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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 083 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 mai 2007

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonjour aux membres du comité.
    Bonjour aux témoins. Merci d'être venus.
    Je vous remercie tous d'avoir remis vos textes par avance. Vous savez que nous disposons ce matin d'un temps limité pour les exposés. Je pense que vous êtes tous avertis que vous disposerez de cinq minutes pour vos remarques liminaires.
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue et vous remercie d'être venus.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons nos travaux sur l'évitement et les paradis fiscaux. Nous allons commencer avec Ben Arrindell, de la Barbados Private Sector Association.
    Bienvenue et merci, monsieur Arrindell. Vous avez fait beaucoup de chemin pour venir et nous vous en sommes reconnaissants.
    Je me nomme Ben Arrindell. Je suis président de la Barbados Private Sector Association et également représentant de la Barbade au Comité d'experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies.
    Je vous remercie de votre invitation à prendre la parole ici ce matin. Mon intervention vise à apporter un contrepoint dans le débat actuel sur l'utilisation abusive des paradis fiscaux et rectifier l'image de paradis fiscal faussement attribuée à la Barbade.
    Il n'existe pas de définition universellement admise de la notion de paradis fiscal. Beaucoup de personnes, de pays et d'organisations internationales ont tenté de donner leur propre définition. Au cours des débats tenus ici ces deux dernières semaines et que j'ai suivis, d'aucuns ont avancé l'idée que tout pays ayant un taux d'imposition moindre que le Canada serait un paradis fiscal. À mon avis, c'est là une conception extrêmement simpliste et ce genre d'interprétation est empreinte de difficultés.
    L'OCDE, dans son initiative sur la concurrence fiscale dommageable, en 1999-2000, a énoncé quatre critères définissant un paradis fiscal: un manque de transparence dans les lois et règlements fiscaux, l'absence d'échange d'information, une fiscalité nulle ou simplement nominale et l'encouragement d'entreprises sans activité locale. En gardant cette définition à l'esprit, voyons maintenant plus précisément la situation de la Barbade.
    La stratégie de la Barbade en vue du développement des affaires internationales et des services financiers repose sur la transparence, un échange d'information libre et actif dans le cadre de traités fiscaux et l'absence de secret bancaire et d'obstacles légaux à l'échange d'information dans sa législation nationale. Étant donné ces engagements de la Barbade et le respect par le pays de ces facteurs, l'OCDE a rayé la Barbade de sa liste des paradis fiscaux, et ce sans que le pays ait eu à signer de lettre d'engagement envers l'OCDE.
    Depuis cette initiative de l'OCDE et depuis que la Barbade a été retranchée de cette liste, le pays a conclu avec des pays membres de l'OCDE toute une série de conventions préventives de double imposition. Je pense que cela témoigne du fait que ces pays ne considèrent pas la Barbade comme un paradis fiscal. Les Pays-Bas et l'Autriche ne sont que deux exemples parmi d'autres de pays ayant signé des accords concernant la double imposition avec la Barbade.
    L'OCDE a parlé de faibles taux d'imposition. Il en a été question aussi à plusieurs reprises au cours de ce débat. Je précise que ces taux ne s'appliquent qu'à certaines entités se livrant à certaines activités. Il s'agit là des activités que la Barbade promeut pour sa croissance économique future — par exemple, le secteur des affaires internationales et des services financiers. Mais nous avons également des encouragements au tourisme, à la fabrication, etc.
    Les encouragements provisoires aux investisseurs ne sont pas chose inhabituelle et de nombreux pays, tant développés qu'en développement, en offrent, le Canada compris. À cet égard, la Barbade ne diffère pas des autres pays. Je mentionne également que les Barbadiens peuvent également posséder des entités jouissant d'une fiscalité allégée.
    Je vais maintenant parler de la relation fiscale Canada-Barbade. D'aucuns ont dit que la Barbade aurait apparemment modifié sa législation depuis la signature du traité. Il n'en est rien. Le traité a été signé en 1980 et, à l'époque, la Barbade avait déjà des sociétés internationales bénéficiant d'un régime de faible imposition. En témoigne le fait que ces compagnies sont exclues des avantages du traité Canada-la Barbade, ce qui prouve bien qu'elles existaient à l'époque.
    Enfin, je mentionne très rapidement la contribution du secteur des affaires internationales et des services financiers aux rentrées de devises, aux recettes publiques, à l'emploi, au tourisme et au développement de compétences spéciales et à leur transfert aux Barbadiens, ainsi qu'au développement technologique de la Barbade.
    Merci beaucoup, monsieur Arrindell.
    Nous allons poursuivre avec le représentant du Congrès du travail du Canada, Erin Weir. Bienvenue. Vous avez la parole, Erin.
    Merci beaucoup de votre invitation.
    De façon générale, le Canada peut aborder la question des paradis fiscaux de deux façons. La première est de continuer à réduire l'imposition des sociétés canadiennes de façon à faire du Canada lui-même un paradis fiscal. Cela semble avoir été la tendance suivie par la politique fiscale canadienne au cours des dix dernières années.
    L'autre option, celle que je préconise, consiste à structurer le régime fiscal canadien d'une manière à lever des revenus fiscaux appropriés auprès des sociétés en dépit de l'existence de paradis fiscaux à l'étranger.
    En particulier, j'aimerais traiter de la déductibilité des intérêts, un sujet qui a été happé par le débat sur les paradis fiscaux. Hier, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il continuerait de permettre aux sociétés, pour l'essentiel, de déduire de leurs impôts canadiens les intérêts sur les emprunts contractés pour financer leurs filiales étrangères.
    Je fais valoir au comité que si le gouvernement va opter pour cela, il devrait également commencer à imposer le revenu des filiales étrangères des sociétés canadiennes.
    Le principe fondamental de l'impôt des sociétés est qu'il devrait frapper les profits, c'est-à-dire le revenu moins les frais encourus pour le gagner.
    Avant le dernier budget fédéral, les sociétés canadiennes avaient et le beurre et l'argent du beurre. Elles ne payaient pas d'impôt, ou pratiquement pas, sur le revenu des filiales étrangères, mais pouvaient néanmoins déduire des impôts canadiens les frais de financement de leur filiales.
    Ce que proposait de faire le budget 2007, c'était de placer le régime canadien d'imposition des sociétés sur une base purement territoriale, c'est-à-dire que le Canada taxait les revenus produits dans le pays et autorisait la déduction des frais encourus pour générer ces revenus.
    La critique adressée à cette mesure budgétaire revenait à dire, en substance, que le Canada devait autoriser la déduction des intérêts payés par les filiales étrangères afin de rester compétitif car d'autres pays accordaient cette déduction. Ce que les détracteurs omettaient de préciser, bien entendu, était que les autres pays qui autorisent cette déduction, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Japon, imposent également les revenus des filiales étrangères de leurs sociétés. Autrement dit, elles taxent les sociétés sur une base mondiale, c'est-à-dire les revenus des filiales étrangères compris, et autorisent la déduction des dépenses de ces filiales.
    J'aimerais faire lecture d'une citation de Bruce Bartlett, dans sa courte analyse de l'imposition des sociétés pour le National Center for Policy Analysis des États-Unis. Voici ce qu'il écrit:
Le régime fiscal américain est « mondial », obligeant les sociétés nationales à payer des impôts sur les revenus gagnés à l'étranger.

Ainsi, par exemple, une société territoriale constituée au Canada ne paie d'impôt que sur son exploitation au Canada. Si elle a une filiale américaine, cette filiale paie l'impôt sur ses profits ici, mais rien au Canada. Cependant, étant donné l'envergure mondiale du régime fiscal américain, une société américaine identique, ayant une filiale canadienne, paiera l'impôt canadien, plus l'impôt américain sur son exploitation canadienne. La société américaine paiera davantage d'impôt au total, même si les États-Unis et le Canada ont des taux d'imposition identiques.
    Bien entendu, le Canada va maintenant avoir des taux d'imposition inférieurs à ceux des États-Unis. Il semble donc que nous soyons en passe de devenir un paradis fiscal nous-mêmes.
    Pour rétablir la cohérence du régime canadien d'imposition des sociétés, il nous faut, à mon avis, commencer à imposer les sociétés canadiennes sur une base mondiale. Cela les placerait exactement sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes américaines, britanniques et japonaises, c'est-à-dire qu'elles pourraient déduire les frais financiers de la création de ces filiales étrangères et qu'elles paieraient ensuite l'impôt canadien sur le revenu de ces filiales étrangères.
    Un dernier avantage de ce plan tient au fait qu'il nous prémunirait contre les paradis fiscaux, car les sociétés basées au Canada seraient imposées au taux canadien sur toutes leurs activités dans le monde. Par exemple, si une société canadienne ouvrait une filiale étrangère à la Barbade, elle paierait l'impôt sur les sociétés de la Barbade et pourrait déduire celui-ci de son impôt canadien. Mais dans l'ensemble, elle paierait exactement le même taux d'impôt sur son exploitation à la Barbade que sur son exploitation au Canada.
    Outre le fait que cela serait parfaitement logique sur le plan théorique et alignerait le régime fiscal canadien sur celui d'autres pays, cela contribuerait aussi largement à nous protéger contre les paradis fiscaux.
    Merci beaucoup.
(1110)
    Merci beaucoup, monsieur Weir.
    Nous allons continuer avec Brigitte Alepin, comptable agréée et fiscaliste.
    Bienvenue. Vous disposez de cinq minutes, madame.

[Français]

    Vous me demandez comment on peut régler le problème des paradis fiscaux, et c'est une question énorme. J'ai passé plusieurs années à essayer d'y répondre. J'aimerais d'abord préciser ceci: lorsqu'on demande qu'un problème soit réglé, on ne demande pas de régler les conséquences de ce problème. Le gouvernement canadien fait souvent l'erreur, quand il parle de régler le problème des paradis fiscaux, de se concentrer sur les conséquences de celui-ci. Si on travaille à une convention fiscale dont le Canada est signataire, peu importe laquelle, ou à l'une ou l'autre des lois fiscales du pays auquel vous faites allusion, on s'attaque toujours aux conséquences du problème. Par conséquent, même si on arrivait à une solution parfaite, le problème des paradis fiscaux existerait toujours. Puisque vous me demandez des suggestions pour régler le problème, je présume que vous êtes prêts à penser à une grande échelle et que vous désirez régler le problème plutôt que ses conséquences.
    Quand je tente de trouver des solutions au problème des paradis fiscaux, je visualise la situation. J'aime imaginer un spectateur qui décide de se lever et de rester debout au beau milieu d'une foule assise. Il décide, par lui-même, de regarder le spectacle de cette façon. Ces paradis fiscaux et, par analogie, ce spectateur, tirent profit de la situation. En effet, les autres pays, et ça nous inclut, demeurent assis. Mais si nous décidions d'imiter ce spectateur et de nous lever tous ensemble, ce spectateur et ces paradis fiscaux perdraient la marginalité dont ils tiraient profit. Ils perdraient donc tous leurs avantages.
    Peu importe la façon dont on complique la situation, on en revient toujours à deux seules possibilités: On peut demander aux paradis fiscaux de s'asseoir ou demander aux pays, le Canada, par exemple, d'être victimes de cette situation et, par le fait même, demander aux contribuables de soutenir cette injustice. Quand on parle de paradis fiscaux, il s'agit en grande partie d'intuition. Au Canada, l'histoire de l'impôt n'est vieille que de 60 ans. En termes d'expérience fiscale planétaire, les paradis fiscaux sont donc un nouveau problème. J'ai l'impression que si on demandait aux autres pays et aux contribuables canadiens de continuer à soutenir l'injustice et l'inéquité fiscales causées par ces paradis fiscaux, on risquerait de les provoquer.
    S'il y a des sceptiques parmi vous qui pensent qu'un contribuable est un être passif, incapable de se révolter mais capable d'endurer une injustice comme celle-ci bien longtemps, je vous rappelle que l'Amérique est fondée sur le Boston Tea Party. Des contribuables écoeurés, si je peux me permettre le mot, il y en a.
    Si on veut régler le problème des paradis fiscaux, on n'a qu'un choix, et c'est de demander à ces pays de suivre les mêmes règles que les autres, c'est-à-dire de s'asseoir. Chose certaine, nous n'allons pas atteindre cet objectif en cinq minutes. Il faut traiter de cette question à l'échelle internationale. Dans le contexte de la mondialisation, il existe des organisations qui se penchent sur toutes les questions possibles, que ce soit la santé, les normes du travail ou autre chose. Cependant, aucune organisation mondiale se consacrant à l'impôt n'a vu le jour depuis l'avènement de la mondialisation. L'OCDE n'est pas ce à quoi je fais allusion ici.
    À mon avis, ce n'est que de cette façon qu'on pourra mettre sur pied une table de concertation réunissant tous les pays qui subissent une injustice attribuable aux paradis fiscaux. Tous ensemble, nous pourrions parler des vraies questions suffisamment haut et fort pour convaincre les représentants des paradis fiscaux de s'asseoir avec nous et d'assister au spectacle que nous offre de nos jours la planète mondialisée.
    Merci.
(1115)

[Traduction]

    Merci, madame.
    Nous allons continuer avec M. André Lareau, de l'Université Laval. 

