Passer au contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 065 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 juin 2023

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

     Chers collègues, je déclare la séance ouverte.
    Nous avons un peu de retard, mais nous pourrons poursuivre la réunion jusqu'à 17 h 45 et la diviser en deux périodes d'une heure.
    Pour la première heure, nous recevrons trois représentants du Bureau du vérificateur général, soit Karen Hogan, vérificatrice générale, Andrew Hayes, sous-vérificateur général, et Nicholas Swales, directeur principal.
    Vous connaissez bien le fonctionnement de notre comité, je n'ai donc pas besoin de vous de donner des instructions. Vous m'avez déjà prévenu que vous alliez peut-être dépasser les cinq minutes d'une seconde ou deux, mais je suis parfaitement disposé à user du pouvoir discrétionnaire de la présidence pour vous accorder ce dépassement, étant donné que vous êtes la vérificatrice générale.
    Merci.
    Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire.
    Je vous remercie. Je vais m'efforcer de parler rapidement — toutes mes excuses aux interprètes — pour respecter le temps qui m'est imparti.
    Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité dans le cadre de son étude sur les processus d'approvisionnement et leur incidence sur l'état de préparation des Forces armées canadiennes.
    Je tiens à souligner que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
    Je suis accompagnée aujourd'hui d'Andrew Hayes, sous-vérificateur général, et de Nick Swales, directeur principal et expert des questions de défense nationale qui a mené de nombreux audits relatifs à l'approvisionnement.
    Je souhaite attirer l'attention du Comité sur un certain nombre de thèmes qui ressortent de nos audits et qui sont liés à l'approvisionnement en matière de défense.
    Je parlerai d'abord des retards et des changements de portée ainsi que de leur incidence sur le renouvellement des flottes en temps opportun. Lorsque le renouvellement de la flotte est retardé, les aéronefs et les navires vieillissants demeurent en service au‑delà de leur durée de vie utile prévue ou sont retirés avant que les appareils ou navires de remplacement soient opérationnels. Le maintien en service des aéronefs et des navires vieillissants entraîne également une augmentation des coûts d'exploitation et d'entretien.
    En 2021, nous avons audité la Stratégie nationale de construction navale, dont le lancement a eu lieu en 2010. La stratégie prévoit la construction d'au moins 50 grands navires de science et de défense de différentes catégories sur une période d'environ 30 ans. Dans l'ensemble, nous avons constaté que la livraison de nombreux navires avait connu d'importants retards en raison de difficultés liées à la conception et à la construction.
    Par exemple, des soudures problématiques ont été découvertes dans les navires hauturiers de science halieutique, et il a fallu du temps pour procéder à leur examen et à leur réparation. Ces problèmes ont retardé les calendriers de construction d'autres navires, augmentant ainsi le risque que les navires ne soient pas prêts à répondre aux besoins au moment voulu.
    Dans notre récent rapport d'audit sur la surveillance des eaux arctiques du Canada, que le Comité a étudié en décembre 2022, nous avons constaté que les retards persistent, tout comme leurs répercussions. L'audit a également permis de repérer des risques de lacunes sur le plan des capacités de surveillance, de patrouille et de présence, car les satellites et les aéronefs de patrouille vieillissants peuvent également atteindre la fin de leur durée de vie utile avant que l'équipement ou les appareils de remplacement ne deviennent disponibles.
    Le remplacement de la force aérienne de combat du Canada est un autre exemple de retards ayant une incidence sur l'état de préparation. Le Canada a acheté ses CF‑18 au début des années 1980 et prévoyait les remplacer après environ 20 années de service, ce qui ne s'est pas produit. En 2016, le gouvernement a exigé que la Défense nationale ait chaque jour un nombre suffisant d'avions de chasse disponibles pour répondre au niveau d'alerte le plus élevé du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, et honorer de façon simultanée l'engagement du Canada envers l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN. La Défense nationale devait donc augmenter de 23 % le nombre d'avions de chasse disponibles pour ses opérations. Afin de répondre à ces nouvelles exigences, le gouvernement a acheté à l'Australie des avions de chasse d'occasion qui ont environ 30 ans et présentent les mêmes limites opérationnelles que la flotte de CF‑18 en service au Canada.

[Français]

    Cela m'amène au deuxième thème que je souhaite soulever, à savoir que, si on ne dispose pas du personnel nécessaire à l'utilisation et à l'entretien de l'équipement, le problème lié à l'état de préparation demeure.
    Dans le cas des avions de combat du Canada, le ministère de la Défense nationale prévoyait dépenser environ 3 milliards de dollars pour acheter et exploiter les aéronefs australiens et pour prolonger la durée de vie de sa flotte. Cependant, le ministère n'avait pas de plan pour gérer la pénurie de pilotes d'expérience et le déclin de la capacité de combat des CF‑18. L'achat d'aéronefs supplémentaires ne suffisait pas à répondre aux besoins du NORAD et de l'OTAN.
    En 2022, dans le cadre de notre suivi concernant des audits antérieurs, nous avons constaté que le ministère de la Défense nationale avait augmenté le nombre d'aéronefs et de pilotes disponibles pour les opérations, mais pas le nombre de techniciennes et de techniciens. Comme la mise en œuvre des stratégies de recrutement et de maintien en poste était en cours au ministère de la Défense nationale, il restait certains postes à pourvoir.
    Le dernier thème que je souhaite porter à votre attention aujourd'hui est la gestion des stocks. Depuis une vingtaine d'années, nous soulevons des problèmes à ce sujet dans le cadre de nos travaux d'audit d'états financiers. Nous avons examiné de façon approfondie la chaîne d'approvisionnement des Forces armées canadiennes au cours d'un audit de performance effectué en 2020. Nous avons constaté que, dans 50 % des cas, les unités militaires avaient reçu le matériel en retard, notamment des pièces de rechange, des uniformes et des vivres. Les articles prioritaires requis pour satisfaire aux besoins opérationnels critiques étaient livrés en retard encore plus souvent, soit dans 60 % des cas. Ces retards, qui étaient souvent attribuables à des pénuries de stock, ont réduit la capacité du ministère de la Défense nationale à s'acquitter de ses missions et à gérer ses ressources avec efficience.
    Ces audits soulignent l'importance d'approvisionner les forces militaires canadiennes et de renouveler les flottes en temps opportun pour prévenir des lacunes sur le plan des capacités qui pourraient empêcher le Canada de respecter ses engagements relatifs à la défense et à la science à l'échelle nationale et internationale.
    Je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
    Merci.
(1550)

[Traduction]

    Merci, madame la vérificatrice générale.
    Monsieur Kelly, vous avez la parole pour six minutes.
    Dans votre rapport de 2021, que vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué ce qui suit au paragraphe 2.14: « La livraison d'un grand nombre de navires a connu des retards importants. S'il devait y avoir d'autres retards, plusieurs navires pourraient être mis hors service avant que les navires de remplacement soient opérationnels. »
    Est‑ce toujours le cas? Des mesures ont-elles été prises depuis la publication de votre rapport pour remédier à la situation?
    Nous avons examiné la situation de manière approfondie lorsque nous avons effectué notre travail sur la surveillance des eaux arctiques. Dans l'audit de la stratégie de construction navale, nous avons noté qu'il y avait des retards et que la marge de manœuvre était très faible.
    Lorsque nous avons analysé la surveillance des eaux arctiques, nous avons constaté que ces retards persistaient. Je vous invite à consulter, dans ce même rapport, la pièce qui met en évidence la date prévue de fin de la durée de vie utile des navires, la durée d'une éventuelle prolongation de cette vie utile et la date prévue d'entrée en service des nouveaux navires.
    Il pourrait y avoir un écart entre les capacités de surveillance et la disponibilité de l'équipement si rien n'est fait et si la Défense nationale ne s'attaque pas aux problèmes des retards...
    Qu'en est‑il de la responsabilité ministérielle? Le directeur parlementaire du budget a parlé de la répartition des responsabilités entre différents ministères.
    Le fait de n'avoir qu'un seul ministre aurait‑il un effet bénéfique et permettrait‑il de mieux contrôler ces projets?
    Quand je regarde l'ensemble de notre travail, je ne pense pas que nous n'ayons jamais trouvé quoi que ce soit qui aurait pu faire de cette question l'un des principaux risques à traiter.
    Je dois admettre que, personnellement, je ne me préoccupe guère de savoir si le processus implique un ou plusieurs ministères. Ce qui est crucial dans un processus d'approvisionnement, c'est de pouvoir compter sur les compétences nécessaires. Il ne s'agit pas d'un achat de simples bottes, il faut une expertise spécialisée...
    Services publics et Approvisionnement Canada, ou SPAC, possède‑t‑il ces compétences spécialisées?
    Je dirais qu'ils sont les experts en matière d'approvisionnement. Il faut ensuite combiner leur expertise à celle de la Défense nationale en ce qui concerne la défense et les besoins à combler.
    Si vous n'aviez qu'une organisation, celle‑ci devrait s'assurer qu'elle dispose de toutes les compétences et de l'expertise nécessaires...
(1555)
    Cette combinaison existe‑t‑elle à l'heure actuelle?
    Je crois qu'ensemble, les Forces armées canadiennes, la Défense nationale et SPAC possèdent les compétences nécessaires. Je pense que la lenteur des décisions ne vient pas de là.
    D'où vient-elle?
    Je dirais qu'il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte.
    La planification du cycle de vie n'est pas très bonne en ce qui concerne l'approvisionnement en matériel militaire. Les problèmes auxquels le Canada risque d'être confronté ne sont pas apparus du jour au lendemain: tout le monde sait qu'un navire ou un avion a une durée de vie utile. Il faut une meilleure planification à cet égard.
    Je voudrais ensuite souligner la complexité des processus de passation des marchés, qui ne se limitent plus au simple achat d'un bien. En effet, de nombreux marchés publics visent à accomplir plusieurs choses, qu'il s'agisse de créer une industrie, comme dans le cas de la construction navale, ou d'essayer de dégager des avantages économiques de ces marchés. Il y a un compromis à faire lorsque l'on essaie d'accomplir plusieurs choses dans le cadre d'un seul processus d'approvisionnement.
    Enfin, je dirais qu'il n'y a pas vraiment de résultat stable. À quoi devraient ressembler les Forces armées canadiennes et de quoi ont-elles besoin? Il doit y avoir un véritable consensus à ce sujet au sein du gouvernement.
    Au paragraphe 2.46, vous avez fait la recommandation suivante: « Services publics et Approvisionnement Canada devrait améliorer les outils de gestion des risques à l'échelon de la direction de la Stratégie nationale de construction navale afin de permettre: la réalisation d'analyses des risques approfondies; [...] des mesures d'atténuation des risques précises, mesurables et assorties d'échéances; [et] un meilleur suivi de la mise en œuvre des mesures d'atténuation des risques. »
    Le ministère a accepté votre recommandation. A‑t‑il mis en place certaines des mesures proposées?
     Je vais devoir demander à M. Swales s'il souhaite répondre à cette question.
    Nous n'avons pas approfondi l'étude au‑delà du plan d'action détaillé que le ministère a fourni au comité des comptes publics lorsqu'il a tenu une audience à ce sujet.
    Je pense qu'il est essentiel de définir cette relation contractuelle et de se mettre d'accord sur la manière de répartir les risques afin d'accélérer le processus de passation des marchés. Il y a un avantage à se décharger d'une partie du risque, mais celui‑ci doit effectivement être transféré, et non repris par le gouvernement.
     Il serait souhaitable de tenter de préciser le processus afin de le rendre plus efficace.
    L'aversion au risque serait-elle attribuable à un manque d'expertise chez les fonctionnaires de SPAC? Croyez-vous que celle‑ci contribue aux retards observés?
    Je ne suis pas convaincue que l'aversion au risque soit l'un des facteurs qui causent des retards. Je crois qu'il s'agit plutôt d'une question de résultats, de priorités et d'objectifs en évolution. S'il faut beaucoup de temps pour prendre une décision, la technologie évolue et il faut recommencer le processus. C'est un cycle qui se répète.
     Une prise de décision plus rapide et une meilleure connaissance du résultat escompté permettraient de limiter les retards dans la passation des marchés. Je ne crois pas qu'il y ait de lien avec l'aversion pour le risque.
    Comment peut‑on procéder pour accélérer la prise de décisions?
    Je pense qu'il faut parvenir à un consensus au sein du gouvernement sur ce que devraient être les Forces armées canadiennes et ce dont elles ont besoin. Ce serait un bon point de départ.
    Merci, monsieur Kelly.
    Monsieur Sousa, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui et de reconnaître la complexité de ces décisions et des processus d'approvisionnement ainsi que le temps nécessaire pour évaluer les fournisseurs potentiels, en particulier pour les projets de grande valeur.
    Je crois que vous avez laissé entendre qu'il y a manifestement un besoin important de personnel supplémentaire. Vous avez sans aucun doute évoqué les retards, qui sont au cœur de la discussion que nous avons aujourd'hui. En effet, nous sommes tous préoccupés par les retards et par la capacité à répondre aux besoins au fur et à mesure qu'ils se présentent. Il a fallu de nombreuses années simplement pour en venir à une décision sur les avions de chasse.
    Vous avez parlé des retards comme d'un problème majeur, vous avez parlé de la disponibilité du personnel et de sa capacité ainsi que de son expertise pour prendre des décisions, et vous avez parlé de la gestion de l'inventaire et de certains retards en ce qui concerne le maintien d'un inventaire adéquat. Je présume que vous avez été en mesure d'effectuer un audit efficace malgré certains de ces retards. Vous avez manifestement pris connaissance des problèmes.
    Que peut‑on faire? Avez-vous des solutions aux problèmes qui ont été relevés? Quelles sont vos suggestions?
    J'aimerais avoir une boule de cristal et être en mesure de résoudre tous les problèmes liés à l'approvisionnement, mais je dirais que celui‑ci…
    Un député: Je n'entends pas très bien.
(1600)
    Moi non plus.
    J'invite les conservateurs à faire preuve d'un peu de calme.
    Vous pouvez continuer.
    Je dirais qu'il faut du personnel et des capacités. Il y a des besoins en termes de capacité sur le plan de l'approvisionnement. Il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de capacité d'achat; il faut aussi penser au personnel qui utilisera les articles achetés — comme les pilotes ou les capitaines — ainsi qu'à l'entretien et aux techniciens. Voilà qui fait partie de ce que j'appellerais la planification du cycle de vie d'un bien que l'on achète.
    Je pense qu'il faut parvenir à un consensus sur les besoins des Forces armées canadiennes et s'y tenir... En ce qui concerne les avions de chasse, les besoins ont évolué et de nouveaux engagements ont été pris. À l'origine, il fallait respecter un certain seuil de dépenses, puis il a été décidé que le Canada devait pouvoir répondre aux alertes les plus élevées de l'OTAN et de NORAD. Les capacités nécessaires augmentent donc en fonction des besoins établis.
    Je me demande si, au Canada, il existe un sentiment d'urgence à équiper convenablement nos forces armées et nos troupes. Peut-être que ce sentiment devrait être pris en compte.
    Dans le contexte de la guerre en Ukraine, nous avons l'occasion de nous montrer plus sensibles à notre engagement.
    Qu'en est‑il de la stratégie de construction navale? Sommes-nous en mesure de réaliser une partie de ce qui est proposé?
    La stratégie de construction navale est un des éléments qui contribuent à certains des retards, à mon avis. J'ai parlé d'essayer d'accomplir beaucoup de choses dans un processus d'approvisionnement où il y a des compromis à faire. Lorsqu'on essaie d'établir une industrie pour être en mesure de construire et de réparer des navires au pays, il faut faire des compromis. Il y aura des lenteurs, parce qu'il faut entre autres compromettre là‑dessus, et peut-être des coûts. Il faut trouver cet équilibre dans un processus d'approvisionnement.
    Il s'agit d'une décision stratégique: veut‑on obtenir des navires grâce à ce processus d'approvisionnement, ou veut‑on en plus établir une industrie ou une capacité technologique au pays?
    Un des témoins entendus a notamment recommandé d'opter pour une centralisation, c'est‑à‑dire d'avoir un bureau d'approvisionnement spécialisé pour coordonner tous ces efforts sous un même toit.
    Croyez-vous qu'il s'agit d'une solution efficace, sachant à quel point le processus est complexe et combien il le deviendra, et compte tenu que le Conseil du Trésor devra ultimement prendre ces décisions?
    Qu'il y ait un ou plusieurs intervenants dans le processus d'approvisionnement, si les décisions changent constamment, il y aura des retards. L'important est d'arriver à un consensus sur ce dont les Forces armées canadiennes ont besoin.
    C'est exact.
    Pour ce qui est de la capacité, une des questions qui se posent est: « Avons-nous la capacité et l'expertise à l'interne pour y arriver? »
    Avons-nous actuellement la capacité voulue pour assurer l'approvisionnement militaire?
    Combien de ressources supplémentaires sont nécessaires? Évidemment, ce n'est pas parce qu'il y a des retards que...
    Je n'ai pas évalué la taille de l'effectif d'approvisionnement nécessaire pour satisfaire à la demande, mais je dirais que la capacité actuelle à l'échelle de la fonction publique fédérale est insuffisante. Cela ne se limite même pas à l'armée. C'est dans d'autres domaines. Regardez les approvisionnements en TI. Il y a un manque de capacité et d'expertise dans l'ensemble de la fonction publique, en général, en matière d'approvisionnement.
    Malgré les limites de la capacité actuelle, est‑ce que l'expertise y est?
    J'ose espérer que les Forces armées canadiennes ont l'expertise voulue pour leurs besoins... pour se procurer ce que les forces militaires ont besoin pour remplir leur mandat efficacement. Il faut s'assurer d'avoir les bons agents d'approvisionnement en place pour le faire.
    Comme je le disais, je n'ai pas fait d'évaluation détaillée pour savoir si nous avions ou non cette expertise. Dans chacun de nos audits, nous soulignons que les retards sont surtout attribuables au processus décisionnel. C'est le moment auquel les décisions sont prises qui entraîne des retards.
    Merci.
    Merci, monsieur Sousa.

