer avec vous. Étant donné la déclaration que vous avez faite, croyez-vous que les politiques actuelles du gouvernement en matière d'affaires étrangères et de défense nationale sont déconnectées les unes des autres? Si oui, est‑ce que c'est un problème?
    Je dirais qu'elles sont déconnectées, mais qu'elles le sont depuis un bon moment, pour de nombreuses raisons.
    L'une d'entre elles, c'est l'incapacité, pour la fonction publique et le gouvernement, de penser de façon stratégique et de prendre les politiques étrangères au sérieux. Cette incapacité découle de notre avantage d'être le voisin des États-Unis, qui s'occupent des éléments qui sont visés par une politique étrangère: la prospérité, la défense et la sécurité. Nous n'avons jamais considéré nos politiques étrangères à titre d'outils pour défendre nos intérêts.
    L'autre, c'est le manque — et il s'agit ici de mon opinion et de mes observations personnelles — de direction civile à l'égard des Forces canadiennes. Nous avons donc perdu ce partenariat qui existait il y a 25 ou 30 ans.
    Il y a donc ces manquements, mais qui durent depuis longtemps. Ils contribuent à ce que j'appellerais une politique étrangère inadéquate au Canada.
    Monsieur Perry, voulez-vous ajouter quelque chose, rapidement, avant que je ne passe à la prochaine question?
    Je crois aussi qu'il y a une déconnexion entre le discours public et les ressources affectées aux divers éléments de notre politique internationale. En rapprochant les deux, on obtiendrait de meilleurs résultats pour les Canadiens.
    Monsieur Mulroney, à votre avis, le Canada entretient‑il de bonnes relations avec ses alliés? Il semble que nous ne soyons pas sur la même longueur d'onde que nos alliés du Groupe des cinq au sujet de Huawei, au sujet de la Chine, de la défense et de la coopération internationale.
    Qu'en pensez-vous?
    Nous sommes décalés, même par rapport au Groupe des cinq. Je crois que nous sommes perçus comme étant le quatrième membre le plus agressif du Groupe des cinq en ce qui a trait à la lutte contre l'interférence chinoise. La Nouvelle-Zélande ne fait pratiquement rien. Nous sommes en fin de peloton. C'est ce que l'on constate dans le cadre des rencontres, de par le nombre de fois où l'on fait référence au Canada lorsqu'on parle de nouvelles alliances et de nouveaux groupes multilatéraux qui sont formés.
    Cela s'explique de deux façons. La première, c'est que nous sommes perçus comme un peuple qui voit la politique étrangère à titre de mode de transmission. Elle transmet un message, mais elle n'écoute pas vraiment. C'est de la rhétorique, en grande partie. La deuxième, c'est que nous ne pouvons tout simplement pas être présents, puisque nous avons laissé notre capacité militaire s'amenuiser au fil du temps. De plus en plus, lorsque de nouvelles alliances et de nouveaux groupes multilatéraux se forment, les membres se soucient de ce qu'on peut leur apporter. Nous ne contribuons pas suffisamment.
(1655)
    Avant que mon temps de parole ne soit écoulé...
    Monsieur Motz, je suis désolé de vous interrompre, mais il semble y avoir un problème avec votre microphone, et que vous n'utilisiez pas la fonction audio de la conférence Zoom. Est‑ce bien cela le problème?
    Monsieur Motz, il semble que vous ayez sélectionné les haut-parleurs, et non votre microphone. Les interprètes ont du mal à vous entendre.
    Est‑ce que vous m'entendez mieux maintenant?
    Oui. Je vois des pouces levés dans la salle.
    Merci beaucoup. Je suis désolé pour cela.
    Monsieur Mulroney, avant que mon temps de parole ne soit écoulé, j'aimerais qu'on aborde la première partie de votre déclaration préliminaire, soit votre expérience en Chine.
    Le régime communiste au pays a évidemment fait du Canada l'une de ses cibles. Nous sommes ciblés pour des motifs d'interférence politique et économique. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Vous en avez parlé brièvement, mais pourriez-vous nous donner votre avis sur ce sujet précis, pour le temps qu'il me reste?
    La politique de la Chine sur le Canada contient principalement trois principes. Le premier est que nous sommes l'un des principaux alliés des États-Unis. Tout ce qu'elle peut dire pour affaiblir cette alliance et nous séparer lui est précieux. Le deuxième est que nous sommes une source de technologie. La Chine ne nous respecte pas toujours, mais elle nous respecte dans certains domaines, et elle travaille 24 heures sur 24 , sept jours sur sept pour s'emparer d'autant de cette technologie qu'elle le peut. Le troisième est que le Canada abrite des groupes d'intérêt pour la Chine, notamment la diaspora chinoise.
    Le dirigeant chinois, Xi Jinping, parle de la grande nation chinoise, et il s'exprime à l'échelle mondiale, ce qui amène la Chine à s'immiscer dans les communautés de la diaspora et à traiter ses membres comme des citoyens à double citoyenneté plutôt que comme des Canadiens. La Chine victimise les membres de la diaspora, mais aussi les Ouïghours, les Tibétains et les adeptes du Falun Gong.
    La Chine s'efforce de faire de nous des alliés moins fiables des États-Unis, d'accroître notre dépendance économique envers elle, de s'emparer de notre technologie et de faire de l'ingérence au niveau communautaire au Canada, tout cela dans le but de faire de nous un client plus fiable. Il suffit d'observer la rhétorique et la façon dont les ambassadeurs et diplomates chinois nous parlent, y compris aux parlementaires. J'ai suivi la situation au cours des 10 dernières années. Les décibels et la stridence augmentent. La Chine a l'impression qu'elle peut nous dire quoi faire.
    Je vais céder les 20 secondes qu'il me reste à un de mes collègues qui va prendre la parole afin qu'il pose une question.
    Peut-être pourrais‑je demander à M. Perry de s'exprimer sur la question avec le temps qu'il me reste, puisqu'il a été si concis dans sa réponse plus tôt.
    J'ai bien peur qu'il ne vous reste plus assez de temps, désolé.
    Nous allons maintenant passer à M. May pour six minutes.
    Je voudrais d'abord vérifier que les interprètes m'entendent bien. Je veux simplement m'en assurer.
    Votre son leur convient.
    Génial.
    J'aimerais remercier nos deux témoins d'être ici aujourd'hui. Je poserai mes questions à M. Perry.
    Selon vous, monsieur Perry, le Canada devrait‑il augmenter sa capacité à contrecarrer les cybermenaces?
    Oui. Il s'agit d'un domaine clé depuis un certain nombre d'années, car il a été reconnu que nous ne disposons pas de la capacité suffisante pour participer adéquatement à ce type de guerre moderne, mais, plus généralement, au domaine de l'habileté politique. Je sais que des efforts ont été déployés, surtout compte tenu du secteur de la technologie dans ce pays, qui devrait être un domaine d'intérêt et potentiellement d'une certaine force pour le Canada à l'avenir.
(1700)
    Quelles sont, selon vous, les plus grandes cybermenaces à venir?
    Je rattacherais la cybermenace à la menace générale des grandes puissances telles que la Chine et la Russie qui disposent d'un certain nombre d'éléments d'habileté politique. La cybernétique est l'un des éléments qu'elles utilisent de concert avec un nombre d'autres outils — renseignement, liens militaires et économiques conventionnels — mais elle sous-tend de plus en plus une grande partie ou la totalité de ces outils. Il est important de bien comprendre comment tout cela fonctionne, d'être en mesure de défendre nos propres réseaux et de prendre des mesures dites offensives, si les intérêts canadiens l'exigent.
    Voyez-vous des progrès avec le CST à ce stade?
    Des progrès considérables ont été réalisés dans ce domaine, et les Forces armées canadiennes y ont également contribué. Il y a encore beaucoup de capacité à développer cela.
    Je vais changer un peu de sujet. Vous avez parlé un peu des activités militaires au pays et de la demande d'appui de l'armée. Vous avez parlé des changements climatiques et, bien sûr, de la COVID au cours des deux dernières années.
    Vous avez un peu parlé de l'idée de couvrir les deux fronts, soit les enjeux intérieurs et les défis qui s'y rattachent, par rapport au sens plus traditionnel des forces. Avez-vous des suggestions? Avez-vous des recommandations que nous pourrions étudier sur la façon de gérer la situation à l'avenir?
    Ma principale recommandation serait de décider ou de suggérer quelle priorité les militaires canadiens devraient accorder à l'exécution de ces fonctions, ou de voir s'il pourrait y avoir d'autres organismes au sein du gouvernement fédéral ou d'autres niveaux ou types de soutien qui pourraient fournir une partie de l'aide que l'on demande de plus en plus aux militaires.
    L'armée s'est très bien acquittée de ces fonctions, mais cela a eu un coût sur la capacité à faire autre chose, qu'il s'agisse d'entraînement collectif, de préparation individuelle ou encore d'entretien des véhicules. Vous faites un compromis chaque fois que vous déployez quelqu'un pour accomplir ce type de tâche. Les militaires peuvent certes s'en acquitter de façon plutôt efficace, mais ils ne peuvent pas faire autre chose en même temps.
    Je me suis éloigné de l'hypothèse selon laquelle l'armée canadienne sera effectivement appelée en dernier, lorsque personne d'autre n'est disponible, et, au cours des dernières années, je pense que nous avons vu que cette hypothèse ne tient pas la route. Nous allons devoir soit réévaluer la totalité collective de ce que nous leur demandons de faire, soit examiner les répercussions individuelles sur les ressources de leur demander d'en faire plus au pays.
    Qu'on fait les autres pays à cet égard? Il est évident que les changements climatiques, tout particulièrement, sont un problème mondial. Les autres pays se sont-ils penchés sur cet enjeu, ou s'appuient-ils également sur leurs forces armées?
    Il existe divers modèles. Vous avez certainement vu, dans le contexte de la COVID, que nombre d'autres pays ont utilisé l'armée au niveau national. À titre d'observation générale, je dirais que les soutiens de ce type ont été fournis dans des domaines plus précis et ciblés. Certaines armées ont des forces dédiées à des domaines tels que celui du génie civil. C'est le cas d'une partie de l'armée américaine, par exemple.
    Notre avons davantage une approche générale de force polyvalente. Certaines des personnes que nous prévoyons potentiellement déployer en Europe de l'Est sont également appelées à fournir un soutien au niveau national. Elles peuvent le faire, mais si vous aidez à combattre un feu de forêt, ou si vous aidez des citoyens après une inondation, alors vous êtes moins en mesure de suivre le type de formation qui vous permet d'aller à l'étranger. C'est particulièrement vrai pour la capacité médicale militaire, qui est conçue uniquement pour être déployée et fournir un soutien médical à nos propres troupes. Nous mettons vraiment à rude épreuve cet aspect précis de nos forces armées.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste moins d'une minute.
    Parfait.
    J'ai une question très rapide sur l'approvisionnement. Vous avez parlé de la politique « Protection, Sécurité, Engagement ». En 30 secondes, je me demandais si vous pourriez nous parler de la stratégie nationale en matière de construction navale.
    En 30 secondes, je dirai que les choses progressent, mais à un rythme plus lent qu'anticipé. J'aimerais que les choses progressent plus rapidement dans la mesure du possible. Les navires que la stratégie est censée fournir seront essentiels. Tant que nous ne les aurons pas, nos options dans le Pacifique en particulier seront nettement plus limitées qu'elles le seront, du moins nous l'espérons, une fois ces navires arrivés.
(1705)
    Excellent. Je pense que mon temps est écoulé.
    À nouveau, j'aimerais remercier nos deux témoins d'être aujourd'hui parmi nous.