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur.
    Le Canada a fait un choix dans sa législation. Mes propos seront donc davantage à teneur législative, pour tenter de trouver des pistes de solution aux problèmes énoncés au sujet des paradis fiscaux.
    Pour imposer une entreprise au Canada, il faut tenir compte de la notion de résidence. La résidence est le rattachement initial pour l'imposition canadienne. Or, une société qui réside au Canada paie de l'impôt, on le sait, sur son revenu mondial. Bien sûr, les entités qui ont décidé de minimiser leur fardeau fiscal ont choisi de rompre avec la notion de résidence et de s'installer ailleurs. Donc, on crée une entité étrangère, par exemple une société, dans un paradis fiscal comme la Barbade, qui, bien que n'étant pas un paradis fiscal au sens où plusieurs économistes l'entendent parce que la question du secret n'est pas visée, est un endroit où le taux d'imposition est malgré tout faible pour les IBC, les International Business Companies, soit de 1 à 2,5 p. 100.
    La difficulté est la suivante. Selon le concept de résidence que l'on connaît, une société, même créée à la Barbade, pourrait être une résidante canadienne si le centre de contrôle était au Canada. Or, au cours d'une visite que j'ai effectuée à la Barbade en 2004, je me suis rapidement aperçu que les nombreux professionnels qui s'y trouvent offrent, pour quelques dollars, la possibilité d'offrir une organisation corporative et de structure aux entités étrangères qui décident de se constituer en société, de telle sorte que vous retrouvez à la porte de plusieurs bureaux d'avocats, notamment, de nombreuses plaques professionnelles de sociétés. Il suffit d'aller au Registrar's Office ou au Corporate Office pour trouver de nombreuses sociétés qui sont la possession ultime de résidants canadiens. Une visite rapide nous permet de comprendre que plusieurs sociétés s'y trouvent qui, ultimement, versent leurs dividendes à des résidants canadiens.
    Bien sûr, la Barbade a une convention fiscale avec le Canada, comme on l'a indiqué tout à l'heure, qui exclut même les IBC. Cependant, notre réglementation canadienne, le règlement 5907(11.2)c) , exclut spécifiquement les entités créées à la Barbade, les réintègre dans la fiscalité canadienne et permet que de telles entités versent les dividendes à la société mère canadienne, libres d'impôt, ce qui est permis uniquement pour les sociétés qui sont généralement visées par convention. Mais ce fameux règlement 5907(11.2)c) réintègre la Barbade, notamment, en ce qui a trait à la possibilité de verser ces dividendes libres d'impôt, ce qui est une aberration.
    Donc, le premier geste qu'on doit poser est de modifier la notion de résidence corporative pour faire un peu comme l'Australie, mais, dans un certain sens, avoir une notion de résidence qui vise particulièrement les détenteurs directs ou indirects d'actions avec droit de vote de ces sociétés.
    On peut très rapidement percevoir une deuxième difficulté. Lorsque la société de la Barbade verse les dividendes à la société canadienne, ils entrent ici en franchise d'impôt. La société canadienne va un jour verser des dividendes à ses actionnaires, peut-être des particuliers. Or, la fiscalité canadienne comprend un concept qu'on appelle un concept d'intégration, qui permet à l'actionnaire canadien, lorsqu'il reçoit le dividende, de recevoir un crédit d'impôt qui compense l'impôt payé par la société, pour éviter une double imposition.
    Supposons, à titre d'exemple, que je sois actionnaire, que je détienne des actions de Bell Canada ou de toute autre société qui paie de l'impôt. Je vais recevoir mes dividendes, mais on va me donner un crédit d'impôt pour compenser l'impôt payé par la société. Il s'agit du phénomène d'intégration. Or, lorsque le dividende est reçu par la société canadienne qui, elle, l'a reçu de la société de la Barbade, aucun impôt n'a été payé. Malgré tout, on donne à l'actionnaire canadien qui est un particulier un crédit d'impôt pour compenser un impôt qui n'a nullement été payé. Il s'agit d'une situation, encore une fois, qui ne peut être acceptée.
     Finalement, il y a la notion de divulgation. On ne peut contrôler ce que l'on ne voit pas. Or, les États-Unis ont trouvé, en 2005, par ce qu'ils appellent le Circular 230, une obligation de divulguer les montages fiscaux agressifs.
(1120)
    J'inscris donc dans les montages fiscaux agressifs la planification où on intègre les paradis fiscaux, donc l'obligation, lors de toute planification fiscale, d'informer les autorités fiscales. L'Angleterre a fait la même chose en 2004, avec une mesure qui s'appelle tax avoidance scheme.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Nous terminons les présentations avec M. Walid Hejazi. Il est professeur à la Rotman School of Business.
    Bienvenue, monsieur. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, et merci de l'invitation à prendre la parole devant le comité sur ce sujet qui concerne de près la recherche à laquelle je travaille depuis une dizaine d'années.
    Le gouvernement de la Barbade cherche à contribuer au débat académique sur les entreprises internationales, en particulier dans la mesure où il est mis en jeu par l'ancienne relation qui lie la Barbade et le Canada. Cette étude s'inscrit dans cette initiative et l'analyse de cette ancienne relation mobiliser des chercheurs et des universitaires de l'University of the West Indies et de la Rotman School of Management et d'autres.
    Cette étude a pour objectif d'examiner les effets de l'ancienne relation entre le Canada et la Barbade sur l'économie canadienne. Les résultats montrent clairement que la relation entre le Canada et la Barbade à renforcer la compétitivité mondiale des sociétés multinationales canadiennes.
    Des changements d'orientation qui nuiraient à cette relation feraient du tort à ces multinationales, mais surtout des changements d'orientation qui nuiraient à cette relation feraient du tort à l'économie canadienne dans son ensemble. Il en résulterait un fléchissement du commerce canadien, de l'emploi au Canada et des investissements des entreprises canadiennes. Il est faux de penser qu'une modification de cette relation donnerait lieu nécessairement à une majoration des recettes fiscales du gouvernement canadien.
    Pour inscrire cette discussion dans une perspective plus large, permettez-moi de remonter à 1970. Cette année-là, pour chaque dollar que les Canadiens investissaient à l'étranger, 4 $ étaient investis au Canada. Le Canada était très clairement une économie d'accueil de l'investissement étranger. Nous voici, 37 années plus tard, et les multinationales canadiennes ont davantage d'investissements à l'étranger qu'il n'y a d'investissements étrangers au Canada. Le rythme auquel les sociétés canadiennes se sont développées à l'étranger dépasse largement le rythme auquel les étrangers investissent dans l'économie canadienne.
    Lorsque vous analysez en profondeur ces données, deux résultats émergent que votre comité ne doit pas négliger. Premièrement, si vous regardez les chiffres, les multinationales canadiennes s'implantent de plus en plus en dehors des États-Unis. De plus en plus, ces multinationales ouvrent des débouchés aux exportations canadiennes en Amérique latine, en Asie de l'Est et en Europe. Deuxièmement, une grande partie de ces investissements sont facilités par des pays intermédiaires comme la Barbade.
    Le constat suivant est incroyablement important, et je vais essayer de l'expliquer aussi clairement que je le puis. Étant donné que les multinationales canadiennes se hasardent de plus en plus dans des environnements peu familiers en dehors de leur marché traditionnel, les États-Unis, elles courent de grands risques, beaucoup plus de risques que sur leur marché traditionnel. Par conséquent, il est très difficile pour ces multinationales canadiennes de livrer concurrence contre des sociétés américaines et européennes qui sont présentes de longue date dans ces marchés.
    Le fait que ces multinationales canadiennes peuvent prendre pied sur ces marchés par le biais d'une juridiction intermédiaire comme la Barbade réduit leur coût de capital et permet à ces multinationales d'être plus compétitives et donc de mieux réussir sur le marché mondial.
    Un point de vue largement répandu veut que le seul fait qu'une multinationale canadienne passe par une juridiction intermédiaire et retire un avantage fiscal correspondant serait une mauvaise chose pour le Canada. Eh bien, l'étude à laquelle je travaille et qui a été citée ici même la semaine dernière par le professeur Hines, de l'University of Michigan, montre clairement qu'il faut dépasser cette idée simpliste. Le seul fait qu'un avantage fiscal soit associé au recours à ces juridictions intermédiaires ne signifie pas que ce soit une mauvaise chose pour l'économie canadienne.
    Je veux faire remarquer une distinction importante entre un paradis fiscal et un centre financier extraterritorial. Dans le texte que j'ai fait distribuer aux membres du comité, vous trouverez à la page 6 une citation très intéressante de l'OCDE, qui établit clairement que la Barbade n'est pas un paradis fiscal. Il existe une distinction fondamentale entre un paradis fiscal et un centre financier extraterritorial et il est crucial de ne pas perdre de vue cette différence au moment de décider les politiques dans ce domaine.
    Je fais valoir enfin que lorsqu'une société multinationale canadienne s'implante dans un un marché d'Amérique latine, l'impact sur l'activité économique au Canada est considérablement plus grand que si cette multinationale canadienne avait exporté directement vers ce marché. Lorsqu'une multinationale canadienne s'implante en Amérique latine en passant par le conduit de la Barbade, cette société connaît une réduction de son coût de capital. Elle est plus compétitive et il en résulte une production accrue au Canada pour desservir ces marchés étrangers. Les exportations du Canada augmentent, tout comme l'emploi au Canada, etc.
(1125)
    Les deux dernières remarques sont les suivantes: ces résultats montrent qu'une altération de l'utilisation actuelle de la Barbade nuirait à l'économie canadienne en général; il y aurait un recul du commerce canadien, une production canadienne réduite. En outre, vous ne pouvez tenir pour acquis qu'une altération de cette relation donnera lieu à des recettes fiscales accrues pour le gouvernement canadien.
    Je vous remercie.
(1130)
    Nous commençons nos questions avec M. McKay. Vous avez sept minutes, monsieur McKay.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
    La première thèse défendue par M. Arrindell, et aussi par M. Hejazi, est que la Barbade n'est pas un paradis fiscal. Vous avez insisté là-dessus. Donc, si quelqu'un, y compris le ministre, qualifie la Barbade de paradis fiscal, c'est une erreur, je suppose.
    Désolé, pourriez-vous répéter?
    Simplement, vous avez pris grand soin de distinguer entre la Barbade et d'autres régimes fiscaux étrangers, et vous souhaitez nous faire comprendre que la Barbade n'est pas un paradis fiscal. Il m'a semblé que c'était là l'élément essentiel de votre exposé. Ai-je raison?
    Absolument.
    D'accord.
    Donc, quiconque qualifie la Barbade de paradis fiscal se trompe.
    Monsieur McKay, je ne vais pas déduire cela de votre temps, mais j'aimerais réellement que les deux témoins nous éclairent.
    Il me semble que l'avis de l'OCDE que vous avez cité et l'autre mention disant que la Barbade n'est pas un paradis fiscal sont en rapport avec la déclaration de l'OCDE par laquelle la Barbade était transférée de la liste des paradis fiscaux non coopératifs à la liste des paradis fiscaux coopératifs. Est-ce exact?
    Il faut faire la distinction, car il n'existe pas de telle liste des paradis fiscaux, à ma connaissance, à l'OCDE.
    Pour que ce soit clair, le fait que la Barbade ait été retranchée d'une liste des paradis fiscaux non coopératifs ne signifie pas ce que vous affirmez, à savoir que la Barbade ne peut être définie par l'OCDE comme un paradis fiscal.
    Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation.
    Merci.
    Monsieur McKay.
    Je pense que la précision du langage est extrêmement importante ici. Cela devient péjoratif lorsqu'on dit tel ou tel pays est un paradis fiscal et que d'une façon ou d'une autre tout le monde s'en tire sans rien payer, ce qui est franchement absurde.
    J'aimerais en venir au témoignage de M. Hejazi et j'apprécierais que le président ne vienne pas empiéter sur mon temps. Merci.
    Vous avez parlé de la prime de risque associée à l'investissement en dehors du Canada, sur les marchés étrangers. Pouvez-vous quantifier cette prime de risque et dire pourquoi elle est si nécessaire lorsque des sociétés canadiennes vont investir en Amérique latine ou sur d'autres marchés non traditionnels?
    C'est une excellente question. J'aimerais faire une étude précisément là-dessus, car évidemment la prime de risque varie non seulement d'un secteur à l'autre mais aussi d'un pays à l'autre. Nous savons que moins une multinationale canadienne est familière d'un marché et plus le surcroît de risque est grand. Par exemple, les multinationales canadiennes ont une longue histoire de présence en Amérique latine comparée à, mettons, l'Asie de l'Est, et donc la prime de risque en Amérique latine est moindre qu'en Asie de l'Est, par exemple. Quantifier la prime de risque est une chose difficile et mériterait une étude plus poussée.
    Vous avez fait une affirmation qui paraît contre-intuitive, à certains égards, à savoir que ces formes d'investissement sont en réalité bonnes pour l'économie canadienne. Lorsque les Canadiens entendent cela, ils se demandent comment cela est possible: tout ce que font ces compagnies c'est ce soustraire à l'impôt, réduire leurs impôts.
    Et pourtant, dans ma propre circonscription, grands Dieux, je peux voir que ces investissements sont bons pour l'économie canadienne. Qui fait tout le travail administratif pour ces acquisitions étrangères sinon les gens de Scarborough?
    Je comprends cela intuitivement, mais pourriez-vous l'expliquer et mieux préciser cette notion afin que les Canadiens comprennent que ce sont des emplois canadiens qui sont en danger?
    Lorsque les multinationales canadiennes se développent à l'étranger, l'activité au siège canadien augmente. Voilà un premier phénomène. On a beaucoup vu de débats dans les médias sur cette sphère d'activité au siège.
    Deuxièmement, les faits sont très clairs. Il a été avéré dans le contexte canadien, américain et européen que lorsque des multinationales d'un pays donné s'implantent à l'étranger, c'est favorable aux échanges commerciaux.
    Aussi, lorsqu'une multinationale canadienne s'établit aux États-Unis ou en Amérique latine, elle élargit son empreinte dans ce pays étranger. Lorsqu'elle élargit son empreinte dans ce pays étranger, cela accroît la demande pour les produits canadiens. Aussi, des emplois sont créés au Canada afin de servir ces débouchés qui sont ouverts par la présence de multinationales canadiennes dans ces pays étrangers. C'est clairement démontré.
    Mais, deuxièmement, une bonne partie des revenus générés dans ces pays étrangers revient au Canada et, lorsqu'ils sont distribués aux actionnaires de ces sociétés multinationales, ces dividendes sont imposés.
    Lorsque l'argent revient dans les caisses d'une multinationale canadienne, elles échappent peut-être à l'impôt à un niveau, mais une fois distribué aux actionnaires — et presque tous les Canadiens détiennent des actions dans leur REER — les dividendes qu'ils touchent sont d'autant plus élevés que ces multinationales canadiennes sont plus compétitives dans l'économie mondiale.
(1135)
    Je comprends l'intérêt pour les patrons des sièges sociaux. Je comprends l'intérêt pour les actionnaires. Mais le comité se préoccupe de façon générale de la personne ordinaire de la rue. En quoi est-ce bon pour elle?
    Quarante pour cent du PIB du Canada sont exportés dans l'économie mondiale. Aussi, près de la moitié du commerce international est le fait de multinationales. Cela signifie que les échanges ne sont pas le fait d'une société canadienne qui vend à une société américaine non apparentée. Tout se fait à l'intérieur des multinationales, car dans cette économie mondialisée, les multinationales doivent être branchées sur les chaînes d'approvisionnement mondiales. Elles font partie d'un réseau multinational qui dessert les marchés étrangers.
    Considérer que la société canadienne va être cantonnée à l'intérieur des frontières du Canada, produire des marchandises et les exporter dans l'économie mondiale sans utiliser un réseau multinational est tout simplement erroné.

[Français]

    Monsieur Crête, vous disposez de sept minutes.
    Sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Si je comprends bien, monsieur Lareau, madame Alepin et monsieur Weir, actuellement, on estime à environ 4 milliards de dollars par année le montant des profits réalisés à la Barbade qui revient au Canada, et ce n'est pas imposé. On parle donc peut-être de 800 millions de dollars non imposés, et à cela s'ajoutent les crédits d'impôt dont M. Lareau parlait tout à l'heure. Pouvez-vous nous illustrer l'impact que cela peut avoir sur l'équité fiscale?
     M. Hejazi dit que cela est bon pour l'économie. C'est une approche complètement amorale. On ne fait qu'un calcul strictement économique. M. Weir a peut-être des choses à ajouter à ce sujet. J'aimerais vous entendre sur cette question.
    Selon ce que je comprends, quand quelqu'un gagne 35 000 $ par année, il doit payer en impôt une partie importante de son salaire pour permettre à des entreprises d'aller faire de l'argent ailleurs sans qu'il le sache. Est-ce que je me trompe quand je dis cela?
    Vous avez tout à fait raison. L'équité fiscale, c'est la redistribution en fonction des besoins des contribuables canadiens. Quand on parle des besoins des contribuables canadiens, on parle de la santé et de l'éducation, dans les champs de compétence respectifs, bien sûr, mais encore faut-il qu'il y ait suffisamment de ressources financières pour que le gouvernement puisse distribuer ces sommes.
     Or, s'il y a moins d'argent qui entre, c'est vrai qu'il y aura davantage de gens qui profiteront des paradis fiscaux, dans la mesure où les portes seront grandes ouvertes. Il n'y a qu'une poignée de personnes qui pourront profiter des paradis fiscaux, alors que les autres, malheureusement, resteront sur le carreau et n'en bénéficieront aucunement. C'est vrai que cela créera de l'emploi à la Barbade. Il y a des entreprises canadiennes qui pourront sûrement en profiter pour augmenter l'emploi, possiblement. Mais en bout de piste, l'équité fiscale n'est certainement pas respectée: c'est clair.
    Oui, madame Alepin.
    Je partage votre inquiétude. J'ai eu l'année passée un contrat de recherche sur ce point de l'Université Harvard, avec le professeur Brian Mandell, qui est un ancien professeur canadien d'ailleurs. On pourrait parler longuement de toute cette question, et j'aimerais le faire. Quand on permet à une minorité de contribuables, qui sont par ailleurs les mieux nantis, de profiter des paradis fiscaux et ce, à l'échelle planétaire — il n'y a pas que le Canada qui fasse cela  —, on met en péril le processus d'autocotisation volontaire sur lequel est basée notre liberté. Si on met cela en péril et que les gens en arrivent à ne plus faire confiance au système d'impôt, comment fera-t-on pour fonctionner sur la planète? C'est une façon utopique, peut-être féminine, d'en parler, mais il y a aussi une façon économique de le faire. Par exemple, dans le processus de mondialisation, qui affecte aussi nos capitaux, on a une mobilité des capitaux et on doit avoir un système d'imposition centralisé. Il faudra qu'on arrive à cela un jour. Je pense que le Canada pourrait soulever cette chose à une table de négociation à ce sujet. Si on ne fait pas cela, on va marcher à contre-courant. On va faire en sorte que les citoyens, à l'échelle planétaire, se disent que les multinationales ne paient pas d'impôt et que ce n'est pas juste. On marche à contre-courant de l'économie et des objectifs qu'on veut atteindre. Si on veut que notre mondialisation fonctionne vraiment, il faut s'assurer que les multinationales paient leur juste part d'impôt afin que M. Tout-le-Monde, à l'échelle planétaire, accepte ce processus de mondialisation.
(1140)
    J'aimerais que vous nous parliez des impacts économiques, peut-être en réaction à ce que M. Hejazi a dit. Quels sont les impacts économiques réels de cela sur l'économie canadienne, selon vous, et aussi sur l'équité fiscale?
    Je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

    M. Hejazi, je crois, a argué que l'investissement dans des filiales étrangères est bon pour l'économie canadienne à différents égards. C'est peut-être vrai, et nous devons souhaiter que les entreprises canadiennes réussissent bien sur les marchés étrangers. Mais il ne fait aucun doute que si notre objectif est d'encourager l'activité au Canada, il est logique de structurer notre régime fiscal de manière à promouvoir l'activité au Canada plutôt que de promouvoir l'investissement canadien dans des pays étrangers en espérant que le Canada récupère quelques miettes. C'est purement une question de bon sens.
    Je considère donc certainement que les paradis fiscaux sont néfastes pour l'économie canadienne du fait qu'ils détournent les investissements du Canada et qu'ils réduisent les recettes fiscales dont le gouvernement canadien peut disposer pour promouvoir l'activité économique chez nous. Voilà, en substance, ma position.
    Si le Canada imposait les revenus mondiaux des sociétés basées au Canada, cela nous protégerait réellement contre ces paradis fiscaux car les sociétés canadiennes paieraient le taux canadien quel que soit le lieu de leurs activités dans le monde. Si elles voulaient avoir une filiale étrangère à la Barbade qui...

[Français]

    Le fait d'aller développer ailleurs annule l'effet négatif pour l'économie canadienne. S'il y a une taxation universelle, ils décideront à ce moment-là pour d'autres raisons d'investir, et cela pourrait possiblement être à l'avantage de l'économie canadienne.
    Vous avez raison, c'est exactement cela. Les États-Unis, l'Angleterre et le Japon utilisent un système comme celui-là, et cela fonctionne bien.
    Comment se fait-il que le Canada soit en retard à cet égard? Pourquoi n'a-t-on pas bougé? Il y a eu des recommandations du vérificateur général et de plein d'autres gens. Comment se fait-il qu'on soit paralysés?
    Je ne sais pas pourquoi. Je constate que les grandes entreprises canadiennes ont beaucoup d'influence sur les gouvernements. Ce qu'on doit faire est clair, et vous avez raison de dire que cela ne se fait pas.
    Madame Alepin.