[Français]

    Madame Normandin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame la vérificatrice générale, je vous remercie de votre présence et de vos remarques d'ouverture.
    J'aimerais revenir sur la durée de vie et le cycle de vie des appareils. Vous avez mentionné qu'on devait souvent prolonger leur exploitation au-delà de leur durée de vie et que cela engendrait des coûts assez élevés. Je vais donc vous poser une question en deux temps.
    Arrive-t-il de façon presque systématique qu'on dépasse la durée de vie utile du matériel qu'on a?
    Le cas échéant, est-ce parce qu'on évalue de façon trop positive la durée de vie du matériel? Comme il y a toujours des aléas, ne devrait-on pas prévoir une période tampon en réduisant de quelques années la durée de vie estimée du matériel, pour s'assurer de ne jamais l'atteindre ou la dépasser?
    J'aimerais entendre vos commentaires généraux là-dessus.
(1605)
    La durée de vie utile des actifs est un défi en matière d'audit chaque année. Il ne s'agit pas juste des navires et des aéronefs; cela peut être un ordinateur, par exemple. Les analyses sous-estiment probablement la durée de vie du matériel, mais les forces militaires réussissent très bien à la prolonger. Cependant, cela engendre plus de coûts.
    Une fois qu'on prolonge la durée de vie d'un navire, cela coûte beaucoup plus cher de le garder à flot. C'est la raison pour laquelle je me pose des questions au sujet de l'équipement utilisé dans l'Arctique. On sait que les eaux arctiques sont dures sur l'équipement. Ce n'est donc pas une surprise. On sait que l'équipement va dépasser sa durée de vie utile.
    Que fait-on pour les satellites, par exemple? Aussitôt qu'on achète de l'équipement, on devrait penser à son cycle de vie. S'il a une durée de vie d'une vingtaine d'années, on devrait se dire qu'après une dizaine d'années, on déterminera s'il est temps de commencer le processus d'octroi de contrats pour prévoir son remplacement. Je trouve un peu bizarre que le Canada ne soit pas plus proactif à cet égard.
    Si je comprends bien, ce serait mieux de faire une analyse un peu plus modeste de la durée de vie du matériel, quitte à remplacer quelque chose dont la durée de vie pourrait être prolongée, plutôt que d'aller presque systématiquement au-delà de la durée de vie du matériel.
    C'est exactement cela. Il faut également tenir compte de l'évolution de la technologie. Si le Canada veut garder son équipement à jour, il doit penser aux cycles de vie et faire en sorte que les contrats soient octroyés de façon plus régulière. Ainsi, on s'assure qu'aucune lacune liée à l'équipement ne nuit à ses activités de surveillance.
    Merci beaucoup.
    Vous avez dit qu'il n'y avait pas suffisamment de techniciens pour assurer l'entretien des CF‑18 australiens. Devrions-nous limiter nos acquisitions, si nous savons que nous n'aurons pas la main-d'œuvre nécessaire pour entretenir ces appareils? Au contraire, devrions-nous en faire fi, puisque la formation de la main-d'œuvre prend peut-être moins de temps que le processus d'acquisition lui-même?
    Où est le point d'équilibre entre la main-d'œuvre disponible et notre capacité à entretenir les appareils que nous achetons?
    C'est drôle, mais je vous présenterais plutôt l'autre face de la médaille: si nous avions le personnel, les pilotes et les techniciens, le sentiment de l'urgence de remplacer notre équipement serait plus fort. Il faudrait avoir suffisamment d'équipement pour s'assurer que nous pouvons répondre aux engagements du gouvernement, à l'international et à l'échelle du pays.
    On peut donc voir une face ou l'autre de la médaille.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais revenir sur ce que vous avez mentionné à propos de la gestion des stocks. Les unités reçoivent du matériel en retard de façon presque systématique, surtout quand c'est du matériel critique. Je pense que vous avez mentionné que, dans ce cas, c'était en retard 60 % du temps.
    Avez-vous des recommandations précises à faire au sujet de la gestion des stocks pour ce genre de matériel? Je ne parle pas des grosses acquisitions, mais plutôt du matériel sujet à être remplacé plus fréquemment. Y a-t-il des problèmes particuliers qui pourraient déjà être réglés dans le cas de l'équipement dont la rotation des stocks est plus fréquente?
    C'est un enjeu que nous avons soulevé lors de nos audits financiers aussi. Vous parlez de notre audit de performance, mais, tous les ans, la question de la gestion des stocks au ministère de la Défense nationale est soulevée dans les Comptes publics du Canada. Beaucoup de recommandations ont été faites. Le ministère de la Défense nationale a un plan stratégique d'une dizaine d'années. Il fait des progrès tous les ans, mais cela prend du temps.
    Dans le cadre de l'audit de performance, nous avons recommandé de s'assurer que toutes les demandes dites critiques le sont réellement. Parfois, des gens peuvent dire qu'une demande ordinaire est critique pour en accélérer le traitement. Cela se produit parfois, mais le gros problème est vraiment la gestion des stocks. Il faut être en mesure de planifier pour déterminer de quel matériel on a besoin, à quel endroit et à quel moment.
    En somme, il faut mieux gérer les stocks. Le gouvernement ne gère pas efficacement ses stocks, mais il est très bon pour répondre à des urgences. Nous avons même donné un exemple, dans notre rapport, où le gouvernement a été en mesure d'acheminer l'équipement nécessaire, mais où le processus n'a pas été efficace, car il y avait beaucoup de coûts de transport, notamment. À l'avenir, il faudrait mieux estimer les besoins au quotidien des Forces armées.
(1610)
    Il faut donc éviter de qualifier tous les besoins d'urgents simplement parce qu'on se dit que, de cette façon, le traitement sera plus rapide. Autrement, si tout est urgent, plus rien n'est urgent, finalement.

[Traduction]

