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La séance est ouverte. Bonjour aux membres du comité.
Bonjour aux témoins. Merci d'être venus.
Je vous remercie tous d'avoir remis vos textes par avance. Vous savez que nous disposons ce matin d'un temps limité pour les exposés. Je pense que vous êtes tous avertis que vous disposerez de cinq minutes pour vos remarques liminaires.
Je vous souhaite de nouveau la bienvenue et vous remercie d'être venus.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons nos travaux sur l'évitement et les paradis fiscaux. Nous allons commencer avec Ben Arrindell, de la Barbados Private Sector Association.
Bienvenue et merci, monsieur Arrindell. Vous avez fait beaucoup de chemin pour venir et nous vous en sommes reconnaissants.
Je me nomme Ben Arrindell. Je suis président de la Barbados Private Sector Association et également représentant de la Barbade au Comité d'experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies.
Je vous remercie de votre invitation à prendre la parole ici ce matin. Mon intervention vise à apporter un contrepoint dans le débat actuel sur l'utilisation abusive des paradis fiscaux et rectifier l'image de paradis fiscal faussement attribuée à la Barbade.
Il n'existe pas de définition universellement admise de la notion de paradis fiscal. Beaucoup de personnes, de pays et d'organisations internationales ont tenté de donner leur propre définition. Au cours des débats tenus ici ces deux dernières semaines et que j'ai suivis, d'aucuns ont avancé l'idée que tout pays ayant un taux d'imposition moindre que le Canada serait un paradis fiscal. À mon avis, c'est là une conception extrêmement simpliste et ce genre d'interprétation est empreinte de difficultés.
L'OCDE, dans son initiative sur la concurrence fiscale dommageable, en 1999-2000, a énoncé quatre critères définissant un paradis fiscal: un manque de transparence dans les lois et règlements fiscaux, l'absence d'échange d'information, une fiscalité nulle ou simplement nominale et l'encouragement d'entreprises sans activité locale. En gardant cette définition à l'esprit, voyons maintenant plus précisément la situation de la Barbade.
La stratégie de la Barbade en vue du développement des affaires internationales et des services financiers repose sur la transparence, un échange d'information libre et actif dans le cadre de traités fiscaux et l'absence de secret bancaire et d'obstacles légaux à l'échange d'information dans sa législation nationale. Étant donné ces engagements de la Barbade et le respect par le pays de ces facteurs, l'OCDE a rayé la Barbade de sa liste des paradis fiscaux, et ce sans que le pays ait eu à signer de lettre d'engagement envers l'OCDE.
Depuis cette initiative de l'OCDE et depuis que la Barbade a été retranchée de cette liste, le pays a conclu avec des pays membres de l'OCDE toute une série de conventions préventives de double imposition. Je pense que cela témoigne du fait que ces pays ne considèrent pas la Barbade comme un paradis fiscal. Les Pays-Bas et l'Autriche ne sont que deux exemples parmi d'autres de pays ayant signé des accords concernant la double imposition avec la Barbade.
L'OCDE a parlé de faibles taux d'imposition. Il en a été question aussi à plusieurs reprises au cours de ce débat. Je précise que ces taux ne s'appliquent qu'à certaines entités se livrant à certaines activités. Il s'agit là des activités que la Barbade promeut pour sa croissance économique future — par exemple, le secteur des affaires internationales et des services financiers. Mais nous avons également des encouragements au tourisme, à la fabrication, etc.
Les encouragements provisoires aux investisseurs ne sont pas chose inhabituelle et de nombreux pays, tant développés qu'en développement, en offrent, le Canada compris. À cet égard, la Barbade ne diffère pas des autres pays. Je mentionne également que les Barbadiens peuvent également posséder des entités jouissant d'une fiscalité allégée.
Je vais maintenant parler de la relation fiscale Canada-Barbade. D'aucuns ont dit que la Barbade aurait apparemment modifié sa législation depuis la signature du traité. Il n'en est rien. Le traité a été signé en 1980 et, à l'époque, la Barbade avait déjà des sociétés internationales bénéficiant d'un régime de faible imposition. En témoigne le fait que ces compagnies sont exclues des avantages du traité Canada-la Barbade, ce qui prouve bien qu'elles existaient à l'époque.
Enfin, je mentionne très rapidement la contribution du secteur des affaires internationales et des services financiers aux rentrées de devises, aux recettes publiques, à l'emploi, au tourisme et au développement de compétences spéciales et à leur transfert aux Barbadiens, ainsi qu'au développement technologique de la Barbade.
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Merci beaucoup de votre invitation.
De façon générale, le Canada peut aborder la question des paradis fiscaux de deux façons. La première est de continuer à réduire l'imposition des sociétés canadiennes de façon à faire du Canada lui-même un paradis fiscal. Cela semble avoir été la tendance suivie par la politique fiscale canadienne au cours des dix dernières années.
L'autre option, celle que je préconise, consiste à structurer le régime fiscal canadien d'une manière à lever des revenus fiscaux appropriés auprès des sociétés en dépit de l'existence de paradis fiscaux à l'étranger.
En particulier, j'aimerais traiter de la déductibilité des intérêts, un sujet qui a été happé par le débat sur les paradis fiscaux. Hier, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il continuerait de permettre aux sociétés, pour l'essentiel, de déduire de leurs impôts canadiens les intérêts sur les emprunts contractés pour financer leurs filiales étrangères.
Je fais valoir au comité que si le gouvernement va opter pour cela, il devrait également commencer à imposer le revenu des filiales étrangères des sociétés canadiennes.
Le principe fondamental de l'impôt des sociétés est qu'il devrait frapper les profits, c'est-à-dire le revenu moins les frais encourus pour le gagner.
Avant le dernier budget fédéral, les sociétés canadiennes avaient et le beurre et l'argent du beurre. Elles ne payaient pas d'impôt, ou pratiquement pas, sur le revenu des filiales étrangères, mais pouvaient néanmoins déduire des impôts canadiens les frais de financement de leur filiales.
Ce que proposait de faire le budget 2007, c'était de placer le régime canadien d'imposition des sociétés sur une base purement territoriale, c'est-à-dire que le Canada taxait les revenus produits dans le pays et autorisait la déduction des frais encourus pour générer ces revenus.
La critique adressée à cette mesure budgétaire revenait à dire, en substance, que le Canada devait autoriser la déduction des intérêts payés par les filiales étrangères afin de rester compétitif car d'autres pays accordaient cette déduction. Ce que les détracteurs omettaient de préciser, bien entendu, était que les autres pays qui autorisent cette déduction, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Japon, imposent également les revenus des filiales étrangères de leurs sociétés. Autrement dit, elles taxent les sociétés sur une base mondiale, c'est-à-dire les revenus des filiales étrangères compris, et autorisent la déduction des dépenses de ces filiales.
J'aimerais faire lecture d'une citation de Bruce Bartlett, dans sa courte analyse de l'imposition des sociétés pour le National Center for Policy Analysis des États-Unis. Voici ce qu'il écrit:
Le régime fiscal américain est « mondial », obligeant les sociétés nationales à payer des impôts sur les revenus gagnés à l'étranger.
Ainsi, par exemple, une société territoriale constituée au Canada ne paie d'impôt que sur son exploitation au Canada. Si elle a une filiale américaine, cette filiale paie l'impôt sur ses profits ici, mais rien au Canada. Cependant, étant donné l'envergure mondiale du régime fiscal américain, une société américaine identique, ayant une filiale canadienne, paiera l'impôt canadien, plus l'impôt américain sur son exploitation canadienne. La société américaine paiera davantage d'impôt au total, même si les États-Unis et le Canada ont des taux d'imposition identiques.
Bien entendu, le Canada va maintenant avoir des taux d'imposition inférieurs à ceux des États-Unis. Il semble donc que nous soyons en passe de devenir un paradis fiscal nous-mêmes.
Pour rétablir la cohérence du régime canadien d'imposition des sociétés, il nous faut, à mon avis, commencer à imposer les sociétés canadiennes sur une base mondiale. Cela les placerait exactement sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes américaines, britanniques et japonaises, c'est-à-dire qu'elles pourraient déduire les frais financiers de la création de ces filiales étrangères et qu'elles paieraient ensuite l'impôt canadien sur le revenu de ces filiales étrangères.
Un dernier avantage de ce plan tient au fait qu'il nous prémunirait contre les paradis fiscaux, car les sociétés basées au Canada seraient imposées au taux canadien sur toutes leurs activités dans le monde. Par exemple, si une société canadienne ouvrait une filiale étrangère à la Barbade, elle paierait l'impôt sur les sociétés de la Barbade et pourrait déduire celui-ci de son impôt canadien. Mais dans l'ensemble, elle paierait exactement le même taux d'impôt sur son exploitation à la Barbade que sur son exploitation au Canada.
Outre le fait que cela serait parfaitement logique sur le plan théorique et alignerait le régime fiscal canadien sur celui d'autres pays, cela contribuerait aussi largement à nous protéger contre les paradis fiscaux.