[Traduction]

    Nous allons poursuivre avec M. Del Mastro, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai apprécié les avis de tous les membres du panel d'aujourd'hui. Je pense en fait que l'on peut souscrire en partie aux positions de chacun. Même s'il semble que plusieurs témoins se rangent dans des camps opposés, je crois que plusieurs des remarques qui ont été faites présentent une certaine validité.
    Monsieur Hejazi, j'ai lu votre rapport — merci de nous l'avoir envoyé par avance — et j'ai pu l'étudier. J'ai remarquer que vous tirez certaines conclusions avec lesquelles je me trouve être d'accord. Mais je pense qu'elles sont symptomatiques d'un autre problème que nous avons ici, au Canada, à savoir que les entreprises voient là-dedans une solution pour être concurrentielles, ce qui semblerait indiquer que le Canada impose une fiscalité excessive aux sociétés.
    J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
    Je pourrais vous parler d'une autre étude que j'ai réalisée pour Industrie Canada qui se penchait sur le rôle de la fiscalité au niveau sectoriel pour tenter d'expliquer pourquoi les multinationales canadiennes vont à l'étranger. C'est une étude différente de celle que j'ai distribuée.
    En gros, pour répondre à votre question, il nous faut comprendre pourquoi les multinationales canadiennes vont à l'étranger. Si elles le font pour exploiter un avantage particulier, avéré, afin d'ouvrir des marchés étrangers aux exportations canadiennes et au savoir-faire canadien, c'est une bonne chose, et nous devrions applaudir. En revanche, si les multinationales canadiennes vont à l'étranger pour échapper à un piètre environnement concurrentiel au Canada, c'est une mauvaise chose.
    Il semble bien que les deux motivations coexistent. Par exemple, je sais que dans certains secteurs, une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée, une pénurie de technologie et un manque de recherche-développement sont des facteurs importants expliquant que des multinationales canadiennes s'implantent à l'étranger. Mais parallèlement, certaines industries canadiennes sont mondialement compétitives et des multinationales étrangères décident de s'établir chez nous. Prenez la nouvelle usine Toyota dans le sud-ouest de l'Ontario.
    La réponse à votre question est que dans de nombreux secteurs, cela est exactement le cas: il existe quelques problèmes de compétitivité sous-jacents au Canada, et nous devons réfléchir aux moyens de remédier à ces facteurs négatifs.
(1145)
    Si nous inscrivons cela dans le contexte du sujet que le comité étudie, à savoir l'évitement fiscal et les paradis fiscaux, nul ne conteste que la Barbade est un pays à fiscalité réduite. Si l'on considère les raisons pour lesquelles les sociétés canadiennes s'établissent dans les pays à faible imposition, nul ne prétendra qu'elles vont à la Barbade parce qu'elles y trouvent des compétences qui n'existent pas au Canada, ou que le secteur des services financiers y offre des services supérieurs à ce qu'elles pourraient trouver au Canada; elles y vont pour obtenir un avantage concurrentiel, pour être compétitives sur les marchés étrangers, et je comprends cela.
    J'admets également votre argument que la conquête de nouveaux débouchés est risquée, et qu'il est important de s'implanter sur de nouveaux marchés étant donné la mondialisation économique.
    J'aimerais parler un peu du taux d'imposition des sociétés au Canada que M. Weir a mentionné. Je ne pense pas que le Canada doive se transformer en paradis fiscal, mais le gouvernement du Canada a fixé spécifiquement dans Avantage Canada un calendrier de réduction à 17 p. 100 du taux d'imposition des sociétés. Nous avons supprimé la surtaxe des sociétés et nous allons réduire le taux à 18,5 p. 100 d'ici 2011. Quel niveau d'imposition des sociétés le Canada devrait-il viser? Plus le taux d'imposition baissera et moins l'évitement fiscal sera attrayant. On voit au niveau du marché noir et dans tous les cas, à l'échelle nationale et internationale, que des taux d'imposition élevés encouragent l'évitement fiscal. Quel serait, à votre avis, ce que j'appelle le taux d'imposition optimal pour le Canada? Ce peut être une cible mouvante, mais où se situerait-il aujourd'hui?
    Je commencerai par dire que j'aimerais vous inviter à la Rotman School, car nous pourrions rédiger plusieurs études ensemble sur les sujets que vous soulevez.
    Je pense que la question fondamentale que vous soulevez est très bonne. Avant d'y répondre, il me faut dire ce qui suit.
    Rendre plus difficile l'accès des multinationales canadiennes à l'économie mondiale sans des changements d'orientation améliorant la compétitivité de l'économie canadienne nuirait aux multinationales mais, surtout, serait néfaste à l'économie canadienne en général. Si vous voulez que les multinationales canadiennes investissent davantage au Canada, la bonne façon n'est pas de les y obliger et la bonne façon n'est pas de compliquer leur accès à l'économie mondiale; la bonne façon est de rendre plus attrayant l'investissement au Canada. Le doyen de l'école de commerce, Finn Poschman, et beaucoup d'autres ont fait valoir que les taux d'imposition au Canada sont très élevés. D'aucuns préconisent même de supprimer totalement l'imposition des sociétés et de taxer ce revenu une fois qu'il parvient aux mains des investisseurs.
    Je ne sais pas quel est le bon taux d'imposition, mais si l'on s'accorde sur une chose, c'est bien que les taux d'imposition des sociétés sont très élevés au Canada, ne sont pas compétitifs et font du tort à l'économie canadienne.
    Merci.
    Je vais vous permettre de répondre aussi, madame Alepin.
    Merci.

[Français]

Je me suis interrogée et j'ai aussi fait une étude commandée par l'Université Harvard sur cette question. J'ai pris les rapports annuels des 50 plus grandes sociétés canadiennes de cette année et j'ai calculé leur taux d'imposition effectif. Le taux d'imposition effectif est l'impôt que les multinationales paient vraiment. Le taux d'imposition effectif des multinationales canadiennes est le même que celui des PME.
    Les PME représentent 98 p. 100 des entreprises canadiennes. Si on veut qu'elles puissent accéder un jour au rang des grandes entreprises, on doit leur accorder un taux d'imposition favorable. Dans la même veine, monsieur a dit que les PME devaient assumer des coûts supplémentaires. L'avenir de notre mondialisation, c'est notre capacité à amener nos PME à devenir de grandes entreprises.
     Si elles sont imposées au même taux que les multinationales au Canada, on crée un obstacle qu'elles ne peuvent pas franchir pour devenir de grandes entreprises. J'en ai la preuve, car j'ai analysé la liste du Globe and Mail des 1 000 plus grandes sociétés canadiennes. Puisque l'exercice était de taille, je me suis arrêtée aux 200 plus grandes sociétés canadiennes de cette liste. Durant les 20 dernières années, aucune PME, à part la société Calfrac Well Services, n'est devenue une grande entreprise.
    Lorsque vous pensez au taux d'imposition des multinationales, n'oubliez pas de le mettre en perspective avec celui des PME. Les PME ont aussi besoin d'un coup de pouce dans cette société mondialisée.
(1150)
    Merci beaucoup, madame.

[Traduction]

    Merci, monsieur Del Mastro.
    Nous poursuivons avec Mme Wasylycia-Leis, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'aujourd'hui.
    Je pense qu'il faut s'interroger sur l'utilité de ces allègements fiscaux pour les sociétés sur le plan de la création d'une économie canadienne forte, un point sur lequel Walid a focalisé.
    Il existe un autre volet à toute cette argumentation dont j'aimerais demander à Erin, Brigitte et André de parler, soit le fait qu'au cours des dernières années les taux d'imposition des sociétés ont été considérablement réduits. Les libéraux ont accordé un allègement considérable, à hauteur de 10 milliards de dollars sur cinq ou six ans. On a laissé subsister jusqu'à présent les paradis fiscaux, sans réagir. On a accordé toutes sortes d'avantages aux entreprises sans que cela ne produise aucun résultat, d'après ce que je peux voir, sur le plan de l'investissement au Canada.
    Je pense donc qu'il faut parler de cette dimension pendant un moment avant de revenir à toute la question des paradis fiscaux, car il y a tout un côté de l'équation qui est négligé.
    Erin.
    Je pense que c'est un élément crucial de tout le contexte que les impôts des sociétés canadiennes ont été coupées jusqu'à l'os ces dernières années. Ces impôts sont beaucoup moindres que les taux d'imposition des sociétés américaines et japonaises., par exemple.
    De ce fait, les profits des entreprises ont atteint un niveau record en proportion du produit intérieur brut. Depuis que l'on recueille ces statistiques, nous n'avons jamais vu des profits aussi importants, proportionnellement à l'économie, qu'aujourd'hui.
    Pourtant, l'investissement des entreprises dans l'économie canadienne languit à des niveaux très faibles. Il est à des niveaux faibles comparé à ce qu'il était à d'autres moments de l'histoire canadienne et comparé à ce qu'il est dans d'autres pays. Il n'est donc certes pas évident que ces baisses de l'impôt des sociétés aient produit de grands avantages économiques. L'argument en faveur de nouvelles réductions est réellement douteux.
    Je fais remarquer aussi qu'une conséquence de l'importance de ces profits des entreprises est que le coût des réductions d'impôt des entreprises est aussi très grand. Les réductions déjà apportées nous coûtent des milliards de dollars. Vous avez donc tout à fait raison à cet égard.
    Brigitte, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

[Français]

sur la question de la compétition au niveau des sociétés au Canada?
    Monsieur a abordé la question cruciale des taux d'imposition qu'on doit accorder à nos entreprises canadiennes. Je mettrais toujours ces taux en perspective avec les taux d'imposition des PME. Les PME sont le moteur de l'économie. On doit donc s'assurer qu'elles bénéficient d'un taux d'imposition plus favorable que les grandes entreprises. C'est d'ailleurs ce qui est écrit dans tous les documents, les bulletins d'interprétation et la déduction pour petite entreprise.
    Effectivement, le taux d'imposition du Canada est surprenant. Je me demande pourquoi notre taux d'imposition est plus bas que celui des États-Unis. On a plein de ressources qui attirent les entreprises. On n'a pas nécessairement besoin d'un taux d'imposition qui soit 5 p. 100 moins élevé que celui des États-Unis.
(1155)
    Merci.
    J'ai une autre question et elle s'adresse à M. Lareau. Peut-être pourrez-vous répondre aux deux questions en même temps.

[Traduction]

    Les libéraux voudraient nous faire croire que la Barbade et les autres paradis fiscaux sont un pur produit de notre imagination. Je doute que M. Arrindell serait ici s'il n'y avait pas quelque avantage avec lequel attirer des entreprises canadiennes, un avantage qui n'est pas offert au Canada.
    Une étude récente menée par l'Université du Québec a montré que les grosses sociétés et banques ont recouru aux paradis fiscaux pour éviter de payer 10 milliards de dollars d'impôt depuis 1981.
    L'étude rappelle que Scott Brison, lorsqu'il était encore dans le camp conservateur, a déclaré ceci à la Chambre des communes, il y a quelques années:
Le traité fiscal avec la Barbade est un cas particulier étant donné qu'un pourcentage disproportionné de l'investissement étranger direct du Canada va à la Barbade sans que la taille de son économie et la nature de l'investissement ne le justifient.
    En 1994 Paul Martin a fermé toute une série de paradis fiscaux et a déclaré: « En conséquence, nous prenons des mesures pour empêcher les sociétés d'utiliser des filiales étrangères pour éviter de payer l'impôt ». Mais aussitôt il a justifié le maintien du paradis fiscal de la Barbade, une nécessité pour Canada Steamship Lines.
    Nous avons appris récemment que Revenu Canada vérifie les comptes de Merck Frosst pour 2 milliards de dollars d'impôts impayés grâce au paradis fiscal de la Barbade.
    Est-ce là un produit de mon imagination?
    Mr. André Lareau, aimeriez-vous répondre?

[Français]

    Vous avez tout à fait raison. La fiscalité canadienne permet effectivement des ouvertures, notamment, vers la Barbade. Mais la vérificatrice générale nous a indiqué, dans son rapport de 2002, que 23 milliards de dollars avaient été investis à la Barbade. Ce n'est pas pour rien. La Barbade, tout particulièrement, a une convention fiscale avec le Canada. Parce que l'article 30 de la convention fiscale précise toutefois que les International Business Companies, les IBC, sont exclues de la convention, on est porté à croire que la Barbade n'a effectivement pas de lien privilégié avec le Canada.
    En ce qui à trait à ce que vous avez indiqué tout à l'heure pour 1994, rappelez-vous que c'est en 1995 qu'il y a eu la modification à la réglementation fiscale 5907(11.2)c) lors de laquelle on a précisé que les conventions fiscales conclues avant 1995 pouvaient bénéficier de la rentrée des dividendes en franchise d'impôt. Ce n'est pas un hasard.
    Mme Alepin demandait tout à l'heure pourquoi on devrait ressentir l'obligation de réduire les taux canadiens. Effectivement, c'est une bonne question. En Europe, la compétition se fait à l'intérieur de l'Union européenne. Il y a eu une tendance à la hausse au cours des dernières années. L'Irlande a augmenté ses taux d'imposition en 2001, 2002 ou 2003. La Hongrie les a augmentés aussi en 2006. Présentement, c'est la Bulgarie, avec un taux de 10 p. 100, qui a le taux d'imposition le moins élevé en Europe pour les sociétés.
    Or ici, notre compétiteur le plus près, ce sont les États-Unis. On ressent donc le besoin de toujours faire un arrimage avec les États-Unis. Mais attention! Nous avons une fiscalité tout à fait compétitive. Prenons, par exemple, l'exemption du gain en capital de 500 000 $, qui a été augmentée. Or, le rapport Mintz, en 1997, a bien dit que c'était une mesure qui ne créait pas d'emplois au Canada et qui devait effectivement être mise de côté. Donc, on doit considérer non seulement la fiscalité à l'égard des paradis fiscaux, mais aussi notre propre fiscalité interne.

[Traduction]

    Excusez-moi.
    Le temps de Mme Wasylycia-Leis est passé, du moins pour ce qui est de ces questions.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Nous allons donc passer à un deuxième tour de quatre minutes, et je pense que cela devrait permettre à tout le monde d'avoir la parole.
    Nous allons commencer avec M. Thibault.
    Merci de vos exposés et de vos réponses.
    Professeur Hejazi, nul ne conteste qu'il faille éliminer les abus causés par les pays à faible fiscalité qui se transforment en paradis fiscaux. Nul ne conteste cela et Judy vient de rappeler un cas où l'Agence du revenu du Canada a pu prendre des mesures de redressement et si la société est coupable, j'espère que l'ARC pourra mettre la main sur l'argent.
    Mais ces juridictions à faible fiscalité ont une raison d'être. Vous avez expliqué qu'elles sont l'intermédiaire qui aide nos entreprises à conquérir des marchés dans des régions qu'elles connaissent peu ou qui ont des systèmes juridiques différents. Pouvez-vous nous expliquer en une minute en quoi consiste ce rôle d'intermédiaire? Quel est l'avantage du rôle d'intermédiaire joué par un pays comme la Barbade ou d'autres?
(1200)
    En gros, les résultats de l'étude montrent très clairement que lorsqu'une multinationale canadienne s'implante en Amérique latine, il y a complémentarité entre le commerce canadien et l'investissement étranger canadien; lorsqu'une multinationale canadienne ouvre une usine ou un bureau en Amérique latine, cela accroît la présence canadienne dans ce pays et augmente la production au Canada pour desservir ce marché étranger.
    Si la société passe par un conduit comme la Barbade, les avantages fiscaux qui en dérivent, étant donné le revenu de cette activité étrangère est rapatrié au Canada à un taux d'imposition moindre ou nul... Ainsi, la société canadienne est mieux en mesure de concurrencer les multinationales américaines et européennes qui sont présentes dans ces mêmes pays et ont accès aux mêmes structures de financement. Ce n'est pas quelque chose de propre au Canada, et la fermeture de ce conduit aux multinationales canadiennes rendrait les Canadiens moins compétitifs sur ces marchés étrangers.
    Mme Alepin a fait valoir que soit, par des négociations ou une organisation internationale, on amène tout le monde à appliquer les mêmes règles, soit on pratique la méthode du laissez-faire.
    Une autre possibilité serait d'éliminer tous les investissements canadiens passant par le conduit de pays à faible fiscalité. Elle n'a pas préconisé cela. Mais je me demande si l'on faisait cela — si on éliminait cette possibilité aujourd'hui, comme le ministre l'avait fait il y a peu — quelles en seraient les conséquences pour l'économie canadienne? Est-ce que des sièges sociaux seraient délocalisés?
    Oui, absolument, s'il devenait plus difficile d'utiliser des conduits comme la Barbade. Si on les fermait, l'économie canadienne en souffrirait considérablement. Il faudrait augmenter les taux d'impôt au Canada. Les recettes fiscales au Canada chuteraient. Les Canadiens...
    Sur le plan de l'équité fiscale, faudrait-il augmenter les impôts payés par le salarié moyen?
    Ses impôts augmenteraient et son salaire baisserait. C'est très clair et je peux vous indiquer des milliers d'études qui ont prouvé que la mondialisation est la plus importante source de prospérité dans les pays développés depuis 30 ans. Si nous empêchons les multinationales canadiennes d'accéder à l'économie mondiale, elles seront d'autant moins compétitives. Par voie de conséquence, les exportations canadiennes seront moindres, tout comme les recettes fiscales du gouvernement. Pour dire les choses simplement, la notion que l'avantage fiscal associé à l'utilisation de ces pays intermédiaire serait mauvais pour le Canada et bon pour les multinationales est fausse.
    Cela fait longtemps que je mène des recherches là-dessus et je me souviens qu'il y a 20 ans, lorsque tout le monde se plaignait du fait qu'il y avait tant d'investissements étrangers au Canada...