[Français]

     Madame Normandin, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les deux témoins de leur présentation. C'était particulièrement intéressant.
    J'aimerais commencer mon tour de questions par M. Mulroney.
    Monsieur Mulroney, vous avez parlé de certains problèmes de compréhension qu'on aurait eus dans le passé concernant la Chine. On voyait la Chine davantage comme une source de possibilités et on a peut-être négligé certains risques.
    Récemment, avec la crise en Ukraine, plusieurs personnes ont commenté l'état de la diplomatie dans le monde et les lacunes en la matière. Certains ont mentionné qu'on a vu un phénomène de portes tournantes. Il y a beaucoup de rotations de personnel. Il y a eu cinq ministres différents en six ans.
     J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus, ainsi que sur la demande de plusieurs qui veulent que soit revue en profondeur la politique étrangère du Canada. Il faudrait faire une étude complète et avoir un nouveau livre blanc.
    Est-ce que ce serait pertinent?

[Traduction]

    Pour comprendre la Chine, cela va même au‑delà de la diplomatie. Si vous lisez n'importe quel journal des dix dernières années, vous y trouverez un article élogieux sur une nouvelle technologie chinoise ou une application incroyable utilisée par les consommateurs chinois. Peut-être qu'ailleurs, dans la section politique, vous lirez un article sur l'agression chinoise ou sur ce que fait la Chine en matière d'ingérence dans une autre région du monde. Nous avons eu tendance à avoir une dualité d'approche face à la Chine.
    Lorsque j'étais ambassadeur et que je revenais à Ottawa, je tentais de réunir autant de sous-ministres que possible. Sinon, les sous-ministres de l'économie auraient vu la Chine comme un lieu de possibilités, alors que ceux de la sécurité et de la défense [difficultés techniques]. Les choses commencent à changer, bien que lentement. Je ne crois pas qu'il soit trop tard, mais c'est en train de se produire.

