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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 082 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 mai 2007

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Bonjour, membres du comité et témoins d'Ottawa et de Toronto.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, j'ouvre cette séance d'information sur l'évasion fiscale et les paradis fiscaux.
    Je vais donner la parole aux témoins dans l'ordre où ils figurent sur ma liste. On vous a dit à tous que vous avez un maximum de cinq minutes pour faire une déclaration liminaire. Je sais qu'il est difficile de traiter une question aussi complexe que celle-ci en cinq minutes mais vous comprendrez qu'il faut prévoir du temps pour une période de questions.
    Nous vous remercions de participer à ce processus.
    Nous allons commencer avec Nick Pantaleo, de Price Waterhouse Coopers. Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Bonjour, Monsieur le président.
    Je m'appelle Nick Pantaleo et je suis associé chez Price Waterhouse Coopers. Je suis spécialisé en fiscalité internationale depuis 20 ans que je travaille comme fiscaliste.
    Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser au comité au sujet de la proposition figurant dans le budget fédéral du 19 mars pour restreindre la déductibilité des intérêts.
    Cette proposition suscite beaucoup de controverses et a été largement critiquée dans les milieux d'affaires et de fiscalité canadiens. Le principal reproche est qu'elle rendra les entreprises canadiennes moins compétitives, pas seulement sur les marchés internationaux mais aussi au Canada.
    Pour les raisons que je vais exposer dans un instant, j'ai la ferme conviction que restreindre la déductibilité des intérêts est une proposition qui appelle une étude et une analyse plus approfondies.
    Dans le budget, le gouvernement a aussi proposé de mettre sur pied un comité consultatif d'experts qui sera chargé de recommander des mesures pour rehausser l'équité du régime fiscal international du Canada.
    Toute mesure visant à restreindre la déductibilité des intérêts devrait être prise en même temps que d'autres changements éventuels et ne devrait pas être sensiblement décalée par rapport aux mesures de nos partenaires commerciaux.
    Je ne crois pas que la mesure envisagée dans le budget devrait être appliquée. Elle devrait plutôt faire l'objet d'une analyse approfondie et d'un débat public dans le but d'éliminer l'incertitude à laquelle bon nombre d'entreprises canadiennes sont actuellement confrontées.
    L'une des caractéristiques importantes du régime canadien est qu'il autorise les contribuables à déduire les intérêts relatifs au financement de leurs investissements, y compris dans des filiales étrangères. Il ne s'agit pas là d'une échappatoire fiscale ni d'une mesure adoptée par hasard. Il s'agissait plutôt d'une décision prise délibérément il y a 35 ans et qui faisait partie intégrante du régime canadien d'imposition des revenus d'origine étrangère.
    L'objectif fondamental de ce régime est d'assurer un juste équilibre entre deux besoins fondamentaux : protéger l'assiette fiscale du Canada et assurer la compétitivité des entreprises canadiennes. Les règles autorisant la déduction fiscale des intérêts reliés aux investissements dans des filiales étrangères ont toujours été considérées comme un élément contribuant à cet objectif.
    En bref, le Canada accepte de payer un prix en octroyant la déductibilité des intérêts afin de rehausser la compétitivité des entreprises canadiennes et, par là-même, d'engranger les avantages économiques correspondants, mais il ne s'agit pas là d'un chèque en blanc
    À mon avis, quatre caractéristiques principales du régime canadien d'imposition des revenus d'origine étrangère sont pertinents dans le cadre de ce débat. La première est que le régime permet de reporter l'impôt canadien sur les revenus commerciaux étrangers gagnés par les filiales étrangères.
    La deuxième est que le Canada cède au pays étranger dans lequel les revenus commerciaux étrangers sont obtenus le pouvoir primaire de percevoir l'impôt. Lorsque que ces revenus sont distribués aux contribuables corporatifs canadiens, le Canada offre un crédit d'impôt étranger déductible de l'impôt sur le revenu canadien ou une exonération complète pour garantir que ces revenus ne seront pas imposés deux fois.
    En ce qui concerne la troisième caractéristique, l'exonération fiscale est actuellement accordée par le truchement des traités qu'a négociés le Canada mais elle ne dépend pas du degré d'imposition des revenus étrangers. Au lieu de cela, le Canada laisse au pays étranger le pouvoir de décider s'il veut exercer ce pouvoir fiscal et dans quelle mesure. Une autre proposition du budget garantirait que cette caractéristique s'appliquerait aussi aux pays ayant passé une entente satisfaisante d'échange d'informations fiscales avec le Canada.
    La dernière caractéristique du régime est que les revenus étrangers passifs ainsi que les revenus d'origine canadienne transférés outre-mer par le truchement de frais déductibles sont assujettis à l'impôt au Canada en mode courant avec octroi d'un crédit pour tout impôt étranger correspondant acquitté.
    Il est dit dans les documents du budget que la proposition de restriction des déductions d'intérêt est destinée à éviter une trop grande disparité entre les revenus et les dépenses. Autrement dit, le problème est que le système actuel accorde un crédit d'impôt étranger ou une exemption trop élevée par rapport au revenu étranger gagné par une filiale étrangère.
    Cette politique fiscale a reçu et continue de recevoir beaucoup d'attention de la part des pays étrangers soucieux de concevoir ou de revoir leur régime d'imposition des revenus d'origine étrangère de leurs propres filiales étrangères. Invariablement, ces pays tiennent à s'assurer que la restriction de la déductibilité des intérêts ne nuira pas à la compétitivité mondiale de leurs entreprises. À mon avis, la proposition du budget ne donne aucune assurance à ce chapitre. En particulier, elle abolit à toutes fins utiles le report de l'impôt sur les revenus commerciaux étrangers en réduisant la déduction des intérêts. Or, abolir ce droit de report irait à l'encontre de la démarche adoptée par la quasi-totalité des autres pays.
    Plusieurs autres pays ont envisagé ou envisagent d'accorder la déductibilité des intérêts dans le contexte plus général d'une réforme de leur imposition des revenus d'origine étrangère. Plusieurs semblent avoir abordé la déductibilité des intérêts dans un contexte global. Leur souci ne concerne pas seulement l'érosion éventuelle de leur assiette fiscale causée par les intérêts payés sur les emprunts destinés à investir à l'étranger mais aussi l'érosion de leur assiette fiscale causée par les investissements entrants de sociétés étrangères et, dans certains cas, par les investissements intérieurs de leurs propres entreprises.
(1115)
    Comme le montre l'expérience des pays étrangers, la nature et la portée d'une déduction fiscale offerte dans un régime d'imposition au titre des investissements, y compris des investissements étrangers, sont des questions complexes qu'il convient d'analyser attentivement dans le cadre des autres objectifs du régime. Étant donné son poids économique, le Canada ne peut se payer le luxe de trop s'écarter des normes internationales, en tout cas pas sans mettre en danger la compétitivité de ses entreprises.
    Par conséquent, la proposition formulée dans le budget appelle une analyse et une étude plus approfondies afin de tenir compte non seulement des facteurs qui étaient d'une importance et d'une pertinence cruciales lorsque le régime a été conçu il y a 35 ans mais aussi des facteurs et réalités économiques d'aujourd'hui. De fait, je crois que les documents du budget permettent de penser qu'une telle étude est nécessaire et sera effectuée.
    Merci de votre attention.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Je donne maintenant la parole à Robert Raizenne, de la firme Osler, Hoskin et Harcourt. Bienvenue à vous, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Je devrais commencer en disant que j'exerce et enseigne le droit fiscal corporatif et international depuis plus de 25 ans. J'ai donc passé beaucoup de temps à apprendre, étudier et exercer ce domaine particulier du droit.
    Si je me fonde sur la convocation que vous m'avez adressée, votre comité se penche sur deux questions précises : les paradis fiscaux et l'évasion fiscale.
    Commençons par nous demander ce qu'est un paradis fiscal. Je crois qu'il vaut la peine de consacrer une ou deux minutes à cette question. Généralement, quand on pense à paradis fiscal, on pense à un pays où l'impôt est faible, ce qui est donc d'abord une notion géographique. Ce n'est pas faux mais ce n'est pas tout. Dans le monde moderne, les paradis fiscaux ne sont pas nécessairement que des pays où l'impôt est faible, il peut s'agir aussi de pays où l'impôt est élevé mais où certaines caractéristiques du régime fiscal peuvent être utilisées de manière à produire des avantages fiscaux.
    Donc, quand on parle de paradis fiscal, il est très difficile dans le contexte moderne de se limiter à des pays particuliers. À certains égards, le Canada est aussi un paradis fiscal.
    Si l'on se penche sur toutes les caractéristiques des préférences fiscales qui font partie de notre régime, on constate que nous avons certains éléments très importants de faible fiscalité qui ont été intégrés de manière délibérée à notre régime fiscal. Ce ne sont pas des caractéristiques accidentelles ou non souhaitées de notre régime. Je parle ici de choses telles que les règles touchant les centres bancaires internationaux, nos règles très généreuses de R-D, nos règles d'amortissement accéléré et toutes sortes d'incitatifs régionaux. Toutes ces préférences, dans des contextes particuliers, font du Canada une sorte de paradis fiscal synthétique.
    Comme il s'agit là de caractéristiques importantes de notre régime fiscal, il faut examiner dans le même contexte les caractéristiques des 200 autres juridictions avec lesquelles nous avons des relations. Cela veut dire, à mon sens, que tout effort d'établissement de règles concernant les paradis fiscaux exige d'abord que l'on procède à un exercice très important de définition, ce qui est le thème fondamental de votre étude.
    La deuxième question est celle de l'évasion fiscale. Je pense qu'il est important de bien comprendre que nous avons aussi un régime fiscal extrêmement réglementé. Nous avons de très nombreuses règles qui s'empilent les unes sur les autres pour déterminer la manière dont on doit imposer les revenus étrangers gagnés dans des pays de faible imposition. Nous avons ce qu'on appelle les règles des filiales étrangères, qui sont foncièrement des règles régissant les activités canadiennes des sociétés multinationales. Nous avons les règles touchant les entités d'investissement étrangères, qui touchent les investisseurs individuels qui vont à l'étranger. Nous avons des règles sur les prix de transfert. Nous avons des règles de déclaration des revenus étrangers, assorties de pénalités très lourdes, qui obligent les contribuables à déclarer de manière continue ce qu'ils font à l'étranger. Il est important de rappeler que tous les contribuables canadiens, y compris les multinationales canadiennes, sont assujettis à cette panoplie de règles très compliquées.