Merci beaucoup.
[Français]
Vous me demandez comment on peut régler le problème des paradis fiscaux, et c'est une question énorme. J'ai passé plusieurs années à essayer d'y répondre. J'aimerais d'abord préciser ceci: lorsqu'on demande qu'un problème soit réglé, on ne demande pas de régler les conséquences de ce problème. Le gouvernement canadien fait souvent l'erreur, quand il parle de régler le problème des paradis fiscaux, de se concentrer sur les conséquences de celui-ci. Si on travaille à une convention fiscale dont le Canada est signataire, peu importe laquelle, ou à l'une ou l'autre des lois fiscales du pays auquel vous faites allusion, on s'attaque toujours aux conséquences du problème. Par conséquent, même si on arrivait à une solution parfaite, le problème des paradis fiscaux existerait toujours. Puisque vous me demandez des suggestions pour régler le problème, je présume que vous êtes prêts à penser à une grande échelle et que vous désirez régler le problème plutôt que ses conséquences.
Quand je tente de trouver des solutions au problème des paradis fiscaux, je visualise la situation. J'aime imaginer un spectateur qui décide de se lever et de rester debout au beau milieu d'une foule assise. Il décide, par lui-même, de regarder le spectacle de cette façon. Ces paradis fiscaux et, par analogie, ce spectateur, tirent profit de la situation. En effet, les autres pays, et ça nous inclut, demeurent assis. Mais si nous décidions d'imiter ce spectateur et de nous lever tous ensemble, ce spectateur et ces paradis fiscaux perdraient la marginalité dont ils tiraient profit. Ils perdraient donc tous leurs avantages.
Peu importe la façon dont on complique la situation, on en revient toujours à deux seules possibilités: On peut demander aux paradis fiscaux de s'asseoir ou demander aux pays, le Canada, par exemple, d'être victimes de cette situation et, par le fait même, demander aux contribuables de soutenir cette injustice. Quand on parle de paradis fiscaux, il s'agit en grande partie d'intuition. Au Canada, l'histoire de l'impôt n'est vieille que de 60 ans. En termes d'expérience fiscale planétaire, les paradis fiscaux sont donc un nouveau problème. J'ai l'impression que si on demandait aux autres pays et aux contribuables canadiens de continuer à soutenir l'injustice et l'inéquité fiscales causées par ces paradis fiscaux, on risquerait de les provoquer.
S'il y a des sceptiques parmi vous qui pensent qu'un contribuable est un être passif, incapable de se révolter mais capable d'endurer une injustice comme celle-ci bien longtemps, je vous rappelle que l'Amérique est fondée sur le Boston Tea Party. Des contribuables écoeurés, si je peux me permettre le mot, il y en a.
Si on veut régler le problème des paradis fiscaux, on n'a qu'un choix, et c'est de demander à ces pays de suivre les mêmes règles que les autres, c'est-à-dire de s'asseoir. Chose certaine, nous n'allons pas atteindre cet objectif en cinq minutes. Il faut traiter de cette question à l'échelle internationale. Dans le contexte de la mondialisation, il existe des organisations qui se penchent sur toutes les questions possibles, que ce soit la santé, les normes du travail ou autre chose. Cependant, aucune organisation mondiale se consacrant à l'impôt n'a vu le jour depuis l'avènement de la mondialisation. L'OCDE n'est pas ce à quoi je fais allusion ici.
À mon avis, ce n'est que de cette façon qu'on pourra mettre sur pied une table de concertation réunissant tous les pays qui subissent une injustice attribuable aux paradis fiscaux. Tous ensemble, nous pourrions parler des vraies questions suffisamment haut et fort pour convaincre les représentants des paradis fiscaux de s'asseoir avec nous et d'assister au spectacle que nous offre de nos jours la planète mondialisée.
Merci.
Le Canada a fait un choix dans sa législation. Mes propos seront donc davantage à teneur législative, pour tenter de trouver des pistes de solution aux problèmes énoncés au sujet des paradis fiscaux.
Pour imposer une entreprise au Canada, il faut tenir compte de la notion de résidence. La résidence est le rattachement initial pour l'imposition canadienne. Or, une société qui réside au Canada paie de l'impôt, on le sait, sur son revenu mondial. Bien sûr, les entités qui ont décidé de minimiser leur fardeau fiscal ont choisi de rompre avec la notion de résidence et de s'installer ailleurs. Donc, on crée une entité étrangère, par exemple une société, dans un paradis fiscal comme la Barbade, qui, bien que n'étant pas un paradis fiscal au sens où plusieurs économistes l'entendent parce que la question du secret n'est pas visée, est un endroit où le taux d'imposition est malgré tout faible pour les IBC, les International Business Companies, soit de 1 à 2,5 p. 100.
La difficulté est la suivante. Selon le concept de résidence que l'on connaît, une société, même créée à la Barbade, pourrait être une résidante canadienne si le centre de contrôle était au Canada. Or, au cours d'une visite que j'ai effectuée à la Barbade en 2004, je me suis rapidement aperçu que les nombreux professionnels qui s'y trouvent offrent, pour quelques dollars, la possibilité d'offrir une organisation corporative et de structure aux entités étrangères qui décident de se constituer en société, de telle sorte que vous retrouvez à la porte de plusieurs bureaux d'avocats, notamment, de nombreuses plaques professionnelles de sociétés. Il suffit d'aller au Registrar's Office ou au Corporate Office pour trouver de nombreuses sociétés qui sont la possession ultime de résidants canadiens. Une visite rapide nous permet de comprendre que plusieurs sociétés s'y trouvent qui, ultimement, versent leurs dividendes à des résidants canadiens.
Bien sûr, la Barbade a une convention fiscale avec le Canada, comme on l'a indiqué tout à l'heure, qui exclut même les IBC. Cependant, notre réglementation canadienne, le règlement 5907(11.2)c) , exclut spécifiquement les entités créées à la Barbade, les réintègre dans la fiscalité canadienne et permet que de telles entités versent les dividendes à la société mère canadienne, libres d'impôt, ce qui est permis uniquement pour les sociétés qui sont généralement visées par convention. Mais ce fameux règlement 5907(11.2)c) réintègre la Barbade, notamment, en ce qui a trait à la possibilité de verser ces dividendes libres d'impôt, ce qui est une aberration.
Donc, le premier geste qu'on doit poser est de modifier la notion de résidence corporative pour faire un peu comme l'Australie, mais, dans un certain sens, avoir une notion de résidence qui vise particulièrement les détenteurs directs ou indirects d'actions avec droit de vote de ces sociétés.
On peut très rapidement percevoir une deuxième difficulté. Lorsque la société de la Barbade verse les dividendes à la société canadienne, ils entrent ici en franchise d'impôt. La société canadienne va un jour verser des dividendes à ses actionnaires, peut-être des particuliers. Or, la fiscalité canadienne comprend un concept qu'on appelle un concept d'intégration, qui permet à l'actionnaire canadien, lorsqu'il reçoit le dividende, de recevoir un crédit d'impôt qui compense l'impôt payé par la société, pour éviter une double imposition.
Supposons, à titre d'exemple, que je sois actionnaire, que je détienne des actions de Bell Canada ou de toute autre société qui paie de l'impôt. Je vais recevoir mes dividendes, mais on va me donner un crédit d'impôt pour compenser l'impôt payé par la société. Il s'agit du phénomène d'intégration. Or, lorsque le dividende est reçu par la société canadienne qui, elle, l'a reçu de la société de la Barbade, aucun impôt n'a été payé. Malgré tout, on donne à l'actionnaire canadien qui est un particulier un crédit d'impôt pour compenser un impôt qui n'a nullement été payé. Il s'agit d'une situation, encore une fois, qui ne peut être acceptée.
Finalement, il y a la notion de divulgation. On ne peut contrôler ce que l'on ne voit pas. Or, les États-Unis ont trouvé, en 2005, par ce qu'ils appellent le Circular 230, une obligation de divulguer les montages fiscaux agressifs.
J'inscris donc dans les montages fiscaux agressifs la planification où on intègre les paradis fiscaux, donc l'obligation, lors de toute planification fiscale, d'informer les autorités fiscales. L'Angleterre a fait la même chose en 2004, avec une mesure qui s'appelle tax avoidance scheme.
Merci.
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Merci beaucoup, et merci de l'invitation à prendre la parole devant le comité sur ce sujet qui concerne de près la recherche à laquelle je travaille depuis une dizaine d'années.
Le gouvernement de la Barbade cherche à contribuer au débat académique sur les entreprises internationales, en particulier dans la mesure où il est mis en jeu par l'ancienne relation qui lie la Barbade et le Canada. Cette étude s'inscrit dans cette initiative et l'analyse de cette ancienne relation mobiliser des chercheurs et des universitaires de l'University of the West Indies et de la Rotman School of Management et d'autres.
