:
Bonjour aux membres du comité.
Et bonjour à nos invités.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement,
[Français]
le comité tient une séance d'information sur l'évasion et les paradis fiscaux.
[Traduction]
Ce matin, nous accueillons des témoins de l'Agence du revenu du Canada que nous remercions de s'être déplacés.
Mme Wasylycia-Leis désire invoquer le Règlement, ce que je lui permettrai de faire dans un instant, mais je vais d'abord finir d'accueillir nos invités. Il est prévu que nous siégions de 11 heures à 13 heures. Nous allons voir comment les choses se déroulent avec les membres du comité et déterminer si cette plage horaire est suffisante ou pas.
De plus, je vous précise que les fonctionnaires des Finances nous ont dit qu'ils ne seraient pas disponibles avant la semaine prochaine. Nous allons donc examiner la situation, mais notre groupe de témoins est déjà complet pour jeudi et nous attendons donc ce moment avec impatience.
Madame Wasylycia-Leis.
:
Merci, monsieur le président.
Un certain nombre de représentants de l'Agence du revenu du Canada se joignent à moi ce matin, y compris Brian McCauley, sous-commissaire, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires; Wayne Adams, agent technique en chef de l'Agence du revenu du Canada et directeur général de la Direction des décisions en impôt; et Fred O'Riordan, directeur général, Direction du secteur international et des grandes entreprises, Direction générale des programmes d'observation.
J'aimerais aussi souligner qu'étant donné que nous avons reçu l'invitation à comparaître devant le comité hier avant-midi, nous avons un certain nombre d'autres représentants dans la salle qui, selon la question, et avec l'approbation du président, pourraient aussi être appelés à répondre en tant qu'experts en la matière.
Monsieur le président, il nous fait plaisir d'être ici ce matin.
[Français]
L'agence s'affère activement à prendre des mesures pour cerner, dissuader et s'opposer à l'inobservation des lois fiscales. Nous croyons qu'il est important d'informer davantage le public à propos de ce que nous faisons et des raisons pour lesquelles nous le faisons, dans le but de faire connaître aux contribuables les risques et conséquences de l'inobservation et de s'assurer que ceux qui respectent la loi sachent que nous prenons des mesures concrètes contre les contrevenants.
[Traduction]
Pour ce qui est des paradis fiscaux, j'aimerais vous faire part des points de vue de l'ARC, qui reposent sur notre rôle d'administrateurs du fisc. Le Canada fait partie d'un réseau commercial et financier mondial. On sait que les pays se font concurrence pour attirer des investisseurs et des partenaires commerciaux et que cette compétition s'étend aux régimes fiscaux. Les pays offrent des allègements fiscaux et des taux d'imposition avantageux à certains des investisseurs et (ou) industries ou à tous ceux-ci. Certains de ces pays compétiteurs sont communément appelés paradis fiscaux.
Chaque pays a le droit de structurer son propre régime fiscal pour répondre à ses besoins. Il s'agit là d'enjeux de politiques fiscales relevant de chaque pays et non pas des administrations fiscales. Les résidents du Canada doivent déclarer leur revenu de toute provenance et payer les impôts s'y rapportant. Il n'importe pas à l'ARC d'avoir une opinion sur l'endroit où les entreprises et (ou) les particuliers canadiens font leurs placements, pourvu qu'ils fassent état de leurs revenus et paient les impôts correspondants, suivant les lois fiscales du Canada. L'ARC ne se préoccupe pas du recours aux paradis fiscaux, mais bien de leur utilisation abusive; par exemple, lorsque des contribuables utilisent les lois concernant le secret bancaire ou l'absence de dispositions efficaces sur le partage de renseignements avec d'autres pays pour dissimuler des actifs et des revenus qui devraient normalement être imposés.
[Français]
Nous sommes préoccupés lorsque des transactions et des stratagèmes abusifs sont utilisés pour réduire, éviter ou éluder l'impôt canadien. Nous sommes aussi préoccupés par le fait que ce type de comportement pourrait influencer des tiers à faire de même ou pourrait donner l'impression que certaines personnes ne paient pas leur part d'impôt.
