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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 076 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 octobre 2023

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Chers collègues, je constate qu'il est passé 15 h 30. Il y a quorum.
    Notre témoin est prêt. Je prie d'emblée M. Jeglic de m'excuser d'avoir mal prononcé son nom.
    Merci de vous joindre à nous, monsieur. Nous vous serions reconnaissants de présenter votre déclaration liminaire, puis nous poursuivrons.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais reconnaître d'abord que nous sommes réunis sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

    Bonjour à tous.
    Je m'appelle Alexander Jeglic et je suis l'ombudsman de l'approvisionnement.
    Je remercie le président du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui comme témoin dans le cadre de sa revue de l'impact des processus d'approvisionnement du Canada sur les Forces armées canadiennes.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par expliquer le rôle de mon bureau en matière d'approvisionnement fédéral, car c'est la première fois que je comparais devant vous en tant qu'ombudsman de l'approvisionnement.
    Le Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement a ouvert ses portes en 2008 dans le but d'offrir aux entreprises canadiennes, surtout aux petites et moyennes entreprises, une voie de recours pour les enjeux relatifs à l'approvisionnement et à la passation de marchés.
     Mon bureau est indépendant de tous les autres organismes fédéraux, y compris Services publics et Approvisionnement Canada. Bien que je relève du ministres des Services publics et de l'Approvisionnement, le ministre n'intervient pas dans les activités quotidiennes de mon bureau ni dans le contenu de mon rapport. Le ministre est tenu de déposer mon rapport annuel au Parlement.

[Français]

    Nous sommes une organisation fédérale neutre et indépendante ayant un mandat pangouvernemental, à l'exclusion des sociétés d'État, du Sénat, de la Chambre des communes et de certaines agences fédérales de sécurité.

[Traduction]

    Plus précisément, mon mandat législatif est le suivant.
     Premièrement, j'examine les plaintes des fournisseurs canadiens concernant l'attribution de certains contrats fédéraux d'une valeur inférieure à 30 300 $ pour les biens et à 121 200 $ pour les services.
     Deuxièmement, j'examine les plaintes concernant l'administration de certains contrats, peu importe leur valeur. Nous recevons rarement ce type de plaintes, mais le cas échéant, elles concernent le plus souvent des retards ou des défauts de paiement.
     Troisièmement, nous examinons les pratiques d'approvisionnement des ministères fédéraux afin d'en évaluer l'équité, l'ouverture, la transparence et la cohérence avec les lois, les politiques et les lignes directrices. Dans ces examens systémiques plus larges, nous examinons comment les ministères fédéraux attribuent leurs contrats en général, ce qui nécessite souvent l'examen de plusieurs dossiers d'approvisionnement.
    En ce qui concerne les bonnes pratiques visant à garantir l'équité, l'ouverture et la transparence de l'approvisionnement fédéral, mon bureau a cerné trois éléments des approvisionnements présentant les risques les plus élevés. Nous utilisons ces facteurs de risque pour établir trois champs d'enquête: premièrement, l'établissement de critères d'évaluation et de plans de sélection; deuxièmement, le processus d'appel d'offres; et troisièmement, l'évaluation des offres et l'adjudication des contrats.
     Ces examens systémiques ont deux fonctions importantes: d'une part, ils cernent les domaines dans lesquels les ministères peuvent prendre des mesures concrètes pour améliorer l'équité, l'ouverture et la transparence de leurs pratiques d'approvisionnement. D'autre part, ils mettent en évidence les bonnes pratiques dont d'autres ministères peuvent s'inspirer. Les recommandations formulées à l'issue de ces examens visent à améliorer les pratiques et ne ciblent pas les différents plaignants ou soumissionnaires gagnants et perdants, contrairement aux examens de plaintes précises.
     En 2018, mon bureau a mis en place un plan quinquennal d'examen des pratiques d'approvisionnement qui énumère et décrit les examens que mon bureau devrait réaliser. Les examens des pratiques prévus ont porté sur les domaines d'approvisionnement les plus risqués, tels que définis par notre analyse approfondie de l'environnement.
     Dans le cadre des 17 examens systémiques réalisés conformément au plan quinquennal, mon bureau a effectué un examen du ministère de la Défense nationale dont le rapport a été publié sur le site Web de mon bureau en mai 2022. Nous avons formulé plusieurs recommandations concernant les pratiques d'approvisionnement du MDN qui devaient être améliorées et nous avons répertorié certaines bonnes pratiques. Par exemple, un domaine d'amélioration visait les incohérences dans le processus d'évaluation des offres, y compris l'absence de lignes directrices et de résultats d'évaluation et des contrats incorrectement adjugés. Une observation positive a été formulée: le MDN utilise systématiquement des documents d'appel d'offres normalisés ce qui contribue à simplifier les processus d'approvisionnement, tant pour les entreprises canadiennes que pour les fonctionnaires. Nous avons formulé six recommandations à l'intention du MDN et nous effectuerons un suivi l'an prochain pour évaluer la mise en oeuvre de ces recommandations. Le MDN a accepté toutes nos recommandations.
     Mon bureau offre également des services de règlement de différends avec l'aide de médiateurs certifiés de mon bureau. Un fournisseur ou un ministère peut demander nos services de médiation, et les deux parties doivent accepter volontairement d'y participer pour que la séance de médiation ait lieu. La médiation est un service très efficace que mon bureau propose et qui reste malheureusement sous-utilisé par les ministères fédéraux. Il n'y a pas de limite de valeur associée à nos services de médiation et nous pouvons traiter des contrats d'une valeur de 6 000 ou de 60 millions de dollars. Notre médiation ne nécessite généralement qu'une séance d'une journée et ces services offrent une procédure rapide, peu coûteuse et administrativement moins lourde qu'une procédure judiciaire.
    Mon bureau mène également des études sur des questions importantes concernant l'approvisionnement fédéral. En 2018, nous avons lancé une initiative intitulée « Approfondissement et partage des connaissances » destinée à fournir des renseignements et des conseils aux fournisseurs et aux ministères. En tout, nous avons publié neuf études d'APC et parmi les sujets sur lesquels nous avons écrit à ce jour, je mentionnerai l'approvisionnement d'urgence, le dirigeant principal des achats et les retards de paiement.
(1535)

[Français]

    De plus, mon bureau participe de façon active à la diversification de la chaîne d'approvisionnement fédérale. À ce jour, nous avons organisé cinq sommets annuels ayant permis à plus de 2 000 participants provenant notamment d'entreprises autochtones et diversifiées d'être réunis dans une même salle en présence de représentants d'organisations du gouvernement et du secteur privé qui offrent des services pour aider ces entreprises à obtenir des contrats fédéraux.

[Traduction]

    Le BOA est devenu une composante importante de l'approvisionnement fédéral et nous espérons continuer à servir les parties prenantes de manière à changer les choses en mieux. Pour ce faire, notre bureau doit être proactif dans certains domaines, mais malheureusement, des défis budgétaires nous empêchent actuellement de poursuivre une partie de ce travail important.
     Ces 15 dernières années, mon bureau a fonctionné sur la base de son budget de 2008. Pour la première fois, l'an dernier, nous avons demandé un financement pour l'intégrité des programmes afin de combler les lacunes critiques dans l'exécution de mon mandat législatif et des engagements du gouvernement et des ministres. Cette demande est restée vaine, mais nous avons présenté une nouvelle demande pour combler notre déficit de financement dans les années à venir.
     Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité de faire preuve de prudence et d'efficacité budgétaires à l'échelle fédérale et nous nous sommes employés avec diligence à veiller à ce que nos opérations soient aussi rationalisées que possible afin de remplir au mieux notre mandat. Cependant, en raison de mon budget actuel et de l'impossibilité d'embaucher du personnel supplémentaire, mon bureau a dû réduire plusieurs activités cruciales pour l'exercice en cours et au‑delà. Ces activités annulées comprennent l'exécution d'examens de suivi pour déterminer si les ministères ont mis en œuvre mes recommandations et la prestation de renseignements et de conseils aux entreprises canadiennes au moyen des rapports de recherche produits dans le cadre de l'initiative d'APC.
     Cette année, nous cherchons à nouveau à obtenir un financement pour l'intégrité des programmes. Sans ce financement supplémentaire, le BOA deviendra un organisme réactif et ne sera plus en mesure de fournir efficacement les services clés nécessaires à l'amélioration de l'approvisionnement fédéral.
     Je suis heureux de constater que les différents comités de la Chambre des communes soutiennent de plus en plus mon bureau. Je tiens à remercier tout particulièrement le comité de la défense nationale de m'avoir invité à comparaître.
    Je répondrai volontiers à toutes vos questions.
     Je vous remercie de votre attention.
    Je vous remercie, monsieur Jeglic.
    Madame Gallant, vous disposez de six minutes.
     En ce qui concerne le remplacement du système de propulsion du brise-glace lourd Terry Fox de la Garde côtière canadienne, comment se fait‑il que la soumission n'ait pas rempli les exigences obligatoires énoncées dans les documents d'appel d'offres et que l'entreprise ait quand même obtenu le contrat?
    Comme je n'ai pas procédé à l'examen, je ne peux malheureusement pas répondre directement à votre question.
    Évidemment, l'intention est que si vous ne remplissez pas les critères obligatoires, vous ne devriez pas obtenir le contrat.
     Si nous remontons à décembre 2019, le gouvernement libéral avait déclaré que Davie était la seule entreprise qualifiée pour construire les nouveaux brise-glaces de la Garde côtière, et non Heddle. Pourtant, SPAC a retenu Heddle plutôt que Davie pour remplacer le système de propulsion du brise-glace Terry Fox, comme je l'ai déjà mentionné.
     Avez-vous une idée de la raison pour laquelle SPAC a conclu que Heddle était désormais qualifiée pour s'occuper des brise-glaces, plutôt que Davie?
(1540)
    Monsieur le président, je ne peux malheureusement pas répondre directement à cette question parce que je n'ai pas effectué l'examen du dossier.
    Très bien. Je vais donc parler de l'armée. Il y a des centres d'entraînement aux opérations en milieu urbain à Petawawa, Gagetown, Valcartier et Wainwright, et des simulateurs d'armes laser d'une valeur de 500 millions de dollars ont été mis au rancart. Ils faisaient partie du programme d'équipement intégré du soldat qui utilise des armes simulées qui, surtout, fournissent une rétroaction au soldat.
     Ces simulateurs ont tout simplement été mis au rancart. Comment se fait‑il qu'un renouvellement de contrat pour un système d'entraînement aussi vital ait pu être simplement oublié — ils ont oublié de le renouveler — surtout à ce moment précis où les acteurs étatiques du monde sont prêts à entrer en guerre?
    Je pense qu'un représentant du ministère serait mieux placé pour répondre à cette question.
    Nous avons plusieurs autres approvisionnements. Avez-vous examiné l'un d'entre eux en ce qui concerne le remplacement d'Aurora?
    Pour que les choses soient claires, mon organisme fonctionne comme suit: nous avons compétence pour examiner les plaintes liées à des marchés d'une valeur relativement faible. Nous avons une compétence complémentaire avec un autre organisme, le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui jouit d'une autorité et d'une compétence équivalentes ou supérieures.
     Tous les projets que vous citez sont au‑dessus des seuils pécuniaires de notre compétence en matière d'examen.
    Règle générale, comment pouvons-nous garantir que SPAC va faire en sorte que les programmes respectent les balises juridiques et qu'ils soient réalisés dans les délais et dans les limites du budget afin que nos forces armées n'aient pas de lacunes dans leurs capacités?
    Monsieur le président, c'est une question pertinente et je pense que la réponse appropriée est d'utiliser les mécanismes de recours existants. C'est la nature du Tribunal canadien du commerce extérieur.
    S'il y a des plaintes, je les encouragerais à chercher un recours auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur.
    Les Aurora représentent-ils un projet de trop grande envergure? Très bien.
     Toute la question de ces autres approvisionnements ne tient pas la route. D'après votre expérience, puisque les appels d'offres sont attribués en fonction d'autres critères que les exigences, est‑il possible qu'il y ait eu de l'ingérence politique?
    Monsieur le président, je le répète, je ne peux malheureusement pas m'aventurer dans cette discussion, mais le contrat devrait être adjugé sur la base des documents d'appel d'offres eux-mêmes.
    Veiller à ce que la procédure soit respectée est une chose, mais l'inefficacité totale de la mise en œuvre de ces projets en est une autre.
     Le Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement a‑t‑il cerné des possibilités de simplifier les pratiques d'approvisionnement du MDN?
    Oui. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, l'une des bonnes pratiques du MDN consiste à utiliser une documentation normalisée. C'est important parce que, comme vous pouvez l'imaginer, les fournisseurs soumissionnent à de nombreuses possibilités dans différents ministères. La situation est un peu particulière au ministère de la Défense nationale, où de nombreux projets sont très spécifiques. Toutefois, règle générale, le MDN utilise des documents d'approvisionnement normalisés, ce qui aide des fournisseurs de tout le pays qui répondent à plusieurs appels d'offres à participer activement.
    Êtes-vous en contact avec les services des approvisionnements de vos alliés internationaux et avez-vous discuté de la façon dont le MDN et SPAC peuvent utiliser ces méthodes pour faire des gains d'efficacité dans l'exécution des projets?
    Non, je n'ai pas eu de contact avec des homologues de l'étranger sur les approvisionnements en matière de défense en particulier.
    Très bien.
    Dans le cadre de son examen des approvisionnements du MDN, quelles constatations ont poussé le BOA à recommander que le MDN veille à ce que le système électronique établi suive, contrôle et rende compte avec précision de ses activités de passation de marchés et veille à ce que tous les contrats devant être divulgués le soient?
    C'est une question tout à fait pertinente à laquelle je peux répondre directement, ce qui me réjouit.
     Des voix: Ha, ha!
     M. Alexander Jeglic: Dans le cadre de notre examen du MDN, nous avons constaté que la documentation posait un problème important et qu'il s'agissait d'une lacune. Nous avons demandé 40 dossiers pour examen et nous avons dû remplacer 19 de ces 40 dossiers.
     Le processus d'obtention de la documentation peut sembler quelque peu administratif, mais ses conséquences sont bien réelles. L'absence de ce matériel d'évaluation signifie que vous ne pouvez pas justifier la manière dont vous avez pris les décisions liées à l'adjudication des contrats. L'absence de documentation concernant les communications avec les fournisseurs signifie que vous ne pouvez pas affirmer qu'elles ont toutes été effectuées également et à temps.
    La documentation a de vastes implications et c'est ce qui nous a poussés à formuler cette recommandation.
(1545)
    Je vous remercie.
    Cet échange s'est conclu sur une note positive.
    Monsieur Fillmore, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de vous être joint à nous et de nous faire profiter de votre expérience et de votre sagesse.
    Tout au long de cette étude, nous avons entendu parler de différents processus d'approvisionnement utilisés dans différents pays à travers le monde. Par ailleurs, nous avons également entendu parler de certaines tensions qui existent entre l'approvisionnement national et l'approvisionnement extraterritorial ainsi que des tensions qui en découlent dans des conflits comme celui de l'Ukraine, où la rapidité est de la plus haute importance.
     Je me demande si vous pourriez nous parler un peu de la tension entre l'approvisionnement national et extraterritorial et de la direction que prendra le Canada selon vous — tout ce que vous aimeriez nous dire à ce sujet.
    Bien sûr. Je tiens à préciser que par « extraterritorial », vous entendez nos obligations internationales.
    M. Andy Fillmore: Oui, en effet.
    M. Alexander Jeglic: Très bien.
     Essentiellement, je pense que c'est là que l'ESN, l'exception au titre de la sécurité nationale, devient particulièrement pertinente dans la discussion, parce que l'ESN, lorsque le ministère de la Défense l'invoque dans le cadre de ses approvisionnements, annule certaines obligations en vertu d'accords de libre-échange internationaux. Il n'en va pas de même pour les exigences nationales, de sorte que certaines exigences subsistent conformément au Règlement sur les marchés de l'État.
     C'est l'une des grandes différences, et ce n'est pas le cas aux États-Unis où l'invocation de l'exception au titre de la sécurité nationale a pour effet d'annuler les obligations dans le contexte du libre-échange, et de la même manière, les exigences de la réglementation américaine en matière d'acquisition de défense, les Federal Acquisition Regulations et les Defense Federal Acquisition Regulations.
     Je tiens simplement à m'assurer que nous comprenons bien votre message. Quelle est donc l'approche la plus rationalisée, l'approche nationale ou l'approche internationale?
    Ce qui se produit, en conséquence, c'est que vous supprimez certaines obligations prévues dans les accords de libre-échange en invoquant l'exception au titre de la sécurité nationale. Par contre, vous ne supprimez aucune obligation prévue dans le Règlement sur les marchés de l'État en invoquant l'ESN. Par conséquent, les obligations nationales en vigueur, y compris en matière de concurrence, restent valables.
    Très bien. Je vous remercie.
    Je voudrais m'en tenir à l'approvisionnement national pour le moment. Quels conseils donneriez-vous au Canada pour répondre à l'attente que ces sommes substantielles investies dans l'approvisionnement de la défense favorisent le développement économique local et la création d'emplois?
     Je représente Halifax, le lien est donc évident. M. Fisher représente Dartmouth, où sont assemblés certains modules pour la construction de navires. Le sujet nous intéresse beaucoup.
    Comment pouvons-nous concilier les retombées et les approvisionnements?
    Je sais que vous avez reçu plusieurs témoins de l'industrie. Au bout du compte, chaque témoin défend son propre point de vue par rapport à l'équité. De toute évidence, mon bureau est chargé de promouvoir l'équité de façon plus générale. Nous essayons essentiellement de nous assurer que lorsque des processus nationaux sont autorisés à ne faire appel qu'à des participants canadiens, ils sont perçus comme des processus équitables.
     Encore une fois, pour réitérer l'exception au titre de la sécurité nationale, lorsque cette exception est invoquée, elle permet de limiter les approvisionnements aux capacités nationales. Je dirai qu'il est extrêmement important de comprendre en quoi consistent ces capacités nationales. J'ai entendu plusieurs témoins précédents mentionner l'importance de pouvoir « conclure des marchés par entente directe ». Pour pouvoir justifier la passation d'un tel marché et ne pas faire appel à la concurrence, il faut connaître parfaitement les capacités du fournisseur canadien.
    D'après votre expérience, le programme des retombées industrielles et technologiques rend‑il votre travail plus difficile ou moins difficile? Quel est votre point de vue sur le programme des RIT dans son ensemble?
    Mon point de vue est que le programme existe et que nous n'avons pas fait — encore une fois, je déteste le répéter — un examen de ce programme précis, évidemment. Cela dit, comme l'exception au titre de la sécurité nationale permet à ce programme d'exister dans le cadre de nos obligations commerciales et de nos règles nationales respectives, il n'y a pas de problème d'équité.
     En ce qui concerne les autres enjeux soulevés par d'autres témoins au sujet de la possibilité de limiter le nombre de fournisseurs disponibles, cela dépasse le cadre de l'équité, de notre point de vue.
    Je vous remercie.
    Il vous reste une minute et demie.
    Très bien.
     J'aimerais revenir à mon point de départ et à la déclaration selon laquelle le Comité a entendu parler de nombreux processus d'approvisionnement différents dans différents pays du monde entier. Ici, au Canada, trois ministères participent à un organe de surveillance. D'après de nombreux témoignages, les différentes structures de rapport ajoutent du temps, de la confusion, des retards, etc.
     Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais pouvez-vous nous mentionner un pays dont vous admirez le processus d'approvisionnement?
(1550)
    Encore une fois, monsieur le président, la question est pertinente.
     Je ne sais pas si j'exprimerais de l'admiration pour un processus d'approvisionnement d'un pays étranger, mais je dirais qu'en ce qui concerne le processus établi au Canada, je sais qu'il est beaucoup question de la nécessité de le simplifier. Je dirais que la création d'un poste de haut fonctionnaire chargé d'un mandat exclusif en matière d'approvisionnement ne peut être considérée que comme une bonne chose.
     Le système canadien est unique, en ce sens qu'il comporte de nombreuses composantes. Cela nécessite un tri constant. Pour que des messages relatifs aux approvisionnements remontent la chaîne, il faut que ce soit l'enjeu le plus brûlant, ce qui n'est pas toujours le cas. Par conséquent, la voix des questions d'approvisionnement ne se fait peut-être pas entendre de façon aussi opportune et instantanée qu'elle le devrait.
    Je vous remercie. Je crois...
    Votre temps est presque écoulé.
    M. Andy Fillmore: Très bien, je m'en tiendrai là.
    Merci beaucoup.
    Le président: Merci, monsieur Fillmore.
    Madame Normandin, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence, monsieur l'ombudsman.
    J'aimerais vous entendre parler d'une question de nature générale. Souvent, lorsque nous posons des questions aux ombudsmans sur les pouvoirs qu'ils ont, la plupart nous disent qu'ils doivent se limiter à formuler des recommandations, puisqu'ils n'ont pas suffisamment de moyens à leur disposition pour imposer de réels changements.
    Faites-vous le même constat, à votre bureau? Manquez-vous d'outils pour avoir un effet un peu plus coercitif lorsque vous voyez quelque chose qui ne fait pas votre affaire, par exemple?