Cette étude a pour objectif d'examiner les effets de l'ancienne relation entre le Canada et la Barbade sur l'économie canadienne. Les résultats montrent clairement que la relation entre le Canada et la Barbade à renforcer la compétitivité mondiale des sociétés multinationales canadiennes.
Des changements d'orientation qui nuiraient à cette relation feraient du tort à ces multinationales, mais surtout des changements d'orientation qui nuiraient à cette relation feraient du tort à l'économie canadienne dans son ensemble. Il en résulterait un fléchissement du commerce canadien, de l'emploi au Canada et des investissements des entreprises canadiennes. Il est faux de penser qu'une modification de cette relation donnerait lieu nécessairement à une majoration des recettes fiscales du gouvernement canadien.
Pour inscrire cette discussion dans une perspective plus large, permettez-moi de remonter à 1970. Cette année-là, pour chaque dollar que les Canadiens investissaient à l'étranger, 4 $ étaient investis au Canada. Le Canada était très clairement une économie d'accueil de l'investissement étranger. Nous voici, 37 années plus tard, et les multinationales canadiennes ont davantage d'investissements à l'étranger qu'il n'y a d'investissements étrangers au Canada. Le rythme auquel les sociétés canadiennes se sont développées à l'étranger dépasse largement le rythme auquel les étrangers investissent dans l'économie canadienne.
Lorsque vous analysez en profondeur ces données, deux résultats émergent que votre comité ne doit pas négliger. Premièrement, si vous regardez les chiffres, les multinationales canadiennes s'implantent de plus en plus en dehors des États-Unis. De plus en plus, ces multinationales ouvrent des débouchés aux exportations canadiennes en Amérique latine, en Asie de l'Est et en Europe. Deuxièmement, une grande partie de ces investissements sont facilités par des pays intermédiaires comme la Barbade.
Le constat suivant est incroyablement important, et je vais essayer de l'expliquer aussi clairement que je le puis. Étant donné que les multinationales canadiennes se hasardent de plus en plus dans des environnements peu familiers en dehors de leur marché traditionnel, les États-Unis, elles courent de grands risques, beaucoup plus de risques que sur leur marché traditionnel. Par conséquent, il est très difficile pour ces multinationales canadiennes de livrer concurrence contre des sociétés américaines et européennes qui sont présentes de longue date dans ces marchés.
Le fait que ces multinationales canadiennes peuvent prendre pied sur ces marchés par le biais d'une juridiction intermédiaire comme la Barbade réduit leur coût de capital et permet à ces multinationales d'être plus compétitives et donc de mieux réussir sur le marché mondial.
Un point de vue largement répandu veut que le seul fait qu'une multinationale canadienne passe par une juridiction intermédiaire et retire un avantage fiscal correspondant serait une mauvaise chose pour le Canada. Eh bien, l'étude à laquelle je travaille et qui a été citée ici même la semaine dernière par le professeur Hines, de l'University of Michigan, montre clairement qu'il faut dépasser cette idée simpliste. Le seul fait qu'un avantage fiscal soit associé au recours à ces juridictions intermédiaires ne signifie pas que ce soit une mauvaise chose pour l'économie canadienne.
Je veux faire remarquer une distinction importante entre un paradis fiscal et un centre financier extraterritorial. Dans le texte que j'ai fait distribuer aux membres du comité, vous trouverez à la page 6 une citation très intéressante de l'OCDE, qui établit clairement que la Barbade n'est pas un paradis fiscal. Il existe une distinction fondamentale entre un paradis fiscal et un centre financier extraterritorial et il est crucial de ne pas perdre de vue cette différence au moment de décider les politiques dans ce domaine.
Je fais valoir enfin que lorsqu'une société multinationale canadienne s'implante dans un un marché d'Amérique latine, l'impact sur l'activité économique au Canada est considérablement plus grand que si cette multinationale canadienne avait exporté directement vers ce marché. Lorsqu'une multinationale canadienne s'implante en Amérique latine en passant par le conduit de la Barbade, cette société connaît une réduction de son coût de capital. Elle est plus compétitive et il en résulte une production accrue au Canada pour desservir ces marchés étrangers. Les exportations du Canada augmentent, tout comme l'emploi au Canada, etc.
Les deux dernières remarques sont les suivantes: ces résultats montrent qu'une altération de l'utilisation actuelle de la Barbade nuirait à l'économie canadienne en général; il y aurait un recul du commerce canadien, une production canadienne réduite. En outre, vous ne pouvez tenir pour acquis qu'une altération de cette relation donnera lieu à des recettes fiscales accrues pour le gouvernement canadien.
Je vous remercie.
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Lorsque les multinationales canadiennes se développent à l'étranger, l'activité au siège canadien augmente. Voilà un premier phénomène. On a beaucoup vu de débats dans les médias sur cette sphère d'activité au siège.
Deuxièmement, les faits sont très clairs. Il a été avéré dans le contexte canadien, américain et européen que lorsque des multinationales d'un pays donné s'implantent à l'étranger, c'est favorable aux échanges commerciaux.
Aussi, lorsqu'une multinationale canadienne s'établit aux États-Unis ou en Amérique latine, elle élargit son empreinte dans ce pays étranger. Lorsqu'elle élargit son empreinte dans ce pays étranger, cela accroît la demande pour les produits canadiens. Aussi, des emplois sont créés au Canada afin de servir ces débouchés qui sont ouverts par la présence de multinationales canadiennes dans ces pays étrangers. C'est clairement démontré.
Mais, deuxièmement, une bonne partie des revenus générés dans ces pays étrangers revient au Canada et, lorsqu'ils sont distribués aux actionnaires de ces sociétés multinationales, ces dividendes sont imposés.
Lorsque l'argent revient dans les caisses d'une multinationale canadienne, elles échappent peut-être à l'impôt à un niveau, mais une fois distribué aux actionnaires — et presque tous les Canadiens détiennent des actions dans leur REER — les dividendes qu'ils touchent sont d'autant plus élevés que ces multinationales canadiennes sont plus compétitives dans l'économie mondiale.
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Merci, monsieur le président.
Si je comprends bien, monsieur Lareau, madame Alepin et monsieur Weir, actuellement, on estime à environ 4 milliards de dollars par année le montant des profits réalisés à la Barbade qui revient au Canada, et ce n'est pas imposé. On parle donc peut-être de 800 millions de dollars non imposés, et à cela s'ajoutent les crédits d'impôt dont M. Lareau parlait tout à l'heure. Pouvez-vous nous illustrer l'impact que cela peut avoir sur l'équité fiscale?
M. Hejazi dit que cela est bon pour l'économie. C'est une approche complètement amorale. On ne fait qu'un calcul strictement économique. M. Weir a peut-être des choses à ajouter à ce sujet. J'aimerais vous entendre sur cette question.
Selon ce que je comprends, quand quelqu'un gagne 35 000 $ par année, il doit payer en impôt une partie importante de son salaire pour permettre à des entreprises d'aller faire de l'argent ailleurs sans qu'il le sache. Est-ce que je me trompe quand je dis cela?
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Je vais vous répondre en anglais.
[Traduction]
M. Hejazi, je crois, a argué que l'investissement dans des filiales étrangères est bon pour l'économie canadienne à différents égards. C'est peut-être vrai, et nous devons souhaiter que les entreprises canadiennes réussissent bien sur les marchés étrangers. Mais il ne fait aucun doute que si notre objectif est d'encourager l'activité au Canada, il est logique de structurer notre régime fiscal de manière à promouvoir l'activité au Canada plutôt que de promouvoir l'investissement canadien dans des pays étrangers en espérant que le Canada récupère quelques miettes. C'est purement une question de bon sens.
Je considère donc certainement que les paradis fiscaux sont néfastes pour l'économie canadienne du fait qu'ils détournent les investissements du Canada et qu'ils réduisent les recettes fiscales dont le gouvernement canadien peut disposer pour promouvoir l'activité économique chez nous. Voilà, en substance, ma position.
Si le Canada imposait les revenus mondiaux des sociétés basées au Canada, cela nous protégerait réellement contre ces paradis fiscaux car les sociétés canadiennes paieraient le taux canadien quel que soit le lieu de leurs activités dans le monde. Si elles voulaient avoir une filiale étrangère à la Barbade qui...
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Merci, monsieur le président.
J'ai apprécié les avis de tous les membres du panel d'aujourd'hui. Je pense en fait que l'on peut souscrire en partie aux positions de chacun. Même s'il semble que plusieurs témoins se rangent dans des camps opposés, je crois que plusieurs des remarques qui ont été faites présentent une certaine validité.
Monsieur Hejazi, j'ai lu votre rapport — merci de nous l'avoir envoyé par avance — et j'ai pu l'étudier. J'ai remarquer que vous tirez certaines conclusions avec lesquelles je me trouve être d'accord. Mais je pense qu'elles sont symptomatiques d'un autre problème que nous avons ici, au Canada, à savoir que les entreprises voient là-dedans une solution pour être concurrentielles, ce qui semblerait indiquer que le Canada impose une fiscalité excessive aux sociétés.
