Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui pour présenter mes observations sur cette question très importante.
Cela fait déjà un certain temps que j'ai quitté le poste d'ombudsman, mais je continue d'avoir des contacts quotidiens avec des membres de la communauté de la Défense, y compris des anciens combattants. Je suis déçu de constater le manque de progrès réalisés sur certains des principaux problèmes que moi-même et d'autres avons signalés au ministère de la Défense nationale.
Je comparais aujourd'hui à titre personnel, mais je tiens à préciser que la prochaine heure que je passerai avec vous ne portera pas sur moi, mais sur le Bureau de l'ombudsman et sur les personnes qu'il représente. En 2021, le Comité a entendu parler en détail de l'ingérence à laquelle les membres du Bureau de l'ombudsman et moi-même avons été confrontés de la part du ministre de la Défense nationale et de hauts fonctionnaires du ministère. Si vous voulez connaître les détails, je vous invite à relire le compte rendu. Ce n'était pas beau à voir, mais je crois que c'est un exemple concret de la façon dont les choses peuvent mal tourner.
En mai 2014, on m'a demandé ici même si le Bureau avait besoin d'être inscrit dans la loi. J'ai répondu à ce moment‑là qu'à mon avis, il était possible de fonctionner sans légiférer. J'ai été rapidement choqué d'apprendre que j'étais de retour dans la cour d'école, où les personnalités fortes font la loi. Lorsque je suis arrivé en poste, je pensais naïvement que nous visions tous les mêmes objectifs. Cependant, lorsque nous laissons des personnalités fortes décider de ce qui est juste pour ceux qui portent l'uniforme au service du Canada, nous perdons nos objectifs de vue.
J'ai vu passer les demandes visant à adopter une loi pour régir le Bureau et l'obliger à rendre des comptes au Parlement. J'ai été encouragé de voir le projet de loi que Mme Mathyssen a déposé à la Chambre. Il est encourageant de constater que d'autres voient maintenant les avantages d'inscrire le poste d'ombudsman dans la loi.
La fonction d'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes existe depuis 26 ans et a vu passer six différents titulaires. Chacun d'entre eux est arrivé à la même conclusion: le Bureau devrait être inscrit dans la loi et rendre des comptes au Parlement.
Pourquoi? Il y a eu six titulaires, quatre administrations et deux partis politiques différents et, peu importe les circonstances, on en arrive toujours à la même conclusion. Plusieurs ombudsmans, y compris moi-même, ont présenté les faits dans de nombreux rapports. La réponse simple est la suivante: tout va pour le mieux tant qu'on ne se bat pas contre le statu quo, tant qu'on s'entend pour s'entendre, mais dès qu'on braque les projecteurs sur des éléments que les gens veulent garder dans l'ombre, ce n'est pas long que la pression se fait sentir.
Que faites-vous lorsqu'un ministre refuse de vous rencontrer ou de discuter de questions importantes et que, par la suite, il charge le personnel administratif de son ministère d'exercer des pressions, emploie des tactiques qui limitent votre capacité de faire le travail pour lequel vous avez été embauché et, pour ajouter l'insulte à l'injure, se met à lancer des attaques personnelles contre vous? Dans quel monde est‑il logique que l'entité que vous êtes chargé de surveiller ait un contrôle total sur les outils dont vous avez besoin pour faire le travail? De plus, selon la structure actuelle, cette entité a même la capacité d'enquêter sur le Bureau. Quand le problème se trouve au sommet de l'échelle, comment une organisation dotée d'un budget de 7 millions de dollars peut-elle lutter contre une autre dont le budget s'élève à 20 milliards de dollars?
Au cours de mon mandat, j'ai été témoin d'une baisse importante de la qualité des réponses que je recevais aux recommandations fondées sur des données probantes. De sept à dix ans plus tard, un grand nombre de ces recommandations n'ont toujours pas été mises en œuvre. Il s'agit notamment d'avertissements adressés au ministre de la Défense nationale et aux hauts dirigeants civils et militaires sur diverses questions qui, si elles avaient été réglées, auraient aidé à atténuer certains problèmes avant qu'on en perde le contrôle.
Si on faisait le tour des lettres que tous les ombudsmans, y compris moi-même, ont envoyées au fil des ans, puis qu'on examinait les réponses ministérielles, il y aurait probablement matière à rire si ce n'était du fait que c'est si tragique. Un grand nombre des problèmes auxquels les Forces armées canadiennes sont maintenant confrontées avaient déjà été signalés, de façon urgente, il y a des années. Voici comment les choses avaient tendance à se dérouler: l'ombudsman fait une mise en garde au moyen d'une lettre, puis le ministre ou le ministère y répond de façon désinvolte, quand il se donne la peine de répondre. L'ombudsman lance une nouvelle mise en garde, mais se bute à la même réaction. L'ombudsman lance alors une enquête et formule des recommandations, les enjeux font les manchettes nationales, puis le ministre et le ministère acceptent rapidement toutes les recommandations, mais ils les mettent rarement en œuvre, malheureusement.
Voilà pourquoi les préoccupations soulevées par le Bureau de l'ombudsman revêtent, à mon avis, une importance nationale. Le Bureau est comme le canari dans la mine de charbon. Si le ministre de la Défense nationale et le gouvernement du jour ne font rien pour répondre aux préoccupations soulevées par le Bureau, le fait que le Bureau rende des comptes au Parlement contribuerait à garantir que ces préoccupations soient visibles et qu'on y accorde l'attention qu'elles méritent. Le budget et les pouvoirs du Bureau seraient protégés contre les luttes de pouvoir, tout comme le fait de veiller à ce que les membres de la communauté de la Défense soient traités équitablement, peu importe qui est au pouvoir.