Nous savons que les paradis fiscaux peuvent attirer les promoteurs d'évasion fiscale qui donnent des occasions concrètes aux entreprises ou aux particuliers de se soustraire à leurs obligations fiscales. Nous sommes conscients que des investisseurs peu avisés peuvent être attirés dans des stratagèmes et des arrangements impliquant des paradis fiscaux où ils perdront, en définitive, le capital qu'ils ont investi. Les investisseurs s'en trouvent floués, et cela érode l'assiette fiscale.
[Traduction]
Nous savons aussi que les avancées technologiques ont accru les risques aussi bien pour les investisseurs que pour les administrations fiscales, ainsi, l'accès à Internet fait connaître les paradis fiscaux et permet aux promoteurs d'inciter des particuliers et des entreprises à se soustraire à leurs obligations fiscales; ce dernier laisse aussi miroiter aux Canadiens à revenu moyen la possibilité d'utiliser abusivement les paradis fiscaux; les transferts de fonds électroniques rendent les transactions plus faciles tout en préservant la confidentialité de sorte qu'il est plus difficile de cerner ces opérations.
Le problème de la réduction, de l'évitement ou de l'élusion des impôts par un recours abusif aux paradis fiscaux n'est pas un risque isolé. C'est une dimension de la « planification fiscale abusive » qui est l'un des quatre grands domaines de risques prioritaires pour l'ARC.
En général, la stratégie de l'Agence du revenu du Canada en matière de paradis fiscaux consiste à mettre l'accent sur les stratagèmes où des personnes et des entreprises utilisent les lois sur le secret bancaire des paradis fiscaux et (ou) les dispositions d'échange de renseignements lacunaires pour cacher des actifs et des revenus qui auraient dû être assujettis à l'impôt canadien. Nous avons notamment des programmes de vérification exhaustifs, des exigences de déclaration des avoirs étrangers, un certain nombre de dispositions anti-évitement bien définies dans la Loi de l'impôt sur le revenu et un vaste réseau de 86 consignataires de traités.
Nous comptons aussi sur la disposition générale anti-évitement qui est conçue pour empêcher l'accès aux avantages fiscaux non prévus par le législateur.
[Français]
Notons, en tant qu'exemples de ces mesures, nos vérifications régulières de petites et moyennes entreprises et de grandes sociétés, où le recours aux paradis fiscaux est un indicateur de risque, ainsi que nos programmes de vérification plus spécialisés qui mettent l'accent sur les enjeux d'impôt international et d'évitement fiscal.
Dans le cadre de sa stratégie pour combattre la planification fiscale abusive, l'agence a aussi mis sur pied 11 centres d'expertise dans l'ensemble du pays, en août 2005, et a créé des équipes d'experts provenant de secteurs de vérification spécialisée de l'impôt international et de l'évitement fiscal pour, entre autres, combattre la planification fiscale abusive et le recours inapproprié aux paradis et aux abris fiscaux, tant au Canada qu'à l'étranger.
[Traduction]
On sait que le recours abusif aux paradis fiscaux est un enjeu international et nous travaillons avec d'autres administrations et organismes fiscaux pour le contrer. Par exemple, l'ARC travaille avec l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) — y compris le Groupe des sept pays sur les paradis fiscaux — et le Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux (CICAFI). En effet, l'Agence du revenu du Canada dirige le Groupe des sept pays sur les paradis fiscaux. Ce dernier partage de l'information et des approches permettant de s'occuper des défis d'observation liés au recours abusif aux paradis fiscaux. Celui-ci est formé de l'Australie, du Canada, de la France, de l'Allemagne, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis.
Le deuxième organisme est le Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux. Celui-ci a été mis sur pied en avril 2004, lorsque les commissaires des administrations fiscales de l'Australie, du Canada, du Royaume-Uni et des États-Unis ont signé un protocole d'entente afin d'accroître la collaboration et de coordonner les renseignements concernant les transactions fiscales abusives. Le Centre est devenu opérationnel en septembre 2004 à Washington, D.C. L'ARC y a un délégué depuis ce temps, doté sur une base d'affectation par roulement.