     Merci, madame Normandin.
    La parole est maintenant à Mme Mathyssen, pour six minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Hogan, aux États-Unis, il y a eu une enquête de six mois sur les dépenses militaires. C'est 60 Minutes qui s'est penché là‑dessus. Cela a incité plusieurs sénateurs à demander au secrétaire à la Défense de faire un audit interne. L'audit a révélé que le processus d'approvisionnement militaire était en proie à des inflations de prix arbitraires de la part de l'industrie elle-même. Deux facteurs importants sont ressortis de cette enquête, à savoir la concentration d'une poignée d'acteurs de l'industrie et la réduction massive du nombre de fonctionnaires affectés à l'évaluation des projets d'approvisionnement.
    À un moment donné, certaines de ces entreprises ont augmenté leurs bénéfices totaux d'environ 40 %, allant parfois jusqu'à 4 000 %. Une loi fédérale américaine interdit de vendre des équipements militaires à des clients internationaux à un prix inférieur à celui payé par les États-Unis.
    En déduisez-vous que si nous achetons des équipements américains auprès de ces mêmes producteurs, ils gonfleront alors le prix des produits achetés par les Canadiens?
    Je ne suis pas certaine de savoir de quelle étude vous parlez. Si c'est vrai que les acheteurs étrangers ne doivent pas payer moins que le font les acheteurs des États-Unis, cela signifie au mieux une hausse des coûts pour le Canada.
    Le processus d'approvisionnement canadien ne tient‑il pas compte des coûts internationaux et de la façon dont ils sont potentiellement gonflés? Cela a‑t‑il un impact sur la manière dont notre propre processus d'approvisionnement aborde les choses?
    Au Canada, l'approvisionnement est normalement un processus ouvert et transparent qui est conçu pour recevoir des soumissions concurrentielles, de façon à éviter ce genre d'inflation arbitraire. C'est la raison pour laquelle notre processus d'approvisionnement exige une procédure d'appel d'offres ouverte et transparente.
    Monsieur Hayes, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
    J'ajouterais simplement que le droit de la concurrence entre aussi en ligne de compte pour s'assurer qu'il n'y a pas de dumping ou de conspiration sur l'inflation des prix, ce genre de choses, qui sont contraires à la loi. La question est de savoir si les marchés publics sont également structurés de manière à garantir la meilleure valeur et si le prix est un critère qui guidera les décisions en matière d'approvisionnement.
    J'aimerais soulever deux points à ce propos.
     M. Sousa a effleuré la question et vous avez dit ne pas en être certaine... Le ministère de la Défense nationale du Canada a produit un rapport interne qui a conclu à un manque à gagner de 30 % par rapport aux 4 200 postes d'experts qualifiés en approvisionnement, un problème qui perdure au ministère depuis des années.
    En matière d'approvisionnement, le ministère de la Défense nationale n'a pas les ressources humaines nécessaires pour réaliser cette étude et s'assurer que de telles choses ne se produisent pas.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur ce premier point avant d'aborder le deuxième.
    Eh bien, j'ai dit ne pas avoir évalué la capacité en matière d'approvisionnement militaire, mais je peux affirmer qu'il y a un manque à gagner à l'échelle de la fonction publique fédérale pour ce qui est de la capacité d'approvisionnement de bien des secteurs. J'ai donné l'exemple des TI.
    Dans nos audits, nous constatons souvent que l'absence d'agents d'approvisionnement fait qu'il y a des retards. En fait, mon propre bureau a parfois du mal à maintenir la capacité et les compétences voulues au sein de son équipe d'approvisionnement. La situation est la même à l'échelle de la fonction publique, et c'est probablement ce qui contribue aux 30 à 40 % auxquels vous avez fait référence.
    En ce qui concerne les prix gonflés par l'industrie et le fait que nous passons à... Il a été question, bien sûr, de ce dont vous avez parlé, soit un processus contractuel ouvert et concurrentiel. Cependant, le gouvernement se dirige vers un processus contractuel à fournisseur unique.
    Pourriez-vous nous dire comment l'approvisionnement à fournisseur unique va influer sur les coûts?
(1615)
    Je suppose que cela dépend de ce que vous voulez accomplir avec ces marchés à fournisseur unique, s'il y a des demandes concurrentes et, comme M. Hayes l'a mentionné, si la valeur monétaire et le rapport qualité-prix font partie de la décision d'achat. Parfois, c'est une question de calendrier. D'autres fois, il s'agit d'autres avantages économiques. On peut vouloir s'assurer qu'une industrie est créée au Canada.
    Ce sont des compromis qui influent sur le prix et les délais. Il faut penser à l'objectif du processus, qui ne se limite pas à acquérir un bien.
    Vous voyez le problème, par contre. Pour les F‑35, par exemple, c'était un fournisseur unique. C'était un concours ouvert qui est finalement allé aux Américains. Après enquête, les Américains constatent maintenant que certaines entreprises avaient énormément gonflé les prix. L'achat se fait à un certain tarif concurrentiel, dans le cadre d'un marché à fournisseur unique. Quand vient le temps de passer aux commandes subséquentes, il n'y a pas assez de gens pour examiner la concurrence.
    Oui, le droit de la concurrence peut interdire une telle pratique, mais si toutes les pièces du casse-tête ne sont pas en place, l'inflation des coûts ne pose‑t‑elle pas encore problème?
    Très rapidement, je vous prie.
    Bien, les retards en général font augmenter les coûts, n'est‑ce pas? L'un ne va pas sans l'autre. Le manque de personnel, le processus décisionnel inopportun et la lenteur des processus d'approvisionnement seront autant de facteurs contribuant à cela. Je ne sais pas si un seul élément peut être responsable de la hausse des coûts en matière d'approvisionnement.
    Merci, madame Mathyssen.
    Monsieur Bezan, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier encore une fois la vérificatrice générale et son équipe d'être ici.
    Madame Hogan, est‑ce que le ministère de la Défense nationale vous donne accès à toutes les données dont vous avez besoin pour faire votre travail quand vous faites un audit? Vous avez toutes les autorisations de sécurité nécessaires; le ministère ne cache rien, alors si vous voulez consulter les contrats, vous pouvez le faire.
    Généralement, cela ne pose absolument pas problème. Une bonne partie de notre personnel a les autorisations de sécurité requises, et sinon, nous tâchons de les obtenir. À ce jour, nous n'avons jamais eu de difficulté à accéder à l'information pour ce qui est de la Défense nationale.
    Quand vous avez étudié la Stratégie nationale de construction navale et les processus d'approvisionnement pour les navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique, les navires de combat de surface et les navires de soutien interarmées à Seaspan, vous avez été en mesure de voir les contrats pour vérifier que les contribuables en auront pour leur argent.
    Absolument. Nous avons pu voir tous les contrats que nous voulions voir durant nos audits de la Défense nationale.
    Chaque fois qu'un rapport nous est renvoyé, il y a déjà la réponse du gouvernement qui dit accepter vos recommandations. Quand vous rédigez un rapport, y a‑t‑il une concertation entre votre bureau et le gouvernement pour ce qui est de la formulation, ou même de la modification, des recommandations formulées à l'égard de la Défense nationale?
    À la fin d'un audit, nous nous assurons toujours de vérifier les faits auprès du ministère. Nous validons toujours l'exactitude des faits et nous nous assurons que nous avons reçu toutes les informations. Nous parlons ensuite de la recommandation.
    Il y a un peu de concertation à propos de la recommandation, absolument. Nous voulons ainsi nous assurer que le ministère est disposé à mettre la recommandation en oeuvre et qu'elle permet de corriger les lacunes relevées. Il est inutile de formuler une recommandation que personne ne voudra appliquer ou qui restera indéfiniment à l'état de promesse.
    Je ne dirais pas qu'il s'agit de négocier ou de formuler la recommandation. Le but est de veiller à ce qu'elle soit réalisable et qu'elle permette de corriger les faiblesses que nous avons relevées.
    Dans le dossier du remplacement des avions de chasse, en 2018, alors que nous nous penchions sur la question des F‑18 et envisagions d'acheter de vieux avions de chasse australiens, votre prédécesseur affirmait dans une ébauche de rapport ayant fait l'objet d'une fuite que, de l'avis de son bureau, le gouvernement n'avait pas besoin de dépenser 470 millions de dollars pour acheter des chasseurs F‑18 usagés qui étaient aussi vieux et avaient les mêmes lacunes en matière de capacité de combat que les appareils de la flotte canadienne. Dans une recommandation, il indiquait que la Défense nationale ne devrait pas faire l'acquisition provisoire d'avions tant qu'elle n'aurait pas mis en œuvre de plan pour recruter et former des pilotes et des techniciens. C'est ce qui était écrit dans l'ébauche de rapport.
    Dans le rapport final, par contre, on pouvait lire ceci: « La Défense nationale devrait élaborer et mettre en œuvre des stratégies de recrutement et de maintien en poste des techniciens et des pilotes de la force de chasse pour lui permettre de satisfaire aux exigences opérationnelles et de se préparer au passage à la flotte de remplacement ».
    C'était tout un changement de ton. Ce n'était certainement pas: « Ne perdez pas votre temps à gaspiller l'argent des contribuables pour les avions de chasse australiens ». Est‑ce que ce genre de changement de cap se produit souvent, ou est‑ce que c'était un cas unique?
(1620)
    Je peux dire quelques mots au sujet de cette situation. Je pense qu'elle s'inscrivait essentiellement dans une optique d'orientation, question de déterminer s'il fallait ou non acheter les avions. Le gouvernement s'était engagé à répondre au niveau d'alerte le plus élevé du NORAD et de l'OTAN, et il lui fallait des avions de combat pour pouvoir respecter cet engagement. C'était une décision stratégique.
    Depuis que je suis en poste, aucun changement du genre n'a eu lieu, sauf dans des cas où il nous manquait des faits ou de l'information ou s'il était évident que le ministère n'allait pas donner suite à notre recommandation. Notre objectif est d'améliorer la fonction publique, pas de travailler en vain.
    Au sujet de cette notion « d'améliorer la fonction publique », et dans le cadre de l'étude que nous menons présentement, l'objectif est d'améliorer le processus d'acquisition de la Défense nationale et d'obtenir le matériel et l'équipement dont nous avons besoin plus rapidement et à moindre coût. Quelles sont vos recommandations à l'intention de notre comité pour ce qui est d'accélérer le processus d'achat d'équipement? Comment s'assurer que...? Vous avez déjà souligné qu'il manque de personnes spécialisées dans l'achat d'équipement de défense.
    Quel est le juste milieu entre notre obligation fiduciaire de respecter l'argent des contribuables et la nécessité de fournir à nos forces armées l'équipement dont elles ont besoin dans le monde dangereux dans lequel nous vivons?
    J'en ai déjà parlé, mais cela se résume à deux volets. Il faut d'abord qu'il y ait consensus à l'égard des besoins des Forces armées canadiennes et de l'état dans lequel elles devraient se trouver. Puis, on achète le nécessaire en conséquence, mais en s'assurant de planifier les besoins pour l'ensemble du cycle de vie des biens acquis. Il ne suffit pas de se procurer du matériel; il faut aussi avoir tout le personnel nécessaire pour...
    Notre armée ne se préoccupe pas des coûts du cycle de vie; ce qui lui importe, ce sont les ressources à sa disposition pour affronter les menaces, alors...
    Je comprends ce que vous dites, mais les fonctionnaires, eux, devraient tenir compte des coûts du cycle de vie.
    Je veux bien, mais comment le faire plus rapidement pour que nous soyons en mesure de faire face aux défis actuels?
    Ce dont je tiens compte, pour ma part, c'est le temps. Monsieur Bezan, votre temps est écoulé.
    Vous pourrez peut-être revenir sur la question de M. Bezan un peu plus tard.
    Monsieur Fisher, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup à vous d'être ici, madame Hogan, et merci à votre équipe.
    C'est une conversation très intéressante. Nous avons beaucoup parlé de choses semblables, mais je voudrais parler de la Stratégie nationale de construction navale.
    Vous avez parlé de compromis, d'un juste milieu, peut-être, entre un approvisionnement rapide et la création d'une industrie, comme nous le faisons au Canada. Nous avons connu des hauts et des bas dans notre histoire. Nous construisons deux ou trois navires, puis nous laissons partir les gens compétents, dans l'espoir qu'ils trouvent d'autres emplois. Puis, peut-être 30 ans plus tard, lorsque nous avons besoin de nouveaux navires, nous essayons de refaire la même chose.
    Vous avez parlé d'environ 50 navires construits sur 30 ans à l'échelle du pays, mais plus particulièrement dans la région de l'Atlantique, et je dirais que la construction de chaque navire est beaucoup plus efficace que la précédente, même si je pense que plus nous construisons de navires, moins nous gagnons en efficacité d'une fois à l'autre. Ce que nous voyons maintenant en Nouvelle-Écosse, en particulier à Halifax — et il y a aussi des chantiers à Dartmouth et à Cole Harbour —, c'est que nous sommes en train de bâtir une industrie de pointe et d'augmenter notre capacité en construction navale.
    Je peux vous dire avec certitude, d'après ce que j'ai vu, que l'expertise qui se construit ici et les emplois indirects qui sont créés au Canada ont beaucoup de valeur. Nous figurons parmi les meilleurs constructeurs de navires au monde maintenant. Cela semble être la voie de l'avenir.
    Votre travail, bien sûr, consiste à vous assurer que nous en avons pour notre argent. Trouvez-vous utile de créer une telle industrie nationale, même si sa valeur peut ne pas être perceptible dès le premier jour, mais plus vers le milieu ou la fin d'un contrat?
    La stratégie de construction navale avait vraiment trois objectifs: renouveler la flotte, créer un secteur maritime et générer des retombées économiques pour le Canada. Vous avez raison: bon nombre de ces objectifs sont vraiment à long terme.
    Aujourd'hui, il serait difficile de vous dire que cet investissement est rentable, mais c'est le choix politique que le pays a fait pour l'avenir. Il s'agit maintenant de faire un suivi et de ne pas oublier les objectifs, mais ils s'accompagnent, comme je l'ai dit, de compromis. La création d'un secteur maritime se fera lentement, le temps qu'on se prépare à atteindre l'objectif prévu dans la stratégie de construction navale.
    Là où les choses auraient pu être accélérées, c'est dans la négociation des contrats pour déterminer qui paie quoi. Est‑ce le secteur privé? Est‑ce le gouvernement? Comment arrivera‑t‑on à nos fins?
    Il a fallu environ sept ans entre le premier accord-cadre et l'ouverture du chantier naval et la construction du premier navire. C'est très long juste pour négocier ce qui devra se passer. Cela retarde la construction de tous les futurs navires par ricochet.
    La rentabilité peut se mesurer de bien des façons. Même s'il peut y avoir des avantages économiques, les longs délais et les coûts engendrés par la prolongation de la durée de vie des navires peuvent peser plus lourd dans la balance. Encore une fois, il s'agit de prendre des décisions plus rapides en ce qui concerne les besoins des Forces armées canadiennes.
(1625)
    Éloignons-nous un peu de la Stratégie nationale de construction navale. Pensez-vous que ces perpétuels cycles d'expansion et de ralentissement pourraient expliquer les lenteurs dans le processus d'acquisition de produits militaires?
    Vous voulez dire si nous nous éloignons...
    Non, je parle des perpétuels cycles d'expansion et de ralentissement. Est‑ce qu'ils contribuent aux lenteurs?
    Je ne sais pas. Tout ce dont les militaires ont besoin ne peut pas être construit au Canada. Il s'agit de déterminer exactement, d'un point de vue stratégique, ce qui devrait être construit au Canada et ce qui devrait être acheté à l'extérieur du Canada. Cela pourrait aider. Si l'on décide que les navires doivent être construits ici, quel est le compromis? Quelles autres choses ne devraient peut-être pas être construites ici? C'est un choix stratégique à faire.
    M. Sousa a parlé des postes vacants. Je voudrais obtenir quelques éclaircissements à ce sujet. Vous avez dit que nous avons les spécialistes et les compétences nécessaires en approvisionnement, mais qu'il y a un manque de capacité. Est‑ce strictement une question de main-d’œuvre? Je crois comprendre que nous sommes en concurrence avec le secteur privé pour certaines de ces compétences et pour certains de ces professionnels également.
    Je dirais que Services publics et Approvisionnement Canada a énormément d’expertise en matière d’approvisionnement. Lorsque je dis que le gouvernement canadien a une expertise en matière d'approvisionnement, c'est vrai.
    A‑t‑elle la capacité de gérer tout le volume d'approvisionnement nécessaire? Je ne crois pas. Nous le constatons à bien des endroits dans la fonction publique. J'ai mentionné non seulement l'approvisionnement militaire, mais aussi l'approvisionnement en TI. Sur ce plan, surtout, elle est en concurrence avec le secteur privé, et il y a carrément une pénurie de professionnels dans ce domaine.
    Merci, monsieur Fisher.

[Français]

    Madame Normandin, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Hogan, j'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait concernant la nécessité d'un consensus pour l'avenir des forces armées. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
    Par exemple, vous pourriez nous parler de ce qui se fait dans d'autres pays, où il semble qu'une révision des politiques soit faite par des fonctionnaires tous les deux ans, pour assurer la continuité des méthodes d'approvisionnement, plutôt que de procéder à des changements dans les politiques après chaque élection.
    Est-ce quelque chose que nous devrions considérer?
    Quels éléments sont problématiques, plus précisément, en ce qui concerne la durée des politiques et le consensus à leur sujet?
    C'est ce qu'on voit dans le dossier de l'achat des aéronefs. Il y a eu des changements dans les décisions, pour ce qui est de déterminer la direction à prendre et le nombre d'avions dont le pays a besoin. Il faut donc qu'il y ait un consensus à l'égard des besoins des forces armées et de l'état dans lequel elles devraient idéalement se trouver. Je me demande toujours si notre pays comprend bien l'urgence d'équiper les Forces armées canadiennes.
    Au moyen de notre audit sur la surveillance des eaux arctiques, nous avons relevé certaines lacunes. Je me demande pourquoi le Canada n'est pas plus proactif. Les glaces fondent et l'eau de l'Arctique est plus navigable, alors il y aura bientôt des lacunes à combler. Or, il y a déjà des lacunes, en ce moment, sur le plan des satellites et des navires. Que faudra-t-il pour accélérer les achats? Je pense que notre pays doit avoir un sens de l'urgence et atteindre un consensus.
    Pour corriger cela, ne croyez-vous pas que ce serait une bonne idée que le travail d'analyse soit d'abord fait par les fonctionnaires, pour être ensuite avalisé par le politique? Présentement, c'est un peu l'inverse qui est fait: les politiques émanent davantage des options politiques que de la base. Il faudrait un meilleur suivi dans le temps.
    Je pense qu'on a besoin de reconnaître le fait que c'est un des rôles de la fonction publique. On devrait penser à long terme, à l'avenir et aux prochaines générations. Les cycles politiques peuvent être très courts; quatre années au pouvoir, et parfois même moins que cela, ce n'est pas très long.
    Il faut qu'il y ait un bon partenariat entre le gouvernement et les fonctionnaires. C'est très important lorsqu'il est question d'achats en matière de défense nationale.
(1630)

[Traduction]