J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
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Je pourrais vous parler d'une autre étude que j'ai réalisée pour Industrie Canada qui se penchait sur le rôle de la fiscalité au niveau sectoriel pour tenter d'expliquer pourquoi les multinationales canadiennes vont à l'étranger. C'est une étude différente de celle que j'ai distribuée.
En gros, pour répondre à votre question, il nous faut comprendre pourquoi les multinationales canadiennes vont à l'étranger. Si elles le font pour exploiter un avantage particulier, avéré, afin d'ouvrir des marchés étrangers aux exportations canadiennes et au savoir-faire canadien, c'est une bonne chose, et nous devrions applaudir. En revanche, si les multinationales canadiennes vont à l'étranger pour échapper à un piètre environnement concurrentiel au Canada, c'est une mauvaise chose.
Il semble bien que les deux motivations coexistent. Par exemple, je sais que dans certains secteurs, une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée, une pénurie de technologie et un manque de recherche-développement sont des facteurs importants expliquant que des multinationales canadiennes s'implantent à l'étranger. Mais parallèlement, certaines industries canadiennes sont mondialement compétitives et des multinationales étrangères décident de s'établir chez nous. Prenez la nouvelle usine Toyota dans le sud-ouest de l'Ontario.
La réponse à votre question est que dans de nombreux secteurs, cela est exactement le cas: il existe quelques problèmes de compétitivité sous-jacents au Canada, et nous devons réfléchir aux moyens de remédier à ces facteurs négatifs.
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Si nous inscrivons cela dans le contexte du sujet que le comité étudie, à savoir l'évitement fiscal et les paradis fiscaux, nul ne conteste que la Barbade est un pays à fiscalité réduite. Si l'on considère les raisons pour lesquelles les sociétés canadiennes s'établissent dans les pays à faible imposition, nul ne prétendra qu'elles vont à la Barbade parce qu'elles y trouvent des compétences qui n'existent pas au Canada, ou que le secteur des services financiers y offre des services supérieurs à ce qu'elles pourraient trouver au Canada; elles y vont pour obtenir un avantage concurrentiel, pour être compétitives sur les marchés étrangers, et je comprends cela.
J'admets également votre argument que la conquête de nouveaux débouchés est risquée, et qu'il est important de s'implanter sur de nouveaux marchés étant donné la mondialisation économique.
J'aimerais parler un peu du taux d'imposition des sociétés au Canada que M. Weir a mentionné. Je ne pense pas que le Canada doive se transformer en paradis fiscal, mais le gouvernement du Canada a fixé spécifiquement dans Avantage Canada un calendrier de réduction à 17 p. 100 du taux d'imposition des sociétés. Nous avons supprimé la surtaxe des sociétés et nous allons réduire le taux à 18,5 p. 100 d'ici 2011. Quel niveau d'imposition des sociétés le Canada devrait-il viser? Plus le taux d'imposition baissera et moins l'évitement fiscal sera attrayant. On voit au niveau du marché noir et dans tous les cas, à l'échelle nationale et internationale, que des taux d'imposition élevés encouragent l'évitement fiscal. Quel serait, à votre avis, ce que j'appelle le taux d'imposition optimal pour le Canada? Ce peut être une cible mouvante, mais où se situerait-il aujourd'hui?
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Je commencerai par dire que j'aimerais vous inviter à la Rotman School, car nous pourrions rédiger plusieurs études ensemble sur les sujets que vous soulevez.
Je pense que la question fondamentale que vous soulevez est très bonne. Avant d'y répondre, il me faut dire ce qui suit.
Rendre plus difficile l'accès des multinationales canadiennes à l'économie mondiale sans des changements d'orientation améliorant la compétitivité de l'économie canadienne nuirait aux multinationales mais, surtout, serait néfaste à l'économie canadienne en général. Si vous voulez que les multinationales canadiennes investissent davantage au Canada, la bonne façon n'est pas de les y obliger et la bonne façon n'est pas de compliquer leur accès à l'économie mondiale; la bonne façon est de rendre plus attrayant l'investissement au Canada. Le doyen de l'école de commerce, Finn Poschman, et beaucoup d'autres ont fait valoir que les taux d'imposition au Canada sont très élevés. D'aucuns préconisent même de supprimer totalement l'imposition des sociétés et de taxer ce revenu une fois qu'il parvient aux mains des investisseurs.
Je ne sais pas quel est le bon taux d'imposition, mais si l'on s'accorde sur une chose, c'est bien que les taux d'imposition des sociétés sont très élevés au Canada, ne sont pas compétitifs et font du tort à l'économie canadienne.
[Français]
Je me suis interrogée et j'ai aussi fait une étude commandée par l'Université Harvard sur cette question. J'ai pris les rapports annuels des 50 plus grandes sociétés canadiennes de cette année et j'ai calculé leur taux d'imposition effectif. Le taux d'imposition effectif est l'impôt que les multinationales paient vraiment. Le taux d'imposition effectif des multinationales canadiennes est le même que celui des PME.
Les PME représentent 98 p. 100 des entreprises canadiennes. Si on veut qu'elles puissent accéder un jour au rang des grandes entreprises, on doit leur accorder un taux d'imposition favorable. Dans la même veine, monsieur a dit que les PME devaient assumer des coûts supplémentaires. L'avenir de notre mondialisation, c'est notre capacité à amener nos PME à devenir de grandes entreprises.
Si elles sont imposées au même taux que les multinationales au Canada, on crée un obstacle qu'elles ne peuvent pas franchir pour devenir de grandes entreprises. J'en ai la preuve, car j'ai analysé la liste du Globe and Mail des 1 000 plus grandes sociétés canadiennes. Puisque l'exercice était de taille, je me suis arrêtée aux 200 plus grandes sociétés canadiennes de cette liste. Durant les 20 dernières années, aucune PME, à part la société Calfrac Well Services, n'est devenue une grande entreprise.
Lorsque vous pensez au taux d'imposition des multinationales, n'oubliez pas de le mettre en perspective avec celui des PME. Les PME ont aussi besoin d'un coup de pouce dans cette société mondialisée.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'aujourd'hui.
Je pense qu'il faut s'interroger sur l'utilité de ces allègements fiscaux pour les sociétés sur le plan de la création d'une économie canadienne forte, un point sur lequel Walid a focalisé.
Il existe un autre volet à toute cette argumentation dont j'aimerais demander à Erin, Brigitte et André de parler, soit le fait qu'au cours des dernières années les taux d'imposition des sociétés ont été considérablement réduits. Les libéraux ont accordé un allègement considérable, à hauteur de 10 milliards de dollars sur cinq ou six ans. On a laissé subsister jusqu'à présent les paradis fiscaux, sans réagir. On a accordé toutes sortes d'avantages aux entreprises sans que cela ne produise aucun résultat, d'après ce que je peux voir, sur le plan de l'investissement au Canada.
Je pense donc qu'il faut parler de cette dimension pendant un moment avant de revenir à toute la question des paradis fiscaux, car il y a tout un côté de l'équation qui est négligé.
Erin.
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Je pense que c'est un élément crucial de tout le contexte que les impôts des sociétés canadiennes ont été coupées jusqu'à l'os ces dernières années. Ces impôts sont beaucoup moindres que les taux d'imposition des sociétés américaines et japonaises., par exemple.
De ce fait, les profits des entreprises ont atteint un niveau record en proportion du produit intérieur brut. Depuis que l'on recueille ces statistiques, nous n'avons jamais vu des profits aussi importants, proportionnellement à l'économie, qu'aujourd'hui.
Pourtant, l'investissement des entreprises dans l'économie canadienne languit à des niveaux très faibles. Il est à des niveaux faibles comparé à ce qu'il était à d'autres moments de l'histoire canadienne et comparé à ce qu'il est dans d'autres pays. Il n'est donc certes pas évident que ces baisses de l'impôt des sociétés aient produit de grands avantages économiques. L'argument en faveur de nouvelles réductions est réellement douteux.
Je fais remarquer aussi qu'une conséquence de l'importance de ces profits des entreprises est que le coût des réductions d'impôt des entreprises est aussi très grand. Les réductions déjà apportées nous coûtent des milliards de dollars. Vous avez donc tout à fait raison à cet égard.
J'ai une autre question et elle s'adresse à M. Lareau. Peut-être pourrez-vous répondre aux deux questions en même temps.
[Traduction]
Les libéraux voudraient nous faire croire que la Barbade et les autres paradis fiscaux sont un pur produit de notre imagination. Je doute que M. Arrindell serait ici s'il n'y avait pas quelque avantage avec lequel attirer des entreprises canadiennes, un avantage qui n'est pas offert au Canada.
Une étude récente menée par l'Université du Québec a montré que les grosses sociétés et banques ont recouru aux paradis fiscaux pour éviter de payer 10 milliards de dollars d'impôt depuis 1981.