Les objectifs du CICAFI comprennent l'amélioration de l'observation par l'entremise de l'échange de renseignements en temps réel, l'accroissement des connaissances quant à la façon dont les promoteurs transigent, le repérage de nouvelles tendances et le partage de pratiques exemplaires afin de cerner et d'aborder les stratagèmes.
Monsieur le président, l'ARC reconnaît les défis que représente le recours abusif aux paradis fiscaux et l'évitement fiscal. C'est là une tâche à long terme et nous devons continuer d'avoir une vision du même ordre lorsqu'il s'agit de l'aborder, étant donné que les initiatives, telles que le travail avec d'autres pays et organismes fiscaux, prennent du temps pour donner des résultats. Nous poursuivons de façon agressive ces abus et nous comptons continuer cette approche.
Nous avons des indices que nos mesures donnent des résultats. Ainsi, lors de l'exercice 2005-2006, l'ARC a établi des cotisations d'impôt supplémentaires de 174 millions de dollars directement liés à la planification fiscale internationale abusive, y compris le recours abusif aux paradis fiscaux et, dans les six premiers mois de l'exercice 2006-2007, l'ARC a établi des cotisations d'impôt supplémentaires de 215 millions de dollars.
Ceci, monsieur le président, conclut nos observations préliminaires.
Je vous remercie.
Merci, monsieur le président.
Le « double-dip » est un sobriquet qui appartient à notre jargon pour décrire une structure financière dont l'objet est d'exploiter au maximum les choix s'offrant à ceux qui veulent mobiliser des capitaux. Pour augmenter la capitalisation, il est possible de s'endetter, auquel cas il faut payer des intérêts, ou de jouer sur ses avoirs propres par une émissions d'actions. Dans ce dernier cas, il n'y a pas de frais d'intérêt, mais il est normalement prévu que le prêteur reçoive des dividendes sur l'argent avancé.
Dans un groupe de compagnies affiliées, il est possible, à des fins de planification fiscale, de déclarer des frais d'intérêt dans les pays où les taux d'imposition sont plus élevés et des revenus d'intérêt dans ceux où le taux d'imposition est plus faible.
Prenons, pour commencer, la structure alternative. Si ce groupe de sociétés désire financer une usine, par exemple aux États-Unis, il peut décider qu'une entreprise étrangère, que nous appellerons la Société Paradis Fiscal — ici, il s'agit simplement d'un nom d'entreprise qui pourrait se trouver en Irlande, aux Pays-Bas ou dans tout autre pays où le taux d'imposition est faible — va prêter 200 millions de dollars à 10 p. 100 d'intérêt. L'entreprise ayant son siège aux États-Unis devra payer des frais d'intérêt de 20 millions de dollars et la Société Paradis Fiscal devra déclarer un revenu d'intérêt de 20 millions de dollars.
Il y a double-dip quand ce genre d'opération intervient au sein d'une seule et même société, comme l'illustre le graphique intitulé « Structure de financement dite double-dip ». La même somme de 20 millions de dollars est prêtée à la filiale canadienne qui doit donc déclarer des dépenses d'intérêt au Canada d'un montant équivalent; si, l'année précédente, celle-ci avait eu un revenu imposable de 20 millions de dollars, son revenu imposable est désormais nul.
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Merci, monsieur le président.
Selon le Bureau du vérificateur général, en 1990, les entreprises canadiennes ont rapatrié 1,2 milliard de dollars des paradis fiscaux, principalement de la Barbade. Or, depuis cette époque, selon une étude de Statistique Canada, les investissements dans les paradis fiscaux ont augmenté de 18 p. 100 annuellement au Canada.
En supposant que la croissance des investissements est à peu près similaire à celle des profits, on a estimé que les profits rapatriés en 2007 étaient de l'ordre de 3,8 milliards de dollars.
Est-ce que ce montant correspond à vos estimations? Sinon, à combien estimez-vous les profits rapatriés des paradis fiscaux pour une année courante, par exemple cette année ou l'année passée?
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Merci, monsieur McCallum.