    Merci, madame Normandin.
    Allez‑y, madame Mathyssen. Vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    C'est drôle, j’allais justement prendre cette direction dans mes questions.
    Pensez-vous que l'urgence du changement climatique est adéquatement présentée dans les priorités de la Défense nationale, pour ce qui est de la façon dont nous nous approvisionnons et répondons aux besoins?
    Dans le cadre de notre audit sur les eaux arctiques, nous avons constaté qu'il y avait eu une évaluation et que des lacunes avaient été relevées. Puis, après quelques années, il y a eu une nouvelle évaluation et les mêmes lacunes ont été confirmées. Puis, il y en a eu une autre encore.
    Il faut maintenant prendre la décision d'y remédier. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les lacunes que nous voyons dans notre capacité de surveiller le Nord ou en ce qui concerne les navires — les brise-glaces ou d'autres navires — ne sont pas arrivées du jour au lendemain. Elles sont connues depuis longtemps. Pourquoi ne nous empressons-nous pas de prendre cette décision? Est‑ce parce que les cibles changent? Est‑ce lié à notre capacité d'approvisionnement? Il y a probablement de nombreux facteurs qui y contribuent. Je pense qu'il faut commencer par déterminer quel est le résultat souhaité. Pour cela, il faut parvenir à un consensus, puis aller de l'avant.
    Je pourrais parler plus longuement, si vous le souhaitez.
    Dans votre rapport de 2020, l'une des recommandations — vous l'avez déjà mentionnée ici — était que la Défense nationale revoie son positionnement et ses prévisions relatives au matériel pour s'assurer de toujours disposer de stocks en quantité suffisante aux bons endroits. J'ai parlé à des gens de l'Union des employés de la Défense nationale. Pour les employés, l'une des principales préoccupations, bien sûr, c'est la privatisation de postes à l'extérieur des bases, entre autres.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Je crois comprendre que les préoccupations exprimées par le syndicat sont davantage liées aux services offerts sur les bases. Il s'agit de services de nettoyage et de choses du genre, pas nécessairement de l'approvisionnement en...
    Ce sont ceux qui assurent l'entretien et qui veillent à ce que les autres aient le matériel dont ils ont besoin, et qui le commande, selon les besoins, d'après ce que je comprends.
    Je pense que notre audit portait sur les biens dont les militaires ont besoin et sur la façon dont les stocks sont gérés. Le Canada est un pays très vaste et il y a une présence militaire partout. Il s'agit davantage de veiller à ce qu'on dispose du bon matériel là où on en a besoin et moins de l'entretien des bâtiments ou des bases. Cela ne faisait pas partie de la portée de l'audit.
    Peut‑on savoir de quoi on a besoin quand on n'a pas le personnel nécessaire pour faire l'inventaire des stocks et en faire un bon suivi?
    Une grande partie des stocks conservés dans les bases sont gérés par l'armée, et les principaux dépôts sont vraiment gérés par le personnel militaire. Même s'il peut y avoir là une combinaison de civils et de militaires, d'après mon expérience, lorsque j'ai visité certains de ces lieux, ce sont surtout des militaires qui y travaillent.
    Merci, madame Mathyssen.
    Nous passons maintenant à Mme Kramp-Neuman, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à la vérificatrice générale et à ses collègues d'être ici aujourd'hui.
    Ma première question vise simplement à clarifier une chose que vous avez dite plus tôt. Concernant le rapport lui-même, si le gouvernement décide qu'il ne compte pas donner suite à vos recommandations et si la vérificatrice générale pense qu'une chose est importante, même si elle ne figure pas dans le rapport, comment le gouvernement peut‑il ne pas suivre vos recommandations? À quoi sert‑il de produire un rapport si aucune mesure n'est prise ensuite?
    Si nous faisons une recommandation et que le gouvernement ne veut pas y donner suite, nous la ferons tout de même si nous estimions que c'est vraiment essentiel et nous dirons au gouvernement qu'il n'a qu'à dire qu'il n'est pas d'accord avec nous. Nous aurons une conversation ouverte et transparente à ce sujet.
    Lorsque j'ai dit qu'il fallait veiller à ce que le gouvernement prenne des mesures, je parlais d'ajustements mineurs. Il s'agit de dire: « Je pense que vous devriez faire les choses de telle façon » ou « ne pourrions-nous pas faire telles choses de telle façon? » et « absolument, vous pourriez les faire de telle façon ». C'est de cela qu'il s'agit. Il ne s'agit pas de ne pas recevoir une recommandation. C'est pourquoi il est essentiel qu'il réponde aux recommandations que nous formulons.
    Monsieur Hayes, vous me regardez comme si vous vouliez intervenir.
    Oui. Je vais vous donner un exemple. Nous avons eu un désaccord sur une recommandation concernant les prestations liées à la COVID et les mesures de recouvrement de l'Agence du revenu du Canada. Nous avons tout de même fait une recommandation officielle, en sachant très bien que nous ne serions pas d'accord.
    Dans d'autres cas, nous nous rapprochions peut-être davantage de la stratégie politique et il était possible de réaliser l'esprit de la recommandation d'une autre façon. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires en est un exemple. Nous voulions faire une recommandation au sujet de la qualité des logements, et nous l'avons faite, mais nous ne voulions pas empiéter sur les compétences provinciales, alors nous avons dû ajuster notre recommandation en conséquence.
    Dans l'exemple qui a été donné plus tôt au sujet de nos avions de chasse, nous nous rapprochions justement de la stratégie politique. Si l'on regarde cette recommandation à ce moment‑ci, en tenant compte du fait que notre objectif d'audit à l'époque était d'améliorer notre capacité de respecter nos obligations envers le NORAD et envers l'OTAN en même temps, nous avons axé notre recommandation sur le personnel.
(1635)
    Parlons un peu de l'harmonisation des objectifs du gouvernement en matière d'approvisionnement de défense avec ses objectifs de recrutement et de maintien en poste. En termes simples, y a‑t‑il de bonnes mesures en place pour veiller à ce que nous ayons le personnel nécessaire pour entretenir et utiliser l'équipement que nous avons acheté à partir du moment où nous le recevons? De même, pouvez-vous nous donner des chiffres sur le nombre de pilotes et de techniciens que nous avons actuellement?
    M. Swales aurait peut-être quelque chose à ajouter. Après notre audit, et au moyen de l'outil de suivi des audits antérieurs, un outil exclusivement en ligne que vous pouvez consulter, nous avons voulu voir comment les FAC s'assuraient de disposer de suffisamment de pilotes. Il y a eu des progrès sur le plan des pilotes et de l'approvisionnement, mais pas vraiment sur le plan du personnel d'entretien et de l'équipe technique. Les efforts en ce sens se poursuivent, c'est pourquoi nous ne pouvions pas vraiment nous prononcer.
    Je ne sais pas si vous connaissez le nombre de pilotes, monsieur Swales. Avez-vous des chiffres à nous donner?
    Si vous pouviez faire parvenir ces chiffres au Comité, si vous les avez, ce serait bien utile.
    Nous ne les avons peut-être pas, cependant. Il vaudrait peut-être mieux les demander à la Défense nationale. À moins d'avoir effectué un audit sur les pilotes eux-mêmes, nous n'aurons pas cette information. Il faudrait que nous nous adressions à la Défense nationale pour la demander.
    Plus tôt, vous avez mentionné l'importance de créer des industries et de reconnaître comment cela peut vraiment fonctionner. Nous avons vu des exemples au Canada où cela fonctionne et où cela ne fonctionne pas.
    Pensez-vous qu'il y a un danger pour l'industrie et les capacités opérationnelles des FAC quand nous essayons de créer une industrie là où il n'y en avait pas au départ, simplement parce que nous voulons des emplois au Canada ou en avons besoin, mais que l'industrie ne connaît pas le succès escompté?
    C'est justement pourquoi je disais tout à l'heure qu'il faut décider stratégiquement ce qui doit être construit au Canada, ce qui peut être construit au Canada et pourquoi. C'est vraiment un choix politique. Je ne crois pas que le Canada puisse construire tout ce dont il a besoin. Nous sommes un petit pays, donc il s'agit de déterminer dans quoi le Canada peut exceller. C'est une décision à prendre, afin que l'accent soit mis sur les retombées industrielles les plus durables pour le Canada.
    Voici ma dernière question. Vous avez parlé plus tôt des lenteurs dans l'approvisionnement, parce que le gouvernement doit trouver un équilibre entre les besoins des FAC et les retombées économiques.
    Pourrions-nous faire mieux pour trouver l'équilibre entre les besoins immédiats des FAC et les retombées industrielles et technologiques potentielles à long terme?
    Je pense, brièvement, que je répondrais oui. Encore une fois, je reviens à mon commentaire sur le consensus à trouver sur ce à quoi les Forces armées canadiennes devraient ressembler de nos jours. De quoi ont-elles besoin? Ensuite, quand en ont-elles besoin? Où est l'urgence? À partir de quand devrait‑on considérer qu'il y a urgence?
    Merci, madame Kramp-Neuman.
    Madame O'Connell, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
    D'après le processus d'approvisionnement, tel que vous l'avez décrit, il semble que l'expertise soit bel et bien là, mais on entend à répétition qu'il y a un problème de capacité. On dirait presque que quand un gros contrat s'annonce, tout le monde met l'épaule à la roue pour répondre aux besoins, quels qu'ils soient, puis les gens passent à autre chose dès que c'est terminé, pour se consacrer au nouveau grand projet de l'heure.
    Je me demande simplement si pour les Forces armées canadiennes, en particulier, étant donné que l'équipement exige... Prenons l'exemple de la construction navale ou de l'achat d'aéronefs. Il faut constamment planifier à long terme. Le problème s'explique‑t‑il en partie par le fait qu'il n'y a pas d'équipe spécialisée ou que l'on n'évalue pas... Au lieu d'avoir une équipe spécialisée, on procède davantage selon les besoins. C'est un peu comme un tourbillon au gouvernement: on travaille à quelque chose, puis on passe au prochain grand projet.
    Est‑ce assez conforme à la réalité, ou qu'est‑ce qui nous empêche de miser sur une planification et une réévaluation constantes à long terme?
    Je crois qu'il faut d'abord réfléchir à la planification sur l'ensemble du cycle de vie plutôt que de simplement réagir quand on constate qu'on va manquer de tels types de navires, parce qu'ils ne sont plus fonctionnels et qu'il faudrait peut-être songer à les remplacer. Il faut penser à long terme. Je dirais qu'il y a tellement de matériel différent dans les Forces armées canadiennes que, oui, il y aurait probablement lieu de constituer une équipe spécialisée permanente pour s'en occuper si l'on planifiait vraiment en fonction du cycle de vie complet du principal matériel utilisé au sein des forces armées.
(1640)
    Toutefois, cela ne semble pas être ce qui se fait. Il y a peut-être une équipe spécialisée au sein des forces, mais dans cette optique, même si l'on s'apprêtait à lancer un nouveau contrat demain, on enclencherait dès le lendemain le processus pour les 15 à 20 prochaines années. Souvent, les gouvernements ne fonctionnent pas de cette façon. Ils s'occupent des besoins immédiats, puis passent à la prochaine priorité.
    La première chose à faire, c'est de créer un tel mécanisme au sein de la fonction publique. Ensuite, c'est le jeu de la démocratie qui intervient. Différents partis seront élus sur la base de différentes plateformes, en fonction des choix du moment des Canadiens, donc il n'y aura pas toujours de continuité dans les politiques.
    Comment pouvons-nous trouver l'équilibre entre le travail de la fonction publique et les changements dans le discours public ou les priorités? C'est cet équilibre que j'ai du mal à trouver.
    Je vous renvoie à l'un des constats de notre surveillance des eaux arctiques. En fait, dans tous les rapports dont nous parlons aujourd'hui, nous faisons état de problèmes connus depuis longtemps, de lacunes de longue date. Un navire n'a pas une durée de vie illimitée.
    Quelle que soit la principale orientation politique, le Canada aura toujours besoin d'un certain nombre de navires, surtout pour surveiller l'Arctique. Cette base devrait fondamentalement être là, et l'on ne fait rien pour remédier à ces lacunes connues depuis longtemps tant qu'elles ne créent pas de problème potentiel de surveillance, comme ce sera le cas maintenant si rien n'est fait.
    Encore une fois, même s'il peut falloir un certain temps pour parvenir à un consensus, il devrait y avoir une base minimale à maintenir en tout temps. L'engagement que nous avons pris pour répondre aux alertes élevées du NORAD et de l'OTAN remonte à il y a longtemps. Il nous faut un grand nombre d'aéronefs pour cela. Cet engagement tient toujours, alors il faut que la fonction publique s'efforce continuellement de respecter cet engagement, y compris au chapitre des dépenses.
    Cela fait partie de ce que j'espère faire comprendre un peu mieux pendant cette étude. Tous les gouvernements veulent être celui qui fait l'annonce et prend des engagements, mais ils ne veulent pas engager les dépenses ensuite. Nous devons trouver une façon de nous assurer que le financement continu de cet engagement fasse toujours partie du discours, afin qu'il ne soit jamais remis en question. C'est une bataille chaque fois: les coûts et la sensibilisation du public. Comment pouvons-nous nous assurer que la fonction publique poursuit toujours son travail en matière d'approvisionnement en coulisses, afin que les gouvernements aient au moins des choix, mais que nous ne nous retrouvions pas dans une situation où il n'est pas prêt à passer à l'action, même si nous voulons faire cet investissement?
    Mme O'Connell est extrêmement intelligente. Elle pose sa question à la fin de ses cinq minutes.
    Vous êtes tellement efficace que nous allons vous demander de répondre à la question de Mme O'Connell, puis de conclure.
    Merci.
    Merci.
    Je soulignerais la nécessité de parvenir à un consensus sur ce à quoi les Forces armées canadiennes devraient ressembler et sur leurs besoins. Cela ne devrait pas changer radicalement. Nous sommes un seul et même pays. Nous devons faire ce qui s'impose pour appuyer nos troupes. Ce consensus est nécessaire pour qu'il n'y ait plus de lacunes dans nos mesures pour répondre aux besoins des militaires.
    Merci, madame la vérificatrice générale, et merci à vos collègues.
    Pendant que je vous écoutais, je n'ai pu m'empêcher de penser que depuis que le Comité a été constitué et que nous faisons ce que nous faisons, le contexte de la menace a changé radicalement. Cela ne semble pas vraiment teinter les positions du gouvernement dans son ensemble, qu'on pense aux fonctionnaires ou aux politiciens. Nous n'avons pas le luxe du temps. Nous l'avons peut-être déjà eu, mais nous ne l'avons plus.
    Cette étude est peut-être plus urgente qu'il y a deux ans ou même un an.
    Je vous remercie de votre contribution. J'espérais que vous ayez une solution miracle à nous proposer, mais cela ne semble pas être le cas.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais vous laisser là‑dessus: je veux surtout vous motiver à parvenir absolument à un consensus. Quand il y aura des navires dans nos eaux arctiques, il sera trop tard pour dire: « Oh, il y a un navire dans nos eaux arctiques. Que devrions-nous faire? »
    Il faut reconnaître ce dont les Forces armées canadiennes ont besoin pour nous protéger au pays, mais aussi pour respecter nos engagements internationaux.
(1645)
    En effet. Je vous remercie.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance, changer de groupe de témoins et passer à l'autre partie de la séance.
(1645)

(1650)
    Nous accueillons M. Lagassé, professeur à l'Université Carleton, et Mme Anessa Kimball, professeure à l'Université Laval, que le Comité connaît bien.
    Vous avez tous les deux de l'expérience devant le Comité, alors je vais demander à M. Lagassé de commencer par une déclaration préliminaire de cinq minutes, après quoi nous passerons à Mme Kimball.

[Français]

    Je remercie les membres du Comité.
    Aujourd'hui, mes observations préliminaires s'appuient sur 20 ans d'études universitaires sur la défense canadienne ainsi que sur une décennie d'expérience en tant qu'examinateur indépendant du processus d'acquisition de matériel de défense, d'abord en tant que membre du comité d'examen indépendant chargé de superviser l'évaluation des options pour le remplacement des CF‑18, de 2012 à 2014, puis en tant que membre de la Commission indépendante d'examen des acquisitions de la Défense, de 2015 à 2022.

[Traduction]

    Dans ce dernier rôle au sein du comité, j'ai eu l'occasion d'examiner plus de 100 projets de la Couronne prévus pour le ministère de la Défense nationale (MDN), les Forces armées canadiennes (FAC) et la Garde côtière canadienne alors qu'ils étaient soumis à l'analyse des options. Sur la base de cette expérience, j'ai cinq observations interdépendantes à formuler sur le processus d’acquisition militaire.
    Premièrement, il y a un décalage entre notre politique de défense et le financement de la défense.

[Français]

    Les ambitions du Canada en matière de défense sont considérables. Les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de politique de défense au cours des 20 dernières années nécessiteraient un niveau de dépenses supérieur à 2 % du PIB. Malheureusement, nos dépenses tendent à se rapprocher de 1,5 % du PIB. Il en résulte un déficit structurel dans le développement de nos capacités.

[Traduction]

    Tant les gouvernements que le MDN et les FAC ont contribué à ce problème. Les gouvernements, qu'ils soient libéraux ou conservateurs, veulent que le Canada joue un rôle important sur la scène internationale, d'où l'adoption de politiques ambitieuses, mais ils ne sont pas disposés à dépenser à la hauteur de leurs ambitions. Le MDN et les FAC, quant à eux, ont besoin d'une orientation politique de la part du gouvernement afin d'acquérir les capacités nécessaires pour faire face aux menaces auxquelles nous sommes confrontés. Cela conduit le MDN et les FAC à préconiser des politiques ambitieuses et à se préoccuper ensuite de trouver un financement adéquat.
    Deuxièmement, l'évaluation des coûts de l'approvisionnement en défense est faussée par un optimisme omniprésent. Les projets d’équipement sont évalués trop tôt dans le processus d’acquisition, soit avant que les besoins n'aient été définis avec précision. Lorsque les besoins sont définis et que des dispositions sont prises avec l'industrie, on constate trop souvent que les projets ne disposent pas d'un financement suffisant, ce qui peut entraîner des retards ou des compromis sur la quantité ou la qualité des capacités qui sont finalement acquises.

[Français]

    Le ministère de la Défense nationale a besoin d'une méthode de calcul des coûts plus solide, qui délaisse l'optimisme au profit du pessimisme. En outre, le gouvernement doit accepter le fait que les coûts de certaines capacités ne peuvent être connus à l'avance et qu'ils ne peuvent être déterminés de manière réaliste qu'une fois l'analyse des options terminée.
    Troisièmement, les processus d'acquisition sont trop rigides et trop peu enclins à prendre des risques pour suivre l'évolution technologique.
    Notre système d'acquisition est conçu pour minimiser les risques et garantir l'application de garanties et de contrôles solides. Malheureusement, cela signifie que le système ne peut pas s'adapter facilement à l'évolution rapide des technologies ou à l'évolution des besoins opérationnels.

[Traduction]

    Pour s'assurer que les FAC disposent des technologies les plus récentes et les plus pertinentes dans les domaines clés, le MDN doit être autorisé à prendre davantage de risques et à agir plus rapidement. Cela entraînera des échecs, des erreurs et des utilisations regrettables des fonds publics dans des cas isolés. Mais ce sont les compromis que nous devons accepter si nous voulons que les FAC soient équipées des bonnes technologies, au bon moment, dans la plupart des cas.
    Plus important encore, en tant que parlementaires, vous devrez parvenir à un accord commun sur le fait que chaque échec ou erreur ne doit pas être exploité à des fins partisanes. Sans un consensus bipartisan sur cette question, il sera impossible d'accélérer le processus d’acquisition ou d'y avoir recours pour répondre à une menace en constante évolution.