Vingt-six ans de questions de la part de tous les ombudsmans, les cas documentés d'ingérence, le fait de ne pas donner suite aux recommandations, les attaques personnelles, les tactiques mesquines et les programmes qui ne nous permettent jamais de faire ce qu'il faut — tout cela nous a menés là où nous en sommes aujourd'hui. Y a‑t‑il une meilleure voie à suivre? Peut‑on en créer une? Peut‑on accorder au ministère de la Défense nationale et aux Forces armées canadiennes le même droit que nous accordons aux personnes incarcérées, c'est‑à‑dire le droit d'avoir un organisme inscrit dans la loi, à l'abri des attitudes rancunières et mesquines qui n'aident personne?
Ces questions revêtent une importance nationale et ont une incidence sur la sécurité nationale. Ne laissez pas cette occasion nous filer entre les doigts encore une fois.
Merci.
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En novembre 2022, j'ai fourni au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique des exemples de la façon dont les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale abusent des systèmes d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels et refusent aux victimes d'inconduite sexuelle les renseignements essentiels dont elles ont besoin pour obtenir justice.
J'ai pris connaissance de la façon dont le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes abusent de ces systèmes et des représailles exercées contre les dénonciateurs en luttant pendant cinq ans et demi contre la chaîne de commandement de la Marine royale canadienne pour obtenir justice contre un individu, connu sous le nom d'officier X, accusé d'inconduites sexuelles répétées, ainsi que contre les dirigeants qui le protègent.
Voici un peu de contexte. En 2018, au lieu de soutenir les victimes et les témoins des incidents répétés d'inconduite sexuelle de l'officier X, la chaîne de commandement de mon ancienne unité de la Réserve navale a interrogé les victimes et les témoins en leur servant une mise en garde contre des allégations de mutinerie et de trahison. Ces menaces d’accusations criminelles de haut niveau ont été portées contre ceux qui envisageaient de dénoncer l’officier X afin de les réduire au silence et de les intimider — autrement dit, ils faisaient face à des accusations de « mutinerie » et de « trahison » en signalant ces crimes et ces comportements inappropriés.
Lorsque la police militaire a trouvé suffisamment de preuves pour étayer une accusation d'agression sexuelle contre l'officier X en réponse à ma plainte, le commandant a décidé que la réponse appropriée consistait à réaliser du mentorat et une entrevue au niveau de la division. Rien n'indique que cette décision profondément inadéquate ait été remise en question par qui que ce soit dans toute la chaîne de commandement de la Marine royale canadienne.
En réponse à mes préoccupations, le même commandant a envoyé des courriels diffamatoires au quartier général de la Réserve navale pour discréditer ma plainte contre l'officier X, remettant en question le moment choisi pour déposer la plainte et laissant entendre qu'elle s'appuyait sur des faussetés ou qu'elle a été déposée de mauvaise foi. L'équipe de la chaîne de commandement a ensuite tiré parti de ses relations personnelles avec le personnel du quartier général de la Réserve navale pour laisser entendre, à tort, que les victimes et les témoins des graves incidents d'inconduite sexuelle de l'officier X cherchaient à influer sur une enquête policière en cours en organisant un système de justice parallèle. En parlant d'« influer » et de « système de justice parallèle », on faisait référence au fait qu'on a encouragé les gens à signaler les incidents d'agression et de harcèlement sexuel par l'entremise du système prévu à cet effet.
J'ai fourni un résumé des soupçons d'inconduite sexuelle dont l'officier X faisait l'objet et j'ai forcé le quartier général de la Réserve navale à mener sa propre enquête interne, qui a confirmé que toutes les allégations, conjointement avec 14 ans d'allégations multiples et d'enquêtes de la police militaire contre l'officier X, se sont soldées par une absence totale de mesures.
Ma plainte avérée de harcèlement pour abus de pouvoir, déposée contre le capitaine d'armes de l'unité qui nous a interrogés, moi et d'autres, n'a eu que des conséquences mineures en privé, alors qu'il a été célébré publiquement. Le commodore Pat Montgomery, commandant de la Réserve navale et professeur au Collège Camosun, et le capitaine de vaisseau Richard Jean, commandant adjoint de la Réserve navale, ont ensuite rejeté les plaintes contre le commandant et le commandant en second et officier d'état-major de l'époque, en accordant une importance excessive à des échéanciers et à des formalités procédurales. Ils ont déclaré qu'il n'existait aucune preuve que des représailles auraient été exercées si j'avais déposé des plaintes de harcèlement contre le commandant et le commandant en second. Il est profondément préoccupant que le commodore Montgomery et le capitaine Jean aient conclu qu'il n'y avait aucune preuve avant même d'avoir mené une enquête, alors que chacun était parfaitement au courant des courriels diffamatoires.
J'ai fait part de mes préoccupations au sujet de la Réserve navale au contre-amiral Christopher Robinson, commandant des Forces maritimes du Pacifique, qui, à la lumière de tout ce qui précède, a conclu que j'ai été traité équitablement.
En octobre 2023, un citoyen inquiet a interpellé le vice-amiral Angus Topshee, commandant de la Marine royale canadienne, pour le mettre directement au courant de ces problèmes. Malgré son assurance personnelle et la promesse d'enquête qu'il a signée, près de six mois plus tard, il n'y a toujours pas une seule mise à jour, et aucune réunion n'est prévue. La Marine royale canadienne ne semble pas s'inquiéter du fait que le commandant qui a imposé du mentorat comme punition soit inscrit sur la liste des personnes impliquées à la page 3 du même rapport de police pour lequel il a agi en tant qu'autorité responsable de la mise en accusation et qu'il a omis de se récuser.
Monsieur le président, je vais profiter de l'occasion pour dire que je comprends que ma demande précédente de temps supplémentaire a été rejetée, mais à la lumière de ce que j'ai dit jusqu'à présent et du fait que le pire est encore à venir, je me demande si je pourrais avoir deux minutes de plus pour terminer mes observations.
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Tous les faits que j'ai fournis figurent dans les rapports des Forces armées canadiennes. L'enquête de la police militaire en matière d'agression sexuelle était fondée. L'enquête sur l'abus de pouvoir était fondée. L'enquête sur l'atteinte à la vie privée était fondée. L'enquête interne sur les 14 années d'inconduite sexuelle de l'officier X contre de nombreuses victimes était fondée.
À ma connaissance, l'officier X et tous les membres de la chaîne de commandement sont toujours en service dans la Marine royale canadienne, et aucun d'entre eux n'a fait l'objet de mesures disciplinaires pour ses actes. En fait, le commandant en second a depuis été promu et il est actuellement commandant d'une division de la Réserve navale. Il est également personnellement responsable d'une violation fondée de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Il y a pire encore.
La plupart des membres, dans ce cas, sont des réservistes à temps partiel et occupent un emploi civil à temps plein dans vos collectivités, ce qui signifie qu'il y a aussi un risque pour les membres du public.
Comme je l'ai signalé directement au commodore Montgomery en avril et en mai 2023, le capitaine d'armes qui a menacé de porter des accusations contre moi et d'autres personnes est d'autorité policière dans le cadre de son emploi civil. L'ancien commandant qui a décidé que le « mentorat » était une punition appropriée pour une agression sexuelle et l'officier X, responsable de plus de 14 ans d'inconduite sexuelle, sont tous les deux employés à temps plein et ont un pouvoir de supervision direct sur des enfants.
En conclusion, je me suis beaucoup fié aux systèmes défaillants et inadéquats d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels pour me battre afin d'obtenir les renseignements essentiels que j'ai communiqués aujourd'hui. Après cinq ans et demi, le message est clair: les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale sont tout sauf transparents. Il n'y a pas de justice sans reddition de comptes, et il n'y a pas de reddition de comptes sans transparence.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être ici, messieurs.
Lieutenant de vaisseau White, je vous remercie d'être ici et de nous avoir raconté votre histoire. Merci de continuer à servir votre pays.
Monsieur Walbourne, Gary, je suis heureux de vous revoir. Nous avons eu de nombreuses conversations au cours des dernières années. Je ne peux pas croire que six ans se sont écoulés depuis que vous n'êtes plus ombudsman. Je suis heureux d'apprendre que vous profitez de votre retraite à l'Île-du-Prince-Édouard, sur votre ferme, où vous nettoyez les dégâts causés par Fiona.
Monsieur Walbourne, vous en avez parlé en partie dans votre déclaration liminaire de cinq minutes, et cela revient probablement sur une foule de choses que vous avez dites au Comité et à des personnes autour de la table dans le passé, mais, après réflexion, quels outils ou mesures de soutien vous auraient permis de mieux remplir vos fonctions en tant qu'ombudsman? Encore une fois, je sais que vous avez abordé certaines de ces questions individuellement, mais j'aimerais qu'elles figurent au compte rendu.
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Il y a deux types de restrictions qui touchent vraiment le Bureau de l'ombudsman. Le premier est le contrôle financier. L'autre est le contrôle des ressources humaines.
C'était ridicule. À un moment donné, j'ai voulu me déplacer en tant qu'ombudsman et j'ai dû obtenir l'autorisation de le faire. Il s'agissait de choses comme présenter ma demande et faire des calculs en utilisant quatre chiffres après la virgule. Le processus est devenu ardu au point qu'il était difficile d'accomplir quoi que ce soit.
Nous avons déjà voulu doter un poste et nous avons établi les caractéristiques et les atouts recherchés. Ensuite, quand nous avons envoyé le tout au ministère pour que l'avis soit affiché — parce qu'il en a le pouvoir —, celui‑ci a changé ce que nous avions mis dans l'avis. La description est devenue celle du type de personne qu'il recrutait et non du type que nous recrutions.
Le fait que ces choses soient toujours entre les mains de quelqu'un d'autre a vraiment empêché l'ombudsman de faire son travail.
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De grands pans du travail de l'ombudsman sont méconnus. Nous ne voyons pas tout.
Pendant mon mandat — j'ai été là pendant quatre ans et demi —, nous avons traité environ 10 000 cas, avec un taux de réussite de 100 % pour ce qui est d'amener ces gens là où ils voulaient être. Je pense que c'est l'essentiel de ce que fait un ombudsman au jour le jour.
Nous avons publié 14 rapports en 4 ans et demi. Une foule de recommandations ont été formulées. Je suis déçu, cependant. Elles n'ont pas toutes été mises en œuvre, mais on s'est penché sur la plupart d'entre elles.
Nous étions très fiers du maintien en poste des militaires. Un militaire ne serait pas libéré avant que toutes les prestations et tous les services soient en place à partir de toutes les sources. Je constate maintenant que cela commence à s'éroder. Nous recommençons à libérer les militaires avant de les préparer à la vie civile.
Je pense que nous avons fait de grands progrès pendant que j'étais là. Nous avons soulevé de très bons points au sujet de la Force de réserve. Nous avons rédigé plusieurs rapports inédits sur la Force de réserve, ce qui lui a donné accès à certaines prestations. Nous avons rencontré les Rangers dans le Nord. Ils se sont montrés réceptifs à quelque chose d'aussi simple que la publication d'un rapport dans leur langue. Je suis très fier du rapport de Valcartier et des avantages qui en ont découlé.
Je pense que nous avons accompli beaucoup de choses. Pour reprendre mes propos, je pense que ce que nous avons fait au quotidien a été un travail extraordinaire — le travail ingrat, comme je l'appelle, sur le terrain, quand nous étions sur les bases et que nous rencontrions les gens en personne et écoutions les veuves.
J'aimais sortir d'Ottawa. Je dois vous dire que j'aime encore cela. J'ai aimé parler aux gens. Les hommes et les femmes qui composent les Forces armées canadiennes sont des héros méconnus au quotidien. Ces gens se lèvent et font de leur mieux. Ils viennent travailler et font le travail que le Canada leur demande de faire. C'est là que se trouve la vérité, la vraie. Je pense que c'est là que nous avons fait beaucoup de progrès. Nous avons établi une grande confiance avec cette communauté et nous avons obtenu un certain engagement.
Je remercie les deux témoins de leur présence.
Ma première question va peut-être toucher les deux témoins, mais il est possible qu'ils n'aient pas la réponse. Je leur tends une perche.
Je crois avoir compris de ce qu'ont dit des collègues militaires que l'accès au dossier d'un militaire est extrêmement facile pour quiconque travaille au sein du ministère de la Défense nationale et a la cote de sécurité nécessaire.
Le problème, c'est que, lorsque quelqu'un accède au dossier d'un militaire, il n'y a ni trace indiquant qui y a accédé ni quelque note que ce soit. Cela fait que n'importe qui peut avoir accès à un dossier sans que la personne concernée le sache, contrairement à ce qui se passe, par exemple, dans le domaine de la santé. Quand quelqu'un accède à un dossier médical, cela laisse une marque et on le sait.
Êtes-vous au courant de cette situation?
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En ce qui a trait au grand nombre de cas et aux renseignements, je comprends la difficulté que vous soulignez.
Je peux vous dire qu'un cas en particulier concernait le dossier de grief et c'était exactement cela. Quand vous déposez un grief, l'une des premières choses que l'on fait, c'est vous remettre un formulaire de consentement qui donne au ministère la permission d'accéder à tout ce qui vous concerne. Ils ne vous disent pas forcément qui y a accès ni tout ce que le ministère envisage. Je comprends que les militaires peuvent présenter une nouvelle demande d'AIPRP, mais n'oubliez pas que chaque fois que je dis « AIPRP », cela signifie qu'il y a un délai. Les militaires peuvent accéder à leur dossier de grief pour voir ce qu'il contient. C'est censé être la totalité de ce qui est pris en compte. S'il manque quelque chose dans le dossier de grief, les militaires devraient pouvoir dire: « Non, j'ajoute des documents ».
Depuis le récent article paru dans le journal au sujet de l'officier X, je reçois des courriels anonymes de harcèlement de la part d'une personne qui prétend être associée au quartier général de la Défense nationale. J'ai demandé à ma chaîne de commandement de vérifier qui avait obtenu l'accès à mon courriel personnel, car c'est envoyé à mon courriel personnel. Cependant, on ne semble pas être en mesure de me dire qui a consulté mon dossier.
J'espère certainement qu'on sera en mesure de le faire. On s'attend à ce qu'un certain groupe de personnes aient accès à mon dossier, mais si quelqu'un — que je ne connais manifestement pas — qui n'a aucune raison d'y avoir accès l'a consulté, je dirais que la police militaire leur doit une visite.
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Le problème tient en partie au fait que les militaires peuvent profiter de leur retraite pour échapper à la justice. Je crois qu'il y a eu un cas à la Base des Forces canadiennes Halifax où un officier a fait l'objet d'une enquête en matière de harcèlement, a démissionné de l'armée et a commencé à travailler en tant que civil le lendemain, après quoi l'armée a baissé les bras et on a dit: « Eh bien, je suppose que l'affaire est close. Le militaire a été libéré. » Le fait d'avoir un accès qui nous permet de fouiller dans le dossier des gens qui ont pris leur retraite fait en sorte que nous ne sommes pas dans une situation où des décisions importantes sont prises, où les militaires peuvent être libérés et où leurs courriels ou autres documents sont détruits.
J'ai été très surpris d'apprendre que le système repose sur l'honneur. Si j'arrive avec une liste de cinq noms et que, dans le cadre du processus de demande, on s'adresse à ces cinq personnes et que l'une d'entre elles a pris sa retraite, on baisse les bras et on déclare: « Eh bien, le militaire est à la retraite. Nous ne pouvons pas obtenir son dossier. » Êtes-vous en train de me dire que le lendemain de leur départ à la retraite, nous n'avons plus de copie de secours et que personne n'est en mesure de dire: « Un instant. L'équipe des TI n'a pas supprimé son dossier. C'est prévu pour la semaine prochaine »?
S'il y a des documents qui méritent d'être conservés, les militaires devraient avoir l'obligation, avant leur libération, de veiller à ce qu'ils soient conservés correctement, ou nous avons besoin de systèmes de sauvegarde adéquats dans ce cas‑ci. Pour moi, quand je dis cela, je veux dire qu'il pourrait y avoir des courriels, des ébauches et de la correspondance, parce qu'honnêtement, on peut se fier à ce qui se trouve sur la page, mais les vraies décisions sont probablement cachées dans des courriels ou de la correspondance.
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Je tiens moi aussi à remercier les deux témoins de leur présence aujourd'hui.
Monsieur White, je tiens à souligner la force que vous apportez à cette étude et à tout ce que vous faites. Je vous en suis reconnaissante.
Monsieur Walbourne, votre vaste expérience est elle aussi très importante pour le Comité, et je vous suis reconnaissante d'être là aujourd'hui.
Monsieur White, vous avez souvent fait référence à l'article paru dans l' Ottawa Citizen sur l'officier X. Le rapport interne de l'équipe de gestion intégrée des plaintes et conflits a révélé, comme vous l'avez mentionné, que l'information et toutes les allégations avaient été regroupées. Pendant 14 ans, il y a eu de multiples allégations, mais malgré tout, aucune mesure n'a été prise. Ce n'est que lorsque toute cette information a fait l'objet d'une fuite dans les médias que nous avons été mis au courant.
Vous avez aussi parlé du lien entre la transparence et la reddition de comptes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus là‑dessus, ainsi que sur les recommandations que vous avez formulées précisément pour assurer la justice pour les survivants dans tout cela?
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Nous avons des codes d'éthique, et si vous ne traitez pas tout le monde avec dignité, vous pouvez être libéré.
J'ai eu de la difficulté à trouver le nom d'un seul haut gradé des forces armées qui a été tenu responsable de quoi que ce soit d'autre que de sa propre conduite. Autrement dit: est‑ce que quelqu'un a été relevé de ses fonctions de commandement pour les 2 000 agressions sexuelles qui ont eu lieu au cours de la dernière année ou de l'année précédente? Nous sommes toujours aux prises avec ces problèmes huit ans après l'opération HONOUR.
Comme je l'ai dit aux gens, quand on examine les faits, je ne crois pas que lorsque les problèmes qui ont pu se produire concernant le général Vance se sont produits, il a agi seul. Il y avait un groupe de personnes qui signaient peut-être des demandes de remboursement de frais de déplacement. Il y avait peut-être des gens qui étaient au courant.
Comme je l'ai dit, si vous voulez changer la culture, vous devez faire en sorte que les gens aient plus peur de mal agir que de bien agir. C'est la situation actuelle.
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La numérisation peut aider à accélérer certaines parties des demandes, et si vous êtes en mesure de numériser et de stocker des dossiers pour que les gens n'aient plus besoin de les fournir eux-mêmes...
Encore une fois, le processus est le suivant: vous faites une demande et elle est transmise au secrétaire général de l'équipe de l'AIPRP, qui établit à qui elle doit être transmise. La demande est expédiée, puis le détenteur des dossiers est censé faire des recherches dans ses courriels et fournir les mots clés de ses recherches. Je le sais parce que j'ai inclus mon nom dans l'une de mes propres demandes pour voir comment le processus se déroule. On vous demande quels mots clés vous avez utilisés. À titre d'exemple connu, si vous cherchez Mark Norman, mais que vous n'avez jamais utilisé son nom dans un courriel, les courriels de Mark Norman ou les courriels liés à Mark Norman ne seront pas mentionnés dans cette réponse.
Si le ministère fait le suivi des mots clés et des personnes qui sont invitées à répondre, ne serait‑il pas possible, comme solution à une partie du problème, de mettre ces renseignements à la disposition des demandeurs, afin qu'ils assurent leur propre degré de reddition de comptes et de surveillance? Tous les documents que j'ai demandés dans mon cas et dans les cas de problèmes connexes dont il a été question aujourd'hui ont été demandés à titre de contre-vérification. J'ai demandé une copie du rapport de police pour voir qui avait été interrogé comme témoin, et on n'a pas interrogé le commandant qui était présent à ce moment‑là. C'est un exemple de la façon dont vous devez demander ces documents afin de pouvoir tenir le système responsable. C'est la même chose que lorsque vous obtenez vos notes dans le cadre d'un devoir scolaire. Vous devriez peut-être vérifier les calculs de votre enseignant, car nous sommes humains et nous faisons des erreurs.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie également nos deux témoins de leur présence et de leur témoignage. Je sais que vous êtes tous les deux ici pour améliorer le système, et je vous en remercie.
Mes questions s'adressent à M. White.
Vous avez dit quelque chose que j'ai trouvé très intéressant. En fait, l'ensemble de votre témoignage m'a ouvert les yeux et m'a paru intéressant, mais malheureux. L'une des choses qui m'ont frappée dans ce que vous avez dit, c'est que, pour changer la culture, on doit faire en sorte que les gens « aient plus peur de mal agir que de bien agir ».
Je pense que l'une des principales raisons pour lesquelles on ne peut pas vraiment obtenir justice au sein des forces armées, c'est que les gens ont peur de se manifester et de se plaindre. Je sais que la situation s'est améliorée. Je pense que les plaintes ont augmenté parce que les gens ont entendu dire qu'il y aurait des changements. Y a‑t‑il réellement eu des changements? Pas encore, d'après ce que j'entends.
Je me demande si vous pouvez nous expliquer un peu plus en détail pourquoi les gens ont peur et à quelles conséquences une personne pourrait être exposée. C'est une idée nouvelle pour moi. Pourriez-vous nous en parler?
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Comme je l'ai dit devant le comité de l'éthique lorsque la question des représailles a été soulevée, les représailles peuvent être variées. Elles peuvent être nombreuses. Elles peuvent se présenter sous de nombreuses formes et être difficiles à détecter, bien souvent. Un pouvoir discrétionnaire, un pouvoir de commandement ou une possibilité de décider peuvent être à l'origine des abus de pouvoir. Comme je l'ai dit, nous sommes fondamentalement confrontés à un problème de reddition de comptes et d'abus de pouvoir.
Par exemple, si on se plaint de quelque chose, le commandement peut soudainement, pour un poste auquel on tenait vraiment et pour lequel on était peut-être le candidat le plus qualifié, aller dans une autre direction, puisqu'il s'agit d'une décision discrétionnaire. Il peut s'agir de courriels mettant en doute la crédibilité d'une personne. J'en ai fait l'expérience.
Le problème, c'est qu'il est censé y avoir une éthique militaire, un code d'éthique visant à couvrir de honte les gens qui s'en écartent et leur donner l'impression qu'ils font quelque chose de mal. Le problème réside dans la structure incitative des forces armées. Ainsi, si vous choisissez une carrière à vie dans les forces armées, vous risquez de ne pas être promu. Vous risquez d'être mis de côté. Vous ratez toutes sortes d'occasions, alors l'incitatif pourrait être que vous vous taisiez, que vous restiez discret et que vous fassiez ce que le chef veut jusqu'à ce que vous deveniez le chef. Vous pourrez alors peut-être faire avancer les choses.
Je pourrais répondre à cette question durant une heure, mais je vais m'arrêter là.
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En bref, la réponse est que nous devons passer d'un système de représailles à l'égard des dénonciateurs à un système de protections à l'égard des dénonciateurs.
Je tiens à souligner, à l'intention de ceux qui pourraient déplorer la manière dont j'ai communiqué certaines informations aujourd'hui, que cela fait cinq ans et demi que je me bats contre ce problème. J'aimerais savoir pourquoi, à n'importe quel moment au cours de ces cinq années et demie, cette question n'a pas pu être examinée par l'un des responsables du commandement au sein de la Marine royale canadienne.
Il s'agit en partie d'encourager les personnes qui se trouvent dans une situation similaire à se sentir en confiance et à croire que les problèmes seront examinés ou résolus. Elles pourraient être amenées à expliquer les choses. Je pense que l'un des grands problèmes, c'est que les militaires ne veulent pas parler. Nous avons réussi à couvrir cinq ans et demi de problèmes en 30 minutes jusqu'à présent. Pourquoi est‑ce que personne n'a pris la peine d'appeler des gens et de les inviter à discuter de ces questions, afin que tout le monde se mobilise, plutôt que de communiquer la décision et de s'en tenir là? C'est fondamentalement ce dont nous avons besoin pour que l'armée et la chaîne de commandement aient la chance de faire ce qui s'impose.
Lorsque les gens se sentiront exclus parce qu'ils ont mal agi, nous saurons que nous avons réussi.
La préoccupation qui n'a pas été soulevée lors de l'exposé des fonctionnaires sur les griefs, c'est... Je crois que c'est l'un des généraux qui a répondu en disant qu'il y a une approche globale voulant que si vous dépassez le délai pour déposer un grief, il peut, bien sûr, être accepté quand même, mais il s'agit d'une décision discrétionnaire. Il ne s'agit pas d'une décision obligatoire où, disons, si vous respectez cinq lignes directrices, votre grief sera accepté tardivement. S'il y a dans le système des acteurs malveillants qui abusent de leur autorité et qui ne veulent pas agir correctement, ou qui ne veulent pas entendre ou accueillir un grief, ils peuvent y mettre un terme.
C'est en partie pour cette raison que j'ai proposé l'idée d'avoir ces avis d'intention de déposer un grief et d'avoir des délais pour les griefs. La Réserve navale, en particulier, semble très stricte et, lorsque cela l'arrange, elle peut rejeter un grief en disant que le membre aurait pu faire ceci ou cela. L'objectif est d'essayer d'encourager les membres, presque comme une intervention à un stade précoce, de sorte que s'ils ont tout ce dont ils ont besoin, ils pourront déposer un grief.
Pour terminer, je dirai que le délai lié au grief commence au moment de la décision, car c'est ce qu'il faut contester — la décision. S'il faut six mois pour obtenir une réponse à la demande d'accès à l'information relative à la décision, je suis désolé, mais vous avez dépassé les 90 jours. Là encore, une autorité de première instance raisonnable pourrait examiner la situation, dire que le membre a fait valoir qu'il s'agissait d'une information essentielle pour déposer un grief, et ainsi l'autoriser. D'autres personnes pourraient dire que, selon elles, ce n'est pas pertinent et rejeter la demande parce qu'elles le peuvent, parce que c'est facile.
Je veux aussi souligner un dernier élément.
Il m'a semblé presque désinvolte d'entendre que l'autorité de dernière instance peut être la solution miracle lorsqu'elle ne dispose pas d'une période maximale pour examiner les demandes. Cependant, pourquoi disons-nous qu'il n'y a pas de mal à ce que la décision de l'autorité de première instance soit bâclée ou invalide? Cela revient à dire que nous allons vous laisser aller au tribunal, que le juge de première instance va tout bâcler, mais que vous ne devez pas vous inquiéter parce que vous pouvez faire appel. Vous avez refusé une première possibilité de révision, ce qui aurait également permis de résoudre le problème beaucoup plus rapidement. En quoi est‑ce un résultat acceptable?
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins. Vos témoignages étaient fantastiques.
Monsieur Walbourne, je travaille dans le secteur public depuis de nombreuses années. J'ai constaté que lorsqu'une organisation est confrontée à des problèmes, il faut parfois que quelqu'un comme vous mette en lumière un problème pour essayer de sensibiliser les gens et de créer une tension saine afin de mettre en œuvre le changement. Au fil des ans, j'ai constaté que lorsqu'il y a des réactions négatives, il faut parfois des changements de politiques, comme vous et M. White l'avez souligné aujourd'hui. Parfois, il faut effectuer des changements parmi les dirigeants qui ne veulent tout simplement pas adhérer au projet. Parfois, la situation dure depuis si longtemps qu'elle est ancrée dans l'organisation. Pour reprendre l'expression de Mme Mathyssen, il faut un « changement de culture » global.
Vous travaillez dans ce domaine depuis un certain nombre d'années. La plupart des gens vous considèrent comme un expert dans ce domaine. Lorsqu'on a mis en œuvre des changements de politiques et effectué des changements parmi les dirigeants, ou qu'on a fait les deux et toujours pas constaté de changement, que faut‑il faire ensuite?
Nous voyons ce changement de culture se produire dans d'autres domaines. L'industrie du divertissement est un excellent exemple. Dans le domaine du sport amateur au Canada, je pense que nous avons fait des progrès en encourageant les gens à faire des signalements.
Monsieur White, vous avez parlé des gens qu'on encourage à dénoncer et qui subissent des représailles lorsqu'ils tentent d'obtenir plus d'informations. Plus nous disposons d'informations lors d'une enquête, plus nous sommes en mesure de juger les personnes qui ont commis des actes répréhensibles.
Pouvez-vous nous parler de l'importance d'avoir un système en place qui permet aux gens de signaler de manière proactive les actes répréhensibles dont ils sont témoins et qui les encourage à le faire?
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Je pense que les fondements du système existent. Ce qui, selon moi, doit être corrigé, c'est le système humain. C'est la version humaine de ce système; il faut s'assurer que lorsqu'on fait un signalement à quelqu'un, cette personne est prête à s'en occuper.
Voici mon interprétation des obligations des officiers supérieurs. Si un subalterne venait me voir pour me signaler un acte répréhensible et qu'après l'avoir signalé à mon chef, je n'étais pas convaincu qu'il allait faire ce qui s'impose, j'aurais l'obligation — et non l'option ni la possibilité — d'aller plus loin.
Dans mon cas, je suis le militaire subalterne — la victime dans cette situation — et j'ai dû me battre à chaque étape. Je vous ai donné les noms de tous les commandants et officiers supérieurs qui sont au courant de cette affaire. Pourquoi ces personnes en sont-elles toujours responsables?
Ce qui manque cruellement dans ce système, c'est un champion interne ou des personnes qui ne seraient pas punies pour avoir dit: « En tout respect, je ne partage pas l'avis de mon supérieur; je dois aller parler à son supérieur. » Or, c'est considéré en soi comme de l'insubordination.
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Écoutez, je ne veux pas me répéter, mais permettez-moi de me répéter.
Il s'agit de gens qui sont placés en position d'autorité. Il y a des lignes directrices à propos de ce qu'ils sont censés faire. Ces lignes directrices sont bien rédigées. Lorsque je me suis joint à la fonction publique après une longue période dans le secteur privé — j'aurais dû y rester —, on m'a remis un gros cartable. Dans ce cartable, on me disait non seulement comment je devais me comporter, mais aussi comment je devais m'habiller et me présenter. Ce cartable contenait environ 200 pages sur la façon dont les cadres doivent se comporter.
Le contenu de ce cartable parlait d'éthique, de responsabilité, de compréhension de la loi et de l'importance de faire la bonne chose. C’était en quelque sorte un éthos, alors je me suis dit: « Quel environnement. Allons‑y. » Cependant, dans cet environnement, il est curieux de constater que plus les gens gravissent les échelons, plus l'air se raréfie — je suis sûr que c'est ce qui se produit — et le sang leur monte à la tête ou leur ego enfle.
Nous avons un système en place. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles est en vigueur si quelqu'un veut dénoncer quelque chose, mais nous constatons que ce système est bafoué. Nous avons le processus de demande d'accès à l'information qui est censé suivre un ordre logique, étape par étape, afin de divulguer l'information, mais les règles ne sont pas respectées. Les gens au sein du système contournent les règles.
Comment pouvons-nous changer cette culture? Je vais le redire encore une fois: nous devons commencer à récompenser les comportements appropriés et à punir les mauvais comportements. Pourquoi les gens qui ne font pas la bonne chose sont-ils promus? Certaines personnes osent faire preuve d'ouverture en disant: « Écoutez les gars, voilà ce qui ne va pas. Pouvons-nous obtenir de l'aide ici? » Malheureusement, ces gens se font écraser.
Il y a absolument une faille fondamentale dans le système, mais ce n'est pas en raison des politiques. Les politiques doivent être mises à jour, bien sûr, et vous devez en modifier quelques-unes, y ajouter quelques éléments et apporter quelques nuances et annotations. Toutefois, ce à quoi il faut s'attaquer, ce sont les mauvais comportements des personnes en poste.
J'ai lu la transcription du témoignage de M. Matthews. Le Comité lui a posé une question au sujet du modèle de l'ombudsman, et il a répondu qu'ils n'avaient aucun contrôle sur le bureau de l'ombudsman. Puis, dans la déclaration suivante, il a dit qu'ils envisageaient d'assouplir certaines mesures de contrôle. Ces deux déclarations ne tiennent pas la route. Comment est‑il possible d'assouplir les mesures de contrôle alors que vous n'avez aucun contrôle? C'est l'un ou l'autre.
On ne demande pas aux gens de rendre des comptes quand ils font des choses inappropriées et qu'ils utilisent et manipulent les règles et les règlements en vigueur de façon à satisfaire leurs besoins. Je pense qu'il faut commencer par cet aspect fondamental.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Walbourne, je vous remercie encore une fois pour votre dévouement au service des membres de nos Forces armées canadiennes et de leur famille.
Lieutenant, j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus.
J'aimerais que l'on s'attarde au projet de loi , la Loi sur la modernisation du système de justice militaire. Le gouvernement a proposé d'accroître l'indépendance des autorités du système de justice militaire, par exemple le grand prévôt, afin qu'ils ne soient pas influencés par la chaîne de commandement. J'aimerais connaître votre opinion sur l'importance de l'indépendance des autorités du système de justice militaire, mais aussi sur le rôle que la chaîne de commandement peut jouer dans le système à l'heure actuelle.
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Tout d'abord, je tiens à dire que je n'ai pas vraiment eu à faire affaire avec le système de justice militaire. Comme vous l'avez entendu, la police militaire a recommandé que le « mentorat » soit la réponse aux accusations. Je ne me suis pas encore rendu à l'étape du procès.
Dans ma pratique du droit des sociétés, nous nous occupons des questions d'obligations fiduciaires des administrateurs. Il y a des actionnaires qui peuvent nommer des administrateurs au conseil d'administration d'une société, mais les administrateurs, peu importe leur affiliation avec les actionnaires, doivent agir dans l'intérêt supérieur de la société. Le processus de nomination ne signifie pas nécessairement qu'une personne est en conflit d'intérêts si un code d'éthique très strict est en place et qu'il est appliqué. Un manquement aux obligations fiduciaires est un motif de poursuite devant un tribunal.