Ce n'est pas tant le fait que vous vous en preniez à ce genre d'abus qui m'intéresse que l'interprétation possible des règles actuelles, en fonction de certaines définitions, qui pourrait donner lieu à des abus. Parlons en donc.
Le fait que de l'argent se retrouve à l'étranger ne me préoccupe pas. En revanche, ce qui me préoccupe, c'est que cet argent soit transféré de l'étranger pour réduire le fardeau fiscal d'une société canadienne ou son obligation envers le Canada. Les transferts sont internationaux, puisque l'argent se retrouve dans des pays où les sociétés ou les particuliers ne paient que peu, voire aucun impôt. Je sais que de l'argent est dirigé vers ces pays et nous ne devons pas nous illusionner ni adhérer à l'argument que la lutte que nous avons entreprise contre ce genre d'activité va réduire la capacité du Canada de conduire des activités commerciales à la Barbade dont la population est la moitié de celle d'Ottawa. Là n'est pas la question. Entre 1990 et 2005, on a constaté une augmentation de près de 4 000 p. 100 des flux monétaires à destination de la Barbade et en provenance du Canada. Cet argent n'était pas destiné à investir à la Barbade, mais plutôt à permettre aux sociétés de ne payer que peu, voire aucun impôt. C'est pour cela que cet argent a été envoyé là-bas.
J'ai cru comprendre de votre exposé que cet argent peut passer d'une société à la Barbade à une société affiliée située dans un autre pays afin que celle-ci puisse déduire les frais d'intérêt correspondant à ce « prêt ». Ainsi, les sociétés situées au Canada qui ont des compagnies affiliées aux États-Unis pourraient en fait réduire leurs obligations fiscales au Canada en envoyant de l'argent dans un paradis fiscal ou un pays où la fiscalité est faible, peu importe la façon dont on décrit la chose, pour le prêter ensuite de nouveau à sa société liée américaine qui, elle aussi, pourrait réduire son fardeau fiscal. Je me trompe?
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Je vais rapidement réagir, monsieur le président, avant de céder le micro à Wayne.
J'ai l'impression qu'un certain nombre de vos remarques concernent davantage la politique fiscale que l'administration du fisc. Cela dit, il faut reconnaître que notre agence prend cette question très au sérieux. Le gouvernement a beaucoup investi pour lutter contre ce phénomène. Comme John l'a dit, c'est l'une des quatre priorités sur lesquelles nous nous concentrons.
Je tiens aussi à préciser que, dans le dernier rapport de la vérificatrice générale, nous avons obtenu un bon point — ce qui n'arrive pas souvent — pour les efforts que nous déployons afin de nous acquitter de notre responsabilité d'administrateur du fisc. Donc, nous faisons notre possible, mais ce n'est pas facile et j'ajouterai aussi qu'il s'agit d'un défi à long terme.
À un moment donné, alors que nous examinions les accords d'échange d'informations, quelqu'un a fait remarquer que les États-Unis ont signé 20 accords du genre, tandis que nous n'en sommes qu'à l'élaboration de notre tout premier. Nous avons alors préciser à cette personne que les États-Unis avaient débuté en 1983 et n'avaient signé leur premier accord du genre qu'au début des années 2000, si je me souviens bien. C'est donc très intéressant.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins pour leur contribution qui a jeté un peu de lumière sur tout ce dossier.
Dans votre exposé, vous avez traité d'un certain nombre de sujets, notamment de l'équité fiscale qui est l'objectif que nous essayons de réaliser entre tous. Les vérifications servent à donner une assurance relative aux contribuables canadiens que tout le monde, sociétés comme particuliers, paie son dû en impôt. C'est pour cela que nous faisons des vérifications, parce que le système, comme le président l'a souligné, est fondé sur l'honneur. Au bout du compte, nous voulons nous assurer que personne n'en vienne à se dire que quelqu'un, quelque part, contourne les règles.
