CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 19 novembre 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour tout le monde. Je déclare ouverte la 60e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, le lundi 12 novembre 2012. La séance est télévisée. Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Nous avons aujourd'hui deux premiers témoins: Amy Casipullai — désolé encore une fois de mal prononcer votre nom; je devrais le savoir depuis le temps que vous venez — et Francisco Rico-Martinez, qui représentent l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants. Bonjour à tous les deux.
Nous avons aussi Jacques Shore, associé chez Gowlings, une firme d'avocats, je suppose. Bonjour monsieur.
Je vous donne la parole en premier, monsieur Shore. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé.
Bonjour et merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui devant votre distingué comité. Je dédie mon exposé d'aujourd'hui à la mémoire de ma cousine Lily Bergstein qui, en compagnie de son époux Salomon Bergstein, a été témoin des atrocités de la Seconde Guerre mondiale.
[Français]
C'est pour moi un plaisir d'être ici cet après-midi pour appuyer le principe du projet de loi C-43. J'aimerais profiter de cette occasion pour féliciter le gouvernement d'avoir fait face à un sujet qui présente plusieurs difficultés et d'avoir proposé des changements qui sont essentiels mais aussi nécessaires depuis trop longtemps.
J'ai bon espoir que le projet de loi C-43, à la suite de certains amendements, pourra améliorer la sécurité nationale et la sécurité publique, et assurer un traitement équitable aux étrangers.
[Traduction]
Je suis heureux d'être ici cet après-midi pour appuyer en principe le projet de loi C-43. Je félicite le gouvernement d'avoir entrepris la tâche difficile de proposer des changements qui s'imposaient depuis longtemps.
Mon exposé portera sur trois mesures particulières.
J'appuie premièrement l'article 24, qui supprime le droit d'appel des personnes inculpées de crimes et condamnées à six mois d'emprisonnement ou plus. Cette mesure permettra d'accélérer la déportation des personnes inculpées d'infractions graves. En effet, il n'est pas normal que des criminels ralentissent le système de justice canadien en leur permettant de recourir à des appels qui prennent des années à entendre et en leur donnant ainsi l'occasion de commettre d'autres crimes.
Je ne peux pas dire par là qu'une personne devrait être automatiquement interdite de territoire si elle a commis un crime grave. Le système comporte déjà une soupape qui permet de tenir compte des circonstances particulières de chacun. En effet, en vertu des paragraphes 25(1) et 25.1(1) de la Loi actuelle sur l'immigration et la protection des réfugiés, le ministre peut autoriser quelqu'un à rester au Canada, même s'il a été interdit de territoire. Cette mesure permet d'empêcher effectivement une injustice. Le projet de loi C-43 maintient ce pouvoir important.
Cela m'amène au deuxième point. L'article 18 modifie l'article 42 en ajoutant les critères dont le ministre peut tenir compte en décidant si certaines personnes devraient être autorisées à rester au Canada. Cet article ne s'applique qu'aux personnes interdites de territoire en raison d'un risque à la sécurité dû à des violations des droits humains ou internationaux, ou à des activités relatives au crime organisé. Aux termes de cet article, le ministre ne serait autorisé à évaluer, dans l'exercice de ce pouvoir, que les seuls éléments de sécurité nationale et publique. J'estime cette mesure opportune, car je pense qu'on ne devrait pas permettre à des criminels de rester au Canada plus longtemps qu'il ne faut.
Dans des cas exceptionnels, le ministre pourra toujours déterminer si quelqu'un peut entrer au Canada ou y rester en examinant d'autres facteurs en regard de l'amendement proposé au paragraphe 42.1(3) selon lequel et je cite « ... sans toutefois limiter son analyse » — celle du ministre en l'occurrence — « au fait que l'étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada. »
Je crains la portée que cette loi pourrait avoir sur les résidents permanents qui ont passé la majorité de leur vie au Canada. Je crois en effet que ceux qui vivent au Canada et qui y sont résidents permanents doivent apprécier le privilège qu'ils ont de vivre dans notre pays. On pourrait donc se demander comment déporter quelqu'un qui n'a pas de lien réel avec son pays d'origine. D'autres témoins ont exprimé leur point de vue, et des membres du comité ont exprimé leurs préoccupations, à ce sujet. Je dois conclure toutefois qu'avec le privilège que confère la résidence permanente vient aussi la responsabilité de respecter la loi et la volonté d'apporter une contribution positive à la société.
Si la possibilité qu'a le ministre d'exercer un pouvoir dans de tels cas est importante, il y aurait lieu d'envisager, parallèlement, des mesures qui éviteraient que survienne ce type de situation. Il serait peut-être temps d'envisager de mettre sur pied un programme qui encouragerait la bonne conduite citoyenne et qui amènerait les résidents permanents à long terme à faire leur demande de citoyenneté. On éviterait ainsi les cas regrettables de jeunes résidents permanents qui s'orientent dans une mauvaise voie et s'engagent dans des activités criminelles. En outre, cela leur ferait prendre conscience des risques auxquels ils s'exposent s'ils n'ont pas la citoyenneté, souvent en raison de négligence de la part de leurs parents ou tuteurs.
Il serait opportun de mettre à nouveau l'accent sur le guide de la citoyenneté canadienne et les quatre grandes valeurs qu'il promeut, à savoir la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la règle du droit. Nos valeurs canadiennes devraient être considérées comme primordiales et être émulées dans le comportement de ceux qui souhaitent vivre au Canada à titre de résidents permanents ou qui souhaitent obtenir notre citoyenneté.
Mon troisième point traite encore du pouvoir ministériel. Je veux parler en particulier de l'article 8 qui donne au ministre le pouvoir de déclarer qu'une personne ne peut devenir résidente permanente. Le projet de loi C-43 permet au ministre d'utiliser son pouvoir s'il estime que l'intérêt public le justifie. Je pense qu'il s'agit là d'une disposition nécessaire. Il y a en effet des gens qui ne devraient pas être autorisés à venir au Canada, même si aucun des critères d'interdiction de territoire ne s'applique à eux aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
S'il est adopté, le projet de loi C-43 empêcherait l'entrée au Canada de gens qui ont des antécédents prouvés témoignant d'un manque de respect flagrant des valeurs qui sont chères à notre société. Le ministre a proposé des lignes directrices sur l'exercice de ce pouvoir, selon lesquelles on empêcherait l'entrée au Canada des gens qui font l'apologie du terrorisme, de la violence ou du crime, de même que de certains ressortissants venant de pays faisant l'objet de sanctions ou de dirigeants étrangers corrompus. Ces lignes directrices établissent la nécessité d'avoir des faits certains et de faire preuve de modération dans l'exercice de ce pouvoir.
Conformément à ce principe, je proposerais d'intégrer ces lignes directrices dans le texte du projet de loi C-43. L'intérêt public qui est invoqué à l'article 8 est en effet très vague et pourrait donc être précisé. Ces précisions présenteraient trois grands avantages. Premièrement, elles serviraient de guide à celui qui prend la décision, c'est-à-dire le ministre. Deuxièmement, elles permettraient au public de bien comprendre la loi et les critères établis. Troisièmement, elles pourraient éventuellement rétrécir la portée du pouvoir ministériel.