[Français]

    J'aimerais vous poser une autre question, et M. Perry pourra y répondre aussi s'il le désire.
    On connaît la Chine pour ses capacités d'espionnage. On sait qu'elle est très active dans ce domaine. Pourtant, on sait que des militaires chinois sont venus au Canada pour suivre des formations.
    Selon vous, était-ce une erreur de former des militaires chinois ici?

[Traduction]

    C'était une erreur, selon moi. Je soutiens depuis longtemps qu'il doit y avoir un certain niveau de communication entre les Forces armées canadiennes et l'Armée populaire de libération, ne serait‑ce que pour comprendre leur doctrine, leurs tactiques et leur façon de penser. On ne peut pas se séparer. Cela dit, il est arrivé un moment, et on avait manifestement dépassé ce moment, où l'agression de la Chine s'est intensifiée, et particulièrement après la prise en otage de Canadiens, et où d'autres formes de coopération étaient complètement inappropriées.
    Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'existe aucun mécanisme ou signal d'alarme à Ottawa dans quelque ministère que ce soit pour dire qu'il s'agit d'un problème lié à la Chine et qu'il faut y réfléchir avec soin. Cela ne se produit tout simplement pas.
    Vouliez-vous répondre à la question, monsieur Perry?
    J'aimerais en grande partie faire écho à ce que M. Mulroney a dit.
    En s'engageant de la sorte, ils acquièrent une meilleure compréhension de la situation, ce qui est fort utile, mais lorsqu'il s'agit de faire affaire avec ce pays et cette région du monde, il nous faut réfléchir au message que chacune de nos lignes d'action individuelles envoie dans le cadre de notre engagement plus large dans le monde.
    Nous devrions essayer d'être plus cohérents et harmonisés par rapport à ce que nous faisons et comment cela pourrait être perçu par d'autres comme un signe de bonne volonté tout en tentant d'adopter un message différent et plus dur sur un autre domaine d'intérêt. Cela dit, il est certain que l'engagement est positif lorsqu'il est fait de la bonne manière.

[Français]

     D'accord.
    Ma prochaine question s'adresse d'abord à M. Perry, et M. Mulroney pourra y répondre par la suite.
    Ma question touche la formation des militaires. On sait que des tactiques psychologiques sont de plus en plus utilisées à l'encontre des militaires et qu'on envoie des agents sur le terrain pour obtenir de l'information.
    Considérez-vous que les Forces armées canadiennes sont suffisamment formées actuellement sur le plan psychologique relativement à ce genre d'intervention plus récente? On ne fait plus de guerres de tranchées; on fait vraiment plus des joutes psychologiques par moments.

[Traduction]

    On parle de comprendre [difficultés techniques] les conflits qui ont des lignes moins claires en ce qui concerne le combat physique, qui impliquent nettement plus d'aspects liés au renseignement, à la cyberactivité, ainsi que les conflits plus doux... ce que l'on appelle les conflits « hybrides » ou de « zone grise ». Nous devons collectivement mieux comprendre les diverses manifestations de ces conflits — non seulement dans l'armée, mais aussi dans le service extérieur et dans d'autres secteurs du gouvernement — et ce doit aussi être le cas de l'ensemble du pays. Il serait particulièrement important pour les militaires de comprendre comment différents pays tentent d'utiliser la désinformation et quelles répercussions ce type de comportement pourrait avoir sur les membres de nos forces.
(1710)
    Je ne saurais être plus d'accord. En fait, je préconiserais la création d'une école sur la Chine pour les hauts fonctionnaires et pour les membres et les étoiles montantes des Forces armées canadiennes, avec un volet à long terme axé sur la langue et la culture et un volet à court terme pour diverses personnes, où nous ferions venir les meilleurs penseurs, auteurs et professeurs sur la Chine pour les mettre à niveau, car j'estime que les connaissances en la matière font grandement défaut à Ottawa — et partout au pays d'ailleurs.

[Français]

    Est-ce que ce commentaire pourrait aussi s'appliquer à d'autres fonctionnaires, monsieur Perry, notamment aux membres du corps diplomatique? Est-ce qu'il y a là des lacunes, à votre avis?

[Traduction]