Deux ou trois choses me préoccupent. D'abord, lors du dernier trimestre, nous avons pu récupérer énormément plus d'impôts, soit 215 millions de dollars. Il a aussi été question de la façon dont Internet permet d'accéder plus facilement aux paradis fiscaux ou du moins d'en faire la promotion. On nous a parlé de cas d'investisseurs non avertis qui se sont fait avoir et qui ont certainement perdu de l'argent parce qu'ils avaient cru comprendre qu'ils n'auraient pas certains impôts à payer.
Sommes-nous tout juste en train d'égratigner la surface du problème? Qu'en pensez-vous? Quelle est l'envergure de ce marché? Avez-vous une idée de ce dont il est effectivement question?
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Merci, monsieur le président.
Voilà peut-être ce à quoi et quelques autres veulent peut-être en venir, mais cela nous écarte du sujet. Ce que nous voulons faire, avec votre aide, c'est augmenter le niveau de perception fiscale en espérant que tous les contribuables canadiens, qu'ils résident au Canada ou à l'étranger, paient leur juste part. Je crois que nous naviguons allégrement entre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal parce que certaines transactions sont à cheval sur cette frontière très mince et que nous ne savons pas très bien s'il s'agit d'évitement ou d'évasion. Il demeure que tout le monde parle d'évitement fiscal comme s'il s'agissait d'évasion et vice versa. Donc, nous avons besoin de votre aide.
Je n'ai rien retenu, de tout ce que nous avons entendu aujourd'hui, que nous pourrions reprendre dans un rapport pour dire voici ce que nous devrions faire afin d'aider Revenu Canada. Les gens de Revenu Canada, de l'ARC, ont comparu à de nombreuses reprises devant le comité au cours des deux ou trois derniers mois. Nous avons effectué l'examen quinquennal de la loi et avons convoqué l'ARC devant le comité quand nous avons étudié la question du blanchiment d'argent et de la lutte contre le terrorisme et j'aurais alors aimé fournir un certain nombre d'instruments supplémentaires à l'Agence du revenu du Canada pour l'aider à se pencher sur certaines transactions, mais je constate une absence de volonté sur ce plan.
Quelqu'un pourrait-il m'aider? Que pouvons-nous faire? Je crois comprendre que vous devez vous conformer à des règles, à des règlements et à des lois, mais étant donné tous les moyens et toutes les ressources dont vous disposez, comment se fait-il que vous ne remportiez que la moitié des causes qui se retrouvent devant la cour? Je comprends bien la complexité de ces dossiers, mais je juge cela inacceptable. Par ailleurs, combien y en a t-il que vous avez décidé de ne pas poursuivre parce que vous avez pu estimer que vous n'aviez aucune chance de remporter la bataille?
Qui remporte la partie dans ces conditions? Celui ou celle qui pratique l'évitement fiscal ou le reste de la société? Est-ce que nous vous handicapons dans votre action? Pourriez-vous nous aider à faire en sorte que tous les Canadiens, qu'ils résident au Canada ou à l'étranger, paient leur juste part d'impôt? Voilà la question.
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Il y a énormément d'expressions dans le domaine du fisc qui ont pour objet de décrire certaines réalités, comme surplus exonéré, et qui compriment en deux mots quelque 36 pages d'un texte ayant force de loi.
Dans le cas des surplus exonérés, on part d'une hypothèse selon laquelle les taux d'imposition sont à peu près équivalents. D'après ce modèle, si le Canada consent à un autre pays le droit d'imposer une société en premier, quand le revenu est rapatrié ici, il n'est pas frappé d'un impôt. On pourrait toujours discuter d'un point de vue purement théorique pour savoir si ce principe est justifié, mais c'est l'approche qu'ont adoptée les pays signataires. Ils cèdent, en quelque sorte, leur pouvoir d'imposition à l'autre pays, si imposition il y a, et acceptent que les montants résiduels soient rapatriés dans le pays d'origine sans être imposés. Il est toujours possible d'imposer le solde qui est rapatrié en échange d'un crédit d'impôt pour investissement à l'étranger, mais il s'agit là d'une approche concurrente du point de vue purement théorique et les armées d'économistes peuvent bien se battre pour déterminer laquelle est la meilleure des deux formules.
