Nous entamons la séance no 44. Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Notre président est mobilisé par une mission parlementaire qui se déroule dans un climat plus ensoleillé que le nôtre. Nous poursuivons notre étude sur la sécurité dans l’Arctique, que nous avons commencée le 6 octobre en vertu d'une motion aux termes du paragraphe 108(2) du Règlement.
Nous accueillons Jody Thomas, ancienne sous-ministre de la Défense nationale qui connaît bien le Comité. Elle est maintenant conseillère en matière de sécurité nationale et de renseignement auprès du . Elle est accompagnée de Jordan Zed, conseiller intérimaire à la Politique étrangère et de la défense auprès du premier ministre, et de Mike MacDonald, secrétaire adjoint du Cabinet, Sécurité et renseignement.
Bienvenue à tous.
Madame Thomas, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire. Vous avez cinq minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d’être de retour au comité de la défense nationale.
Je suis Jody Thomas, conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du . À ce titre, je fournis des conseils et de l’information au premier ministre sur des questions liées aux affaires étrangères, à la défense, à la sécurité et au renseignement. Il s’agit entre autres de données sur la situation et d’avis sur une série d’enjeux tant stratégiques qu’opérationnels.
Je travaille avec des fonctionnaires de l’ensemble du gouvernement pour coordonner et faire progresser un large éventail d’activités liées à ces sujets. Un grand nombre des dossiers que je traite concernent l’Arctique, et les décisions relatives à une région aussi dynamique peuvent avoir de graves répercussions sur la politique intérieure et la politique étrangère.
Je tiens à remercier le Comité de m’avoir donné l’occasion de contribuer à cette importante étude sur la sécurité de l’Arctique, qui arrive à un moment névralgique.
[Français]
Comme vous le savez, l'Arctique compose plus de 40 % du territoire du Canada et plus de 75 % du littoral national. C'est un environnement complexe et difficile, caractérisé par un climat rude, une population clairsemée, des infrastructures physiques et numériques limitées ainsi que des coûts d'exploitation élevés. L'Arctique est au cœur de l'identité et de la souveraineté du Canada.
C'est aussi un endroit qui revêt un grand intérêt pour les alliés et pour les adversaires. Les changements climatiques rapides et durables rendent la région plus accessible à la navigation. Les nouvelles technologies commerciales et militaires relient le Nord au reste du monde et réduisent l'isolement géopolitique que la région a longtemps connu. Cette évolution est, bien sûr, lourde de conséquences pour l'avenir de l'Arctique.
[Traduction]
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a mis fin à presque toute coopération occidentale avec le plus grand État arctique. L’important travail qu’effectue le Conseil de l’Arctique s’en trouve compliqué. La Russie préside le Conseil jusqu’au printemps 2023, date à laquelle la présidence passera à la Norvège. Compte tenu de l’adhésion prochaine de la Finlande et de la Suède, sept des huit États arctiques seront des alliés de l’OTAN.
Le Canada et les États arctiques aux vues similaires continuent de promouvoir une « vision à faible tension » pour la région, mais cette vision se complexifie de plus en plus sous l’effet des frictions géopolitiques actuelles, de la concurrence stratégique et du nombre toujours croissant d’États, à la fois amis et adversaires, qui cherchent à accéder à l’Arctique et à exercer leur influence. Bien que le Canada continue à ne voir aucune menace immédiate d’attaque militaire dans l’Arctique canadien, la région arctique est généralement considérée par le Canada et ses alliés comme un théâtre de concurrence et d’instabilité potentielle si elle n’est pas gérée de près par le Canada et les États arctiques d’optique commune.
L’évolution rapide du contexte stratégique souligne l’importance d’avoir des cadres de sécurité efficaces, des alliances solides et des modes de dissuasion crédibles. Les changements climatiques demeurent la menace la plus importante et la plus visible pour l’Arctique et ses habitants. Le réchauffement enregistré y est quatre fois supérieur à la moyenne mondiale, entraînant la fonte de la glace de mer, l’érosion rapide des côtes, l’augmentation des précipitations, la dégradation du pergélisol, l’effritement des infrastructures et la migration des espèces envahissantes. Les changements environnementaux ont de lourds effets sur la santé et le bien-être des habitants du Nord, sur les modes de vie traditionnels et sur les infrastructures du Nord, dont les installations de défense essentielles.