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Thibault.
    Monsieur St-Cyr, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président. Je suis content d'accueillir aujourd'hui deux témoins qui nous parlent en français. Ça doit faire plusieurs mois que pareille chose s'est produite au Comité des finances, et j'en suis très heureux.
    Vous n'avez absolument pas à être gênés de vous exprimer dans votre langue.
    Je suis un peu étonné lorsque j'entends l'argument selon lequel il faut que les compagnies qui investissent à l'étranger paient moins d'impôt et que ce sera rentable pour le Canada. C'est comme quand certains nous disent qu'il faut que les Canadiens aient des salaires le plus bas possible pour que l'économie se porte le mieux possible. Je n'adhère pas à cela.
    Considérons les impacts économiques. Tout à l'heure, mon collègue parlait d'un montant probable de 4 milliards de dollars qui revient de la Barbade chaque année et qui est exempt d'impôt, ce qui nous priverait d'un revenu d'à peu près 800 millions de dollars, seulement à l'échelon fédéral. On ne tient pas compte, dans ce calcul, de l'impôt provincial ni des autres paradis fiscaux ni du double dipping, etc. On parle donc de plusieurs milliards de dollars.
    Si on se prive, comme société, de ce milliard de dollars et qu'on doit augmenter les impôts des particuliers ou qu'on doit couper les services que l'on offre et qui font tourner l'économie d'un ou de plusieurs milliards de dollars, est-ce bon pour notre économie?
    J'aimerais obtenir une réponse de Mme Alepin ou M. Lareau.
    Je réitère souvent un point que j'ai moi-même mis du temps à comprendre. Quand on parle des paradis fiscaux, ce que dit monsieur n'est pas vrai ou faux. C'est un premier stade de réflexion. Dans le cadre de la mondialisation, on doit s'assurer que le contexte fiscal qu'on offre aux multinationales canadiennes est compétitif par rapport à ce qu'elles auraient ailleurs. Si on met un terme à tout ce qui se passe en ce qui a trait aux paradis fiscaux, par exemple si on met un terme à la possibilité pour les multinationales de faire des affaires avec la Barbade, c'est vrai que cela aura un impact négatif, parce que certaines multinationales chercheront d'autres juridictions. La mondialisation engendre une mobilité des capitaux. C'est pour cette raison que, même si on en discute longtemps au Canada, il faut que plusieurs pays participent à la discussion. C'est une décision qui doit faire l'objet de discussions à l'échelle mondiale, et le Canada pourrait tellement bien paraître si vous faisiez cela. Il me semble que parmi tous les pays de la planète, un de ceux qui devraient commencer à parler de cela, c'est le Canada.
(1205)
    Monsieur Lareau.
    Quand on renonce à imposer les sommes gagnées, notamment à la Barbade  — et on parle de 800 millions de dollars —, il n'y a pas de pertes au Canada. Il n'y a pas d'impôts perçus au Canada pour cette somme. Donc, d'une part, on ne peut pas parler de réduction de revenus pour le Trésor canadien.
    D'autre part, la souveraineté juridictionnelle canadienne fait en sorte que le Canada doit pouvoir, dans le cadre de sa législation, imposer au taux qu'il décide. Or, en renonçant à l'impôt sur les revenus gagnés à l'étranger, particulièrement dans un pays ayant un faible taux d'imposition, le Canada renonce à exercer sa juridiction au profit d'une autre entité. On ne peut pas laisser faire cela, car cela n'a pas de sens.
    J'aimerais revenir sur ce dont vous avez parlé tout à l'heure, soit la divulgation qui se fait dans certains pays. Pouvez-vous nous donner plus de détails? S'agit-il d'une simple divulgation pour mieux comprendre la situation? Va-t-on regarder pour voir si c'est légal ou pour imposer, dans certains cas, des impôts supplémentaires?
    Aux États-Unis, avec le Circular 230, depuis le 20 juin 2005, tout contribuable qui met en place un montage fiscal agressif avec l'aide de comptables, d'avocats et d'autres entités qui l'aideront doit, s'il veut bénéficier des avantages fiscaux offerts par ce montage fiscal agressif, inscrire la lettre d'opinion qui lui a été émise par le professionnel avec son montage qui serait agressif et sa demande de rabais fiscal. S'il ne le fait pas et si le montant fiscal agressif est attaqué, des peines et des sanctions sévères peuvent lui être imposées. Les professionnels, les avocats ou les comptables ont l'obligation d'émettre cette lettre d'opinion, à défaut de quoi ils peuvent aussi subir des sanctions importantes.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Professeur Lareau, nous savons d'après les chiffres de Statistique Canada que le recours à la Barbade a augmenté de manière exponentielle au cours des dernières années. Pourriez-vous nous expliquer plus précisément quelles dérogations ont été accordées dans le milieu des années 90 par rapport à la Barbade? Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent ces dérogations et dans quelle mesure elles ont influencé l'utilisation de la Barbade par les sociétés canadiennes?

[Français]

    Auparavant, dans les années 1980 et jusqu'au milieu des années 1990, les pays qui pouvaient verser des dividendes au Canada en franchise d'impôt, soit les dividendes reçus par la compagnie mère en franchise d'impôt, étaient des pays désignés. Il y avait une liste de pays, et si ces derniers versaient des dividendes au Canada, celui-ci les recevait en franchise d'impôt. Certains de ces pays avaient une fiscalité à peu près nulle. Il y a donc des compagnies de navigation, notamment, qui avaient été créées dans ces pays.
    Dans ses rapports des années 1990, la vérificatrice générale a indiqué que ceci n'avait aucun sens et que dorénavant, le Canada devait davantage privilégier des pays ayant signé des conventions fiscales. La loi a été modifiée pour préciser que les pays qui pouvaient verser des dividendes qui entraient au Canada en franchise d'impôt étaient les pays ayant signé une convention fiscale.
    Or, la convention Canada-Barbade, à son article 30, prévoit que les International Business Companies, les IBC, sont exclues de la convention fiscale. Ceci créait un problème parce que des sociétés maritimes, notamment, avaient quitté un pays étranger pour aller à la Barbade. Il y a donc eu une modification du règlement 5907(11.2)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui prévoit que dans ce pays, même si la société est une IBC, elle sera réputée être une société visée par la convention fiscale. On réintègre donc dans la convention fiscale une société qui réside à la Barbade, dont le centre de contrôle est à la Barbade, dans la mesure où des décisions vraiment importantes y sont prises.
    Le problème est que la recherche que j'ai faite indique clairement que les sociétés à la Barbade ne prennent pas nécessairement les décisions importantes à la Barbade. Les professionnels que j'ai rencontrés m'ont clairement expliqué que, pour la rénumération qu'ils reçoivent, les décisions sont prises par un comité de professionnels extérieur, étranger, par des résidants canadiens. La possibilité pour cette société de rapatrier les dividendes au Canada est offerte parce que l'alinéa 5907(11.2)c) du règlement le permet depuis la convention conclue avant 1995, qui vise notamment la Barbade.
(1210)

[Traduction]

    D'accord, nous savons que cela n'a aucun rapport. Un commissaire à l'éthique antérieur s'est prononcé sur cet aspect relativement à l'ancien premier ministre lorsqu'il était ministre des finances, disant qu'il n'avait pas agi de manière contraire à l'éthique en transférant ses intérêts privés à la Barbade.
    Quelle est l'ampleur du potentiel d'utiliser la Barbade comme conduit de la manière que vous venez de décrire? Autrement dit, Mme Alepin a parlé tout à l'heure des PME et de leur importance pour l'économie, ce dont nous sommes tous d'accord, bien entendu. Dans quelle mesure est-il difficile pour d'autres sociétés d'utiliser ce conduit pour éviter l'impôt?
    Je vais permettre à Mme Alepin de commencer, car je ne veux pas accaparer trop de temps. Nous avons quelques autres membres souhaitant poser des questions.

[Français]

    Je suis fiscaliste depuis plusieurs années. Je ne dirai pas depuis combien de temps, car je ne veux pas me vieillir. Au cours de ma vie, je me suis consacrée presque exclusivement à conseiller les PME sur le plan fiscal. La raison en est fort simple: les PME n'ont pas accès au genre de planification fiscale qui permet de faire appel aux paradis fiscaux. Cela crée une injustice. J'en discutais d'ailleurs très récemment. Elles n'ont pas la possibilité de payer les honoraires professionnels des experts financiers qui font ce genre de planification. Mettre en place une telle structure coûte au moins 50 000 $ en honoraires. Une PME n'a pas les moyens de payer de tels honoraires professionnels. De plus, elle n'est pas assez importante, bien souvent, pour pouvoir ouvrir un compte dans certaines institutions financières là-bas. Je l'ai écrit dans mon livre: c'est vraiment une planification fiscale sélective et qui, en elle-même, fait une sélection au profit des mieux nantis canadiens.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Lareau, je suis désolé, mais j'ai pris suffisamment de temps. Nous devons permettre aux autres membres de poser des questions.
    Monsieur Dykstra, poursuivez, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Alepin, j'ai des questions complémentaires mais je vais essayer d'aller aussi vite que possible car je ne dispose que de quatre minutes.
    Le gouvernement a pris des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises en réduisant le taux général d'imposition des sociétés, en supprimant la surtaxe des sociétés, en supprimant la taxe sur le capital fédérale. Nous avons fait passer les gains en capital de 500 à 750, et c'était la première fois depuis 1988 qu'une mesure était prise en ce sens.
    Nous cherchons certainement à faciliter les choses aux petites et moyennes entreprises dans ce pays. Je serai intéressé d'entendre si vous admettez que nous allons dans la bonne direction et, plus spécifiquement, ce qu'il faudrait faire sur le plan de réductions ultérieures, ou bien si nous allons dans la bonne direction?

[Français]

    En effet, j'ai fait une série de conférences sur la fiscalité des PME. Si on étudie notre fiscalité canadienne, qui est favorable aux PME, on voit que le gouvernement canadien fait un effort. Même si on reconnaît que le gouvernement fait un effort dans le bon sens, il faut s'assurer que nos PME aient un taux d'imposition moins élevé que celui des grandes sociétés parce que l'impôt doit être établi en vertu de la capacité de payer. Les PME ont, cela va de soi, une moins grande capacité de payer que les grandes sociétés. Si j'étais ministre des Finances — mais je ne veux pas l'être —, je m'assurerais que nos PME jouissent d'un statut fiscal favorable pour toujours garder espoir de devenir une grande entreprise un jour. C'est ce qui manque en ce moment.
(1215)

[Traduction]

    Monsieur Hejazi, plusieurs choses dans vos propos m'ont intrigué. Lorsqu'on parle d'investissements à l'étranger, il y a toujours cette dichotomie dans nos discussions entre les pourcentage des investissements à l'étranger des sociétés canadiennes et des investissements au Canada de sociétés étrangères, ou l'ampleur de ces investissements.
    Ces dernières années, KPMG a montré très clairement que les investissements faits à l'étranger par des sociétés canadiennes dépassent largement les investissements de sociétés étrangères dans notre pays.
    Dans votre exposé vous avez parlé de la mondialisation de l'économie et de l'importance pour le Canada d'y tenir sa place. Mais lorsque vous allez dans une circonscription comme la mienne, où il y a une forte proportion d'emplois dans les secteurs manufacturiers et industriels, dont beaucoup ont été perdus...
    J'étais à une réunion vendredi, et je peux vous dire qu'ils ne seraient certainement pas d'accord avec votre évaluation de ce qu'il convient de faire, ou de ce qu'il faut continuer de faire. En fait, ils vous diraient qu'il faut construire davantage de murs pour assurer notre compétitivité nationale, sur le plan de l'investissement ou de la politique fiscale, afin d'imposer des tarifs douaniers élevés aux produits importés par notre pays.
    Je ne vous ai pas laissé beaucoup de temps, mais j'apprécierais réellement que vous nous expliquiez davantage l'importance d'être compétitifs et pourquoi toutes les économies d'impôt ou recettes fiscales que nous retirerons de la fermeture des échappatoires seront, comme le ministre s'y est engagé hier, réinvesties dans la réduction des taux d'imposition des sociétés ici, dans notre pays.
    Il vous reste très peu de temps pour répondre, monsieur, malheureusement.
    Je pense que nous mélangeons là deux questions réellement importantes. L'une concerne la compétitivité de l'économie canadienne et les défis que nous avons au Canada sur le plan de la production, etc., et l'autre intéresse la présence des multinationales canadiennes dans l'économie mondiale.
    Je me dois de signaler un point, pour revenir à la question précédente. Environ la moitié des échanges commerciaux du monde sont le fait des multinationales. L'idée que nous pourrions rester assis au Canada, et produire des marchandises et les exporter dans le monde sans avoir un réseau de sociétés multinationales — cela ne marche tout simplement pas. Il faut être présent dans l'économie mondiale.
    Ce sont donc là deux questions réellement importantes, et il se pose des problèmes sur le plan de la compétitivité et de la productivité des entreprises à l'intérieur du Canada. Mais je fais valoir que le fait de permettre aux multinationales de s'implanter dans l'économie mondiale améliore notre compétitivité.
    Merci.
    Pour terminer, M. Pacetti sera le dernier intervenant, mais sans être le dernier dans mon estime.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages.

[Traduction]

    Seul un groupe comme celui-ci peut rendre une question complexe encore plus complexe. Nous n'avons pas pu trouver beaucoup de solutions, mais je vais m'y efforcer en quatre minutes.
    Ma première question est pour vous, monsieur Hejazi. Je pense que vous avez donné une réponse un peu contradictoire à une question antérieure. Vous venez de dire que le Canada n'a pas des taux d'imposition des sociétés compétitifs, et pourtant Toyota ouvre des usines chez nous. Comment expliquez-vous cela et pourriez-vous comparer cette situation à celle d'une multinationale canadienne — peu importe qu'elle soit canadienne ou non — qui investit à l'étranger?
    Les multinationales canadiennes et les multinationales en général vont établir leur centre de production là où les ressources et le milieu sont les plus favorables. Dans le secteur automobile, de nombreuses multinationales, Toyota en particulier, ont fait...
    Bien. Je vais vous interrompre, car mon temps est limité. Donc, l'impôt des sociétés n'est qu'un facteur parmi beaucoup d'autres?
    Oui.
    Bien, nous sommes donc d'accord là-dessus. Ce n'est pas le facteur essentiel. Ce n'est pas l'impôt des sociétés qui va nous rendre compétitifs ou non. Existe-t-il un niveau à partir du quel nous pouvons dire que les recettes publiques seront touchées, à la hausse ou à la baisse?
    C'est une question très complexe. Je mets au défi n'importe qui ici de prouver que les recettes fiscales au Canada diminuent lorsque des multinationales s'établissent à l'étranger. La raison en est que lorsque les multinationales s'implantent à l'étranger par le biais d'un centre financier extraterritorial, dans la mesure où ces multinationales deviennent plus productives, l'activité économique au Canada s'accroît. Aussi, les recettes fiscales augmentent du fait de ce surcroît d'activité économique, et les dividendes rapatriés au Canada sont également plus élevés.
(1220)
    Mais les emplois ne vont pas partir avec cette activité économique?
    Il est prouvé que lorsque les multinationales accroissent leur présence à l'étranger, cela s'accompagne d'une demande accrue de production au Canada même. C'est la notion de complémentarité.
    D'accord.

[Français]

    Monsieur Lareau, si nous n'avions pas d'entente avec la Barbade, quelle serait la solution pour les compagnies multinationales devant faire des investissements à l'extérieur? Que feraient-elles?
    Si elles ne vont pas à la Barbade, elles pourront choisir un autre pays où le taux d'imposition est faible.
    Quand on fait des affaires à l'étranger, on veut, pour des questions de fiscalité, choisir un pays avec lequel il y a une convention fiscale. S'il n'y a pas de convention fiscale, quand le dividende revient ici, il est imposé.
    Cependant, le dernier budget du mois de mars a prévu que même si on fait des affaires dans des pays avec lesquels nous n'avons pas de convention fiscale, on pourra recevoir des dividendes libres d'impôt, à la condition qu'il y ait un accord général d'échange de renseignements fiscaux. On vient d'ouvrir la porte plus grande qu'auparavant. Or, c'est peut-être dangereux.
    Néanmoins, si ce n'est plus possible avec la Barbade, ce le sera avec d'autres pays, comme l'Islande, par exemple.
    Vous préférez qu'une compagnie investisse dans un pays avec qui nous n'avons pas de convention fiscale ou...
    Non, un pays n'ira pas à l'extérieur et ne créera pas une entité dans un pays avec lequel nous n'avons pas de convention fiscale, parce que ce serait suicidaire sur le plan fiscal.
    On fera affaire avec un pays avec lequel nous avons conclu une convention fiscale. Cependant, le dernier budget prévoit que même s'il n'y a pas de convention fiscale, on pourra néanmoins ramener les dividendes en franchise d'impôt s'il y a un accord général d'échange de renseignements.
    Pourquoi est-ce ainsi? Je présume que le ministre des Finances s'est dit qu'on aurait des renseignements qui nous permettraient d'aller chercher de l'information. Cependant, cela ne fonctionne pas, parce qu'à la Barbade il y a un tel programme d'échange...