[Traduction]

    Monsieur le président, c'est une bonne question. Elle me permet de parler d'un des enjeux que nous avons soulevés par rapport aux modifications de la réglementation.
    Ce qui importe n'est pas tant le pouvoir ou le mordant associé aux recommandations. C'est le droit de contraindre les ministères à produire des documents. Nous le demandons activement depuis un certain temps. Nous avons des exemples où nous savons que la documentation ne nous a pas été fournie sur demande, de sorte que nous devons revenir à la charge pour obtenir la documentation requise.
     En ce qui concerne votre question précise sur les recommandations, je dirai que nous sommes heureux de constater que nos recommandations sont habituellement suivies dans presque tous les cas. En ce qui concerne les examens systémiques, c'est l'avantage du suivi après deux ans. Nous effectuons un suivi après deux ans pour déterminer si la mise en oeuvre de nos recommandations est terminée.
     Nous soumettrons les bulletins des 17 ministères et organismes que nous avons examinés. Vous pourrez ainsi savoir s'ils se sont conformés aux recommandations en totalité, en partie ou pas du tout.

[Français]

    Je vais revenir sur la question des documents, parce que je voulais justement en parler un peu plus tard.
    Sur le plan de la médiation, si je comprends bien, de façon générale, c'est une fois qu'un contrat est conclu et que des parties sont mécontentes d'un résultat qu'elles vont recourir à vos services de médiation, alors qu'il n'y a plus vraiment de façon de corriger le mal qui a été fait.
    Avez-vous un pouvoir d'agir en amont de la conclusion d'un contrat?

[Traduction]

    Pour répondre à la première partie de votre question, en fait, notre médiation est limitée à la composante administrative, une fois que l'administration du contrat est lancée. Si votre plainte concerne l'adjudication d'un contrat, nous ne sommes pas habilités à fournir des services de règlement des différends, mais nous disposons d'autres mécanismes d'examen.
     Cela dit, nos services de médiation sont incroyablement fructueux. Avant la COVID, lorsque nous ne faisions de la médiation qu'en personne, nous avions un taux de réussite de 90 % pour ce qui est du règlement des problèmes. Comme je l'ai dit, il n'y a pas de seuil de valeur pécuniaire associé à la médiation que nous effectuons. En raison de la COVID, nous avons dû nous adapter légèrement et effectuer des médiations en ligne. Notre taux de réussite a fléchi un peu. Ceux d'entre vous qui ont participé activement à des médiations savent qu'il est avantageux de le faire en personne, mais nous avons toujours un taux de réussite de plus de 75 % pour les médiations en ligne.
     Vous m'avez entendu dire que c'est un aspect sous-utilisé de notre mandat. Nous savons que l'administration des contrats pose des problèmes importants dans l'ensemble de l'administration fédérale. Nous avons travaillé avec diligence avec les administrateurs généraux pour nous assurer que l'information sur nos services de médiation est divulguée de manière proactive dans les contrats et que l'information sur les mécanismes de règlement de différends auxquels ils peuvent avoir recours figure dans les lettres de refus.
     Nous nous employons activement à répondre à toutes les préoccupations qui ont été soulevées concernant la disponibilité ou l'utilité de nos services.

[Français]

    Je reviens maintenant sur la question des documents que vous ne réussissez pas toujours à obtenir.
    Est-ce qu'on vous donne les raisons pour lesquelles ces documents ne vous sont pas fournis, que ce soit par le ministère de la Défense nationale ou par d'autres? S'agit-il plutôt de demandes qui sont faites et pour lesquelles vous n'avez pas de réponses, tout simplement?
    S'il y a des raisons, j'aimerais que vous m'en nommiez quelques-unes.

[Traduction]

    Pour rendre justice au ministère de la Défense nationale, nous avons entrepris cet examen à peu près à l'apogée de la COVID. Le ministère de la Défense nationale était un ministère qui utilisait essentiellement le papier. Par conséquent, l'accès à certains immeubles leur était interdit et il leur a fallu du temps pour trouver la documentation. Cela dit, la COVID n'est pas à elle seule une excuse pour ce que nous avons vu. Nous avons constaté des problèmes de documentation au‑delà de ce que la COVID pouvait justifier.
     Pour répondre directement à votre question, la plupart des demandes complémentaires ont été satisfaites. Cependant, vous devez comprendre que nous disposons d'un temps limité pour effectuer notre examen et que le fait de répéter nos demandes sur plusieurs mois a une incidence sur notre capacité à analyser les nouveaux documents fournis. Il y a donc un impact.
(1555)

[Français]

    Je veux être sûre de bien comprendre. Donc, il ne suffit pas toujours qu'un document soit fourni après qu'on l'a demandé, si on tarde à le fournir. C'est une mesure dilatoire, d'une certaine façon, pour empêcher que votre travail se fasse correctement. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    C'est certain.

[Français]

    J'aimerais entendre votre opinion sur ce qui s'est passé récemment concernant le Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan. On a lancé un processus similaire à un appel d'offres; il s'agissait d'un concours. L'entreprise qui l'a gagné s'est vu retirer l'octroi du contrat. Il semble que la décision n'ait même pas relevé du ministère, mais carrément du Cabinet du premier ministre.
    Il se pourrait donc qu'il y ait une certaine forme d'influence du premier ministre, sans même qu'on puisse le savoir, dans certains cas. Cela vous inquiète-t-il?