Excusez-moi, je ne veux pas mobiliser tout le temps qui vous est imparti. Pour en revenir à l'expression « surplus exonéré », celle-ci veut dire qu'une société canadienne peut rapatrier les bénéfices dégagés par ses filiales étrangères — auxquelles on applique le terme générique de sociétés liées ou apparentées — sans devoir repayer d'impôt jusqu'à ce que l'argent soit versé aux actionnaires sous la forme de dividendes. Quand les dividendes sont déclarés — à des gens comme vous et moi qui sont actionnaires — les sommes versées deviennent imposables.
C'est assez compliqué et c'est un domaine qui appartient aux économistes.
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Je me propose de parler d'autre chose, monsieur le président.
Nous avons parlé d'évitement fiscal par les sociétés, mais on m'a dit qu'il existe aussi des stratagèmes d'évitement fiscal qui s'adressent aux simples contribuables. Il en a été question dans les médias la semaine dernière. Il s'agissait de dons à un groupe confessionnel, mais le fisc s'est rendu compte que la formule était illicite.
Et puis, on m'a aussi signalé un cas de dons à un organisme de bienfaisance. Presque tous les participants à ces stratagèmes étaient des croyants. Grâce à cela, les familles pouvaient ne pas payer d'impôt. Enfin, un collègue m'a parlé d'un autre stratagème concernant aussi un organisme de bienfaisance et à propos duquel j'ai obtenu un avis du ministère.
Si j'ai personnellement eu vent de trois stratagèmes d'évitement fiscal de ce genre ces derniers temps, cela m'amène à penser qu'il en existe beaucoup qui consistent à exploiter la filière des dons versés à des organismes de bienfaisance. Comment allez-vous faire pour indiquer aux contribuables qu'ils doivent veiller à ne pas se faire prendre dans ce genre de montage?
Ce sont de bonnes gens, des personnes bien intentionnées à qui l'on fait croire qu'il s'agit d'un montage légitime. Restez-vous les bras croisés pour les épingler après coup ou essayez-vous de leur dire, a priori, qu'ils ne doivent pas participer à ce genre de choses?
Je vous ai donc donné un avis de motion que vous avez sous les yeux. Je ne lirai pas la motion, puisque je suppose que tout le monde en a reçu copie.
Celle-ci fait suite aux audiences que nous avons tenues au sujet des guichets automatiques et des paiements par voie électronique. La motion invite le comité à demander officiellement aux grandes banques à charte de lui fournir des renseignements précis au sujet des coûts engagés et des frais imposés par transaction effectuée aux guichets automatiques, ainsi que des bénéfices qu'elles dégagent. Il s'agit donc d'une simple motion qui demande que les informations en question soient transmises au comité d'ici la fin mai afin que nous puissions les étudier dans le cadre de notre examen en vue d'en faire rapport au Parlement.
Permettez-moi d'apporter une précision. Tout d'abord, la motion qui a été adoptée à l'origine par ce comité réclamait la tenue d'une étude. Il n'était pas question de tenir des audiences ni d'entendre des témoins. En général, quand nous parlons d'étude à ce comité, cela sous-entend un début, un milieu et une fin.
Étant donné que, sur un plan purement technique, il n'était pas suggéré que ce comité fasse rapport au Parlement à la suite de son étude, ou qu'il communique ses conclusions, certains membres du comité ont sauté sur l'occasion pour éviter toute autre délibération sur le sujet. Je tiens cependant à faire savoir au comité qu'il n'est pas inhabituel que celui-ci soit saisi d'une motion réclamant la tenue d'une étude et dès lors qu'il n'est pas inhabituel que le comité délibère en conséquence. Après avoir tâté la température de l'eau au comité directeur la semaine dernière lors d'une réunion où les échanges n'ont pas été poussés jusqu'à leur conclusion, je me suis dit qu'il fallait veiller à ce que cette préoccupation soit exprimée dans notre motion.