[Traduction]

    D'accord, merci.

[Français]

... en autant qu'il y ait une entente d'échange d'information.

[Traduction]

    Cela a été une séance très intéressante. Nous vous sommes très reconnaissants de vos exposés et de vos réponses à nos questions. Merci.
    Nous allons suspendre pour le déjeuner et reprendre sous peu.
(1220)

(1240)
    Bienvenue à nos témoins. Je souhaite la bienvenue aux membres qui sont de retour ainsi qu'aux téléspectateurs intéressés.

[Français]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons une séance d'information sur l'évasion et les paradis fiscaux.

[Traduction]

    Je crois savoir que les représentants d'aujourd'hui n'ont pas d'exposé formel à présenter, mais qu'ils sont là pour répondre à nos questions et échanger des informations avec les membres du comité.
    Est-ce exact, monsieur Ernewein?
(1245)
    Je suis le directeur général de la Direction de la politique de l'impôt au ministère des Finances. Je suis accompagné de mon collègue, Lawrence Purdy, qui est chef principal de la Division de la législation de l'impôt à la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances.
    Nous n'avons pas de remarques liminaires. J'ai eu le privilège de comparaître devant le comité lors de la dernière législature pour traiter à peu près du même grand sujet. Les membre du comité ont connaissance de la déclaration faite hier par le ministre des Finances. Nous avons remis au greffier des copies de cette déclaration ainsi que des documents d'accompagnement. Peut-être cela a-t-il déjà été distribué aux membres du comité. Au cours de notre discussion, nous aurons sans doute l'occasion de nous reporter à au moins certains des exemples de cette documentation.
    Nous sommes entre vos mains.
    Merci beaucoup, monsieur. Vous êtes ici en des mains très capables et amicales.
    Nous allons commencer avec M. McKay. Ne contredisez pas ce que je viens d'affirmer, s'il vous plaît, monsieur McKay.
    Je sens les vibrations d'amour qui se propagent dans cette salle.
    Nous avons décidé de nous pencher sur cette question en raison de diverses préoccupations que nourrissent les divers partis. Du point de vue du Parti libéral, le budget annonçait de façon plutôt téméraire que l'on allait éliminer la déductibilité des intérêts, s'attaquer aux paradis fiscaux, assurer l'équité fiscale et des choses de cette nature. C'était une déclaration plutôt floue.
    Au fil du temps, les milieux d'affaires ont commencé à s'inquiéter de cette proposition et le ministre a émis une série de clarifications, dont la dernière en date est intervenue hier.
    Je présume que lorsque vous lancez une initiative de cette sorte vous effectuez au préalable une forme d'étude macroéconomique. Vous étiez dans la salle lorsque le professeur Hejazi a parlé de l'étude qu'il mène. J'aimerais savoir si le ministère a effectué une étude macroéconomique similaire faisant apparaître non seulement les pertes dues aux investissements dans les soit-disant paradis fiscaux ou pays à faible fiscalité, mais aussi les avantages.
    Si vous avez l'étude, a-t-elle été communiquée au ministre avant le budget et le comité peut-il la recevoir?
    Je crois que la question de la déductibilité des intérêts a été examinée à plusieurs reprises. Le vérificateur général en a fait mention expresse et de manière assez détaillée en 1992 et en 2002. Le Comité technique de la fiscalité des entreprises, aussi appelé Comité Mintz, s'est penché sur la question et a formulé des recommandations en 1997. Peut-être le rapport a-t-il été publié seulement début 1998.
    Du point de vue de la politique fiscale, il s'agit de savoir quel moyen terme établir entre ce que d'aucuns qualifieraient de compétitivité et la neutralité ou équité, et de déterminer s'il y a lieu d'autoriser la déduction des intérêts payés sur un placement étranger alors que le revenu sous-jacent n'est pas imposé. Dans le document rendu public par le ministre aujourd'hui, le compromis trouvé est que l'intérêt pourra être déduit au Canada du revenu d'investissements étrangers mais ne pourra être déduit lorsque la déduction canadienne représente une deuxième déduction, en sus d'une autre déjà prise à l'étranger.
    Pour commencer sur l'enjeu macroéconomique, à un moment donné, dans les années 1970, le Canada recevait davantage d'investissements étrangers directs qu'il n'en investissait lui-même en dehors. Puis, autour de 1996, la tendance s'est inversée et nous achetons maintenant davantage à l'étranger que l'étranger n'achète chez nous.
    Vous avez fait mention du Comité Mintz. Je suppose qu'il travaille sur les données historiques antérieures à 1999. Est-ce que le ministère a fait une mise à jour pour voir en quoi les choses ont changé entre 1997-1998 et 2007? Est-ce que cela a contribué à façonner la position énoncée par le ministre dans le budget?
    Certains changements sont intervenus dans le régime fiscal et dans l'économie en général depuis cette époque. Un changement particulier que je signale est la baisse très considérable de notre taux d'imposition depuis ce rapport. J'ai indiqué lors d'une audience de comité sur un sujet autre ces dernières semaines que dans quelques années notre taux d'imposition sera inférieur de 50 p. 100 à ce qu'il était au moment de l'étude du comité technique.
    Je ne veux pas accaparer votre temps, monsieur McKay, mais cela met en jeu la question de savoir si, dans un scénario à double déduction, la première déduction sera prise au Canada ou plutôt dans le pays étranger. Si nous réduisons nos taux d'imposition, on peut penser que dans un scénario à déduction simple, il est plus probable que la déduction sera prise dans l'autre pays, ce qui signifie que la déduction supplémentaire est actuellement celle prise au Canada, aux dépens de notre assiette d'imposition et de nos recettes fiscales.
(1250)
    C'était justement l'une des critiques de ceux qui ont pris connaissance hier de la déclaration du ministre, à savoir que l'avatar le plus récent de cette initiative va en fait gonfler les revenus des pays étrangers et ne fera aucune différence ou fera baisser les recettes fiscales au Canada.
    Il faut se demander quelle est la logique d'une telle mesure?
    Je prévoyais la question. Permettez-moi d'y répondre plus directement.
    L'hypothèse ou la prémisse pour une telle affirmation est que la déduction est prise automatiquement au Canada et que la déduction dans les pays étrangers représente la cerise sur le gâteau. Cela prête à contestation.
    Pour prendre notre exemple, notre principal partenaire commercial, les États-Unis, ont un taux d'imposition légal supérieur d'environ cinq points à celui du Canada. Dans ces conditions, si vous n'êtes autorisé à déduire qu'une seule fois l'intérêt d'un emprunt pour un investissement aux États-Unis et que vous devez choisir pour cela entre le Canada et les États-Unis, tous les autres facteurs étant égaux, vous prendrez la déduction aux États-Unis puisqu'elle y vaudra 35 cents au dollar contre 31,5 cents au dollar au Canada, dans quelques années. Dans ces conditions, la deuxième déduction est celle prise au Canada.
    Je crois que vous avez entendu Roger Martin dire que nous avons encore plus à faire au niveau de nos taux d'imposition, mais que nous sommes déjà bien placés parce que les États-Unis ont des taux relativement élevés, mais que nous ne sommes pas meilleurs que le reste du monde, ou meilleurs que les autres pays du monde industrialisé. Cependant, avec une stratégie de réduction de nos taux d'imposition — nous visons de nous placer dans le bas de la structure des taux d'impôt du G-7 — cette sorte d'analyse devient plus crédible et amène à conclure que la déduction sera prise généralement, tous autres facteurs étant égaux, dans le pays où l'investissement est effectué plutôt qu'ici au Canada.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur.
    Monsieur Crête, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence.
    En 2002, la vérificatrice générale, en parlant du ministère des Finances, a fait la remarque suivante:

Au cours des dix dernières années, les arrangements fiscaux s'appliquant aux sociétés étrangères affiliées ont réduit les recettes fiscales du Canada de centaines de millions de dollars.
     Il y avait aussi une recommandation, la recommandation 11.114, que je vous lis rapidement:

En vue de protéger l'intégrité de l'assiette fiscale, le ministère des Finances devrait obtenir et analyser des renseignements à jour. S'appuyant sur ceux-ci, il devrait réévaluer la justification des règles suivantes et leur incidence sur les recettes fiscales :



les règles qui permettent aux sociétés canadiennes sous contrôle étranger de réclamer une déduction pour les intérêts payés sur des fonds empruntés pour investir, directement ou indirectement, dans des sociétés étrangères affiliées;



les règles qui permettent à des entités bénéficiant d'un régime fiscal privilégié dans les pays signataires d'une convention fiscale avec le Canada de ramener au Canada des revenus en franchise d'impôt.
     La vérificatrice générale nous a dit que vous n'aviez toujours pas répondu à cette question. Pourriez-vous nous dire si vous avez les informations qu'elle demandait? Avez-vous l'intention de répondre à cette demande de la vérificatrice générale?

[Traduction]

    Je crois que nous avons donné une réponse ministérielle au rapport de 1992 et 2002 du vérificateur général. Tout revient, au fond, à une décision politique à prendre par le Parlement, soit avoir ou non un régime d'exemption des revenus excédentaires, c'est à dire imposer ou non une taxe canadienne supplémentaire sur les revenus d'exploitation générés par les filiales étrangères de sociétés canadiennes.
    Les considérations qui ont mené à l'établissement d'un système d'exemption au Canada étaient, premièrement, de ne pas taxer les profits afin de préserver la compétitivité internationale et, deuxièmement, de ne pas imposer une taxe à leur rapatriement au Canada, afin de rendre le régime fiscal plus neutre et faciliter le retour au Canada des profits.

[Français]

    Mais, monsieur, avez-vous des chiffres? Pouvez-vous nous dire quel est l'état des choses aujourd'hui en regard de la demande de la vérificatrice générale? Quels sont, pour l'année financière passée, présente ou à venir, vos chiffres réels ou votre estimation de l'impact de cette motion? Pouvez-vous faire un bilan de l'analyse que vous en avez faite? Pour le moment, nous savons qu'une somme totalisant quatre milliards de dollars est transférée à partir de pays signataires de conventions fiscales sans que cet argent soit imposé. Pouvez-vous nous faire un résumé de ce que sait votre ministère à ce sujet?
(1255)

[Traduction]

    Merci beaucoup de la question. Nous n'avons pas aujourd'hui les chiffres des dividendes distribués. Nous avons vu que vous avez posé la question à l'Agence du revenu du Canada lorsqu'elle a comparu la semaine dernière et nous cherchons à rassembler quelques chiffres à cet égard.
    Nous avons quelques chiffres de Statistique Canada sur le niveau total de l'investissement direct canadien dans divers pays. Je peux vous en remettre une copie plus tard si cela vous intéresse, ou vous indiquer la référence.
    Mais je veux souligner, en sus de répondre directement à votre question, que je ne crois pas que l'on puisse prendre la valeur en dollars des dividendes rapatriés par des filiales étrangères d'un pays donné et leur appliquer un taux d'imposition canadien pour déterminer un manque à gagner fiscal.

[Français]

    En 2002, la vérificatrice générale vous a demandé cela. Cinq ans plus tard, vous n'avez toujours pas de réponse. Ce matin, on nous a parlé d'un crédit d'impôt que les gens pouvaient obtenir sur ces dividendes. La compagnie reçoit de l'argent sans être imposée et le contribuable a droit à un crédit d'impôt sur de l'argent non imposé. Avez-vous des chiffres sur les crédits d'impôt octroyés dans le cas de ces dividendes? Vous devez certainement savoir à combien ça se chiffre.

[Traduction]

    Je ne crois pas que nous puissions vous donner aujourd'hui l'information sur le montant effectif des dividendes rapatriés, par pays de provenance. Nous cherchons à les obtenir et nous vous les fournirons si nous y parvenons.
    Je ne crois pas que la multiplication du montant des dividendes par un taux d'imposition canadien représente le montant des recettes fiscales canadiennes en jeu. Si l'on imposait les profits de l'exploitation active des filiales étrangères de sociétés canadiennes dans des pays couverts par un traité, le résultat probable serait ce que nous avons constaté dans d'autres pays qui ont un système de crédit d'impôt étranger, à savoir que ces revenus ne seraient pas rapatriés au Canada.

[Français]

    Étant donné que vous ne nous donnez pas certains renseignements, nous sommes obligés de faire des estimations à partir de ceux que nous avons. En ce sens, le ministère perpétue le flou entourant l'information disponible. En matière de fiscalité internationale, vous savez comment fonctionnent les États-Unis, par exemple, en ce qui a trait aux dividendes. Avez-vous évalué s'il serait pertinent pour le Canada de changer de système d'imposition? Savez-vous s'il serait préférable de remplacer notre modèle, qui comporte une convention fiscale, par un système comme celui des Américains ou des Japonnais? Avez-vous une opinion à ce sujet?

[Traduction]