    Oui, tout à fait. Il est important de garder à l'esprit que la Chine, la Russie et d'autres acteurs ne se mobilisent pas seulement de façon défensive. Ces pays se mobilisent dans divers domaines de l'économie et sur une base personnelle. Le gouvernement du Canada doit s'efforcer d'assurer adéquatement notre défense et notre sécurité. Ce serait une erreur de se concentrer uniquement sur nos soldats. Il nous faut un effort nettement plus global.
    Merci, madame Normandin.
    Allez‑y, je vous prie, madame Mathyssen. Vous disposez de six minutes.
    Monsieur Mulroney, vous avez beaucoup parlé du fait que la Chine exerce de la pression autant qu'elle le veut et cherche réellement à faire tomber d'autres pays dans le défaitisme, c'est‑à‑dire à les vaincre avant même qu'ils ne songent à tenter de contrer l'objectif chinois.
    Récemment, la Lithuanie a tenté de s'allier à Taïwan et s'est entièrement fait couper les vivres. Bien sûr, le Canada démontre son soutien à Taïwan de certaines façons, mais je ne crois pas que nous agissons sur tous les fronts possibles. Le NCSM Winnipeg, par exemple, traverse le détroit de Taïwan.
    Que montrent des actes de ce genre à la Chine? On a demandé un soutien accru à ceux qui tentent de fuir Taïwan, aux militants ainsi qu'aux Hongkongais. Quel type de réaction obtiendrait‑on si on exerçait davantage de pression sur la Chine? Pensez-vous que la Chine imposerait quelque chose d'aussi grave que ce qu'elle a imposé à la Lithuanie?
    Ma question s'adresse aux deux témoins, je vous prie.
    Voulez-vous répondre en premier, monsieur Mulroney?
    Tout d'abord, je dirais que la participation de la Marine canadienne dans ces opérations dans le détroit de Taïwan et dans cette région est formidable, car nous envoyons ainsi un message à la Chine, à savoir qu'il ne s'agit pas seulement d'un signe de rivalité avec les Américains. Nombre de pays sérieux sont préoccupés et prêts à être présents, et cela attire l'attention. Xi Jinping a ses détracteurs, et ils commencent à dire qu'ils voient de plus en plus de gens agir ainsi. J'ai eu le privilège d'être le chef de mission de facto à Taïwan avant de servir en Chine. C'est là que j'ai rencontré M. McKay pour la première fois. Il est souvent venu sur place avec des parlementaires canadiens, ce qui s'est avéré fort utile.
    Je demeure convaincu que nous n'utilisons pas toutes les politiques à notre disposition pour soutenir Taïwan et son dirigeant dynamique, Tsai Ing‑wen. Cela dit, même si nous faisons ce que nous avons le droit de faire et ce que nous pouvons faire, il existe de réelles lignes rouges. Certaines choses que nous pourrions faire, ou que d'autres pourraient faire, pourraient mettre Taïwan en danger, car la Chine pourrait devenir encore plus belliqueuse et pourrait même passer à l'attaque. Cependant, nous pourrions agir sur bien des fronts si nous nous décidions à soutenir cette démocratie bien vivante.
    En ce qui concerne la Lithuanie, on constate qu'elle n'a pas été entièrement mise à genoux par les sanctions de la Chine. Les citoyens chinois achètent et vendent souvent en fonction de ce qu'ils désirent acheter et de l'endroit où les prix sont les meilleurs. Nous nous laissons trop facilement intimider par cela. La Chine nous impose des sanctions sur le canola, nous répliquons sur le même front. Nous sommes prêts à déployer des efforts extraordinaires pour lutter contre les changements climatiques. Nous devrions aussi penser à notre autonomie et à notre souveraineté et à mettre un prix sur leur sauvegarde.
    Il faut d'abord être pleinement conscient de la réaction probable. Certains pays réagissent avec véhémence lorsque nous posons sciemment des gestes qui leur déplaisent, et nous devons accepter ce fait et prendre une décision délibérée selon laquelle nous passons à l'action et acceptons de potentiels inconvénients si la situation est dans notre intérêt.
    Par rapport à Taïwan et Hong Kong en particulier, le Canada devrait être plus clair et plus cohérent quant à sa catégorisation des voies d'eau internationales. Si nous croyons que des parties de l'espace aquatique de la région sont internationales et navigables, et que le Canada et tout autre pays y ont un droit de transit, nous ne devrions pas peser nos mots, mais plutôt indiquer que, malgré ce que la Chine prétend, elle ne détient pas les titres immobiliers de parcelles de l'océan. En agissant ainsi, nous contribuerons, en collaboration avec certains de nos alliés, à renforcer la navigation sécuritaire internationale pour les autres. Je crains que nous soyons parfois trop circonspects. Certains craignent de provoquer la Chine, mais, en adoptant une autre perspective, on pourrait dire que nous réaffirmerions simplement nos droits dans les voies maritimes ouvertes.
(1715)
    Monsieur Mulroney, vous avez parlé des politiques sur lesquelles le Canada pourrait intervenir sans pour autant aller trop loin. Pourriez-vous préciser votre pensée?
    Eh bien, une de ces politiques est évidemment le développement commercial et économique. Taïwan est un négociateur acharné, mais regorge de possibilités. Quand j'y étais, notre programme culturel était très vivant. Des artistes de partout au Canada venaient partager leurs perspectives canadiennes dans le cadre d'un programme robuste sur la coopération autochtone. Le nouveau gouvernement taïwanais reprenait conscience du fait que Taïwan abrite une culture autochtone dynamique qui avait été ignorée, et nous avons réuni des groupes du Canada et de Taïwan. Aussi, au niveau personnel, beaucoup de particuliers sont d'origine taïwainaise. Il y a toutes sortes de choses que nous devrions faire avec Taïwan, et que nous ferions si ce partenaire était considéré comme tout autre endroit. Le fait est que nous nous autocensurons, et c'est l'effet dont je parlais plus tôt. La Chine nous intimide à un point tel que nous faisons preuve de retenue bien avant d'atteindre les confins de l'acceptable.
    Merci, madame Mathyssen. Bien entendu, le père de la Taïwan moderne est un dénommé Mackay.
    Nous allons entamer notre deuxième série de questions avec MM. Paul-Hus et Gaheer qui disposent de cinq minutes chacun. Chers collègues, si nous faisons cette série en entier, nous terminerons à 17h42. J'espère que cela vous va. Je vois que vous réagissez par l'affirmative.
    Sur ce, monsieur Paul-Hus, bon retour au Comité.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs. Je suis heureux de faire partie du Comité permanent de la défense nationale.
    Monsieur Mulroney, je suis absolument d'accord sur ce que vous dites dans votre exposé au sujet de nos rapports actuels avec la Chine. De plus, nous comprenons très bien que le Canada a deux problèmes en ce domaine: l'un concerne les affaires étrangères et l'autre, la décrépitude des Forces armées canadiennes, qui manquent de personnel et d'équipement.
    Concernant l'équipement requis, j'aimerais aborder deux points. Je veux savoir ce que vous pensez des forces navales. J'ai bien aimé que M. Perry dise que la Chine n'était pas la propriétaire des mers.
    Les plans actuels des Forces canadiennes pour la conception de nouveaux navires sont-ils adéquats?
    Y a-t-il d'autres équipements, comme des sous-marins, par exemple, qui devraient être envisagés? Sommes-nous sur la bonne voie en matière d'équipement naval?
    Que pensez-vous des forces aériennes? La flotte de jets qui s'en vient est-elle la meilleure chose pour les forces aériennes?
    J'aimerais d'abord entendre M. Perry.

[Traduction]

    Je vais commencer par les aéronefs. J'espère que nous sommes rendus à la dernière étape du plus récent processus pour tenter d'acquérir de nouveaux avions de chasse. Nous avons maintenant deux options dont les capacités sont très différentes. Voyons voir ce que le processus donnera et ce que le gouvernement décidera de faire du nouvel équipement.
    Un élément que j'aimerais formuler, pour renchérir sur ce que M. Mulroney a énoncé, c'est que j'aimerais que nous soyons beaucoup plus présents dans cette région du monde de façon plus continue. C'est une région que nous avons tendance à visiter de façon épisodique. Je ne pense pas que nous avons passé suffisamment de temps dans la région pour apprendre comment bien y travailler et saisir ce qui s'y passe.
    Pour ce qui est de la Marine, les navires que nous concevons — nos nouveaux navires de combat de surface — seront très efficaces et adaptés à cette région du monde. Si nous en achetons 15, comme le plan actuel le prévoit, le Canada fera réellement sa part avec sa marine, dans une mesure inégalée par nombre de nos alliés. Nous pourrons être très enthousiastes lorsque nous recevrons les aéronefs. Ce qui me tracasse davantage, ce sont les délais de livraison.
    Par rapport aux sous-marins, il est important que le Canada conserve cette capacité. Ils sont essentiels aux forces navales modernes. C'est, entre autres, pour la région indopacifique, qui connaît une prolifération de sous-marins, qu'on exige maintenant de nous d'avoir un programme moderne de sous-marins.
    Je suis ravi de voir que nous examinons si nous allons conserver cette capacité. J'espère que ce projet ira de l'avant.
(1720)

[Français]

     Merci, monsieur Perry.
    Selon vous, monsieur Mulroney, quelle position le Canada devrait-il adopter par rapport à la Chine? Actuellement, il est clair que nous n'avons pas de pouvoir. Par contre, nous pouvons adopter une attitude ferme. Pouvons-nous adopter une attitude plus ferme tout en étant réalistes?
    Quelle serait la meilleure approche à adopter à l'égard du gouvernement communiste chinois?