J'ai donc essayé, avec cette motion, de traiter d'une question importante, demeurée en suspens et qui consiste à demander aux banques qu'elles nous communiquent les coûts engagés, les frais qu'elles imposent et les bénéfices qu'elles réalisent dans le cadre des opérations effectuées dans des guichets automatiques, et cela à la suggestion de tous les témoins que nous avons entendus, à l'exception de ceux représentant les grandes banques. Comme vous le savez, monsieur le président, toutes les organisations ont témoigné en ce sens, y compris la Canadian Consumer Initiative, la Community Coalition for Reinvestment, Option consommateurs et notre économiste, Lew Johnson. Même l'Association des consommateurs du Canada, dois-je ajouter, a estimé que le comité devait, pour le moins, obtenir ce genre de renseignements pour déterminer ce qu'il conviendrait d'en faire par la suite et comment il faudrait pousser l'analyse.
La motion ne suggère pas que nous enfreignions la confidentialité des renseignements et ne dit pas que les banques doivent rendre public ce genre d'informations. Il existe des façons pour nous de prendre ces données en compte sans que nous enfreignions les règles de la confidentialité et j'espère que les membres du comité n'invoquerons pas cette excuse pour renverser cette motion.
Pour conclure, monsieur le président, je dirai qu'il est impératif que nous fassions tout en notre pouvoir pour convaincre les banques de se plier à certaines normes de transparence et de reddition de comptes. Ainsi, pour ce qui est des informations que nous voulons obtenir au sujet des frais d'utilisation des guichets automatiques, j'estime que nous ne devrions pas accepter la rhétorique éculée que nous servent les banques quand elles prétendent ne pas être en mesure de nous fournir ce genre de renseignements et qu'elles attendent ensuite que l'orage soit passé. J 'espère que nous allons au moins leur demander ces renseignements pour voir ce que nous en ferons par la suite.
J'apprécie les échanges très brefs que nous avons eus à ce sujet, mais j'ai l'impression que nous n'avons pas fait notre travail de comité en ne poussant pas l'enquête à ce sujet et en ne nous montrant pas à la hauteur de la motion que nous avons avalisée.
Les membres du comité n'ont pas eu d'état d'âme quand ils ont posé des questions aux gens sur ce qu'ils pensaient être le coût moyen de ce genre de service pour les banques, sans avoir fait de vérification. Ils n'ont pas eu d'état d'âme quand ils ont ensuite critiqué toute suggestion voulant que les banques dégagent des marges bénéficiaires énormes et qu'elles saignent leurs clients avec les tarifs qu'elles imposent. Et puis, nous n'exigeons même pas de connaître les faits et nous n'imposons pas aux banques, d'une façon ou d'une autre, de nous communiquer les renseignements à partir desquels nous pourrions tirer nos conclusions. J'assimile cela à une abdication totale de nos responsabilités.
Si la Loi sur les banques existe, c'est justement pour pouvoir exiger des institutions bancaires qu'elles nous rendent des comptes, afin que nous puissions défendre les intérêts de la population et notre travail de parlementaires. Que ce comité ne demande même pas aux banques les renseignements concernant les frais qu'elles imposent pour l'utilisation des guichets automatiques me dépasse carrément quand je songe à notre rôle de députés.
Je ne dis pas que nous devons les obliger à divulguer leurs secrets. Je ne dis pas que nous devons entreprendre une action qui sera du jamais-vu. Dans le passé, le Comité des finances a déjà pris très au sérieux son rôle en regard de la Loi sur les banques et il a su effectuer des études très poussées.
Dans ce cas, la motion demande simplement que nous obtenions des renseignements de base, que nous demandions aux banques de nous fournir certaines informations, ce qu'elles peuvent faire étant donné que l'ABC nous a affirmé qu'il n'y a pas d'interfinancement entre les services d'une même banque. Donc, cela n'a rien d'impossible et ces données sont facilement accessibles. Je ne suggère pas que cela se fasse en infraction des dispositions de protection des renseignements personnels ou du secret commercial, ou encore d'une façon qui risque de compromettre la position concurrentielle d'une banque par rapport aux autres. Il nous appartient de faire notre travail en fonction du rôle fondamental qui est le nôtre, soit de protéger l'intérêt du public.
J'espère que les députés connaîtront l'éveil et appuieront cette motion très simple.