L'étude rappelle que Scott Brison, lorsqu'il était encore dans le camp conservateur, a déclaré ceci à la Chambre des communes, il y a quelques années:
Le traité fiscal avec la Barbade est un cas particulier étant donné qu'un pourcentage disproportionné de l'investissement étranger direct du Canada va à la Barbade sans que la taille de son économie et la nature de l'investissement ne le justifient.
En 1994 Paul Martin a fermé toute une série de paradis fiscaux et a déclaré: « En conséquence, nous prenons des mesures pour empêcher les sociétés d'utiliser des filiales étrangères pour éviter de payer l'impôt ». Mais aussitôt il a justifié le maintien du paradis fiscal de la Barbade, une nécessité pour Canada Steamship Lines.
Nous avons appris récemment que Revenu Canada vérifie les comptes de Merck Frosst pour 2 milliards de dollars d'impôts impayés grâce au paradis fiscal de la Barbade.
Est-ce là un produit de mon imagination?
Mr. André Lareau, aimeriez-vous répondre?
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Vous avez tout à fait raison. La fiscalité canadienne permet effectivement des ouvertures, notamment, vers la Barbade. Mais la vérificatrice générale nous a indiqué, dans son rapport de 2002, que 23 milliards de dollars avaient été investis à la Barbade. Ce n'est pas pour rien. La Barbade, tout particulièrement, a une convention fiscale avec le Canada. Parce que l'article 30 de la convention fiscale précise toutefois que les International Business Companies, les IBC, sont exclues de la convention, on est porté à croire que la Barbade n'a effectivement pas de lien privilégié avec le Canada.
En ce qui à trait à ce que vous avez indiqué tout à l'heure pour 1994, rappelez-vous que c'est en 1995 qu'il y a eu la modification à la réglementation fiscale 5907(11.2)c) lors de laquelle on a précisé que les conventions fiscales conclues avant 1995 pouvaient bénéficier de la rentrée des dividendes en franchise d'impôt. Ce n'est pas un hasard.
Mme Alepin demandait tout à l'heure pourquoi on devrait ressentir l'obligation de réduire les taux canadiens. Effectivement, c'est une bonne question. En Europe, la compétition se fait à l'intérieur de l'Union européenne. Il y a eu une tendance à la hausse au cours des dernières années. L'Irlande a augmenté ses taux d'imposition en 2001, 2002 ou 2003. La Hongrie les a augmentés aussi en 2006. Présentement, c'est la Bulgarie, avec un taux de 10 p. 100, qui a le taux d'imposition le moins élevé en Europe pour les sociétés.
Or ici, notre compétiteur le plus près, ce sont les États-Unis. On ressent donc le besoin de toujours faire un arrimage avec les États-Unis. Mais attention! Nous avons une fiscalité tout à fait compétitive. Prenons, par exemple, l'exemption du gain en capital de 500 000 $, qui a été augmentée. Or, le rapport Mintz, en 1997, a bien dit que c'était une mesure qui ne créait pas d'emplois au Canada et qui devait effectivement être mise de côté. Donc, on doit considérer non seulement la fiscalité à l'égard des paradis fiscaux, mais aussi notre propre fiscalité interne.
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Merci, monsieur le président. Je suis content d'accueillir aujourd'hui deux témoins qui nous parlent en français. Ça doit faire plusieurs mois que pareille chose s'est produite au Comité des finances, et j'en suis très heureux.
Vous n'avez absolument pas à être gênés de vous exprimer dans votre langue.
Je suis un peu étonné lorsque j'entends l'argument selon lequel il faut que les compagnies qui investissent à l'étranger paient moins d'impôt et que ce sera rentable pour le Canada. C'est comme quand certains nous disent qu'il faut que les Canadiens aient des salaires le plus bas possible pour que l'économie se porte le mieux possible. Je n'adhère pas à cela.
Considérons les impacts économiques. Tout à l'heure, mon collègue parlait d'un montant probable de 4 milliards de dollars qui revient de la Barbade chaque année et qui est exempt d'impôt, ce qui nous priverait d'un revenu d'à peu près 800 millions de dollars, seulement à l'échelon fédéral. On ne tient pas compte, dans ce calcul, de l'impôt provincial ni des autres paradis fiscaux ni du double dipping, etc. On parle donc de plusieurs milliards de dollars.
Si on se prive, comme société, de ce milliard de dollars et qu'on doit augmenter les impôts des particuliers ou qu'on doit couper les services que l'on offre et qui font tourner l'économie d'un ou de plusieurs milliards de dollars, est-ce bon pour notre économie?
J'aimerais obtenir une réponse de Mme Alepin ou M. Lareau.
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Auparavant, dans les années 1980 et jusqu'au milieu des années 1990, les pays qui pouvaient verser des dividendes au Canada en franchise d'impôt, soit les dividendes reçus par la compagnie mère en franchise d'impôt, étaient des pays désignés. Il y avait une liste de pays, et si ces derniers versaient des dividendes au Canada, celui-ci les recevait en franchise d'impôt. Certains de ces pays avaient une fiscalité à peu près nulle. Il y a donc des compagnies de navigation, notamment, qui avaient été créées dans ces pays.
Dans ses rapports des années 1990, la vérificatrice générale a indiqué que ceci n'avait aucun sens et que dorénavant, le Canada devait davantage privilégier des pays ayant signé des conventions fiscales. La loi a été modifiée pour préciser que les pays qui pouvaient verser des dividendes qui entraient au Canada en franchise d'impôt étaient les pays ayant signé une convention fiscale.
Or, la convention Canada-Barbade, à son article 30, prévoit que les International Business Companies, les IBC, sont exclues de la convention fiscale. Ceci créait un problème parce que des sociétés maritimes, notamment, avaient quitté un pays étranger pour aller à la Barbade. Il y a donc eu une modification du règlement 5907(11.2)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui prévoit que dans ce pays, même si la société est une IBC, elle sera réputée être une société visée par la convention fiscale. On réintègre donc dans la convention fiscale une société qui réside à la Barbade, dont le centre de contrôle est à la Barbade, dans la mesure où des décisions vraiment importantes y sont prises.
Le problème est que la recherche que j'ai faite indique clairement que les sociétés à la Barbade ne prennent pas nécessairement les décisions importantes à la Barbade. Les professionnels que j'ai rencontrés m'ont clairement expliqué que, pour la rénumération qu'ils reçoivent, les décisions sont prises par un comité de professionnels extérieur, étranger, par des résidants canadiens. La possibilité pour cette société de rapatrier les dividendes au Canada est offerte parce que l'alinéa 5907(11.2)c) du règlement le permet depuis la convention conclue avant 1995, qui vise notamment la Barbade.
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Merci, monsieur le président.
Madame Alepin, j'ai des questions complémentaires mais je vais essayer d'aller aussi vite que possible car je ne dispose que de quatre minutes.
Le gouvernement a pris des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises en réduisant le taux général d'imposition des sociétés, en supprimant la surtaxe des sociétés, en supprimant la taxe sur le capital fédérale. Nous avons fait passer les gains en capital de 500 à 750, et c'était la première fois depuis 1988 qu'une mesure était prise en ce sens.
Nous cherchons certainement à faciliter les choses aux petites et moyennes entreprises dans ce pays. Je serai intéressé d'entendre si vous admettez que nous allons dans la bonne direction et, plus spécifiquement, ce qu'il faudrait faire sur le plan de réductions ultérieures, ou bien si nous allons dans la bonne direction?
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Monsieur Hejazi, plusieurs choses dans vos propos m'ont intrigué. Lorsqu'on parle d'investissements à l'étranger, il y a toujours cette dichotomie dans nos discussions entre les pourcentage des investissements à l'étranger des sociétés canadiennes et des investissements au Canada de sociétés étrangères, ou l'ampleur de ces investissements.
Ces dernières années, KPMG a montré très clairement que les investissements faits à l'étranger par des sociétés canadiennes dépassent largement les investissements de sociétés étrangères dans notre pays.
Dans votre exposé vous avez parlé de la mondialisation de l'économie et de l'importance pour le Canada d'y tenir sa place. Mais lorsque vous allez dans une circonscription comme la mienne, où il y a une forte proportion d'emplois dans les secteurs manufacturiers et industriels, dont beaucoup ont été perdus...
J'étais à une réunion vendredi, et je peux vous dire qu'ils ne seraient certainement pas d'accord avec votre évaluation de ce qu'il convient de faire, ou de ce qu'il faut continuer de faire. En fait, ils vous diraient qu'il faut construire davantage de murs pour assurer notre compétitivité nationale, sur le plan de l'investissement ou de la politique fiscale, afin d'imposer des tarifs douaniers élevés aux produits importés par notre pays.