    Comme l'a dit M. Adams mardi dernier, je pense, nous avons maintenant 86 traités fiscaux bilatéraux. Nous avons aussi 20 programmes de vérification de l'impôt multinational. Nous faisons donc beaucoup dans ce domaine.
    Passons maintenant au budget. Je rappelle que, la dernière fois que nous nous sommes penchés sur ces questions, le processus a duré 14 ans, de 1962 à 1976, avant de modifier le régime fiscal. Je partage l'opinion de Nick sur le fait que nous ne devrions certainement pas envisager d'apporter les changements importants qui sont prévus dans le budget de 2007 sans procéder à une analyse approfondie et attentive de ces mesures.
(1120)
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous continuons avec James Hines, du National Bureau of Economic Research. Bienvenue, monsieur Hines. Vous avez cinq minutes.
    Je m'appelle James Hines et je suis professeur collégial Richard A. Musgrave à l'université du Michigan.
    Il existe aujourd'hui environ 45 grands paradis fiscaux dans le monde. Les paradis fiscaux sont beaucoup utilisés par les investisseurs internationaux. En 1999, 59 p. 100 des multinationales américaines ayant des opérations importantes à l'étranger avaient des filiales dans un ou plusieurs paradis fiscaux.
    Les sociétés américaines témoignent de niveaux inhabituels d'activité et de production de revenus dans des paradis fiscaux étrangers. En 1999, 8,4 p. 100 des biens, des usines et de l'équipement détenus à l'étranger par des sociétés américaines se trouvaient dans des paradis fiscaux. De même, l'emploi à l'étranger par des sociétés américaines était concentré dans des paradis fiscaux étrangers car 6,1 p. 100 de la rémunération totale d'employés étrangers émanait de filiales de paradis fiscaux. Cette année-là, 15,7 p. 100 de l'actif brut étranger des sociétés américaines se trouvait dans les grands paradis fiscaux, et leurs filiales étrangères dans ces pays étaient à l'origine de 30 p. 100 du revenu total étranger. Évidemment, une bonne partie du revenu déclaré des paradis fiscaux représente des flux financiers d'autres filiales étrangères que les sociétés mères possèdent indirectement par le truchement de leurs filiales des paradis fiscaux.
    Certains pays à taux d'imposition élevés voient les paradis fiscaux d'un mauvais oeil car ils craignent que leur utilisation ne détourne une part de l'activité économique de leur territoire et ne réduise leur assiette fiscale.
    En contrepartie, les paradis fiscaux pourraient encourager l'investissement dans d'autres pays si la possibilité de relocaliser les revenus imposables dans les paradis fiscaux y rendait l'investissement plus souhaitable ou si leur faible taux d'imposition réduisait le coût des biens et services constituant des intrants dans la production ou la vente dans les pays à taux d'imposition élevés.
    En fait, les données recueillies par Mihir Desai et Fritz Foley de l'université Harvard et par moi-même indiquent que le recours aux paradis fiscaux étrangers semble stimuler l'activité dans les pays voisins de forte imposition. En effet, nous avons calculé qu'une probabilité additionnelle de 1 p. 100 de création d'une filiale dans un paradis fiscal débouche sur 0,75 p. 100 d'investissements et de ventes additionnels plus dans les pays voisins qui ne sont pas des paradis fiscaux.
    Les pays exportateurs de capital comme le Canada devraient-ils s'inquiéter d'une augmentation des investissements de leurs entreprises dans les paradis fiscaux? Non, ils ne le devraient pas : cette croissance reflète simplement l'accroissement de l'activité et de la sophistication financière de leurs multinationales. Le recours aux paradis fiscaux étrangers est en grande mesure destiné à éviter l'impôt étranger ou la nécessité de transactions financières coûteuses qu'il faudrait entreprendre pour éviter de déclencher des obligations fiscales. Aucun de ces facteurs ne devrait préoccuper les pays exportateurs de capital. Au contraire, le recours aux paradis fiscaux a probablement pour effet de stimuler les affaires au Canada.
    L'accès aux paradis fiscaux étrangers offre-t-il un avantage fiscal injuste aux investisseurs internationaux sophistiqués? À première vue, on pourrait le croire mais, après une analyse plus approfondie, on constate que la chose n'est pas aussi simple puisque les multinationales d'un pays se font concurrence entre elles et font concurrence aux firmes d'autres pays qui ont recours aux paradis fiscaux.
    Cette concurrence internationale a pour effet ultime d'abaisser jusqu'au seuil de rentabilité les rendements avant impôts des investissements dans les paradis fiscaux tout comme le marché des emprunts exonérés d'impôt abaisse les rendements et élimine en grande mesure les bienfaits de tels emprunts. De ce fait, ceux qui investissent dans les paradis fiscaux ne peuvent gagner des rendements supérieurs à la normale. Ce processus concurrentiel fait qu'il n'y a aucun avantage déloyal à investir dans des paradis fiscaux.
    Serait-il sage de limiter la déductibilité des dépenses intérieures, comme les intérêts, des entreprises ayant d'importants investissements à l'étranger? Il ne paraît certainement pas raisonnable à ce sujet de s'attaquer spécialement aux investissements dans les paradis fiscaux puisque leur recours fait partie du processus ordinaire d'investissement international. Certes, on pourrait limiter la déductibilité des intérêts de tous les investissements étrangers mais cela aurait pour effet pratique de détourner la propriété des biens en capital de leurs usages les plus productifs.
    Le problème est que les pays étrangers n'autorisent pas la déduction des dépenses d'intérêt que refusent les pays d'origine. En conséquence, interdire la déductibilité dans le pays d'origine des dépenses d'intérêts encourues pour effectuer des investissements à l'étranger découragerait l'investissement étranger par rapport à l'investissement intérieur et, partant, réduirait la productivité des entreprises au Canada.
    Le fait qu'une part croissante de l'investissement étranger canadien passe par des paradis fiscaux étrangers n'a rien à voir avec la déductibilité des intérêts et ce, pour deux raisons.
    Premièrement, ce phénomène provient en grande mesure des sociétés de portefeuille. La grande majorité de ce qu'on appelle les revenus des paradis fiscaux est gagnée et imposée dans des pays autres que des paradis fiscaux.
    Deuxièmement, le processus concurrentiel implique que même les revenus gagnés dans les paradis fiscaux sont implicitement imposés par la concurrence étrangère qui réduit les rendements avant impôts disponibles là-bas. Tant et aussi longtemps que le Canada impose les revenus étrangers purement passifs des biens financiers qui sont parqués dans des paradis fiscaux, il n'est pas nécessaire de limiter la déductibilité des intérêts dans le pays d'origine.
(1125)
    Lea transactions internationales sont un volet crucial de toute économie prospère dans le monde d'aujourd'hui. Réduire la déductibilité des intérêts pour investissements étrangers a l'effet regrettable de fausser les décisions d'investissement. En fin de compte, le coût d'imposition de lourdes pénalités fiscales sur l'investissement étranger est assumé par les travailleurs du pays d'origine sous forme de salaires moins élevés car l'économie de ce pays devient moins productive.
    Merci, monsieur Hines.
    Nous accueillons maintenant Roger Martin, de la Rotman School of Management, par vidéoconférence.
    Vous avez la parole, monsieur Martin.
    Je vais aborder la question sous un angle un peu différent de celui que j'avais prévu car il ne serait pas utile de répéter ce que vous ont déjà dit les brillants témoins qui m'ont précédé. Je suis d'accord avec messieurs Pantaleo, Raizenne et Hines.
    La première chose à faire est peut-être de se demander dans quel contexte j'encouragerais le comité à poursuivre son étude. Nous constatons depuis 25 ans une mondialisation massive des affaires qui amène beaucoup d'entreprises à opérer en dehors de leurs frontières d'origine, ce qui les expose à des régimes fiscaux parfois très différents. Comme on l'a dit, il y a aujourd'hui beaucoup plus de traités fiscaux qu'autrefois et toutes sortes de règles très compliquées.
    De ce fait, les possibilités d'arbitrage fiscal international augmentent de manière spectaculaire et les entreprises — ce qui est sage, comme l'a dit M. Hines — sont beaucoup plus compétentes dans ce domaine qu'elles ne l'étaient il y a 25 ans pour être aussi efficientes et efficaces que possible. Cela ne changera pas. En fait, ce phénomène ne peut que s'intensifier.
    La grande question pour le Canada est de savoir dans quelle mesure il incite ses entreprises à être plus agressives du point de vue de la planification fiscale internationale. Je pense que le fait que nous soyons un pays où l'imposition des entreprises est extrêmement élevée est la question fondamentale sur laquelle nous devrions nous pencher et que c'est la raison pour laquelle les entreprises sont actuellement très mécontentes de la mesure envisagée. Ce n'est pas que cette mesure soit foncièrement folle puisqu'elle vise à instaurer plus de neutralité dans le régime fiscal. Le problème est que toute augmentation de l'impôt au Canada, dont le régime est déjà très lourd, pénalisera nos entreprises et suscitera leur opposition.
    Je pense que nous ferons face à ce genre de défi chaque fois que nous essaierons de rendre le régime d'imposition des entreprises plus neutre tant que nous aurons, avec l'Allemagne et les États-Unis, les taux d'imposition effectifs marginaux des profits des entreprises les plus élevés au monde. Voilà la question sur laquelle le comité devrait se pencher, à mon avis, c'est-à-dire la nécessité de réduire considérablement nos taux d'imposition car, à l'heure actuelle, nous avons un régime qui décourage globalement l'investissement des entreprises. Le résultat est que les entreprises investissent moins au Canada en machinerie et en équipements qu'elles ne devraient le faire pour devenir plus productives. Voilà la grande question, qui compte beaucoup plus que la déductibilité des intérêts.
    Merci de votre attention.
(1130)
    Merci beaucoup, monsieur Martin.
    Nous allons conclure avec Finn Poschmann de l'institut C.D. Howe. Bienvenue, Finn.
     Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité à nouveau. Mon seul regret est de ne pas pouvoir être avec vous en personne.
    L'un des grands avantages de passer en dernier est que toutes les informations de base ont déjà été présentées, ce qui me permet d'attaquer directement le coeur même du sujet, la déductibilité des intérêts assumés pour investir dans les filiales étrangères. Vous avez présenté le sujet dans le contexte des paradis fiscaux mais le fond du problème est cette déductibilité.