[Traduction]

    Nous croyons fermement à la séparation entre le pouvoir politique et le processus d'approvisionnement. Il ne devrait y avoir aucune intervention des élus dans les décisions en matière d'approvisionnement.
     En ce qui concerne les examens que nous avons effectués, nous avons eu un cas dans le cadre de notre examen des pratiques d'approvisionnement où nous avons cerné des problèmes liés à la conversion en monuments de véhicules Leopard. Nous avons constaté que ce contrat avait été mal attribué puisque l'offre n'était plus valide au moment où le marché a été conclu. La durée de validité de l'offre était de 90 jours et le contrat a été adjugé après 187 jours. La durée de validité de l'offre n'avait pas été prorogée.
    Merci, madame Normandin.
    Monsieur Angus, vous disposez de six minutes. Bienvenue au Comité.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici et de pouvoir poser des questions importantes.
     Il y a deux ans, personne n'entrevoyait un conflit majeur par chars d'assaut interposés en Europe. Aujourd'hui, nous entrons dans le deuxième hiver de la guerre en Ukraine. Cela a nécessité une adaptation massive de la communauté internationale pour assurer l'approvisionnement en fournitures, allant des obus d'artillerie en passant par les manteaux, les bottes et les chapeaux d'hiver, tout ce qui est nécessaire.
    Cette situation a‑t‑elle accru la pression sur votre bureau, par rapport à la capacité à évaluer l'équité dans l'approvisionnement en ce qui concerne ce que le Canada fournit à l'effort de guerre ukrainien?
    En ce qui concerne précisément l'Ukraine, nous n'avons pas constaté de hausse démesurée du nombre de plaintes adressées à notre bureau. Toutefois, au cours de la COVID, en raison de l'application de l'exception au titre de la sécurité nationale, nous avons observé un pic dans les plaintes adressées à notre bureau.
     En ce qui concerne plus particulièrement les contributions à l'Ukraine, nous n'avons pas constaté de hausse notable des plaintes adressées à notre bureau.
    Merci beaucoup.
    Il est certain que le scandale du harcèlement sexuel a ébranlé la confiance du public canadien et a été très traumatisant pour les militaires, hommes et femmes. Le ministère de la Défense nationale a déclaré à l'époque qu'il retiendrait les services d'une équipe d'experts en matière de diversité, d'équité et d'inclusion, qui s'est révélée être McKinsey, au passé profondément trouble.
     De nombreuses questions ont été soulevées quant aux raisons pour lesquelles cette mission lui a été confiée. J'ai cru comprendre que vous aviez été chargé d'examiner les liens entre SPAC et McKinsey. Pouvez-vous nous parler de vos constatations?
    J'aimerais beaucoup pouvoir le faire, mais malheureusement, cet examen n'est pas encore terminé. Il devrait être achevé dans un délai relativement court. Nous prévoyons qu'il le sera au début de l'année 2024.
    Nous attendons ce rapport avec impatience.
    En tant que néo-démocrate, je pense que ce qui nous a préoccupés, c'est que dans un rapport annuel précédent, vous avez indiqué que plus de la moitié des processus d'appel d'offres concurrentiels n'attiraient qu'un soumissionnaire. Si nous parlons de certains types de roquettes qui doivent être installées sur des navires, cela peut être logique, mais est‑ce généralisé? Dans l'affirmative, qu'est‑ce que cela nous apprend sur les approvisionnements de la Défense, surtout sur ce qui se passe par rapport aux obstacles à une véritable concurrence? Que constatez-vous?
    C'est une excellente question.
     Tout d'abord, je vous remercie d'avoir lu notre rapport annuel. Je pense qu'il renferme des renseignements très importants.
    Vous citez ce chiffre: dans 34 % des processus concurrentiels, il n'y a qu'un seul soumissionnaire. On ne bénéficie pas alors du tout de solutions diversifiées et de prix compétitifs, de sorte que toute cette énergie n'a servi à rien. C'est vraiment utile d'analyser les raisons de cette situation. Certaines raisons que nous avons entendues sont la sophistication ultime et la difficulté d'accéder aux approvisionnements fédéraux en général, et il y a aussi des problèmes réels concernant l'avantage du titulaire.
     Voici l'une des questions que l'on pose généralement dans un processus d'approvisionnement: est‑ce qu'une entreprise titulaire fournit actuellement les biens ou les services? Dans l'affirmative, cela semble décourager d'autres soumissionnaires de se manifester. La question est de savoir comment nous pouvons diluer l'avantage du fournisseur titulaire pour encourager davantage de personnes à participer à ces processus concurrentiels.
(1600)
    C'est très intéressant, car dans le cadre de notre étude, nous avons entendu des appels à la réduction de la bureaucratie dans l'approvisionnement de défense et à l'assouplissement des règles relatives aux marchés à fournisseur unique. À mon avis, c'est toujours un signal d'alarme pour un fiasco appréhendé.
     Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur les garde-fous qu'il faudrait mettre en place dans l'approvisionnement de défense et dont nous devrions nous assurer? Si nous réduisons les formalités administratives, allons-nous veiller à ce que les petites et les moyennes entreprises soient en mesure de rivaliser de manière équitable et que cela ne profite pas uniquement aux initiés puissants?
    Tout à fait. La transparence est en quelque sorte la contrepartie des risques dont vous parlez.
     C'est là que la documentation est importante. J'ai répondu à une question précédente sur la documentation, mais il est extrêmement important de documenter ces décisions tout au long du processus. Si vous décidez qu'une exception au processus concurrentiel s'applique de façon légitime, dans bien des cas, cela peut être vrai. Toutefois, si vous ne consignez pas ces raisons, il est très difficile de savoir pourquoi un contrat a été attribué par entente directe.
     Je ne saurais trop insister sur la nécessité de documenter toutes les décisions associées aux processus d'approvisionnement et de rendre les résultats transparents. Nous sommes tous perdants si le public canadien n'a plus confiance dans le système d'approvisionnement fédéral. C'est un point sur lequel j'ai insisté dans notre dernier rapport annuel, à savoir que j'estime qu'il existe un risque en raison d'un manque général de transparence.
    Je conclurai en parlant de l'exception au titre de la sécurité nationale. Il est évident que l'invocation de cette exception engendre des obstacles à la transparence, parfois à juste titre, mais parfois aussi, lorsque cette exception est appliquée de façon généralisée, cela peut faire plus de mal que de bien en donnant l'impression que le processus ne se déroule pas de manière appropriée.
     La transparence est la contrepartie de certains des risques que vous évoquez dans votre question.
    Je vais consacrer mes dernières secondes à la nécessité pour vous de disposer du pouvoir de contraindre à la production de documents. Vous ne disposez pas de ce pouvoir, mais si vous en disposiez, cela vous aiderait sans aucun doute dans votre travail.
    Tout à fait.
    Je vous remercie, monsieur Angus.
    Monsieur Kelly, la parole est à vous pour cinq minutes.
     Merci, monsieur le président.
     Je vous remercie pour l'important travail de reddition de comptes que vous faites pour les Canadiens.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que vous aviez demandé des ressources budgétaires suffisantes pour continuer à effectuer des examens proactifs, ce que vous ne pouvez pas faire. Cette demande budgétaire a été refusée. Pour que ce soit clair, est‑ce que cela signifie que vous ne disposez pas des ressources nécessaires pour effectuer des examens proactifs et que vous ne pouvez qu'enquêter sur les plaintes?
     Je dirais qu'à l'heure actuelle, ce n'est pas que nous ne disposons pas de ressources pour effectuer des examens systémiques, mais nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour effectuer le nombre d'examens systémiques que nous devrions effectuer.
    Je comprends.
    Le but de l'examen systémique ou de l'examen proactif est de garantir des pratiques exemplaires.
    Tout à fait.
    Votre bureau n'a pas le budget pour le faire maintenant.
    C'est exact.
    Si je peux me permettre, à ce sujet, nous produisons des documents d'approfondissement des connaissances afin de créer des motifs raisonnables pour mener ces enquêtes systémiques. Si nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour produire des documents d'approfondissement des connaissances, nous risquons de ne pas savoir où se situent les problèmes. Nous sommes très dépendants des parties prenantes qui travaillent avec notre bureau pour divulguer les renseignements nous permettant de savoir où aller.
    Je vous remercie.
     Vous avez mentionné que les ministères refusent vos demandes d'information. C'est troublant.
     Est‑ce au cours d'un examen proactif ou de l'examen de plaintes?
    Je ne dirais pas qu'ils refusent de produire des documents, mais ils sont incapables de le faire dans certaines circonstances. Dans d'autres circonstances, la documentation fournie est incomplète.
    Je comprends.
     Je pensais que vous aviez dit que vous deviez renouveler vos demandes, encore et encore.
    C'est vrai. Cela découle de la mise en place de la base de données électroniques. La base de données ne saisissait pas l'information avec précision. Par conséquent, les interrogations ne récupéraient pas les contrats pertinents que nous voulions examiner. Nous devions revenir à la charge et demander au ministère de produire de nouveau la documentation pertinente.
     Il ne s'agit pas d'un refus de fournir la documentation, mais d'une incapacité à fournir des renseignements exacts.
(1605)
    Dans la troisième recommandation de votre rapport, vous dites: « Le MDN doit mettre à jour ses politiques et sa formation en matière d'approvisionnement afin de s'assurer que tous les évaluateurs [...] évaluent et confirment qu'ils ne sont pas en conflit d'intérêts ». J'aurais espéré que cela allait de soi.
     Votre bureau est‑il préoccupé par l'existence de conflits d'intérêts chez les évaluateurs?
    Le problème tient au fait que si vous êtes de l'extérieur du gouvernement, ces évaluateurs signent de nouvelles déclarations relatives aux conflits d'intérêts, de sorte qu'il s'agit d'un enjeu prioritaire avant de procéder à une évaluation. Ce n'est pas le cas si vous êtes un membre ou un employé du ministère de la Défense nationale. C'est pourquoi nous avons voulu que ce soit une priorité pour tous les évaluateurs. Pour les approvisionnements qui ne sont pas évalués à l'aveugle et dont on connaît les soumissionnaires, il faut garder à l'esprit que l'absence de conflit est une priorité absolue dans un processus d'évaluation efficace et équitable.
    Très bien.
    Dans les cas où vous avez constaté que des contrats ont été adjugés malgré des soumissions non conformes, qui a approuvé ces soumissions? Est‑ce le MDN, le Conseil du Trésor ou SPAC, ou la relation compliquée entre les trois est-elle en partie à l'origine de l'adjudication de contrats malgré des soumissions non conformes?
    Aux fins de notre examen systémique, tous ces contrats auraient été attribués par le ministère de la Défense nationale. C'est ainsi que nous avons délimité le champ de notre examen, c'est-à-dire que le ministère est à la fois l'autorité contractante et le destinataire final.
    Je comprends. Donc, le MDN est en cause lorsqu'une soumission n'est pas conforme.
    C'est exact.
    Nous avons entendu ce matin que l'acquisition de drones Reaper était retardée de trois ans. Cela fait maintenant 22 ans que cet équipement a été désigné comme un besoin des Forces canadiennes.
     Quels facteurs peuvent conduire à ce genre de retard inacceptable dans l'approvisionnement?
    Monsieur le président, je ne peux malheureusement pas me prononcer sur ce cas précis.
     Toutefois, si l'occasion m'en est donnée, j'ai quelques idées sur la manière dont le processus d'approvisionnement peut être amélioré en général.
    Allez‑y, je vous en prie.
    La première chose que je dirais, c'est de publier une liste précise et transparente de projets non visés par l'ESN, c'est-à-dire une version actualisée du plan des investissements de défense à laquelle l'industrie peut se fier.
     Deuxièmement, il faut inclure la planification du cycle de vie complet dans les appels d'offres et les contrats, en tenant compte de l'obsolescence et de l'interopérabilité.
     Troisièmement, il faut appliquer une approche fondée sur le risque à tous les projets de défense, en augmentant les délégations. Je sais que...
    C'est très intéressant. Je sais que vous intégrerez vos recommandations dans vos réponses à d'autres questions, à l'intention de M. Collins ou d'un autre intervenant.
    Monsieur Collins, vous disposez de cinq minutes.
    Vous pouvez continuer, monsieur.
    Je vous remercie.
     Merci, monsieur le président.
     Je dirais qu'il faut intégrer un analyste du Conseil du Trésor dans les équipes chargées de l'approvisionnement pour les grands projets, afin de soulever les enjeux en temps réel et de réduire le nombre d'exigences secondaires du CT.
     Il y a le paiement d'une partie des frais de soumission des soumissionnaires conformes pour les grands projets. Cela vise à régler une partie des enjeux que nous avons soulevés précédemment, à savoir que 34 % des processus concurrentiels n'ont qu'un seul soumissionnaire.
    Précisez les responsabilités de chaque partie prenante respective. Nous savons que c'est un système compliqué.
     Réduisez le nombre de critères obligatoires à ceux qui sont essentiels. Nous constatons que lorsque les critères obligatoires sont trop restrictifs, le bassin des soumissionnaires disponibles rétrécit.
     Utilisez les exceptions à la concurrence légitime lorsque c'est pertinent. Ne prenez pas de décisions dans la crainte d'un litige et laissez les mécanismes de règlement des différends jouer leur rôle. Vous m'avez entendu parler du recours approprié au TCCE. Il faut s'inspirer de ce qui a fonctionné pendant les périodes d'approvisionnement d'urgence, à savoir la centralisation plutôt que l'approvisionnement régional.
     Augmentez les délégations.
     Voici un autre domaine dans lequel notre bureau peut être particulièrement utile. Organisez un événement de type « hackathon ». Mes enfants emploient cette expression. Je ne suis pas sûr de l'utiliser correctement, mais je suis à peu près certain que c'est le cas. Profitez‑en pour réunir toutes les parties prenantes. Vous avez fait comparaître de nombreux témoins devant vous, chacun ayant ses propres raisons d'être ici. Réunissez toutes ces parties prenantes au cours d'un week-end pour régler les problèmes cruciaux. C'est le genre de choses que l'on fait en période d'urgence, et l'approvisionnement de défense nécessite un exercice similaire.
     Donnez la priorité à la création d'un régime de rendement des fournisseurs dans l'ensemble de l'appareil d'État. Là encore, je ne saurais trop insister sur ce point. Nous n'avons pas de régime de rendement des fournisseurs à l'échelle de l'appareil d'État. Nous voulons travailler avec les meilleurs fournisseurs possible. Il ne faut pas utiliser le processus d'adjudication comme un mécanisme permettant d'éviter de traiter avec les mauvais fournisseurs. Le processus d'adjudication n'a pas été conçu à cette fin. Nous avons besoin d'un mécanisme de rendement des fournisseurs qui récompensera les bons fournisseurs et non les mauvais. Il ne peut pas être limité à un seul ministère; il doit être adapté à l'ensemble de l'appareil d'État.
    Faites participer l'industrie à des discussions non liées à un projet précis, y compris à des évaluations de la capacité au Canada. Une question a été posée sur les capacités canadiennes. Je pense qu'il est vraiment important d'avoir des dialogues francs sur ce que l'industrie canadienne peut fournir actuellement et ce qu'elle pourra fournir un jour. C'est pourquoi il est si important de disposer d'une liste de projets fiable. J'ai entendu l'industrie dire qu'elle voulait des contrats sûrs. Si vous disposez d'une liste fiable sur laquelle vous pouvez vous fier, cela peut effectivement répondre à ce besoin.
     Une fois encore, une question a été posée sur les pratiques exemplaires dans des pays étrangers. C'est un point sur lequel il faut constamment se remettre à jour. D'autres alliés s'emploient avec diligence à faire en sorte que les approvisionnements de défense fonctionnent aussi efficacement que possible dans leur pays. Il faut obtenir des renseignements opportuns de la part de nos alliés.
    Obligez les diplômés du CMR à suivre plusieurs cours sur l'approvisionnement. Si je devais retenir un thème global, ce serait la nécessité de recruter des diplômés universitaires et d'investir du temps dans ces recrues. En effet, j'ai entendu le MDN dire qu'il fallait une période d'incubation de neuf ans pour être en mesure de travailler sur des projets complexes en tant que gestionnaire de projet. C'est incroyablement long. Si nous investissions plus de temps et d'efforts dans des programmes universitaires qui pourraient être axés sur l'approvisionnement sophistiqué, complexe et lié à la défense, comme domaine d'études... Nous savons que les emplois sont là. La question est de créer davantage de programmes de cette nature.
    Il existe un programme de cette nature à l'Université d'Ottawa, géré par le programme Telfer, mais il faut les multiplier. C'est là l'enjeu. Cela ne peut pas être limité à un seul programme. Je sais que nous avions l'habitude — encore une fois, je ne veux pas parler à tort et à travers — d'envoyer des gens participer à des programmes en Australie. Nous devons rapatrier ces programmes au Canada et les mettre en place.
    En ce qui concerne le CMR en particulier, l'approvisionnement touche tout le monde au bout du compte, et le fait que chaque diplômé du CMR ait suivi non seulement un cours d'initiation à l'approvisionnement, mais ait acquis aussi des connaissances avancées en la matière les aidera, quel que soit leur domaine d'études au CMR.
    Je vous suis très reconnaissant de m'avoir offert l'occasion de vous présenter cette liste. Je vous remercie.
(1610)
    Merci, monsieur Collins.
     J'ai l'impression que l'on vient de rédiger notre rapport pour nous.
     Je vous en remercie, monsieur Jeglic. C'était très utile.
     Nous allons céder la parole à Mme Normandin pour deux minutes et demie. Allez‑y, je vous en prie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur la question des justifications lorsqu'on décide d'opter pour un fournisseur unique plutôt que de lancer un appel d'offres.
    Je comprends que, même si vous formuliez une recommandation voulant que le ministère de la Défense nationale, par exemple, fournisse les raisons pour lesquelles il décide d'opter pour un fournisseur unique, vous devriez vous en remettre à la bonne foi du ministère.
    Y a-t-il un moyen, législatif ou autre, de s'assurer qu'on n'a pas le choix et qu'on doit fournir des motifs lorsqu'on décide d'opter pour un fournisseur unique? De quelle façon cette pratique pourrait-elle être encadrée?