[Français]

    Quatrièmement, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes font face à d'importants problèmes de capacité. Vous en avez déjà discuté avec la vérificatrice générale, donc je n'en parlerai pas en profondeur.
(1655)

[Traduction]

    Je vous dirais seulement toutefois que le renforcement de la capacité du MDN et des FAC à gérer les achats — l'aspect humain de l'équation — ne peut être ignoré et doit être mieux pris en compte. En demander trop à trop peu de personnes n'est pas la meilleure formule pour réussir.
    Enfin, le Canada doit continuer à prioriser la transparence des processus d'approvisionnement de la Défense en poursuivant dans le sens des progrès déjà réalisés par le MDN en la matière.
    Il est à noter que le Programme des capacités de la Défense fournit maintenant des informations facilement accessibles sur la situation des projets au sein du système d'approvisionnement et sur les capacités qu'ils fournissent.

[Français]

    Toutefois, le Canada est encore en retard sur ses alliés, tels que l'Australie et le Royaume‑Uni, pour ce qui est de fournir des informations détaillées sur la situation financière de l'ensemble du portefeuille d'investissements et les risques qui l'entourent, ainsi que sur les projets individuels.
    Le Canada devrait publier un rapport annuel semblable au rapport australien et au rapport britannique sur l'approvisionnement en matière de défense, c'est-à-dire un rapport qui fait un survol des risques, des coûts et des mises à jour du portefeuille.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre attention et j'attends avec impatience vos questions.
    Merci, monsieur Lagacé.
    Madame Kimball, vous avez cinq minutes.
     Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant le comité permanent aujourd'hui.
    Je vous parle depuis le territoire traditionnel non cédé de la Confédération Wabanaki regroupant notamment les Abénakis et les Malécites.
    Comme je suis spécialiste de la coopération internationale, mon intervention va s'articuler autour des idées mises de l'avant dans les publications sur la gestion organisationnelle en lien avec l'administration publique et les sciences politiques; la recherche économique sur les comportements collectifs; les travaux scientifiques sur les institutions à titre d'acteurs politiques; et la conception institutionnelle des contrats juridiques, y compris mes propres travaux de 2015 sur les modifications apportées à la structure des contrats aux fins du système d'approvisionnement de la Défense américaine tout au long de l'administration Obama.
    À l'issue de cette dernière étude, j'ai soumis un ensemble de recommandations au Canada pour ses approvisionnements en défense. Je me suis d'ailleurs réjouie de constater que l'une de ces recommandations a été partiellement adoptée. Le gouvernement a en effet donné suite à ma recommandation de diversifier ses partenaires contractuels pour les grands projets d'approvisionnement de la Défense lorsqu'il a acheté de l'Australie des F‑18 Hornets.
    Cette recommandation a été formulée au départ dans un exposé lors d'une participation à un groupe d'experts en 2014. Elle est réapparue en 2015 dans un document d'orientation pour enfin figurer dans une analyse de rentabilité sur les éléments à moyen délai de livraison dans le contexte de l'acquisition provisoire en question. C'était alors la recommandation finale.
    Je constate donc qu'il a fallu que cette recommandation soit soumise à trois occasions distinctes au fil d'un certain nombre d'années pour qu'elle soit finalement prise en compte. Nous avons maintenant bien sûr acheté ces avions, mais il faudra encore compter quelques années avant qu'ils soient tous livrés et pleinement intégrés à nos forces militaires, ce qui devrait se faire d'ici 2025. Je pense qu'il est important de noter que le processus se sera alors étendu sur plus d'une décennie. Je pense que nous pouvons faire mieux, et je vais maintenant vous adresser cinq recommandations à cette fin.
    Je vous dirais en guise d'introduction que les étapes bureaucratiques à franchir en vue d'acquérir les équipements et les biens nécessaires pour équiper les FAC et assurer une défense efficace du territoire canadien pourraient être qualifiées de labyrinthe multicouches de procédures et de processus gérés et mis en œuvre par une variété d'intervenants au sein de différentes organisations. Il s'agit en fait d'un ensemble de pratiques et de mécanismes institutionnels visant à assurer en toute transparence une utilisation responsable des fonds et des ressources au nom de la population avec reddition de comptes par la voie électorale.
    On peut aussi voir les mécanismes institutionnels comme autant de contraintes à l'action et d'obstacles à l'efficience et à la rapidité d'intervention. Ils n'offrent pas nécessairement la souplesse dont les gouvernements ont besoin en période de crise, une condition essentielle pour s'assurer que les FAC sont toujours prêtes à passer à l'action. Il y a un juste équilibre à trouver entre le contrôle à exercer et la vitesse de réaction nécessaire en cas de crise ponctuelle pouvant exiger l'intervention de nos forces de défense, comme nous avons pu le constater dans une certaine mesure lors de la pandémie.
    Pour ce qui est des approvisionnements pouvant nuire à l'état de préparation des FAC, on pourrait dire que le Canada est lui-même à l'origine de certaines contraintes du fait qu'il a mis en place des mécanismes faisant intervenir des solutions de remplacement, des retards et des facteurs externes. À titre d'exemple, les politiques de compensation industrielle rendent plus complexe la production des biens dont la Défense a besoin. Cette intervention sur le marché a pour but de mieux répartir les avantages obtenus. On pourrait parvenir aux mêmes résultats par d'autres moyens qui sont, il faut bien avouer, plus efficients. En agissant de la sorte, le Canada gaspille du temps et des ressources en plus de miner l'état de préparation de sa Défense.
    Pour améliorer son processus d'approvisionnement, le Canada pourrait modifier, voire abandonner, son Programme des retombées industrielles et régionales, une décision qui serait, je ne l'ignore pas, très critiquée et peu populaire. Ce programme entraîne une distorsion du marché et entrave le processus d'approvisionnement. Il a notamment pour effet de retarder des projets de recherche et développement et d'acquisition de produits qui sont essentiels pour nos forces militaires, ce qui affecte d'autant leur état de préparation.
    Pour ce qui est plus particulièrement des approvisionnements liés aux activités de recherche et développement, on peut aussi donner l'exemple de l'autorisation de financement en matière d'innovation du MDN au Canada. Cette façon de faire s'accompagne notamment de très importantes restrictions par rapport aux autres mécanismes de transaction pouvant être utilisés pour confier la réalisation de projets à des entrepreneurs et des sociétés du secteur de la défense.
    Aux États-Unis, différentes modifications à ce titre ont été apportées en 2016 dans le cadre de l'amendement 815. Le processus américain est ainsi plus souple et mieux apte à composer avec les retards. Je vais vous parler de quelques-unes des caractéristiques de ce régime que le Canada pourrait lui-même adopter sans que cela exige un effort considérable.
    Les modifications apportées au moyen de l'amendement 815 visent essentiellement trois aspects de la loi: les seuils de coût à partir desquels des approbations additionnelles sont requises pour recourir à d'autres mécanismes de transaction; la notion d'entrepreneur non traditionnel pour la Défense avec les changements qui y ont été apportés et la possibilité pour les entreprises d'être à nouveau admissibles à ce titre; et certains éléments liés à la transition du développement de prototypes vers la production. Il s'agirait d'améliorations très importantes pour le Canada, car c'est à ce niveau que les retards les plus considérables nous affectent.
(1700)
    Il y a d'autres processus qui entrent en jeu, et il y aurait différents moyens de rendre nos mécanismes d'approvisionnement plus souples.
    Si on reprend l'exemple des États-Unis, les changements apportés font maintenant en sorte qu'un projet approuvé pour une certaine somme d'argent peut bénéficier d'un financement supérieur jusqu'à certaines limites, pour autant que l'attribution du marché s'est faite au départ dans le cadre d'un processus concurrentiel. Ces projets eux-mêmes...
    Madame Kimball, vous avez dépassé les cinq minutes depuis un moment déjà.
    Je suis désolée. Je peux conclure rapidement.
    D'accord, je vous laisse quelques secondes.
    D'abord et avant tout, il faut faire un suivi beaucoup plus serré des contrats eux-mêmes quant aux restrictions imposées aux deux parties et s'assurer de la bonne foi de chacun pour ce qui est des dépassements de coûts. On pourrait mieux faire à ce chapitre, notamment pour ce qui est des communications.
    Enfin, il est notamment essentiel de mieux préciser les besoins et les échéanciers aux premières étapes d'un marché d'approvisionnement, car on peut ainsi éviter certains dépassements attribuables à l'incertitude quant aux résultats technologiques souhaités.
    Merci beaucoup de votre attention.
    Merci, madame Kimball.
    Madame Gallant, vous avez six minutes.
    Madame Kimball, le premier ministre a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de porter à 2 % de notre PIB nos investissements dans la Défense, car cela ne se traduit tout simplement pas par des votes.
    Est‑ce que l'avis des Canadiens a changé depuis l'invasion de l'Ukraine par Poutine?
    Il est bien évident que l'objectif de 2 % est primordial lorsqu'il est question d'accroître la capacité d'action de l'alliance. Cette proportion a son utilité, mais n'est tout simplement pas très pragmatique dans le contexte des investissements consentis par le Canada et des bénéfices qu'il en retire.
    Je pense que c'est un repère qui peut avoir son importance, mais il n'en demeure pas moins que le Canada est en mesure d'apporter une contribution significative sans atteindre cette marque de 2 %, et ce même à 1,4 %. Il faut aussi savoir que c'est une valeur qui est associée à la taille de l'économie. Comme le Canada fait partie des grandes économies, le passage à 2 % se traduirait immanquablement par des dépenses beaucoup plus considérables.
    Il y a des économies de plus grande taille encore qui dépassent nettement cette proportion de 2 %.
     Quelles mesures a prises le gouvernement, madame Kimball, pour éviter d'avoir à attendre son tour étant donné les besoins critiques en matière de défense des pays membres de l'OTAN en Europe de l'Est?
    Voulez-vous dire qu'il doit attendre son tour pour pouvoir se procurer les biens qui...
    Pour se procurer les biens que plusieurs autres pays de l'OTAN essaient d'acquérir en même temps pour leur utilisation en Ukraine.
    Le Canada s'est lié les mains avec son système d'approvisionnement, car le grand nombre d'intervenants a pour effet de beaucoup ralentir le processus. Si l'on considère par exemple le système polonais et les améliorations apportées aux États-Unis, à partir du moment où le marché est octroyé au départ dans le cadre d'un processus concurrentiel, il est possible de poursuivre le travail en obtenant au fur et à mesure les nouvelles ressources nécessaires pour autant que des progrès sont réalisés.
    Dans l'état actuel des choses au Canada, le processus exige de nombreux retours en arrière, ce qui explique tous les retards.
    Pour ce qui est de l'équipement à proprement parler, il m'apparaît bien clair que le Canada doit reconnaître que sa sécurité n'est tout simplement pas menacée dans la même mesure que peut l'être celle de ses partenaires européens. Les États-Unis et les autres pays vont donc d'abord s'assurer de fournir à ces pays‑là les ressources militaires dont ils ont besoin.
(1705)
    Merci.
    Monsieur Lagassé, l'impression 3D semble être la voie de l'avenir qui va complètement transformer nos approvisionnements. Êtes-vous à même de constater que le Canada emprunte cette avenue en utilisant certaines de ces solutions?
    Je dirais que l'on en est encore au stade expérimental pour ce qui est des approvisionnements de la Défense. On s'en sert peut-être pour certaines pièces de rechange ou des produits semblables. Il revient en fin de compte à l'industrie de démontrer qu'elle peut fournir ainsi les biens plus rapidement tout en satisfaisant aux exigences.
    Monsieur Lagassé, pourrions-nous rendre le processus plus rapide et plus efficient en réduisant le nombre de ministères et d'organismes ayant un rôle à jouer dans les approvisionnements?
    Je ne crois pas que ce soit la meilleure solution qui s'offre à nous. En toute franchise, il serait sans doute catastrophique de passer maintenant à une agence unique alors même que nous nous employons à renouveler les actifs à la disposition de nos forces armées.
    D'accord. Monsieur Lagassé, est‑ce que l'on pourrait accélérer la livraison des biens en demandant au MDN et aux FAC de réduire le nombre d'exigences, ou de modifications, associées à leurs approvisionnements?
    Oui, si l'on essayait d'avoir moins recours à la canadianisation des équipements, cela pourrait effectivement accélérer les choses.
    Je préciserais toutefois à ce titre que nous misons notamment sur la canadianisation du fait que nos acquisitions peu fréquentes nous obligent à essayer de tout intégrer à la même plateforme. C'est donc un fardeau que nous nous imposons à nous-mêmes. Si nous devions décider d'intensifier nos acquisitions tout en les simplifiant, cela exigerait — comme j'y faisais allusion —une certaine prise de risques.
    Pour ce qui est de la Politique des retombées industrielles et technologiques, est‑ce que les coûts initiaux et les avantages en valent la peine?
    Comme le disait la vérificatrice générale, je pense qu'il s'agit là en fin de compte d'un choix de société. Veut‑on utiliser les budgets de la Défense uniquement pour équiper nos forces militaires, ou peut‑on voir le tout également comme un programme d'emploi? Je pense que l'on peut dire que nous visons ces deux objectifs à la fois.
    Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, est‑ce que le gouvernement a suffisamment pris en considération les points de vue planétaires quant à la structure la plus appropriée pour nos forces militaires?
    Je me suis penché très sérieusement sur la question en 2017 dans le cadre de l'élaboration de notre politique de défense. Le ministère et les FAC ont alors fait valoir les différents points de vue du gouvernement. Comme plusieurs l'ont écrit, on s'appuyait en fait sur la Stratégie de défense Le Canada d'abord de 2008.
    Nous parvenons généralement à nous entendre au sujet des éléments fondamentaux. Il faut toutefois se demander si nous offrons un financement suffisant. C'est à ce niveau que se situeraient mes préoccupations.
    Est‑ce que cela peut expliquer certains problèmes d'approvisionnement que connaît actuellement le Canada?
    Tout à fait. Si l'on veut adopter une politique de défense prévoyant la mise en place de forces militaires exigeant des investissements à hauteur de 2 % de notre PIB, et qu'on se limite à 1,5 %, on ne va pas manquer de se heurter à des déficits structurels le long de ce parcours.
    Est‑ce que les forces militaires canadiennes disposent des capacités voulues pour intervenir dès qu'un conflit éclate à l'étranger?
    Tout dépend du genre d'intervention dont il est question. Dans bien des cas, il s'agira davantage d'aller planter notre drapeau pour contribuer aux efforts déployés par une coalition. En d'autres occasions, notre engagement sera plus concret. Tout dépend vraiment de la nature du conflit et de l'ampleur de la crise.
    Je suis désolé, madame Gallant, mais c'est tout le temps que vous aviez. J'essaie d'attirer votre attention depuis un petit moment.
    Nous passons à Mme Lambropoulos pour les six prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier nos témoins d'être présents pour répondre à nos questions.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Lagassé. Vous avez indiqué qu'il pouvait être plus facile pour le Canada de s'approvisionner au pays dans le cas de certains biens, en soulignant qu'il y a des industries qui sont plus dynamiques que d'autres au Canada et qu'il pouvait être préférable de se procurer certains actifs à l'étranger.
    Il a été porté à notre attention, ou en tout cas à la mienne, que même dans les secteurs où nous excellons au point d'être reconnus à l'échelle mondiale, nous n'accordons pas nécessairement la priorité à nos entreprises.
    J'aimerais savoir s'il n'y aurait pas selon vous une façon de pouvoir miser davantage sur nos capacités nationales, tout au moins dans les domaines où nous nous démarquons, en accordant la priorité aux entreprises canadiennes lorsque cela est possible. Pourriez-vous nous donner une meilleure idée de ce qui pourrait être fait en ce sens?
    Comme nous avons pu le constater avec la stratégie de construction navale, il est possible d'adopter une politique pour la production d'actifs au Canada. En revanche, si vous essayez d'acquérir d'autres capacités d'ordre plus général, un problème risque de se poser. Il faudra en effet alors convaincre les industries de consentir des investissements pour un produit que vous n'allez acquérir qu'en quantité très limitée. En pareil cas, il faudra trouver des moyens d'écouler ces biens sur les marchés étrangers. C'est là qu'interviennent les préoccupations que l'on peut avoir quant à la destination de ces actifs militaires qui peuvent être vendus à différents régimes.
    Il faut que l'industrie ait la certitude qu'elle pourra vendre des produits en quantité suffisante pour que son investissement en vaille le coût. Étant donné la taille de nos forces militaires, il nous est tout simplement impossible d'offrir de telles garanties.
    C'est une bonne chose d'acheter au Canada lorsque la situation le permet, mais notre pays ne peut pas tout produire. Il doit se limiter aux biens pour lesquels il est capable de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.
(1710)
    Selon vous, dans quelle mesure le gouvernement canadien peut‑il jouer un rôle dans la promotion à l'étranger de certains produits fabriqués par l'industrie de la défense du Canada, y compris auprès de nos partenaires de l'OTAN ou de nos alliés? Je sais que l'interopérabilité est nécessaire.
    De quelle façon le gouvernement canadien peut‑il jouer un rôle pour que certains de nos produits soient mis de l'avant ou, du moins, promus, afin que nous puissions utiliser nos propres produits et être des chefs de file dans le domaine?
    Nous le faisons déjà avec la Corporation commerciale canadienne. La CCC a un programme de promotion des industries et des biens de la défense du Canada. Là encore, cependant, la question est de savoir combien on veut investir dans des capacités particulières.
    Je vais vous donner un exemple qui n'est peut-être pas bien connu. Nous avons bien réussi la mise à niveau de nos frégates de classe Halifax. La Nouvelle-Zélande a ensuite demandé les mêmes services. En fait, nous offrons d'excellents services dans ce domaine.
    Il s'agit simplement de reconnaître que nous ne pouvons pas le faire pour toute la brochette des capacités de défense. Nous réussissons très bien dans certains domaines, et la CCC et le gouvernement du Canada font la promotion des industries pertinentes.
    D'accord. Je suis heureuse de l'entendre. Cependant, après avoir parlé à certains acteurs industriels, il semble y avoir un manque de communication entre les besoins et ce que les entreprises pourraient produire. Je pense que le fait de combler cette lacune pourrait être utile d'un côté comme de l'autre.
    Je me demande si vous pourriez nous parler des processus d'approvisionnement dans d'autres pays. Quels autres pays réussissent mieux que nous à cet égard, surtout en ce qui concerne l'amélioration de leur propre capacité intérieure?
    Si vous voulez vraiment voir un exemple de ce qu'est un véritable système nationalisé d'approvisionnement en matière de défense, prenez un pays comme la France. La France investit massivement dans le maintien de son industrie nationale de la défense, et ce, à grands frais, soit dit en passant. Cela mène parfois à des pratiques illogiques. Par exemple, il arrive que certaines années, Dassault ne produise que quelques avions Rafale, simplement pour maintenir la chaîne de production. C'est ce que fait la France.
    Les Canadiens doivent se demander — et la vérificatrice générale se trouve ici parmi nous —, s'ils accepteraient de subventionner une industrie de la défense qui produit une ou deux pièces d'équipement simplement pour maintenir la chaîne de production parce que nous pensons qu'il est important de maintenir cette industrie à l'échelle nationale. C'est toujours une option, mais franchement, nous sommes trop capitalistes pour cela.
    Diriez-vous que la situation géopolitique de la France est différente de celle du Canada? Pensez-vous que le Canada n'a pas nécessairement besoin d'aller aussi loin?
    Eh bien, comme nous le voyons avec les navires et la stratégie de construction navale, on peut adopter une politique selon laquelle le Canada finance le développement de l'industrie canadienne et achète certains équipements fabriqués au pays. Cela entraîne une hausse des coûts. La pression politique monte pour maintenir les chaînes de production. Dans certains cas, les coûts augmentent et la capacité est réduite, mais au bout du compte, les navires sont construits au Canada; le Canada a l'expertise et sait qu'il peut se fier au constructeur naval.
    Tout cela se résume à des compromis. Sommes-nous prêts à faire cela pour les équipements autres que les navires? En fin de compte, c'est la question à laquelle nous devons répondre.
    Merci d'avoir répondu aux questions.
    Merci, madame Lambropoulos.