Les États adverses sont de plus en plus actifs dans la région. Ils construisent des équipements militaires adaptés à l’Arctique dans le but de s’assurer le contrôle des actifs et des ressources stratégiques. Ils cherchent par ailleurs à réaliser des investissements économiques, qui pourraient être mis à profit pour obtenir un effet coercitif.
L’Arctique demeure une région d’importance stratégique pour la défense continentale, car le Nord continue d’offrir une voie d’accès ou d’attaque potentielle. Les avancées technologiques rapides, notamment à l’égard des missiles de croisière et de la technologie hypersonique, et la montée de la concurrence dans de nouveaux domaines tels que l’espace, les technologies émergentes et le cyberespace, ont une incidence sur la manière dont les États font valoir leurs intérêts. Aussi, ces changements renforcent leur capacité à projeter une force militaire dans l’Arctique et à mettre en danger l’Amérique du Nord.
À mesure que la navigation maritime continuera de se développer dans les prochaines années et décennies, le Canada devra se préparer à répondre aux demandes croissantes en matière de capacités et d’infrastructures nationales. Il s’agit entre autres: d’épauler les autorités civiles en réponse à des situations d’urgence nationales; d’assurer la sécurité de la navigation, y compris celle des infrastructures portuaires; de maintenir une connaissance de l’environnement arctique dans tous les domaines; d’appliquer les lois et règlements canadiens dans l’ensemble de la région; d’être prêt à répondre à des opérations de recherche et de sauvetage plus fréquentes.
Compte tenu des attaques actuelles de certaines nations contre l’ordre international fondé sur des règles, le Canada et les États arctiques aux vues similaires devront collaborer étroitement pour veiller à ce que les tensions dans l’Arctique soient gérées de manière responsable. La collaboration et la coopération circumpolaires entre les États arctiques seront essentielles à la réalisation d’un tel partenariat. La démarche du Canada continuera de mettre l’accent sur la nécessité de réduire et de gérer les tensions dans l’Arctique, d’abord et avant tout, en travaillant étroitement, collectivement et bilatéralement avec des partenaires arctiques aux vues similaires.
[Français]
Les États‑Unis demeurent le principal partenaire du Canada dans l'Arctique. Cette relation solide, soulignée par le NORAD, continuera d'être vitale pour la défense de l'Arctique nord-américain. Le Cadre stratégique pour l'Arctique et le Nord du Canada s'harmonise également bien avec l'approche des États‑Unis à l'égard de la région.
[Traduction]
En tant que deuxième État arctique le plus grand, le Canada se doit d’être un chef de file sur les questions arctiques. Il est essentiel que le pays continue de se préparer à une augmentation de l’activité internationale dans la région, afin de défendre la souveraineté de l’Arctique et d’assurer la sécurité des habitants de l’Arctique canadien. C’est là un élément clé pour garantir notre souveraineté et notre capacité continue à respecter nos engagements pour la défense du continent.
En outre, le renforcement de la posture de défense et de sécurité du pays dans l’Arctique permettra au Canada d’être reconnu par les États-Unis et les autres alliés comme assumant ses responsabilités au chapitre de la sécurité et de la défense, ce qui constitue un volet important de notre crédibilité stratégique.
Merci, monsieur le président, de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à ce comité. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Je vous remercie de cette question.
Comme vous le savez sans doute, le Centre de la sécurité des télécommunications est un joyau de la Couronne canadienne pour ce qui est de la protection de nos réseaux cybernétiques contre les interférences, l’influence et les perturbations que peuvent causer les auteurs de menaces étrangers.
Notre société doit commencer par jeter un autre regard sur la mésinformation et sur la façon dont elle est utilisée pour influencer la population. La liberté d’expression est, bien sûr, un droit, mais face à de la désinformation flagrante — qui correspond au fait de faire délibérément circuler une information fausse, par opposition à de la mésinformation, qui est la propagation involontaire d'une information non avérée —, il faut réagir et y mettre fin. La difficulté vient des plateformes de médias sociaux, mais nous suivons ces questions de près.
Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, monsieur MacDonald.
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C’est une question très importante.
Nous collaborons constamment avec nos alliés du Groupe des cinq pour échanger des renseignements sur les menaces étrangères et l’ingérence étrangère.
Le G7 s’intéresse à ces phénomènes. Il y a, au sein d'Affaires mondiales Canada, un groupe appelé Mécanisme de réponse rapide du Canada qui examine l’ingérence d’autres pays sur le plan de la désinformation. Je le trouve essentiel. Le groupe fait rapport au G7, et des mesures sont prises dans certains cas.