[Traduction]

    Monsieur le président, c'est une bonne question. En ce qui concerne la justification du recours à un fournisseur unique, je pense qu'il est très important de souligner la nécessité de disposer de justifications solides tout en faisant preuve de transparence. Si c'était le cas, le voile du secret qui est parfois associé à certains de ces contrats conclus par entente directe serait levé. Je le répète, il faut rendre transparentes les raisons pour lesquelles il n'y a peut-être qu'un seul fournisseur. Quelle politique officielle dicte qu'il est dans l'intérêt public d'attribuer un contrat par entente directe?
     Nous sortons d'une période, pendant la COVID, où l'exception d'urgence a été invoquée pour une vaste gamme d'approvisionnements. Pour répondre directement à votre question, quelles garanties juridiques pourrions-nous mettre en oeuvre pour nous assurer que tous les ministères disposent de justifications solides pour invoquer ces exceptions?
     Cela dit, en fait, ces exceptions font partie du Règlement, et je ne veux donc pas donner l'impression qu'il est en quelque sorte répréhensible d'invoquer une exception. Ce n'est pas le cas. Bien sûr, il y a des raisons d'invoquer ces exceptions, mais le problème tient à la justification et à la transparence de cette justification.

[Français]

    Justement, qui serait la personne ou l'entité la mieux placée pour analyser les justifications et dire si elles sont suffisantes ou non?
(1615)

[Traduction]

    Voici où je peux aller sur le plan international. Vous m'avez entendu faire référence aux États-Unis et à leur façon d'invoquer l'exception au titre de la sécurité nationale et à ce que cela signifie pour eux à l'échelle nationale. En fait, ils autorisent un contrôle supplémentaire de la part du GAO, l'entité américaine qui pourrait aller vérifier les justifications données pour faire certaines de ces acquisitions par entente directe.
    Au Canada, la situation n'est pas aussi claire. Le TCCE n'a pas le pouvoir de contrôler la justification, peut-être, de l'invocation de l'exception au titre de la sécurité nationale, qui n'est pas en soi une justification pour attribuer un contrat par entente directe, mais qui fait parfois partie de l'analyse qui sous-tend la raison pour laquelle ce contrat pourrait être attribué ainsi.
    Monsieur Angus, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
    Je représente les gens de la baie James et de la partie inférieure de la baie d'Hudson qui ont encore de très mauvais souvenirs de l'aménagement du réseau Mid-Canada. Les entrepreneurs et les militaires sont venus et ils ont tous laissé d'énormes dégâts environnementaux.
     Nous envisageons maintenant de moderniser le NORAD au Nunavut. Si les collectivités du Nord ont la possibilité de participer, les entreprises du Nord vont être confrontées à de nombreuses difficultés. Pour garantir qu'il ne s'agit pas d'un nouvel exercice de colonialisme nordique canadien, quelles mesures doivent être prises pour faire en sorte que les collectivités de cette région soient en mesure de profiter des retombées financières et de participer à l'investissement en cours?
     Monsieur le président, c'est une bonne question. En dernière analyse, le contrat devrait renfermer des dispositions qui devront être respectées. Il s'agit simplement de faire respecter ces dispositions. Il faut donc s'assurer que ces dispositions existent, que ces investissements sont effectivement réalisés, puis faire respecter ces dispositions.
    Avez-vous examiné les obstacles? Nous connaissons les énormes obstacles du Grand Nord. Nous les constatons aussi dans les grands projets miniers. L'ensemble du système est conçu de manière à exclure fondamentalement les Premières Nations, dont c'est le territoire.
     Vous êtes-vous penchés sur cette question? Avez-vous pu proposer des idées pour éviter que nous ayons à régler ce problème plus tard, en le réglant avant qu'il ne se produise?
    Tout à fait. Nous sommes évidemment au fait des enjeux liés aux fournisseurs autochtones. La directive sur la gestion des approvisionnements prévoit de nouvelles exigences selon lesquelles 5 % des contrats fédéraux doivent être attribués à des fournisseurs autochtones. Il est très important de souligner qu'il s'agit de... Je ne veux pas dire qu'il s'agit d'un progrès, mais une exigence est désormais établie.
     Une partie de notre rôle peut consister à veiller à ce que cette exigence soit effectivement respectée. En tant que bureau, c'est là que nous pouvons jouer un rôle actif.
    Merci, monsieur Angus.
    C'est maintenant le tour de Mme Kramp-Neuman.
    Je vais céder mon temps à James Bezan.
    Le président: Monsieur Bezan, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie l'ombudsman d'être venu et j'apprécie toutes les recommandations. Cela nous simplifie grandement la tâche, surtout au moment où nous commençons à examiner les approvisionnements de défense.
     Si je comprends bien votre étude, d'après ce que vous venez de dire, vous vous êtes concentré sur les contrats sur lesquels la Défense nationale avait l'autorité définitive. J'imagine que vous n'avez pas examiné certains des gros contrats comme la construction de navires, les avions de chasse et d'autres qui font intervenir trois ou quatre niveaux ministériels différents. Votre recommandation va dans le sens des mesures que nous pouvons prendre pour rationaliser ce processus entre la Défense nationale, Approvisionnement Canada et le Conseil du Trésor.
     Tout d'abord, je trouve frappant que, dans votre rapport sur la Défense nationale... Vous formulez vos recommandations. Contrairement à ce que j'ai vu dans les réponses du ministère au vérificateur général ou à l'ombudsman de la défense, qui accepte ou rejette la recommandation, à presque toutes les vôtres, la réponse commence de la même façon. La réponse est presque identique: « Nous allons revoir nos processus et examiner le plan d'action de la direction. »
    Estimez-vous que c'est suffisant pour répondre aux recommandations que vous avez formulées dans votre rapport de l'ombudsman?
    Évidemment, nous avons nous aussi constaté une certaine répétition dans les réponses que nous avons obtenues du ministère. Toutefois, je pense qu'il est un peu prématuré de tirer une conclusion, car nous avons un mécanisme de suivi. En fait, le ministère m'a écrit pour me fournir une mise à jour à la fin du mois de septembre, mais notre évaluation de la mise en oeuvre de ces recommandations n'interviendra que dans le cadre de notre examen de suivi, qui devrait être réalisé au début de l'année 2024.
    Pouvez-vous nous faire part de la réponse que la Défense nationale vous a envoyée dans une sorte de rapport provisoire sur les mesures prises en réponse à vos recommandations?
(1620)
    Il faudrait que je vérifie auprès du ministère de la Défense nationale avant de déposer ce rapport, car il est encore à l'état d'ébauche, mais je pourrais certainement tenter de voir si je peux vous le soumettre.
    Je pense qu'il est opportun et important pour notre étude sur les processus d'approvisionnement de défense que nous disposions de ce type d'information.
    Dans votre déclaration liminaire, ainsi que dans vos réponses à des questions, vous avez parlé des contrats indûment adjugés. Vous avez cité un exemple, mais je crois que vous avez dit que 19 contrats avaient été incorrectement conclus ou adjugés. Est‑ce en raison du coût? Est‑ce que cela coûte plus cher au contribuable parce qu'ils ont été incorrectement adjugés?
    Je vais apporter quelques précisions. C'est dans le troisième champ d'enquête, qui porte sur l'évaluation et l'adjudication de contrats. Dans 10 cas, nous ne disposions pas d'information suffisante pour déterminer si le contrat avait été dûment adjugé. Si nous ne savons pas ce que les différents évaluateurs ont fait et si nous ne connaissons pas l'évaluation consensuelle, il est difficile de dire que le contrat a été dûment adjugé. Dans d'autres circonstances, comme dans l'exemple que j'ai cité de la conversion des Leopard en monuments, nous avons constaté que la durée de validité de l'offre avait expiré.
    Je pourrais citer d'autres exemples, comme celui où il y avait une exigence de formation, mais où la ressource ne possédait pas la formation requise pour remplir les critères obligatoires. Par définition, si vous ne remplissez pas les critères obligatoires, l'adjudication du contrat est injustifiée.
    Dans votre évaluation des approvisionnements de la Défense nationale, êtes-vous tombé sur des cas ou des situations où des modules, du matériel ou de l'équipement de défense avaient été achetés qui ne correspondaient pas à la demande initiale du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes?
    Je pense qu'une précision s'impose. Dans le cadre de notre examen, nous n'avons pas examiné beaucoup d'éléments du dossier d'approvisionnement qui concernait effectivement des biens ou des services liés à la défense. Traditionnellement, ces contrats sont d'une valeur inférieure à 5 millions de dollars, mais dans ces cas, le MDN conserve son propre pouvoir de passation de marchés.
     Je n'essaie pas d'éluder la question, j'essaie simplement d'expliquer pourquoi nous avons examiné le MDN comme nous l'avons fait. Nous avons examiné les 17 ministères et organismes de la même manière, selon la même méthodologie. Toutefois, cela nous ramène à la question du financement. Si nous disposions de fonds supplémentaires, nous aurions la capacité de mener, peut-être, des missions plus larges qui pourraient inclure l'aspect de la défense en matière d'approvisionnement.
    Vous seriez en mesure d'effectuer cette analyse sur la base de l'ensemble du processus d'approvisionnement, en englobant l'ensemble du gouvernement du Canada.
    Oui, c'était le contexte ou la raison sous-jacente pour laquelle nous avons mis en oeuvre ce plan d'examen systémique quinquennal.
    Ce matin, nous avons entendu... Le rapport du comité des comptes publics a été publié...
    Monsieur Bezan, je ne veux pas vous faire de peine, mais votre temps est écoulé.
    Monsieur Fisher, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier l'ombudsman de sa présence.
    Ma circonscription, Dartmouth-Cole Harbour, compte de nombreuses entreprises liées à la défense, allant d'entreprises en démarrage à d'énormes entreprises de défense. Les petites entreprises inventent des technologies vraiment brillantes et, à mesure qu'elles prennent de l'envergure, elles cherchent bien sûr à soumissionner à des contrats canadiens, du moins je l'espère. D'après les enjeux que vous avez vérifiés ou examinés, que pourrions-nous faire en tant que gouvernement pour rationaliser et simplifier la participation de ces petites entreprises au processus d'approvisionnement du gouvernement canadien?
    Une grande proportion de nos parties prenantes sont, en fait, de petites et moyennes entreprises.
     Vous m'entendrez parler de critères trop restrictifs. Si vos critères exigent qu'une entreprise ait une certaine taille pour participer, il est évident que cela complique les choses pour les petites et moyennes entreprises. De plus, les gens ne se rendent pas compte que les conditions de paiement ont une incidence différente sur les petites et moyennes entreprises et sur les grands fournisseurs.
    Nous recommandons toujours... Je ne devrais pas employer le mot « recommander ». Nous suggérons toujours qu'elles participent différemment à la chaîne d'approvisionnement pour commencer et qu'elles profitent de l'occasion d'être des sous-traitants dans des projets plus importants afin d'acquérir l'expérience des contrats fédéraux, de sorte qu'en cas d'erreur, elles ne supportent pas la charge financière connexe, mais elles en tirent des leçons et acquièrent une expérience précieuse. Grâce à cela, elles pourront grandir de façon organique. C'est typiquement le conseil que nous donnerions aux petites et moyennes entreprises qui ne sont pas encore entrées dans la chaîne d'approvisionnement fédéral.
    Il est intéressant que vous parliez des paiements. Une nouvelle entreprise aurait vraisemblablement besoin de recevoir ces sommes dans un délai de 30 jours environ. Avec le gouvernement, c'est probablement 60, 90 ou 120 jours.
(1625)
    Tout à fait.
     Vous remarquerez que l'un de nos dossiers d'approfondissement et d'échange des connaissances portait sur les retards de paiement et sur l'importance différente de ces retards pour différentes personnes. Le gouvernement a des définitions précises de ce qu'il entend par « retard de paiement », mais si vous êtes une petite ou moyenne entreprise, vous pensez que le paiement sera effectué dans les 30 jours suivant la livraison du bien ou du service.
     Il y a parfois un décalage. C'est la raison pour laquelle nous avons produit ce document, pour faire connaître les différentes responsabilités dans le cadre de la transaction.
     J'ai l'impression que nous sommes plutôt doués pour les petites choses en ce qui concerne l'approvisionnement, mais que nous avons du mal avec les grandes choses.
     Comment pouvons-nous prendre ce que nous savons sur les approvisionnements de moindre valeur et l'appliquer aux projets plus importants?
    La mauvaise nouvelle est la suivante: je dirais que ce que vous avez dit n'est pas exact à cette fin précise, en ce sens que nous avons recensé des problèmes identifiables dans des approvisionnements d'une échelle relativement modeste. Il y a certainement des leçons à tirer, et certains ministères sont particulièrement doués pour certaines choses. Par exemple, IRCC a d'excellents protocoles de documentation qui pourraient être imités. La GRC a aussi une certaine fonction de contrôle de certains éléments de ses processus d'approvisionnement qui peut permettre de détecter rapidement certaines de ces erreurs. La question est dangereuse: quel degré de contrôle est suffisant sans créer un fardeau supplémentaire?
     J'ai entendu des témoins parler de l'approche fondée sur le risque. Je suis fermement convaincu que c'est le bon mécanisme qu'il faut continuer de mettre en oeuvre par rapport aux approvisionnements de défense.
    Ma seule nuance est la suivante: en ce qui concerne la liste que j'ai lue, je dois préciser qu'il s'agit de mes idées et non de mes recommandations. Je n'ai pas procédé à un examen des approvisionnements de défense. Ce sont des idées que j'ai eues à la lumière d'autres études que j'ai réalisées. Elles pourraient vous être utiles pour étudier les approvisionnements de défense.
    Vous avez mentionné l'exception au titre de la sécurité nationale aux États‑Unis. Ils peuvent certainement l'invoquer.
     Cela pose‑t‑il des problèmes en ce qui concerne les achats généraux aux États‑Unis? Lorsque les Américains veulent se qualifier pour des contrats à l'étranger tout en gardant les leurs dans le pays, les autres pays pourraient-ils invoquer la réciprocité? Pensez-vous que cela puisse se produire?
    Comme ma compétence se limite au Canada, je ne peux pas parler de l'aspect international. J'ai déjà vécu aux États‑Unis, mais je ne voudrais pas faire de parallèle entre ce que j'ai vu par le passé et ce que je fais dans mes fonctions actuelles.
    Si nous devions faire quelque chose de semblable à l'exception au titre de la sécurité nationale, pensez-vous que cela poserait un problème pour ce qui est de notre rôle d'acheteur général si les entreprises canadiennes essayaient d'obtenir des contrats dans d'autres pays?
    Ce que je dirais à propos des États‑Unis, c'est qu'il y a une compensation. Ce que la NSE fait aux États‑Unis, c'est déclencher une surveillance accrue par le GAO — le Government Accountability Office.
     Si nous devions essayer quelque chose de semblable au Canada, ou même proposer simplement quelque chose de semblable, nous devrions déterminer qui serait le superviseur de l'invocation appropriée de la NSE ou du désarmement des obligations à l'échelle nationale.
    Je vous remercie.
    Monsieur Jeglic, je tiens à vous remercier au nom du Comité. Votre témoignage a été fort stimulant. Je sais que vous dites qu'il ne s'agit pas de recommandations, mais plutôt d'idées — quoiqu'il ne peut y avoir de recommandation sans une idée au départ. Nous aimons vos idées. Je crois bien que, d'une manière ou d'une autre, ce témoignage figurera dans notre rapport. Vous nous avez beaucoup aidés. Je vous remercie d'être resté dans votre domaine de compétence, mais aussi d'être allé au‑delà de votre domaine de compétence en proposant des idées très utiles.
     Sur ce, chers collègues, je vous remercie.
     Nous allons suspendre la séance pendant que nous préparons le groupe de témoins suivant.
(1625)