[Traduction]

    Un élément évident est que nous devrions adopter une politique dont la première étape n'implique pas nécessairement la flatterie. J'ai écouté avec consternation les commentaires de représentants canadiens décrire l'intervention de la Chine au début de la pandémie et donner des coups d'encensoir au pays alors que nous n'avions même pas tous les faits devant nous et que bien des éléments de son intervention ne méritaient pas d'éloges. Lorsqu'il subsiste un doute, n'encensez pas l'autre partie et tenez-vous‑en aux faits. Limitez-vous à ce que vous savez. Lorsque nous sommes obséquieux envers la Chine, nous l'encourageons à être encore plus brusque et sèche à notre égard.
    La Chine ne représente plus un enjeu de politique étrangère. Elle est de plus en plus un enjeu de politique nationale et nous devrions faire — et c'est ce que je continue à préconiser — ce que l'Australie a fait: adopter une position très ferme sur son ingérence dans les affaires du Canada. L'Australie a créé un registre de personnes agissant au nom de la Chine. L'Australie permet qu'on agisse au nom de la Chine, ou au nom de tout autre pays, mais il faut être transparent à ce sujet, et des sanctions criminelles sont imposées si on ne l'est pas. Les personnes visées ici seraient celles qui lisent les arguments de la Chine ou qui se servent des associations étudiantes ou d'autres groupes pour harceler les Canadiens. Nous devons braquer les projecteurs sur ces comportements qui doivent entraîner des répercussions.
    Tout gouvernement a la responsabilité fondamentale de régler les enjeux nationaux et de veiller à la sécurité des Canadiens et des personnes au pays. Je crois que nous manquons à notre devoir.
    Il vous reste environ 30 secondes.

[Français]

    D'accord.
    Je vais vous poser une dernière question.
    Pensez-vous que le Canada a les capacités, par l'entremise de la Gendarmerie royale du Canada, d'assurer la surveillance du territoire canadien? La Défense nationale devrait-elle jouer un plus grand rôle?

[Traduction]

    Lorsqu'elle s'est prononcée sur la question récemment, la commissaire semblait plutôt passive, comme si on ne l'avait pas renseignée à ce sujet. Si nous n'avons pas la capacité, nous devrions la trouver, bon sang. En effet, une des responsabilités de la GRC est de garantir la sécurité des Canadiens et, si elle ne peut y veiller, nous devrions trouver les ressources qui en seront capables.
    Merci, monsieur Paul-Hus.
    Bienvenue au Comité, monsieur Gaheer. Vous disposez de cinq minutes.
    J'aimerais poser mes questions à M. Perry. Elles concernent la région indo-pacifique.
    Plus précisément, comment les Forces armées du Canada et leurs alliés dans la région indo-pacifique coopèrent-ils et mettent-ils leurs renseignements en commun présentement?
    Relativement au partage d'information, nous avons des liens avec certains des partenaires du Groupe des cinq, deux en particulier qui ont une présence permanente dans la région. En particulier, certaines des forces britanniques visitent la région à l'occasion, tout comme nous. Il s'agit là d'une relation à entretenir, mais nous avons aussi établi des relations avec certains autres partenaires de la région, comme le Japon et la Corée du Sud, que nous cherchons à élargir puisqu'elles pourraient être grandement affermies.
    Ce qui nous manque dans cette région du monde, mais que nous avons ailleurs en Europe, c'est un ensemble permanent, formalisé, régulier et institutionnalisé d'ententes auquel nous pouvons nous référer à tout coup chaque fois que nous élaborons un arrangement. L'absence d'un tel type de structure formelle accentue l'importance de passer plus de temps dans la région, c'est-à-dire de faire des déploiements plus fréquents, d'établir des relations, de mettre en place des mécanismes et de réellement essayer de les utiliser en temps de paix dans un contexte d'entraînement afin de pouvoir y avoir recours plus tard en cas de besoin critique.
    Vous avez mentionné des mécanismes. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ces mécanismes? Quelle forme prendraient-ils? Avec quels partenaires seraient-ils mis en place?
    Pour les ententes de coopération en défense, les arrangements sur les différents types de renseignement ou le soutien et le partage d'éléments de logistique, certains des partenaires les plus logiques seraient le Japon et la Corée du Sud.
    Nous pourrions tisser des liens plus serrés et concrets avec certains autres pays; je pense à Singapour, à la Malaisie et peut-être au Vietnam. Nous avons déjà de nombreux liens de la sorte avec l'Australie.
    Il vaudrait aussi la peine d'examiner ce que nous pourrions gagner en ayant un partenariat plus étroit avec les Français qui ont une présence et des actifs — plus que nous en tout cas — dans une autre partie de la région et aussi en ayant une meilleure stratégie intentionnelle à long terme pour déterminer ce qui est vraiment dans l'intérêt du Canada. Selon moi, il faudrait d'abord mieux comprendre ce qui se passe dans la région sur une base plus régulière, puis essayer d'établir des arrangements avec des pays aux vues similaires pour essayer d'appuyer ce que nous voulons accomplir.
(1725)
    Comment le Canada peut‑il continuer à réagir aux menaces émergentes en plus des menaces de ces autres nations de la région indo-pacifique?
    J'imagine qu'il y a deux façons d'aborder la situation. La première consiste à se demander ce que nous pourrons faire dans cinq ou dix ans, lorsque la modernisation qui est déjà enclenchée sera terminée et ouvrira la voie à de nouvelles options. Nous aurons des bâtiments de guerre et des avions de chasse plus modernes et dotés de plus de capacités ainsi que différents types d'équipement de surveillance.
    Malheureusement pour le Canada, à court terme, étant donné le stade où notre processus de réinvestissement et de mise à niveau se trouve, nous amorçons une période où nous serons probablement moins en mesure de réellement intervenir de façon viable. Nous avons pu faire une différence dans les 10 dernières années grâce à nos frégates qui sont de plus en plus vieilles. Certaines d'entre elles auront bientôt 30 ans et seront donc moins invariablement disponibles pour d'aussi longues distances.
    Toutefois, nous pourrions chercher des façons novatrices de déployer des gens sur place même si nous ne pouvons envoyer de navires, de faire des rotations lorsque c'est possible et d'envoyer plus de gens physiquement sur le terrain à autant d'endroits que nos ressources nous le permettent.
    C'est parfait. Merci.
    Je crois que mon temps vient de finir de s'écouler.
    En fait, il vous reste une minute et demie. Vous pourriez adresser cette dernière question à M. Mulroney, qui est non seulement le représentant à Taïwan, mais qui a été ambassadeur en Chine et qui a travaillé en Afghanistan. Je suis sûr qu'il a une opinion.
    Monsieur Mulroney.
    D'accord.
    Un vent de nostalgie m'a effleuré quand M. Perry a répondu à la question parce que je me souviens avoir vu le NCSMRegina, alors une de nos nouvelles frégates de patrouille canadiennes, faire son premier voyage vers Hong Kong. J'ai aussi organisé son programme en Malaisie avec la Marine royale malaisienne.
    À l'époque, notre discours était que ces nouveaux bâtiments allaient nous permettre d'être présents dans le Pacifique et en Asie du Sud-Est. Les Malaisiens étaient très impressionnés parce qu'ils aimaient cette technologie ainsi que l'approche canadienne; la situation leur donnait des liens à des systèmes non pas d'une superpuissance mais bien d'un partenaire aux vues similaires.
    Aussi, les Forces canadiennes et la Marine canadienne ont organisé un programme formidable, pas seulement pour la Marine royale malaisienne, mais aussi pour les organismes de bienfaisance malaisiens. En une semaine, elles nous ont obtenu plus de bonne volonté que ce que nous aurions pu gagner en six mois, mais nous n'avons pas fait de suivis.
    Notre histoire regorge d'objectifs canadiens. Je pense que l'expression « Le Canada est de retour » est presque devenue un jeu de consommation d'alcool dans certaines parties du monde. Combien de fois les Canadiens déclameront-ils cette expression...
     Par-dessus tout, nous devons maintenir notre engagement à renforcer notre capacité à long terme. Ottawa a vu une panoplie de stratégies sud-asiatiques, américaines et africaines. Quand l'une d'entre elles dure un an, nous pouvons nous compter chanceux.
    Le fait de maintenir notre engagement et de se renseigner...
    D'accord.
    J'aime bien l'idée du jeu de consommation d'alcool.
    Madame Normandin, vous avez deux minutes et demie.
    Veuillez commencer.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre la réflexion sur les questions posées à M. Perry par mon collègue M. Paul‑Hus, particulièrement en ce qui a trait aux chasseurs.
    Un des enjeux dont on a entendu parler, c'est que le choix de Lockheed Martin donne à penser que les dés sont pipés, ce qui entraînera une perte de propriété intellectuelle. En effet, le modèle choisi suppose moins de capacité d'adaptation technologique et le fait qu'une bonne partie de l'entretien se fera aux États‑Unis.
    J'aimerais avoir un commentaire général sur l'importance que les Forces armées canadiennes contrôlent la technologie afin de pouvoir l'adapter à leurs besoins.