Je pense que le monde occidental — notre monde qui croit en un ordre mondial fondé sur des règles — doit dénoncer l'ingérence que nous constatons, et c'est quand tous les pays agissent de concert plutôt que chacun de son côté que nous y parvenons le mieux. Le message est particulièrement senti quand le G7 ou le G20 dénoncent ce genre d’ingérence étrangère dont nous sommes témoins.
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Je vous remercie de la question.
Le dossier des brise-glaces me tient beaucoup à cœur depuis l’époque où j’étais à la Garde côtière.
Comme le marché a été attribué à deux chantiers navals, la Garde côtière obtiendra des navires plus rapidement, et c’est ce qui compte. La Garde côtière, les exploitants et la clientèle de la Garde côtière bénéficieront plus rapidement de la capacité de radoub, de remise en état, de reconstruction et de construction de navires flambant neufs pour la Garde côtière.
Il est indéniable que la Stratégie nationale de construction navale fait couler beaucoup d'encre, mais l’attribution d'un contrat à un troisième chantier naval permettra d'accélérer considérablement le renouvellement de la flotte de la Garde côtière.
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J’aimerais avoir une baguette magique. Je ferais un certain nombre de choses avec cela, mais dans le cas particulier des marchés de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, ainsi que de la Garde côtière, j’aimerais voir un plan d’approvisionnement cyclique.
Premièrement, la Garde côtière n’a jamais spécifiquement fait construire une classe de navires pour elle. On lui a donné de nouveaux navires et reconditionné une partie de sa flotte. Pour la première fois dans ses 65 ans d’histoire, la Garde côtière va obtenir une classe de navires spécialement construite pour elle. C’est très positif. Les Forces armées canadiennes sont également... Le navire de combat de surface est en cours de construction.
J’aimerais que le Canada applique un processus d’approvisionnement évolutif. Dans le cas du navire de combat de surface, par exemple, à mi‑parcours de la construction d’une flotte, on commencerait à planifier la prochaine version. Cela permettrait de ne pas devoir maintenir les navires en service pendant 30 ou 35 ans avant d'envisager son remplacement.
C’est complexe et coûteux, mais je pense qu’en tant que nation ayant le plus long littoral du monde et une énorme masse terrestre, il est tout à fait essentiel que le programme d’acquisition de matériel militaire et de matériel de la Garde côtière soit un programme évolutif et économiquement responsable. Si j’avais une baguette magique, c’est ce que je ferais.
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Je peux vous répondre de façon générale. Merci. Je pense que c’est un aspect très important.
On peut songer à certaines réalités. La Russie est en train de reconstruire son infrastructure militaire dans l’Arctique pour retrouver sa capacité de l’ère soviétique. Les Russes avaient changé de cap, mais ils y reviennent. Je trouve cela intéressant.
La Russie poursuit ses travaux de construction dans l’Arctique malgré les difficultés économiques qu’elle connaît à la suite de l’invasion illégale et barbare de l’Ukraine. Elle continue d’investir dans l’Arctique. Je pense que c’est là une donnée intéressante.
La doctrine militaire russe indique quand et comment l'équipement destiné à l’Arctique sera utilisé, et nous voyons les Russes passer aux actes. Voilà une autre donnée.
Les Russes comme les Chinois ont des visées à long terme. Ce ne sont pas des partenaires, la Russie ne collabore pas avec la Chine, mais les deux pays coopèrent quand c’est à leur avantage. Je pense que c’est là une autre donnée.
L’intérêt de la Chine pour les minéraux de terres rares et les hydrocarbures dans notre Arctique, et son intérêt pour la navigation dans l’Arctique — comme en atteste la construction de brise-glaces tandis que la Chine ne baigne pas dans des eaux prises par les glaces au point de nécessiter des brise-glaces de la taille et de la capacité de ceux en construction — est une autre donnée.
À un moment donné, deux plus deux font quatre, à moins que ça ne fasse trois. Nous, nous avons décidé que deux et deux égalent quatre.
Il n’existe pas de menace imminente. Nous sommes d’accord avec toute l’analyse, avec les données du renseignement et avec le point de vue militaire. Cela dit, tout ce que j’ai décrit n'est pas sans rapport avec une certaine vision. Il faut en être conscient et le comprendre.