(1630)
    Nous reprenons nos travaux.
     Pour notre deuxième heure aujourd'hui, nous accueillons deux témoins à titre personnel: Alexis Ross, présidente d'Apex Defense Strategies; et Trevor Taylor, directeur du Defence Industries & Society Programme au Royal United Services Institute.
     Vous avez tous deux reçu l'information appropriée; je vais donc vous demander de prononcer chacun votre déclaration liminaire de cinq minutes, en commençant par Alexis Ross.
     Bienvenue au Comité.
     Bonjour aux membres du Comité. Je vous remercie de cette occasion de me présenter devant vous pour éclairer les délibérations du Comité en offrant des renseignements comparatifs tirés de l'expérience des États‑Unis en matière d'approvisionnement.
     Je m'appelle Alexis Lasselle Ross. Bien que je sois actuellement propriétaire d'une société de conseils qui conseille les entreprises sur le marché de la défense, j'ai passé 20 ans au gouvernement dans le domaine de la politique de sécurité nationale. Au Congrès et au ministère de la Défense des États‑Unis, j'ai passé plusieurs années à mettre en place des réformes dans les programmes gouvernementaux, plus récemment dans le domaine des acquisitions de défense.
     En tant qu'agente du Congrès, j'ai rédigé des textes législatifs visant à modifier l'orientation et les résultats des achats d'armes. J'ai poursuivi ce travail au sein de l'armée, en tant que sous-secrétaire adjointe des forces armées, nommée par le président, pour la stratégie et la réforme des acquisitions, où j'ai travaillé à la modification des politiques, des processus et des responsabilités en matière d'acquisition des forces armées. Cette expérience m'a permis de comprendre quels sont la nécessité, les obstacles et les avantages de la réforme des acquisitions.
     J'ai l'honneur de me présenter aujourd'hui devant le Comité pour lui faire part de mes observations sur le processus d'acquisition. Bien que je ne puisse pas parler du système d'acquisition canadien ou de son impact sur les Forces armées canadiennes, je peux expliquer l'expérience américaine sur le plan de l'acquisition d'armes et les tentatives de réforme de notre propre système d'acquisition de capacités de défense en vue de créer de meilleurs résultats pour nos forces militaires.
     Le système américain d'acquisition d'armes comporte plusieurs écueils bien connus. Par exemple, la mise en service d'un système d'armement majeur peut prendre dix ans ou plus, et les procédures d'acquisition du ministère de la Défense ne suivent généralement pas rapidement les nouvelles menaces ou l'évolution des technologies. Par conséquent, des dizaines d'initiatives visant à réformer les politiques, les processus et la structure organisationnelle de l'acquisition ont été lancées au cours des 50 dernières années.
     Tous les ans, un regain d'intérêt et d'activité se manifeste et conduit à des changements notables. Comme dans tout débat de politique publique, il existe un pendule proverbial qui oscille entre ce qui est important et le côté du débat qui triomphe. Dans le cadre de la réforme des acquisitions, lors de l'acquisition de systèmes d'armes, le pendule oscille généralement entre l'optimisation des coûts, du calendrier ou de la performance.
     Actuellement, le système de défense américain se trouve dans une ère qui favorise la rapidité et l'innovation. Depuis 2015 environ, nous avons entrepris des changements structurels, tels que le réalignement de l'autorité décisionnelle, afin d'accélérer l'avancement des programmes dans le processus. Nous avons apporté des changements procéduraux, notamment en créant dans le processus de nouvelles voies qui ont éliminé certaines exigences procédurales pour les programmes et accéléré leur progression. Nous avons élargi l'utilisation de méthodes contractuelles plus souples et, par conséquent, plus rapides.
     En ce qui concerne l'innovation, nous avons pris des mesures pour attirer des fournisseurs non traditionnels sur le marché de la défense, comme les entreprises technologiques de la Silicon Valley, ici en Californie. Ces mesures ont consisté à créer des organisations chargées de sensibiliser et de guider ces fournisseurs non traditionnels lors de leur entrée sur le marché de la défense. Nous avons également créé des autorisations spéciales pour inciter le personnel chargé des acquisitions à utiliser ces nouveaux arrivants non traditionnels.
     Pour conclure, je voudrais faire part de trois considérations à quiconque entreprend une réforme des acquisitions.
     Premièrement, tout effort de réforme majeur doit être soutenu par un plan de mise en œuvre solide. Une réforme n'est pas plus qu'une bonne idée tant qu'elle n'a pas été mise en œuvre. La majeure partie du travail se fait lorsque les changements sont exécutés et que le système s'adapte au nouveau paradigme. En réalité, cela entend des changements dans la culture de l'organisation, ce qui prend bien sûr beaucoup de temps; il y a donc lieu de se préparer à une démarche de longue haleine.
     Ensuite, l'étendue du succès de la réforme des acquisitions est intrinsèquement limitée par les défauts des systèmes adjacents qui ont un impact sur les résultats des acquisitions. Pour les États‑Unis, il s'agit du système de définition des besoins, qui détermine ce qu'il faut acheter, et du système de budgétisation, qui fournit les ressources nécessaires à l'acquisition. Après avoir passé quelques années à concevoir puis à mettre en œuvre une réforme des acquisitions, tant au Congrès qu'au ministère de la Défense, je suis arrivée à la conclusion que les acquisitions ne pouvaient pas aller plus vite si l'on ne modifiait pas le processus de budgétisation, qui est lui aussi un processus rigide, lent et excessivement réglementé.
     Enfin, il faut s'attendre à un changement d'orientation dans un avenir proche. Au moment où l'on a l'impression que les changements précédents se mettent en place, il se produit inévitablement quelque chose — comme la participation soudaine à des opérations militaires ou un changement du parti politique au pouvoir — qui modifie les priorités. Dans ce cas également, l'accent est mis sur une nouvelle priorité. Comme je l'ai dit précédemment, dans le domaine des acquisitions, cela signifie généralement un changement de priorité entre l'optimisation des coûts, celle du calendrier ou encore celle de la performance.
    Je félicite le Comité pour l'intérêt qu'il porte à l'amélioration du système canadien d'approvisionnement, et j'espère que mon témoignage sera utile à cette démarche.
(1635)
     Je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Merci, madame Ross.
     Monsieur Taylor, vous avez cinq minutes; allez‑y, je vous en prie.
     C'est un défi intéressant que d'être invité à vous parler ce soir. Pour moi, c'est le soir; pour vous, c'est évidemment l'après-midi.
     Ce que je voudrais dire, tout d'abord, c'est que j'observe que le Canada, comme l'Australie, les États‑Unis et certainement le Royaume‑Uni, fait un effort constant pour améliorer ses systèmes d'acquisition. Il faut s'en féliciter, mais cela montre à quel point il est difficile de tout faire correctement.
     Une conclusion à laquelle je suis parvenu il y a un certain temps — et qui est liée à un point soulevé par votre dernière intervenante — est que différentes choses doivent être achetées ou fournies de différentes manières et il faut différentes stratégies d'acquisition pour les traiter. C'est un défi assez complexe à relever, mais on n'achète pas des bureaux comme on achète des avions de combat. C'est là‑dessus qu'il faut s'appuyer.
     Bravo, Canada, d'essayer d'améliorer les choses, mais vous êtes dans un club où les acquisitions de la défense sont un feuilleton plutôt qu'un roman avec une fin.
     Je ne vais pas trop parler du système d'acquisition britannique. Je répondrai volontiers aux questions à ce sujet. Je vous ai remis un document écrit et je me contenterai d'en souligner les grandes lignes.
     L'une d'elles est, à mon avis, que la gestion des attentes a un rôle à jouer. Les gens s'attendent, extraordinairement, qu'un équipement de défense soit livré dix ans plus tard, avec des performances particulières et pour un montant donné. En venant ici, j'ai testé mon point de vue auprès d'un chauffeur de taxi. Je lui ai demandé s'il avait fait faire des travaux chez lui. Il avait fait faire divers travaux, dont une nouvelle salle de bains. Je lui ai demandé si les délais avaient été respectés. Il m'a répondu que non et que les travaux avaient duré dix jours, et non cinq. Je lui ai demandé s'il avait écrit à son ministre et il m'a répondu que non. Lorsque notre équipement a un an ou plus de retard sur un programme de dix ans, nous devons comprendre à quel point ces choses sont difficiles. Je pense que la gestion des attentes a un rôle à jouer.
     Je pense qu'il y a un défi fondamental à relever en matière d'acquisition de défense à un niveau élevé. Je vais l'exprimer en ces termes. Nous sommes habitués à ce que les processus d'acquisition de défense soient très délibérés et prudents. Il existe une sorte de procédure formelle qui consiste à préciser un besoin, à réfléchir à une stratégie d'acquisition et à la mettre en œuvre. Enfin, on signe un contrat et tout le reste. Cela prend beaucoup de temps, comme tout le monde dans ce secteur le sait.
     La réalité du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui est que la technologie évolue très rapidement dans de nombreux domaines importants. De même, la politique mondiale évolue très rapidement dans des domaines importants. Par conséquent, l'idée que l'on puisse rédiger aujourd'hui une exigence vraiment utile qui servira de base à la signature d'un contrat dans quatre ans semble absolument ridicule.
     La façon dont les choses évoluent — avec réticence, je dois dire, dans certaines parties du Royaume‑Uni, du moins — fait qu'il est nécessaire d'établir un dialogue plus étroit entre l'industrie, qui connaît mieux la technologie, et le gouvernement, qui connaît mieux les besoins. Ils se parlent et la relation entre eux devient plus importante que le contrat qui peut exister. C'est une façon importante et radicale d'avancer, mais quand on pense à la vitesse à laquelle... C'est le genre de méthode que nous utilisons pour répondre à des besoins opérationnels urgents, mais ce n'est pas le genre de méthode que nous utilisons habituellement pour les grandes plateformes.
     Les pays ambitieux doivent relever un véritable défi en matière d'acquisition de matériel de défense en se demandant comment ils peuvent faire évoluer leur système d'acquisition au même rythme que la technologie et la politique. Je sais que le Canada s'efforce d'accélérer ses processus d'acquisition, ce dont il est conscient. Cependant, un point particulier, à mon avis, est que si vous optez pour des exigences fixes, ces exigences vont devenir insatisfaisantes pour vos utilisateurs militaires avant que vous n'ayez eu l'occasion de livrer le système. Cela signifie qu'il faut modifier le contrat et tout le reste.
     Je voudrais ensuite souligner que le Canada — tout comme le Royaume‑Uni — n'achète pas d'équipement militaire pour atteindre un seul objectif de capacité militaire. Il vise la prospérité et l'amélioration de la répartition des richesses au sein du pays. Dans le cas du Royaume‑Uni, il s'agit d'essayer de maintenir l'union et d'aider à la cimenter. Nous effectuons des travaux en Écosse dans ce but, car cela nous rapproche davantage des Écossais.
(1640)
    Nous passons des marchés publics pour des objectifs multiples. Nous débattons actuellement de ce que l'on entend par « valeur » et de ce qu'est l'ampleur de la valeur. Il ne s'agit pas seulement de savoir si le général d'une division est d'avis que c'est un très bon équipement. C'est une considération importante, mais ce n'est pas la seule. Des considérations de politique étrangère peuvent également entrer en ligne de compte.
(1645)
    Monsieur Taylor, vous avez largement dépassé votre temps de parole. Je me demande si vous pourriez intégrer le reste de vos observations dans des réponses aux questions des députés.
    D'accord. Cela me convient.
    Je vous remercie.
    Cela me facilite la vie.
     Des voix: Oh, oh!
    Nous essayons tous de vous faciliter la vie. Nous y voilà.
     Monsieur Bezan, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier nos témoins d'avoir pris le temps, malgré leur emploi du temps chargé, de se joindre à nous virtuellement au Canada, alors que nous examinons les moyens d'améliorer les marchés publics de la défense ici.
     Monsieur Taylor, au Royal United Services Institute, avez-vous, ou vos collègues ont-ils déjà réalisé des études au sujet des Forces armées canadiennes?
    Pas à ma connaissance. Nous avons un groupe distinct qui s'occupe du côté opérationnel militaire, si vous voulez, ou de l'aspect sciences militaires. Je suis au courant, parce que je m'occupe des acquisitions, de choses comme votre nouveau navire, la frégate Type 26, mais je ne suis pas au courant d'études.
     Nous existons depuis 1831, alors si vous me demandez si nous avons déjà fait cela, je ne peux pas vous donner une réponse claire.
    Je sais que vous êtes au Royal United Services Institute depuis un certain temps, d'après votre biographie.
     J'aimerais approfondir une question que vous avez en quelque sorte abordée, monsieur Taylor. Je sais que madame Ross a une grande expérience en la matière, puisqu'elle a travaillé au Pentagone et au Capitole.
     Quelle est l'importance, du point de vue de la défense nationale, de disposer de capacités nationales de production de son propre équipement plutôt que de devoir compter sur des partenaires internationaux? Cela est d'autant plus vrai lorsque l'on considère les grandes luttes de pouvoir dont nous sommes témoins aujourd'hui — la guerre en Ukraine, la guerre en Israël avec l'attaque terroriste du Hamas, et le conflit actuel qui fait rage dans la mer de Chine méridionale entre la Chine et les Philippines, sans parler du détroit de Taïwan avec l'île indépendante de Taïwan et la République populaire de Chine.
     Je m'interroge simplement sur l'importance de disposer de telles capacités industrielles en matière de défense à l'échelle nationale.
    Pour répondre brièvement, je dirais que c'est très important, mais pas extrêmement important.
     Le Royaume‑Uni veut se présenter comme une grande puissance internationale indépendante sur le plan opérationnel. Il reconnaît que cela signifie qu'il ne peut pas dépendre entièrement ou outre mesure d'un fournisseur étranger. Je pense que l'Ukraine a mis en évidence l'importance des chaînes d'approvisionnement dans la capacité de défense. Il y a plusieurs raisons à cela, en partie liées à la prospérité et à d'autres facteurs.
     Il y a des documents gouvernementaux, en particulier la stratégie industrielle de défense et de sécurité annoncée en 2021, qui expliquent pourquoi le gouvernement a conclu que c'était important et ce qu'il allait essayer de maintenir. Ensuite, nous avons toute une série de stratégies sectorielles. Je pense que c'est en grande partie dû à cela. Un document datant de 2012 affirme que la capacité d'utiliser ses forces armées comme on l'entend est l'essence même de la souveraineté. Cela soulève toutes sortes de questions sur ce que signifie la souveraineté, mais cela dit que c'est quelque chose d'assez important...
    Madame Ross, vous pourriez peut-être intervenir ici.
     Vous y avez fait allusion lorsque vous avez parlé d'essayer d'intégrer certains acteurs non traditionnels dans l'industrie et les marchés publics de la défense aux États‑Unis, en particulier en ce qui concerne la cybernétique et les nouvelles technologies numériques. Aux États‑Unis, vous êtes de loin les plus compétents en matière de production de défense dans le monde occidental, et je voulais donc entendre vos idées à ce sujet.
     Par ailleurs, vous avez de l'expérience au Capitole. Les médias américains ont déclaré que le Canada avait pris du retard dans l'atteinte de la barre des 2 % fixée par l'OTAN. Au Comité, le sénateur Dan Sullivan a dit que le Canada ne faisait pas le poids et a critiqué notre premier ministre.
    Je me demandais si vous pouviez nous faire part de vos observations à ce sujet.
(1650)
    Je vais d'abord répondre à la première question.
     C'est une très bonne question, monsieur Bezan. Je pense que nous accordons une grande importance à la fabrication nationale, surtout à l'heure actuelle.
     À partir des années 1990, nous avons fait certains choix. Ces choix ont été faits par le ministère de la Défense et d'autres, et ont essentiellement consisté à exporter une grande partie de notre production. Nos installations et capacités de production dans le pays — et donc notre main-d'œuvre — se sont considérablement réduites au cours des décennies subséquentes.
     Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation où, pour une grande partie de ce dont nous avons besoin, comme le matériel que nous fournissons à l'Ukraine, nous constatons que nous ne disposions pas d'une base industrielle solide aux États‑Unis. Comme vous le savez, l'industrie ne peut pas tourner en un clin d'œil. Le démarrage d'une capacité de production, d'une installation, peut prendre de 18 mois à deux ans. Nous constatons que nous devons maintenant prendre des mesures pour tenter d'inverser ces tendances.
     Dans certains cas, il n'est pas toujours possible de tout faire sur le sol américain, et nous devons donc nous appuyer sur les concepts de l'économie de proximité ou de l'économie d'affinité, ces autres concepts de collaboration avec des alliés et des partenaires, qui présentent également l'avantage de collaborer dans un but commun et, en fin de compte, d'améliorer l'interopérabilité de nos systèmes et d'autres choses encore. Il y a là une grande occasion à saisir.
     En ce qui concerne mes remarques liminaires sur la recherche de l'innovation à l'échelle nationale là où elle existe, je pense que nous — et je suppose le Canada, le Royaume‑Uni et d'autres — constatons que l'une de nos plus grandes forces dans le monde occidental est que nous disposons d'une incroyable innovation dans le domaine de l'ingénierie et d'un grand nombre de scientifiques et de talents technologiques dont nous devons tirer parti. C'est ce que nous essayons de faire aujourd'hui. Lorsque nous regardons nos adversaires proches, nous constatons qu'ils ne disposent pas d'autant de talents. Il nous faut donc nous assurer que nous tirons parti de ces talents tant que nous le pouvons, avant que ces autres forces ne nous rattrapent.
     Nous constatons également...
    Malheureusement, madame Ross, nous allons devoir en rester là, car le temps de parole de M. Bezan est largement dépassé.
     Sur ce, madame Lambropoulos, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais remercier nos deux témoins d'être venus répondre à certaines de nos questions.
     Monsieur Taylor, j'ai lu rapidement certains des documents que vous avez envoyés au comité de la défense du Parlement britannique. Il semble que votre point de vue sur la concurrence ne soit pas aussi tranché. Je me demande si vous pouvez expliquer le pour et le contre et nous dire comment nous pouvons peut-être promouvoir une saine concurrence au sein de notre propre industrie tout en réduisant certains des inconvénients.
    Si vous avez une limite de mots... C'est une très grande question, d'ailleurs, et une question difficile, mais je pense qu'une réponse rapide serait que si vous avez un petit nombre de fournisseurs et un client qui ne fait que des commandes très occasionnelles, ces fournisseurs sont prêts à tout pour obtenir une commande. Lorsque vous lancez un appel d'offres, ils font souvent des offres très optimistes, disons, et il n'est pas surprenant qu'ils finissent en retard et dépassent le budget. Il n'est pas surprenant que si le gouvernement veut modifier un contrat et peut-être changer une exigence, les entreprises qui ont le contrat semblent demander des prix excessifs, parce qu'elles savent que leur contrat leur causait des difficultés en premier lieu. Il faut donc, je pense, réfléchir aux effets de la concurrence sur les offres faites par les entreprises.
     Dans un marché où il y a plusieurs fournisseurs et plusieurs clients, la concurrence fonctionne beaucoup mieux, mais si vous êtes dans une situation où la perte de cette concurrence pourrait vous faire quitter le secteur, vous n'allez pas donner... vous serez tenté de soumettre des réponses extrêmement optimistes. Je pense que nous pouvons le constater dans la manière dont de nombreux appels d'offres se sont déroulés. Si j'utilise le pays de Mme Ross, la concurrence entre Airbus et Boeing pour le ravitailleur américain a entraîné des pertes de plusieurs milliards pour Boeing en raison du prix auquel il s'était engagé. Il faut penser à utiliser la concurrence lorsque les structures du marché sont adéquates.
(1655)
    Je vous remercie de votre intervention.
     Je reconnais également que vous avez l'expérience du processus de passation des marchés au Royaume‑Uni. Vous l'avez également comparé à celui des États‑Unis. Vous avez mentionné l'Australie. Vous avez également une certaine expérience du système européen. Pouvez-vous nous parler de certains points forts et de ce que vous considérez comme des pratiques exemplaires dont le Canada pourrait s'inspirer?
     Une fois que vous aurez terminé, je passerai le relais à Mme Ross, qui pourra nous faire part de ses idées.
    J'hésite à faire une recommandation à un autre pays dont les circonstances sont différentes.
     J'en reviens à ce que j'ai dit au début, à savoir qu'il faut penser à acheter différentes choses de différentes manières. C'est ce que nous pratiquons très souvent au Royaume‑Uni, sans le faire explicitement.
     Pour notre prochain avion de combat, dans le cadre du Government Contracting Assistance Program, le GCAP, que nous menons avec le Japon et l'Italie, les entreprises sont choisies, les pays partenaires sont choisis et ils travaillent en équipe pour développer ce qu'ils savent être un produit compétitif. La concurrence ne vient pas des entreprises les plus performantes, mais du fait qu'elles devront à l'avenir rivaliser avec la Chine, qui est sur le marché de l'exportation, avec tout ce que les États‑Unis ont à offrir, et ainsi de suite. Il s'agit d'un contrat qui n'est conclu qu'une fois tous les 30 ans et qui ne concerne qu'un très petit nombre d'entreprises.
     Dans d'autres domaines, comme l'achat de fusils, un appel d'offres ouvert traditionnel fonctionnera parfaitement. Il y a beaucoup de gens qui vous les vendront. Vous n'avez pas, tout au long de leur vie utile, de coûts de mise à jour importants, de coûts de gestion de l'obsolescence, et ce genre de choses.
     Il faut se demander si le processus d'acquisition est adapté à l'objet que l'on achète. C'est une chose que les responsables commerciaux du secteur de la défense ont de la difficulté à comprendre. Ce qui convient dans un domaine peut ne pas convenir dans un autre.
     C'est une réponse très limitée, mais j'ai fait de mon mieux dans le temps imparti.
    Je vous remercie.
     Je ne sais pas s'il reste beaucoup de temps, mais madame Ross, aimeriez-vous intervenir également?
    Vous avez environ une minute.
    Je serai très brève et n'exprimerai qu'une seule idée.
     Sans connaître les systèmes des autres pays, je ne sais pas si, comparativement, il y a des choses qui fonctionnent bien ici et qui devraient être mises en place ailleurs. Ce que je peux faire, cependant, c'est mentionner quelque chose qui ne fonctionne pas bien dans notre système et que je vous recommande d'essayer d'éviter.
     Notre système est basé sur des lois. Il est très technique. De nombreuses règles sont fondées sur le droit des marchés publics. Chaque fois que quelque chose ne va pas, le Congrès produit une nouvelle loi. On pourrait comparer cela à des barnacles sur un navire. Ils s'ajoutent sans cesse et ne sont jamais enlevés. Si vous regardez le code des États‑Unis, vous verrez que c'est un cimetière d'erreurs commises dans le passé en matière d'acquisition.
     Le seul problème dans tout ça est que c'est beaucoup de choses à suivre. Ça le rend très technique et difficile pour la main-d'œuvre de s'y adapter et de le suivre. Nous devons disposer d'un corps d'acquisition très professionnel, ce qui exige beaucoup de formation et rend très difficiles la créativité, le dynamisme et l'agilité.
     Notre plus grande réussite dans les réformes récentes a été de trouver des voies pour essayer de rationaliser cela. [Difficultés techniques]
    Je pense que nous avons perdu Mme Ross.
    Mme Ross est gelée.
     Elle achevait, de toute façon.
    Madame Ross, vous avez figé pendant une seconde. C'était à la fin des six minutes, de toute façon. Nous étions juste en train de contempler les barnacles ici.
     Je vais donner la parole à Mme Normandin. Elle posera ses questions en français, j'espère donc que vous êtes branchés sur la traduction vers l'anglais.
     Sur ce, madame Normandin, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Professeur Taylor et madame Ross, merci beaucoup d'être des nôtres. Je suis contente de vous revoir.
    Ma première question s'adresse à vous deux.
    Vous avez tous deux parlé du fait que les processus d'acquisition sont très longs, depuis le moment où on détermine quels sont les besoins, en passant par le moment où on détermine les paramètres d'un appel d'offres et jusqu'au moment où un produit final est livré.
    Est-ce aussi vrai dans l'autre sens? À partir du moment où l'utilisateur final peut formuler des commentaires sur la qualité du produit et sur des améliorations à y apporter, remonter la chaîne est-il aussi long? Est-ce également un problème que vous observez dans vos milieux respectifs?
(1700)

[Traduction]

    Il y a deux aspects à cela. D'une part, lorsque du matériel est livré, comme un nouvel équipement de haute technologie, il présente souvent de petits, ou parfois de moins petits, défauts qui sont corrigés par des processus d'ingénierie, soit au sein du gouvernement, soit au sein de l'entreprise. C'est tout à fait normal. On ne s'attend pas à ce qu'un équipement important et compliqué fonctionne parfaitement dès le premier jour. Nous faisons de notre mieux, mais cela arrive. Parfois, si les lacunes sont vraiment graves, il y a une grosse dispute, mais c'est relativement rare.
     D'autre part, à notre époque, il faut savoir que les plateformes que l'on acquiert nécessitent des mises à jour régulières et constantes, ce qui explique que l'expression « système ouvert » devient courante. Cela signifie que vous pouvez apporter des améliorations sans démonter l'ensemble de la machine, que c'est un processus relativement simple à réaliser. Avec les logiciels, c'est souvent relativement facile. C'est parfois plus difficile avec des choses comme l'intégration de nouvelles armes sur une plateforme, par exemple.
     Il faut réparer les défauts immédiats, mais aussi reconnaître qu'une chose qui va rester en service même pendant une décennie va nécessiter des améliorations en cours de route. Il faut donc avoir l'assurance qu'il s'agit d'un système ouvert.
     Je pourrais vous donner quelques exemples, mais six minutes ne me le permettent pas. Si vous m'écrivez, je vous enverrais quelques exemples.
    Je ne suis pas sûre de saisir la question, compte tenu de la discussion que nous venons d'avoir.
     Serait‑il possible de la répéter? Je veux m'assurer de vous fournir l'information que vous souhaitez obtenir.

[Français]

    En fait, je vais intégrer un nouvel élément à ma question.
    Vous avez parlé de travailler davantage avec l'industrie et les fournisseurs non traditionnels. Lorsque l'utilisateur final, par exemple un militaire, a des recommandations à faire pour améliorer un système ou un produit qui a été livré, est-ce que la chaîne d'approvisionnement peut corriger promptement les problèmes en prenant en compte les améliorations proposées?

[Traduction]

    Je comprends maintenant.
     Je me ferai l'écho de ce que M. Taylor a dit à propos d'une approche modulaire et ouverte. C'est l'un des éléments clés de la réforme des approvisionnements que nous avons tenté de mettre en œuvre lors de la dernière série de réformes.
     Je ferai également remarquer que si les exigences sont rédigées d'une certaine manière, correctement, cela donne une meilleure chance de fournir ce que l'utilisateur final recherche, l'utilisateur final et la communauté des approvisionnements étant, bien sûr, deux communautés différentes.
     Je pense qu'il ne nous reste pas beaucoup plus de temps, alors je vais m'arrêter là.

[Français]

    Merci.
    Professeur Taylor, j'aimerais revenir sur un de vos commentaires selon lequel les acquisitions peuvent souvent viser des objectifs multiples. Vous avez mentionné l'unité nationale, par exemple, en parlant de l'Écosse.
    Y a-t-il suffisamment de transparence lorsque des processus d'acquisition visent des objectifs divers? Y aurait-il des améliorations à apporter pour que la population, entre autres, soit mieux informée des objectifs non militaires, par exemple, visés par les processus d'acquisition?

[Traduction]

    Le ministère de la Défense et le gouvernement sont très ouverts à propos de leurs positions politiques, et vous pouvez les lire dans leurs exposés de principe. La question de savoir si la population en général souhaite supporter ce fardeau est tout autre.
    Au Royaume-Uni, nous avons fait... Lorsque les processus d'approvisionnement alimentent l'acquisition en bonne et due forme, ils sont vraiment mis en avant-plan lorsque vous essayez de lancer un concours, car il vous faut fournir ce que nous appelons un schéma d'appréciation. Je pense qu'aux États-Unis, on parle d'un schéma d'évaluation, mais l'objectif est le même. Il faut indiquer aux soumissionnaires le poids que vous allez accorder aux différents critères.
     En Grande-Bretagne, en tout cas aujourd'hui, nous avons la notion d'un programme de nivellement par le haut. Il s'agit de prendre des mesures pour les régions économiquement plus pauvres du Royaume-Uni et de tenir compte d'autres éléments comme les considérations environnementales, mais aussi de la mesure dans laquelle l'approvisionnement contribuera à la prospérité. Si vous combinez ces deux éléments, vous pouvez obtenir jusqu'à 20 % des points dans les schémas d'évaluation présentés aux entrepreneurs. Ils sont donc au courant. Ils ont une idée de ce qu'ils doivent offrir. Les entrepreneurs estiment que c'est très lourd.
(1705)
    Merci, madame Normandin.
    Monsieur Angus, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    L'hiver dernier, j'étais à Berlin pour rencontrer le gouvernement social-démocrate. Nous étions en réunion et, à un moment donné, l'un des représentants s'est arrêté, a regardé les participants et a dit: « Qui aurait imaginé que nous serions dans une guerre majeure par chars d'assaut interposés en Europe au XXIe siècle? » La guerre en Ukraine a tout bouleversé. Nous faisons des pieds et des mains, à l'aube du deuxième hiver, pour répondre à tous les besoins, allant des manteaux aux missiles sol-air en passant par les chars Leopard et les véhicules blindés légers.
     Madame Ross, quelle pression cela a‑t‑il exercée sur l'approvisionnement et la nécessité de pouvoir soudainement passer à la vitesse supérieure de manière spectaculaire, par rapport à ce que nous fournissons dans le domaine militaire?
    Je vous remercie.
     La situation en Ukraine a été éclairante pour le département de la Défense, en ce qui concerne la manière de gérer ses relations avec l'industrie en particulier.
     Si nous prenons l'exemple des munitions et de la base industrielle des munitions, nous constatons aujourd'hui qu'en grande partie, le matériel que nous utilisons et fournissons à l'Ukraine, comme les obus d'artillerie de 155 millimètres, est composé d'articles que nous n'achetons pas régulièrement ou pour lesquels nous ne dépensons pas beaucoup d'argent, par rapport au reste du matériel que nous achetons dans l'ensemble du département de la Défense.
     Il en résulte un signal de demande incohérent pour l'industrie de la défense. En l'absence de bons de commande et d'argent provenant de contrats, les entreprises n'investissent généralement pas leurs capitaux dans des installations afin d'avoir la capacité de production nécessaire pour des articles que le département de la Défense n'achète pas régulièrement. Ainsi, elles optimisent leurs chaînes de production. Dans un souci d'efficacité et de valeur, elles veillent à optimiser et à réduire ces chaînes. Lorsque nous leur demandons soudainement de produire davantage — dans cet exemple, des obus de 155 millimètres —, elles ne sont pas en mesure de commencer immédiatement à le faire. Il faut du temps pour que la base industrielle atteigne ce débit.
     Dans cet exemple, la montée en puissance a pris plusieurs mois. Au début de la réponse à l'Ukraine, des articles de presse mentionnaient à juste titre que le délai de livraison de certaines munitions atteindrait jusqu'à deux ans. Le département de la Défense s'en est inquiété et a examiné de près les raisons de cette situation.
     Comme je l'ai dit, il y a souvent une relation symbiotique entre la base industrielle de défense et le client, dans ce cas‑ci, le département de la Défense.
    Je pense que cela ajoute beaucoup de pression ici au Canada. Nous sommes un petit acteur. Nous effectuons des déploiements à l'étranger, mais dans ma région, qui est une grande circonscription du Nord du Canada, si vous demandez à mes concitoyens quel était le principal besoin militaire l'été dernier, au cours des incendies catastrophiques liés aux changements climatiques..., nous n'avions pas d'avions Hercules pour transporter les gens hors des zones d'incendie. Nous utilisons nos forces armées en cas d'inondations, d'incendies et de toutes sortes de besoins intérieurs. Je pense que la situation est similaire aux États-Unis.
     Nous essayons de répondre à l'Ukraine, parce que nous entretenons une relation affective et historique très étroite, mais nous devons fournir du matériel dont nous pensions probablement ne plus avoir besoin depuis la chute du mur de Berlin. Par ailleurs, certains de nos alliés, comme la Hongrie, ne font rien pour aider. Cela nous met dans une position difficile lorsqu'il s'agit de combler les besoins pour arrêter la machine de guerre de Poutine.
     Pensez-vous que les choses commencent à s'améliorer, ou devons-nous changer de tactique par rapport à l'amilocalisation? Devons-nous changer qui fait quoi, afin que nous puissions réellement acheminer des fournitures à l'Ukraine?
(1710)
    Avec un préavis suffisant, nous sommes en mesure d'ajuster la base industrielle. Je ne peux pas parler des bases industrielles des autres pays, mais je peux parler de la base industrielle des États-Unis. Avec un préavis suffisant, nous sommes en mesure de produire le matériel nécessaire. En fait, en ce qui concerne les articles destinés à l'Ukraine, comme les munitions — pour poursuivre avec mon exemple — le département de la Défense a conclu plusieurs contrats qui ont permis d'augmenter la production à un niveau très élevé. Je pense que nous parlons de près de 85 000 ou 100 000 cartouches par mois, ce qui représente une augmentation spectaculaire par rapport à ce que nous observions au début de notre aide à l'Ukraine.
     Il y a beaucoup de travail en cours, mais il est toujours possible d'en faire plus. Je pense que le département de la Défense envisage régulièrement aussi l'amilocalisation.
    Je vous remercie.
     Eh bien, nous avons certainement General Dynamics à London, en Ontario, qui peut fournir des véhicules blindés légers. Nous ne pourrons peut-être pas rivaliser en matière de chars Leopard, mais nous pourrions les produire assez rapidement.
     Encore une fois, il s'agit de savoir si nous avons besoin d'une stratégie plus large de tous les alliés précisant ce qui va être fourni et comment nous pouvons le faire rapidement, parce que, à l'aube du deuxième hiver de guerre, nous devons vraiment arrêter la machine de guerre de Poutine.
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    Eh bien, madame Ross, si je peux me permettre, vous avez soulevé les points principaux. L'industrie de la défense se dimensionne en fonction du niveau de la demande et, au Royaume-Uni également, nous augmentons la capacité de production de munitions.
     Je pense qu'il y a un point important, à savoir que plus le produit est simple et, reconnaissons-le, un obus d'artillerie est un produit assez simple, plus il peut être automatisé et plus il est facile d'augmenter la capacité de production à un niveau acceptable. Plus l'augmentation de la capacité de production nécessite l'emploi d'un grand nombre de personnes, plus il faut décider de ce que l'on fera de ces personnes, dès que la demande de guerre disparaîtra. Vous pouvez laisser une machine travailler huit heures par jour pendant cinq jours et la faire passer à 24 heures, mais vous ne pouvez pas prendre une personne qui travaille huit heures par jour et la faire passer à 24 heures, vous devez employer plus de personnes. Mme Ross a vu juste, c'est vraiment difficile.
    Malheureusement, nous dépassons le temps imparti, et nous ne pouvons pas non plus employer des personnes en heures supplémentaires au sein de ce comité.
     Il nous reste 25 minutes de questions et 20 minutes à l'horaire, chers collègues, donc cinq minutes sont devenues quatre.
     Monsieur Kelly, vous disposez de quatre minutes.
    Je vous remercie.
     Madame Ross, si vous me permettez de poursuivre sur la question de la production d'obus d'artillerie, nous avons entendu des témoignages ici même selon lesquels le Canada n'a pas augmenté sa production d'obus de 155 millimètres depuis le début de la guerre. On nous a exposé plusieurs des raisons que vous avez énumérées pour justifier la difficulté, mais aux États-Unis, si j'ai bien compris votre témoignage, vous avez dit que la production d'obus d'artillerie avait déjà augmenté. Je ne sais pas où elle se situait il y a 18 mois, mais vous avez dit qu'elle était passée à 100 000 par mois.
     Que pouvez-vous nous dire sur la manière d'augmenter la production d'articles essentiels comme les obus de 155 millimètres? Il y a une usine désaffectée au nord de Montréal qui, jusqu'à récemment, produisait cet article à plus grande échelle, mais rien n'a été fait pour nous permettre d'augmenter cette production.
    Je pense que notre main-d'oeuvre est un élément majeur. Comme M. Taylor l'a mentionné, il est extrêmement difficile, une fois que l'on a licencié, mis en veilleuse ou réduit la production, d'augmenter à nouveau la main-d'oeuvre qualifiée. On ne peut pas simplement prendre une personne dans la rue et lui confier certains de ces projets dangereux. Il faut une certaine formation et un travail d'artisan pour certains de ces articles. Nous ne disposons pas d'une très grande main-d'oeuvre qualifiée de soudeurs, par exemple, aux États-Unis.
    Dans votre témoignage, si j'ai bien compris, vous venez de dire que la production a augmenté, contrairement au Canada, alors je me demande ce qui a réussi et comment avez-vous pu, aux États-Unis, surmonter ces obstacles, même si cela a pris quelques mois, pour mettre en place les contrats et lancer la production.
(1715)
    L'appel à munitions a été lancé au printemps 2022, si je me souviens bien. Au cours de l'année écoulée, le département de la Défense et ses principaux fournisseurs de la base industrielle des munitions ont beaucoup travaillé pour tenter de cerner ce que j'appellerais les goulets d'étranglement. Il s'agit généralement de la main-d'oeuvre et des articles ayant un long délai de livraison, les différents composants de la munition qui sont difficiles à trouver ou à produire. Un travail considérable a été consacré à la recherche de sources d'approvisionnement secondaires pour ces articles à long délai de livraison ainsi qu'au lancement et à la mise à l'échelle des installations de production.
    Nous avons entendu dire que le témoignage du sénateur Sullivan au Congrès avait marqué vivement l'esprit de plusieurs personnes au Canada. Il a parlé des lacunes du Canada pour ce qui est de contribuer à la défense continentale.
     La modernisation du NORAD est un exemple de partenariat très étroit entre le Canada et les États-Unis. J'aimerais que vous nous parliez de la nécessité de moderniser le NORAD et que vous indiquiez à ce comité ou aux Canadiens comment le Canada peut le mieux s'acquitter de ses responsabilités à l'égard de la modernisation du NORAD.
    Vous disposez d'au plus 20 secondes.
    En fait, je peux répondre très brièvement. Je ne suis pas au fait des déclarations du sénateur Sullivan et je ne suis pas vraiment experte de la modernisation du NORAD, alors je ne me risquerais pas à faire des commentaires.
    Merci, monsieur Kelly.
    C'est maintenant le tour de Mme Lalonde.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Taylor et madame Ross, je tiens à vous remercier de vous être joints à nous aujourd'hui, surtout dans vos fuseaux horaires respectifs, si j'ai bien compris.
     Au cours des dernières séances que nous avons tenues dans le cadre de cette étude, des témoins ont parlé de l'importance d'améliorer notre approvisionnement de défense en simplifiant les processus et certainement en rationalisant les couches de politiques qui entravent l'approvisionnement. D'après votre expérience, quelle est la leçon la plus importante que les gouvernements devraient tirer des discussions pour les aider à relever les défis actuels en matière de simplification et de rationalisation des processus d'approvisionnement?
    Encore une fois, la situation au Royaume-Uni est très différente de celle des États-Unis, parce que le Royaume-Uni n'a pas à supporter le fardeau législatif signalé par M. Ross. Le domaine de l'approvisionnement est visé par de nombreuses directives et quelques lois.
     Les processus ont deux finalités. Tout d'abord, assurer que l'argent sert à acheter le bon produit et à combler la bonne priorité. Deuxièmement, faire en sorte que les parties concernées ont un comportement irréprochable. Ces risques sont bien connus, mais ce qu'on sait moins, c'est que si on procède de manière séquentielle, si on suit un système très ordonné, alors on fait face à d'autres risques, c'est-à-dire que l'équipement n'arrive pas à temps ou qu'il soit obsolète par rapport au matériel en place.
     Je soulignerai rapidement que dans de nombreux aspects de la vie, et clairement dans l'acquisition de matériel de défense, la confiance entre les intervenants — la confiance envers leur jugement et leur intégrité — permet d'épargner beaucoup d'efforts et de gagner beaucoup de temps, mais c'est un ingrédient qui est assez rare dans l'administration publique, et sur lequel les responsables des approvisionnements hésitent à s'appuyer.
    Je répondrai à votre question sur les couches de politiques et leur simplification ou rationalisation.
     Au ministère de la Défense, nos gestionnaires de programme, c'est-à-dire les personnes chargées de gérer un programme tout au long du processus, ont tenté dans la dernière série de réformes des acquisitions de simplifier ces couches et de déléguer aux niveaux immédiatement inférieurs une partie du pouvoir décisionnel actuellement dévolu aux plus hauts paliers du Pentagone. Pour certains programmes, les décisions qui relevaient jusqu'à maintenant du Secrétaire à la Défense sont dorénavant déléguées aux Secrétaires des branches militaires, à savoir l'armée de terre, la marine et l'armée de l'air.
     Nous avons constaté que lorsque les gestionnaires de programme devaient remonter jusqu'au bureau du Secrétaire à la Défense pour les processus d'examen et d'approbation, en passant bien sûr par leur branche militaire respective, la nécessité d'informer deux fois les autorités — au niveau du service, à savoir la marine, l'armée de l'air ou l'armée de terre, puis au niveau du Secrétaire à la Défense — entraînait un surplus d'exigences administratives et de documents justificatifs, et à vrai dire de temps perdu au Pentagone.
     Nous avons constaté qu'il était possible de rationaliser grandement les choses, et c'est ce qui est en cours. Ce mouvement est en marche depuis environ six ou sept ans, et il a certainement permis de réduire les délais et d'alléger les fardeaux.
(1720)
    Merci, madame Lalonde.
     Madame Normandin, vous avez une minute et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question pour le professeur Taylor.
    Dans un rapport de juillet 2023, le Royaume‑Uni décrit le système d'approvisionnement comme ayant, entre autres défauts, une très faible reddition de comptes.
    Dans le cas qui nous occupe, quand il y a un problème, on peut jeter le blâme autant sur le ministre responsable de l'approvisionnement que sur le ministre responsable de la défense. Cela me donne l'impression qu'il n'est pas toujours facile d'avoir une reddition de comptes ici.
    Chez vous, qu'est-ce qui rend difficile la reddition de comptes à propos des décisions d'approvisionnement?