[Traduction]

    L'enjeu fondamental est que nous achetons un avion qui est en réalité un ensemble d'ailes et de moteur à réaction enveloppant un superordinateur doté de missiles et pouvant faire d'autres choses. Ce sont le logiciel et la puissance informatique, soit la capacité de réunir de l'information, qui feront de l'aéronef que nous pourrions acheter — parmi les deux choix que nous avons — un appareil efficace.
    En fonction de l'avion de chasse choisi, la façon de gérer ces paramètres sera très différente. Si nous optons pour le F‑35, nous ferons partie d'un consortium duquel nous sommes membres depuis près de deux décennies et au sein duquel le programme qui gère le groupe gérera les données et la propriété intellectuelle. Le Canada aura accès à l'information pour orienter une grande partie du travail qui sera surtout effectué aux États-Unis, mais avec les autres membres de ce programme.
    Si nous arrêtons notre choix sur le Gripen, il est suggéré de transférer toute cette information au Canada, ce qui donnerait au Canada un contrôle souverain, comme il l'a été proposé, sur la gestion. Il incomberait davantage au Canada de faire l'entretien, et nous aurions une plus grande possibilité de le faire. Je ne pense pas que nous aurions la même facilité d'accès aux réalités de nos autres alliés clés que si nous choisissions le F‑35.
    Selon l'aéronef choisi, les scénarios potentiels seront très différents.
(1730)

[Français]

     Devrait-on donner la priorité à la possibilité d'obtenir la propriété intellectuelle et les capacités d'adaptation à l'interne en fonction de nos besoins?

[Traduction]

    Cette exigence nécessiterait un compromis parce que nous aurions besoin de la capacité d'en faire la gestion de façon continue. Il faudrait soupeser ce facteur et le comparer à l'accès potentiel que l'autre programme pourrait nous offrir. Je ne pense pas que la réponse est simple ou qu'il y a une solution tranchée.
    Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez la parole pendant deux minutes et demie.
    J'aimerais reprendre la discussion concernant la dotation des membres des forces armées en première ligne.
    Monsieur Perry, vous avez parlé de l'attention accrue ou des exigences auxquelles nous faisons maintenant face au niveau national. Bien entendu, les pressions liées à ces facteurs ne feront qu'augmenter à mesure que nous subissons des changements climatiques beaucoup plus importants et que nous gérons la continuation éventuelle de la pandémie de COVID, en raison de notre manque de volonté de contribuer à la lutte mondiale, tel que je la perçois.
    Quelle est la réponse à cela? Que recommanderiez-vous pour accroître le recrutement des effectifs des Forces armées canadiennes et leur maintien en poste, et pour aider à résoudre la crise interne que nous connaissons?
    Il y a deux ou trois façons de voir les choses. Si nous parlons de conserver le même ensemble de règles sans accroître la taille de la force, nous devrons faire des compromis, car nous serons moins en mesure d'assurer d'autres fonctions.
    D'une part, en ce qui concerne le personnel, si nous voulons que les gens passent plus de temps à accomplir ce genre de travail, nous devrions peut-être envisager de leur faire suivre une formation particulière et spécialisée, au lieu de leur faire assumer certaines de ces fonctions comme des genres de fonctions ostensiblement non planifiées mais régulièrement anticipées, ce qui semble être en quelque sorte ce que [difficultés techniques].
    D'autre part, si vous recrutez des gens et leur donnez l'impression qu'ils vont exercer un certain nombre d'activités, comme être déployés en Lettonie ou en Irak, alors qu'ils passeront beaucoup plus de temps au pays à combattre des incendies ou à répondre à des inondations, vous devrez vous assurer qu'ils comprennent ce qui va réellement se passer. Ce qui serait nuisible, ce serait que les attentes des gens quand ils s'enrôlent dans l'armée ne coïncident pas avec ce que nous les enverrons faire dans la vraie vie.
    Fort bien. Merci.