Je ne vous ai pas laissé beaucoup de temps, mais j'apprécierais réellement que vous nous expliquiez davantage l'importance d'être compétitifs et pourquoi toutes les économies d'impôt ou recettes fiscales que nous retirerons de la fermeture des échappatoires seront, comme le ministre s'y est engagé hier, réinvesties dans la réduction des taux d'imposition des sociétés ici, dans notre pays.
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Si elles ne vont pas à la Barbade, elles pourront choisir un autre pays où le taux d'imposition est faible.
Quand on fait des affaires à l'étranger, on veut, pour des questions de fiscalité, choisir un pays avec lequel il y a une convention fiscale. S'il n'y a pas de convention fiscale, quand le dividende revient ici, il est imposé.
Cependant, le dernier budget du mois de mars a prévu que même si on fait des affaires dans des pays avec lesquels nous n'avons pas de convention fiscale, on pourra recevoir des dividendes libres d'impôt, à la condition qu'il y ait un accord général d'échange de renseignements fiscaux. On vient d'ouvrir la porte plus grande qu'auparavant. Or, c'est peut-être dangereux.
Néanmoins, si ce n'est plus possible avec la Barbade, ce le sera avec d'autres pays, comme l'Islande, par exemple.
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C'est juste, monsieur le président.
Je suis le directeur général de la Direction de la politique de l'impôt au ministère des Finances. Je suis accompagné de mon collègue, Lawrence Purdy, qui est chef principal de la Division de la législation de l'impôt à la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances.
Nous n'avons pas de remarques liminaires. J'ai eu le privilège de comparaître devant le comité lors de la dernière législature pour traiter à peu près du même grand sujet. Les membre du comité ont connaissance de la déclaration faite hier par le ministre des Finances. Nous avons remis au greffier des copies de cette déclaration ainsi que des documents d'accompagnement. Peut-être cela a-t-il déjà été distribué aux membres du comité. Au cours de notre discussion, nous aurons sans doute l'occasion de nous reporter à au moins certains des exemples de cette documentation.
Nous sommes entre vos mains.
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Je sens les vibrations d'amour qui se propagent dans cette salle.
Nous avons décidé de nous pencher sur cette question en raison de diverses préoccupations que nourrissent les divers partis. Du point de vue du Parti libéral, le budget annonçait de façon plutôt téméraire que l'on allait éliminer la déductibilité des intérêts, s'attaquer aux paradis fiscaux, assurer l'équité fiscale et des choses de cette nature. C'était une déclaration plutôt floue.
Au fil du temps, les milieux d'affaires ont commencé à s'inquiéter de cette proposition et le ministre a émis une série de clarifications, dont la dernière en date est intervenue hier.
Je présume que lorsque vous lancez une initiative de cette sorte vous effectuez au préalable une forme d'étude macroéconomique. Vous étiez dans la salle lorsque le professeur Hejazi a parlé de l'étude qu'il mène. J'aimerais savoir si le ministère a effectué une étude macroéconomique similaire faisant apparaître non seulement les pertes dues aux investissements dans les soit-disant paradis fiscaux ou pays à faible fiscalité, mais aussi les avantages.
Si vous avez l'étude, a-t-elle été communiquée au ministre avant le budget et le comité peut-il la recevoir?
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Je prévoyais la question. Permettez-moi d'y répondre plus directement.
L'hypothèse ou la prémisse pour une telle affirmation est que la déduction est prise automatiquement au Canada et que la déduction dans les pays étrangers représente la cerise sur le gâteau. Cela prête à contestation.
Pour prendre notre exemple, notre principal partenaire commercial, les États-Unis, ont un taux d'imposition légal supérieur d'environ cinq points à celui du Canada. Dans ces conditions, si vous n'êtes autorisé à déduire qu'une seule fois l'intérêt d'un emprunt pour un investissement aux États-Unis et que vous devez choisir pour cela entre le Canada et les États-Unis, tous les autres facteurs étant égaux, vous prendrez la déduction aux États-Unis puisqu'elle y vaudra 35 cents au dollar contre 31,5 cents au dollar au Canada, dans quelques années. Dans ces conditions, la deuxième déduction est celle prise au Canada.
Je crois que vous avez entendu Roger Martin dire que nous avons encore plus à faire au niveau de nos taux d'imposition, mais que nous sommes déjà bien placés parce que les États-Unis ont des taux relativement élevés, mais que nous ne sommes pas meilleurs que le reste du monde, ou meilleurs que les autres pays du monde industrialisé. Cependant, avec une stratégie de réduction de nos taux d'imposition — nous visons de nous placer dans le bas de la structure des taux d'impôt du G-7 — cette sorte d'analyse devient plus crédible et amène à conclure que la déduction sera prise généralement, tous autres facteurs étant égaux, dans le pays où l'investissement est effectué plutôt qu'ici au Canada.
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Pour ce qui est des considérations déterminant l'opportunité d'avoir un système d'exemption ou de crédit, avec un système d'exemption nous obtenons la neutralité entre nous et d'autres concurrents étrangers sur le plan de l'investissement étranger. Nous n'avons pas d'impôt canadien supplémentaire, courant ou reporté, frappant les investisseurs canadiens ayant des activités à l'étranger. Le pendant de cela est que nous perdons la neutralité entre l'imposition des revenus canadiens et l'imposition des revenus étrangers.
Le système que le Canada a mis en place avec les pays signataires de traités depuis environ 35 ans est un système d'exemption. Nous n'imposons pas d'impôt courant et nous n'imposons pas d'impôt sur le revenu lorsqu'il est rapatrié.
D'autres pays, dont certains des plus grands du monde — les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon dans une large mesure — offrent la même possibilité de report. Ils n'imposent pas les revenus étrangers des filiales étrangères de leurs sociétés au fur et à mesure qu'ils sont gagnés. Ils restent non imposés par les États-Unis tant qu'ils restent à l'extérieur du pays. Mais lorsqu'ils sont rapatriés dans le pays, ils sont assujettis à l'impôt, avec un crédit pour l'impôt déjà payé à l'étranger.
Si les filiales étrangères de ces compagnies américaines, par exemple, investissent et génèrent des revenus d'activité en dehors des États-Unis, elles peuvent garer ces revenus à l'étranger sans qu'ils soient assujettis à l'impôt américain. Mais lorsqu'elles les rapatrient, ils sont sujets à un impôt potentiel de 35 p. 100. Cela incite de nombreuses compagnies américaines à ne pas ramener les revenus et, il y a quelques années, il y a eu ce que l'on pourrait qualifier d'amnistie fiscale générale par les États-Unis pour inciter les sociétés à rapatrier ces revenus afin qu'ils puissent être employés aux États-Unis.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus. J'apprécie que les fonctionnaires du ministère de l'imposition soient là. Nous avons eu les gens du revenu la semaine dernière, ce qui était excellent. Je suppose que vous travaillez main dans la main pour essayer de régler ce problème de paradis fiscaux. Vous vous situez chacun d'un côté de l'équation.
Un argument qui m'a été présenté figurait dans un courriel envoyé par quelques-uns de mes électeurs. Peut-être pourriez-vous m'éclairer un peu à ce sujet.
Ils disent que, pour que le Canada soit globalement compétitif, nous devons tolérer la double imposition et les autres structures. Ce serait la seule façon dont les sociétés canadiennes peuvent être compétitives.
Du point de vue d'un ministère de l'Impôt, pensez-vous que ce soit exact? Ou bien qu'en pensez-vous?
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On peut répondre à cette question à deux niveaux différents. D'un point de vue mécanique, mathématique ou arithmétique, on ne peut simplement considérer la valeur de la déduction des intérêts...
Désolé, je dois commencer plus en arrière.
Les autres pays autorisent dans certaines situations la double déduction. C'est un enjeu de relations internationales dans les autres pays, notamment les États-Unis et d'autres. Dans la documentation que nous avons publiée hier, nous en donnons de brèves descriptions. Tous ces pays reconnaissent qu'il y a là une difficulté. Tous prennent des mesures pour la régler d'une manière ou d'une autre. Mais vous constaterez que certains pays dans le monde autorisent une double déduction dans des conditions où nous proposons de la circonscrire.
Est-ce que l'analyse arithmétique peut s'arrêter là? Je dis que non. En effet, il faut déterminer ensuite de quelle manière cette déduction des intérêts qu'ils autorisent se compare à notre système d'ensemble.
J'ai mentionné les États-Unis tout à l'heure. Les États-Unis ayant un taux d'imposition statutaire et un taux marginal réel qui sera supérieur de quelques points au nôtre, il s'agit de voir si notre régime fiscal d'ensemble met une entreprise dans une situation fiscale aussi favorable, selon le régime général sans la double déduction, qu'une entreprise d'un autre pays qui a des taux plus élevés, par exemple, ou qui taxe les revenus rapatriés mais autorise la déduction des intérêts.
Il faut donc considérer l'ensemble de la fiscalité. Il faut considérer aussi le milieu d'affaires global. Deuxièmement, le programme Avantage Canada à partir de l'automne établira non seulement des avantages fiscaux mais aussi d'autres avantages.