Une approche de ce genre a été adoptée par l'Australie. Aux termes de l'Australian Migration Act de 1958, le ministre a le pouvoir de refuser ou d'annuler un visa pour des motifs précis, notamment s'il y a un risque grave que la personne visée sème la discorde dans la communauté ou diffame un segment de la population. Cette disposition permet d'établir des faits certains, entraîne la transparence et fait en sorte de respecter les objectifs de la loi.
Le Canada pourrait jouir de ces mêmes avantages en précisant à l'article 8 les facteurs que le ministre doit prendre en considération.
Pour résumer, mesdames et messieurs, je dirais que le projet de loi C-43 est un pas dans la bonne direction. Il empêchera les criminels de prendre avantage de notre processus d'appel qui est excessivement généreux. Je recommanderais toutefois des amendements qui préciseraient les motifs justifiant le refus d'accorder le statut de résident temporaire. Par de légers changements, ce projet de loi pourrait perfectionner la législation canadienne sur l'immigration de façon à protéger le public et à assurer le caractère équitable du processus d'examen des demandes d'immigration.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de témoigner.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Merci, monsieur Shore.
Madame Casipullai, monsieur Rico-Martinez, merci d'être venus témoigner. Vous avez en tout 10 minutes que vous pouvez vous partager.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous vous remercions de nous avoir invités à faire connaître notre point de vue sur le projet de loi C-43. Je commencerai par un exposé et donnerai ensuite la parole à mon collègue Francisco qui témoignera à titre de directeur régional de l'OCASI à Toronto.
Dans notre exposé, nous aimerions mettre l'accent sur les conséquences du projet de loi sur les enfants et les jeunes, particulièrement ceux qui sont issus des collectivités raciales.
Nous trouvons très inquiétant l'article 24 du projet de loi C-43, qui retire le droit d'appel à un résident permanent inculpé d'une infraction punie par un emprisonnement de six mois.
Les minorités visibles du Canada représentaient plus de 5 millions de personnes en 2006, soit 16,2 p. 100 de la population totale. La population racialisée est plus jeune que le reste de la population et, selon des chiffres récents de Statistique Canada, la population carcérale a augmenté de 17 p. 100 entre 2006 et 2011.
En décembre 2011, l'enquêteur correctionnel du Canada s'est dit inquiet de l'accroissement soudain, qui est d'environ de 50 p. 100 au cours de la dernière décennie, du nombre de détenus de race noire dans les prisons fédérales. Il n'est pas facile de trouver des statistiques sur la représentation disproportionnée des noirs et des autochtones dans la population carcérale. Les derniers chiffres que nous avons pu trouver à ce sujet proviennent d'une étude menée en 2004 par le Service correctionnel du Canada. Cette étude confirme la surreprésentation, dans les prisons, des noirs, alors que les blancs et les Asiatiques y sont sous-représentés proportionnellement à la population générale. Il en va de même des femmes des minorités visibles qui sont surreprésentées par rapport aux femmes de race blanche.
Autre constatation de cette étude du Service correctionnel du Canada, les délinquants provenant des minorités visibles ont tendance à être plus jeunes et présentent moins de risques de récidive.
Je cède maintenant la parole à Francisco.
Nous nous intéressons essentiellement aux jeunes et aux jeunes des collectivités raciales parce que c'est la clientèle que nous desservons dans les organisations communautaires. C'est un enjeu que nous ont fait valoir nos membres.
Selon des articles d'enquête sur les données recueillies par la police de Toronto entre 2003 et 2008, articles publiés en 2010 par le Toronto Star, les hommes de race noire âgés de 15 à 24 ans sont interpellés 2,5 fois plus que les hommes de race blanche dans les mêmes catégories d'âge. Ces résultats sont similaires à ceux de l'analyse de données effectuées par le Toronto Star en 2002.
La surreprésentation des minorités visibles dans la population carcérale a sa source dans la pauvreté, les inégalités économiques et les préjudices historiques. Elle s'explique notamment par les interpellations excessives des jeunes hommes de race noire par la police, qui aboutissent au profilage racial. L'existence de profilage racial de la part de la police est bien documentée et a été reconnue à des degrés divers par des services de police au Canada, et notamment par le chef de la police de Kingston en 2005.
La racialisation de la pauvreté augmente au Canada, y compris chez les travailleurs pauvres. Les membres des minorités visibles n'ont pas le même accès que le reste de la population au marché du travail. Le phénomène est documenté dans un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives intitulé Canada’s colour-coded labour market.
Dans leur étude intitulée Review of the Roots of Youth Violence, Roy McMurtry et Alvin Curling affirment que si la pauvreté n'entraîne pas nécessairement la violence, elle peut en être un facteur. Ils font valoir que la pauvreté sans espoir d'en sortir, la pauvreté dans l'isolement, la pauvreté assortie de la faim et de mauvaises conditions de vie, la pauvreté qui suscite le racisme et la pauvreté assortie des nombreux signes quotidiens de l'exclusion sociale sont autant de facteurs qui peuvent présenter des risques immédiats de violence.
Ils font remarquer que le manque d'investissement dans les services destinés à ceux qui sont touchés par ces phénomènes aura de profondes répercussions sur les jeunes en leur laissant peu de choix pour satisfaire leurs besoins quotidiens, ne serait-ce que le besoin de trouver un endroit tranquille pour faire leurs devoirs. D'après les auteurs, ces difficultés peuvent être exacerbées chez les jeunes qui ne maîtrisent pas bien la langue ou qui sont issus de cultures différentes.
L'article 24 du projet de loi C-43 aura des conséquences imprévues et disproportionnées sur les résidents permanents de race noire et d'autres minorités visibles, et particulièrement sur les jeunes, qui sont traditionnellement désavantagés et qui font déjà l'objet de contrôles policiers fréquents et de stéréotypes négatifs dans les médias, et auxquels on impose souvent des peines de prison plus longues.
Dans l'étude susmentionnée, l'expérience du Service correctionnel du Canada concernant les délinquants des minorités visibles est décrite de la façon suivante:
En résumé, les délinquants membres de minorités visibles semblent moins « enracinés » dans la criminalité que les délinquants de race blanche. Ils ont généralement moins d'antécédents criminels, sont incarcérés moins souvent pour des infractions contre la personne, et présentent moins de risques et ont moins de besoins que les délinquants de race blanche. Ils ont aussi tendance à avoir un niveau de scolarité plus élevée et à être moins souvent sans emploi, et sont moins souvent célibataires.
Fait digne de mention, l'étude conclut que ces circonstances peuvent être propices à la réhabilitation.
Avec l'entrée en vigueur du projet de loi C-10, on a appliqué les peines minimales, ce qui veut dire que même certains crimes non-violents entraîneront une peine de six mois et la déportation certaine des résidents permanents qui ont fait l'objet d'une telle peine.