[Français]

    Madame Gallant, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

     M. Mulroney a affirmé qu'il était nécessaire d'accroître les forces expéditionnaires, alors que M. Perry soutient que nous devons décider si nous voulons que l'armée soit une force d'intervention nationale ou une force cinétique défensive.
    Le Canada devrait-il envisager de conserver ses forces armées entraînées à l'utilisation d'armes, pour combattre les agressions militaires à l'étranger, ce qui nous permettrait de maintenir nos opérations et nos accords de défense collective, mais aussi de mettre sur pied une garde nationale pour renforcer la capacité des premiers intervenants civils et des agents de première ligne, ainsi qu'un corps d'ingénieurs pour surveiller l'état des infrastructures matérielles essentielles que sont les digues et les brise-lames et pour pouvoir déployer rapidement ces effectifs en cas de catastrophe majeure?
    J'adresse cette question à nos deux témoins.
     Il y a beaucoup d'avantages à examiner attentivement ce type de modèle. Il nécessiterait évidemment des ressources, des effectifs et des formations spécialisées supplémentaires. Toutefois, nous devons toujours mettre l'accent sur le type d'état de guerre opérationnel que vous avez décrit. Nous ne nous tournerons jamais vers d'autres fonctionnaires pour mener des déploiements à l'étranger et des missions de ce genre, mais l'armée canadienne est devenue de facto la seule source fédérale de main-d'œuvre facilement déployable pour accomplir un grand nombre de tâches différentes. L'armée canadienne est également dotée d'une structure de commandement et de contrôle, d'une mobilité et d'un tas d'autres qualités.
    Certains des travaux que nous leur demandons d'exécuter à l'échelle nationale pourraient être réalisés par certaines entreprises de construction, par exemple, dans le cadre d'une offre à commandes. Nous avons constaté que la Croix-Rouge avait été utilisée pour assurer une partie de la réponse à la pandémie. Je ne suis pas convaincu que nous ayons nécessairement besoin de l'armée en particulier pour nous occuper d'autres aspects de la réponse à la pandémie. D'autres dispositions pourraient être prises pour permettre aux militaires de se concentrer sur les autres tâches que nous ne pouvons confier à personne d'autre.
(1735)
    En ce qui concerne ces autres tâches, je dirais qu'elles ne sont pas purement altruistes. Si Taïwan tombait aux mains de la Chine, l'état de la sécurité en Asie de l'Est changerait du jour au lendemain. Les États‑Unis devraient se retirer, et nous pourrions voir le Japon se munir de l'arme nucléaire. Les répercussions de cet événement seraient ressenties au Canada.
    Je rappelle également au Comité que la Chine a des idées très précises concernant le rôle qu'elle joue tant dans l'Antarctique que dans l'Arctique. Nous devons réfléchir à cet enjeu, et cela nécessite une certaine capacité. Nous ne sommes pas forcés de faire tout le travail, mais si nous nous abstenons complètement de participer à cet effort, nous n'aurons pas notre mot à dire sur la façon dont le travail sera fait.
    Cela m'amène à ma deuxième question.
    Si la Chine prenait le contrôle de Taïwan, comment l'analyse des menaces qui pèsent sur le Canada changerait-elle? Compte tenu de notre flotte de sous-marins — qui, selon moi, n'a pas grandi depuis la dernière fois que vous avez tous deux témoigné devant nous —, dans quelle mesure sommes-nous prêts à intervenir dans l'Arctique?
    Dans le scénario relatif à Taïwan, il y aurait d'abord une réaction mondiale qui paralyserait l'économie de la planète. La Chine agirait ainsi si elle sentait qu'elle court le risque de perdre Taïwan, et cela provoquerait un immense chaos économique.
    De plus, la Chine pense en fonction des chaînes d'îles. Elle pousserait donc la marine américaine à quitter le Pacifique occidental pour le Pacifique central. Il serait alors beaucoup plus difficile d'exercer une influence et de faire des affaires dans une partie du monde qui compte beaucoup pour nous. Comme je l'ai dit au début, cette région compte des dizaines de milliers de Canadiens... On parle de quelques centaines de milliers de personnes à Hong Kong. Les implications pour nous sont importantes.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Perry.
    Pour ce qui est de l'Arctique, au cours des quinze dernières années, ou un peu plus, nous avons observé des améliorations progressives de notre capacité à opérer dans l'Arctique. Il est certain que notre nouveau navire de patrouille extracôtier et de l'Arctique, qui a traversé la région cet été, nous donne la capacité d'être plus souvent présents là‑bas.
    Nous devons absolument faire avancer une série d'autres initiatives qui sont en suspens depuis un certain temps, comme l'acquisition d'un nouveau brise-glace pour nous permettre d'être présents là‑bas à longueur d'année et d'exercer une meilleure surveillance.
    Dans le contexte de l'examen des menaces posées par la Russie et la Chine, il est désormais important de moderniser la défense du continent, en collaboration avec les États‑Unis, y compris la modernisation de NORAD, mais sans s'y limiter. Une partie de cette modernisation consisterait à renouveler notre flotte de sous-marins, qui est sur le point d'atteindre la fin de sa vie utile. À moins que nous ne mettions réellement en oeuvre un nouveau projet, je crains que nous n'obtenions pas de nouveaux sous-marins avant de devoir malheureusement mettre hors service ceux que nous possédons actuellement. Pour défendre nos trois océans contre les menaces navales modernes, nous devons posséder de nouveaux sous-marins.
    J'aimerais intervenir à la fin de cette série de questions afin de formuler une observation au sujet de l'Arctique.
     En ce qui concerne mon commentaire à propos de l'utilisation préalable de la flatterie, je me souviens d'une réunion du Conseil de l'Arctique qui a eu lieu il y a quelques années et au cours de laquelle le ministre canadien présent a dit aux Chinois qu'il accueillait chaleureusement leur intérêt à l'égard de l'Arctique et leur présence là‑bas. Nous n'avions pas besoin de dire cela. Il ne serait pas nécessairement impoli de ne rien dire et de réfléchir. En accueillant la Chine, nous signalons une intention canadienne qui est, à mon avis, différente de celle qui est dans notre intérêt.
    Monsieur Fisher, vous avez la parole pendant les cinq dernières minutes des séries de questions.
    Si vous épuisez toutes vos questions, sachez que la présidence a aussi des questions à poser.
    Je n'avais pas vraiment conscience d'être le dernier à poser des questions, mais je suis heureux d'avoir cette occasion.
    Je tiens tout d'abord à saluer M. Perry. C'est un plaisir de vous voir, monsieur, après un long moment. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est formidable d'être de nouveau membre du Comité.
    Monsieur Mulroney, je vous remercie infiniment de votre témoignage.
    J'ai passé beaucoup de temps à assister à des réunions de l'OTAN en tant que membre de l'exécutif de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Chaque fois que je participais à ces réunions, tous ceux à qui je parlais ou tous ceux qui prenaient la parole devant l'assemblée des représentants de l'OTAN — ou plutôt des représentants d'un pays de l'OTAN — mentionnaient le rôle du Canada au sein de l'OTAN et la façon dont nous faisions plus que notre part.