Pour terminer, j'ai mentionné l'évaluation qualitative ou le jugement de valeur. Même si l'on est prêt à prendre en compte les systèmes de autres pays et les considérations de compétitivité au moment de décider de notre propre politique fiscale, il peut y avoir des considérations de neutralité et d'équité qui amènent à se demander si, en dépit de ce que quelques autres pays peuvent faire dans des circonstances particulières, nous-mêmes devrions autoriser la double déduction dans notre situation. La décision reflétée dans l'annonce du ministre est que nous tirons le trait à cet endroit.
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Je répondrai peut-être à la deuxième partie de la question et je demanderai à mon collègue de répondre à la première.
Pour ce qui est du groupe de travail, je suppose que vous parlez là du panel d'experts que le ministre propose de mettre sur pied. Il en était fait mention également dans le budget. Il se penchera sur d'autres enjeux ou d'autres modifications éventuelles du régime canadien d'imposition des revenus internationaux susceptibles d'améliorer l'équité et la compétitivité du régime.
Je pourrais mentionner une chose à titre d'exemple. Cette suggestion nous est venue de divers côtés depuis le budget — et j'avoue que d'aucuns disent que nous devrions faire cela au lieu de ce que nous faisons, alors que d'autres disent que nous devrions faire cela en même temps que ce que nous faisons. Il s'agit de ce que l'on appelle l'empilement de dettes, soit la question de savoir si les propriétaires étrangers de sociétés canadiennes n'imputent pas trop de dettes à ces filiales, sachant — et mon collègue complétera — que certains pays limitent la quantité totale des intérêts qu'une société peut déduire.
Nous ne nous prononçons pas sur ce sujet mais il nous semble que ce pourrait être un terrain fertile que le groupe pourra examiner.
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Pour répondre à la première partie de votre question, la situation en Australie est très comparable à celle du Canada à bien des égards, notamment sur le plan fiscal. Historiquement, l'Australie et le Canada ont opté pour des systèmes très similaires. De fait, nombre d'aspects du système australien ont été inspirés du régime canadien.
Mais au cours des 20 à 25 dernières années, les Australiens se sont montrés très aventureux face aux défis auxquels le Canada est maintenant confronté. Eux aussi ont été aux prises avec ces difficultés, comme tous les autres pays développés. Ils ont suivi différentes approches et se retrouvent pour le moment avec un système très différent de tout ce que l'on envisage au Canada.
Je dois préciser que je ne suis nullement expert du régime fiscal australien, et je ne vous donne donc que mon interprétation. Mais l'approche australienne consiste à limiter la déductibilité en général, non seulement des investissements à l'étranger mais aussi des investissements nationaux, en spécifiant un montant maximal de dettes pouvant être utilisé pour financer une filiale, tout ce qui dépasse ce plafond n'étant pas déductible.
Nous avons une forme limitée de cette même règle pour ce qui est de l'investissement à destination du Canada, avec ce que nous appelons les règles sur la capitalisation restreinte. Mais l'Australie et un ou deux autres pays ont mené ce concept plus loin et l'ont appliqué de façon générale à tous les investissements, tant nationaux qu'étrangers, tant sortant qu'entrants.
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La réponse est essentiellement oui, avec certaines nuances.
Le cumul fonctionne mieux avec les pays avec lesquels nous avons une convention, car le revenu généré dans le pays intermédiaire est un excédent exonéré qui peut être rapatrié en franchise d'impôt. Du point de vue du planificateur fiscal, c'est le résultat idéal. Donc, avec nos conventions fiscales, nous aimons croire et sommes convaincus d'avoir de bons mécanismes d'échange d'information et de pouvoir obtenir les renseignements nécessaires pour valider ce qui est fait.
On peut faire aussi un cumul avec un pays avec lequel nous n'avons pas de convention fiscale. Les résultats sont moins favorables car les revenus générés seront assujettis à l'impôt en bout de ligne, s'ils sont rapatriés. Dans ce cas, l'échange d'information peut être plus difficile. Mais de manière générale, lorsque l'on a affaire à des pays avec lesquels nous avons une convention, l'échange d'information ne pose de problème.
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Non. Je ne crois pas que c'était l'intention de cette disposition.
Avant 1994, nous avions une disposition dans notre règlement qui tentait de dire que les pays conventionnés, les pays avec lesquels le Canada a une convention fiscale, donnaient droit à l'exemption des excédents. Ce mécanisme de liste n'était pas très efficace. Au moment de la modification de 1994, nous avions une dizaine de pays sur la liste avec lesquels nous n'avions pas de convention fiscale. Nous avions ouvert des négociations avec eux, mais nous n'avions pas de convention fiscale en vigueur, et nous prenons en même temps du retard à tel point que nous avions signé des conventions fiscales avec dix nouveaux pays qui ne figuraient pas sur la liste.
Donc, pour remédier à ce problème, nous avons modifié le règlement de façon à dire qu'il devait s'agir d'un pays avec lequel nous avions une convention fiscale en vigueur. Nous n'allions pas dresser de liste, nous fixions simplement comme condition que le pays ait avec nous une convention fiscale et que la société en question devait être résidente de ce pays, aux fins de la convention. Comme je l'ai dit, l'intention était de clarifier la condition d'admissibilité. Une fois le règlement publié sous forme d'ébauche dans le budget, quelques cabinets de fiscalistes nous ont posé la question de savoir si cela allait avoir un effet sur nos conventions existantes, car on pouvait interpréter ces conventions comme signifiant que si une société n'était pas résidente à toutes les fins, on n'était pas admissible aux avantages de la convention dans tous les cas, etque le règlement tel que proposé pourrait s'appliquer à cette conventi on.
Notre réponse a été que tel n'était pas l'intention et nous avons adressé des lettres — je pense que c'est de celles-ci dont vous faites mention — à un certain nombre de personnes dans les milieux de la fiscalité qui nous avaient écrit à ce sujet. Le règlement a été révisé de façon à ce qu'il reflète l'intention initiale.
:
Merci, monsieur président.
Vous me pardonnerez si ceci vient répéter des choses qui ont déjà été dites. Cela m'ennuie, mais j'ai dû m'éclipser pour un court moment. Je ne sais trop pourquoi, mais je doute que mes questions aient déjà été posées.
J'ai perçu l'annonce l'hier comme étant un virage marqué par rapport au budget. On peut en effet lire ceci dans le discours du budget:
Le nouveau gouvernement du Canada a décidé d'agir pour faire en sorte que chacun paie sa juste part d'impôts. Le budget de 2007 propose que les frais d'intérêt sur l'argent emprunté pour acquérir les actions d'une société étrangère affiliée ne soient plus déductibles, à moins que les actions génèrent un revenu qui soit imposable au Canada.
Il me semble que, exception faite du cumul des déductions — et nous ne savons pas très bien comment cela fonctionnera dorénavant —, il y a eu un rétablissement complet de la déductibilité des intérêts pour les investissements étrangers. Je vais donc supposer que tel est le cas et vous demander ce que nous allons faire maintenant. Les entreprises ont dit que cela allait alors coûter 1 milliard de dollars, si le gouvernement était allé de l'avant avec ce qu'il avait annoncé. Maintenant que le gouvernement a fait marche arrière, qui va couvrir ce milliard de dollars? Comment allons-nous faire pour récupérer ces revenus qui allaient provenir du fait que le gouvernement ferme enfin cet échappatoire fiscal pour les sociétés?
Vous ne pouvez peut-être pas répondre à cette question, mais...
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J'imagine qu'il y a des gens des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon qui diraient que cela est logique. L'observation que nous avons, en plus de celle que nous avons faite, est que, dans le cadre de notre régime, en consentant une exemption pour les profits des entreprises étrangères, nous favorisons la compétitivité des sociétés canadiennes.
C'est un jeu d'équilibre. Le Parlement pourrait décider d'imposer ces revenus. Il pourrait décider d'imposer ces revenus selon le mode courant. Je pense qu'il serait alors seul au monde à le faire, mais voilà le genre d'options qui s'offrent à lui.
Ne pas les imposer selon le mode courant, en respectant, essentiellement, les normes internationales en la matière, amène la question de savoir ce que vous en faites en bout de ligne — ou vous les imposez ou vous autorisez leur rapatriement en franchise d'impôt. Le système est fondé sur une exonération, et il en est de même, en partie, des règles en matière de déduction d'intérêts.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Ernewein, il y a quelques instants, un de mes collègues du Parti libéral a indiqué que le cumul des déductions n'est pas autorisé à l'heure actuelle. Dans un exposé qui nous a été présenté l'autre jour par l'Agence du revenu du Canada, on nous a donné l'exemple très précis d'un cas pour lequel elle était allée en cour pour une affaire de double déduction — ou de double exonération, si vous préférez — et a perdu.