Un administrateur qui enfreint ces obligations peut être tenu personnellement responsable des violations individuelles. Cela signifie que si un administrateur agit de façon inappropriée, il peut être tenu responsable par d'autres actionnaires ou par d'autres parties qui ont subi un préjudice. Le même principe pourrait s'appliquer dans le cas qui nous concerne.
J'ai lu avec intérêt une évaluation du projet de loi faite par Rory Fowler — un nom bien connu, je crois —, un collègue de la profession qui a beaucoup plus d'expérience que moi. Pour reprendre son point de vue, je ne suis pas certain que le fait de modifier le processus de nomination réglera vraiment les problèmes liés à l'indépendance, alors que l'on pourrait plutôt confier des pouvoirs à quelqu'un avec le renforcement positif ou le renforcement négatif qui vient avec la responsabilité d'exposer clairement les problèmes éthiques. Autrement dit, disons que cette personne subit des pressions de la part du chef d'état-major de la défense pour agir de façon inappropriée. Si cette personne est assujettie à un mécanisme de reddition de comptes et à une obligation éthique de résister à ce genre de pression, elle pourrait avoir du soutien et il ne serait pas nécessaire de changer le processus de nomination.
Encore une fois, je précise que je n'ai pas vraiment eu à faire affaire avec cet aspect du système de justice militaire.
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À l'heure actuelle, le système de règlement des griefs empoisonne presque mon existence. C'est une source d'irritation et de frustration.
J'ai deux points à soulever. Premièrement, il faut tenir compte du point de vue des personnes les plus vulnérables. Sauf votre respect, ce n'est pas vraiment moi. Je suis avocat. J'ai une certaine connaissance du droit. Je ne suis pas dans la catégorie des personnes les plus vulnérables. La personne la plus vulnérable pourrait être le jeune de 16 ans qui obtient le consentement de ses parents pour s'enrôler. Ce jeune peut être une victime tellement affectée par un traumatisme d'agression sexuelle qu'il ne peut même pas mettre la main sur la poignée pour aller au travail ou il vomit chaque fois qu'il enfile son uniforme. Ce n'est qu'un exemple. Si vous visez à concevoir un système au sein duquel les personnes vulnérables puissent y être bien plutôt que de devoir être Rory Fowler ou Michel Drapeau pour y survivre, vous réussirez à avoir un système qui fonctionne pour tout le monde.
Dans sa forme actuelle, le système de règlement des griefs exige que des personnes comme moi, et je ne suis pas le seul, consacrent leur précieux temps, leur temps libre, à se battre contre un système rempli de gens payés et employés à temps plein pour défendre le système. C'est le défi que je dois relever. Je ne suis pas un spécialiste de la réglementation militaire ni du droit militaire, mais ces gens ont accès à toutes ces ressources. Ils ont également accès à des conseils juridiques sur tous les aspects en jeu. Ce n'est pas le cas des autres militaires. Ce qui m'irrite le plus, c'est quand les militaires de longue date qui n'ont jamais été touchés comme certains d'entre nous l'ont été disent avec désinvolture: « Si tu n'es pas content, dépose un grief », sachant très bien qu'ils n'ont jamais eu à passer par ce processus, ou peut-être qu'ils l'ont fait d'une moindre façon et qu'ils ont eu du succès.
Le dernier point sur lequel j'aimerais que le Comité réfléchisse, c'est que pour vraiment arriver à changer la culture et à résoudre ces problèmes, il faut examiner chaque aspect du système et comprendre comment tous les aspects interagissent les uns avec les autres. Cela comprend les distinctions honorifiques et les récompenses, les promotions, le processus de griefs et la police militaire — tous les aspects —, mais avec une vision d'ensemble sur l'effet qu'ils ont sur le genre de situation qui fait l'objet de votre étude.
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Vous pouvez être rassurée, je n'ai pas l'intention de poser ma candidature.
Des députés: Oh, oh!
M. Gary Walbourne: Toutefois, je pense qu'il est absolument essentiel qu'il y ait un concours. J'ai entendu des rumeurs, mais je suis sûr que les gens autour de cette table les ont entendues également, du moins en partie. Il y a un processus de réflexion à faire sur la façon de nommer un nouvel ombudsman. Je frémis à l'idée des conséquences à venir pour ce bureau.
Lorsqu'un ombudsman est nommé, laissez-moi vous dire — et nous savons tous comment cela fonctionne — qu'il y a une contrepartie. À un moment donné, le temps est venu pour quelqu'un de réclamer son dû. Je doute de l'indépendance du bureau, alors j'espère vraiment qu'au bout du compte, à défaut d'autre chose, quand l'on cherchera le prochain ombudsman, il y aura un concours ouvert. J'espère que ceux qui souhaitent poser leur candidature pourront le faire, et que la bonne personne sera choisie pour le poste, en fonction du mérite et des capacités.
Vous avez parlé de transparence. Je pense que la nomination d'un ombudsman va à l'encontre de tout ce que l'on entend par transparence.
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Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions ensemble.
Nous allons lever la séance, chers collègues, puis, après le vote, nous reviendrons en sous-comité pour nous occuper de certaines affaires.
Je tiens à vous remercier, messieurs White et Walbourne, d'avoir accepté de comparaître et d'être aussi francs et directs avec nous. Votre témoignage est utile, mais aussi extrêmement difficile.
Sur une note personnelle, je suis heureux de vous avoir revu, monsieur Walbourne. Je pense que la première fois que je vous ai rencontré, j'étais porte-parole du Parti libéral en matière de défense, en 2011.