    Nous avons parlé aujourd'hui du Groupe des cinq et de toutes sortes de choses. Comment l'OTAN et la contribution du Canada à cette organisation font-elles progresser les intérêts de notre pays en matière de défense et de politique étrangère?
    Je vais donner la parole à M. Perry, mais, monsieur Mulroney, j'aimerais bien entendre aussi votre point de vue.
(1740)
     L'OTAN a été et demeure l'une des pierres angulaires de notre politique internationale. Nous apportons bon nombre de contributions précieuses à l'organisation.
    Pour reprendre quelques-unes des conversations précédentes, je crains que nous n'ayons mis trop d'œufs dans ce panier particulier. Nous affectons beaucoup de personnel à l'organisation, nous occupons de nombreux postes au sein de celle‑ci, et nous y organisons des réunions régulièrement, mais il y a d'autres endroits dans le monde où le Canada a des intérêts. Je considérerais en particulier la région indopacifique comme une zone dans laquelle j'aimerais voir le Canada investir régulièrement et de manière soutenue des ressources humaines et du temps, et y assurer une présence comme nous le faisons en Europe. Il ne s'agit pas de minimiser les avantages que nous retirons de l'OTAN, car ils sont très précieux pour la défense et la sécurité du Canada, mais je pense qu'il serait bénéfique pour le pays de rechercher ce niveau d'engagement et de participation ailleurs.
    Je suis entièrement d'accord avec vous. Si nous devions en arriver à ce que j'appellerais une véritable politique étrangère, nous serions d'accord pour dire que nous devrons prendre des décisions difficiles. Lorsque nous songeons aux plus grandes sources de risque pour notre souveraineté et notre sécurité nationale, je pense que nous constatons que ces risques proviennent maintenant du Pacifique. Par conséquent, soit nous dépensons davantage, soit nous prenons des décisions difficiles en vue de réaffecter nos ressources. Il en va de même, en fait, pour nos ressources diplomatiques.
    Comment notre rôle au sein de l'OTAN est‑il susceptible d'évoluer alors que nous poursuivons notre engagement en Europe en assurant une présence avancée renforcée en Europe de l'Est?
    L'Europe n'est pas mon domaine de compétence. Je me concentre sur l'Asie, mais je pense que notre rôle devient plus virtuel que réel. À mon avis, ce que nous devons faire — et j'envisage cela davantage d'un point de vue canadien —, c'est réorienter de façon continue nos ressources, y compris notre marine, vers le Pacifique, en reconnaissant qu'il y a beaucoup d'acteurs en Europe, dont l'Allemagne, qui devraient faire le gros du travail au sein de l'OTAN pour gérer les crises en Europe, mais qu'il n'y a pas autant d'acteurs dans le Pacifique, bien que je pense que nous avons récemment accueilli la présence de la Royal Navy, de la marine française [difficultés techniques]. Ce virage vers le Pacifique dont nous parlons est un enjeu dont nous discutons depuis environ 30 ans. Nous devons sérieusement commencer à entamer ce virage.
    Ce que nous pourrions envisager à l'avenir, c'est un type d'engagement plus équilibré. Si l'on prend le cas de l'Ukraine, nous mettons beaucoup l'accent, à juste titre, sur les chars d'assaut et l'artillerie russes. Nous devrions chercher à mettre presque autant l'accent sur ce que l'OTAN, en tant qu'alliance collective, et ses adversaires font dans le domaine de la cybernétique, sur ce qu'ils font du point de vue du renseignement, de la participation économique, des liens économiques et de certaines de ces autres activités qui sont tout aussi importantes pour assurer la sécurité de tous les membres de l'OTAN que de prêter attention aux chars d'assaut et à l'artillerie.
    Monsieur le président, c'est tout ce que j'ai à dire. Je ne suis pas sûr qu'il reste du temps, mais si un autre député libéral veut aborder un autre sujet...
    Eh bien, le député libéral que je suis va exercer la prérogative de la présidence et adresser la question suivante à M. Mulroney.
    Monsieur Mulroney, vous avez eu une carrière exceptionnelle à Taïwan, en Chine et en Afghanistan. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que vous êtes maintenant directeur du St. Michael's College, un collège exceptionnel associé à une université exceptionnelle, à savoir l'Université de Toronto.
    Je prends à cœur vos observations à propos de la façon dont le gouvernement chinois active, si vous voulez, le vol de la propriété intellectuelle. J'aimerais entendre vos commentaires sur la façon dont ces vols deviennent une menace non pas pour votre établissement en particulier, mais plutôt pour notre sécurité à tous.
    Pour vous faire part des dernières nouvelles, je précise que je ne suis plus au service du St. Michael's College, et je peux seulement dire que mon passage dans le secteur universitaire a accru mon respect pour les gouvernements, en tant qu'institutions organisées.
    Nous constatons, dans le cadre de l'activation des capacités d'espionnage de la Chine, à quel point ces capacités sont multidimensionnelles, et comment la Chine utilise des méthodes traditionnelles, la cybernétique, l'infiltration et ce que l'on appelle l'emprise sur les élites — c'est‑à‑dire le fait de nommer des gens à des postes dans des conseils d'administration chinois, de leur accorder des contrats, de donner à leurs enfants des bourses d'études, de leur offrir des voyages gratuits afin de favoriser la promotion de ses vues — pour commencer à façonner le débat canadien. Cette méthode devient beaucoup plus élaborée au fil du temps. La Chine utilise également les médias ethniques et les médias de langue chinoise, par l'intermédiaire de leur influence sur les annonceurs, pour façonner le message diffusé au Canada.
    C'est à la fois de l'espionnage et de l'ingérence, et nous remarquons que ces activités sont exercées avec une fréquence jamais observée auparavant . Hier, le directeur du FBI a déclaré qu'une nouvelle enquête sur la Chine était entamée toutes les 12 heures. Je ne pense pas qu'au Canada, nous soyons aussi accaparés par ces enquêtes que les Américains le sont, mais ces enquêtes nous occupent tout de même. Nous avons du mal à saisir toute la portée de ces activités, mais elles ont lieu. Ces efforts prennent de l'ampleur, et la situation est grave.
    Ce qui m'inquiète le plus, c'est la mesure dans laquelle la Chine victimise des Canadiens innocents. J'ai parlé à des Ouïghours qui ont été dans l'impossibilité de communiquer avec 30 membres de leur famille depuis cinq ou six ans, et qui ne peuvent même pas parler à leur propre mère. La douleur que la Chine inflige à des personnes partout au Canada est choquante, et la Chine devrait en avoir honte.
(1745)
    Cela dit, au nom du Comité, je tiens à remercier M. Perry et Son Excellence David Mulroney. Vous avez tous deux apporté une contribution exceptionnelle aux délibérations du Comité. Monsieur Mulroney, il est intéressant de noter qu'au cours de notre prochaine réunion, c'est‑à‑dire lundi, nous aborderons précisément le sujet auquel vous venez de faire allusion.
    Chers collègues, nous allons mettre fin à la séance, et nous reprendrons nos travaux lundi. Le mercredi suivant, nous recevrons la ministre, le CEMD et diverses autres personnes. C'est à suivre.
    Merci. La séance est levée.
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