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Comme l’a dit, je crois, le chef d’état-major de la défense, les changements climatiques sont un risque existentiel. Ils créent des passages, causent la sécheresse. Des guerres éclatent à cause de l’accès à l’eau. À cause des changements climatiques, la principale source de protéines dans le monde — le poisson — se déplace vers le nord et s’éloigne des populations qui en ont besoin, ce qui entraîne une augmentation de la pêche illégale et qui provoque des dommages économiques. Bien des conséquences ne sont pas purement militaires, mais elles s’ajoutent au bilan des risques associés aux changements climatiques.
En ce qui concerne l’Arctique, nous savons que l'Arctique se réchauffe plus rapidement que le reste de la planète. Cela signifie que les possibilités d’accès aux hydrocarbures... Les hydrocarbures, les terres rares et d'autres produits intéressants sont davantage accessibles et, à cause de cela, ils sont synonymes de plus grands dangers à moyen terme.
Je pense que la Garde côtière vous a probablement fait part de ses préoccupations découlant de la façon dont la glace pluriannuelle, à mesure qu'elle fond, descend de la calotte polaire et se trouve dans les eaux navigables. Elle est beaucoup plus dangereuse pour la navigation. L’Arctique n’est pas cartographié selon des normes modernes. On n'y trouve pas d’aides à la navigation conformes aux normes modernes. Les conséquences et le désastre écologique qui pourraient découler d'un accident maritime, comme l'échouement d'un navire, seraient considérables. Nous devons nous y préparer. Voilà le risque immédiat, par opposition à un risque militaire.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d’être ici. Je suis désolée pour le caractère déplacé de certains propos.
J'aimerais revenir sur certaines des questions posées par les conservateurs.
J’ai siégé au CPSNR. En 2019, le CPSNR a déposé son rapport annuel sur l’ingérence étrangère à la Chambre des communes. Les conservateurs devraient prendre des notes, eux qui cherchent des titres de rapports. Le document en question évoquait une potentielle ingérence étrangère dans les élections.
Il s'agit d'une question de pure forme.
J'ai siégé au comité et je connais parfaitement la valeur et l'importance de ces documents dont le contenu est protégé en vertu de protocoles très stricts qui relèvent de la sécurité nationale. C'est pourquoi il me semble étrange que des députés et des sénateurs conservateurs ayant siégé à ce comité, qui ont eu l'occasion d'en examiner le contenu, ont attendu jusqu’en 2022 pour parler d’ingérence étrangère dans les élections, alors qu'un rapport déposé à la Chambre des communes — caviardé, cela va de soi — en faisait état.
J’ai été membre du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. J'ai peut-être un parti pris, mais je crois que ce comité fait un travail remarquable et je dois dire que je trouve bien étrange que les conservateurs ne réagissent qu'aujourd'hui à ce phénomène, tandis qu'il a été beaucoup question à la Chambre de mésinformation, de désinformation et de tentatives d'ingérence dans les élections. Le est tenu de réagir à ces rapports, et j'imagine que c'est la même chose pour vous, peut-être pas à l'époque, puisque vous n’étiez pas encore à ce comité, mais en fin de compte, cela s'est appliqué à vous.
Si je ne m’abuse, la création du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ainsi que du groupe d’experts non partisans en matière de sécurité nationale résulte directement de ces rapports. Ces structures ont été créées pour déterminer si l'ingérence étrangère, qui est permanente, a atteint un seuil critique en période électorale. Le succès n'a pas toujours été au rendez-vous, ce qui est normal. Premièrement, faut‑il informer le public advenant que le seuil soit atteint? Deuxièmement, comment communiquer cette information aux Canadiens en évitant la partisanerie, en évitant d'influencer les élections dans un sens ou dans l'autre?
Une des contributions du CPSNR... Il ressort du phénomène permanent d'ingérence étrangère que les partis politiques sont désormais bien renseignés quant à son existence, qu'ils savent à quoi s'attendre et qu'ils sont en mesure de prendre des précautions, de conseiller leurs candidats et de protéger leurs données.
Ma question s’adresse à tous les témoins. Madame Thomas, vous pourrez commencer.
Pouvez-vous nous parler des séances d'information sur le renseignement étranger auxquelles les partis politiques participent dorénavant, alors que ce n'était pas le cas avant? Pouvez-vous nous dire à quel moment exactement, dans le contexte des élections de 2019 ou de 2021, les partis politiques ont été informés de l’ingérence étrangère et des précautions à prendre?
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Je vous remercie de la question.
En fait, vous avez très bien décrit la situation. C’est ce qu’on appelle l’architecture de sécurité des élections et divers acteurs contribuent à la gouvernance de cet espace.
Il est exact que les partis politiques sont invités par courrier à désigner des candidats détenant une habilitation de sécurité afin que ceux‑ci puissent communiquer avec des agents du renseignement en période électorale.
J’étais en poste lors de l’élection de 2021 et j’ai participé à l’organisation de ces séances d’information avec les représentants des partis. Les conversations ont été très formatrices en ce sens que les représentants des partis ont appris à identifier les situations préoccupantes, la manière de réagir et à qui s'adresser. L'ingérence étrangère et les éléments à surveiller figuraient parmi les sujets abordés. Des séances d'information ont par ailleurs été organisées sur le phénomène de l'extrémisme violent à caractère idéologique et la sécurité. Qu'est‑ce qu'une habilitation de sécurité? Qu'est‑ce que cela implique? Comment cela fonctionne‑t‑il?
Enfin, ces rencontres ont donné l'occasion aux représentants des partis de poser toutes les questions qu'ils souhaitaient poser et des questions, il y en a eu de toutes sortes. L'échange était très fructueux. Comme ils disposaient d'une habilitation de sécurité, nous avons pu leur transmettre ces informations sans problème.
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Des discussions sont en cours au sein du ministère de la Défense nationale, et nous veillerons à ce qu'elles se poursuivent lors de l'examen et de la mise à jour de notre politique de défense.
La bonne nouvelle est que la défense antimissile balistique suscite beaucoup de débats. Il faut continuer d'en parler, puisque de nombreuses menaces planent sur la sécurité du Canada. Les missiles balistiques constituent certes une menace importante contre notre sécurité, mais ce n'est pas la seule, car il y a aussi les missiles hypersoniques et les missiles de croisière, de même que les armes récentes à très longue portée qui peuvent atteindre les côtes du Canada. Auparavant, il fallait positionner un navire, un sous-marin ou un bombardier près du Canada, mais il est désormais possible de lancer des missiles d’outre-mer et d'atteindre l’Amérique du Nord.
Il est important d'avoir une vue d’ensemble de la menace que représentent les missiles et avoir une idée claire de la réaction appropriée pour l’Amérique du Nord, plutôt que de nous concentrer uniquement sur la défense antimissile balistique.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'aujourd'hui.
Je voulais que nous nous concentrions un peu plus sur l'Arctique, étant donné que c'est le sujet dont nous sommes censés parler.
En 2018 — nous en avons déjà discuté —, la Chine a publié son document officiel sur l'Arctique, dans lequel elle s'est déclarée un État quasi arctique. La plupart des alliés à qui j'ai parlé en ont ri, mais cette distinction a de graves conséquences. Dans ce document, la Chine parle des possibilités économiques qu'offre la région, mais elle parle aussi de développer des capacités de projection militaire qui s'étendraient à la région de l'Arctique.
Pouvez-vous nous parler des répercussions de la politique de la Chine sur la souveraineté du Canada dans l'Arctique?
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L'intérêt de la Chine pour l'Arctique est en trois volets, je dirais.
Le premier est économique, sans l'ombre d'un doute. L'Arctique représente un raccourci vers la Chine en provenance de l'Europe et pourrait faire économiser beaucoup d'argent aux Chinois.
Le deuxième volet est expansionniste. Il concerne l'autodétermination de la Chine comme État quasi arctique, mais elle a aussi un appétit vorace pour les hydrocarbures, les minéraux de terres rares et le poisson. La Chine considère donc que c'est un élément essentiel de sa viabilité en tant que nation. Il nous faut donc veiller à protéger les riches ressources de l'Arctique canadien.
Même les données scientifiques représentent toujours un gros problème lorsqu'il est question de sécurité nationale. Oui, il est essentiel de mettre en commun les données scientifiques pour le bien de tous, mais nous devons aussi être conscients de ce qui est recueilli dans le cadre de missions scientifiques dans l'Arctique et faire preuve de prudence lorsque la Chine envoie des brise-glaces dans l'Arctique.
Il est essentiel de comprendre ce qu'ils y font et de veiller à assurer une certaine gestion.
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J'aimerais revenir sur quelques points.