     Je n'ai que quelques remarques simples à faire à ce sujet. La première est que le monde a beaucoup changé depuis que notre régime actuel de fiscalité internationale a été mis en place il y a 35 ans. Le grand changement est la taille et l'orientation des flux d'investissement. Autrefois, le Canada était fortement tributaire d'investissements provenant de l'étranger mais la situation est bien différente aujourd'hui. Des données publiées hier par Statistique Canada montrent que l'investissement canadien à l'étranger au cours des 10 dernières années a été supérieur à l'investissement étranger au Canada. C'est un gros changement.
    En même temps, les transactions sont devenues plus complexes. Les multinationales canalisent aujourd'hui plus fréquemment leurs investissements par le truchement de pays à faible imposition et emploient d'autres stratégies fiscales internationales avancées. C'est ce qui a fait naître dans le monde des préoccupations au sujet des menaces pesant sur les recettes fiscales nationales.
    Aujourd'hui, le ministre Flaherty perçoit cette menace au Canada, ce qui est compréhensible. Pour comprendre sa motivation, comparons le Canada à ses partenaires du G7.
    De manière générale, le Canada autorise le rapatriement en exonération d'impôt des dividendes de filiales étrangères, l'hypothèse étant qu'ils ont déjà été imposés dans le pays étranger qui est souvent un pays d'imposition plus faible. N'oublions pas qu'il y a une différence entre un pays de faible imposition et un paradis fiscal.
    Les dividendes qui ne sont pas exonérés sont généralement imposables au Canada, avec un crédit pour l'impôt effectivement acquitté dans le pays étranger. Telle est la situation générale dans les pays du G7. Ou le revenu d'origine étrangère est imposable avec un crédit, ou il est exonéré. Qu'en est-il de la situation inverse concernant la déductibilité des intérêts du point de vue de ces investissements et de ces filiales? C'est ici que le Canada se distingue probablement des autres pays en imposant des limites assez lâches, ce qui a amené beaucoup de multinationales à emprunter au Canada sans apporter d'activité économique correspondante — réduisant ainsi leur facture fiscale canadienne — et c'est ce qui a retenu l'attention du ministre.
    Le professeur Hines a présenté quelques arguments magnifiques sur la question de savoir si cette situation est inquiétante. Certes, elle inquiète manifestement le ministre puisqu'il a proposé une mesure à ce sujet. La question est de savoir ce qu'il faut faire et, quand j'ai dit que le Canada a des règles assez lâches sur la déductibilité des intérêts, cela ne voulait pas dire que les autres pays ont des règles nécessairement très rigoureuses. Il y a beaucoup de règles, beaucoup de règles très différentes, mais il y en a généralement dans tous les pays. La différence est qu'aucun pays du G7 n'impose l'interdiction pure et simple de la déductibilité des intérêts. En France, en Allemagne, en Italie ou au Japon, la déductibilité des intérêts est un facteur clé du ratio de la dette par rapport à l'actif ou aux capitaux propres, ou elle est limitée à un pourcentage des profits, mais elle n'est pas purement et simplement interdite.
    C'est évidemment ce qui préoccupe les entreprises canadiennes car la proposition du ministre est plus restrictive que ce qui prévaut chez nos principaux concurrents internationaux. En Allemagne, par exemple, une entreprise peut toujours effectuer ses investissements par le truchement des Pays-Bas quand elle achète des actifs aux États-Unis, ce qui lui permet d'obtenir des capitaux à un coût moins élevé qu'une concurrente canadienne souhaitant acquérir les mêmes actifs. Cela veut dire que les entreprises canadiennes auront absolument beaucoup plus de difficultés à élargir leurs activités sur les marchés mondiaux, qu'elles feront face un coût du capital plus élevé et qu'elles auront plus de mal à rehausser leur efficience par des gains d'échelle pour être plus productives sur leur marché intérieur.
    Mais ce n'est pas tout. Quand une entreprise canadienne investit dans une filiale étrangère par le truchement d'une entité d'outre-mer, elle engendre des flux commerciaux avec les pays étrangers qui attirent leurs autres investissements. Donc, plus d'affaires à ce chapitre débouche sur plus d'affaires au Canada. Autrement dit, le système financier international et le système fiscal qui l'accompagne contribuent à l'épanouissement de l'économie du Canada et pas seulement des autres pays.
    Tout ceci pour dire que le ministre a raison quand il affirme qu'il faut se pencher sur le système fiscal international. Il ne fait aucun doute que les décisions fiscales des entreprises sont finement accordées pour tirer parti des différences entre les régimes et taux d'imposition des différents pays. Il ne fait aucun doute qu'une partie de ce problème pour le Canada est reliée aux règles sur la déductibilité des intérêts. La question est de savoir si la proposition du budget est la bonne ou s'il y en a de meilleures, comme réduire les taux d'imposition ou affiner nos règles sur la déductibilité des intérêts. Voilà selon moi la question qui doit retenir notre attention.
    Merci.
(1135)
    Merci beaucoup, monsieur Poschmann. C'était un plaisir de vous écouter à nouveau.
    Nous allons maintenant entamer la période des questions avec M. McKay pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous de vos excellents exposés.
    Je suis surtout frappé par le témoignage de M. Raizenne qui dit que nous avons signé 86 traités fiscaux bilatéraux. Il a fallu 14 ans pour instaurer le régime fiscal que nous avons aujourd'hui. C'est un régime très compliqué avec beaucoup de règles. Toutefois, l'une des règles fondamentales, la mère de toutes les règles, c'est la règle générale de l'évitement fiscal.
    Nous avons donc ce régime très sophistiqué et compétitif et puis, du jour au lendemain, on lance une bombe dans le budget en annonçant qu'on va s'attaquer aux entreprises qui ont évité de payer leur juste part de l'impôt en ayant recours aux paradis fiscaux. S'attaquer est peut-être péjoratif mais évité de payer leur juste part ne l'est pas moins. La solution proposée est d'éliminer la déductibilité des intérêts encourus pour investir dans des activités commerciales à l'étranger.
    C'est là une manière très particulière de s'attaquer à ce que tous les témoins, si j'ai bien compris, voient comme un problème potentiel. J'ai surtout été frappé par le témoignage de M. Pantaleo qui dit que la moindre des choses avant de lancer cette bombe dans le système aurait dû être de tenir des consultations.
    Je m'adresse à tous les témoins. Si l'on pouvait faire marche arrière, que recommanderiez-vous au ministre? Comment devrait-il structurer un groupe d'étude et quel mandat devrait-t-il lui confier? Le groupe devrait-il faire une analyse économique des avantages et inconvénients, ainsi que des effets négatifs, comme l'a dit M. Poschmann, et de l'expansion des affaires et des autres avantages économiques évoqués par M. Hines?
    J'aimerais savoir qu'est-ce qui constituerait selon vous une analyse adéquate de ce soi-disant problème.
(1140)
    Je vais essayer de répondre en premier.
    Je pense qu'il aurait fallu faire comme on faisait autrefois, c'est-à-dire que le ministère des Finances aurait dû commencer par publier un livre blanc. Ensuite, on aurait mis sur pied un groupe d'étude qui aurait pris le temps d'examiner attentivement le problème. Cela n'aurait pas nécessairement pris très longtemps mais aurait permis au groupe de publier un rapport indiquant les mesures à prendre.
    Après cela, il y aurait eu un processus de consultation avec un débat public sur le pour et le contre des recommandations du groupe d'étude.
    Je veux ajouter une remarque concernant l'interaction entre la politique fiscale et la compétitivité. C'est une question très difficile car elle est très compliquée. Toutefois, je pense qu'elle mérite d'être examinée attentivement alors qu'elle est traitée de manière très superficielle et accessoire dans la documentation budgétaire.
    Pour l'information des participants par téléconférence, je laisse généralement les membres du comité gérer eux-mêmes leur période de questions. C'est donc M. McKay lui-même qui peut décider s'il veut demander à quelqu'un d'autre...
    Ce pourrait être M. Poschmann ou M. Martin. J'aimerais savoir ce qu'ils ont à dire à ce sujet.
    D'accord.
    Pour revenir sur ce que ce que disait M. Raizenne, si l'on demande à un groupe d'étude de se pencher sur le sujet, la question fondamentale devrait être de savoir comment instaurer au Canada un régime de fiscalité des entreprises qui soit internationalement compétitif. Celui que nous avons actuellement ne l'est pas, absolument pas. C'est l'un des régimes les moins attrayants au monde. Or, je pense que cette question est tellement cruciale pour la compétitivité qu'il faudrait l'envisager d'un point de vue général et non pas sous l'angle restreint de la déductibilité des intérêts.
    Ma question suivante s'adresse à tous les témoins. Quelles sont à votre avis les conséquences inattendues de la méthode retenue par le ministre, c'est-à-dire annoncer cette mesure de but en blanc dans le budget? Quelle a été la réaction des entreprises et des économistes?
    Monsieur Hines.
     Je suis d'accord avec M. Martin : sur le plan international, nous partons déjà d'un régime fiscal qui n'est pas terriblement compétitif. La mesure annoncée va dans le sens contraire que nous souhaitons tous, c'est-à-dire qu'elle le rendra encore moins compétitif.
    Qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie que le Canada sera un pays moins attrayant pour les multinationales. En outre, les firmes qui sont déjà présentes chez nous deviendront moins productives à longue échéance, ce qui débouchera sur des revenus nationaux moins élevés. Je vois mal quel pays voudrait s'engager dans cette voie.
    Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?
     Je peux ajouter qu'il y a aussi une conséquence immédiate de cette proposition : elle engendre une incertitude générale dans l'environnement actuel. Il y a actuellement certaines transactions qui dépendent de la possibilité de déduire les intérêts. De fait, un certain nombre d'investissements ont déjà été effectués en tenant pour acquis que les intérêts seraient déductibles. Dans ces cas-là, l'annonce a un effet profondément perturbateur. C'est là un problème immédiat pour les entreprises concernées.
    Avez-vous des informations précises à ce sujet ou est-ce le fruit de vos connaissances personnelles?
    Ce sont des choses que je sais personnellement. En fait, j'ai des clients qui ont dû arrêter des transactions qui étaient prévues pour le lendemain parce qu'ils ne savaient pas quels seraient les effets de la proposition du budget. Ça montre l'importance de cette chose sur leurs transactions.

[Français]

    Monsieur St-Cyr, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Manifestement, on va tous s'entendre pour dire que le sujet dont on discute aujourd'hui est assez complexe et ardu. J'imagine que c'est la raison pour laquelle on a perdu tous les étudiants qui assistaient au début de notre rencontre.
    J'aimerais départager les choses. On a beaucoup parlé de productivité et d'évasion fiscale et on a lié les deux, même si ce sont deux choses séparées. En effet, c'est bien évident qu'à partir du moment où on réduira les impôts des compagnies, quelles qu'elles soient, elles seront toujours plus productives. C'est une tout autre question. Le taux d'imposition des compagnies canadiennes affectera leur productivité. Cependant, il faut trouver un équilibre.
    Par contre, quand on parle de règles qui permettent aux entreprises d'échapper au taux d'imposition local, bien sûr, ça les rend plus compétitives, mais c'est seulement parce qu'elles ne se soumettent pas aux règles locales ou qu'elles trouvent des façons de contourner l'impôt. On a vu récemment, à ce comité, la question du double dip qui permet, en matière de déductibilité des revenus, à certaines entreprises de déduire deux fois, ou même plus, les mêmes intérêts des impôts qu'elles doivent payer.
    Premièrement, est-ce que vous trouvez cette situation normale? En ce concerne la déductibilité de base des intérêts, j'ai cru comprendre qu'à peu près tout le monde était en faveur, mais trouvez-vous cela normal? Trouvez-vous que c'est une bonne chose qu'on puisse faire du double, triple dipping et ainsi de suite? Si ce n'est pas normal, y a-t-il une façon de procéder qui nous permettrait de détecter ces cas et, éventuellement, de les interdire, de les empêcher et de les contrôler?
(1145)

[Traduction]

    Je vais à nouveau essayer de répondre en premier à cette question.
    Je crois qu'il importe de comprendre que la manière fondamentale dont fonctionne le système fiscal international est axée sur le principe de courtoisie qui veut que nous faisons ce que nous voulons chez nous et laissons les autres faire ce qu'ils veulent chez eux. Quand on mélange les notions d'évasion fiscale, d'évitement et de taux d'imposition, on passe à côté du facteur fondamental qui est que le pays souverain où les revenus sont gagnés a le droit d'avoir son propre régime fiscal et de fixer ses propres taux d'imposition.
    Supposons que le Canada décide de ramener son taux d'imposition des sociétés à 25 pour 100, disons. Comment réagirions-nous si un pays étranger nous disait : « Ce taux est trop bas, nous allons le relever »?

[Français]

    Je vous arrête parce que vous répondez un peu à mon introduction, qui était seulement une mise en contexte. Ce qui m'intéresse, c'est simplement de savoir si vous pensez que le pays devrait tolérer le double dipping.
    Deuxièmement, est-ce que c'est détectable? Si on voulait permettre la déductibilité mais empêcher qu'elle soit faite à deux ou trois reprises, aurait-on des moyens techniques pour détecter cela et, donc, l'interdire?

[Traduction]

    Je reviens à ma déclaration liminaire où je disais que nous avons adopté une très vaste réglementation pour déterminer si les revenus ont effectivement été gagnés dans un pays étranger. Le problème n'est donc pas que les entreprises transfèrent leurs revenus abusivement d'un pays à un autre. Nous avons des règles très complètes à ce sujet. Dans notre régime fiscal, si nous parlons d'entreprises actives plutôt que de revenus de placement, si nous parlons d'activités réelles, nous sommes portés à laisser chaque pays fixer son propre taux d'imposition.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Si vous me permettez d'ajouter un mot, j'ai dit dans ma déclaration liminaire que le régime d'imposition des revenus étrangers répond fondamentalement à deux objectifs. Le premier est de nous assurer que les entreprises canadiennes sont compétitives sur le marché mondial mais en veillant — à un coût raisonnable — de ne pas porter atteinte à l'assiette fiscale intérieure.
    Pour ce qui est de la double déductibilité, je pense que ce problème est relié au premier objectif. Autrement dit, permettre aux entreprises canadiennes d'être compétitives exige qu'on leur permette d'être sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes mondiales. Si elles peuvent effectuer les mêmes transactions que ces dernières, pour les raisons que Robert exposait, les priver de cet avantage irait à l'encontre d'un des objectifs du système en le faisant d'une manière qui, en soi, ne réduirait pas ou n'entamerait pas ce premier objectif : réduire l'assiette fiscale intérieure.
    Puis-je ajouter un mot, monsieur le président?
    Je vous en prie.
    Merci.
    Je veux simplement dire que, sur le plan pratique, nous ne pouvons tout simplement pas empêcher la double déduction par les multinationales étrangères. Nous pouvons empêcher une déduction contre les revenus gagnés au Canada au moyen de règles comme celle que propose le ministre. La question plus générale cependant, et elle ramène à votre préambule, est de savoir si c'est ce que nous voulons faire et si nous voulons le faire au moyen d'une règle de cette nature. L'idée de relever le coût du capital pour les firmes canadiennes ne me plaît pas du tout.
    Quand les firmes canadiennes se développent à l'étranger — je n'adhère pas au modèle du champion national —, il serait absurde pour notre économie de les handicaper sur le marché international.
(1150)

[Français]

    En réponse à la première partie de ma question, à savoir si vous croyez que ce serait une bonne chose d'empêcher le double dipping, j'ai pu comprendre que la majorité d'entre vous étiez contre cette idée.
    Quant à la deuxième partie de ma question, à savoir si c'est faisable, si je comprends bien, monsieur Poschmann, à votre avis, il n'y a pas de façon d'interdire cela. On n'a pas de prise, on n'a pas assez d'information pour interdire le double dipping.
    Vous ai-je bien compris?
    Merci beaucoup, monsieur St-Cyr. Malheureusement...

[Traduction]

    Il est exact qu'on ne peut pas interdire la double déductibilité. Ce qu'on peut faire, c'est interdire la déductibilité au Canada si nous y tenons.
    Merci, Finn.
    Malheureusement, votre temps de parole est écoulé, monsieur St-Cyr.
    Nous passons à M. Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Je veux d'abord faire quelques remarques. Tout d'abord, le gouvernement partage l'opinion de M. Martin et des autres témoins mais nous croyons que l'impôt sur les entreprises est trop élevé au Canada. Nous avons déjà indiqué que le gouvernement avance vers l'instauration des taux d'imposition des entreprises les plus bas du G7. Nous l'avons dit dans Avantage Canada. Nous ramenons le taux à 18,5 % d'ici à 2011. C'est un engagement du gouvernement. Il y a aussi un autre engagement de descendre à 17 p. 100.
    J'ajoute que le gouvernement — l'ARC en particulier — a clairement indiqué qu'il oeuvre en collaboration avec des pays comme l'Australie, les États-Unis, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne pour établir des règles sur les pays de faible imposition ou paradis fiscaux. Nous agissons donc dans le cadre d'un processus qui placera les pays du G7 et les autres pays de l'OCDE sur un pied d'égalité.
    Monsieur Poschmann, nous avons entendu plusieurs commentaires sur la double déductibilité. L'autre jour, l'ARC nous a présenté le cas d'une société canadienne — c'est une cause réelle qu'elle a perdue devant les tribunaux — qui a emprunté de l'argent dans un paradis fiscal. Elle a emprunté 200 millions de dollars à 10 p. 100 et a réclamé une déduction de 20 millions de dollars d'intérêts de ses impôts canadiens. Ensuite, elle a prêté cet argent à un autre paradis fiscal qui l'a reprêté à une filiale aux États-Unis. Les deux sociétés ont réclamé la même déduction d'intérêts de 20 millions de dollars dans les deux pays. L'ARC a perdu sa cause à ce sujet, ce qui indique que, dans le régime fiscal actuel, cette déduction était légitime même s'il n'y avait pas de dépense d'intérêt imposable par rapport au revenu canadien. Pensez-vous que ce soit légitime?
    Si je pense que c'est légitime? Ce qu'il faut se demander, c'est quels sont les coûts et avantages de cette manoeuvre. Il faut analyser tous les éléments de ce cas particulier. Le coût du point de vue de l'assiette fiscale canadienne n'est pas clair. C'est la même chose en ce qui concerne les avantages découlant des investissements effectués par le truchement d'entités intermédiaires ou de pays à faible imposition. C'est une chose à creuser.
    Ce que nous savons, par contre, c'est qu'une modification brutale du régime fiscal peut avoir un effet sur la compétitivité mondiale des entreprises, ce qui est problématique.
     D'accord.
    Ce que cela démontre, à mon sens, c'est que s'attaquer à ce que nous pourrions considérer comme un usage illégitime des paradis fiscaux ou des pays à faible imposition ne sera pas tâche facile. Il faudra plus de précision.
    Le ministre a dit que nous voulons particulièrement réprimer la double déductibilité, ce qui serait facile dans le cas que je viens de mentionner. C'est un exemple très simple pour déterminer le coût subi par l'économie canadienne. Si l'on part d'un taux d'imposition de 20 p. 100 et que la société a réclamé une dépense de 20 millions de dollars qu'elle n'a pas eu à assumer, le coût pour le Trésor canadien s'élève à 4 millions de dollars d'impôts non payés. Et la somme a aussi été déduite aux États-Unis.
    Je pense que les Canadiens auraient du mal à accepter ça. Cet exemple ne comportait aucune retombée économique pour le Canada. Tout ce qu'il montre, c'est une réduction de l'obligation globale d'acquitter l'impôt canadien.
    En fin de compte, ce que nous recherchons, c'est l'équité fiscale générale de façon à pouvoir abaisser le plus vite possible le taux d'imposition des sociétés car je suis sûr que vous conviendrez tous que, plus ce taux sera faible, moins les entreprises seront incitées à a voire au recours aux pays à faible imposition. En fait, à mesure que les taux d'imposition baisseront au Canada, il n'y aura quasiment plus aucune incitation à passer par les pays de faible imposition. Et je suis sûr que vous serez d'accord avec ça.
(1155)
    Certes, et je vous encourage à vous poser la question fondamentale — je suis sûr que M. Hines trouverait la bonne réponse s'il y consacrait sa grande puissance d'analyse — qui est celle-ci : pourquoi pensons-nous que percevoir un impôt sur le revenu des sociétés est une bonne idée?
    Les sociétés ne sont pas des objets inanimés, ce sont des entités juridiques. Ce sont des gens qui les possèdent et ce sont des gens qui en retirent des dividendes. Je ne saisis pas vraiment la logique voulant qu'imposer le revenu des sociétés soit bon pour une économie, quelle qu'elle soit. J'ai d'ailleurs la conviction que ça va disparaître petit à petit par l'effet de l'arbitrage fiscal international. La seule question qui vaille pour le Canada, à mon sens, est de savoir si nous voulons être le dernier pays à embarquer dans ce processus ou faire partie des premiers.
    Monsieur Martin, vous soulevez là une question dont la portée est sans doute un peu plus vaste que celle dont est saisi le comité, qui est d'examiner les paradis fiscaux et l'évasion fiscale au Canada.
    Je voudrais vous poser une très brève question sur l'éviscération de l'économie canadienne. Nous avons vu aujourd'hui des rapports de Statistique Canada indiquant que l'économie canadienne, loin d'être éviscérée est en fait en train de se renforcer. Il n'y a absolument pas d'éviscération de l'économie canadienne.
    J'aimerais savoir si vous avez un avis à ce sujet. En outre, il y avait hier dans le National Post une chronique dans laquelle Andrew Coyne affirmait qu'un dollar canadien à 0,90 $ est bénéfique au Canada et contribue à empêcher l'éviscération de notre économie.
    Les études que j'ai consacrées à ce sujet me font penser aussi qu'il n'y a pas d'éviscération mais plutôt un renforcement de l'économie canadienne et que nos entreprises à propriété canadienne et à siège social canadien se développent sur la scène internationale beaucoup plus rapidement qu'au rythme où nous en perdons.
    Cela ne veut pas dire que le fait que nos entreprises canadiennes soient rachetées par d'autres ne m'inquiète pas et c'est pour ça que nous devrions avoir des politiques garantissant qu'elles ont autant de chances que les autres d'investir pour s'améliorer et devenir compétitives.
    Je ne pense pas que les données témoignent d'une éviscération de l'économie canadienne et je suis donc d'accord avec Statistique Canada à ce sujet.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Nous continuons avec John McCallum, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins présents dans cette salle et ceux qui participent à la séance par vidéoconférence.
    Je me trompe peut-être mais je crois percevoir un degré inhabituellement élevé de consensus, si ce n'est l'unanimité, parmi ce groupe de témoins. Je vais essayer de le mettre à l'épreuve. Je n'ai que cinq minutes mais je vais exprimer trois opinions et vous demander si vous les partagez.
    Premièrement, pris au mot, le budget annonce l'élimination complète de la déductibilité des intérêts mais en précisant plus loin, considérant les incidences d'une telle mesure sur la compétitivité, que ce ne serait pas une bonne idée de la mettre immédiatement en oeuvre. Quelqu'un conteste-t-il mon interprétation?
    Qui ne dit mot consent.
    Deuxièmement, vous avez dit que ce serait une bonne idée de mettre sur pied un groupe de travail composé d'experts et d'économistes, et peut-être de gens d'affaires, pour étudier le régime fiscal international du Canada et formuler des recommandations tenant compte à la fois de la compétitivité et de la nécessité éventuelle de resserrer certaines dispositions qui pourraient avoir besoin de l'être.
    Est-ce une proposition raisonnable?
    Une voix : Oui.
    L'hon. John McCallum : D'accord.
    Ma troisième opinion va peut-être susciter quelques désaccords.
    Je ne suis pas fiscaliste mais j'en sais plus à ce sujet qu'il y a quelques mois car j'ai discuté avec des experts. Si l'on mettait sur pied un tel groupe de travail, j'ai le sentiment, surtout dans le cas de Finn Poschmann — cela coïncide également avec ce que j'ai entendu ailleurs — qu'il serait peut-être plus utile, pour réprimer les abus afin de protéger l'assiette fiscale, de s'attaquer au transfert de dette plutôt qu'à la double déductibilité. Je parle ici, comme le disait Finn, des filiales étrangères qui viennent au Canada emprunter des tonnes d'argent pour réduire leurs impôts et investissent cet argent dans d'autres pays, ce qui porte plus atteinte à notre assiette fiscale que la double déductibilité qui, comme au moins un ou deux d'entre vous l'avez dit, est tout autant une question de compétitivité.
    Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
(1200)
    Pour replacer ce phénomène dans son contexte, il faut dire qu'il est relié aux taux d'imposition. La raison pour laquelle les multinationales étrangères transfèrent leur dette au Canada est que nous avons un taux élevé d'imposition des sociétés. Elles peuvent donc économiser plus d'argent en parquant leurs frais d'intérêts, si je peux dire, au Canada que dans un autre pays ayant un taux d'imposition moins élevé.
    Je pense que nous convenons tous qu'il serait bon de réduire les taux d'imposition à moyen terme. Pour le moment, cependant, prenons-les tels qu'ils sont. Selon vous, ces taux constituent pour les filiales étrangères une puissante incitation à agir de cette manière. Cela pourrait entraîner une réduction non négligeable de l'assiette fiscale et c'est donc une question que devrait examiner un tel groupe de travail, peut-être même avant la double déductibilité.
    C'est bien ça?
    C'est mon avis, monsieur, et ça concorderait avec la décision d'autres pays de se pencher sur cette question.
    Est-ce également votre avis, Finn? Je crois que c'est ce que vous avez dit.
    Oui, John, ça correspond à ce que j'ai dit.
    Quelqu'un n'est-il pas d'accord avec moi?
    Eh bien, j'ai obtenu 3 sur 3.
    Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président. Merci.
    Merci.
    J'aimerais intervenir brièvement.
    Pour le moment, je pense qu'il y a un consensus sur le fait qu'une réduction des taux d'imposition réduirait quelque peu l'incitation à transférer l'argent outre-mer. Nous avons un consensus sur l'idée que payer des impôts nous rend moins compétitifs. En fin de compte, s'il n'y avait aucun impôt sur les sociétés, nous serions vraiment compétitifs.
    Cela étant, je me demande ce que devient la notion d'équité. Je comprends de mieux en mieux la situation, comme M. McCallum, grâce à ces discussions. Nous avons négocié des traités fiscaux avec plusieurs autres pays, comme l'a dit M. Hines, essentiellement pour éviter la double imposition. Le principal objectif de la négociation d'un traité fiscal avec un autre pays est de s'assurer... Comme vous l'avez dit, chaque pays détient le pouvoir souverain de percevoir l'impôt sur le revenu et nous acceptons que l'argent soit rapatrié en exonération d'impôt.
    Nous avons donc mis en place un système dans lequel les entreprises, qu'elles soient basées à l'étranger ou au Canada, peuvent réduire leur obligation fiscale au Canada, transférer de l'argent outre-mer, gagner de l'argent là-bas puis rapatrier les profits au Canada en étant exonérées d'impôt si certaines définitions sont satisfaites.
    Ai-je bien résumé la situation?
    Comme je n'entends aucune objection, je continue.
    Donc, nous signons un traité fiscal avec la Barbade qui a fixé un taux d'imposition comparable mais, ensuite, elle le modifie, ce qui permet de créer une société barbadienne et de payer 1 p. 100 d'impôt. Nous ne changeons rien au traité et nous constatons une augmentation de 4 000 p. 100 des dollars canadiens transférés à la Barbade où l'on paye 1 p. 100 d'impôt ou peut-être, dans certains cas extrêmes, 2 p. 100. Ces mêmes sociétés peuvent ensuite rapatrier l'argent au Canada après avoir déduit et réduit leur impôt canadien et, au fond, ne plus payer aucun impôt. Et aucun d'entre vous n'y voit de problème.
    J'aimerais avoir une discussion un peu plus poussée sur les paradis fiscaux. Je parle des paradis fiscaux définis par l'OCDE, comme la Barbade et Chypre, qui sont les principaux pays ayant attiré des capitaux canadiens. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Qui veut commencer?
    Monsieur Raizenne.
    Je vous répondrai en prenant votre très bonne question et en poursuivant votre raisonnement. À mon avis, il n'est pas vrai que la Barbade soit un paradis fiscal comme on l'entend généralement. C'est un pays d'imposition élevée. Toutefois, certaines caractéristiques de son régime fiscal permettent, dans certaines circonstances, de réduire l'impôt, tout comme au Canada, pays d'imposition élevée, de nombreux éléments permettent de réduire l'impôt ou de ne pas en payer du tout dans certaines circonstances.
    Je ne conteste pas, monsieur, qu'il y ait différentes dispositions pour réduire l'impôt dans différents pays mais je crois que les chiffres de Statistique Canada sont incontestables. On a constaté une augmentation étonnamment forte des transferts d'argent vers la Barbade. Bien que ce soit un pays ensoleillé attrayant, c'est un pays avec une population inférieure à la moitié de celle d'Ottawa qui n'attire pas tout cet argent pour d'autres raisons que son taux d'imposition très faible, n'est-ce pas?
(1205)
    Oui.
    Monsieur Hines.
    Je conviens certainement que c'est pour cette raison que l'argent s'en va à la Barbade, et c'est le même processus avec les entreprises américaines, je me permets de l'ajouter. C'est le même phénomène — ce qui n'est pas étonnant car les économies sont très similaires.
    Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que le revenu gagné quand un investisseur envoie de l'argent à la Barbade ou à Chypre n'est pas gagné à la Barbade ou à Chypre. Il n'y a quasiment pas d'usines ni d'employés dans ces pays — ou très peu. Essentiellement, ce sont des intermédiaires par lesquels passe de l'argent qui est investi en Europe, en Amérique du Sud ou ailleurs. Et cet argent est imposé dans ces destinations. Tout dépend du pays d'investissement. Si vous vous arrêtez au pays où l'argent est envoyé quand il part du Canada, vous ne voyez qu'une partie du phénomène.
    Les chiffres de Statistique Canada que vous avez mentionnés ne concernent que le premier pays où va l'argent sortant du Canada avant d'être transféré ailleurs. C'est comme si vous disiez que l'argent que je mets dans mon compte bancaire reste dans ma succursale. Ce n'est évidemment pas le cas car ma banque le prête ensuite à quelqu'un d'autre.
    J'entends bien, monsieur Hines. Donc, l'argent va à la Barbade mais il part ensuite vers un autre pays qui l'impose un certain taux. Toutefois, l'argent retourne ensuite dans ce pays et les dépenses ou les frais d'intérêt sont également déduits dans ce pays — c'est la double déductibilité, n'est-ce pas? Donc, l'argent va dans un autre pays. Il est emprunté par une société, ce qui réduit son obligation fiscale à zéro ou presque, et elle recycle ensuite l'argent.
    Je ne conteste pas que le recyclage de l'argent crée de l'emploi et de la richesse. Ce que je vous demande, c'est si nous devrions rester passifs comme cela a été le cas pendant de nombreuses années sous différents leaderships politiques et accepter des traités fiscaux avec des pays qui ne perçoivent quasiment pas d'impôts alors que l'objectif de ces traités était uniquement d'éviter la double imposition. Nous éliminons l'impôt quand nous passons des traités fiscaux avec des pays où l'impôt est quasiment nul, n'est-ce pas?
    Mais le fait que les sociétés canadiennes ou américaines ne payent pas beaucoup d'impôt à l'étranger n'est pas mauvais pour le Canada ou pour les États-Unis. C'est mieux pour nous car cela vous fait économiser de l'argent par rapport à l'alternative.
    Bien sûr, cela fait économiser de l'argent à ceux qui n'ont pas à payer quand ils déduisent l'argent, les frais d'intérêt, et qu'ils n'ont pas à payer d'impôt sur les profits réalisés ailleurs. Je comprends ça. Mais je comprends aussi qu'il y a beaucoup de commerçants, d'agriculteurs ou d'enseignants canadiens qui seraient plus compétitifs s'ils ne payaient pas d'impôt non plus.
    Voici où je veux en venir : pensez-vous qu'il soit équitable de continuer à respecter un traité fiscal dont on a changé les dispositions? Quand nous avons signé un traité fiscal avec la Barbade, comme l'a dit justement M. Raizenne, c'était avec un pays dont le régime fiscal était généralement acceptable selon les normes canadiennes. Maintenant, ce que sous-entend votre affirmation précédente, c'est que nous devrions laisser ce pays modifier son régime fiscal à sa guise alors que nous n'avons pas modifié le traité fiscal après qu'il ait ramené son taux d'imposition des sociétés à 1 p. 100 ou 2 p. 100 et que celles-ci y déménagent en masse.
    Cette attitude de laisser-faire n'est-elle pas une forme de négligence et ne s'agit-il pas en fait d'une forme de course vers le fond du point de vue de la réduction des capacités de production de recettes qu'elle engendre?
    Nous n'avons aucune preuve qu'il y ait une réduction des capacités de recettes en Amérique du Nord ou dans le reste du monde à cause de ça.
    Deuxièmement, permettez-moi de dire que lutter contre ça ne fera que vous appauvrir.
     Peut-être bien mais ce n'est pas l'opinion exprimée par le vérificateur général dans ses nombreux rapports. Ce n'est pas non plus l'opinion exprimée par M. Mintz dans son rapport de 1996 au gouvernement précédent.
    Quoi qu'il en soit, je vois que les membres du comité ont encore des questions à poser.
     Monsieur Carrier, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mon collègue.
    Étant donné que je ne suis pas un membre permanent du comité, je voulais souligner que j'apprécie le seul document qu'on a reçu dans les deux langues officielles. Cela m'aide à lire plus attentivement les commentaires. Il s'agit du document de l'Institut C.D. Howe; je vous remercie, monsieur Poschmann.
    J'ai une question générale qui peut s'adresser à vous tous, messieurs. Je voulais savoir où vous situez le régime fiscal du Canada sur le plan de la compétitivité, sujet qui fait l'objet de la discussion d'aujourd'hui. Quels sont les pays qui, selon vous, ont un régime fiscal plus attrayant pour les investisseurs? Je vous pose cette question dans le but de situer le Canada par rapport à certains pays. Quel rang donnez-vous au Canada? Devrait-il s'améliorer sur le plan de la compétitivité de son régime fiscal, ou sommes-nous dans la bonne moyenne?
    Je laisse la parole à ceux qui voudraient répondre.
(1210)

[Traduction]

    Je vais commencer, cette fois.
    J'estime que le régime du Canada est relativement favorable, plus en tout cas que beaucoup d'autres. À bien des égards, notamment du fait de son exonération des revenus commerciaux étrangers et des garanties qu'il contient pour protéger l'assiette fiscale, c'est un régime dont plusieurs autres pays veulent s'inspirer. Ainsi, des pays comme la Nouvelle-Zélande et, plus récemment, le Royaume-Uni, ont dit envisager d'évoluer vers un régime d'exonération ressemblant à bien des égards à celui du Canada.
    Des études effectuées pour voir quel serait le pays le plus favorable pour une entreprise à l'égard de différents types de transactions internationales ont montré que le Canada se classe très bien par rapport aux États-Unis et à certains pays européens. Il est difficile de répondre dans l'absolu mais, dans l'ensemble, je dirais que le régime du Canada est très favorable.

[Français]

    Votre avis est-il partagé par vos collègues?

[Traduction]

    Comme quelqu'un se plaignait tout à l'heure d'un excès d'unanimité, permettez-moi d'exprimer mon désaccord. Du point de vue de sa structure fiscale générale, le Canada possède l'une des structures fiscales les moins attrayantes et les moins intelligemment conçues du monde industrialisé.
    Au fond, ce que nous avons décidé de faire, c'est de fixer l'impôt en dessous de la moyenne de l'OCDE. Nous ne sommes donc pas un pays d'imposition élevée mais nous avons décidé de frapper les choses que nous voulons le plus d'un impôt très lourd et celles que nous voulons le moins d'un impôt léger, ce que je ne pense pas être une bonne idée.
    Ainsi, nous avons choisi d'imposer très lourdement l'investissement des entreprises, chose que nous voudrions pourtant accroître pour créer plus d'emplois mieux rémunérés. Des pays comme la Suède, le Danemark et, chose intéressante, les pays plus socialistes ont compris que ce qu'il faut essayer de faire, c'est rendre les entreprises le plus productives possibles et percevoir des impôts sur les employés bien rémunérés de ces entreprises et sur leurs investisseurs.
    Au Canada, nous avons complètement faux et la seule chose qui nous sauve est que le régime des États-Unis est aussi peu attrayant que le nôtre. Certes, ils font tout à un niveau moins élevé mais le jour où ils se réveilleront et abaisseront leur imposition des investissements des entreprises, le Canada sera en grande difficulté. Je pense que nous sommes vulnérables parce que nous avons décidé de fixer à un niveau tellement élevé l'impôt sur les investissements des entreprises, ce qui rend notre régime peu attrayant.

[Français]

    Il vous reste un petit moment, monsieur St-Cyr.
    Vous avez fait beaucoup de demandes. Si on avait le choix entre réduire les impôts des corporations ou maintenir l'accès aux paradis fiscaux ou aux juridictions ayant un bas niveau de taxation, que préféreriez-vous?

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr que ces éléments s'excluent mutuellement. Personne ici ne recommande l'utilisation de l'assiette fiscale...

[Français]

    Je vous demande ce que vous feriez si vous aviez le choix. Nous devrons faire des choix, comme parlementaires; le gouvernement aussi. Si on n'a pas le choix...

[Traduction]

    Merci.
    II est clair que la décision ne sera pas prise aujourd'hui.
    Nous passons à M. Dykstra.
    Je veux poser une question à M. Martin. Je voudrais poursuivre votre raisonnement et éclaircir la nécessité de nous attaquer directement au taux d'imposition des sociétés. Ce sont des choses que nous avons entendues lors des consultations prébudgétaires. La chose importante est-elle de se pencher sur ce que nous devrions faire pour l'abaisser?
    Oui, et en particulier de l'incidence de l'impôt sur la propension des sociétés canadiennes à investir en machinerie, en équipement, en matériel, en logiciel, en innovation, etc. Notre taux élevé d'imposition des sociétés n'est pas bénéfique à cet égard.
(1215)
    Prenons un autre exemple, et M. Poschmann pourra peut-être répondre aussi. Il s'agit de toute cette question d'équité. Je crois comprendre que vous affirmez tous que plus les taux d'imposition des sociétés sont faibles, mieux ça vaut, surtout en ce qui concerne ceux qui ont une incidence nette sur l'économie ou au moins sur l'investissement au Canada. Vous ne trouverez personne ici disant le contraire.
    Là où il y a un problème, c'est au sujet de l'équité fiscale et j'aimerais connaître votre avis. Vous parlez des sociétés en disant qu'il faut les autoriser à avoir un faible taux d'imposition pour qu'elles puissent rajeunir et réinvestir. Mon problème concerne l'équité. Combien les particuliers devraient-ils payer pour pouvoir fournir les services que nous attendons tous dans notre pays? De plus, où trace-t-on la ligne en ce qui concerne les sociétés et les entreprises? Bien que vous disiez, monsieur Martin, que ce ne sont pas des spécimens de vie physique, ce sont des entités. En fait, les gens qui les possèdent, ou ceux d'entre nous qui en sommes actionnaires, ont la responsabilité directe d'assumer une part équitable de l'impôt.
    Je suis d'accord avec vous sur la dernière partie. Je pense seulement que c'est une structure logique très fracturée de demander si c'est équitable entre des personnes et des objets inanimés. On a cette idée que... Je ne sais pas, c'est une sorte de résidu de la pensée post-marxiste qui fait croire que les entreprises sont des êtres très riches, ce qui sous-entend qu'elles sont animées.
    Non, non, ce n'est pas...
    Ce qui m'intéresse, c'est que les gens qui possèdent les entreprises paient leur juste part de l'impôt, absolument — les gens qui touchent les dividendes et qui possèdent les entreprises. Vous pouvez atteindre l'équité absolue de cette manière en imposant cet intermédiaire.
    Je comprends ce que vous dites, monsieur Martin. Nous n'avons pas à nous lancer dans un débat... Ça peut faire rire autour de cette table quand on dit que les sociétés sont des objets inanimés et que les individus sont des personnes mais, en dernière analyse, ce sont des personnes qui possèdent les entreprises et des personnes qui signent les chèques pour transférer l'argent de l'impôt.
    Peut-être pourriez-vous aussi répondre à cela, M. Poschmann? Le fait est qu'il faut assurer un équilibre et assurer l'équité pour que les particuliers ne soient pas surchargés d'impôt. Je pense que vous y avez fait allusion dans votre déclaration liminaire.
    Merci.
    Je ne dis pas le contraire. Ce qui m'importe, cependant, c'est la prudence. Nous parlons d'une mesure fiscale précise qui, selon certains axes de justice et d'équité, est parfaitement cohérente. Selon d'autres axes de justice et d'équité, elle n'est pas nécessairement très cohérente. On ne peut pas tout faire en même temps. C'est tout simplement impossible dans le système fiscal international. On peut pas atteindre tous les objectifs en même temps.
    Toutefois, et c'est ici qu'il faut faire preuve de prudence, pensez-vous vraiment que la mesure proposée produira à longue échéance une augmentation nette des recettes de l'État? Produira-t-elle une hausse de l'activité économique au Canada? Produira-t-elle vraiment plus de recettes pour l'État à long terme? Je n'en suis pas sûr et c'est pourquoi j'en recommande une analyse approfondie.
    Merci.
    Merci, monsieur Poschmann.
    Nous continuons avec Massimo Pacetti.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence. Il fallait une équipe comme celle-là pour rendre une question complexe encore plus complexe et je vais maintenant essayer de rendre ça un peu plus facile.
    Si nous pouvions nous en tenir à la motion concernant les paradis fiscaux et l'évasion fiscale et la manière de régler cette question de déductibilité des intérêts, je pense qu'il y a une solution facile. Nous en avons une au Québec où les gens peuvent déduire les frais d'intérêts s'ils n'ont pas de revenus d'intérêts correspondants. Cela ne serait-il pas la solution pour la déductibilité des intérêts — je pense que vous y avez fait allusion, monsieur Poschmann — si c'est par rapport aux revenus canadiens? Est-ce que ce ne serait pas une solution simple au problème?
    Ce serait peut-être simple mais ce serait particulièrement malvenu dans la mesure où l'idée de restreindre les frais d'intérêt, comme on dit, avait d'abord été proposée dans le budget fédéral de 1981, je crois. Je ne pense pas que quiconque ait indiqué que ce serait une règle adéquate dans le contexte des entreprises. Nous n'avons pas ce principe voulant que cela dépend du fait que les sociétés canadiennes investissent au Canada ou qu'elles investissent outre-mer, la théorie étant que les frais d'intérêt sont un coût réel et immédiat.
(1220)
    Ils sont réels et on peut les suivre. On peut voir où l'argent est investi. Pourquoi ne pourrait-on pas voir d'où vient l'argent? Ce serait logique.
    Nous n'avons jamais essayé de faire ça parce que c'est tout simplement trop incertain et que nous voulons utiliser les frais d'intérêt comme un incitatif.
    Permettez-moi de poser une question à M. Pantaleo parce que notre temps est limité.
    Vous êtes comptable, monsieur Pantaleo. Pourrions-nous facilement suivre les revenus d'intérêts et les frais d'intérêts?
    Dans une grande entreprise, ce ne serait pas facile du tout. Les fonds sont versés dans les mêmes comptes, sont consacrés à des usages différents et ont des origines différentes. Vous et moi pourrions trouver facilement l'origine de nos revenus mais, dans une entreprise où les points d'entrée et de sortie des liquidités sont très nombreux, ce serait très difficile à faire avec exactitude et je ne vois pas pourquoi on devrait le faire.
    Revenu Canada le fait pour les gens qui ont des investissements. On ne peut pas ré-hypothéquer un immeuble de placement et utiliser l'argent à des fins personnelles. Donc, la logique... Pourquoi les entreprises devraient-elles en être dispensées alors que les particuliers sont obligés d'en rendre compte à l'ARC? C'est même probablement plus difficile pour les particuliers qui n'ont pas de livres comptables, pas de directeur des finances ni même de simple comptable à leur disposition. Je regrette, ce que vous dites n'est pas logique. Je pense que ce serait une solution.
    Je ne veux pas passer trop de temps là-dessus mais j'aimerais demander à vous-même et à M. Raizenne quelles sont les structures fiscales, quelle est la planification fiscale, quelles sont certaines des structures qui sont actuellement mises en place dans vos entreprises d'un point de vue comptable et du point de vue des cabinets de droit? Quand une entreprise vient vous voir pour obtenir des conseils d'ordre fiscal, lui recommandez-vous d'aller investir dans des paradis fiscaux ou penchez-vous plus vers des pays comme la Barbade qui sont des pays de faible imposition, ou peut-être l'Irlande? Quelle est la tendance à ce sujet?
    La première chose dont il faut se souvenir, monsieur, c'est que les entreprises cherchent le lieu ultime où investir leur argent pour être le plus productives et créer le plus de valeur pour elles-mêmes et leurs actionnaires. Personne ne pense d'abord à la Barbade ou à certains autres pays de même nature. C'est une manière d'atteindre votre objectif ultime et, comme conseillers fiscaux, nous sommes évidemment tenus de conseiller à nos clients la structure fiscale la plus efficiente, et c'est ce qu'ils nous demandent...
    Comme mon temps est limité, je le répète, ce n'est peut-être pas la première chose qui vient à l'esprit mais, évidemment, c'est au fruit qu'on juge l'arbre. Nous avons vu les chiffres augmenter. C'est peut-être la deuxième ou la troisième solution. Quand elles choisissent les lieux où investir, vont-elles choisir un pays comme la Barbade, qui a un traité fiscal avec le Canada, ou un autre paradis fiscal? Prenons l'exemple des Bahamas qui n'ont pas de traité fiscal avec le Canada.
     En règle générale, elles choisiront un pays qui a passé un traité fiscal avec le Canada.
    Est-ce bénéfique pour le Canada, considérant les caractéristiques de notre régime fiscal?
    À l'heure actuelle, et ceci nous ramène à ce que disait le président il y a un instant, un autre effet des traités fiscaux est qu'ils permettent au Canada de savoir où vont les contribuables. Ils répondent aussi à d'autres objectifs, comme échanger des informations ce qui, dans l'environnement d'aujourd'hui, est aussi important...
     Font-elles ça parce qu'elles ne veulent pas que leurs informations soient vérifiées avec ces pays ayant signé des traités fiscaux ou travaillent-elles avec ces pays?
    Puis-je demander à M. Raizenne de répondre?
    Non, absolument pas. Nous avons des règles exhaustives. Il y a tous ces traités fiscaux. Nous essayons de passer des ententes d'échange d'informations avec la plupart des pays avec lesquels nous n'avons pas de traités fiscaux. L'époque où l'ARC ne savait pas ce qui se passait se termine.
    Nous avions l'autre jour des représentants de l'ARC qui nous ont parlé de certaines structures corporatives impénétrables et opaques. Ils nous ont dit qu'ils obtenaient une coopération assez satisfaisante mais qu'ils ne pouvaient pas examiner toute la structure organisationnelle lors de chaque vérification d'entreprise.
    Ça peut arriver dans certains cas mais ils font beaucoup d'efforts pour découvrir ce qui se passe et s'assurer que les contribuables du Canada respectent toutes les règles.
    Merci, messieurs.
    Nous continuons avec Mme Ablonczy.
    Merci, monsieur le président.
     Je pense que tous les membres de ce comité, quelle que soit leur allégeance politique, souhaitent l'équité fiscale tout en veillant à préserver la qualité et le niveau de vie élevés des Canadiens.
    Ce qui m'a frappée, monsieur Martin, c'est votre défense passionnée de l'idée de ne pas faire payer d'impôt aux sociétés. Supposons que nous soyons tous d'accord avec cela, ce dont je doute. Nous savons tous que ça ne pourrait pas se faire du jour au lendemain.
    Comme vous le savez, notre gouvernement souhaite donner un avantage au Canada en réduisant l'impôt des particuliers et des sociétés, ainsi qu'un avantage réglementaire en réduisant le fardeau de la conformité de plusieurs manières, notamment en ce qui concerne les déclarations d'impôt.
    L'argument des échappatoires fiscales et des paradis fiscaux est destiné à réduire la réglementation et à réduire l'impôt des particuliers et des entreprises. Donc, empêcher des choses telles que la double déductibilité, la double réclamation d'une même dépense, est l'une des choses que nous faisons.
    Je suppose que nous avons choisi cette mesure parce qu'elle bénéficie d'un très large appui. La vérificatrice générale a recommandé cette élimination, tout comme le comité Mintz, ce comité de la Chambre des communes et le Comité des comptes publics. Voilà donc le point de départ. Toutefois, dans l'étude dont M. Poschmann est l'un des auteurs, on recommande d'aller plus loin en se concentrant sur les distorsions fiscales qui encouragent le transfert de dette au Canada.
    Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet, M. Poschmann, dans le contexte de l'objectif visant à rendre tout le système plus juste pour tout le monde? Quel est le lien entre ce que vous recommandez et notre étude des échappatoires fiscales et des paradis fiscaux?
(1225)
    Merci, monsieur le président et Mme Ablonczy — c'est extraordinaire.
    Une remarque au sujet du comité Mintz : dans son rapport de 1998, il recommandait un changement sensiblement identique à celui proposé dans le budget du 19 mars, c'est certain. Toutefois, il ajoutait que ce changement ne devrait se faire que dans le contexte de règles relativement généreuses de protection des droits acquis et d'un mécanisme de transition soigneusement pensé et relativement long car il s'agirait d'un changement assez profond.
    Voici une autre remarque au sujet de votre préambule. Je crois que réduire l'impôt personnel des Canadiens serait parfaitement logique. À ma connaissance, les gouvernements provinciaux ne manquent pas d'argent et je suis donc tout à fait favorable à la réduction des taux d'imposition des entreprises et des particuliers au cours des années et à l'assouplissement de la réglementation. Mon problème est qu'il va falloir attendre le prochain budget pour cela car il n'y avait rien à ce sujet dans le dernier. Je pense que c'est quelque chose qu'il vaudrait la peine d'envisager sans tarder.
    Pour ce qui est du transfert de la dette, j'ai explicitement mentionné les ratios de la dette par rapport à l'actif. Il s'agit généralement de ce qu'on appelle la capitalisation restreinte. Plusieurs pays ont adopté des règles à ce sujet. Le Canada en applique de manière limitée dans certaines circonstances. Il limite le montant de la dette par rapport à l'actif ou par rapport aux profits que les entreprises déclarent au Canada. Au-delà de ce niveau, l'intérêt n'est plus déductible.
    Cela réglerait certainement le problème de transfert de la dette dont nous avons parlé et je pense qu'une telle mesure concorderait avec les objectifs du ministre. J'invite d'ailleurs le comité et le ministre des Finances à se pencher sur ces mécanismes qui seraient cohérents pour le Canada.
    Très bien. Merci. C'est utile.
    Merci.
    Monsieur Poschmann, pourriez-vous nous donner plus d'informations sur ce que font les autres pays? Je crois comprendre, en ce qui concerne l'aspect rapatriement des choses, où nous autorisons la déductibilité complète des investissements d'outre-mer, qu'il n'y a quasiment pas d'impôt dans certains cas et qu'il y a ensuite le rapatriement, où on autorise le rapatriement des profits. Y a-t-il des mesures à ce sujet dans d'autres pays? Si oui, lesquelles?
    Le modèle d'exonération est celui de la France, de l'Allemagne, du Japon — en gros — et de l'Italie. Le système du Royaume-Uni est un système d'imposition avec un crédit pour l'impôt acquitté à l'étranger. Il existe plusieurs modèles différents à cet égard. Je crois qu'un des témoins a dit que le Royaume-Uni envisage d'adopter le système de l'exonération, auquel cas il sera lui aussi confronté à la question de savoir si l'intérêt devrait être déductible.
(1230)
    On peut donc affirmer que nous ne sommes pas les seuls à autoriser le rapatriement complet avec exonération mais que certains de nos concurrents ont des politiques plus restrictives ou moins préférentielles à cet égard.
     C'est exact, monsieur le président. En France, en Allemagne, en Italie, au Japon et au Royaume-Uni, on trouve des variantes des règles de capitalisation restreinte en ce qui concerne l'investissement étranger. Les États-Unis ont un système tout à fait différent mais, croyez-moi, vous ne voulez pas le connaître.
     Merci de ne pas nous en parler.
    Allez-y, M. Thibault.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins d'aujourd'hui.
    Il me semble que nous vivons à une époque où nos entreprises font face à une concurrence mondiale de plus en plus vive. Il est plus difficile de faire concurrence et nous avons ici une mesure fiscale ou l'annonce d'une éventuelle mesure fiscale qui va nous clouer sur place. Elle va réduire notre compétitivité. Elle n'est pas encore définie mais elle envoie le message aux entreprises que leur compétitivité sera réduite, sans leur dire comment. Ça se fera un jour, plus tard. Je pense qu'il s'agit d'une mesure qu'il n'avait jamais envisagé de mettre en application. Il pensait que ça rehausserait son image à la télévision pour pouvoir aller en élections sur le thème de la compétitivité fiscale et de l'équité fiscale.
    Il s'est attaqué ensuite aux fiducies de revenu puis aux contrats de fabrication d'équipement d'origine avec l'ISS, le mode d'approvisionnement en service. On voit beaucoup d'éviscération de notre économie. Des entreprises sont vendues à l'étranger, des biens économiques sont vendus à l'étranger, et ça m'inquiète beaucoup pour cette question de compétitivité.
    Vous avez dit, monsieur Pantaleo, que certaines transactions ont déjà été abandonnées à cause de ça. Pensez-vous que ça va contribuer à un exode d'entreprises canadiennes ou au fait que des entreprises ne viendront pas s'établir au Canada?
    J'ai certainement la conviction que ce sera un facteur dont les entreprises tiendront compte. Des transactions étaient en cours car les entreprises lancent toujours de nouvelles activités et cela a manifestement eu un effet immédiat sur elles et a créé une certaine incertitude quant à la manière dont les nouvelles règles s'appliqueraient à elles car, bien sûr, aucune ébauche de législation n'accompagnait le budget.
    Quelqu'un a présenté un argument que j'ai entendu des députés conservateurs utiliser à l'occasion. Il s'agit du fait que le système actuel... Je reconnais qu'il a des faiblesses; je réalise qu'il y a des gens qui l'exploitent. D'aucuns diront que c'est une course vers le fond à cause de choses telles que la double déduction mais la mesure dont on parle, qui n'est pas complètement étoffée et qui n'est pas compétitive, risque de nous noyer par pure idéologie.
    Qu'est-ce que ça veut dire pour nous? Si nous allons dans cette voie, si nous bloquons les sociétés canadiennes qui ont besoin de filiales à l'étranger, qui ont besoin de matières premières à l'étranger, et dont la seule solution est de racheter une société étrangère, d'ouvrir une mine, ou d'ouvrir un processus à l'étranger, et qu'elles ne peuvent pas déduire leurs intérêts au Canada, qu'est-ce que ça signifiera pour leur concurrence face aux entreprises espagnoles et aux entreprises françaises et aux entreprises américaines qui font concurrence sur le même marché que nous?
    L'une des choses dont il faut tenir compte est que cette mesure — le droit de déduire les intérêts — a été introduite au début des années 1970 dans le but explicite d'éviter les désavantages dont souffraient les entreprises canadiennes dans la période d'avant 1972. Ce qu'on a clairement constaté après l'adoption de cette mesure, c'est que le coût du capital pour ces entreprises devenait beaucoup plus favorable, ce qui pouvait rendre leurs acquisitions meilleur marché et assurer la valeur économique de ces acquisitions. Il me semble que l'une des conséquences de cette mesure, si elle était mise en oeuvre comme on l'a annoncé, serait de renverser cette tendance. Elle rendrait ce genre de coût beaucoup plus élevé et déboucherait sur certaines des choses auxquelles vous avez fait allusion plus tôt.
    Merci.
    Avez-vous une brève question à poser, Monsieur Murphy?
    Je voudrais interroger M. Raizenne et M. Pantaleo sur toutes ces questions d'incertitude. L'annonce du budget était parfaitement claire et sans ambiguïté : les entreprises ne pourraient plus déduire les intérêts des acquisitions étrangères. Il y a eu une certaine opposition des milieux financiers. Aujourd'hui, on semble dire que ce sera interprété de manière restreinte et que ce sera reporté.
    Je ne voudrais pas parler de confusion mais je pense que cela a créé de l'incertitude sur les marchés financiers. On en est presque au point où la peur d'être pendu est pire que la pendaison. D'après vous, quel effet cela a-t-il sur les marchés financiers et sur les transactions qui sont envisagées?
(1235)
    Je vous réponds en disant simplement que l'impôt représente un coût très important quand on fait des affaires. Les gens d'affaires aiment savoir quelles sont les règles. Or, la controverse fait rage depuis près de deux mois sur ce que cette mesure signifie réellement. Aujourd'hui, le ministre semble dire que ça ne veut pas vraiment dire ce qu'il a dit le 19 mars parce que l'élimination de la déduction des intérêts au Canada sera d'une certaine manière reliée à la double déductibilité. Je présume que si cela signifie qu'il n'y aura plus de double déductibilité, cela signifie aussi qu'on pourra continuer de déduire les intérêts au Canada.
    C'est une situation fort regrettable lorsque les gens doivent lire quotidiennement le National Post pour savoir quelle est la dernière version de cette idée.
    M. Pantaleo.
    Je peux ajouter que, si la proposition est mise en oeuvre, les directeurs des finances et les PDG auront du mal à comprendre ce qu'elle veut dire exactement. Or, les actionnaires et les analystes ont besoin de comprendre clairement. Dans le contexte d'aujourd'hui, les entreprises veulent pouvoir mesurer exactement l'incidence des grands développements, et ceci en serait un. Chacun veut savoir quelles seront les conséquences ultimes d'une telle mesure sur son entreprise. C'est une préoccupation importante, je le sais.
    Je remercie beaucoup notre témoin de Toronto et les témoins qui étaient avec nous dans cette salle. Nous avons beaucoup apprécié votre participation.
    La greffière vous adresse ses meilleurs voeux, monsieur Martin. Merci d'avoir participé à cette séance.
    [La séance continue à huis clos.]