[Français]

    Madame Normandin, la parole est à vous pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais d'abord m'adresser au professeur Lagassé.
    Vous avez dit que les politiques en matière de défense nationale et le financement octroyé au ministère étaient mal arrimés et que, compte tenu des besoins, les dépenses de ce ministère devraient représenter davantage que 2 % du PIB comme c'est le cas actuellement.
    Or, le directeur parlementaire du budget nous a dit, la semaine passée, que les sommes prévues au budget de la Défense nationale n'étaient pas toutes dépensées et que la valeur prévue des fonds inutilisés pour 2023‑2024 équivalait à environ 4 milliards de dollars.
    Comment expliquez-vous que, d'une part, les sommes prévues au budget soient insuffisantes et que, d'autre part, des fonds restent inutilisés? Quel est le problème, exactement?
(1715)
    Il y a une différence importante entre la somme des dépenses nécessaires à l'entretien et à la tenue à jour des ressources à long terme, et la capacité de dépenser. Le fait qu'on n'a pas été en mesure de dépenser les fonds alloués découle du fait qu'on n'a pas assez dépensé auparavant pour obtenir le personnel et les institutions nécessaires pour dépenser l'argent.
    Il faut donc bâtir une certaine capacité au sein du ministère. Quand on a procédé à des coupes budgétaires dans les années 1990, qui ont eu pour effet de réduire de 30 % le personnel, cela a réduit du même coup la capacité de dépenser du ministère.
    Ainsi, on a adopté une politique qui a exigé d'accomplir énormément de choses, mais la capacité institutionnelle de dépenser l'argent nécessaire pour y arriver n'y était pas. En ce sens, même le fait de ne pas être en mesure de dépenser est le reflet des réductions budgétaires antérieures.
    Donc, le fait que les sommes budgétées qui restent inutilisées augmentent constamment, d'année en année, montre que le problème structurel s'aggrave lui aussi. Est-ce exact?
    Si on n'est pas en mesure d'investir dans le personnel qui s'occupe de dépenser les sommes prévues, les coûts à long terme vont tout simplement augmenter. Autrement dit, le fait de ne pas dépenser les sommes budgétées ou de retarder l'achat d'équipement a une incidence sur le coût final de l'achat, qui sera plus élevé au bout du compte.
    Merci beaucoup.
    Selon vous, l'évaluation des coûts serait, en général, empreinte d'un trop grand optimisme. Vous avez suggéré qu'on adopte une meilleure méthode de calcul des coûts.
    Cela dit, j'aimerais que vous nous expliquiez la cause. En effet, il faut poser un bon diagnostic si l'on veut utiliser les bons remèdes. Quelle est la cause de cette idée trop positive qu'on se fait des coûts?
    C'est parce qu'on aime avoir des politiques de défense très ambitieuses et que les militaires aiment avoir des politiques de défense qui leur indiquent d'acheter l'équipement nécessaire. Par conséquent, les politiciens, le ministère des Finances et les forces armées ont tous intérêt à s'assurer que les coûts sont très bas pour avoir les politiques qui leur permettent d'acheter de l'équipement. Cependant, au bout du compte, on fait face au coût réel à long terme.
    En somme, tout le monde a une raison d'être optimiste quant aux coûts.
    J'aimerais revenir sur une autre chose que vous avez mentionnée et mettre cela en parallèle avec un élément soulevé par la professeure Kimball. Vous avez parlé du fait que l'Australie et le Royaume‑Uni sont transparents dans leurs politiques d'approvisionnement et qu'ils publient des rapports annuels. Toutefois, la professeure Kimball a mentionné que la surveillance était souvent un frein à la rapidité d'approvisionnement.
    Vous avez dit qu'il fallait être transparent et produire des rapports. Or, cela peut-il devenir un frein à la rapidité d'approvisionnement?
    J'aimerais par la suite entendre l'opinion de la professeure Kimball sur cet aspect.
    Les études se font déjà au sein du gouvernement. On a déjà les données et l'analyse. Il s'agit tout simplement de les fournir au public canadien et de s'assurer d'impliquer le Bureau du vérificateur général dans le processus pour valider le tout.
    Est-ce qu'une surveillance accrue risque de ralentir les processus d'approvisionnement?
    La surveillance existe déjà. Si on est plus transparent, mais que vous décidez de faire en sorte que cela devienne un scandale ou une crise, alors là le processus sera ralenti.
    Je comprends la réticence vis-à-vis de la transparence, mais, en fin de compte, la seule façon de s'assurer d'une plus grande confiance dans le système, c'est d'être plus transparent. On fait déjà le travail et l'analyse.
    Professeure Kimball, voulez-vous faire un commentaire?
    J'ajouterais que, dès que plusieurs parties prenantes participent au processus, on voit que l'échéancier se rallonge. C'est là qu'il y a de l'inefficacité.
    C'est une question de compromis. C'est sûr et certain que, comme chercheurs, nous voulons de la transparence et un plus grand accès à l'information. En effet, nous nous plaignons toujours du manque d'information. Le simple fait d'avoir accès aux budgets de la Défense nationale n'est pas si facile. Pour ma part, j'ai travaillé sur les budgets de la Défense nationale et je viens de publier un livre à ce sujet.
    Encore une fois, nous voulons faire les analyses, mais nous sommes limités quand nous n'avons pas accès aux données financières, aux échéanciers et à ce genre d'information. C'est très difficile pour nous d'évaluer quelles options sont bonnes par rapport à d'autres.
    Prenons l'exemple d'un problème lié à l'acquisition d'avions de chasse. On constate qu'il faut plus de temps à régler ce genre de problème au Canada, comparativement aux autres États. Il y a probablement de l'information dans notre système, mais, pour savoir ce qu'il en est, il faut un accès accru aux données et plus d'analyses comparatives.
(1720)
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Merci aux témoins.
    Je pense que cette question s'adresse à vous deux. Mme Normandin a parlé — et vous en avez déjà touché un mot — de la transparence, du ralentissement, des contraintes de temps et ainsi de suite.
    Pouvez-vous nous parler des conséquences pour ces facteurs, alors que nous passons de l'approvisionnement libre à celui à fournisseur unique?
    Certes, il y a des compromis à faire, mais avons-nous le même genre de préoccupation, je ne dis pas doléance, en ce qui concerne les délais?
    Monsieur Lagassé, vous pouvez commencer.
    Je vais vous donner un exemple simple.
    Admettons, par exemple, que les intentions se concrétisent et le gouvernement procède à l’acquisition du P‑8A auprès d'un fournisseur unique pour l'AMC, le projet d’aéronef multimission canadien. Si l'on veut que les gens comprennent les raisons pour lesquelles la décision a été prise, il faudra faire preuve de beaucoup plus de transparence quant aux spécifications et aux facteurs ayant motivé la décision.
    S'il y a un manque de transparence à l'égard des marchés à fournisseur unique, comme nous l'avons vu dans le cas des avions de chasse, cela crée de la controverse politique et, au bout du compte, entraîne des retards. Si vous ne pouvez pas expliquer pourquoi vous avez fait telle chose, et si vous dites simplement au public que c'est comme ça...
    Lors de ma dernière comparution, mon mantra — et c'est toujours mon mantra aujourd'hui — était « Expliquez ». Ne vous contentez pas de faire des annonces. Expliquez-nous le pourquoi de vos décisions, plutôt que de simplement les annoncer. C'est ce qui engendre la méfiance, et c'est ce qui crée des retards sur le long terme.
    Allez‑y, madame Kimball.
    C'est sûr que les gens qui dressent les contrats avec le secteur de la défense doivent, avant les négociations, avoir une meilleure compréhension de la façon dont les risques se présentent. Ils peuvent alors intégrer des réponses appropriées dans les modalités des contrats en prévoyant, par exemple, des pénalités, le partage des coûts et de la souplesse.
    Les Français ont une pratique très intéressante, soit l'évaluation précontractuelle des risques. C'est une obligation financière en vertu de laquelle le gouvernement et l'entrepreneur s'entendent pour dire qu'ils surveillent les dépassements et qu'ils vont tous les deux en assumer la responsabilité, le cas échéant.
    Il faut que les deux parties acceptent de se partager le fardeau de la responsabilité et de la transparence pour que cela fonctionne, mais c'est faisable et cette approche a vraiment aidé la France à rationaliser ses approvisionnements en matière de défense et à prévenir les dépassements de coûts dans certains grands projets.
    Le Canada a une certaine marge de manœuvre. Le secteur de la défense doit être plus réceptif à de meilleurs contrats. Les entrepreneurs détiennent des renseignements personnels. Comment surmonter ces problèmes structurels? Il faut de meilleurs contrats dès le départ. Des solutions existent, mais le Canada ne les met tout simplement pas en pratique.
    En ce qui concerne la transparence, d'autres pays pourraient faire valoir que si vous optez pour un fournisseur unique — même si vous le déclarez et vous donnez des explications —, ils pourraient être complètement désabusés et ne pas vouloir soumissionner du tout. Est‑ce une préoccupation éventuelle?
    Je pense que l'autre chose qu'il faut retenir, c'est que le public ne comprend pas que le marché de la défense n'est pas le marché classique d'Adam Smith, où les prix sont fondés sur l'offre et la demande. En fait, notre marché est très bizarre.
    Lorsque nous parlons de tous ces facteurs, nous utilisons un concept abstrait d'un marché qui n'existe pas dans le domaine de la défense. Nous devons changer notre façon de penser afin de comprendre le marché et réagir correctement. Honnêtement, bon nombre des recommandations que nous voyons sont fondées sur ce marché parfait, qui ne correspond pas à celui dans lequel nous travaillons dans le domaine de l'approvisionnement en matière de défense.
    Voici un autre constat: on ne pense pas beaucoup à ce que cela signifie. Les économistes, eux, y ont beaucoup réfléchi.
    J'ai posé une question à la vérificatrice générale, qui faisait partie du groupe de témoins précédent, sur les enquêtes menées par les Américains sur les coûts exorbitants. Certaines surfacturations ont été faites par des entreprises qui feraient partie de ce système rationalisé — dont vous avez parlé, je crois, madame Kimball — et qui seraient des entrepreneurs de confiance du secteur de la défense. La marge de profit gonflée de ces entreprises pouvait varier entre 40 % et 4 000 %.
    Comment éviter ce scénario?
(1725)
    Je veux simplement que ce soit clair: je ne parlais pas des grands entrepreneurs qui changent le marché de la défense. Les changements apportés à l'autre pouvoir d'exécuter une opération concernaient les petites entreprises.
    C'est le marché dans lequel le Canada veut se faire une place. Nous ne sommes ni Raytheons ni Boeing. Nous n'avons rien de tout cela. C'est évident. Ces changements visaient à donner un accès au marché à des entreprises canadiennes d'un certain calibre et d'une certaine taille que nous voulons voir sur le marché en posture concurrentielle.
    Le problème aux États-Unis, c'est qu'il y a d'énormes acteurs monopolistiques qui structurent le marché d'une manière qui n'est pas normale. Il est possible de réagir en dressant de meilleurs contrats et en faisant affaire avec ces acteurs de façon plus responsable.
    Je n'ai peut-être pas été clair. Bien sûr, on prête de plus en plus attention au fait que de grands joueurs qui créent une distorsion des marchés. Franchement, certains pays comme la France et l'Australie sont un peu plus ouverts et transparents que le Canada à cet égard. Dans une certaine mesure, on a fermé les yeux à ce qui se passe.
    Votre temps est presque écoulé. Merci.
    Monsieur Bezan, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier M. Lagassé et Mme Kimball de leurs recommandations. Je pense qu'il est important que les témoins fassent des recommandations. Je vous demande simplement de les fournir par écrit au Comité, ainsi que les raisons qui les sous-tendent. Nous pourrons les étudier.
    Dans certains cas, vous dites tous les deux la même chose, mais d'une façon différente. Il s'agit de faire preuve de souplesse plutôt que d'être trop rigide en matière d'approvisionnement et de contrats.
    Monsieur Lagassé, vous avez parlé du besoin de cadres supérieurs, qui font défaut. Verrez-vous cet ensemble de compétences au sein des Forces armées canadiennes ou de la Défense nationale ou encore chez les deux?
    Permettez-moi de m'expliquer. Au sein des FAC, l'un des défis actuels, c'est que les spécifications sont rédigées par des gens qui changent de poste assez souvent. La rotation du personnel, compte tenu du système des FAC et de la façon dont les spécifications sont republiées après une certaine période de temps, efface la mémoire même de projets individuels et souvent, dans le passé, il s'est produit des situations où on n'arrivait même pas à saisir la façon dont le projet évolue au fil du temps. C'est quelque chose dont il faut être conscient en ce qui concerne la façon dont les FAC établissent les spécifications.