J'aimerais passer cela un petit peu en revue avec vous, vous expliquez ce qu'on nous a soumis, puis vous poser quelques questions là-dessus.
Cela a commencé avec le paradis fiscal A, l'entreprise A empruntant 200 millions de dollars à 10 p. 100, accumulant ainsi des frais d'intérêt de 20 millions de dollars qu'elle a alors déduits de ses impôts canadiens. Puis elle a prêté...
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Les résidents de Peterborough vous remercient de votre compréhension.
La compagnie prête ensuite les 200 millions de dollars à un autre abri fiscal, qui prête alors l'argent, à un taux de 10 p. 100, à la compagnie B, aux États-Unis. Ce qui s'est passé est qu'elle a récupéré le gros du produit des 20 millions de dollars qu'elle avait déduits de son revenu du fait d'avoir prêté l'argent à un deuxième abri fiscal, et a fait rentrer les 20 millions de dollars au Canada en franchise d'impôt. Cela est, par inhérence, condamnable. La compagnie n'a jamais subi de dépense, mais elle a été autorisée à déduire la dépense de son revenu imposable au Canada, et en dépit du fait que l'ARC pouvait prouver que c'était bel et bien le cas, la pratique a été jugée par le tribunal comme étant parfaitement légale et légitime.
Ce cas de figure ne correspond-il pas très exactement à ce que le ministre des Finances dit vouloir réprimer? Il ne s'agit pas de dépenses d'immobilisation légitimes à l'étranger qui aideront des entreprises canadiennes à s'agrandir. Il s'agit plutôt d'abus du système.
Lorsque nous nous sommes penchés sur cette question, et nous avons commencé à le faire tout de suite après l'annonce du budget, nous y avons vu un dossier très vaste. Nous en sommes maintenant à la question du cumul des déductions. C'est de cela que nous parlons. Mais il s'y trouve quantité d'éléments qui sont difficiles à comprendre. Il me semble que c'est un petit peu risqué de lancer un budget puis de faire volte-face. Cette étude ou analyse a été faite. Ce qu'on nous a dit est que lorsque serait complètement éliminée la déductibilité des intérêts en vue d'investissements étrangers... Lorsque M. Flaherty a parlé de cela. Il a dit que cela augmenterait de 40 millions de dollars les revenus. Les sociétés et les fiscalistes nous ont dit que les pertes au niveau du revenu national se chiffreraient dans les milliards de dollars, du fait d'une compétitivité réduite.
Voici que nous voyons maintenant avec le tout dernier revirement de Flaherty qu'en ne s'occupant que des doubles déductions, à partir de 2012, les revenus que cela procurera au Trésor seront contrecarrés par un recul des revenus en provenance des sociétés à l'intérieur du Canada. Quels sont ces montants? Si le montant total produit contre des pertes de plusieurs milliards n'est que de 40 millions de dollars, alors quel est le gain escompté ici?
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Merci de cette question.
J'aurai deux choses à dire en réponse à cela.
Premièrement, les 40 millions de dollars n'étaient pas le montant total. Les estimations dans la documentation relative au budget faisaient état de revenus de 10 millions de dollars relativement à cette proposition dans la première année et d'un gain de 40 millions de dollars de revenus pour le gouvernement la deuxième année. Ces chiffres correspondaient à une situation dans laquelle, la première année, la proposition ne s'appliquerait que pendant trois mois de cette année, et uniquement aux nouvelles dettes. Quant à la deuxième année, cela n'allait s'appliquer qu'aux nouvelles dettes et à certaines dettes non liées. La proposition était que tout soit pleinement en vigueur en 2010, au-delà des projections budgétaires sur deux ans, et il n'y a pas de chiffres qui reflètent cela.
Le deuxième point est très largement une anecdote historique, car la proposition vise maintenant l'application du nouveau régime à compter de 2012 à toutes les dettes, peu importe la durée ou la date d'acquisition, tant et aussi longtemps qu'elles correspondent à une double déduction pour placement à l'étranger. Nous n'avons pas aujourd'hui d'estimation des revenus que cela produira en 2012 ou au-delà.
L'instauration du régime posera un certain nombre de défis, car les gens feront des plans et réagiront à la proposition au cours des cinq prochaines années. Mais au fur et à mesure que la date approchera, nous nous efforcerons de mieux cerner les effets connexes sur le plan des revenus et, comme je l'ai mentionné plus tôt, de veiller à ce que cela se traduise par de nouvelles économies d'impôt pour les sociétés.
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Merci, monsieur le président.
J'aurais une ou deux questions à poser au sujet des compagnies. Je ne devrais pas utiliser le terme « compagnies », car M. Martin a souligné, à très juste titre, que les compagnies ne sont pas des personnes. Ce ne sont pas des entités qui parlent ou qui nous répondent.
Un grand nombre de représentants de grosses compagnies sont en train de demander pourquoi le gouvernement devrait se préoccuper de déductions doubles, étant donné que cela n'a de toute façon aucune incidence sur lui. Tant et aussi longtemps qu'il reçoit l'argent et tant et aussi l'argent qu'il reçoit les impôts des multinationales, pourquoi devrait-il en réalité s'en préoccuper?
Pourquoi le gouvernement du Canada et les Canadiens devraient-ils se préoccuper des échappatoires fiscales que peuvent ou non offrir d'autres pays? Je dis « échappatoires », mais ce n'est pas du tout pour être méchant.
J'ai tenté de parler de cela tout à l'heure. Beaucoup de ce que vous entendrez maintenant reprendra la discussion de tantôt.
Ce genre d'analyse serait valable si vous preniez comme point de départ que la déduction fiscale canadienne est fixe et que la deuxième déduction est la déduction supplémentaire. Mais si vous avez établi un régime, comme je le disais tout à l'heure, dans le cadre duquel l'intéressé est tenu de choisir là où il veut prendre une déduction d'impôt, alors vous pouvez avoir un combat équilibré, si vous voulez, et votre choix dépendra de la compétitivité du régime fiscal ici par opposition à celui de l'autre pays.
Vous avez mentionné le fait que M. Martin ait dit qu'il nous faut faire plus. Il est vrai que nous sommes déjà en assez bonne posture par rapport à d'autres pays pour ce qui est de notre échelle des taux. Si nous nous comparons à ces pays, avec une règle qui dit que vous serez tenu de prendre la déduction ou que ce sera dans votre intérêt de prendre la déduction là où elle vaut le plus pour vous, des taux d'imposition plus bas ici signifieront qu'il sera préférable pour vous de prendre la déduction dans l'autre pays.
Mais il s'imposera à nous une certaine discipline. Advenant que d'autres pays réduisent encore leur taux, alors nous devrons être suffisamment disciplinés pour y réagir et veiller à ce que ce ne soit pas nous qui subissions la dette et la dépense.
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Il est préférable de ne rien faire si vous n'êtes pas certain de ce que vous faites.
Si je comprends bien la question, en tout cas la dernière réitération de la position du ministre, les nouvelles règles s'appliqueraient non seulement aux paradis fiscaux ou aux pays à faible taux d'imposition, mais à toutes les situations. Il s'est donc tenu, simultanément, des discussions avec les États-Unis au sujet de la retenue d'impôt. Je comprends parfaitement bien pourquoi les États-Unis ont voulu imposer cette deuxième partie de la double déduction. Pourriez-vous me dire quelle incidence cette dernière réitération de la position du ministre pourrait avoir sur ces négociations?
Comme je l'ai dit, je comprends aisément comment le Trésor américain bénéficie de cela, à condition, bien sûr, que le taux américain soit supérieur ou légèrement supérieur au nôtre, mais je ne vois pas quel avantage cet exercice peut procurer au Canada.
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Il est certainement vrai que, dans le cas particulier d'évasion fiscale internationale — et j'utilise délibérément ce terme pour distinguer cela de l'évitement fiscal —, la collaboration internationale est essentielle. L'OCDE joue en fait un rôle depuis une dizaine d'années en aidant à coordonner les efforts de ses pays membres et d'autres encore dans ce domaine.
L'une des initiatives importantes de l'OCDE, travaillant en fait conjointement avec certains pays, a été d'élaborer un accord d'échange de renseignements fiscaux, ou AERF, et ce modèle sert de base aux ententes que le Canada s'est engagé à chercher à négocier à l'étranger. À ce niveau-là, donc, oui, les efforts multilatéraux sont très importants.
Cependant, en bout de ligne, en tout cas dans le contexte actuel, ce qui importe véritablement ce sont les relations bilatérales que le Canada peut établir avec ces pays et les échanges d'information qui peuvent se faire entre eux tous. C'est pourquoi une partie importante de cette initiative budgétaire est axée sur la négociation d'accords d'échange d'information avec les pays qui ne sont pas des candidats pour des conventions fiscales en bonne et due forme, mais avec lesquelles il est néanmoins important que l'Agence du revenu du Canada entretienne une relation qui lui permette d'imposer la loi fiscale canadienne aux contribuables de ce pays.