    Pour ce qui est des considérations déterminant l'opportunité d'avoir un système d'exemption ou de crédit, avec un système d'exemption nous obtenons la neutralité entre nous et d'autres concurrents étrangers sur le plan de l'investissement étranger. Nous n'avons pas d'impôt canadien supplémentaire, courant ou reporté, frappant les investisseurs canadiens ayant des activités à l'étranger. Le pendant de cela est que nous perdons la neutralité entre l'imposition des revenus canadiens et l'imposition des revenus étrangers.
    Le système que le Canada a mis en place avec les pays signataires de traités depuis environ 35 ans est un système d'exemption. Nous n'imposons pas d'impôt courant et nous n'imposons pas d'impôt sur le revenu lorsqu'il est rapatrié.
    D'autres pays, dont certains des plus grands du monde — les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon dans une large mesure — offrent la même possibilité de report. Ils n'imposent pas les revenus étrangers des filiales étrangères de leurs sociétés au fur et à mesure qu'ils sont gagnés. Ils restent non imposés par les États-Unis tant qu'ils restent à l'extérieur du pays. Mais lorsqu'ils sont rapatriés dans le pays, ils sont assujettis à l'impôt, avec un crédit pour l'impôt déjà payé à l'étranger.
    Si les filiales étrangères de ces compagnies américaines, par exemple, investissent et génèrent des revenus d'activité en dehors des États-Unis, elles peuvent garer ces revenus à l'étranger sans qu'ils soient assujettis à l'impôt américain. Mais lorsqu'elles les rapatrient, ils sont sujets à un impôt potentiel de 35 p. 100. Cela incite de nombreuses compagnies américaines à ne pas ramener les revenus et, il y a quelques années, il y a eu ce que l'on pourrait qualifier d'amnistie fiscale générale par les États-Unis pour inciter les sociétés à rapatrier ces revenus afin qu'ils puissent être employés aux États-Unis.
(1300)
    Merci, monsieur Crête.
    Monsieur Wallace, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venus. J'apprécie que les fonctionnaires du ministère de l'imposition soient là. Nous avons eu les gens du revenu la semaine dernière, ce qui était excellent. Je suppose que vous travaillez main dans la main pour essayer de régler ce problème de paradis fiscaux. Vous vous situez chacun d'un côté de l'équation.
    Un argument qui m'a été présenté figurait dans un courriel envoyé par quelques-uns de mes électeurs. Peut-être pourriez-vous m'éclairer un peu à ce sujet.
    Ils disent que, pour que le Canada soit globalement compétitif, nous devons tolérer la double imposition et les autres structures. Ce serait la seule façon dont les sociétés canadiennes peuvent être compétitives.
    Du point de vue d'un ministère de l'Impôt, pensez-vous que ce soit exact? Ou bien qu'en pensez-vous?
    On peut répondre à cette question à deux niveaux différents. D'un point de vue mécanique, mathématique ou arithmétique, on ne peut simplement considérer la valeur de la déduction des intérêts...
    Désolé, je dois commencer plus en arrière.
    Les autres pays autorisent dans certaines situations la double déduction. C'est un enjeu de relations internationales dans les autres pays, notamment les États-Unis et d'autres. Dans la documentation que nous avons publiée hier, nous en donnons de brèves descriptions. Tous ces pays reconnaissent qu'il y a là une difficulté. Tous prennent des mesures pour la régler d'une manière ou d'une autre. Mais vous constaterez que certains pays dans le monde autorisent une double déduction dans des conditions où nous proposons de la circonscrire.
    Est-ce que l'analyse arithmétique peut s'arrêter là? Je dis que non. En effet, il faut déterminer ensuite de quelle manière cette déduction des intérêts qu'ils autorisent se compare à notre système d'ensemble.
    J'ai mentionné les États-Unis tout à l'heure. Les États-Unis ayant un taux d'imposition statutaire et un taux marginal réel qui sera supérieur de quelques points au nôtre, il s'agit de voir si notre régime fiscal d'ensemble met une entreprise dans une situation fiscale aussi favorable, selon le régime général sans la double déduction, qu'une entreprise d'un autre pays qui a des taux plus élevés, par exemple, ou qui taxe les revenus rapatriés mais autorise la déduction des intérêts.
    Il faut donc considérer l'ensemble de la fiscalité. Il faut considérer aussi le milieu d'affaires global. Deuxièmement, le programme Avantage Canada à partir de l'automne établira non seulement des avantages fiscaux mais aussi d'autres avantages.
    Pour terminer, j'ai mentionné l'évaluation qualitative ou le jugement de valeur. Même si l'on est prêt à prendre en compte les systèmes de autres pays et les considérations de compétitivité au moment de décider de notre propre politique fiscale, il peut y avoir des considérations de neutralité et d'équité qui amènent à se demander si, en dépit de ce que quelques autres pays peuvent faire dans des circonstances particulières, nous-mêmes devrions autoriser la double déduction dans notre situation. La décision reflétée dans l'annonce du ministre est que nous tirons le trait à cet endroit.
    J'ai une deuxième question. Et soit dit en passant, j'étais là pour toutes les présentations antérieures mais je n'ai pas pu assister à la période des questions.
    Dans le rapport que j'ai sous les yeux, on donne les États-Unis, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni comme point de comparaison sur le plan de l'évitement fiscal international. L'un des témoins précédents a mentionné l'Australie, que nous prenons souvent comme modèle. Pouvez-vous me dire ce qui se fait en Australie et si son régime est différent du nôtre?
    La deuxième partie de ma question est en rapport avec le groupe de travail qui va être créé pour se pencher sur la question. J'aimerais savoir ce que devrait faire ce groupe de travail du point de vue du marché international.
    Je répondrai peut-être à la deuxième partie de la question et je demanderai à mon collègue de répondre à la première.
    Pour ce qui est du groupe de travail, je suppose que vous parlez là du panel d'experts que le ministre propose de mettre sur pied. Il en était fait mention également dans le budget. Il se penchera sur d'autres enjeux ou d'autres modifications éventuelles du régime canadien d'imposition des revenus internationaux susceptibles d'améliorer l'équité et la compétitivité du régime.
    Je pourrais mentionner une chose à titre d'exemple. Cette suggestion nous est venue de divers côtés depuis le budget — et j'avoue que d'aucuns disent que nous devrions faire cela au lieu de ce que nous faisons, alors que d'autres disent que nous devrions faire cela en même temps que ce que nous faisons. Il s'agit de ce que l'on appelle l'empilement de dettes, soit la question de savoir si les propriétaires étrangers de sociétés canadiennes n'imputent pas trop de dettes à ces filiales, sachant — et mon collègue complétera — que certains pays limitent la quantité totale des intérêts qu'une société peut déduire.
    Nous ne nous prononçons pas sur ce sujet mais il nous semble que ce pourrait être un terrain fertile que le groupe pourra examiner.
(1305)
    Pour répondre à la première partie de votre question, la situation en Australie est très comparable à celle du Canada à bien des égards, notamment sur le plan fiscal. Historiquement, l'Australie et le Canada ont opté pour des systèmes très similaires. De fait, nombre d'aspects du système australien ont été inspirés du régime canadien.
    Mais au cours des 20 à 25 dernières années, les Australiens se sont montrés très aventureux face aux défis auxquels le Canada est maintenant confronté. Eux aussi ont été aux prises avec ces difficultés, comme tous les autres pays développés. Ils ont suivi différentes approches et se retrouvent pour le moment avec un système très différent de tout ce que l'on envisage au Canada.
    Je dois préciser que je ne suis nullement expert du régime fiscal australien, et je ne vous donne donc que mon interprétation. Mais l'approche australienne consiste à limiter la déductibilité en général, non seulement des investissements à l'étranger mais aussi des investissements nationaux, en spécifiant un montant maximal de dettes pouvant être utilisé pour financer une filiale, tout ce qui dépasse ce plafond n'étant pas déductible.
    Nous avons une forme limitée de cette même règle pour ce qui est de l'investissement à destination du Canada, avec ce que nous appelons les règles sur la capitalisation restreinte. Mais l'Australie et un ou deux autres pays ont mené ce concept plus loin et l'ont appliqué de façon générale à tous les investissements, tant nationaux qu'étrangers, tant sortant qu'entrants.
    Très bien. Je vous remercie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Nous allons poursuivre avec M. Pacetti. Cinq minutes, monsieur Pacetti.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Il est toujours bon d'avoir les fonctionnaires des finances avec nous.
    Je veux parler plus spécialement de la déductibilité des intérêts. J'essaie de comprendre. Si l'ARC prenait une société en flagrant délit — par manque de meilleur terme — de cumul des déductions, elle refuserait la déduction. Elle n'autoriserait pas la deuxième déduction. Je ne comprends donc pas pourquoi le cumul des déductions est un tel problème, car si un cas est décelé, la déduction est refusée et le fardeau de la preuve incombera à la multinationale.
    Dans certains cas, l'ARC peut contester des transactions comme étant trop agressives, et cela a été dit l'autre jour dans votre discussion avec l'Agence. Mais pour le meilleur ou pour le pire, l'ARC ne cherchera pas à contester en vertu de la loi actuelle la sorte de transaction esquissée dans les documents publiés hier et...
    Mais quelle différence cela ferait-il? Le cumul des déductions n'est pas autorisé aujourd'hui. Si vous constatez qu'il y a double déduction par une méthode quelconque lors de vos vérifications, elle ne sera toujours pas autorisée. Donc, rien n'a changé.
    Eh bien, encore une fois, je ne crois pas que tel soit le cas.
    Si une société décide de contester le refus de la déduction, c'est une autre affaire, mais on parle comme si tout d'un coup le cumul des déductions était légal, alors que ce n'est pas le cas. Et nous parlons ici des intérêts, mais cela vaut pour tous les autres frais d'exploitation au Canada.
    Je ne suis pas sûr que ce soit considéré tout d'un coup comme légal. Depuis toujours un emprunt effectué par une entreprise canadienne pour investir dans les actions d'une filiale étrangère est généralement déductible du revenu imposable et de l'impôt payé par la société canadienne.
    Ce que l'on trouve dans un cas classique de cumul des déductions, c'est que l'investissement dans les actions de la filiale étrangère a été transformé en un prêt de cette filiale étrangère à une entité d'un autre pays et ce pays autorise également la déduction de ces intérêts.
    Je comprends la mécanique, mais si le cumul des déductions est prouvé, la déduction sera refusée par l'ARC.
    Mon autre question porte...
(1310)
    Rappel au Règlement.
    Rappel au Règlement, monsieur Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    Les témoins de l'ARC la semaine dernière nous ont donné un exemple précis d'une double déduction qui a fait l'objet d'une contestation judiciaire, qu'ils ont perdue.
    Cela n'est pas un rappel au Règlement, monsieur Del Mastro.
    Mais M. Pacetti dit que le cumul des déductions n'est pas autorisé actuellement. Ils ont démontré par un exemple qu'il l'est dans certains cas.
    Cela n'est pas un rappel au Règlement, monsieur Del Mastro.
    Monsieur Pacetti, poursuivez.
    Merci, monsieur le président.
    L'autre question que j'aimerais traiter est de savoir s'il s'agit ici réellement d'une initiative de lutte contre les paradis fiscaux ou s'il s'agit d'éviter le cumul? De quoi s'agit-il? Si nous disons que c'est destiné à lutter contre les paradis fiscaux, c'est une chose; si c'est pour empêcher la double déduction, c'est une autre chose, mais nous semblons avoir des déclarations contradictoires de la part du ministre et maintenant dans le communiqué de presse du ministère. Pourriez-vous m'éclairer à ce sujet, s'il vous plaît?
    Merci de la question. Oui, je l'espère.
    Les gens projettent une définition sur l'expression « paradis fiscal », et il est probablement utile de prendre un moment pour cerner la notion. Comme le mentionne la note d'information dans notre documentation, on peut conceptualiser ou définir un paradis fiscal de deux façons. La première est simplement un pays à faible imposition, sans rien d'autre, et beaucoup de gens adhèrent à cette définition de paradis fiscal. Dans ce contexte, différents pays du monde ont des taux d'imposition faibles ou nuls, mais ce n'est...
    Je comprends cela. Nous avons eu toutes ces explications ce matin et mon temps de parole est limité.
    Je pose la question car vous sembliez donner à entendre, en réponse à la question de M. McKay, que les États-Unis sont un paradis fiscal. Je veux simplement m'assurer qu'il n'y a pas de contradiction dans nos positions.
    Même dans votre communiqué de presse, vous parlez de conclure un accord de principe sur la convention fiscale Canada-États-Unis. Je ne suis pas rassuré par la façon dont le ministre et le ministère changent de position.
    Je n'ai connaissance d'aucun lien entre notre signature d'un accord de principe et l'existence d'un paradis fiscal. Mais j'aimerais mettre en lumière le deuxième point que je voulais expliquer.
    Outre l'existence de taux d'imposition faibles, on peut arriver à des taux faibles ou nuls par manque de concordance entre les règles fiscales de deux pays. C'est la structure étagée illustrée dans les documents publiés hier. C'est une structure qui met en jeu uniquement le Canada et les État-Unis, et aucun autre pays. Elle a pour effet de produire une déduction au Canada et une déduction aux États-Unis.
    Je ne dis donc pas que nous sommes un paradis fiscal ni que les États-Unis sont un paradis fiscal, mais l'effet est sans doute encore meilleur que ce que l'on obtient dans certains pays à faible imposition.
    J'ai une solution rapide au problème. J'ai posé la question aux juristes et aux comptables. Au Québec, nous avons un système tel que les frais d'intérêt ne peuvent être déduits que des revenus d'intérêt. Ne pouvons-nous faire la même chose pour la déduction des intérêts et ne l'appliquer que s'il y a des revenus correspondants?
    Cela aurait des effets très différents de la proposition telle qu'elle est structurée. Je dirais qu'un investissement étranger financé par un emprunt au Canada ne pourrait faire l'objet d'une déduction des intérêts que si des revenus sont rapatriés et ce serait...
    Justement.
    Désolé, le temps de parole de M. Pacetti est épuisé. Essayez d'intégrer cela dans une réponse ultérieure.

[Français]

    Monsieur St-Cyr.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais poursuivre sur la question du cumul d'utilisations ou double dipping, comme on le nomme en anglais. Les mesures du ministre ne sont pas encore mises en oeuvre, et on n'a pas encore le texte de l'avis de voies et moyens. Compte tenu de la situation sur le plan législatif, est-ce que le double dipping est légal? Une compagnie peut-elle faire une demande au Canada et une autre aux États-Unis?

[Traduction]

    Sans ces changements, la loi actuelle permet dans certains cas à une société de demander une déduction au Canada et une déduction dans un autre pays.

[Français]

    Les compagnies n'ont donc pas besoin de le cacher. Elles ont le droit de le faire.

[Traduction]

    Il ne s'agit pas d'évasion fiscale; c'est une question de conformité légale aux règles.

[Français]

    Aurait-on recours aux moyens techniques, aux informations et aux échanges nécessaires avec les pays concernés pour détecter ces cas et les interdire?

[Traduction]

    La réponse est essentiellement oui, avec certaines nuances.
    Le cumul fonctionne mieux avec les pays avec lesquels nous avons une convention, car le revenu généré dans le pays intermédiaire est un excédent exonéré qui peut être rapatrié en franchise d'impôt. Du point de vue du planificateur fiscal, c'est le résultat idéal. Donc, avec nos conventions fiscales, nous aimons croire et sommes convaincus d'avoir de bons mécanismes d'échange d'information et de pouvoir obtenir les renseignements nécessaires pour valider ce qui est fait.
    On peut faire aussi un cumul avec un pays avec lequel nous n'avons pas de convention fiscale. Les résultats sont moins favorables car les revenus générés seront assujettis à l'impôt en bout de ligne, s'ils sont rapatriés. Dans ce cas, l'échange d'information peut être plus difficile. Mais de manière générale, lorsque l'on a affaire à des pays avec lesquels nous avons une convention, l'échange d'information ne pose de problème.
(1315)

[Français]

    Le professeur Lareau, qui a témoigné plus tôt devant le comité, nous a dit qu'aux États-Unis, en Angleterre et dans d'autres pays, si mes souvenirs sont exacts, une obligation de divulgation était imposée dans le cas de toute planification fiscale agressive. Il a précisé que ce n'était pas le cas au Canada.
    Y a-t-il une raison pour laquelle nous ne procédons pas de cette façon? Le ministère des Finances a-t-il déjà considéré la possibilité de le faire?

[Traduction]

    Dans certains cas — un exemple étant nos obligations de déclaration d'abri fiscal — nous obligeons les contribuables à déclarer les structures de planification fiscale agressives ou les structures proposées au public comme produisant des avantages fiscaux sensibles.
    Je ne sais pas si cette divulgation ou non-divulgation est un problème du point de vue des types de cumul de déduction dont nous parlons. Ce cumul est généralement pratiqué par des grosses entreprises d'envergure multinationale. Elles sont sujettes à des vérifications de routine de l'ARC, ou en tout cas à des vérifications plus fréquentes que les petites entreprises. Il n'existe donc pas de règles générales obligeant à déclarer cette sorte de transaction, mais je ne pense pas que cela soit un problème. Nous sommes en mesure — et l'Agence du revenu du Canada en particulier est en mesure — de déceler ces pratiques lorsqu'elles ont cours.

[Français]

     On a parlé plus tôt du paragraphe (11.2) de l'article 5907 du règlement de la Loi de l'impôt sur le revenu. En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le Bloc québécois a obtenu un compte rendu d'échanges de communications entre des hauts fonctionnaires du ministère des Finances. Ceux-ci expliquaient que ce paragraphe était conçu spécifiquement pour permettre à des compagnies canadiennes de transférer des montants, exempts d'impôt, dans des compagnies à la Barbade.
    Confirmez-vous que c'était le but de cet article?

[Traduction]

    Non. Je ne crois pas que c'était l'intention de cette disposition.
    Avant 1994, nous avions une disposition dans notre règlement qui tentait de dire que les pays conventionnés, les pays avec lesquels le Canada a une convention fiscale, donnaient droit à l'exemption des excédents. Ce mécanisme de liste n'était pas très efficace. Au moment de la modification de 1994, nous avions une dizaine de pays sur la liste avec lesquels nous n'avions pas de convention fiscale. Nous avions ouvert des négociations avec eux, mais nous n'avions pas de convention fiscale en vigueur, et nous prenons en même temps du retard à tel point que nous avions signé des conventions fiscales avec dix nouveaux pays qui ne figuraient pas sur la liste.
    Donc, pour remédier à ce problème, nous avons modifié le règlement de façon à dire qu'il devait s'agir d'un pays avec lequel nous avions une convention fiscale en vigueur. Nous n'allions pas dresser de liste, nous fixions simplement comme condition que le pays ait avec nous une convention fiscale et que la société en question devait être résidente de ce pays, aux fins de la convention. Comme je l'ai dit, l'intention était de clarifier la condition d'admissibilité. Une fois le règlement publié sous forme d'ébauche dans le budget, quelques cabinets de fiscalistes nous ont posé la question de savoir si cela allait avoir un effet sur nos conventions existantes, car on pouvait interpréter ces conventions comme signifiant que si une société n'était pas résidente à toutes les fins, on n'était pas admissible aux avantages de la convention dans tous les cas, etque le règlement tel que proposé pourrait s'appliquer à cette conventi on.
    Notre réponse a été que tel n'était pas l'intention et nous avons adressé des lettres — je pense que c'est de celles-ci dont vous faites mention — à un certain nombre de personnes dans les milieux de la fiscalité qui nous avaient écrit à ce sujet. Le règlement a été révisé de façon à ce qu'il reflète l'intention initiale.
(1320)

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur.