    Aux échelons supérieurs, au sein du groupe responsable du matériel, vous avez simplement besoin de gens qui sont des experts en la matière, et vous devez en embaucher davantage. Comme nous le savons tous, tous les secteurs de l'économie sont pareils. Ce ne sont pas des gens que l'on peut prendre sur une tablette et mettre en poste. Il faut des années pour les former. Comme certains députés l'ont mentionné plus tôt, vous êtes en concurrence avec de nombreuses autres industries. Pour être honnête, il ne s'agit pas simplement d'un problème d'approvisionnement; c'est un cyber problème. Vous éprouverez des problèmes au niveau du personnel chargé de la formation et de la maintenance. Quelle que soit l'activité, nous sommes confrontés à des défis en matière de ressources humaines dans le domaine de la défense, de la haute direction, des techniciens et des agents de projet, même au sein des FAC.
    Nous pourrons recruter pour obtenir une partie des compétences recherchées. Pour les grands projets, nous aurons besoin de compétences pointues, alors il devrait y avoir quelqu'un qui s'occupe des navires de combat de surface et quelqu'un qui s'occupe des achats de F‑35. Il s'agit d'approvisionnements à long terme. Nous ne pouvons tout simplement pas demander au sous-ministre d'examiner la question un vendredi après-midi et de donner son feu vert. Il faut que quelqu'un prenne ces décisions à quelques échelons en dessous du sous-ministre, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
    Je ne m'inquiète pas pour ces grands projets. Le SCC et le projet des futurs chasseurs ont de grandes équipes attitrées. Je peux seulement vous dire pendant combien d'années la force aérienne s'est engagée à acheter de futurs chasseurs et les ressources qui y ont été consacrées.
    Le plus gros problème, ce sont les petits projets qui ne reçoivent pas la même attention. Il s'agit de projets dont vous n'avez peut-être jamais entendu parler, comme la DABS, le SIGRD et certains autres projets dans le système. Vous voulez vous assurer que des gens sont là pour les guider tout au long du processus et qu'ils ont le temps et le dévouement nécessaires pour y arriver.
    Les gros rochers...
    Pour ce qui est des plus petits projets, si nous voulons aller au fond des choses et nous assurer qu'ils progressent plus rapidement tout en conservant les compétences nécessaires, devrions-nous alors nous assurer que certains...? À l'heure actuelle, je pense que le seuil fixé permet au MDN de dépenser jusqu'à 50 millions de dollars sans avoir à passer par le Conseil du Trésor.
    Ces seuils devraient-ils être augmentés et devraient-ils encore concerner uniquement le ministère de la Défense nationale plutôt que d'être répartis entre le Conseil du Trésor et Services publics et Approvisionnement Canada?
    La seule façon d'accélérer les choses, c'est de hausser les seuils et déléguer certains pouvoirs décisionnels à des personnes de niveau inférieur dans le cadre du processus d'approvisionnement. C'est la seule façon de pouvoir suivre le rythme du changement qui est en train de se produire.
    Un risque y sera forcément associé. Nous devons être en mesure d'accepter que certaines erreurs soient commises de bonne foi, sans que ces erreurs fassent des vagues; autrement, nous nous retrouverons dans des situations comme celles des futurs chasseurs et des scandales semblables. Nous reviendrons toujours à la case départ avec chaque changement de gouvernement si chaque pépin génère un scandale. Nous devons accepter, si nous voulons que les FAC prennent des risques et qu'elles aillent plus vite, qu'à l'occasion il y aura...
(1730)
    Je suis d'accord avec vous.
    Madame Kimball, vous avez comparé notre système d'approvisionnement à celui des États-Unis et d'autres pays.
    Si vous regardez ce que nous avons ici au Canada, utilisons-nous tous les outils à notre disposition, comme la Loi sur la production de défense? Vous avez déjà parlé des contrats, mais comment pouvons-nous rationaliser le processus? Quel rôle notre industrie nationale joue‑t‑elle pour que nous ayons une capacité souveraine en temps de conflit et ne soyons pas relégués à l'arrière-plan?
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    Le Canada doit établir des priorités en ce qui concerne ses besoins essentiels. Nous avons parlé un peu des types de projets qui attirent beaucoup l'attention, ces grands projets ambitieux comme les avions d'attaque interarmées, mais d'autres projets, comme l'équipement des soldats, ne reçoivent pas beaucoup d'attention.
    J'entends depuis longtemps des femmes militaires se plaindre à quel point les uniformes sont mal adaptés et à quel point elles n'ont pas les divers produits de première nécessité dont elles ont besoin pour faire leur travail. Or, l'état de préparation opérationnelle, c'est être prêt au déploiement sur le terrain.
    Je pense que c'est une chose très importante. Il faut repenser l'approvisionnement et dire: « D'accord, si nous voulons que le soldat se batte, il a besoin de tel équipement, et voici comment nous devons établir les priorités. Lorsque nous participons aux opérations de l'OTAN et du NORAD, telles capacités exigées. »
    Je sais qu'on réfléchit actuellement de façon plus systématique et conceptuelle à la forme que pourraient prendre les divers équipements militaires pour les crises et les missions. Le Canada devra en tenir compte lorsqu'il pense à l'approvisionnement futur.
    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Monsieur May, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme Kimball.
    On a fait remarquer qu'étant donné que le Canada a une base industrielle de défense relativement petite, l'approvisionnement pourrait être mis au défi si l'on se limite trop au marché national. Êtes-vous d'accord?
    Oui. On met un peu moins l'accent sur les achats, mais je pense que l'une des choses que le Canada ne fait pas assez bien, c'est réfléchir à la façon dont il peut faire de la recherche-développement en collaboration avec d'autres pays et à la façon dont il peut examiner la chaîne de production pour fabriquer des produits qui seront vendus. Si vous regardez ce que fait le Canada, il ne fait pas beaucoup de recherche-développement qui mène à des projets ici au pays.
    Ce qui est intéressant maintenant, c'est que la Finlande et la Suède se joignent à l'OTAN. Ce sont des pays qui partagent l'espace arctique avec le Canada et qui auront sans doute certains des mêmes besoins en matière d'approvisionnement. C'est là que je dirais que, oui, ce sont des pays qui ont des systèmes d'approvisionnement supérieurs et plus efficaces. Ce sont des pays où le Canada pourrait obtenir plus en investissant moins, mais aussi assurer son approvisionnement en une gamme de biens à l'avenir. C'est le genre de choses que le Canada peut et devrait faire mieux au cours des 5 à 10 prochaines années.
     Vous avez en quelque sorte parlé du sujet de ma prochaine question.
    Peut-être pourriez-vous en dire un peu plus, mais comment le Canada peut‑il prendre des mesures pour assurer un meilleur équilibre entre la nécessité que l'approvisionnement soit efficace et souple et l'augmentation de la capacité nationale?
    Je pense qu'il s'agit d'examiner les types de secteurs industriels de défense dans lesquels le Canada possède actuellement des capacités essentielles et de décider que ce sont ceux que nous voulons développer. Nous pouvons regarder autour de nous et dire que ces secteurs sont peut-être complémentaires à ceux d'autres partenaires et vraiment réfléchir dans ce contexte à ce que nous pouvons faire avec d'autres pour trouver un créneau sur un marché qui fait en sorte que l'on dira que le Canada et le pays X le font vraiment très bien et seront les pays clés.
     À l'heure actuelle, le Canada n'a pas vraiment d'identité de ce type, même s'il pourrait probablement en avoir une, car quand les gens pensent au Canada, ils pensent à l'Arctique, au Nord et à l'équipement pour le temps froid. Pourquoi ne figurons-nous pas sur ces listes comme les Suédois et les Norvégiens? Ce sont des questions qui ont beaucoup à voir avec la manière dont le Canada s'est organisé et dont il a hiérarchisé les types d'éléments dans lesquels il investit.
(1735)
    Merci, madame.
    Monsieur Lagassé, étant donné que plusieurs ministères participent au processus d'acquisition de matériel de défense et qu'il y a de multiples politiques et processus, avez-vous des recommandations à formuler sur la façon de simplifier l'approvisionnement, de le rendre plus souple et mieux adapté aux nouvelles exigences militaires? Plus précisément, pouvez-vous dire à quels égards les règlements et les processus peuvent être plus dommageables qu'utiles?
    Vous connaissez tous la différence entre les fonds du crédit 1 et ceux du crédit 5. Dès qu'il est question de dépenses du crédit 5, tous les processus nécessaires à l'acquisition d'immobilisations sont mis en œuvre. Cela signifie que lorsqu'on essaie d'acheter quelque chose — un nouveau système informatique, par exemple —, on essaie de suivre un processus de 15 ans. On définit les exigences au cours des cinq premières années, puis on achète quelque chose 10 ans plus tard. Cela ne fonctionne pas.
     On a besoin de quelque chose qui se situe entre le crédit 1, qui correspond aux dépenses quotidiennes, et le crédit 5, qui correspond aux dépenses d'investissement, pour les technologies de pointe et des choses que l'on doit acheter rapidement. Il faut presque une catégorie intermédiaire de fonds pour lesquels il est entendu qu'ils sont consacrés à des besoins qui évoluent rapidement et augmentent constamment, de sorte que chaque année, ou chaque fois que l'on achète quelque chose, on peut acheter la nouveauté au moment où on en a besoin. À l'heure actuelle, la catégorisation que nous avons entre le crédit 1 et le crédit 5 ne nous permet pas d'avoir cette latitude.
    Madame Kimball, je vous pose la même question. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    En ce qui concerne les détails du processus, je n'aurais pas grand-chose à ajouter à ce qu'a dit mon collègue parce qu'il comprend le processus à l'interne bien mieux que moi lorsqu'il s'agit des échéances. Comme je l'ai dit, si l'on fait une comparaison, le processus est long pour des choses qui se font plus rapidement dans d'autres pays. En tant que personne qui examine ces choses de manière plus globale, à l'échelle internationale, je continue à me poser des questions et à ne pas trouver beaucoup de réponses.
    Merci à vous deux de témoigner aujourd'hui.
    Madame Normandin, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Professeure Kimball, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez mentionné, soit que les contrats devraient être mieux conçus. Par exemple, on devrait prévoir un meilleur partage des coûts en cas de dépassement des délais, par exemple.
    Jusqu'à quel point certaines choses mettent-elles des bâtons dans les roues? Lorsqu'il est question de sécurité nationale et de propriété intellectuelle, notamment, il y a des renseignements qui sont cachés. Cela donne l'impression qu'on donne une espèce de levier à des entreprises dans le cadre de la négociation de contrats.
    Est-ce que je me trompe ou est-ce qu'il y a quand même plusieurs défis qui empêchent une meilleure rédaction des contrats?
    De façon générale, les questions liées aux informations classifiées ne font pas partie précisément des devis ou de la façon dont on rédige les contrats. Il est possible que des choses surviennent une fois que le processus est lancé. Souvent, cela fait partie des modalités de contrat. C'est l'étape suivante, c'est un peu comme la mise en œuvre du contrat.
    Pour ce qui est du cadre et de la structure de l'entente conclue avec l'entreprise, rien là-dedans n'est classifié. C'est de l'information de nature générale. On peut ajouter plein d'autres clauses qui visent à protéger le Canada, mais aussi à partager les coûts en cas de dépassement des délais ou de changements.
    Par exemple, on sait que le Canada a changé les exigences pour certains programmes. Alors, le Canada pourrait accepter d'assumer les coûts engendrés par des changements qu'il déciderait de faire dans l'avenir. Il en accepterait la responsabilité, parce qu'on sait que cela retarde le processus de recherche-développement.
    Il y a donc des façons de faire des changements et de dire qu'on en accepte la responsabilité. Cela ne doit pas pour autant devenir un grand spectacle médiatique, mais il s'agit de prendre ses responsabilités et d'agir de façon transparente.
    Ce que je comprends, c'est qu'on devrait rapidement établir des balises, par exemple pour le partage des responsabilités, dès le début du processus de signature du contrat. Je pense notamment au dossier des F‑35, où on a eu l'impression que les retombées pour le Canada et les entreprises allaient être négociées plus tard. Cela aurait pu être négocié plus en amont, n'est-ce pas?
    Oui. Il faut au moins avoir quelques idées et établir les attentes quant au partage des responsabilités. Je suis en train d'analyser un paquet d'autres contrats actuellement, et c'est ce j'y vois très clairement.
    C'est sûr qu'il y a des raisons stratégiques pour lesquelles les Américains et les autres ne veulent pas inclure ce genre de clauses. Cependant, quand on signe un contrat, on est dans un processus de négociation. Alors, il faut dire qu'on veut cela pour se protéger et qu'on ne signera pas de contrat sans avoir une certaine protection contre certains risques. Ce sont des choses qui sont ajoutées aux contrats en France et en Angleterre, quoique ce soit un peu moins populaire en Angleterre qu'en France. On voit cela de plus en plus en Australie, aussi.
(1740)

[Traduction]