[Traduction]

    Je peux répondre rapidement. Vous avez parlé de « blâme ». Si les enquêtes entreprises sur les raisons des dysfonctionnements cherchent à blâmer des coupables, alors les gens s'abstiendront évidemment de s'exprimer avec exactitude, pour éviter de produire des informations qui pourraient leur attirer des blâmes.
     Dans la recommandation que j'ai formulée — et que notre ministre a acceptée à l'égard d'un de nos grands programmes qui a connu des problèmes —, la reddition de comptes consiste à interroger les individus sur la nature, sur le moment et sur la raison de leur décision, et à examiner sur quels motifs ils se basent. En règle générale, les gens ne vont pas travailler en se disant « Je vais faire dérailler ce projet ». Pour améliorer les choses, il faut comprendre pourquoi les gens ont agi, pourquoi ils ont pris telle décision et sur quelles bases. Autrement dit, on ne cherche pas désespérément quelqu'un à blâmer, on cherche à comprendre. Chercher un coupable ne mène pas à une bonne compréhension.
     Cela ne s'applique pas aux problèmes de corruption. Je parle simplement des processus normaux dont nous discutons jusqu'à maintenant.
    Merci, madame Normandin.
     Monsieur Angus, vous avez une minute et demie.
    Merci, monsieur le président.
     L'approvisionnement est un dossier étrange. On dit toujours au public que la plus basse soumission pour un navire sera la meilleure chose, mais ensuite, bien sûr, tout le monde sait que la facture va exploser.
     Parlons du projet des navires de combat de surface canadiens, initialement évalué à 60 milliards de dollars et qui atteint maintenant 84 milliards de dollars. Qui en connaît la facture finale? À mes yeux de législateur, ces 24 milliards de dollars supplémentaires permettraient de recruter beaucoup d'infirmières, de réparer une grande portion de mes routes et de sortir du tiers monde quelques-unes de mes communautés autochtones du Nord.
     Monsieur Taylor, vous parlez du modèle spiralaire d'acquisition. Est‑ce qu'il fait simplement partie du processus d'approvisionnement, ou bien permet‑il d'incorporer le coût réel de manière que nous sachions à quoi nous en tenir quand nous expliquons à nos commettants pourquoi ils financent ces projets très coûteux?
    Chaque projet est différent et présente ses propres caractéristiques. Je pense que vous avez acquis votre navire au moyen d'un processus concurrentiel, qui pouvait présenter des vulnérabilités. C'est également un processus lent. J'ignore comment les exigences ont pu changer depuis l'engagement contractuel.
     Je pense qu'aujourd'hui, nous devons avoir une approche plus collégiale dans nos tentatives de calculer le coût probable.
     Pour compliquer encore les choses — ce qui ne vous plaira peut-être pas —, la plupart des plates-formes présentent pendant leur durée utile un coût d'exploitation beaucoup plus élevé que leur coût d'acquisition. D'une certaine façon, en examinant les coûts d'acquisition vous vous concentrez sur quelque chose de relativement peu important. Ce qui va vraiment vous coûter de l'argent, c'est d'entretenir l'équipement une fois qu'il est en service. Cet aspect commande moins d'attention parce qu'il est plus difficile à cerner.
(1725)
    Malheureusement, nous devons en rester là.
     Je suis désolé de continuer à appliquer scrupuleusement les temps de parole, mais je n'ai pas le choix.
     Madame Gallant, vous avez quatre minutes.
    Je vais poser deux questions, et les témoins pourront se partager le temps de réponse.
     Monsieur Ross, à votre connaissance, est‑ce qu'un ou plusieurs de vos collègues ont rédigé des rapports sur la situation de l'armée de terre, de la marine ou de l'aviation en ce qui concerne les Forces armées canadiennes, et devrions-nous recevoir bientôt l'un ou l'autre de ces rapports?
     Monsieur Taylor, comment se compare le processus d'acquisition suivi par le Royaume-Uni pour l'achat des sous-marins de classe Upholder/Victoria avec le processus suivi par le Canada pour ces mêmes bâtiments? Nous prévoyons acquérir d'autres sous-marins, et nous ne souhaitons pas recourir à nouveau au même processus.
    Je répondrai d'abord.
     Non, je n'ai connaissance d'aucun rapport de l'armée de terre, de la marine ou de l'armée de l'air concernant les Forces armées canadiennes ou les processus d'acquisition.
    En fait, le processus d'acquisition des sous-marins de classe Upholder s'est déroulé avant la période que j'ai étudiée.
     Je peux vous dire comment nous envisageons l'acquisition de sous-marins. Il y a deux aspects. Premièrement, nous avons laissé un grand hiatus entre l'acquisition des derniers éléments de notre flotte de bombardiers nucléaires et l'acquisition des sous-marins d'attaque. Cela nous a coûté une fortune. Ce que nous avons appris... L'effectif du chantier naval a chuté de 17 000 à 3 000 personnes, et quand nous avons essayé de commencer à construire des sous-marins de classe Astute, les pénuries de main-d’œuvre nous ont causé de nombreux problèmes.
     Deuxièmement, en ce qui concerne la génération de sous-marins que nous construisons actuellement, c'est-à-dire la nouvelle classe Dreadnought de sous-marins équipés d'armes nucléaires, il y a eu dès le départ une alliance entre la seule entreprise capable de les construire et le gouvernement, la marine et les instances d'approvisionnement, soit l'alliance de production des sous-marins, qui réunit toutes les parties. Elles disposent d'un budget généreux, c'est le moins qu'on puisse dire; un montant considérable. Les membres de l'alliance font rapport chaque année des progrès accomplis.
     C'est un autre de ces domaines où nous savons qu'on ne peut pas lancer d'appel d'offres concurrentiel, à savoir pour la construction d'un sous-marin nucléaire; alors ce que nous pouvons faire, c'est... Les parties concernées, même jusqu'au niveau de la main-d’œuvre, sont conscientes de son importance.
     C'est ainsi que nous procédons actuellement pour construire nos sous-marins.
    Qu'a fait le Royaume-Uni pour accélérer son processus d'approvisionnement? Essentiellement, comment avez-vous surmonté l'inertie face au changement?
    Tout d'abord, c'est qu'en situation de crise nous nous en sortons très bien parce que nous supprimons une grande partie du processus. Comme les risques d'un retard sont plus importants que les risques de faire un mauvais choix ou de privilégier une mauvaise priorité, ces processus sont raccourcis. Nous avons un processus d'acquisition pour les besoins opérationnels urgents qui permet — pas toujours, mais parfois — d'éviter les processus concurrentiels, ou, s'il y a concurrence, c'est à un niveau très élémentaire.
     Le Royaume-Uni se tire très bien d'affaire lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins opérationnels urgents, y compris pour l'acheminement de matériel vers l'Ukraine. Les problèmes surviennent lorsque les militaires ont besoin d'un nouveau véhicule de reconnaissance ou quelque chose du genre; ça prend alors une éternité et c'est un vrai fouillis.
    Merci — non pas que nous ignorons ici ce qu'est le fouillis.
     M. Collins peut poser la question qu'il n'a jamais posée jusqu'à maintenant.
    Parfait; merci monsieur le président.
     Monsieur Taylor, je commencerai par vous. Il est clair que nous souhaitons réduire l'accumulation de coquillages sur la coque du navire, c'est-à-dire les couches de politiques et de contrôles internes que nous examinons actuellement. La plupart des recommandations formulées dans l'étude ont porté sur les politiques qui encadrent le processus d'approvisionnement, à notre palier de gouvernement.
     Dans votre introduction, vous avez souligné la nécessité d'un dialogue plus étroit entre l'industrie et le gouvernement. Quel rôle joue l'industrie dans la réforme des approvisionnements?
(1730)
    En ce qui concerne la réforme du processus d'approvisionnement, le rôle n'est pas énorme, mais je pense qu'il existe un groupe de contact relativement étroit entre le gouvernement et les grandes entreprises et principaux fournisseurs. Ce groupe formule et exprime — pas toujours avec l'oreille du gouvernement — certains des coûts et des risques associés aux processus appliqués par le ministère de la Défense. Il y a un dialogue. Si on consulte les énoncés de politique britanniques, et je peux vous en fournir quelques-uns, on voit que le gouvernement reconnaît la nécessité d'avoir avec l'industrie une meilleure relation de partenariat, et non une relation d'adversité.
     J'hésite à dépasser le temps imparti, alors je m'arrêterai là. Ce principe est fortement reconnu au sein du gouvernement, sans toutefois être toujours mis en pratique.
    Merci.
     Monsieur Ross, vous avez parlé de coût, d'échéanciers et de rendement. En quoi le secteur privé peut‑il nous aider à cet égard?
    Pour maintenir un juste équilibre entre le coût, les échéanciers et le rendement, je pense qu'il est essentiel d'établir une relation étroite avec le ministère de la Défense et sa base industrielle, et cela doit se faire en grande partie dès le début, aux premières étapes d'un programme. Dans la détermination des besoins, on doit être à l'aise d'écouter et d'utiliser adéquatement ce que vous dit l'industrie au sujet de ce qui est possible, qu'il s'agisse par exemple d'envisager le système d'armement sous un angle qui ne vous était pas venu à l'esprit, d'approfondir un peu plus le besoin ou de mieux connaître les capacités technologiques permettant de combler l'écart de capacité auquel vous souhaitez remédier.
     Je pense qu'une constante communication est primordiale. Beaucoup de nos règles et de nos processus entravent cette communication, dans certains cas pour éviter les enjeux ou les situations — je m'efforce de recourir à un jargon non américain — pouvant donner lieu à des problèmes de concurrence qui inciteraient les soumissionnaires perdants à contester les contrats octroyés. Il faut trouver un équilibre.
     Souvent, ces règles exacerbent l'aversion au risque du personnel et son hésitation à communiquer quoi que ce soit. Il faut du leadership, il faut que les hauts dirigeants encouragent le personnel, l'appuient et couvrent ses arrières pour qu'il soit à l'aise de dialoguer adéquatement avec l'industrie pour l'informer à la fois sur les exigences et sur le programme.
    Merci, monsieur Collins.
     Au nom du Comité, je tiens à vous remercier tous les deux pour votre témoignage, et particulièrement monsieur Taylor, qui a cinq heures d'avance sur nous.
     J'imagine que vous allez maintenant vous diriger vers votre lit.
     Un député: Un fish and chips au pub.
    Le président: Oh, peut-être le pub, je ne sais pas vraiment. Vous pourriez peut-être discuter d'un duel de coquillages.
     Encore une fois, merci à tous. Je vous laisse le soin de vous débrancher.
     Chers collègues, si vous souhaitez présenter d'autres témoins, je vous rappelle que la date limite de communication des mémoires pour la réunion sur la hausse des déploiements opérationnels domestiques est fixée à demain. Jeudi, c'est le directeur parlementaire du budget. Notre estimé greffier vous a envoyé, ou vous enverra bientôt, un calendrier qui devrait occuper le reste de l'année 2023.
     Sur ce, la séance est levée.
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