[Traduction]

    À titre d'éclaircissement, monsieur Ernewein, un groupe de témoins antérieur nous a dit, si j'ai bien compris, que le régime fiscal de la Barbade n'a pas changé depuis la signature de notre convention fiscale avec ce pays. À quelle date était-ce?
    Je crois que c'était en 1980.
    Une voix: Je crois que c'était 1972 ou 1973.
    Outre la recherche de la transparence et de la divulgation et de l'ouverture dans cette relation, cherchons-nous plutôt à signer des conventions fiscales avec des pays qui ont des niveaux d'imposition comparables aux nôtres? Ou cela n'est-il pas une considération lorsque nous signons des conventions fiscales?
    Je pense que cela est une considération au moment d'ouvrir des négociations pour conclure une convention fiscale car si l'autre pays ne prélève pas d'impôt, l'un des objectifs d'une convention fiscale — soit éliminer le risque de la double imposition ou en tout cas de le réduire — présente beaucoup moins d'intérêt.
    La réponse est donc oui, nous prenons en considération le niveau d'imposition comme l'un des facteurs lorsque nous signons une convention fiscale — est-ce exact?
    C'est l'un des facteurs, oui.
    Cela dit, différents témoins nous ont donné des informations contradictoires concernant les changements ou l'absence de changements dans le régime fiscal de la Barbade. Certains ont fait état d'une augmentation sensible du recours à des sociétés — comment dit-on déjà — des sociétés barbadiennes.
    Vous parlez probablement des international business corporations, les IBC.
    Une augmentation majeure du recours à des IBC à la Barbade, en particulier depuis la fin des années 90... Y a-t-il eu, ou non, une modification des politiques fiscales de la Barbade qui aurait amené ou contribué à ce recours accru aux IBC?
    Vous vous attendez à ce que je vous dise encore une fois que je ne peux vous donner de réponse tranchée. Les international business corporations existaient déjà lorsque nous avons négocié le traité avec la Barbade en 1980. Il en est fait mention explicitement dans la convention.
    Pourquoi leur prolifération? Pourquoi la Barbade vient-elle maintenant au troisième rang, je crois, de l'investissement canadien à l'étranger, après les États-Unis et le Royaume-Uni? Pourquoi la Barbade devient-elle soudainement une destination aussi incroyablement populaire pour l'investissement à l'étranger?
    Sans vouloir vous donner une impression que je suis une autorité en la matière, je pense qu'au moins deux facteurs ont pu y contribuer. L'un est tout simplement l'accroissement de l'investissement étranger des entreprises canadiennes et d'autres entreprises dans le monde. Je crois que l'augmentation de l'investissement dans des pays comme la Barbade se retrouvent également aux États-Unis et Royaume-Uni.
    Il y a davantage d'investissements étrangers, mais l'augmentation dans le cas de la Barbade est exponentielle. D'accord. Quelle est la deuxième raison?
    J'ai oublié.
    Quel est l'attrait particulier? Mes amis Barbadiens au fond de la salle aimeraient connaître l'attrait spécial exercé par la Barbade sur les investisseurs canadiens et autres.
    Désolé, Brian, mais nous avons été détourné et j'ai oublié l'autre facteur.
    Qu'est-ce qu'une société canadienne qui utilise la Barbade comme conduit paye comme impôt si elle est classée comme IBC? Que paie-t-elle en impôt sur les sociétés?
    Je n'ai pas vérifié depuis quelque temps, mais je crois que le taux était alors entre 1,25 et 2,5 p. 100.
    Ceci explique peut-être cela.
    Des voix: Oh, oh!
    Mais, monsieur, pour être équitable envers nos collègues et amis de la Barbade, je ne suis pas sûr que ce taux ait changé dans l'intervalle.
    D'accord, c'est simplement que la Barbade a gagné en popularité.
    Deuxièmement, si j'ai bien saisi, les États-Unis ont pour politique de tenir compte des impôts étrangers payés, mais d'imposer ensuite, sous une forme ou une autre, tous les revenus rapatriés, alors qu'au Canada nous postulons que l'argent a été imposé dans le pays étranger et nous autorisons son rapatriement en franchise d'impôt. Est-ce exact? Est-ce la différence essentielle entre l'approche des deux pays du rapatriement du revenu d'exploitation admissible?
    Vous avez bien décrit le résultat de la différence entre nos deux régimes, en ce sens que nous n'imposons pas et les États-Unis imposent avec un crédit. Mon hésitation à confirmer tout ce que vous avez dit est que vous aviez pour hypothèse que le revenu a été assujetti à un impôt étranger à peu près égal à celui de l'impôt canadien. Il se déroule un débat à ce sujet. Il n'est pas évident à mes yeux, franchement, que cela était l'intention dans tous les cas. Nous avons négocié des conventions fiscales avec des pays ayant des taux d'imposition très variables et il me semble que l'on peut dire, de ce fait, que notre appareil de convention fiscale n'est pas construit exclusivement sur la conclusion d'accords avec des pays ayant des taux égaux aux nôtres, mais plutôt avec des pays importants.
(1325)
    Très bien.
    Enfin, certains de ces supposés échappatoires ont censément été fermés il y a une dizaine d'années, vers le milieu des années 90, mais ensuite on en a rouvert quelques-uns avec la Barbade. Pouvez-vous nous expliquer quelles étaient les exceptions au milieu des années 90 et quels effets elles ont eu sur la déductibilité de l'intérêt sur les investissements étrangers, plus précisément à la Barbade?
    Je dois veiller à ne pas les qualifier d'échappatoires ou comme ayant été ouverts ou fermés...
    Très bien, appelons cela des changements de règles.
    Oui, je crois que vous parlez de certains changements apportés en 1994 à nos règles régissant la liste des conventions fiscales aux fins de l'application de l'exonération des excédents, afin d'aligner la liste sur les conventions effectivement en vigueur. L'intention n'était nullement d'altérer l'application des conventions alors en vigueur. Pour garantir cela, le règlement spécifiait expressément que toutes les dispositions des conventions en place et qui n'étaient pas ultérieurement modifiées seraient respectées. L'effet était de laisser inchangée l'application du régime d'exonération des excédents rapatriés de la Barbade et d'autres pays avec lesquels nous avions des conventions fiscales.
    Merci.
    Madame Wasylycia-Leis, pour cinq minutes seulement.
    Merci, monsieur président.
    Vous me pardonnerez si ceci vient répéter des choses qui ont déjà été dites. Cela m'ennuie, mais j'ai dû m'éclipser pour un court moment. Je ne sais trop pourquoi, mais je doute que mes questions aient déjà été posées.
    J'ai perçu l'annonce l'hier comme étant un virage marqué par rapport au budget. On peut en effet lire ceci dans le discours du budget:
Le nouveau gouvernement du Canada a décidé d'agir pour faire en sorte que chacun paie sa juste part d'impôts. Le budget de 2007 propose que les frais d'intérêt sur l'argent emprunté pour acquérir les actions d'une société étrangère affiliée ne soient plus déductibles, à moins que les actions génèrent un revenu qui soit imposable au Canada.
    Il me semble que, exception faite du cumul des déductions — et nous ne savons pas très bien comment cela fonctionnera dorénavant —, il y a eu un rétablissement complet de la déductibilité des intérêts pour les investissements étrangers. Je vais donc supposer que tel est le cas et vous demander ce que nous allons faire maintenant. Les entreprises ont dit que cela allait alors coûter 1 milliard de dollars, si le gouvernement était allé de l'avant avec ce qu'il avait annoncé. Maintenant que le gouvernement a fait marche arrière, qui va couvrir ce milliard de dollars? Comment allons-nous faire pour récupérer ces revenus qui allaient provenir du fait que le gouvernement ferme enfin cet échappatoire fiscal pour les sociétés?
    Vous ne pouvez peut-être pas répondre à cette question, mais...
    Je pense que ma réponse se résumerait en effet à dire que je ne le peux pas.
    Beaucoup de chiffres ont été mis de l'avant concernant l'incidence de la proposition budgétaire. Nous ne sommes pas convaincus que ces estimations soient entièrement justes. La chose est en effet difficile à mesurer. Même si l'Agence du revenu du Canada pouvait déterminer, sur vérification de la déclaration de revenu d'une société, quelle part de sa dette correspond à des investissements étrangers et, en tant que sous-total, quelle proportion de cela fait l'objet de double déduction sur des investissements étrangers, ce n'est pas là quelque chose que nous sommes en mesure de connaître avec précision à ce stade-ci.
    Ce que le ministre explique dans la documentation est que les recettes fiscales générées par cette proposition seront retournées au secteur privé sous des formes qui viendront améliorer encore la compétitivité du régime fiscal canadien.
    Eh bien, cela en soi a été un choc et une indication que le gouvernement fait volte-face ou plie sous les pressions exercées par le secteur privé. En règle générale, lorsqu'un changement fiscal procure des revenus au gouvernement, cet argent est versé aux recettes générales, pour servir l'intérêt de tous les Canadiens. Il n'est pas ciblé, ni canalisé vers un volet particulier, dans ce cas-ci l'impôt des sociétés, qui est déjà, comme nous l'avons entendu dire plus tôt, parmi les plus bas au monde.
    Il a déjà été clairement dit par d'autres, et cela figure même dans la déclaration du ministre, que dans au moins trois pays où cette chose est autorisée, il y a en même temps une imposition correspondante du revenu de la société affiliée. Le ministère des Finances compte-t-il tendre vers cela, vers une fiscalité internationale ou mondiale, ou en tout cas traiter de cet aspect, comme cela a déjà été fait dans ces trois autres pays?
(1330)
    Non, là n'est pas la proposition de politique.
    Et pourquoi pas?
    La proposition de politique est fondée sur le régime existant. Elle reflète un régime d'exonération des profits d'entreprises étrangères qui sont rapatriés au Canada. J'ai déjà mentionné une ou deux fois aujourd'hui que l'imposition d'un régime fiscal axé uniquement sur le rapatriement peut parfois avoir des effets pervers. Cela permet le même report que dans le système que nous préconisons, mais empêche alors essentiellement le rapatriement des revenus, qui auraient pu servir le pays, dans notre cas, le Canada. D'autres pays se trouvent confrontés à cela, offrant en fait parfois l'amnistie, comme cela a été le cas aux États-Unis, ce que j'ai expliqué tout à l'heure.
    Mais si cela figure dans les propres documents du ministre, émanant du ministère des Finances... Vous avez mentionné le fait que les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Japon ont une politique raisonnable autorisant et les déductions et l'imposition du revenu des sociétés affiliées. Comment donc se fait-il que le Canada ne soit pas en train de se pencher sur une proposition en ce sens? Cela ne serait-il pas logique?
    J'imagine qu'il y a des gens des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon qui diraient que cela est logique. L'observation que nous avons, en plus de celle que nous avons faite, est que, dans le cadre de notre régime, en consentant une exemption pour les profits des entreprises étrangères, nous favorisons la compétitivité des sociétés canadiennes.
    C'est un jeu d'équilibre. Le Parlement pourrait décider d'imposer ces revenus. Il pourrait décider d'imposer ces revenus selon le mode courant. Je pense qu'il serait alors seul au monde à le faire, mais voilà le genre d'options qui s'offrent à lui.
    Ne pas les imposer selon le mode courant, en respectant, essentiellement, les normes internationales en la matière, amène la question de savoir ce que vous en faites en bout de ligne — ou vous les imposez ou vous autorisez leur rapatriement en franchise d'impôt. Le système est fondé sur une exonération, et il en est de même, en partie, des règles en matière de déduction d'intérêts.
    Merci, monsieur.
    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Ernewein, il y a quelques instants, un de mes collègues du Parti libéral a indiqué que le cumul des déductions n'est pas autorisé à l'heure actuelle. Dans un exposé qui nous a été présenté l'autre jour par l'Agence du revenu du Canada, on nous a donné l'exemple très précis d'un cas pour lequel elle était allée en cour pour une affaire de double déduction — ou de double exonération, si vous préférez — et a perdu.
    J'aimerais passer cela un petit peu en revue avec vous, vous expliquez ce qu'on nous a soumis, puis vous poser quelques questions là-dessus.
    Cela a commencé avec le paradis fiscal A, l'entreprise A empruntant 200 millions de dollars à 10 p. 100, accumulant ainsi des frais d'intérêt de 20 millions de dollars qu'elle a alors déduits de ses impôts canadiens. Puis elle a prêté...
    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Del Mastro, et je ne voudrais pas briser votre logique, mais je crois que M. Ernewein connaît assez bien la question du cumul des déductions. Vous voudriez peut-être passer tout de suite à votre question, en tenant pour acquis que ce dossier lui est familier.
    Je tiens simplement à veiller à ce que les téléspectateurs qui suivent nos travaux comprennent bien la situation.
    Oh, je vois.
    Si la présidence voulait bien faire preuve de patience, elle aurait toute ma reconnaissance
    Absolument. C'est votre temps, et vous pouvez en disposer comme bon vous semble.
    Les résidents de Peterborough vous remercient de votre compréhension.
    La compagnie prête ensuite les 200 millions de dollars à un autre abri fiscal, qui prête alors l'argent, à un taux de 10 p. 100, à la compagnie B, aux États-Unis. Ce qui s'est passé est qu'elle a récupéré le gros du produit des 20 millions de dollars qu'elle avait déduits de son revenu du fait d'avoir prêté l'argent à un deuxième abri fiscal, et a fait rentrer les 20 millions de dollars au Canada en franchise d'impôt. Cela est, par inhérence, condamnable. La compagnie n'a jamais subi de dépense, mais elle a été autorisée à déduire la dépense de son revenu imposable au Canada, et en dépit du fait que l'ARC pouvait prouver que c'était bel et bien le cas, la pratique a été jugée par le tribunal comme étant parfaitement légale et légitime.
    Ce cas de figure ne correspond-il pas très exactement à ce que le ministre des Finances dit vouloir réprimer? Il ne s'agit pas de dépenses d'immobilisation légitimes à l'étranger qui aideront des entreprises canadiennes à s'agrandir. Il s'agit plutôt d'abus du système.
    Monsieur Pacetti, pour un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, le graphique qu'il a utilisé... Il a essayé de me reprendre lorsque je posais mes questions, mais le même croquis ou diagramme figure à la page 3 du mémoire du ministère des Finances qu'il vient tout juste de traduire, mais l'ARC est...
    Votre remarque ne constitue pas un rappel au Règlement, comme vous le savez fort bien, alors nous allons tout de suite reprendre avec M. Del Mastro.
    Je tiens à ce que les téléspectateurs à Peterborough sachent que la compagnie Coca Cola n'a d'aucune façon récompensé quiconque au comité du fait que cette cannette de Coke ait pendant un instant été dans l'image. Le placement de la cannette était tout à fait accidentel.
    Monsieur Del Mastro.
(1335)
    Qu'il figure clairement au procès-verbal qu'il s'agissait de la cannette de Coke de M. Dykstra.
    Monsieur Ernewein, encore une fois, n'est-ce pas précisément ce genre de comportement que veut réprimer le ministère des Finances, le ministre des Finances, afin d'établir un régime fiscal équitable — je veux parler de l'abus des arrangements fiscaux actuels?
    Merci de la question.
    Je tiens à bien me garder de me prononcer sur toute affaire faisant l'objet d'un litige ou toute affaire semblable faisant l'objet d'un appel ou d'une procédure devant la cour, mais je pense néanmoins pouvoir répondre à votre question. Oui, il existe un certain nombre de circonstances. Les illustrations contenues dans la documentation que nous vous avons fournie en début de séance expliquent ou donnent des exemples de situations dans lesquelles une déduction peut être demandée au Canada et dans un autre pays en vertu de la loi telle qu'elle existe à l'heure actuelle — peut-être pas dans chaque cas, mais il ne s'agit pas d'une situation hypothétique. Les règles annoncées hier ont pour objet de réprimer ces pratiques et de limiter la capacité de demander une double déduction.
    D'aucuns prétendent que cela empêchera de quelque façon les multinationales canadiennes de faire des investissements stratégiques, ce qui nuira à leur croissance, nuira à l'emploi, et nuira à l'investissement étranger au Canada. Y a-t-il du vrai là-dedans? Pensez-vous que ce soit le cas? En bout de ligne, si aucun d'entre nous ne payait d'impôts, nous pourrions tous dépenser davantage d'argent, mais cela ne ferait rien du tout pour appuyer notre filet de sécurité sociale.
    Estimez-vous donc que cet argument est légitime, ou bien ne s'agit-il que des mugissements de Bay Street?
    Ni l'un, ni l'autre, en fait. Je dirais qu'une situation dans laquelle vous obtenez une double déduction peut vous apporter une valeur très réelle. Dans l'intérêt de l'établissement d'un équilibre entre la compétitivité et l'équité et la neutralité du régime fiscal, il se pose la question de savoir si c'est là le régime que vous voulez autoriser ou bien si vous voulez tirer un trait après l'autorisation d'une déduction au Canada pour un investissement étranger, si c'est là ce que la compagnie se propose de faire, mais sans l'y autoriser s'il va également y avoir une déduction ailleurs.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Del Mastro, de cette vitrine commerciale non rémunérée.
    Nous passons maintenant à M. Thibault. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci tous les deux d'être venus comparaître aujourd'hui devant le comité.
    Pour commencer, nous avons beaucoup parlé aujourd'hui de la Barbade, mais aurais-je raison de supposer que si tous les arrangements financiers avec la Barbade devaient prendre fin demain, les IBC iraient s'établir ailleurs? Il existe d'autres pays à faible taux d'imposition dont pourraient profiter nos entreprises.
    La Barbade ne détient pas le monopole des régimes fiscaux à faible taux d'imposition. C'est tout à fait juste.
    Bien.
    Lorsque nous nous sommes penchés sur cette question, et nous avons commencé à le faire tout de suite après l'annonce du budget, nous y avons vu un dossier très vaste. Nous en sommes maintenant à la question du cumul des déductions. C'est de cela que nous parlons. Mais il s'y trouve quantité d'éléments qui sont difficiles à comprendre. Il me semble que c'est un petit peu risqué de lancer un budget puis de faire volte-face. Cette étude ou analyse a été faite. Ce qu'on nous a dit est que lorsque serait complètement éliminée la déductibilité des intérêts en vue d'investissements étrangers... Lorsque M. Flaherty a parlé de cela. Il a dit que cela augmenterait de 40 millions de dollars les revenus. Les sociétés et les fiscalistes nous ont dit que les pertes au niveau du revenu national se chiffreraient dans les milliards de dollars, du fait d'une compétitivité réduite.
    Voici que nous voyons maintenant avec le tout dernier revirement de Flaherty qu'en ne s'occupant que des doubles déductions, à partir de 2012, les revenus que cela procurera au Trésor seront contrecarrés par un recul des revenus en provenance des sociétés à l'intérieur du Canada. Quels sont ces montants? Si le montant total produit contre des pertes de plusieurs milliards n'est que de 40 millions de dollars, alors quel est le gain escompté ici?
    Merci de cette question.
    J'aurai deux choses à dire en réponse à cela.
    Premièrement, les 40 millions de dollars n'étaient pas le montant total. Les estimations dans la documentation relative au budget faisaient état de revenus de 10 millions de dollars relativement à cette proposition dans la première année et d'un gain de 40 millions de dollars de revenus pour le gouvernement la deuxième année. Ces chiffres correspondaient à une situation dans laquelle, la première année, la proposition ne s'appliquerait que pendant trois mois de cette année, et uniquement aux nouvelles dettes. Quant à la deuxième année, cela n'allait s'appliquer qu'aux nouvelles dettes et à certaines dettes non liées. La proposition était que tout soit pleinement en vigueur en 2010, au-delà des projections budgétaires sur deux ans, et il n'y a pas de chiffres qui reflètent cela.
    Le deuxième point est très largement une anecdote historique, car la proposition vise maintenant l'application du nouveau régime à compter de 2012 à toutes les dettes, peu importe la durée ou la date d'acquisition, tant et aussi longtemps qu'elles correspondent à une double déduction pour placement à l'étranger. Nous n'avons pas aujourd'hui d'estimation des revenus que cela produira en 2012 ou au-delà.
    L'instauration du régime posera un certain nombre de défis, car les gens feront des plans et réagiront à la proposition au cours des cinq prochaines années. Mais au fur et à mesure que la date approchera, nous nous efforcerons de mieux cerner les effets connexes sur le plan des revenus et, comme je l'ai mentionné plus tôt, de veiller à ce que cela se traduise par de nouvelles économies d'impôt pour les sociétés.
(1340)
    N'est-il pas possible qu'il n'y ait production d'aucun revenu supplémentaire et que les investissements dans les marchés étrangers changent dans leur structure ou dans leur façon de demeurer compétitifs? La possibilité n'existe-t-elle pas, de l'autre côté, que nous soyons défavorisés sur le plan compétitivité et que nos revenus soient de ce fait réduits?
    Il est sans doute dommage pour notre société qu'il y ait des gens tout à fait brillants qui se consacrent à des choses comme la planification fiscale, mais c'est bel et bien le cas, et ces personnes ont une intelligence très inventive.
    Nous verrons émerger, au cours des prochaines années, des changements ou de nouvelles structures dont il nous faudra tenir compte. Il nous faudra également surveiller les choses de très près afin de veiller à ce que la règle soit efficace, mais je prends bonne note de vos propos.
    La volte-face était un rêve. Merci.
    Oui, il est vrai qu'un poisson mort saute beaucoup moins bien. L'inaction du gouvernement antérieur dans ce dossier en dit long là-dessus.
    Monsieur Dykstra.
    Merci, monsieur le président.
    J'aurais une ou deux questions à poser au sujet des compagnies. Je ne devrais pas utiliser le terme « compagnies », car M. Martin a souligné, à très juste titre, que les compagnies ne sont pas des personnes. Ce ne sont pas des entités qui parlent ou qui nous répondent.
    Un grand nombre de représentants de grosses compagnies sont en train de demander pourquoi le gouvernement devrait se préoccuper de déductions doubles, étant donné que cela n'a de toute façon aucune incidence sur lui. Tant et aussi longtemps qu'il reçoit l'argent et tant et aussi l'argent qu'il reçoit les impôts des multinationales, pourquoi devrait-il en réalité s'en préoccuper?
    Pourquoi le gouvernement du Canada et les Canadiens devraient-ils se préoccuper des échappatoires fiscales que peuvent ou non offrir d'autres pays? Je dis « échappatoires », mais ce n'est pas du tout pour être méchant.
    Merci.
    J'ai tenté de parler de cela tout à l'heure. Beaucoup de ce que vous entendrez maintenant reprendra la discussion de tantôt.
    Ce genre d'analyse serait valable si vous preniez comme point de départ que la déduction fiscale canadienne est fixe et que la deuxième déduction est la déduction supplémentaire. Mais si vous avez établi un régime, comme je le disais tout à l'heure, dans le cadre duquel l'intéressé est tenu de choisir là où il veut prendre une déduction d'impôt, alors vous pouvez avoir un combat équilibré, si vous voulez, et votre choix dépendra de la compétitivité du régime fiscal ici par opposition à celui de l'autre pays.
    Vous avez mentionné le fait que M. Martin ait dit qu'il nous faut faire plus. Il est vrai que nous sommes déjà en assez bonne posture par rapport à d'autres pays pour ce qui est de notre échelle des taux. Si nous nous comparons à ces pays, avec une règle qui dit que vous serez tenu de prendre la déduction ou que ce sera dans votre intérêt de prendre la déduction là où elle vaut le plus pour vous, des taux d'imposition plus bas ici signifieront qu'il sera préférable pour vous de prendre la déduction dans l'autre pays.
    Mais il s'imposera à nous une certaine discipline. Advenant que d'autres pays réduisent encore leur taux, alors nous devrons être suffisamment disciplinés pour y réagir et veiller à ce que ce ne soit pas nous qui subissions la dette et la dépense.
    Notre approche agressive continue à l'égard de la réduction des taux d'imposition des sociétés va au moins nous maintenir dans une position dans laquelle nous ne serons peut-être pas le fin du fin, mais nous ferons en tout cas l'envie de tous, qu'il s'agisse du G-7 ou de nos relations commerciales avec des pays qui ne sont pas membres du G-7. Je veux dire par-là que les sociétés choisiront de payer leurs impôts au Canada, car cela leur permettra de garder une plus grosse part de leur argent au lieu de payer des impôts là-dessus.
    Il s'agit là d'un régime que nous essayons d'instaurer et d'améliorer pour que tout ce que vous dites soit vrai, et que ce le soit de plus en plus au fil du temps.
    Y parvenons-nous?
    Eh bien, il a été souligné dans le dernier budget que certaines mesures qui y étaient annoncées, et peut-être en combinaison avec celles de 2006 — j'oublie, franchement, et je m'en excuse —, allaient nous faire passer du troisième taux le plus élevé parmi les pays du G-7, au troisième plus bas. Et si l'on ajoute à cela d'autres changements possibles, dont des changements au niveau provincial relativement à l'impôt sur le capital et peut-être à l'harmonisation des taxes de vente, il est concevable que nous ayons le plus bas taux effectif marginal d'imposition du G-7.
    J'aurai une dernière question. Cela fait combien d'années que le ministère s'efforce d'avancer dans ce sens relativement à ce dossier particulier? Y a-t-il des gens au ministère des Finances qui ont continué d'intervenir, peu importe qui était au pouvoir, qui formait le gouvernement, en faisant ces genres de recommandations?
(1345)
    Je pense qu'il a été rapporté dans la presse écrite que, selon un fiscaliste du secteur privé, ces règles sont en place depuis environ 35 ans. Je pense que l'émergence des déductions doubles n'est pas venue le tout premier jour. C'est surtout dans les années 1980 que cette pratique s'est installée, et cela a sans doute fait l'objet de discussions depuis. Comme nous le savons, et je l'ai indiqué tout à l'heure, le rapport de 1992 du vérificateur général avait déjà relevé le phénomène. Cette pratique existe donc au moins depuis cette époque-là.
    Merci.
    M. Pacetti et M. McKay vont se partager un peu de temps. Nous allons commencer par entendre M. McKay.
    Il est préférable de ne rien faire si vous n'êtes pas certain de ce que vous faites.
    Si je comprends bien la question, en tout cas la dernière réitération de la position du ministre, les nouvelles règles s'appliqueraient non seulement aux paradis fiscaux ou aux pays à faible taux d'imposition, mais à toutes les situations. Il s'est donc tenu, simultanément, des discussions avec les États-Unis au sujet de la retenue d'impôt. Je comprends parfaitement bien pourquoi les États-Unis ont voulu imposer cette deuxième partie de la double déduction. Pourriez-vous me dire quelle incidence cette dernière réitération de la position du ministre pourrait avoir sur ces négociations?
    Comme je l'ai dit, je comprends aisément comment le Trésor américain bénéficie de cela, à condition, bien sûr, que le taux américain soit supérieur ou légèrement supérieur au nôtre, mais je ne vois pas quel avantage cet exercice peut procurer au Canada.
    Excusez-moi, monsieur le président, mais je ne suis pas certain d'avoir bien saisi la question de M. McKay.
    Vous n'êtes pas seul. Ne vous excusez pas.
    L'idée étant d'être utile, s'agit-il d'une discussion au sujet des avantages de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis et l'élimination de la retenue d'impôt sur l'intérêt? Ou bien voulez-vous parler des propositions en matière de déductibilité d'intérêts ou de quelque interaction entre les deux?
    C'est la combinaison des deux, car la combinaison des deux porterait à conclure que l'avantage pour le Trésor américain est supérieur à l'avantage pour le Trésor canadien.
    Eh bien, je ne suis pas certain de suivre. L'élimination de la retenue d'impôt en vertu de la convention fiscale canado-américaine bénéficierait aux deux pays, et l'amélioration de la possibilité de...
    Mais cet aspect des doubles déductions constituait un irritant particulier pour les États-Unis, n'est-ce pas?
    Je pense qu'en ce qui concerne la perspective américaine, les États-Unis étaient en fait en faveur de l'élimination de la retenue d'impôt sur les intérêts compte tenu des avantages que cela procurerait à leurs investisseurs, comme cela en procurerait, réciproquement, aux nôtres. Une conséquence accessoire est que cela aurait en fait permis à des sociétés canadiennes d'investir aux États-Unis à partir du Canada ainsi qu'à partir d'un certain nombre de pays tiers. Mais j'ignore si les Américains ont considéré cela comme étant une préoccupation pour eux, dans un sens ou dans l'autre.
    Merci, monsieur le président.
    Très rapidement, pourriez-vous revenir sur ce surplus exonéré et les dividendes en franchise d'impôt dont a parlé le groupe de témoins qui vous a précédé? Cela n'est-il pas quelque peu rassurant que la société renvoie ses revenus exonérés d'impôt au Canada, pour que des entreprises canadiennes versent alors des dividendes à des Canadiens, auquel cas des crédits d'impôt sont accordés pour ces dividendes ou ces revenus qui ont été reçus, en franchise d'impôt, de la société?
    Si je comprends bien la question, vous voulez parler du fait que les particuliers ont droit à un crédit d'impôt pour dividendes pour les dividendes qu'ils reçoivent de sociétés canadiennes, que ces dividendes aient ou non été imposés au Canada.
    La question peut déjà survenir dans un contexte purement canadien si la société elle-même n'a pas de revenu imposable mais est en mesure de verser certains dividendes. La question peut également se poser, comme vous le dites, si les revenus sous-jacents sont d'origine étrangère.
    Oui, mais je veux parler tout particulièrement de sociétés qui tirent leurs revenus de, mettons, la Barbade. Je ne vais pas parler de paradis fiscaux en général, mais de la Barbade. Cela ne vous pose pas de problème?
    Tout ce que je peux vous dire est que le crédit d'impôt pour dividendes n'est pas censé être fonction du montant sous-jacent d'impôt canadien payé. Il est établi à un niveau dont nous espérons qu'il reconnaîtra le montant maximal d'impôt sur le revenu de la société.
(1350)
    Je comprends le mécanisme, mais n'êtes-vous pas un tant soit peu mal à l'aise avec ce scénario? Les fonctionnaires du ministère des Finances doivent être mal à l'aise avec cela et il doit y avoir un calcul, car cela m'amène à ma question suivante: il doit y avoir un calcul quant au montant d'argent dont nous parlons. Voilà tout. C'est là la question ultime. La question est la suivante: a-t-on calculé combien de fuites d'impôts il y a du fait d'entreprises qui font passer leur revenu par la Barbade?
    Il n'y a pas eu, que je sache, de tels calculs, que ce soit pour les revenus étrangers ou les revenus canadiens sous-jacents n'ayant peut-être pas été pleinement imposés.
    Vous m'interrogez au sujet de mon niveau d'inconfort. Peu importe, sans doute, à quel point je suis confortable ou inconfortable. Je peux vous dire ce que je sais, soit que la règle a été conçue...
    Je n'arrive pas à croire cela.

[Français]

    Pour conclure, nous enchaînons avec M. Crête.
    Monsieur Crête, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Un groupe de travail sur les paradis fiscaux des sept pays a été mis sur pied par l'OCDE, auquel participe le Canada. On m'a dit qu'il y aurait un appel conférence au mois de juin prochain à ce sujet.
    Le ministère des Finances est-il représenté à ce comité? Fait-il partie de la délégation canadienne?

[Traduction]

    Non. Je pense que le groupe dont vous faites état est un groupe d'administrateurs fiscaux, qui inclut donc l'Agence du revenu du Canada, pour le compte du Canada, et ses pendants dans d'autres pays.

[Français]

    Le ministère des Finances ne participe donc à aucune activité de ce comité ou de tout autre comité.

[Traduction]

    Dans certains pays, la limite entre la politique et l'administration se situe ailleurs par rapport à là où nous la traçons au Canada, alors il se pourrait que d'autres pays soient représentés dans le cadre d'un tel exercice par leur ministre des Finances, mais dans le cas du Canada, le travail multilatéral sur les paradis fiscaux en particulier est la responsabilité de l'Agence du revenu du Canada.

[Français]

    Avez-vous à collaborer pour fournir des chiffres aux membres de la délégation canadienne? S'ils font une étude sur les paradis fiscaux, ils doivent le faire au moyen de chiffres et d'évaluations des impacts financiers des paradis fiscaux. Avez-vous à collaborer à cet égard?

[Traduction]

    Je ne suis au courant d'aucune demande particulière émanant de l'Agence du revenu du Canada relativement à l'appel dont vous avez parlé ou au groupe de travail. Il y a certainement une relation permanente, au niveau pratique, entre l'Agence du revenu et le ministère des Finances, pour ce qui est d'échanger des informations pour que ce genre de travail soit possible, mais je ne suis au courant d'aucune initiative particulière rattachée à ce projet.

[Français]

    C'est un peu étonnant, car la semaine dernière, des gens de l'Agence du revenu du canada nous ont dit qu'ils n'avaient pas les chiffres et que cette partie relevait de votre ministère. Aujourd'hui, vous dites que vous ne leur fournissez pas d'information.
    Au fond, j'aimerais savoir si vous pouvez produire un état de la situation, nous donner des chiffres sur l'impact des paradis fiscaux et des pays avec lesquels il y a des conventions fiscales et où il y a un faible taux d'imposition. Pourrez-vous nous produire un état de la situation?

[Traduction]

    Je pense que nous le pourrions. Je ne suis cependant pas certain de saisir la pertinence de tels renseignements dans le cadre du travail que fait l'Agence du revenu du Canada avec d'autres pays. Il s'y fait certainement du travail important pour essayer de déterminer s'il y a entre pays des transactions donnant lieu à de l'évitement fiscal ou à de l'arbitrage fiscal. Cela est normal. Mais, si je comprends bien, le comité serait désireux d'avoir une idée, par exemple, du volume des dividendes qui sont rapatriés. J'ai déjà parlé de cela, disant que cela ne mènera pas à la conclusion que vous pouvez en déduire une estimation des recettes fiscales. Mais pour ce qui est du nombre ou du volume de dividendes qui reviennent au pays, je pense que nous serons en mesure de suivre cela. Nous n'avons pas encore terminé cet exercice. Nous ferons ces calculs si la chose est possible et les ferons parvenir au comité si nous le pouvons.

[Français]

    Pensez-vous que l'on peut améliorer la situation concernant les paradis fiscaux sans qu'il y ait une entente internationale? Est-ce possible de continuer à apporter des améliorations? Ne serait-il pas préférable que l'OCDE, l'OMC ou un quelconque autre organisme soit chargé de superviser les discussions, comme dans d'autres secteurs du commerce?

[Traduction]

    Il est certainement vrai que, dans le cas particulier d'évasion fiscale internationale — et j'utilise délibérément ce terme pour distinguer cela de l'évitement fiscal —, la collaboration internationale est essentielle. L'OCDE joue en fait un rôle depuis une dizaine d'années en aidant à coordonner les efforts de ses pays membres et d'autres encore dans ce domaine.
    L'une des initiatives importantes de l'OCDE, travaillant en fait conjointement avec certains pays, a été d'élaborer un accord d'échange de renseignements fiscaux, ou AERF, et ce modèle sert de base aux ententes que le Canada s'est engagé à chercher à négocier à l'étranger. À ce niveau-là, donc, oui, les efforts multilatéraux sont très importants.
    Cependant, en bout de ligne, en tout cas dans le contexte actuel, ce qui importe véritablement ce sont les relations bilatérales que le Canada peut établir avec ces pays et les échanges d'information qui peuvent se faire entre eux tous. C'est pourquoi une partie importante de cette initiative budgétaire est axée sur la négociation d'accords d'échange d'information avec les pays qui ne sont pas des candidats pour des conventions fiscales en bonne et due forme, mais avec lesquelles il est néanmoins important que l'Agence du revenu du Canada entretienne une relation qui lui permette d'imposer la loi fiscale canadienne aux contribuables de ce pays.
(1355)
    Merci beaucoup, monsieur Purdy et monsieur Ernewein. Nous avons été heureux de vous recevoir. Nous apprécions vos témoignages d'aujourd'hui. Je pense que nous sommes tous conscients de la lenteur avec laquelle les changements s'opèrent dans des dossiers extrêmement complexes comme celui-ci, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir participé à notre discussion.
    Collègues, pour ce qui est du projet de loi C-52, si nous recevions sous peu un ordre de renvoi relativement à ce projet de loi, un avis serait envoyé à vos bureaux respectifs dans la matinée en vue de la tenue d'une réunion demain après-midi entre 15 h 30 et 17 h 30. Je vous avertis donc de la possibilité de la tenue d'une telle séance.
    Merci, mesdames et messieurs, de votre attention intense et exclusive à l'égard de la question sur laquelle portait la discussion.
    La séance est levée.