    Nous allons devoir en rester là.
    Madame Mathyssen, vous disposez de deux minutes et demie, plus 10 secondes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Kimball, nous parlions de la proportion de 2 %. Tout le monde semble insister sur cette proportion arbitraire. Cependant, vous avez bien sûr mentionné qu'il y a cette approche qualitative que nous n'adoptons pas. J'aimerais vraiment que vous nous en disiez plus à cet égard, sur le point que vous avez soulevé, à savoir que les femmes ne disposent pas de l'équipement dont elles ont besoin, soit un équipement adapté à leur corps qui les protège de manière adéquate. On vient d'apprendre que nos troupes en Lettonie ont dû acheter leurs propres casques parce qu'elles n'avaient pas ce qu'il fallait pour se protéger.
    Pouvez-vous nous expliquer comment nous intégrons cela dans une approche qualitative de nos dépenses?
    Tout d'abord, en ce qui concerne l'histoire des casques, je pense qu'il a été établi qu'elle était peut-être fausse lorsqu'elle a été communiquée aux médias. Je ne sais pas si c'est réellement... Quoi qu'il en soit, je m'interrogerais là‑dessus.
    Pour ce qui est de l'équipement et du fait que... Je ne parle pas seulement des femmes, mais aussi des membres de la communauté LGBTQ. Le fait que nous voulions recruter des gens dans nos forces armées et que nous ne fournissions pas d'équipement... Nous n'avons pas d'options pour les personnes qui sont... Je suis une personne non binaire et j'aurais donc un énorme problème dans nos forces armées, évidemment. C'est une tout autre histoire dont je pourrais parler, car je travaille beaucoup avec le réseau de la fierté de la Défense et je sais donc un peu ce à quoi ces personnes, qui essaient seulement de défendre notre pays, sont confrontées.
     En ce qui concerne l'équipement destiné aux femmes, il est évident que l'industrie est dominée par les hommes, qu'il s'agisse du prototypage ou de la manière dont nous effectuons les essais. Lors de la dernière conférence CANSEC, il n'y avait qu'un seul mannequin féminin sur l'ensemble des mannequins qui présentaient des équipements de défense. Je pense que cela en dit long sur le secteur en général.
     Je sais, par exemple, que certains pays y réfléchissent et ont investi dans le développement de ressources pour les femmes d'une manière beaucoup plus impressionnante — par exemple, le Danemark. Si une femme dans les forces armées est enceinte, elle n'est pas destinée à porter un uniforme qui est l'une des choses les plus laides de la planète dans lequel elle a l'air d'une tente. Certaines de ces choses sont très importantes si l'on veut créer des forces qui reflètent la société, et il y a aussi l'aspect recrutement qui est extrêmement important pour l'avenir des forces.
     Nous allons devoir nous arrêter là.
    Madame Kramp-Neuman, vous disposez de cinq minutes.
    Merci.
    Monsieur Lagassé, ma première question... Est‑il juste de dire que le MDN a besoin de plus de souplesse sur le plan des règlements du Conseil du Trésor et de l'approvisionnement?
    Absolument.
     Vous avez dit que l'efficacité est essentielle et qu'il y a un manque de continuité lorsqu'il s'agit de veiller à la réalisation des projets. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Eh bien, l'un des défis concernant la gestion des grands projets, c'est que le système d'affectation actuel fait passer des gens des affectations opérationnelles au développement des capacités au sein des forces. Il n'y a rien de mal à cela. D'un point de vue conceptuel, on prend des personnes qui ne sont que des opérateurs et on les affecte à l'élaboration des exigences. Cependant, si l'on ajoute à cela même les échelons plus élevés des forces qui changeront rapidement au cours de la durée d'un projet, on peut imaginer à quel point, au fur et à mesure que le personnel change, les exigences peuvent être repensées. Il y a différentes façons d'envisager le problème. Par conséquent, on se retrouve avec des projets dans le cadre desquels il y a essentiellement un roulement pendant que l'on essaie de les réaliser.
    Même si je respecte la philosophie qui sous-tend le système d'affectation au sein de l'armée, nous devons admettre qu'il peut entraîner des retards, car on change le personnel qui est chargé de dire ce qu'il faut acheter.
    Plus tôt, en réponse à une autre question, vous avez mentionné que nous étions en retard par rapport à nos alliés. Pourriez-vous nous dire ce que nous faisons si mal que d'autres pays font si bien?
     Je ne pense pas qu'il y ait un pays qui fait quoi que ce soit de si bien en matière d'approvisionnement, mais à tout le moins, les autres pays sont beaucoup plus transparents envers leur population et leurs parlements sur les raisons pour lesquelles ils font ce qu'ils font et sur la façon dont ils essaient de le faire.
    Comme beaucoup d'entre vous le savent, la tradition au Canada... Nous avons ici une culture du secret et nous n'avons aucune idée de la manière dont les budgets sont dépensés. Même votre travail est constamment entravé par un manque d'information sur les budgets.
    De plus, vous devriez tous avoir accès à des renseignements classifiés dans le cadre de votre travail. On n'a pas besoin d'habilitations de sécurité au sein de l'exécutif pour cela. Vous êtes des députés et vous avez le privilège d'avoir accès à ces renseignements. Vous pouvez être sanctionnés par votre chambre si vous décidez de les utiliser de façon inappropriée. Il est essentiel que vous fassiez votre travail, même lorsqu'il s'agit de l'approvisionnement, par exemple. Vous devez pouvoir accéder à de l'information classifiée pour savoir exactement où en sont les projets, ce qui est fait et où l'argent est dépensé. Cela ne devrait pas être négociable.
     Je ne peux pas croire que nous n'en soyons pas encore là. Il suffit de regarder ce que font vos collègues australiens. Dans une publication de février, ils disent que leur comité du renseignement doit être reproduit pour le secteur de la défense, parce que si l'on veut faire quelque chose d'aussi sérieux que l'AUKUS, il faut que des députés tels que vous soient autorisés et aient accès à ces renseignements.
(1745)
    Je vous remercie. Bingo.
    En 2010, vous avez souligné l'importance des capacités militaires du Canada pour répondre à n'importe quel conflit, un peu comme une police d'assurance. Plus le risque est élevé, plus il faut investir dans la défense.
     Compte tenu de l'état actuel des conflits à l'étranger, croyez-vous que nos capacités actuelles nous permettraient de réagir comme il se doit si la situation devait s'aggraver?
    Tout dépend de la situation, mais de manière générale — et le chef d'état-major de la défense l'a souligné —, nous manquons déjà de ressources.
     La politique de 2017 comprenait un objectif ambitieux relatif à la simultanéité des opérations afin que nous soyons capables de mener deux opérations de grande envergure à la fois. Nous n'avons pas les ressources pour le faire. Nous n'avons tout simplement pas le personnel nécessaire. Nos données sur le recrutement et le maintien en poste ne sont tout simplement pas ce qu'ils devraient être pour que ce soit possible.
     Laissons de côté la question de l'équipement un instant. Si l'on n'a pas le personnel nécessaire pour utiliser l'équipement à long terme, cet équipement ne sert à rien. La capacité ne se résume pas à l'équipement. La capacité, c'est le personnel qui utilise l'équipement, qui entretient l'équipement, qui se prépare à acheter de l'équipement. Si nous nous concentrons uniquement sur le matériel, nous perdons de vue le portrait global.
    Comme l'a souligné ma collègue, Mme Kimball, si nous ne faisons pas tous les efforts possibles pour inclure toutes les personnes susceptibles de se joindre aux forces et d'en faire une carrière qu'elles souhaitent, nous ne serons pas préparés à affronter tout ce qui nous attend.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Essentiellement, si nous n'avons pas de personnel, le problème de la préparation reste entier. C'est incontestable.
     Revenons à la réponse que vous avez donnée il y a quelques instants. Je crois vraiment qu'il est important que le Canada agisse de façon proactive au lieu de réagir continuellement. Pourriez-vous nous dire si nous devrions faire partie de l'AUKUS?
    Si j'étais à la place de l'Australie et du Royaume-Uni et que le Canada disait qu'il aimerait se joindre à l'AUKUS, je lui demanderais ce qu'il aurait à proposer. Si un pays n'a rien à offrir et qu'il s'agit d'un membre de moindre envergure, pourquoi lui offrirait‑on quelque chose? Les États-Unis sont peut-être prêts à le faire, mais pourquoi les Australiens ou les Britanniques renonceraient-ils à des contrats pour des entreprises canadiennes? Pourquoi?
     Merci, madame Kramp-Neuman.
    Allez‑y, monsieur Sousa.
    Merci
     En fait, je voudrais poursuivre sur cette lancée. Je vais d'abord poser une question à Mme Kimball.
    On nous dit souvent que le Canada est à la traîne en ce qui concerne cet engagement de 2 %, surtout par rapport à d'autres pays de l'OTAN — des pays de l'OTAN plutôt importants qui tirent d'énormes avantages économiques de ces activités.
     Quelle est la balance commerciale entre le Canada et d'autres pays membres de l'OTAN en ce qui concerne l'industrie militaire? En avez-vous une idée?
    Eh bien, évidemment, au sein de l'OTAN, il n'y a que six ou huit armées que l'on considérerait comme ayant les capacités qu'il faut — celles vers lesquelles on se tourne. Viennent s'ajouter les Finlandais et les Suédois, qui se présentent comme d'autres armées extrêmement compétentes. Une chose qui sera essentielle... Je pense que le Canada peut vraiment jouer un rôle dans l'intégration de ces deux pays. Manifestement, le Canada devrait les inviter à participer au groupement tactique qu'il dirige, par exemple. Cela ne pourrait qu'aider le Canada, car nous savons qu'il subit déjà des pressions à cet égard.
    Évidemment, nous regardons vers les trois grands joueurs: la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, dont les armées sont de taille similaire. Les armées néerlandaise et espagnole présentent des niveaux d'investissement similaires. Quand on pense à l'OTAN, une chose est extrêmement claire: le Canada est le seul pays qui n'est pas l'un des cinq principaux contributeurs et qui dirige une brigade. Il fait quelque chose — avec une économie beaucoup plus modeste — qui est égal à tous les autres. Quand on dit que le Canada n'y met pas du sien, c'est tout simplement faux.
     Le Canada est également le pays qui dirige une brigade dont les capacités varient le plus. Si vous regardez tous les autres groupes, ces pays ont en moyenne un niveau de capacité plus élevé. Le Canada a le plus grand nombre de partenaires, de langues et de capacités à gérer. Franchement, il propose quelque chose avec un ensemble d'outils très différent de celui de tous les autres pays et il réussit quand même.
     On ne devrait pas se demander pourquoi le Canada n'atteint pas la proportion de 2 %, mais plutôt comment le Canada s'en sort aussi bien à 1,39 %.
(1750)
    Monsieur Lagassé, s'il me reste assez de temps, j'aimerais vous demander d'en dire plus sur ce point.
     Certains de ces pays importants limitent leurs 2 % du PIB, ce qui inclut l'industrie militaire. Le Canada ne bénéficie pas de l'exportation de son matériel militaire. Pouvez-vous nous dire si nous apportons ou non une contribution positive à la cause?
    Le Canada fait partie de ce que j'appellerais le « petit nombre de combattants ». De nombreux pays — comme nous l'avons vu en Afghanistan — sont prêts à apporter leur contribution, mais ils ne sont pas nécessairement prêts à se battre, ou à se battre sans réserve. Nous sommes prêts à faire un certain nombre de choses que d'autres membres ne sont pas prêts à faire. Nous sommes prêts à prendre des risques et à mener des opérations que d'autres n'accepteraient pas. Dans la crise actuelle, nous avons aidé à former les forces ukrainiennes qui assurent la défense de leur pays. C'est une contribution essentielle que nous avons apportée. Il ne s'agit pas de dénigrer ce que fait le Canada et ce que nous exigeons de nos forces.
    Toutefois, je dirais que les Forces armées canadiennes semblent toujours se débrouiller, malgré le peu de ressources et de soutien qu'elles reçoivent. Mais elles finiront par craquer. Il y aura une crise qu'elles ne réussiront pas à gérer. Ce n'est qu'à ce moment‑là qu'un véritable changement se produira peut-être enfin. Je ne pense pas que nous sommes nombreux à nous rendre compte de la mesure dans laquelle le ministère et les forces font tout pour éviter l'échec à tout prix, et la pression que cela exerce sur les gens. Cela ne peut pas durer longtemps, comme nous le voyons avec le système d'approvisionnement. Il y a une limite à la pression qui peut être exercée sur les gens avant que le système ne finisse par s'effondrer.
    Pouvez-vous nous donner des exemples de choses qui ont été faites efficacement en ce qui concerne l'approvisionnement au cours de la dernière décennie et dont nous pourrions tirer des leçons?
    De très nombreux projets d'approvisionnement se déroulent avec succès. Nous n'en entendons tout simplement jamais parler. Je dirais qu'au moins 75 % des projets d'approvisionnement sont menés à bien. Ce sont les gros projets difficiles qui suscitent beaucoup de controverse et attirent l'attention. En réalité, nous achetons souvent dans les délais prescrits. Ce n'est pas nécessairement toujours le cas, mais nous finissons par acheter ce qu'il faut.
    Nous nous concentrons tellement sur les aspects négatifs que nous en arrivons à la situation décrite par Mme Kimball. J'en suis également coupable, dans un certain sens. En effet, lorsque nous nous concentrons uniquement sur les échecs, nous finissons par mettre en place de plus en plus de processus pour contrôler les échecs. Nous avons ajouté un si grand nombre de contrôles au processus qu'il est impossible de procéder rapidement. Chaque fois qu'un scandale ou un problème émerge, notre solution consiste toujours à accroître la surveillance et les contrôles.
    Le problème dans l'approvisionnement en matière de défense au Canada, ce n'est pas le manque de surveillance. D'une certaine manière, il y a déjà trop de surveillance dans ce domaine. Je le dis à titre de personne qui a déjà participé à cette surveillance.
    Madame Kimball [inaudible].
    Le président est très méchant, madame Kimball. Je tenais réellement à vous entendre.
    Une voix: Il est grincheux.
     Oui, je suis grincheux, grognon, etc. À 17 h 55, vous pourrez peut-être me persuader d'écouter, pendant un moment ou deux, ce que Mme Kimball a à dire avant de mettre fin à notre discussion.
    Madame Kimball.
    J'aimerais conclure en précisant que l'approvisionnement en matière de défense représente certainement un processus très complexe.
    Il est évident que diverses recommandations peuvent être mises en œuvre pour produire des contrats plus précis et plus transparents. Il existe des moyens de rendre les données plus accessibles aux chercheurs, afin de favoriser une meilleure évaluation de la situation.
    Au bout du compte, il s'agit de faire en sorte que les personnes en uniforme soient prêtes et de savoir comment nous recruterons et retiendrons ces personnes. À cet égard, nous n'avons pas beaucoup parlé du rôle essentiel de la formation et du perfectionnement professionnel dans tout cela.
    C'est aussi un domaine dans lequel, bien honnêtement, il y a encore beaucoup de travail à faire. Quelques institutions détiennent le monopole en matière de formation à la défense, et je pense que nous devons envisager de faire les choses différemment. D'autres pays font déjà les choses différemment.
    Je terminerai en disant que l'un de nos problèmes en matière d'approvisionnement est lié à la formation et à la manière d'encourager les gens à s'intéresser à la défense et à y contribuer.
    Le prochain grand défi en matière d'approvisionnement sera l'écologisation du processus d'approvisionnement de défense. Nous ne savons même pas comment nous allons nous y prendre, mais nous devons le faire dans les cinq à dix prochaines années.
(1755)
    Je vous remercie, monsieur Sousa, d'avoir manipulé le chronomètre de la sorte. C'était très astucieux de votre part.
    C'est une discussion extraordinairement complexe. Je vous suis reconnaissant de votre contribution à tous les deux.
    Je retiens cependant votre commentaire, monsieur Lagassé, au sujet de la culture du secret qui règne ici. Cela rend effectivement les choses extraordinairement difficiles. Le problème avec le secret excessif, c'est que les politiciens ne réagissent pas de façon adéquate à la désinformation. C'est un problème auquel nous pourrions nous attaquer. Nous pourrions discuter de cet enjeu entre nous. Nous arrivons à un point où nous ne pouvons plus continuer à faire ce que nous faisons actuellement. Il faut changer quelque chose.
    Chers collègues, tout est organisé pour vendredi.
    En ce qui concerne la semaine prochaine, les paris sont ouverts sur la durée exacte. Le greffier acceptera votre mise en sortant.
    Cela dit, je remercie encore nos deux témoins. La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU