Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Avant de donner la parole à nos témoins — M. Jenkins et M. Rasiulis — je vous signale que nous allons prolonger un peu notre heure de séance. Nous devrions donc avoir au moins trois tours de questions.
Vous remarquerez que nous n'amorcerons pas notre étude sur la santé, comme nous l'avions convenu, notamment parce que nous n'avons pas été en mesure de convoquer les témoins. Tout cela est de la faute de Bryan May.
Nous commencerons l'étude sur la santé vendredi. Le mardi suivant, nous entendrons la ministre et les fonctionnaires pendant deux heures. Le 5 mai, le Parlement ne siégera pas. Nous reprendrons ensuite notre étude sur la santé.
Nous avons également reçu quelques invitations dont je parlerai plus tard, lorsque nous donnerons congé à nos témoins. Nous avons donc un programme assez chargé jusqu'à la fin de la législature en juin.
Je souhaite maintenant la bienvenue au Comité à mon ami de longue date, M. Rasiulis. Il connaît très bien notre façon de procéder. Nous avons hâte d'entendre sa déclaration préliminaire de cinq minutes.
Nous allons d'abord entendre M. Jenkins, conseiller principal du président de la RAND Corporation, qui fera une déclaration préliminaire de cinq minutes.
Soyez le bienvenu, monsieur. Nous vous remercions de vous être rendu disponible pour la prochaine heure. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration de cinq minutes.
Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mes observations sur la guerre en Ukraine.
Comme vous le savez probablement, je réponds à votre invitation à court préavis. Au lieu de vous faire un exposé méthodique, je vais donc m'en tenir à de brèves observations informelles, tirées d'une série d'articles que j'ai rédigés pour la RAND Corporation. Votre greffier, M. Wilson, a les liens.
Je tiens à préciser que je ne suis pas un expert de l'Ukraine ou de la Russie. Depuis de nombreuses années, mon domaine de recherche est la violence politique, la guerre irrégulière et les opérations psychologiques. Je précise que j'exprime mes opinions personnelles et non celles de la RAND Corporation ni, bien sûr, celle du gouvernement américain.
Dans mes articles, je tente d'aller au‑delà du champ de bataille pour analyser les répercussions géopolitiques et économiques stratégiques susceptibles de découler de la guerre. Nous ne connaissons évidemment pas l'issue de la guerre. Dans mes articles, j'ai décrit sept scénarios hypothétiques, allant d'une prise de contrôle de l'Ukraine par la Russie à un effondrement militaire russe. Les scénarios les plus plausibles se situent dans un nébuleux entre-deux et laissent présager un engrenage, pour employer un terme français qui n'a pas d'équivalent aussi précis en anglais. C'est un carnage sans fin. L'issue pourrait être un enlisement, un conflit gelé ou une série de règlements négociés favorables et défavorables. Ce pourrait aussi être une escalade progressive, comme c'est la tendance jusqu'à maintenant.
Quel que soit le scénario, le statu quo ante bellum ne sera jamais rétabli. Le paysage de l'après-guerre en Ukraine sera différent.
La réputation de la Russie en tant que puissance militaire a été gravement ternie. Les erreurs de calcul stratégiques, les opérations incohérentes et la piètre qualité de l'armée font partie des problèmes de la Russie. Même si elle s'impose sur le champ de bataille, la Russie est affaiblie.
La guerre a également exacerbé la crise démographique russe. Les résultats d'un récent sondage mené par l'Atlantic Council auprès de stratèges et de praticiens du monde entier sont fascinants. En effet, 46 % des 167 répondants prédisent que, d'ici une dizaine d'années, la Russie sera un État défaillant.
En revanche, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a renforcé l'OTAN, du moins pour le moment. Le maintien du soutien de l'Occident à l'Ukraine pourrait toutefois être lié à son succès militaire continu.
Le flanc sud-est de l'OTAN est fragile. La Hongrie suit sa propre voie. La Roumanie est très prudente. La Bulgarie reste politiquement divisée. La réaction de la Turquie a été positive, tout en étant ambivalente et transactionnelle. Ces tensions ne sont pas nouvelles pour l'OTAN. L'alliance a survécu à ce genre de choses par le passé, mais c'est toujours difficile.
En ce qui a trait à l'économie mondiale de l'après-guerre, force est de constater que la guerre a ralenti la relance économique post-pandémie. C'est en Europe que l'impact sera le plus fort. La reconstruction de l'Ukraine nécessitera un investissement massif, évalué à 350 milliards de dollars. La volonté d'investir dans cette reconstruction, surtout de la part du secteur privé, dépendra évidemment de la conjoncture.
Je crois que la dépendance de l'Europe à l'égard de l'énergie russe est chose du passé. La Russie trouve et continuera à trouver de nouveaux marchés pour son gaz et son pétrole, mais la chute des ventes de gaz en Europe aura une incidence sur son influence politique et sa capture d'États, notamment en Europe de l'Est. Nous assistons en quelque sorte au retour d'une économie divisée dans le monde, comme au temps de la Guerre froide, quoique beaucoup plus complexe qu'il y a 40 ou 50 ans. Je crois également que les fortes pressions de la mondialisation se maintiendront et que les dépenses militaires mondiales bondiront.
(1545)
Le monde est plus dangereux qu'avant. L'agression militaire non provoquée n'est pas de l'histoire ancienne. Plus de 30 ans après la fin de la Guerre froide, ces dangers nous sembleront peut-être difficiles à appréhender.
Je vais m'arrêter ici. Je répondrai volontiers à vos questions plus tard.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui pour faire le point sur la situation actuelle dans la guerre russo-ukrainienne.
Aujourd'hui, on peut dire que la guerre est dans une impasse stratégique. La dernière offensive ukrainienne remonte à l'automne dernier quand les forces ukrainiennes ont repoussé les forces russes dans la région de Kharkiv, dans le secteur nord du front, et dans la ville de Kherson, en particulier, dans le secteur sud du front.
Les Russes ont ensuite stabilisé leurs lignes défensives et les forces ukrainiennes sont passées à la défensive. En janvier, les Russes ont amorcé une lente offensive musclée dans divers secteurs de la ligne de front. Le principal objectif de cette offensive russe était la capture de la ville de Bakhmout.
La bataille de Bakhmout dans le secteur central du front, dans l'oblast de Donetsk, a été au cœur de l'offensive russe. Malgré les débats qui ont eu cours parmi les dirigeants ukrainiens et les conseillers militaires américains auprès de l'Ukraine pour déterminer s'il aurait été plus efficace militairement que les forces ukrainiennes se retirent de Bakhmout et établissent des positions défensives plus solides dans deux villes plus à l'ouest, le gouvernement ukrainien a pris la ferme décision de s'en tenir à une défense tenace de la ville.
À ce jour, les Russes ont réussi à prendre Bakhmout en tenaille sur trois côtés, pendant que les Ukrainiens gardent le contrôle d'une route vers l'ouest qu'ils utilisent pour le ravitaillement et l'évacuation des victimes et des réfugiés. Cette route demeure sous le feu de l'artillerie russe. Les Russes ont également réussi à pénétrer au centre-ville et semblent occuper la quasi-totalité de la ville, pendant que les Ukrainiens défendent avec acharnement les secteurs ouest. Les combats continuent de faire rage. Selon les derniers rapports, les forces russes poursuivent leur progression vers l'ouest, lentement mais sûrement, s'emparant des immeubles et des rues, un pâté de maisons après l'autre. Le nombre de victimes des deux côtés est très élevé. C'est vraiment une bataille d'usure.
Au‑delà des lignes de front, les Russes ont mené une guerre de frappes aériennes, ciblant surtout le réseau énergétique dans l'ensemble du pays. Ils ont utilisé une diversité d'armes, allant des missiles de croisière aux drones de toutes sortes. Les systèmes de défense aérienne ukrainiens ont réussi à abattre une grande partie des munitions russes dirigées vers le pays.
L'Ukraine a clairement énoncé ses objectifs politico-militaires, soit l'expulsion de toutes les forces russes de l'Ukraine occupée, y compris de la Crimée — en gros, un retour aux frontières ukrainiennes de 1991. Concernant la Crimée, certains observateurs avancent parfois que cet enjeu pourrait se régler par voie diplomatique plutôt que par la force des armes. Dans l'ensemble, la position de l'Ukraine est toutefois de recourir à la force militaire pour expulser les forces russes de la Crimée.
Les objectifs politico-militaires de la Russie peuvent se subdiviser en un objectif maximaliste et un objectif minimaliste. L'objectif maximaliste des Russes était d'imposer de force un changement de régime en Ukraine par une action militaire. Leur intention était de mettre en place, à Kiev, un gouvernement prorusse qui s'alignerait avec un partenaire proche de la Russie, tout en renonçant à ses objectifs de rapprochement avec l'Occident et d'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN. L'objectif minimaliste de la Russie est d'occuper, par la force militaire, la totalité des quatre oblasts de l'est de l'Ukraine qui ont été annexés par la Douma de la Fédération de Russie, tout en conservant la Crimée, annexée en 2014. Les quatre oblasts sont Kharkiv, Louhansk, Donetsk et Kherson. Le front actuel traverse ces quatre oblasts qui sont contrôlés, à des degrés divers, par l'Ukraine et la Russie.
Jusqu'où pourra aller cette guerre? Une contre-offensive ukrainienne imminente est attendue au printemps et à l'été. Selon certains observateurs, elle serait déjà en cours. Le catalyseur de cette offensive, c'est la récente fourniture d'armes par l'Occident, notamment de chars de combat, de véhicules blindés d'infanterie et de stocks importants de munitions.
(1550)
Selon la plupart des analystes, cette offensive ukrainienne pourrait percer une brèche quelque part dans la ligne de défense russe et mener à une victoire sur le plan opérationnel. La défense russe devrait toutefois être suffisamment forte pour éviter une victoire stratégique de l'Ukraine, soit l'expulsion des forces russes de tout le territoire ukrainien occupé. Il faut s'attendre à ce que les Russes mènent leur propre contre-offensive pour miner les efforts ukrainiens.
L'offensive attendue au printemps et à l'été pourrait à nouveau mener à un enlisement stratégique à l'automne. Il est impossible d'évaluer pour le moment si les positions politiques ukrainiennes et russes évolueront vers un cessez-le-feu et à d'éventuels pourparlers de paix. Il est fort probable que la guerre se poursuive tout au long de 2023, sans cessez-le-feu ni solution politique.
Je vous remercie de votre attention. Je suis impatient de répondre à vos questions.
Il ne fait aucun doute que le monde a radicalement changé au cours des huit dernières années. Dans votre allocution, vous avez dit que vous vous attendiez à une forte augmentation des dépenses militaires mondiales.
Compte tenu des limites de la volonté politique de changer cette triste situation, j'aimerais que vous nous parliez des déficiences militaires, que ce soit en personnel ou en équipement, que nos partenaires en matière de sécurité ont la responsabilité de combler.
La raison pour laquelle je m'attends à une augmentation des dépenses militaires — et je pense qu'elle est déjà amorcée —, c'est parce que, premièrement, l'invasion russe a, dans une certaine mesure, galvanisé l'OTAN et incité un certain nombre de pays à respecter leurs engagements à augmenter leurs dépenses militaires afin de combler certaines de ces déficiences.
Deuxièmement, la nature de cette guerre démontre clairement que les taux de consommation de matériel d'artillerie, de drones et d'autres formes d'armes et de munitions ont été intenses et, en fait, supérieurs à ce que beaucoup d'observateurs anticipaient. Nous revenons aux niveaux de consommation de la Seconde Guerre mondiale. Cela a conduit à un épuisement des stocks. Nos capacités de production ne suffisent pas à maintenir les stocks. C'est pourquoi nous voyons apparaître de nouvelles usines de production. Selon l'évolution de la guerre en Ukraine... il faudra encore plus d'armes et de munitions, et les stocks seront reconstitués.
Troisièmement, il ne faut pas oublier que la perception générale en ce moment, c'est que le monde est devenu beaucoup plus dangereux. Je pense que de nombreux pays cherchent peut-être à renforcer leurs systèmes de défense.
Dans l'ensemble, je pense qu'il y aura une augmentation parallèle des acquisitions d'armes. La nature de ces acquisitions, sans parler du remplacement de l'équipement, nous permettra de tirer des leçons du déroulement des combats quant aux types d'armes, de drones, de systèmes de défense aérienne ou autres qui sont efficaces et essentiels pour mener une guerre au XXIe siècle.
Non. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les comptes rendus dans la presse. Une enquête est en cours sur ce qui s'est passé. Je n'ai aucune information détaillée sur cette enquête.
Je pense avoir une opinion personnelle sur la question. Nous avons énormément de documents classifiés et sans doute une grande connectivité, ce qui n'est peut-être pas nécessaire. En fait, je n'ai toujours pas compris comment la personne nommée dans la presse a pu avoir accès à un aussi vaste éventail de documents, mais nous devons attendre les résultats de l'enquête pour en savoir plus.
Monsieur Rasiulis, il ne fait aucun doute que la guerre est beaucoup plus complexe que quiconque l'aurait imaginée. Il y a plus d'un an, vous avez cependant dit que la guerre en Ukraine était la « menace immédiate » à laquelle le Canada et les Forces armées canadiennes faisaient face, tout en ajoutant que le Canada devrait jouer un rôle central dans les opérations liées à la défense et à la dissuasion.
Plus d'un an plus tard, que pensez-vous de la réponse du Canada à cet appel à l'action?
Je pense que le Canada a fait tout ce qu'il était en mesure de faire. Tout est relatif. Ce qui fait la force des Forces armées canadiennes, c'est l'équilibre relatif des budgets du gouvernement qui fait en sorte qu'elles n'obtiennent jamais tout ce dont elles ont besoin ou ce qu'elles veulent.
Comme nous l'avons toujours fait, nous avons placé nos forces dans ce que j'appelle la fenêtre avant. Nous avons utilisé tous les moyens dont nous disposons. Je pense que nous avons été très efficaces à cet égard tout au long de notre histoire.
Aujourd'hui, nous exerçons un leadership en Lettonie. Nous avons promis de passer d'un groupe-bataillon à un groupe-brigade. Nous attendons toujours les résultats. Je suis sûr qu'il y a beaucoup de travail en cours. Quant à savoir si nos troupes stationnées en Lettonie auront des chars Leopard, c'est une autre bonne question. J'attends avec impatience que le gouvernement annonce ce qu'il va faire.
Tout est relatif, je pense, mais les Forces canadiennes font tout ce qu'elles peuvent. Nous sommes dans la fenêtre avant.
Pouvez-vous nous parler du risque d'épuisement au sein de nos forces armées? Avez-vous l'impression que le Canada a investi dans les ressources nécessaires pour éviter cet épuisement? Comme la guerre risque d'être longue, le Canada a‑t‑il développé les capacités qui lui permettront de maintenir son endurance?
Le problème de l'épuisement est extrêmement grave. Comme vous le savez, il nous manque 10 000 militaires. Il existe une règle de base pour les déploiements. En Lettonie, par exemple, les militaires passent un tiers de leur temps en déploiement, un tiers en entraînement et un tiers au repos.
En Lettonie, nous ne sommes pas en situation de combat, contrairement à l'Afghanistan, où nous l'étions. Là‑bas, le problème de l'épuisement était extrêmement grave. La situation est différente en Lettonie. Nos militaires ne vivent pas le stress du combat, seulement celui de l'entraînement, c'est donc un degré moindre.
Là encore, compte tenu des pénuries de personnel, je crois que les Forces armées canadiennes et le général Eyre ont fait preuve d'une grande prudence dans le déploiement des militaires, en plus de ce que nous faisons déjà. Le général se soucie, j'en suis certain, de maintenir la crédibilité des forces que nous avons déployées.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également nos témoins d'être venus.
Monsieur Rasiulis, je suis heureux de vous revoir. Il s'est passé beaucoup de choses depuis votre dernière comparution devant le Comité, il y a plus d'un an.
Permettez-moi de citer ce que vous avez dit à l'époque: « L'option de la neutralité de l'Ukraine est sur la table. » Je le répète, il s'est passé beaucoup de choses depuis. Une année très violente vient de s'écouler. Dans cette optique, il est difficile de penser que l'Ukraine a été vraiment neutre à l'égard de l'OTAN par rapport à la Russie.
Vous avez parlé d'une voie démocratique... Vous avez dit que les Ukrainiens avaient recours à la force militaire pour expulser les forces russes. J'aimerais savoir à quoi rassemblerait, selon vous, une Ukraine post-conflit sur le plan diplomatique. J'aimerais aussi savoir quels défis cela poserait, selon vous.
M. Darren Fisher: C'est une petite question pour commencer.
M. Rasiulis: Oui, une petite.
Par souci de rectitude historique, permettez-moi de dire que l'Ukraine avait une position de non-alignement — pas exactement de neutralité — de 1991 à 2014. Elle assurait l'équilibre entre les Russes et l'Occident, mais à partir de 2014, elle a pris un virage radical, en adhérant fermement à l'OTAN et à l'Union européenne dans sa constitution.
La question est de savoir — c'est d'ailleurs pourquoi il y a une guerre, du point de vue de la Russie — comment se terminera cette guerre. Nous ne le savons pas. Selon l'hypothèse répandue, il y aura une sorte d'enlisement ou un accord. Quel qu'il soit, cet accord devra forcément prévoir des garanties de sécurité pour l'Ukraine.
Une option consisterait à intégrer l'Ukraine à l'OTAN. Une autre option consisterait à lui offrir des garanties de sécurité équivalentes, non pas comme celle offerte à Budapest, qui est une garantie politique, mais plutôt une garantie de sécurité absolue et légale. Elle devrait être offerte non pas par l'OTAN, mais par certains membres de l'OTAN individuellement. Il faudrait qu'un groupe de pays de l'OTAN s'engagent, à titre individuel, à fournir des garanties de sécurité à l'Ukraine. Cela écarte l'épouvantail que peut représenter l'OTAN dans son ensemble, mais les pays pourraient compter sur la force de certains partenaires clés comme les États-Unis et d'autres pays. C'est la deuxième option.
Une neutralité totale et une Ukraine démilitarisée, ce qui est l'objectif de la Russie, ne sont pas des atouts que les Russes peuvent jouer à l'heure actuelle.
Je passe maintenant à un autre sujet et je donnerai à nos deux témoins la chance de s'exprimer.
J'ai déjà posé cette question la semaine dernière. Lorsque nous pensons à la Chine et à la Russie, nous pensons bien sûr à la relation étrange que ces deux pays entretiennent. J'aimerais savoir quels sont, à votre avis, les intérêts et les objectifs de la Chine, et ce que Pékin espère réaliser à court et à long terme grâce à ce qui semble être un resserrement de ses liens avec la Russie, même si les Chinois prétendent souhaiter la fin du conflit.
La Chine surveille l'évolution de la situation et il est certain que ce qui se passe en Ukraine aura un impact sur les décisions qu'elle prendra. Actuellement, la Chine profite de la situation en Ukraine. Ces événements détournent complètement... pas complètement, mais détournent l'attention et freinent les efforts des États-Unis pour confronter directement la Chine, même s'ils le font actuellement.
Je ne crois pas que la Chine souhaite déclencher une guerre contre Taïwan. Je sais que certains observateurs font un lien entre la guerre en Ukraine et la question de Taïwan, en ce sens que si la Russie prend le contrôle de l'Ukraine, la Chine aura alors le feu vert pour envahir Taïwan. Ce raisonnement est probablement simpliste.
La Chine profite également de l'élargissement de son influence par l'exercice d'un pouvoir modéré en Asie, en Afrique et en Amérique latine. La guerre en Ukraine — je le répète, cette guerre a détourné l'attention des Européens, des Américains, des Canadiens et du reste du monde — facilite ce processus. La Chine profite de l'offre énergétique à rabais de la Russie qui est en quête d'un marché.
Au sujet de la relation entre la Chine et la Russie, je dirais qu'il est clair que la Russie est aujourd'hui le partenaire subalterne qui a le plus besoin de cette relation.
Je suis d'accord. La Chine voit cela comme... Sur le plan géopolitique, elle peut se positionner face aux États-Unis. Ces deux États sont les principaux antagonistes. Comme vient de le dire notre invité, la Russie est un partenaire subalterne.
À mon avis, les Chinois ne laisseront pas les Russes perdre. Ils n'ont pas particulièrement intérêt à ce qu'ils gagnent, mais ils ne les laisseront pas perdre. C'est l'élément clé.
Les Chinois souhaitent vraiment la fin de la guerre. En gros, je pense que cette guerre perturbe leur économie, c'est pourquoi ils ne veulent pas que la Russie perde. Ils ne souhaitent ni gagnants ni perdants, mais un cessez‑le‑feu, une zone démilitarisée et la reprise économique. Il est dans leur intérêt économique d'avoir des échanges économiques fructueux et pacifiques avec l'Europe.
Je remercie les deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Ma première question est d'ordre général, et elle s'adresse aux deux témoins. Je vous mets en contexte à l'aide de la citation suivante, de M. Justin Massie:
La pression est forte sur l'Ukraine en vue de la prochaine contre-offensive. Malgré un soutien en deçà des demandes de l'Ukraine, l'Occident prévient en coulisse qu'un cessez-le-feu consolidant les territoires conquis par la Russie pourrait suivre les insuccès ukrainiens.
J'aimerais obtenir vos commentaires sur l'éventualité d'un cessez-le-feu.
Au vu de la situation actuelle, serait-il légitime de penser qu'un cessez-le-feu serait plutôt à l'avantage de la Russie plutôt qu'à celui de l'Ukraine?
M. Rasiulis pourrait peut-être répondre le premier.
Quant à la négociation d'un cessez‑le‑feu après l'offensive ukrainienne de l'été prochain, il faut savoir dans quelle mesure cette offensive sera un succès. Les Ukrainiens se sont montrés très sceptiques au sujet des cessez‑le‑feu. Pour eux, un cessez‑le‑feu est un retrait temporaire qui permet aux Russes de se réorganiser et de poursuivre la guerre.
Par ailleurs, il se peut qu'à un moment donné — peut-être pas cet automne, mais l'an prochain —, les deux parties, Ukrainiens et Russes, ne soient militairement plus capables de se repousser mutuellement. Si vous en arrivez à un point où la poursuite de l'intervention militaire ne fait pas avancer vos objectifs politiques, vous devez alors vous demander pourquoi vous continuez à vous battre.
Prenons l'exemple de la guerre de Corée en 1953. Elle a pris fin lorsque les belligérants n'ont plus été capables de repousser leurs opposants. C'était une guerre d'usure qui avait atteint un tel niveau d'épuisement que la paix ou un cessez‑le‑feu était la seule issue. En Corée, il n'y a pas de paix. C'est toujours la guerre, mais il y a un cessez‑le‑feu.
Quant au rôle du cessez‑le‑feu dans la guerre russo-ukrainienne — la situation n'est pas tout à fait la même —, il s'appliquerait seulement s'il sert les intérêts des Russes et des Ukrainiens. Les deux pays doivent le souhaiter de préférence à la guerre, et rien ne garantit la pérennité de ce cessez‑le‑feu.
Je suis d'accord avec ce que vient de dire M. Rasiulis, à savoir que tout dépend du résultat de ces offensives prévues et de la manière dont elles se dérouleront. Actuellement, je crois qu'aucune des deux parties pense qu'un cessez‑le‑feu est dans son intérêt.
La Russie est fermement engagée dans cette guerre, selon moi. Dans la propagande qu'elle diffuse sur son territoire et à l'étranger, elle réitère sa détermination à poursuivre la guerre à n'importe quel prix, aussi longtemps qu'il le faudra. Même s'ils paient un coût exorbitant en pertes humaines, les Russes ont fait des gains très modestes. Pour le moment, je pense qu'ils ne sont pas intéressés à faire marche arrière. Je pense que le gouvernement russe est confiant de pouvoir faire éclater l'alliance occidentale et, ultimement, de persuader des membres de l'OTAN, par la peur et l'épuisement, à commencer à réduire leur soutien à l'Ukraine.
Je ne crois pas que le cessez‑le‑feu soit dans l'intérêt de l'Ukraine en ce moment. Je suis d'accord avec mon collègue pour dire que l'offensive à venir sera déterminante à bien des égards. Tout cessez‑le‑feu, enlisement ou arrêt temporaire des hostilités qui permettrait à la Russie de reprendre le conflit à tout moment n'est pas à l'avantage de l'Ukraine.
Je reviens à ce que je disais tout à l'heure, à savoir que la reconstruction de l'Ukraine et l'obtention des investissements nécessaires à cette fin ne se matérialiseront probablement jamais sous les tirs russes ni sous la menace d'une reprise possible des hostilités. C'est pourquoi, en l'absence d'une garantie ferme de sécurité, un cessez‑le‑feu ne présente aucun avantage pour l'Ukraine, du moins pour le moment.
Dans le même ordre d'idées, comme l'Ukraine n'a pas intérêt, présentement, à ce qu'il y ait un cessez-le-feu et que la prochaine offensive risque d'être cruciale, jusqu'à quel point l'Ukraine attend-elle un meilleur soutien de l'Occident pour déclencher une contre-attaque?
Y a-t-il d'autres facteurs, comme la météo — on parlait de neige plus tôt —, qui empêcheraient une contre-offensive?
Jusqu'à quel point un soutien accru de l'Occident serait-il crucial pour déclencher une contre-attaque?
Le soutien de l'Occident est déjà pris en compte dans cette offensive. Il s'agit de l'équipement que les Ukrainiens ont demandé et reçu et qu'ils sont en train d'intégrer, soit des chars de combat, du matériel d'artillerie et des munitions.
Le calcul, c'est que cette offensive a des chances raisonnables de réussir, du moins sur le plan opérationnel, grâce à l'armement et à l'entraînement fournis par l'Occident. Cependant, tout ce soutien sera utilisé. Une question se pose alors: que se passera‑t‑il l'automne prochain et au début de l'hiver, comme vous l'avez fait remarquer, lorsque les deux forces auront épuisé leur énergie sur ce plan?
Ce sont là les calculs à faire. Quelle sera la situation dans quatre ou cinq mois, après une grande bataille? Il est très difficile de deviner ce qui se passera, sauf qu'il faut toujours se demander quel est l'avantage de poursuivre l'action militaire par rapport à l'avantage d'un cessez‑le‑feu. Les deux parties feront ce calcul.
L'OTAN a la dissuasion. La dissuasion vient de l'application de l'article 5 au territoire de l'OTAN. Ni l'OTAN ni le Canada n'avait de dissuasion pour défendre l'Ukraine. De fait, avant le début de la guerre, le président Biden a dit très clairement que l'OTAN n'irait pas en guerre et les États-Unis non plus contre la Russie pour défendre l'Ukraine. L'Ukraine n'a jamais eu de moyen de dissuasion. Elle a toujours dû se défendre, avec l'appui de l'Ouest.
La dissuasion est vraiment liée aux armes nucléaires. Il y a la défense conventionnelle et la dissuasion nucléaire. L'OTAN fonctionne de cette façon. Elle a les deux.
Tout le territoire de l'OTAN a l'avantage — comme les États baltes, donc la Pologne et cette région — qu'en cas d'attaque de la Russie, la défense initiale serait les forces conventionnelles. Cependant, l'OTAN a toujours le droit d'utiliser l'arme nucléaire pour se défendre en cas d'échec de la défense conventionnelle. C'est là qu'intervient la dissuasion nucléaire.
À ma connaissance, la première utilisation ou l'absence de première utilisation des armes nucléaires ne contrevient pas à la Charte des Nations unies. Je veux dire, la guerre froide... Cette politique est en place depuis le début des années 1950.
Quant aux traités internationaux sur le commerce des armes que nous avons signés, il est évident que les États-Unis et la Russie ont reculé.
Vous pourriez peut-être nous en parler. Il y a eu des répercussions à long terme, bien sûr, mais comment pouvons-nous revenir en arrière pour planifier de nouveaux progrès?
Il s'agit du contrôle des armements. Et avec le contrôle des armements, oui, il ne reste pas grand-chose de tous les accords. J'ai moi-même participé aux discussions sur le contrôle des armes conventionnelles à Vienne dans les années 1990. Tout cela a disparu.
START, le traité de réduction des armes stratégiques, a été suspendu. START est pour les forces nucléaires de niveau stratégique. Les Russes ne l'ont pas abrogé, mais ils l'ont suspendu, ce qui signifie qu'il n'y a pas d'inspections, rien de tout cela. Il s'accroche tout juste. Avec le contrôle des armes vient le renforcement de la confiance. On va visiter l'autre camp, on inspecte, etc., et cela renforce la confiance. Tout cela n'est plus.
Comme l'a dit notre invité, M. Jenkins, nous sommes en péril. Nous traversons une des périodes les plus difficiles depuis les mauvais jours de la guerre froide. Je plaiderais que oui, nous devons rebâtir le contrôle des armes et la confiance et les mesures de sécurité, mais nous devons d'abord établir la paix, ou du moins un cessez-le‑feu, et c'est une façon...
C'est l'œuf et la poule, mais d'un autre côté, lorsqu'on est physiquement en guerre, il n'est pas facile d'instaurer des mesures de renforcement de la confiance.
Certaines des conversations que nous avons eues à notre comité visaient à exclure la Russie de toutes les conversations, si bien qu'elle ne participe plus au Conseil de l'Arctique, dont nous lui fermons la porte.
Pouvez-vous nous parler de cela et des problèmes que cela peut causer? Est‑il possible de contourner cela? Qu'auriez-vous à suggérer?
Ma foi, je suis de ceux qui croient à la diplomatie et aux liens diplomatiques, parce que toutes les guerres se terminent par un règlement négocié, sinon même par un cessez-le‑feu.
Il n'y a pas eu de fin négociée à la guerre de Corée, mais il y a eu un cessez-le‑feu négocié. Tout cela se fait en définitive par les voies diplomatiques, qui, au bout du compte, doivent être maintenues.
Pendant la guerre froide, il y a eu des moments où nous n'avions essentiellement qu'une seule bouée de sauvetage, grâce aux pourparlers qui se déroulaient sur la réduction mutuelle et équilibrée des forces. C'était la seule fois où les diplomates se réunissaient pour discuter, mais au moins nous avons continué de nous parler.
Il est très important de maintenir le dialogue. Pendant la guerre d'octobre 1973, Kissinger, les Américains et les Soviétiques ont travaillé très fort pour empêcher les Israéliens, les Syriens et les Égyptiens de lancer une arme nucléaire qu'Israël avait. Ils ont toujours su maintenir le dialogue.
Quoi qu'il en soit, je vous donne une longue réponse pour vous dire que la diplomatie et le dialogue sont cruciaux, peu importe les combats qui font rage. Yitzhak Rabin a dit un jour qu'on ne fait pas la paix avec ses amis; on fait la paix avec des ennemis peu recommandables. Mais, pour cela, il faut leur parler.
Eh bien, d'après ce que je sais, pour les Lituaniens, qui en sont les hôtes, l'important est de faire en sorte que tout le monde arrive à 2 % de son PIB. C'est la position de la Lituanie.
Je sais qu'ils frappent aux portes ici, à Ottawa, pour réclamer que le Canada y mette 2 %. Ils disent même que 2 %, c'est un plancher, pas un plafond. C'est le programme lituanien. On veut frapper fort pour renforcer les finances. On veut également s'assurer que, pour le flanc oriental, les renforts nécessaires pour passer d'un groupe-bataillon à un groupe-brigade sont en place.
C'est ce que les Lituaniens font. Ils tiennent vraiment à avoir des positions défensives solides.
Monsieur Rasiulis, vous avez parlé de la force de la contribution du Canada. Vous avez fait l'éloge des efforts déployés à ce jour et avez dit qu'il s'agissait d'appliquer la capacité maximale possible. Cependant, selon les récentes fuites américaines, nos alliés, y compris les États-Unis, sont sceptiques ou inquiets à cause de la capacité du Canada de maintenir les groupes tactiques de l'OTAN tout en aidant l'Ukraine.
Le déploiement actuel est‑il viable? En quoi le fait de ne pas augmenter les effectifs a‑t‑il compromis notre capacité de maintenir même nos engagements actuels ou de permettre au Canada d'accroître sa contribution pour faire en sorte que l'Ukraine finisse par l'emporter?
D'après ce que je comprends des fuites dont vous avez parlé, le Canada... Certains alliés craignent que nous ne puissions pas assumer une nouvelle mission opérationnelle. Tel est le problème, et en effet, nous ne le pouvons pas. C'est pourquoi nous ne sommes pas allés en Haïti, je suppose.
La question, au fond, est de savoir si le groupe-bataillon doit devenir un groupe-brigade en Lettonie. Telle est la vraie question. Nous n'avons pas encore vu les plans du gouvernement canadien. Je crois comprendre que la planification est en cours, tout comme les discussions à ce sujet, mais c'est le test décisif à venir. Je soupçonne ou je suppose que le gouvernement du Canada va peut-être en faire l'annonce à Vilnius.
Je crois savoir que nous, les militaires canadiens, nous efforcerons, comme pays chef de file, d'établir un groupe-brigade, mais, encore une fois, nous ne sommes pas les seuls fournisseurs des forces qui formeront ce groupe-brigade. Je suis certain que nous fréquentons les milieux de l'OTAN en pensant qu'il y a un autre groupe de pays avec nous en Lettonie et qu'il en mette plus lui aussi. Nous sommes en train de négocier la façon dont nous arriverons tous ensemble à la brigade.
Je reviens à une chose que vous avez dite au sujet de la Chine. Vous pensez que l'objectif de la Chine est de faire que la Russie ne perde pas. Comment la Russie pourrait-elle ne même pas perdre? Les positions minimalistes des deux camps ne laissent pas place à une solution de compromis, du moins pas que je puisse l'imaginer.
Les pertes remontent aux frontières ukrainiennes de 1991, notamment lorsque les Russes ont perdu la Crimée et la flotte de la mer Noire à Sébastopol. C'est quelque chose qu'ils ont toujours eu. Même en 1991, lors de l'accession de l'Ukraine à l'indépendance, les Russes avaient un bail avec l'Ukraine pour garder la flotte de la mer Noire à Sébastopol. Du point de vue de la Russie, ce serait une défaite existentielle.
Les Chinois, je crois, ne veulent rien entendre de cela, alors ce serait un peu moins que cela. Ensuite, il y a d'autres scénarios — un retour à la ligne du 24 février 2022, par exemple, et aux lignes de Minsk II, etc. Ce sont des options envisagées.
Il me reste environ une minute. Je vais donc peut-être demander à M. Jenkins de parler de la productivité et de la dépense d'obus et de munitions d'artillerie de base. Je ne parle pas de munitions guidées intelligentes ou très avancées, mais simplement d'obus d'artillerie.
Comment les pays occidentaux, en particulier le Canada...? Vous pourriez peut-être nous parler de la capacité de production du Canada. Comment pouvons-nous nous assurer que l'Ukraine ne manquera pas d'obus?
Si nous parlons d'obus d'artillerie et non d'armes intelligentes... parce que les armes intelligentes sont plus compliquées. Pour elles, il y a plus d'un pays, et la fabrication est très, très compliquée. Si nous parlons d'obus d'artillerie à l'ancienne, alors là, c'est une question de capacité de fabrication.
Il y a des années, des décennies, nous avions cette capacité. Elle s'est atrophiée au fil des ans, cela se comprend, sans poussée de la guerre froide. Je pense que les services militaires ont été, à juste titre... Je ne veux pas dire qu'ils ont été fascinés, mais ils ont certainement été attirés par les armes de haute technologie. L'idée des tubes d'artillerie et des vieux obus de calibre 155 mm n'était pas la chose la plus excitante. Il s'avère que dans ce type de guerre, ils se sont révélés critiques.
Je ne pense pas que ce soit une question de capacité individuelle d'un pays. Je pense que c'est une question de planification de l'OTAN et, en un sens, d'analyse pour déterminer qui peut faire quoi pour rehausser le niveau global de production. Les budgets de la défense pour la production d'armes tendent à être très axés sur l'industrie nationale, et...
J'aimerais commencer par remercier nos deux témoins d'être venus répondre à nos questions aujourd'hui.
Peu m'importe qui me répondra le premier. Ce sont des questions générales auxquelles j'aimerais avoir une réponse de chacun d'entre vous, si possible.
Selon vous, si l'Ukraine perdait la guerre, quelles seraient les conséquences? Je sais qu'au début — et depuis le début —, l'OTAN a dit qu'elle n'irait pas en guerre pour l'Ukraine, comme on le sait maintenant. Bien sûr, l'OTAN essaie de l'aider de toutes les façons possibles avec de l'équipement militaire. À votre avis, quelles seraient les conséquences si l'Ukraine perdait la guerre?
Nous avons également entendu parler un peu des divergences d'opinions éventuelles entre les alliés de l'OTAN. Selon vous, comment pouvons-nous empêcher cela? Quel rôle, par exemple, le Canada pourrait‑il jouer pour garder les pays unis et sur la bonne voie?
Tout d'abord, si par « perdre », vous entendez que la Russie réussit un changement de régime en Ukraine, je pense que cela aurait un impact majeur. Même si les dirigeants de l'OTAN ont dit qu'ils n'iraient pas en guerre contre la Russie en Ukraine, une grande partie de la crédibilité de l'Occident est en jeu dans le dénouement des hostilités.
Une vraie perte — une perte dramatique — mettrait en question la crédibilité de l'alliance. La force de l'alliance a toujours été, bien sûr, qu'elle visait au départ à prévenir une invasion massive de l'Europe de l'Ouest par les Soviétiques. Les alliances ont un effet dissuasif. Lorsque éclate la guerre, cela devient beaucoup plus compliqué.
Si l'Ukraine perdait, deux choses se produiraient en même temps. Nous verrions une certaine fragmentation et une certaine fracture de l'alliance. Certains des pays que j'ai déjà mentionnés font partie de la catégorie des pays moins enthousiastes et hésitants. Ils pourraient trouver moyen, sinon de se retirer de l'alliance, de glisser, en un sens, dans une sorte d'« autofinlandisation », si je peux inventer ce mot, dans l'espoir d'échapper à la colère de la Russie.
En même temps, je pense que, pour certains pays — par exemple, la Pologne ou les républiques baltes —, nous assisterions à un redoublement désespéré des efforts pour que la Russie ne se laisse pas leurrer par des perceptions de victoire en Ukraine et par une OTAN faible et déjà couchée pour pousser plus loin et tenter d'avancer, que ce soit en Moldavie, dans les républiques baltes ou ailleurs. En tout cas, c'est l'objectif à long terme qui a été énoncé par le président Poutine lui-même.
Avant que nous ayons la réponse de notre autre témoin, pourriez-vous répondre à la prochaine question, et nous reviendrons ensuite?
Dans certains pays occidentaux, beaucoup de gens pensent qu'on dépense peut-être trop pour cette guerre. Je suppose que le grand public ne voit peut-être pas la nécessité de continuer de dépenser. Peut-être ne connaît‑il pas nécessairement quelles pourraient être les répercussions ou les conséquences si les choses allaient dans un sens plutôt que dans l'autre.
Croyez-vous que l'opinion publique puisse amener le gouvernement, aux États-Unis ou chez nous, au Canada, à prendre une décision différente ou à changer notre façon de faire?
Je pense que l'opinion publique, celle de l'homme de la rue, a d'abord exercé des pressions sur le gouvernement. La valeureuse résistance des Ukrainiens a inspiré beaucoup de monde et a peut-être persuadé certains gouvernements d'aller plus loin qu'ils l'avaient imaginé au départ. En même temps, si l'on regarde les élections qui s'en viennent au Canada et l'évolution de la situation politique en Europe, l'année 2024 sera des plus intéressantes pour ce qui est de la façon dont les sentiments partagés que vous évoquez se manifesteront lors des élections.
Chers collègues, si nous devons passer à un troisième tour de questions, ce que tout le monde souhaite, je crois, parce qu'elle inclura tous les membres, je devrai faire respecter le chronomètre avec une sévérité implacable.
[Français]
Madame Normandin, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Ma question s'adresse à M. Jenkins, mais M. Rasiulis pourra aussi y répondre par la suite.
On parle beaucoup de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN, de la Russie et de l'Ukraine, mais on semble parfois oublier certains autres pays, comme les pays BRICS, dont le Brésil et l'Inde. De plus, on semble oublier davantage les pays qui ont décidé de ne pas prendre parti, soit les pays attentistes. On a justement publié, récemment, un bon article intitulé « In Defense of the Fence Sitters ».
Pouvez-vous nous parler des pays qui regardent les choses à distance et qui ne prennent pas nécessairement position?
Devrions-nous nous en inquiéter un peu plus ou les surveiller davantage? Devrions-nous nous assurer de mieux soutenir l'Ukraine afin de ne pas perdre le soutien de ces pays et pour que ces derniers ne passent pas du mauvais côté?
On parle aussi beaucoup de l'Afrique, entre autres, sur laquelle la Russie a déjà un peu mis le grappin, en quelque sorte.
J'aimerais avoir vos commentaires sur les autres pays, ceux dont on parle un peu moins.
L'idée de ceux qui ne veulent pas prendre parti, surtout dans un monde en développement — en Afrique, en Asie et en Amérique latine —, n'est pas nouvelle. Rappelez-vous que, à l'époque de la guerre froide, ces pays, nous les appelions pays du tiers monde, le « tiers monde » étant clairement opposé au camp soviétique ou à l'Occident. Ces attitudes n'ont pas toujours fondamentalement changé.
Je pense qu'il y a eu une érosion des efforts diplomatiques dans beaucoup de ces pays, c'est‑à‑dire des efforts des États-Unis et des pays européens. Je ne veux pas inclure le Canada, parce que je ne fais pas de commentaires sur le Canada. La diplomatie a été négligée dans ces régions, et la Chine et la Russie en ont profité dans certains cas.
Le comportement de certains pays européens, et surtout de mon propre pays, ne s'est pas encore affranchi de l'ère coloniale, ce qui, si je peux m'exprimer ainsi, décourage bon nombre des pays des continents que vous avez mentionnés. Là‑bas, la diplomatie est plus sérieuse, et nous allons devoir nous battre diplomatiquement, tout en soutenant les efforts militaires, pour dissuader la Russie de commettre d'autres agressions.
Monsieur Jenkins, j'aimerais poursuivre dans la même veine que Mme Lambropoulos.
Vous avez beaucoup écrit sur les campagnes de désinformation russes aux États-Unis. Pensez-vous que ces campagnes ont un impact aux États-Unis. Quel impact peuvent-elles avoir sur l'aide à l'Ukraine? Qu'avez-vous vu? Pourriez-vous être un peu plus explicite sur ce que vous sembliez vouloir dire tantôt?
Écoutez, la Russie peut gagner en Ukraine de deux façons. Elle peut gagner militairement sur le terrain, ou elle peut gagner en brisant la détermination des pays occidentaux qui appuient l'Ukraine.
Elle a consacré beaucoup d'efforts et d'attention, compte tenu surtout de l'absence de progrès sur le terrain, de la poursuite de sa guerre d'information et de ses opérations d'influence. Il s'agit d'efforts pas du tout subtils de propagande et de la mise à profit de divisions préexistantes, surtout aux États-Unis, où les opérations d'information russes prennent le pour et le contre de toute forme de débat et tentent d'éloigner encore davantage le pour et le contre et d'intensifier ce débat.
Ce n'est pas de la propagande traditionnelle, mais c'est rendu possible par nos technologies de communication. C'est ce qui se passe et, encore une fois, en raison de notre clivage partisan actuel au Canada, exacerbé par l'exploitation russe de la question, nous avons vraiment des divisions majeures sur cette question. Comme je l'ai dit, nous verrons ce que cela donnera aux prochaines élections.
La réponse est non. L'Occident est d'avis que c'est l'Ukraine qui sera le moteur.
L'Ukraine a‑t‑elle un plan? Oui. Le plan ukrainien consiste à expulser toutes les forces russes de toute l'Ukraine occupée, y compris la Crimée. C'est le plan ukrainien, et l'Ouest l'appuie.
Un jour, un vieux spécialiste du renseignement m'a dit que lorsqu'une analyse est réduite à une analyse psychologique à distance de ce que quelqu'un va faire, on a un problème. Sans prétendre savoir ce que Poutine a en tête à ce sujet, je suis sûr qu'il cherche à projeter l'image d'un homme déterminé.
Il brandit la menace nucléaire. C'est sa façon de susciter la peur et l'inquiétude — essentiellement, une stratégie de terreur en Occident. Il dit qu'en cas de perte imminente, il utilisera l'arme nucléaire. C'est sa façon de détourner l'attention des lacunes militaires russes sur le terrain. Cela donne une couverture humanitaire à ceux qui disent qu'il faut mettre fin à la guerre. Cela pourrait décourager l'Occident de fournir certains types d'armes qui permettraient à l'Ukraine d'intensifier la guerre. Cela permet aux faucons russes de se livrer à toutes sortes de fantasmes belliqueux.
Je ne suis pas certain que le recours à l'arme nucléaire procurerait un avantage militaire important, même si la Russie pouvait détruire des villes ukrainiennes. Mais ce n'est pas seulement de la propagande. Poutine n'a pas à convaincre ses adversaires qu'il utilisera l'arme nucléaire. Il lui suffit de susciter suffisamment d'incertitude pour leur enlever l'envie de passer le test pour le découvrir.
Je pense que c'est ce que nous voyons ici. Nous assistons à un façonnement des perceptions, qui sont tout aussi importantes que les gains sur le champ de bataille dans la guerre contemporaine.
Il est certain que les unités sur le terrain, même formées de soldats mal entraînés et désorganisés... Il y a un processus d'apprentissage très cruel en temps de guerre. Même les soldats inexpérimentés deviennent de féroces guerriers après un certain nombre de combats s'ils survivent. Autrement, ils ne survivent pas.
Oui, je pense que nous observons des améliorations opérationnelles par rapport à ce que nous avons vu au début de la guerre. La Russie s'est organisée pour fournir plus d'armes et plus de personnel et les lancer dans la guerre.
Je pense encore à la guerre de l'information. Il y a eu un changement intéressant de la nature de la propagande russe interne, qui consiste essentiellement à informer le peuple russe qu'il s'agit d'une lutte existentielle pour laquelle il doit être prêt à faire des sacrifices à long terme. Tel est le message.
Monsieur Rasiulis, que pensez-vous des propos de l'envoyé de la République populaire de Chine en France, qui a affirmé en fin de semaine que les anciens États soviétiques ne sont pas des nations souveraines? Est‑ce qu'il parlait sans réfléchir, ou est‑ce que Pékin nous envoie des messages contradictoires?
Je pense qu'il ne devrait pas parler ainsi, parce que le gouvernement chinois a essentiellement dit qu'il exprimait là un point de vue personnel. Il postulait des choses en disant qu'il n'y avait pas de traité international validant l'indépendance des États postsoviétiques. Je ne pense pas que cela ait vraiment de crédibilité.
J'en ai parlé un peu lors de réunions précédentes, mais j'aimerais remonter avant le conflit et parler de certaines théories sur ce qui allait se passer — à savoir si cela allait se produire ou non et s'il s'agirait d'un remaniement très rapide de la carte ou d'une prise de contrôle complète de l'Ukraine jusqu'à la frontière polonaise. De toute évidence, rien de tout cela ne s'est produit.
On nous a également dit au début que c'était ainsi que les choses devaient se passer, parce que les Russes ne pouvaient pas soutenir une offensive plus longue. Ils n'en avaient pas les moyens. Ils n'avaient pas l'argent pour le faire.
Il s'est dit bien des choses à ce sujet et sur la façon dont le régime a mal géré ce conflit.
Je vais commencer par vous, monsieur Rasiulis. Quelles leçons pouvons-nous tirer de ce conflit jusqu'ici? En ce qui concerne l'avenir de la guerre, quels types de capacités le Canada et ses alliés devraient-ils chercher à acquérir?
Il est bien vrai que les guerres ont généralement tendance à ne pas se dérouler comme les deux camps s'y attendaient. La Première Guerre mondiale a commencé en 1914 avec un seul concept et a pris fin en 1918 avec un concept complètement différent.
Oui, cette guerre allait être courte et rapide. En mars 2022, les Ukrainiens et les Russes étaient toujours la version de Minsk II d'un règlement — quelques mois après le début de la guerre. Nous ne savons plus où cela va finir, mais c'est certainement loin de ce qu'on a pu penser. Comme c'est souvent le cas, les deux camps n'avaient pas le bon renseignement.
Quant aux leçons à tirer, nous apprenons que la guerre moderne consiste, à certains égards, à tirer des leçons de la dernière année de la Première Guerre mondiale, avec l'impasse stratégique et les unités de choc. Je ne parle pas des nazis. Je parle des petites unités. Les Canadiens ont fait preuve de beaucoup d'innovation, tout comme les Allemands, en ayant de petites unités qui ont tenté de briser l'impasse et d'avancer sur l'ennemi. Ce que la guerre nous montre, c'est qu'avec la technologie moderne, si l'on bouge, on est vu et on meurt. Par conséquent, il faut trouver des moyens d'avancer sa position sans être vu et tué, ce qui signifie des attaques par petites unités.
C'est pourquoi les gens disent que les Ukrainiens sont peut-être en train de lancer cette offensive, mais nous n'en savons rien, parce qu'il n'y aura pas une grosse vague au départ, comme ce fut le cas au début de la Première Guerre mondiale.
Je pense que nous nous trompons régulièrement dans nos évaluations nettes de la force des deux côtés. Nous pouvons compter les troupes, étudier les systèmes d'armement et la situation économique et tirer des conclusions. Ce sont des éléments que nous pouvons compter, mais nous avons tendance à oublier ce que nous ne pouvons pas compter.
La volonté de se battre a fait la différence. Les Ukrainiens se sont défendus de manière extraordinaire et, assurément, inattendue de part et d'autre. Cette défense a inspiré un soutien international, ce qui ne serait pas arrivé si les Ukrainiens avaient été vaincus d'un seul coup. Malgré toutes les armes de la technologie moderne, ça se résume à la volonté de se battre et à une question de perceptions.
Je tiens à remercier nos deux témoins de leur présence.
Nous parlons du fait que toutes les guerres finissent à la table des négociations. Je sais, d'après les entretiens que j'ai eus avec les responsables ukrainiens, qu'ils sont tout à fait conscients de cela.
Comme M. Jenkins vient de le dire, la volonté de se battre, la bravoure et la détermination acharnée du peuple ukrainien doivent faire partie de l'équation, tout comme son droit à l'autodétermination. Le président Zelenski est essentiellement devenu un Winston Churchill moderne par sa conduite et il a inspiré non seulement les Ukrainiens, mais aussi le monde libre.
Les Ukrainiens, à juste titre, se méfient du processus de paix. Minsk I et Minsk II ont été désastreux et ont fini par mener à la guerre que nous avons aujourd'hui, d'où le manque de confiance. Peut-être n'en sommes-nous pas encore là, aux tables de négociations, pour essayer de trouver une solution pacifique.
Nous savons que les Ukrainiens vont continuer à se battre. Nous savons que les systèmes d'armement dont ils disposent correspondent, étonnamment, à ceux de la Russie. Ce qui est peut-être plus surprenant encore, c'est ce que la Russie n'ait pas réussi son coup alors qu'elle possède ce qui est censé être l'une des plus grandes armées du monde.
Ma question porte sur la résilience de l'alliance et le soutien de nos citoyens, dont il a été question plus tôt. Nous constatons une érosion de la volonté des Canadiens, des Américains et de certains de nos alliés européens de continuer à soutenir l'Ukraine. C'est attribuable en grande partie au succès des opérations d'information russes et à leur diffusion de désinformation et de mensonges éhontés.
Comment pouvons-nous contrer cela pour nous assurer que les Canadiens — les contribuables — et nos militaires, ainsi que nos alliés, comme les États‑Unis, ne sont pas distraits par de fausses nouvelles?
Le problème, c'est qu'il s'agit essentiellement d'une guerre d'attrition, mais il y a diverses dynamiques. Nous devons voir où l'offensive ukrainienne ira maintenant et dans quelle mesure elle sera dynamique. En fait, l'opinion publique dépendra du degré de dynamisme en soi.
Les dirigeants politiques occidentaux sont tout à fait d'accord avec l'Ukraine. Le problème, comme vous l'avez souligné à juste titre, c'est la population. Divers sondages menés dans divers pays laissent entendre que ce n'est pas uniforme. Certes, le leadership politique est uniforme, mais les gens ne le sont pas nécessairement. Je ne veux pas parler de pays en particulier, mais de façon générale, à mesure que l'on s'éloigne des frontières russes et ukrainiennes vers l'ouest, l'appui de la population tend à s'affaiblir un peu par endroits.
Je pense que les États‑Unis — je fais un clin d'œil à M. Jenkins à ce sujet, et il pourra y donner suite — sont le plus grand bailleur de fonds de l'Ukraine, mais la volonté politique du peuple américain et du Congrès d'appuyer le président, qu'il s'agisse du président actuel ou du prochain, pour soutenir cet effort dans ce qui sera encore une sorte de guerre d'attrition, est actuellement incertaine. Je pense que nous sommes dans une situation très intéressante. L'appui est là maintenant, mais nous savons que des éléments du Parti républicain trouvent à y redire.
Nous pouvons en rester là pour l'instant. Je ne sais pas où cela va nous mener.
Compte tenu de l'expérience de M. Rasiulis en matière de contrôle des armements et d'armes nucléaires, je tiens à savoir comment vous voyez les choses, étant donné que la Russie envoie maintenant des ogives nucléaires au Bélarus, surtout que Poutine ne cesse de brandir le sabre nucléaire comme mesure de dissuasion?
C'est un élément clé, et M. Jenkins l'a mentionné. Cela fait partie de l'autre côté de la Russie. Il y a la guerre conventionnelle en cours, mais il y a aussi la dissuasion et la menace nucléaires.
L'installation de forces nucléaires au Bélarus est tout à fait conforme à la rhétorique croissante que la Russie est en train de tenir. En fait, ils sont en train d'envoyer des forces au Bélarus pour appuyer leur discours. Il y a l'aspect tactique, puis il y a aussi l'aspect stratégique nucléaire — l'aspect thermonucléaire — et je vais vous laisser sur ces commentaires. Medvedev, le chef du Conseil de sécurité de la Russie, a déclaré très clairement au cours du dernier mois que la Crimée est existentielle et que la Russie utilisera « toutes les armes » pour se défendre — et ce n'est pas seulement l'aspect tactique; il est question de thermonucléaire. Il ne veut pas recourir à ce genre de choses, mais il veut menacer les Ukrainiens pour les dissuader de s'en prendre à la Crimée sous la pression des Américains.
Je vous remercie tous les deux de vos exposés. Vous brossez vraiment un tableau sombre. Il y a une guerre qui se prolonge, et il y aura des tensions constantes, en marge des accords de paix ou des cessez‑le‑feu. Les tensions seront constantes à l'avenir.
La Russie a peut-être une alliance géopolitique avec la Chine et d'autres régions. Bien sûr, l'OTAN a ses risques. Nous venons tout juste d'entendre d'autres témoins mentionner nos préoccupations à l'égard de l'opinion publique aux États‑Unis, surtout si elle commence à fléchir. Qu'est‑ce que cela va donner?
Est‑il possible qu'il y ait une révolution de l'œillet en Russie? Je n'arrive pas à comprendre comment les militaires peuvent utiliser des armes nucléaires contre leurs voisins dans une situation où, peu importe la propagande, ils doivent savoir qu'il y a quelque chose d'inconcevable à continuer ainsi interminablement.
Vous avez posé deux questions. Il y a d'abord la situation interne de la Russie, puis il y a le nucléaire.
Permettez-moi de parler du nucléaire d'une certaine façon. Je ne crois pas qu'on envisage une guerre nucléaire limitée. Je pense que la plupart des stratèges en matière de dissuasion estiment qu'une guerre nucléaire limitée n'existe pas. Si on veut menacer, c'est pour le thermonucléaire qu'il s'agira d'opter.
Le meilleur exemple historique que je puisse vous donner est celui de John Kennedy lors de la crise des missiles cubains de 1962. Il ne s'attendait pas à utiliser ces armes, mais il a opté pour le niveau d'alerte Defcon 3, qui est à un cheveu de la guerre nucléaire, pour faire comprendre aux Soviétiques et à Khrouchtchev qu'il ne rigolait pas. À toutes fins pratiques, il a obtenu ce qu'il voulait avec cette menace. La situation interne en Russie, cependant, c'est que Poutine continue de garder le contrôle. Il maintient une situation très stable.
Il a des problèmes. Il a les ultra-nationalistes. Ils lui donnent plus de problèmes que les soi-disant démocrates libéraux — des gens comme Navalny, qui est en prison, ou Kara‑Murza, qui vient d'être condamné à 25 ans de prison. Dans le système russe, ces gens sont des aberrations politiques. Ce sont les technocrates qui aident Poutine à diriger le gouvernement. Essentiellement, ils n'ont pas d'autre choix que de continuer.
Les ultra-nationalistes poussent Poutine à faire plus, pas moins. Le problème de Poutine, c'est qu'il repousse les gens qui disent qu'il devrait se mobiliser pleinement, qu'il devrait essayer de faire tomber le gouvernement à Kiev et qu'il doit pousser plus loin à l'Ouest. C'est ce que Poutine essaie de gérer à tout instant.
Monsieur Jenkins, seriez-vous d'accord pour dire qu'en guise de contre-offensive il faudrait une offensive de l'Occident et que nous devrions vraiment nous y mettre?
Écoutez, je suis tout à fait d'accord avec les commentaires de mon partenaire sur son analyse.
Tout d'abord, nous ne comprenons pas bien le degré d'opposition à Poutine dans son cercle immédiat ou parmi le public en général. Poutine est aux commandes. Nous n'avons aucune preuve d'un soulèvement populaire contre lui. Je pense que ce serait trop espérer qu'il y ait un changement de régime vers un système plus démocratique. Nous pourrions par contre assister à un changement de cap encore plus belliqueux en Russie.
Nous vivons une période très périlleuse. Cela ne s'arrête pas à l'Ukraine. Quoi qu'il arrive en Ukraine, nous revoilà, je crois, dans une course mondiale à long terme qui peut facilement prendre un détour existentiel. Il est extrêmement difficile pour les générations actuelles, surtout compte tenu des médias actuels, d'Internet et des médias sociaux, de comprendre ce que cela signifie, mais nous faisons face à une lutte à long terme et nous devons nous y préparer.
Les détails de cette offensive des Russes ou des Ukrainiens en Ukraine sont, à mon avis, intéressants, mais cela ne se limite pas à l'Ukraine d'une façon ou d'une autre.
Ma prochaine question s'adresse aux deux témoins, mais je vais commencer par vous, monsieur Rasiulis.
On parle souvent des faiblesses de l'armée russe, mais peut-être un peu moins souvent de celles de l'armée ukrainienne. En raison des fuites de documents du Pentagone, on a compris que l'approvisionnement en munitions était une de ses principales faiblesses, mais y en a-t-il d'autres dont on devrait s'inquiéter, notamment à long terme, afin de les corriger immédiatement, si l’on en est capable?
La principale faiblesse des forces ukrainiennes, c'est le pouvoir du peuple. L'Occident peut fournir les munitions, et oui, il y a une pénurie, mais au bout du compte, on peut faire entrer ce qu'il faut. Les Russes ont aussi des problèmes d'approvisionnement, mais ils peuvent fabriquer ce qui est nécessaire et l'introduire comme ils font actuellement.
C'est le facteur humain qui empêche l'Occident de s'approvisionner, car nous, l'Occident, n'allons pas faire la guerre en Ukraine. Cela signifie que l'armée ukrainienne et le peuple ukrainien doivent se battre. Or, par rapport aux Russes, il n'y a qu'un nombre limité d'Ukrainiens, hommes et femmes, qui sont prêts à partir et en mesure de le faire.
La question est la suivante: y a‑t‑il plus de Russes que d'Ukrainiens qui peuvent aller à la guerre et se battre? À l'heure actuelle, la situation donne à penser que les Russes sont capables de subvenir à leurs besoins. Ils ne se sont pas encore pleinement mobilisés. Ils ont fait des mobilisations limitées. Ils pourraient faire plus. Poutine essaie actuellement d'éviter cela. Il établit un équilibre, mais le potentiel est là, alors que l'Ukraine n'a pas de quoi augmenter son potentiel à elle. Elle fait tout ce qu'elle peut.
Je suis tout à fait d'accord. C'est une question de ressources humaines et, encore une fois, de volonté de se battre.
Nous faisons souvent allusion à la Première Guerre mondiale dans cette conversation, ce qui est fascinant. Si l'on remonte à la Première Guerre mondiale, les forces russes avançaient avec succès en 1917 dans une grande offensive signée Kerensky, puis les forces militaires se sont tout simplement effondrées. Je n'exclurais pas cela. Ce n'est pas une prévision optimiste. Je dis simplement que nous devons envisager la possibilité que les forces russes sur le terrain finissent par s'effondrer à force de subir des pertes.
Pour ce qui est de l'Ukraine, je conviens qu'elle n'a pas les mêmes ressources humaines que la Russie, mais sa détermination laisse croire qu'elle va continuer. En fait, je suppose que, même s'il y avait un changement de régime à Kiev — une prise de contrôle par la Russie —, nous verrions toujours un mouvement de résistance armée en Ukraine.
Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter ici. Nous avons eu droit en passant à une leçon d'histoire sur les deux guerres mondiales, la guerre froide et la guerre de Corée. Il me semble que nous avons à peu près tout dit au cours de la dernière heure et demie.
Madame Mathyssen, vous avez deux minutes et demie.
Pour poursuivre dans la même veine, je vais demander à M. Rasiulis de commenter ce que vient de dire M. Jenkins. La semaine dernière, nous avons posé à notre dernier groupe de témoins des questions sur la faiblesse numéro un de la Russie, et un témoin a dit que c'était l'entraînement et le moral, ce qui rejoint tout à fait ce que disait M. Jenkins.
Oui. Il faisait allusion à l'offensive Broussilov, ce que je comprends très bien. C'est parce que les choses allaient vraiment mal en Russie. L'armée russe n'était pas bien ravitaillée et elle s'est effondrée, et la révolution russe commençait.
Nous n'en sommes pas encore au point d'assister au début d'une nouvelle révolution russe. L'armée russe est toujours ravitaillée, même si ce n'est pas à 100 %. Ce n'est donc pas comme en 1916 et 1917. Est‑ce qu'elle pourrait en arriver là? Elle le pourrait. Nous ne le savons tout simplement pas. Cependant, en ce moment...
Encore une fois, les sanctions n'ont pas eu tout l'effet qu'elles étaient censées avoir parce que les Russes ont trouvé des moyens de les contourner. Je ne suis pas un expert en économie, mais d'après ce que je comprends de l'histoire, la seule fois où les sanctions ont vraiment réussi et où il y a eu un effet politique, c'est en Afrique du Sud, où elles ont mis fin à l'apartheid.
Les Américains ont des sanctions contre Cuba depuis 1959 et ça continue. Dans le cas de l'Iran, de la Corée du Nord et d'autres pays, les sanctions n'ont habituellement pas les effets politiques souhaités par les gens qui les imposent.
Les Russes ont trouvé des solutions de rechange. Ils peuvent avoir leur économie interne... Ils l'ont en fait renforcée. Les usines russes de munitions fonctionnent 24 heures sur 24. Il y a une usine russe de chars en Sibérie qui prend les vieux T‑62 et les remodèle constamment. On y travaille jour et nuit, et ces chars sont placés en première ligne.
Chers collègues, nous en sommes au troisième tour et aux deux derniers intervenants. Monsieur Bezan, vous avez les cinq avant-dernières minutes pour les conservateurs, et madame O'Connell, les cinq dernières pour les libéraux.
Nous avons parlé des commentaires de l'ambassadeur de Chine en France. Récemment, l'ambassadeur de l'Afrique du Sud au Canada nous a reproché de ne pas être la puissance douce qu'il croyait et d'être trop près de l'Ukraine.
Je me demande simplement si ce sont là des commentaires appropriés pour des soi-disant diplomates qui se mêlent ainsi de plus près des relations bilatérales avec les pays où ils sont mutés. Cela fait‑il partie d'une stratégie plus vaste visant à miner le soutien de l'Occident et à remettre en question la résilience de l'alliance, particulièrement ici au Canada? Je crois que certains le qualifient de diplomatie du « loup guerrier ».
Je pense que nous avons parlé du facteur chinois, et nous savons que ce n'est pas la position de la Chine. Cependant, l'Afrique du Sud est un cas intéressant, et M. Jenkins a fait allusion à l'histoire coloniale et à l'apartheid dont nous venons de parler. L'Union soviétique, pendant la guerre froide, était très favorable au mouvement anti-apartheid, et elle est le parti au pouvoir, alors elle s'en souvient.
Ce qu'il en est de l'Afrique du Sud, et ce depuis des mois... La marine chinoise, la marine russe et la marine sud-africaine ont fait des manœuvres à l'occasion de l'anniversaire de la guerre, en février.
L'ambassadeur de la Chine a dit que les anciens États soviétiques n'avaient aucun moyen de se faire reconnaître à l'échelle internationale. Peut‑on alors invoquer le même argument au sujet de la Russie, surtout compte tenu du fait qu'elle n'a jamais accepté la Charte des Nations unies et qu'elle n'a jamais adopté la moindre résolution à la Douma pour reconnaître la Charte ou accorder son accession au Conseil de sécurité des Nations unies? J'ai été pas mal troublé de voir, il y a quelques jours à peine, Sergueï Lavrov présider la réunion du Conseil de sécurité.
Le fait est que les divers États deviennent légitimes une fois qu'ils sont reconnus à l'échelle internationale, sans que ce soit nécessairement ou entièrement par les Nations unies.
Lorsque l'Union soviétique s'est dissoute, il en est résulté des pays distincts... Par exemple, le Canada a été l'un des premiers à reconnaître certains d'entre eux, dont l'Ukraine. Il s'agit de la reconnaissance des États.
Les Nations unies sont un organisme-cadre, mais ce n'est pas un gouvernement mondial. Ce sont les gestes posés par chaque État qui comptent. Chaque État a reconnu certains pays, et c'est ce qui compte.
Monsieur Jenkins, vous avez écrit récemment que plus la guerre traîne en longueur, plus Poutine est disposé à prendre de risques. La question que j'aimerais vous poser est la suivante: lorsque nous parlons de résilience au Canada et aux États-Unis et parmi nos citoyens, combien de temps encore le peuple russe est‑il prêt à sacrifier ses jeunes hommes et femmes dans cette guerre?
Monsieur Jenkins, nous avons vu beaucoup d'hommes russes fuir le pays pour échapper à la conscription. Est‑ce que cela commence à se faire sentir dans la population, qui ne veut pas envoyer ses fils, ses filles, son mari et sa femme au front?
Je pense que c'était important. En fait, étant donné que ces personnes sont probablement les plus instruites, les mieux formées et, par conséquent, les plus susceptibles de trouver un emploi dans d'autres pays, ce serait une perte assez grande. En même temps, cela a probablement réduit certaines des sources de pression interne sur la Russie.
Beaucoup de recrues des forces russes viennent de provinces éloignées, de villes différentes. Ils n'envoient pas encore les fils de l'élite de la classe moyenne à Saint-Pétersbourg et à Moscou dans cette guerre. Cela changerait peut-être les choses.
En passant, je tiens à dire très rapidement que nous parlons de ressources humaines et de ressources humaines formées. Nous devrions nous efforcer de trouver un moyen utile d'utiliser et d'exploiter cet exode de la Russie. Ce sont des gens qui ont pris des décisions personnelles pour éviter la conscription. Ils ont renoncé à leurs racines et quitté le pays. C'est une ressource potentielle. Je ne parle pas de leur donner des fusils et de les envoyer au front en Ukraine, mais c'est une ressource importante qui pourrait être utile à l'Occident.
Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui. Vos points de vue ont été très intéressants. Il est certain que si l'on fait le lien avec le passé sans avoir à réinventer la roue, on peut voir ce qui se passe.
Une de mes questions fait allusion à ce qui a déjà été dit, mais elle s'adresse à vous deux si vous voulez intervenir.
En ce qui concerne la désinformation, je trouve très intéressant qu'aux États-Unis en particulier, des commentateurs républicains d'extrême droite parlent maintenant de leur appui à Poutine. Je n'ai jamais pensé que je verrais le jour où des membres du Parti républicain appuieraient Poutine sans réserve et partageraient très clairement les mêmes lignes de presse que le Kremlin ou la Russie.
J'ai deux points ou questions. En ce qui concerne la désinformation en Occident, nous la voyons probablement même sur tous nos médias sociaux. Si jamais on publie des messages en faveur de l'Ukraine, on reçoit soudainement des tas de messages anti-Ukraine. Dans quelle mesure la désinformation en Occident est-elle essentielle pour que les Canadiens continuent d'appuyer l'Ukraine?
Quant au deuxième point de cette question, dans la sphère politique américaine, dans quelle mesure les institutions sont-elles solides? S'il y avait un changement de leadership, risquons-nous que l'appui des États-Unis à l'Ukraine devienne moins fort? Soyons honnêtes. La contribution des États-Unis à l'appui de l'Ukraine est importante, comme celle du Canada, mais ce serait crucial.
Je sais que c'était un long préambule, mais pourriez-vous nous parler de tout changement dans la situation politique actuelle aux États-Unis ou des préoccupations connexes?
Puisque vous avez mentionné les États-Unis à maintes reprises, permettez-moi de commencer très rapidement.
Premièrement, je suis férocement non partisan, mais cela ne veut pas dire que je ne sois pas au courant de la situation politique. La division partisane aux États-Unis s'est creusée au fil des ans et elle est si profonde aujourd'hui qu'en fait, elle s'est enracinée dans le domaine de la sécurité nationale et de la politique étrangère du pays. Cela explique une partie des critiques formulées à l'endroit de l'appui des États-Unis à l'Ukraine. C'est à cause de qui occupe la Maison-Blanche en ce moment et du comportement de l'ancien occupant.
En outre, il y a une autre couche, en ce sens que la Russie se présente comme un défenseur de valeurs contre certaines décadences libérales dans sa propagande contre les prédateurs transsexuels et ce genre de choses. Cela interpelle une partie de notre population qui est extrémiste, alors il s'agit aussi d'une question de valeurs, sans parler de gens très traditionnels qui sont déterminés à promouvoir la paix et qui l'abordent de l'autre côté du spectre.
Honnêtement, je surveille la situation de près. Je ne sais pas ce qui va se passer en 2024, mais je dirais que la question va certainement faire partie des débats politiques au pays.
Je ne veux pas parler de la situation aux États-Unis, mais de façon générale, et pour répondre à votre question sur la désinformation, l'antidote à la désinformation, c'est l'éducation. Si les gens ne sont pas éduqués — autodidactes compris —, il y aura toujours des gens qui se feront avoir.
Pour peu qu'on regarde les espaces informationnels — les experts le font —, on commence à déceler assez rapidement ce qui est de la désinformation par rapport aux renseignements valides, et on peut tirer ses propres... Cependant, il faut être une personne instruite pour faire attention et voir que ce sont des fabrications artificielles et incohérentes.
L'éducation est vraiment l'antidote, et je pense que les gens acceptent universellement que c'est ainsi qu'il faut aborder la question. C'est ce qu'on a amplement fait dans les États baltes et en Finlande. Ils ont travaillé fort pour y arriver en éduquant la population. Il n'y a pas de solution magique autre que l'éducation.
Malheureusement, nous allons devoir mettre fin à la séance.
Au nom du Comité, je tiens à vous remercier tous les deux de nous avoir accordé plus de temps et d'avoir été aussi aimables et instructifs.
Certains d'entre nous viennent de rentrer de Taïwan. L'une des séances les plus impressionnantes que nous ayons eues portait sur la façon dont les Taïwanais traitent la désinformation. Leur norme est d'avoir une réponse dans les deux heures. Leur pratique habituelle est de l'avoir en moins d'une heure. Nous pourrions apprendre beaucoup de choses de la façon dont les Taïwanais traitent la désinformation. Nous sommes loin d'être aussi cohérents qu'eux.
Sur ce, je vous remercie de votre présence. Elle a été très utile.
Chers collègues, avant de lever la séance, je tiens à signaler que la ministre de la Défense de la Lettonie sera ici les 9 et 10 mai. Malheureusement, elle n'est pas disponible pendant nos réunions. Elle est disponible le 9 mai, de 8 h à 12 h, ou le mercredi 10 mai, de 12 h à 17 h 30. Si vous pouviez indiquer votre préférence au greffier...
Un député: Pardon, pourriez-vous répéter? Qui n'est pas disponible?
Le président: La ministre de la Défense de la Lettonie ne peut pas se réunir pendant la réunion du Comité. Elle est disponible le mardi 9 mai, de 8 h à 12 h, ou le mercredi 10 mai, de 12 h à 17 h 30. Veuillez simplement indiquer au greffier ce que vous souhaitez.
Vous êtes au courant de la réunion du 28 avril sur la santé et la transition. Le 2 mai, nous accueillerons la ministre. Le 5 mai est annulé. Les 9, 12 et 16 mai, nous poursuivrons l'étude sur la santé et la transition. Le 19 mai est annulé. Le 1er juin, ce sera au tour de l'ambassade de France, et je suppose que nous allons recevoir des invitations pour cette date. Le sous-ministre de la Défense de Pologne viendra le 8 mai. Nous attendons la confirmation de la salle et des services.