Premièrement, le Conseil de l'Arctique poursuit un certain nombre d'initiatives, même si la Russie n'y participe pas. Bon nombre d'entre elles ne concernent pas la Russie. Elles concernent l'ensemble des États de l'Arctique. Il est donc important de rappeler qu'une grande partie du travail de recherche, de durabilité environnementale et de compréhension du rôle des peuples et des communautés autochtones est en cours. Ce travail se poursuit dans toutes ces régions.
Je dirais qu'en plus des membres du Conseil de l'Arctique, à part la Russie, il y a plusieurs autres instances. Des réunions de sécurité ont eu lieu. Il y a des discussions sur la défense dans diverses configurations, bilatéralement, trilatéralement et, évidemment, en étroite collaboration avec la Norvège, qui assumera la présidence l'année prochaine.
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Nous reprenons nos travaux.
Bienvenue à tous. Nous allons poursuivre notre étude sur la surveillance et la sécurité dans l'Arctique.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion que nous avons adoptée le 15 novembre 2022, nous accueillons des représentants du Bureau du vérificateur général pour parler du Rapport 6 : La surveillance des eaux arctiques.
Nous accueillons maintenant la vérificatrice générale en personne, Karen Hogan. Elle est accompagnée de Chantal Thibaudeau, directrice, et de Nicholas Swales, directeur principal. Je tiens à vous remercier tous d'être ici.
Madame Hogan, vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
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Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l’occasion de discuter de notre rapport sur la surveillance des eaux arctiques canadiennes, qui a été déposé à la Chambre des communes le 15 novembre.
Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe.
Je suis accompagnée aujourd’hui de Nicholas Swales, le directeur principal qui était responsable de l’audit, et de Chantal Thibaudeau, la directrice qui a dirigé l’équipe d’audit.
Dans les dernières décennies, les eaux arctiques canadiennes sont devenues plus accessibles en raison du rétrécissement des glaces de mer en été et des avancées technologiques dans le domaine de la navigation. L’accessibilité accrue suscite un intérêt et une concurrence dans la région, ce qui accroît considérablement le trafic maritime et se répercute sur les collectivités locales. L’intensification du trafic maritime accroît le risque d’accès non autorisé, d’activités illégales, d’incidents de sûreté et de pollution.
Dans le cadre de cet audit, nous cherchions à savoir si des organisations fédérales clés avaient acquis la connaissance du domaine maritime nécessaire pour réagir aux risques et aux incidents de sûreté et de sécurité associés à la circulation accrue de navires dans les eaux arctiques.
La responsabilité de la surveillance des eaux arctiques canadiennes ne relève pas d’une seule organisation fédérale. Nous avons inclus dans l’étendue de notre audit les cinq organisations qui en sont principalement responsables: Transports Canada, Pêches et Océans Canada, la Garde côtière canadienne, la Défense nationale, et Environnement et Changement climatique Canada.
Nous avons constaté que dans la dernière décennie, ces organisations avaient décelé des lacunes dans la surveillance des eaux arctiques à plusieurs reprises, mais qu’elles n’avaient pas pris les mesures requises pour y remédier. Ces lacunes comprenaient la capacité limitée à brosser un tableau complet du trafic maritime dans l’Arctique et l’incapacité de suivre et d’identifier les navires qui n’utilisent pas de systèmes de suivi numériques, parce qu’ils n’y sont pas tenus ou parce qu’ils ne respectent pas les exigences.
La collaboration est importante pour corriger les lacunes dans la connaissance du domaine maritime. Les collectivités côtières fournissent de l’information au moyen de l’observation directe. Des initiatives fédérales, comme le Centre des opérations de la sûreté maritime à Halifax, jouent aussi un rôle essentiel. Toutefois, nous avons constaté que des faiblesses dans les mécanismes appuyant la communication de l’information, la prise de décisions et la reddition de comptes avaient nui à l’efficience du Centre.
[Français]
La surveillance des eaux arctiques s'appuie sur divers types d'équipement, comme les satellites, les aéronefs et les navires. Nous avons constaté qu'une bonne partie de cet équipement était vieillissante et que son renouvellement avait été reporté au point que certaines composantes de cet équipement seront probablement mises hors service avant qu'on ait pu les remplacer. Tel est le cas pour les brise-glaces de la Garde côtière canadienne et pour le seul aéronef de patrouille de Transports Canada: ils approchent de la fin de leur durée de vie utile et seront probablement mis hors service avant que du nouveau matériel n'ait pu être livré. Les satellites s'approchent eux aussi de la fin de leur durée de vie utile et ne répondent pas aux besoins actuels en matière de surveillance. Dans tous les cas, le remplacement n'est pas prévu avant de nombreuses années.
Nous avons aussi constaté que les projets d'infrastructure destinés à soutenir l'aéronef de surveillance et les navires de patrouille extracôtiers avaient été retardés. Par exemple, le projet de l'installation navale de Nanisivik, visant à soutenir les navires d'organisations gouvernementales dans les eaux arctiques, a pris du retard et sa portée a été réduite à un point tel que sa période d'exploitation ne sera que d'environ quatre semaines par an. Par conséquent, les navires de la Marine royale canadienne pourraient ne pas être ravitaillés à l'endroit et au moment où ils en auraient besoin.
Notre audit de 2021 sur la Stratégie nationale de construction navale a fait ressortir des retards préoccupants dans la livraison des navires de combat et autres navires dont le Canada a besoin pour honorer ses obligations à l'échelle nationale et internationale. L'audit a aussi permis de constater que, s'il devait y avoir d'autres retards, plusieurs navires pourraient être mis hors service avant que les navires de remplacement soient opérationnels.
Dans l'audit dont il est question aujourd'hui, nous avons constaté que ces retards persistent. La surveillance efficace dans l'Arctique dépend des navires, des aéronefs et des satellites, qui sont tous vieillissants. Le gouvernement doit de toute urgence résoudre ces problèmes de longue date et remettre le renouvellement de l'équipement sur une voie durable afin de protéger les intérêts du Canada dans l'Arctique.
Je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité. Merci.
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Merci, monsieur le président.
J'ai consacré une bonne partie de ma première législature aux comptes publics, et ces rapports sont extrêmement importants pour les Canadiens. Ils sont souvent très frustrants à lire parce qu'ils révèlent souvent des problèmes qui ont été cernés il y a longtemps, qui touchent souvent plusieurs ordres de gouvernement, et qui ne sont tout simplement pas réglés.
L'échec imminent ou la fin, l'obsolescence... La vie utile d'une grande partie de notre infrastructure de maintien de la connaissance du domaine dans l'Arctique tire à sa fin, et les remplacements ne seront pas faits à temps.
Pouvez-vous nous parler du programme des satellites? L'écart de neuf ans est tout simplement renversant. Pouvez-vous nous en parler et parler de la réaction du gouvernement à ce jour?
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Je vais devoir demander à M. Swales de vous donner plus de détails.
Lorsque nous avons examiné les satellites dans le cadre de cet audit, il s'agissait de savoir si le gouvernement avait la capacité de recueillir des données sur le domaine maritime. Nous avons constaté que les satellites ne répondaient pas aux besoins actuels. Si une demande prioritaire était présentée, une autre demande était déplacée vers le bas de la liste. Nous avons souligné le vieillissement et, comme vous l'avez mentionné, le temps nécessaire pour les remplacer.
Ce que nous voulons, c'est que le gouvernement ait un plan d'urgence. Qu'arrivera‑t‑il si ces satellites arrivent à la fin de leur vie utile? À l'heure actuelle, le gouvernement achète de l'information à des fins commerciales ou se tourne vers ses alliés. Nous l'encourageons à avoir en plus un plan d'urgence.
Si vous voulez plus de détails, peut-être que M. Swales pourrait vous les fournir.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos invités d'être ici.
Madame Hogan, je crois que c'est la troisième fois en deux semaines que je vous vois témoigner devant un comité. Or, c'est la première fois que j'entends un discours aussi inquiétant et préoccupant qui souligne de potentielles répercussions aussi graves. Habituellement, je ne suis pas quelqu'un d'alarmiste, mais, dans ce dossier-ci, c'est à tous les niveaux: les navires, les aéronefs, et ainsi de suite. Tout cela a des conséquences non seulement sur la sécurité nationale, mais aussi sur les Autochtones et sur l'approvisionnement, notamment.
En faites-vous la même interprétation que moi, c'est-à-dire qu'on est dans une situation assez merdique?
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être parmi nous aujourd'hui.
Nous parlons de lacunes importantes dans notre approvisionnement, dans l'équipement, dans nos forces armées et dans nos besoins militaires, mais le processus d'approvisionnement prend beaucoup de temps, évidemment, compte tenu des lacunes que nous avons constatées.
Dans votre rapport, vous parlez un peu des Rangers canadiens, de la Garde côtière auxiliaire canadienne et des bénévoles qui en font partie. Lors d'une réunion précédente, nous avons entendu directement — en fait, la personne n'a pas été en mesure de contribuer par écrit, mais elle a participé à nos échanges, et elle a fait rapport au Comité — ce dont les Rangers canadiens ont besoin sur le terrain.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les dépenses que le gouvernement doit faire pour ces gens sur le terrain, pour les Rangers canadiens, mais aussi en ce qui concerne...
M. Pedersen était l'un de nos témoins, et il a dit qu'il fallait offrir plus de formation aux agents de recherche et de sauvetage sur le terrain. Pourriez-vous nous en parler un peu plus dans votre rapport?
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Merci, monsieur le président.
Madame Hogan, j'ai beaucoup aimé lorsque, dans votre intervention précédente, vous avez dit que cela devrait être la préoccupation de tous les gouvernements, puisqu'il s'agit de sécurité personnelle et de sécurité nationale. Par contre, vous avez dit que les contrats étaient d'une grande complexité. Je pense que nous le comprenons tous. Cela dit, un gouvernement responsable se doit d'être un gestionnaire responsable. Malgré la complexité des dossiers, on devrait être capable de voir venir les choses, qu'on soit conservateur, libéral, bloquiste ou de n'importe quel autre parti. Ce n'est pas un reproche, mais je trouve que le motif soulevé n'est pas approprié.
Ma question s'adresse aux trois témoins.
À votre connaissance, est-ce qu'on aurait avantage à regarder comment fonctionnent d'autres pays en matière de commandes et de construction, par exemple?
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Merci. Je tenais simplement à le préciser pour qu'on sache bien à quel moment il a été décidé de réduire l'ampleur des installations.
Je reviens sur les propos de M. Kelly: les gouvernements qui se sont succédé ont eu du mal à aller de l'avant dans cette région. Ainsi, le gouvernement Harper a annoncé en 2010 la construction d'un brise-glace polaire. Elle devait débuter en 2010, et le bâtiment devait être livré en 2017. De toute évidence, il ne l'a pas été. Après 2013, le gouvernement conservateur n'avait aucun plan qui précisait quand la construction du brise-glace polaire se terminerait, et pas un seul navire pour la Stratégie nationale de construction navale n'a été livré sous le gouvernement Harper.
Vous avez formulé des recommandations, et le gouvernement les a acceptées. Il semble vraiment difficile non pas de déceler les lacunes et d'évaluer l'ampleur des besoins, mais d'agir concrètement pour prévoir le renouvellement du matériel et réaliser des acquisitions.
En vous fondant sur vos travaux, diriez-vous, même si cela tient peut-être de l'opinion, que le blocage tient à la logistique ou à la capacité de se procurer les navires régulièrement, au gré des besoins, par opposition à la capacité de construction et d'entretien suivi? Ou le problème tient‑il au fait qu'il y a trop de monde qui met la main à la pâte, pour ainsi dire, qu'il y a beaucoup de ministères chargés de la surveillance globale dans l'Arctique, alors qu'il n'y a pas d'entité unique chargée de la planification?
Est‑ce là le problème ou s'agit‑il seulement de la logistique de l'acquisition de ces navires ou de leur construction et de leur livraison? Qu'en pensez-vous?
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Votre temps de parole est écoulé, tout comme la séance.
Je tiens tout d'abord à remercier la vérificatrice générale, Karen Hogan, et tout le personnel du Bureau du vérificateur général de s'être joints à nous et de nous avoir expliqué leur point de vue. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de tout le travail que vous faites pour les parlementaires et l'ensemble des Canadiens.
Je tiens à rappeler à tous les membres du Comité que nous avons aujourd'hui une séance non officielle à 15 h 30, à la salle 315, avec Yehor Cherniev, vice-président du Comité de la défense du Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada. Il sera accompagné de l'ambassadrice de l'Ukraine au Canada, Mme Yuliya Kovaliv. J'espère que vous pourrez tous assister à cette séance.
Mardi, nous avons une séance avec la juge Louise Arbour pour parler du rapport qui porte son nom. Elle se joindra à nous. La ministre a également été invitée. J'espère qu'elle pourra se présenter.
Pouvez-vous le confirmer, monsieur le secrétaire parlementaire?