Ceux qui sont touchés par cette disposition peuvent être déportés quel que soit le nombre d'années qu'ils ont vécues au Canada. Ils n'auront pas le droit d'interjeter appel. Ils ne feront l'objet d'aucun examen des circonstances de l'infraction et des possibilités de réhabilitation. On ne tiendra aucun compte du temps qu'ils ont vécu ici ou de leurs liens à la famille et à la communauté.
Ceux qui ont vécu toute leur vie au Canada et particulièrement ceux qui sont arrivés alors qu'ils étaient des nourrissons ou de très jeunes enfants, perdraient leur famille, leurs amis et leur communauté en étant déportés dans un pays qu'ils connaissent ou dont ils se rappellent à peine. Ils n'y auront aucun lien avec la famille ou avec la communauté. Contrairement aux citoyens canadiens, les résidents permanents seront punis deux fois pour leur crime.
Nous vous demandons instamment de bien réfléchir à ce projet de loi et particulièrement aux graves conséquences qu'il aura pour les jeunes résidents des minorités visibles. Nous vous recommandons vivement de retirer l'article 24 pour que soit maintenu le droit d'appel. Nous vous recommandons en outre de vous assurer que les jeunes résidents canadiens soient pleinement informés de la portée du projet de loi C-43, et ce, par divers moyens tels que les programmes scolaires, les campagnes de sensibilisation et autres, parce qu'il aura de graves conséquences dans les communautés que nous desservons.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président, et merci à nos invités, dont certains ont déjà témoigné par le passé.
Je commencerai par poser quelques questions à M. Rico-Martinez. Vous dites qu'il faut repenser ce projet de loi à cause des jeunes résidents des minorités visibles, si j'ai bien noté ce que vous avez dit. Vous semblez affirmer qu'il y a un déséquilibre dans notre système pénitentiaire fédéral. Je me demande si vous ne cherchez pas à trouver des excuses aux gens qui commettent des crimes. Quand vous dites qu'il faut repenser le projet de loi à cause d'un groupe particulier, cela me gêne un peu parce que vous avez dit qu'ils n'avaient pas beaucoup de choix pour trouver un endroit où faire leurs devoirs, peut-être qu'ils parlent une autre langue ou qu'ils ont une culture différente, peut-être que la couleur de leur peau est différente.
Je veux que vous sachiez que je connais beaucoup de gens qui entrent dans ces catégories, et qui ne commettent pas de crimes graves. Je me demande pourquoi vous étayez votre point de vue sur ces facteurs particuliers et pourquoi vous êtes contre ce projet de loi. Voilà ce que je trouve problématique dans vos déclarations.
Je me demande si vous ne cherchez pas des excuses aux gens qui commettent des crimes et je me demande pourquoi vous voulez que nous leur en trouvions. Car je le répète, beaucoup de ceux qui correspondent à ces descriptions ont peu de choix quand il s'agit de trouver un endroit où faire leurs devoirs, peut-être qu'ils viennent d'un milieu où l'on n'est pas riche, peut-être qu'ils parlent une autre langue ou qu'ils viennent d'une autre culture.
Premièrement, ce n'est pas mon point de vue que je donne. Je cite des études d'où provient cette information. Même si nous ne sommes pas des experts du système pénitentiaire, de la surpopulation, de toutes les situations que l'on y trouve, nous avons effectué notre recherche pour vous montrer que la clientèle que nous servons dans nos organismes, qui sont des organisations communautaires, sont des collectivités racialisées et que beaucoup d'entre elles font face à un profond isolement, à beaucoup de discrimination et à bien d'autres obstacles, tels que la pauvreté, etc.
La majorité de mes clients n'ont pas de problème de ce genre, mais il arrive de temps en temps qu'un jeune fasse une erreur. Nous ne parlons pas d'acte criminel, nous parlons d'un jeune qui ne doit pas être déporté. Ces jeunes ont besoin de protection, ils ont besoin d'éducation, ils ont besoin de bien d'autres choses que nous pouvons leur offrir et qu'ils n'auront pas ailleurs. Nous parlons aussi de leur donner la possibilité d'être réhabilités après avoir commis une erreur. Voilà l'un des sujets sur lesquels nous voulons que vous vous penchiez.
Nous vous demandons de leur donner la possibilité…
On a répondu à ma question, monsieur le président, mais j'aimerais en poser d'autres sur le même sujet.
Je crois comprendre que vous affirmez vous être appuyé sur des études. Encore une fois, l'étude qui dit que le nombre est peut-être disproportionné ou quelque chose du genre n'est pas une raison pour excuser les auteurs de crimes.
Je vais en rester là et m'adresser maintenant à M. Shore.
J'ai vu dans votre biographie, et vous l'avez mentionné plus tôt, que vous étiez avocat principal adjoint de l'Association des familles des victimes du vol 182 d’Air India dans l'affaire relative à l'attentat à la bombe dans un avion d’Air India.
Oui, c'est une cause admirable, alors je vous félicite d'y avoir participé.
J'allais vous demander si vous aviez parlé à des groupes de victimes ou à des victimes de crimes. Je suppose que cela répond probablement à ma question, mais je me demande si vous pourriez en parler. Quelle est l'incidence sur les familles des victimes de crimes graves commis par des ressortissants étrangers? Il arrive que les victimes ne soient plus parmi nous; elles sont mortes.
M. Jacques Store: Absolument.
Mme Roxanne James: Pouvez-vous parler de l'incidence que ce type de crime a sur les Canadiens?
Merci, madame James.
Mes commentaires se fondent sur mes observations. J'ai eu la chance au fil des ans de travailler avec un certain nombre de groupes et d'organismes qui défendent des causes au nom des victimes de crimes, dont la Canadian Coalition Against Terror.
On sent de la frustration face à un système qui ne fonctionne pas lorsque l'on voit des personnes qui ont été victimes de crimes et des récidivistes potentiels parmi les étrangers qui se trouvent au Canada, mais qui ne font pas le nécessaire pour respecter nos règles, pour participer activement à la vie canadienne, comme je l'ai mentionné tout à l'heure.
Comme mes collègues, j'ai rencontré des immigrants exceptionnels au Canada. Nous sommes une nation d'immigrants. Je pense que les personnes qui viennent chez nous comme résidents permanents ont le sens des responsabilités.
Prenez par exemple les victimes de crimes. Dans le cas précis que vous avez mentionné, madame James, je travaille avec les familles de la tragédie d'Air India. Nous savons fort bien qu'il y a chez nous des personnes qui ont commis des crimes odieux. Notre système n'a pas été en mesure de régler leur cas comme elles auraient voulu. Je crois que cela témoigne d'une frustration; voilà pourquoi j'applaudis aux mesures prises par le gouvernement.
J'ai écouté vos remarques liminaires. Vous avez dit que vous êtes d'accord avec la disposition visant à enlever le droit d'interjeter appel contre des mesures d'expulsion. Vous êtes avocat, donc de toute évidence vous connaissez parfaitement bien le système judiciaire. J'aimerais que vous vous prononciez concernant les personnes qui sont trouvées coupables ou accusées d'un crime et qui ont, en fait, le droit de naviguer le système judiciaire et d'interjeter appel de décisions.
Le ministre a toujours la possibilité de se pencher, dans certaines circonstances, sur les affaires qui devraient être réexaminées. Cela dit, l'article 42.1, tel qu'il est proposé, lui impose des limites, mais le ministre, ou les personnes qu'il aura désignées, pourra toujours le faire dans les cas où l'expulsion d'une personne lui causerait un préjudice grave.
Il existe des soupapes de sûreté pour certaines des catégories. Vous avez raison, madame James. Je pense que nous avons un système judiciaire qui est juste et exceptionnel, et quand nous nous comparons au reste du monde, nous constatons la chance que nous avons. Je dirais que lorsque vous avez épuisé les procédures d'appel dans le contexte de procès criminels, cela devrait suffire.
Nous avons parlé de l'incidence que cela a sur les victimes de crime, mais des coûts y sont-ils associés?
J'ai fait allusion aux frustrations. Encore une fois, je me fonde uniquement sur les observations que j'ai faites dans le cadre de mon travail au fil des ans. Quand je regarde notre capacité de traiter les affaires en souffrance, que ce soit dans la Section d’appel de l’immigration, nos tribunaux et, au bout du compte, la Cour fédérale du Canada, je constate qu'il y a une limite à ce que l'on peut faire pour avoir un système qui veille à ce que justice soit faite dans un délai acceptable.
Merci beaucoup et merci à vous trois de prendre le temps de participer à ce débat crucial. Je vous sais gré de vos contributions.
Après avoir enseigné pendant des années à des étudiants de tous les milieux et consulté des travaux de recherche, je suis bien d'accord avec les faits que vous nous présentez, Francisco, concernant certains étudiants de diverses communautés, de communautés moins bien nanties au plan socioéconomique, qui représentent une proportion élevée des personnes détenues dans nos pénitenciers. C'est un nombre connu. C'est un fait, tout simplement. Il n'est pas question pour nous d'excuser qui que ce soit, mais plutôt de prendre le temps de réfléchir aux circonstances et aux conditions qui sont à l'origine de cette situation.
Si on en juge par le travail que l'OCASI fait, et la majeure partie de votre travail était auprès de nouveaux arrivants, je crois que nous sommes d'accord pour dire que la plupart des nouveaux Canadiens sont des personnes respectueuses des lois qui veulent simplement venir au Canada pour améliorer leur sort et celui de leurs enfants. Ils sont tous venus ici pour différentes raisons et par différents chemins, mais au bout du compte, ils veulent une vie meilleure. Comme Jacques l'a dit, nous sommes un pays d'immigrants et nous en sommes fiers.
Même si de ce côté de la table, nous appuyons les efforts pour veiller à ce que les non-citoyens qui commettent des crimes violents graves soient expulsés rapidement du Canada, nous devons accepter qu'ils ne représentent qu'une infime minorité.
En fait, rien ne montre que les résidents permanents sont plus sujets que les citoyens à commettre des crimes. Nous aimerions vraiment que le gouvernement fasse plus d'efforts pour veiller à ce que la grande majorité des nouveaux arrivants respectueux des lois soient traités équitablement et qu'ils puissent être réunis avec ceux qui leur sont chers et bénéficier du soutien dont ils ont besoin.
Malheureusement, nous avons au sein du comité un ministre qui semble déterminé à passer le plus clair de son temps à parler des immigrants comme s'il s'agissait d'imposteurs...
Arrêtez le chronomètre pendant une minute.
Madame Sims, c'est votre temps de parole et vous pouvez parler de tout ce que vous voulez du moment que cela se rapporte au sujet...
Vous pourriez garder ces types de commentaires pour les discussions concernant les articles. Nous n'en sommes pas là. Nous posons des questions aux témoins, et vous faites des déclarations. Vous êtes libre de le faire, mais je vous dis que l'on retient les personnes qui se trouvent ici. Ils vont s'en prendre à vous, et je ne vais pas les retenir si vous continuez à attaquer le ministre.
Je vais continuer en disant que depuis que je siège à ce comité, j'ai entendu les membres d'en face parler des immigrants comme des « imposteurs », des « resquilleurs », des « fraudeurs » et des « terroristes ». Ce sont des citations. Permettez-moi de vous dire...
Pour enchaîner sur ce que vous avez dit, monsieur le président, personne n'a jamais traité les immigrants d'« imposteurs ». C'est une affirmation erronée. Ce sont là des propos incendiaires, et Mme Sims fait fausse route.
Lorsque vous parlez des demandeurs d'asile, vous parlez aussi d'immigrants. Ils viennent au Canada, et je cite des termes qui ont été employés dans le cadre de réunions précédentes.
J'ai me suis tue pendant que Mme James a fait son truc, et j'aimerais vraiment qu'on me rende la pareille.
Voilà. Comme vous le savez probablement...
Je suis un peu offusquée que l'on dise de moi que je « fais mon truc » ici. Je suis, en fait, une parlementaire qui siège à un comité et qui essaie d'étudier un projet de loi donné avec des témoins, alors je préférerais que vous ne parliez pas de moi de cette façon.
Merci.
C'est vrai. Nous devons être respectueux. Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, nous sommes tous d'honorables députés et j'espère que nous agirons en conséquence.
Honorables députés membres du comité, vous savez fort bien que l'une de nos plus grandes préoccupations que suscite ce projet de loi est qu'il confère encore plus de pouvoirs au ministre, et c'est en fait ce qui se trouve dans le libellé.
Ma première question s'adresse à Francisco ou à Amy. Pouvez-vous nous dire comment ces nouveaux pouvoirs influeront sur les personnes avec lesquelles vous travaillez au quotidien?
Nous sommes ici pour parler précisément de l'élimination des appels pour les personnes qui commettent une erreur, et nous parlons des jeunes. Vous pouvez faire une exception pour les jeunes, et vous pouvez fixer un âge ou quelque chose du genre, mais la personne doit pouvoir interjeter appel d'une décision. Nous ne demandons pas l'amnistie pour les gens qui commettent une erreur. Nous demandons qu'ils aient la possibilité de s'expliquer, car leur renvoi pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour leur avenir, et tout ça à cause d'une erreur. Nous acceptons qu'une erreur a été commise et nous ne vous demandons pas de l'oublier. Nous demandons que la personne ait la possibilité de se justifier et d'expliquer les circonstances de l'incident.
Merci beaucoup d'avoir apporté cette précision. Je crois que personne ici ne dit... il arrive parfois que quelqu'un commette un crime si odieux que même avec une peine de six mois, vous voulez qu'ils soient expulsés. N'est-ce pas? Il existe des cas pareils.
Nous ne parlons pas ici de l'expulsion en tant que telle, mais bien du droit d'interjeter appel d'une décision. Dans notre système, cela fait partie du processus légitime. Nous sommes fiers d'être un pays gouverné par la primauté du droit.
Lorsque vous avez étudié le projet de loi, avez-vous eu l'occasion d'examiner les amendements éventuels qui pourraient contribuer à assurer le processus légitime et à circonscrire les pouvoirs de plus en plus arbitraires du ministre?
Nous ciblons l'amendement à l'article 24. Nous demandons qu'il soit retranché pour que les personnes puissent interjeter appel d'une décision devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
La deuxième chose que nous demandons est s'il peut y avoir une campagne pour expliquer les conséquences de la mise en oeuvre du projet de loi pour les communautés racialisées, en particulier les jeunes, car il n'en est pas question dans les programmes éducatifs au secondaire ou ailleurs. Nous vous demandons aussi d'ajouter des détails pour expliquer les implications du projet de loi aux jeunes canadiens, qu'ils soient résidents permanents ou autres.
D'après ce que vous avez dit, je crois comprendre que vous demandez que le processus d'appel soit rétabli.
En ce moment, nous avons une procédure d'appel pour les peines de plus de deux ans. Maintenant que nous avons baissé la barre à six mois, ou relevé la barre, c'est selon, tout le monde devrait bénéficier de cet appel. Si ce projet de loi devait être adopté sans contenir de disposition sur la procédure d'appel, on devrait sensibiliser les gens à ces questions.
Même si le projet de loi est adopté avec l'amendement concernant la procédure d'appel, je pense que l'on doit suggérer qu'il y ait une campagne et que des changements soient apportés au programme scolaire pour que les jeunes et les enfants sachent ce que ce projet de loi implique.
Merci beaucoup.
Comme vous le savez, le processus de demande d'immigration au Canada peut être long et difficile. En fait, j'ai jeté un coup d'oeil au formulaire lorsque j'étais dans ma circonscription la semaine dernière. Quelqu'un est venu demander de l'aide. Cette personne avait du mal à la remplir. Lorsque vous regardez le formulaire, il est possible de commettre de simples erreurs en le remplissant. Pensez-vous qu'une inadmissibilité de cinq ans soit une mesure trop punitive pour ce qui pourrait être une simple erreur?
Ce l'est, en particulier parce que cela touche bien des gens qui sont maintenant obligés de commettre une erreur. Je vais vous donner un exemple.
Certaines femmes sont dans des relations très abusives ou violentes. Le mari remplit toutes les demandes et force la femme à abandonner ses enfants, par exemple. Il n'y a aucun nom, car le mari ne veut pas les nommer. Ils viennent ici. Cette erreur pourrait avoir des conséquences graves. La femme n'avait rien à décider ou à dire à ce moment précis. Dans ce cas, il faut examiner la situation de façon particulière pour des raisons d'humanité, par exemple.
Merci, monsieur le président.
Je veux aborder la question sous un autre angle. Le projet de loi touche, en fait, un million et demi de personnes, des résidents permanents qui vivent au Canada. Cela veut dire que nous devrions tous beaucoup nous préoccuper de son contenu même. Lorsqu'il l'a déposé, le gouvernement a donné cinq raisons. Bien entendu, il s'agit de ces cas extrêmes.
J'aimerais mentionner un cas dont il a été question et dont j'ai déjà eu l'occasion de parler.
Imaginez-vous que vous êtes un jeune diplômé de 19 ans qui vit à Windsor, Vancouver ou Montréal, et vous décidez de traverser aux États-Unis pour fêter la fin de vos études. L'âge légal pour consommer de l'alcool là-bas est de 21 ans, alors vous utilisez une fausse carte d'identité pour acheter votre bouteille de vin ou d'alcool. Dans cette situation, vous seriez, en fait, expulsé, et vous n'auriez pas le droit d'interjeter appel de la décision. L'un des témoins l'a très bien expliqué et a fourni un document. Voilà pourquoi vous perdriez le droit d'appeler de la décision au bout du compte. L'utilisation d'un document faux ou frauduleux est une infraction au sens de l'article 368 du Code criminel du Canada et est passible d'une peine maximale de 10 ans. Un résident permanent de 20 ans qui est trouvé coupable d'avoir utilisé une fausse carte d'identité pour entrer dans un bar pendant qu'il était aux États-Unis est inadmissible sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés à cause d'une condamnation à l'étranger. Que les tribunaux américains lui aient imposé une simple amende de 200 $ est sans importance.
Là où je veux en venir est que ce projet de loi englobe un si grand nombre des 1,5 million de résidents permanents qui vivent au Canada que ce jeune de 19 ou 20 ans qui fait preuve d'un manque de jugement en utilisant une fausse carte d'identité n'aura pas, au bout du compte, le droit d'interjeter appel de la décision et sera expulsé. Le reste de sa famille restera ici, mais cette personne sera expulsée.
Lorsque vous songez à ce type d'exemple, je me demande si vous estimez que le gouvernement est peut-être allé un peu trop loin, et que nous devons améliorer le projet de loi avant qu'il quitte ce comité. Je crois que cela va sans dire. Êtes-vous d'accord, monsieur Shore, Francisco ou quiconque voudrait répondre?
Ce sont exactement les exemples qui nous intéressent. Vous pourriez citer sans cesse les exemples que nous prenons en considération.
Nous comprenons que la personne était en faute. La loi le prescrit. D'un autre côté, nous comprenons qu'il s'agit d'une erreur. Cette personne apprendra très rapidement que c'est quelque chose qu'elle ne sera pas prête de refaire. Nous essayons de l'expliquer à tout le monde. C'est là qu'intervient la pression vers l'uniformité. Pourquoi? Beaucoup d'autres enfants nés au Canada sont dans la même situation et commettront la même erreur. Une personne du groupe sera visée et déportée et une autre restera même si elles ont toutes deux commis la même erreur. C'est la raison pour laquelle les jeunes doivent avoir une possibilité d'expliquer les circonstances et avoir une seconde chance.
Nous demandons que leur soit accordée une seconde chance et qu'on accepte que c'était une erreur. Il faut considérer que la personne en face de vous est un être humain.
Monsieur Shore, pensez aux fausses déclarations si ça ne vous dérange pas. Nous avons fait passer de deux à cinq ans la période d'admissibilité à l'octroi d'une réhabilitation.
Monsieur Shore, je vous demande précisément si vous avez entendu parler d'un cas de fausse déclaration non intentionnelle. Si oui, pensez-vous qu'il serait approprié de retarder de deux à cinq ans l'admissibilité à l'octroi d'une réhabilitation?
Vous pouvez aussi répondre à la question précédente.
Je n'ai pas entendu parler d'un pareil cas et je ne sais pas comment on l'aborderait, mais je pense que notre système judiciaire comprend des mécanismes de protection permettant de demander un contrôle judiciaire en cas de circonstances graves.
Par ailleurs, je crois que dans l'exemple que vous avez cité il est possible de demander, pour des raisons d'ordre humanitaire, l'autorisation au ministre afin d'empêcher que la situation que vous avez décrite ne se produise.
Je voudrais que nous revenions en arrière, à ce que j'ai dit plus tôt et à ce que mes collègues ont dit aussi, me semble-t-il, soit l'importance de l'éducation, l'importance de créer de bons citoyens. La vaste majorité, 95 p. 100, 99 p. 100... Je suis un Canadien de première génération. Je pense à ces immigrants, les 1,5 million que vous avez mentionnés. Il faut avoir une meilleure idée de ce qu'est une citoyenneté exemplaire afin d'éviter que les jeunes ne se retrouvent dans de telles situations.
Je répète que même dans le cadre du processus judiciaire, je ne pense pas que notre système permettrait la déportation d'une personne vers un pays qu'elle ne connaît pas, à la suite d'une fausse déclaration comme dans cet exemple.
Je crois que nous...
Merci, monsieur le président.
C'est une discussion très intéressante. Lorsque j'étais étudiant à Osgoode Hall, j'ai travaillé à la clinique d'aide juridique de Parkdale, et j'offrais mes services à beaucoup de personnes ou à la même catégorie de personnes auxquelles vous offrez vos services aujourd'hui. Je comprends donc vos préoccupations. Je suis bien conscient de ce que vous dites, tous les deux, au sujet de l'éducation du public, mieux vaut prévenir que guérir. Étant donné que le ministre auquel nous avons affaire était très proactif dans la promotion de son Guide de citoyenneté, je pense qu'il sera très intéressé par vos suggestions.
Je veux souligner quelques points en réponse à votre exposé, Francisco et Amy. Puis, je dois vous poser une question, Jacques.
Le gouvernement a triplé les fonds pour l'établissement. Beaucoup de personnes dont il est question ici, celles qui selon vous sont exposées à de plus grands risques, ont reçu de l'aide pour s'intégrer dans la société canadienne. On leur offrait, par exemple, des cours de langue gratuits. Je crois qu'il faut en tenir compte.
De plus, nous respecterons la Convention de Genève. Personne ne deviendra apatride. En outre, les personnes auront accès à un examen des risques avant renvoi afin de s'assurer que nous ne renvoyons pas des gens à la torture. C'est notre objectif et le gouvernement est déterminé à l'atteindre.
Bien évidemment, si on croit qu'une personne risque d'être torturée, elle sera autorisée à rester, du moins temporairement pendant l'évaluation de ce risque.
Jacques, vous avez suggéré de préciser les critères sur lesquels le ministre se fonderait, et je trouve cela très intéressant. Vous avez dit que ces précisions présenteraient trois avantages. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails à ce sujet?
Je partage la préoccupation exprimée par mon collègue, M. Lamoureux, au sujet des personnes qui font de fausses déclarations et des réactions disproportionnées qui pourraient en découler.
Pensez-vous que le fait d'éclaircir le pouvoir discrétionnaire dont vous avez parlé offrira des solutions?
Merci beaucoup, monsieur Weston.
En ce qui a trait aux lignes directrices, je crois qu'il y aurait un avantage de plus si le ministre décidait, de concert avec les parlementaires, d'inclure dans la loi des lignes directrices aussi précises que possible. Ce serait un avantage, d'une part, parce que dans le libellé actuel, la notion d'intérêt public peut être extrêmement vaste et, d'autre part, elle peut aussi être perçue comme étant vague pour la mise en oeuvre. Je peux imaginer que quelqu'un dise au tribunal qu'elle est trop imprécise et invoque ainsi la « nullité pour cause d'imprécision ».
Cet éclaircissement offre un avantage additionnel, car nous n'allons pas avoir en fin de compte... Bien que j'aie énormément de respect pour le système judiciaire et nos tribunaux, je peux imaginer qu'un juge ne comprenne pas vraiment l'intention du gouvernement dans un cas précis et qu'il limite ses efforts. Ce genre de situation se produit dans des délais très courts. Par exemple, un conférencier doit venir dans une université ou une personne dans un centre communautaire et il faut décider en moins de deux jours s'il faut leur permettre ou non de venir. Comme nous l'avons constaté dans certains cas, il était clair que des gens n'ont pas respecté nos valeurs.
Je dirais que l'inclusion de ce changement garantit que nous arriverons au moins à comprendre clairement les problèmes ou les intentions du gouvernement. Je pense que ce changement comporterait certains avantages pour les Canadiens.
Voici ce que j'ai noté. Je vais répéter ce que nous avons tous entendu. Je crois que tous ceux ici présents sont fiers du bilan du Canada en matière d'établissement des réfugiés. Par habitant, plus de réfugiés s'établissent ici que dans n'importe quel autre pays et nous continuons à offrir notre généreux programme de réinstallation des réfugiés.
J'espère, et je pense que mes collègues espèrent aussi, qu'en nous assurant que les criminels sont déportés plus rapidement et qu'ils n'engorgent pas inutilement ou injustement notre système judiciaire, nous continuerons à bénéficier du soutien de la population dont nous avons besoin pour offrir aux réfugiés un programme très généreux afin que les gens comme ceux que j'ai rencontrés à Parkdale et ceux que vous desservez continuent de venir au Canada pour y trouver asile.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur le président.
On a aussi dit qu'il fallait expliquer dans nos salles de classe ce qu'est une citoyenneté exemplaire. J'ai eu la chance d'occuper le poste de président du Conseil des gouverneurs de l'Université Carleton pendant un certain nombre d'années et je constate que nous n'avons pas suffisamment recours à nos universités pour aborder ce genre de questions. Ce serait merveilleux de voir le ministre téléphoner aux présidents d'université pour leur demander comment nous devrions nous y prendre.
Comment pouvons-nous mobiliser tous les directeurs des écoles du pays sur cette question? Comment pouvons-nous arriver à faire comprendre aux provinces ce qu'est la citoyenneté exemplaire et les risques, et il y en a, parce qu'il est inhabituel que lorsqu'un enfant qui est immigrant et un autre enfant qui est citoyen canadien se trouvent dans une même situation, l'un peut être déporté et l'autre pas, mais c'est ainsi que fonctionne le système.
Je suis très content que vous ayez ajouté cela. Merci.
Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
Monsieur Shore, vous avez soulevé ce point deux ou trois fois, notamment dans votre déclaration préliminaire. Un certain nombre de témoins ont parlé de la « grande criminalité » telle qu'elle est actuellement définie dans la LIPR, et les changements qui sont apportés à la fois dans l'article 24 comme vous l'avez souligné et dans le contexte de la réduction de deux ans à six mois et les conséquences qui en découlent.
Nous avons ce que je pense être des exemples extrêmes. Un concerne un étudiant mineur qui se rend aux États-Unis, on découvre qu'il est mineur, et il est donc condamné. Cela veut dire que ce jeune, s'il est résident permanent, sera déporté vers son pays d'origine. J'aimerais bien sûr savoir ce que vous en pensez, du point de vue juridique.
Voyons comment le projet de loi est rédigé au paragraphe 36(1), de l'alinéa a) à l'alinéa c) et ce que tout cela signifie. Par exemple, le paragraphe 36(1) renvoie à la phrase suivante: « être déclaré coupable, à l'extérieur du Canada, d'une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, commises au Canada, constitueraient des infractions à des lois fédérales;... »
Nous avons du mal à comprendre ce que cela signifie. J'aimerais vraiment avoir votre opinion à ce sujet.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je pense qu'il est important de rappeler que nous convenons tous — et ça inclut l'opposition officielle — de l'importance de traiter plus rapidement les dossiers des ressortissants étrangers ayant commis des crimes graves au Canada. Par contre, le projet de loi C-43 soulève des questions et des préoccupations. Celles-ci touchent principalement la situation que vous avez évoquée, Francisco, ainsi que M. Shore, à savoir celle des jeunes arrivés en bas âge au Canada. Vous avez aussi parlé du potentiel de réhabilitation. Selon moi, cela trouve tout son sens lorsque des jeunes sont en cause.
Jusqu'en 1999 en Australie, une loi protégeait contre le renvoi les résidents permanents établis au pays depuis 10 ans ou plus. Elle garantissait aux personnes arrivées dans ce pays d'accueil dès leur tout jeune âge et qui y avaient grandi et fondé une famille une protection contre le renvoi vers un pays qu'elles n'avaient jamais connu.
Ne devrait-on pas intégrer dans ce projet de loi une disposition reconnaissant l'union de fait d'une personne au Canada, particulièrement si elle y est arrivée dès son plus jeune âge? Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Ce pourrait être une possibilité, particulièrement dans le cas des jeunes. Dans nos organismes, nous voyons de nombreux cas de jeunes qui commencent à avoir des problèmes à l’adolescence. Ils souffrent, par exemple, de dépression ou de troubles mentaux. Ils fuguent. Ils deviennent un problème. Ensuite, ils réalisent qu’ils ne sont pas citoyens canadiens 10 ou 15 ans après les faits, alors qu’ils ont parfois déjà commis des erreurs de parcours. Certains ont des troubles mentaux graves, et nous devons nous en occuper.
Si vous établissez une période après laquelle une personne ne peut faire l’objet d’un renvoi dans une région ou un pays qu’elle n’a jamais connu ou qu’elle a quitté en bas âge, on pourrait ainsi protéger les gens. Cela pourrait également se faire dans le cadre du processus d'appel, parce que si les gens ont le droit d’interjeter appel, ils peuvent se servir notamment de leur dossier médical pour expliquer pourquoi une telle situation est survenue. Il arrive parfois que ce ne soit pas la faute des parents; cela découle d’une situation, et les jeunes font des erreurs.
Nous voulons protéger les gens. Nous savons qu'ils ont commis des erreurs, mais il faut avant tout connaître les circonstances entourant ces erreurs. Ce sera à vous de juger s’il faut établir une période de temps de 5 ou de 10 ans. Ce serait une bonne façon d’aborder la question en ce qui a trait aux jeunes.
[Français]
Merci beaucoup, madame.
[Traduction]
Encore une fois, j'ai l'impression que le libellé actuel des paragraphes 25(1) et 25.1(1) du projet de loi C-43 permet au ministre de décider de ne pas expulser une personne du pays. Je crois que ce mécanisme sert de soupape de sécurité, sauf dans des circonstances très exceptionnelles, dont l'espionnage, certains actes criminels, le gangstérisme et les crimes contre l'humanité.
Même si certains perdent leur droit d’interjeter appel, je crois qu’il reste tout de même ce mécanisme qui sert de soupape de sécurité. Autrement, je ne pourrais pas vraiment dire ce qu’est la principale modification du présent projet loi. Nous serions en gros de retour au système actuel. Voilà la frustration que j’ai évoquée plus tôt, à savoir que trop de gens ont malheureusement abusé du système.
[Français]
Francisco, vous avez recommandé le maintien du droit d'appel. Or plusieurs de nos témoins ont dit que le projet de loi C-43 aurait l'effet d'un filet trop large, en ce sens que de « vrais criminels » pourraient s'y prendre, mais aussi des jeunes arrivés ici en bas âge, comme on le disait plus tôt. Plusieurs craignent que ce projet de loi ne constitue une mesure disproportionnée.
Le droit d'appel n'est-il pas une composante fondamentale du processus judiciaire? Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Le droit d’interjeter appel est une composante fondamentale du droit que j’aimerais retrouver dans le pays où je vis et dont je suis citoyen. L’absence de ce droit est antidémocratique.
Monsieur Shore, j’ai déjà posé ma première question. Pour ce qui est de ma deuxième, vous m’avez pratiquement volé la vedette avec votre réponse à Mme Groguhé. Pourriez-vous nous donner une réponse directe concernant la criminalité et ce qui serait considéré comme un crime mineur?
Il y a un chevauchement entre ce qui pourrait être perçu comme un crime mineur et ce qui pourrait être perçu comme un crime grave. Il y a une grande différence dans la façon de comprendre où débute le seuil entre un crime mineur et un crime grave.
Encore une fois, je crois qu’il y a suffisamment de soupapes de sécurité dans le système tel que c’est actuellement défini dans la loi, avec l’exception dans certaines circonstances des crimes considérés comme extrêmement graves. Il s’agit des trois catégories que j’ai déjà mentionnées, soit les crimes concernant la sécurité nationale, la criminalité liée au gangstérisme et les motifs d’ordre humanitaire.
Je comprends que nous examinons des cas extrêmes. Cependant, selon ma compréhension du système basée sur mes 32 années d’expérience dans la pratique du droit au Canada et de travaux devant les tribunaux et dans le domaine de la politique publique, c’est inimaginable qu’une personne qui a commis un tel acte soit expulsée du pays sans pouvoir... J’ai bien aimé le commentaire de mon nouvel ami ici présent; il a dit qu’il n’y aurait pas de droit d’appel et que ce serait antidémocratique. Je ne pense pas qu’au Canada nous expulserions cette personne du pays. Voici également une partie du problème. Qui se chargera de la retrouver pour l’expulser du pays? Un certain nombre de tribunaux peuvent ordonner l’expulsion d’une personne. Qui se charge d’appliquer les décisions? Voici ce dont il s’agit. Si la situation est déraisonnable, je crois qu’un ministre ou son représentant conviendrait de ne pas expulser la personne du pays.
Je reviens encore à mon thème sous-jacent, à savoir qu’il faut nous assurer que les gens comprennent leurs obligations, leurs droits et leurs responsabilités.
Je crois que c’est juste. Selon moi, les autres seraient certainement d’accord avec vous à cet égard.
Je ne crois pas qu’il soit question de foi aveugle. Je crois que c’est une foi basée sur un jugement éclairé.
... un nouveau pouvoir qui lui permet d’empêcher l’expulsion d’une personne.
Je vous remercie d’avoir soulevé ce point. C’est justement le sujet de ma prochaine question. Je ne comprends toujours pas pourquoi les gens — monsieur Rico-Martinez, vous pourrez m’éclairer à cet égard — ne disent pas que l’article 42.1 donne le moyen au ministre de la Sécurité publique d’empêcher l’expulsion d’une personne si, dans les faits, elle a commis un crime mineur qui a été interprété comme un crime grave.
Il y a un autre élément à ce sujet. Comment pouvons-nous inscrire dans la loi qu’un jeune mérite une deuxième chance? Je ne sais pas comment le faire. Si une personne commet un crime pour lequel elle est condamnée, peu importe son âge, je sais que vous faites allusion à la question des troubles mentaux et de la santé psychologique. Ce sont des enjeux avec lesquels les tribunaux sont aux prises chaque jour.
M. Shore a participé à une cause pour laquelle le jugement s’est fait attendre des années. Je sais bien que la question de la santé mentale et de la capacité de subir un procès en fonction de l’état psychologique est le quotidien des tribunaux. Si cela s’applique à tout le monde indépendamment de l’âge, pourquoi un aîné de 83 ans qui a commis un crime ne serait-il pas exclu en vertu de la loi? Nous devons définir dans la loi le traitement judiciaire à cet égard.
Si vous croyez que nous devons aider les jeunes — et je suis d’accord avec tout cela —, je vous prie de m’expliquer comment l’inscrire dans la loi.
Je suis d’accord que c’est le ministre qui doit avoir le dernier mot, pour ainsi dire, mais le système quasi judiciaire que nous avons en place au Canada serait un bon moyen. La personne aurait ainsi l’occasion d’expliquer la situation au moment de son appel.
Permettez-moi de compléter ma pensée. Nous avons inclus la section d’appel dans la LIPR, parce que nous n’en avions pas et qu’une personne mérite une deuxième chance. Par la présente, nous l’éliminons. Selon moi, ce n’est pas possible d’avoir deux poids, deux mesures. Il faut accorder aux gens le droit d’interjeter appel. C’est un fondement de la démocratie.
Je crois qu’il s’agit d’une façon différente d’aborder les enjeux. Je crois que nous le voyons ici. Malheureusement, j’ai l’impression que nous constatons trop souvent que des gens cherchent à obtenir le droit d’interjeter appel dans le seul but de retarder le processus. Encore une fois, cela engendre de la frustration et entraîne des coûts. Je crois qu’il faut mettre l’accent sur d’autres façons d’aborder ces questions. Le projet de loi sous sa forme actuelle est un moyen raisonnable d’y arriver.
Merci beaucoup.
Monsieur Shore, monsieur Rico-Martinez, madame Casipullai, merci beaucoup de nous avoir fait part de vos opinions.
J’aimerais profiter de l’occasion pour remercier une personne qui m’accompagne aujourd’hui, Julia Wernberg, qui a également été d’une aide précieuse sur le plan de la recherche.
D’accord. Commençons la deuxième heure.
Nous avons trois témoins. Contre-amiral Donald Loren, bienvenue au comité. Walter Perchal, George Platsis, je vous souhaite également la bienvenue.
Monsieur Perchal, débutons par vous. Vous avez chacun huit minutes.
Avec votre permission, monsieur le président, mon collègue prendra la parole en premier. Nous avons préparé nos exposés dans un ordre légèrement différent.
Monsieur le président, chers membres du comité, merci de votre invitation. Je suis aujourd’hui accompagné par mes collègues, le contre-amiral Don Loren de la marine américaine et le professeur Walter Perchal de l’Université York. Nous faisons tous partie du Centre of Excellence in Security, Resilience, and Intelligence de la Schulich School of Business, mais nous témoignons aujourd’hui à titre personnel, et nos commentaires ne reflètent pas les opinions des organismes auxquels nous pouvons être associés.
En tant que fils d’immigrants, j’ai eu la chance de gagner le gros lot et d’être né dans un grand pays qui a donné d’innombrables opportunités aux gens comme mes parents. Ils sont venus ici à la recherche d’une meilleure vie dans l’idée d’épouser les valeurs canadiennes et de contribuer à la société canadienne. Je crois que la majorité de nos immigrants ressemblent à mes parents, soit des gens honnêtes, respectueux des lois et amoureux du Canada.
Cela étant dit, j’aimerais vous rappeler la dure réalité; nous vivons dans un monde parsemé de grands dangers. Il faut convenir que certains veulent abuser de notre système accueillant, miner nos intérêts ici et à l’étranger et intentionnellement nous faire du tort. Comme je l’ai déjà mentionné, la technologie permet de créer une capacité asymétrique pour les gens. Les trajectoires de vol ont changé. Les systèmes de communications nous ont permis de demeurer en contact, et notre dépendance à l’égard des systèmes cybernétiques devrait vraiment nous pousser à revoir la façon d'éduquer nos citoyens, tant les jeunes que les moins jeunes, à mesure que leur utilisation s’étend.
Dans ce contexte, je dirais, en tout respect, qu’une grande partie de la présente discussion sur le projet de loi aborde le monde d’un point de vue très réactif. Je crois que c’est une erreur. Conséquemment, la discussion a mis l’accent sur l’application de la loi, le processus judiciaire et les commissions de révision. Sauf votre respect, je me permets de vous demander ceci: pourquoi ne fondons-nous pas davantage nos discussions sur une approche proactive? Qu’il soit question de la mobilisation des collectivités locales ou de la collecte de renseignements étrangers, l’information est en fin de compte ce qui permet à nos agents qui délivrent des visas de rendre des décisions éclairées au sujet des personnes qui entrent au Canada. Selon moi, si nous étions plus proactifs en ce qui a trait à la sécurité nationale, nous aurions moins de cas d’expulsions, un plus faible taux d’incarcération et moins de cas de fraudes, ce qui permettrait de libérer des ressources pour s’occuper des nouveaux immigrants et réfugiés.
Sauf votre respect, la majorité de l’analyse a porté sur des cas rares. D’un côté, nous avons des cas tragiques de policiers qui sont tués. Étant donné que je travaille étroitement avec les forces de l’ordre et les premiers répondants, parmi lesquels je compte des amis, de tels cas me bouleversent. Cependant, ces cas prouvent qu’il y a des lacunes dans la loi, et ils ne devraient pas uniquement servir à justifier les modifications.
Il a aussi eu des cas concernant des gens ayant de possibles troubles mentaux. Sauf votre respect, je ne crois pas que nous devrions proposer des modifications en fonction de cas rares qui peuvent prendre des années à se matérialiser, particulièrement lorsque nous n’abordons pas la cause profonde. À ce sujet, je dirais que la solution passe par une meilleure formation des agents qui délivrent des visas pour qu’ils puissent détecter les cas présentant des troubles mentaux et transférer immédiatement les dossiers à un conseiller.
Il a aussi été question du seuil à partir duquel les personnes perdent leur droit d’interjeter appel. L’exemple de six plants de marijuana a été donné. J’aimerais que le comité tienne compte de mon analyse. Un plant produit en moyenne quatre onces de marijuana. Si l’once se vend 350 $, les six plants valent environ 8 400 $ et peuvent produire 24 onces. Si une once moyenne suffit à produire 30 joints, 24 onces en donnent 720. Sauf votre respect, je crois que c’est du trafic de drogue, et le Canada n’a pas besoin d’autres trafiquants de drogue.
Je m'inquiète également de...
D'accord. Je présente mes excuses à l'interprète.
Je m'inquiète également qu'on évite les procès et les longues peines en plaidant coupable à une accusation passible d'une peine de deux ans moins un jour. Ce faisant, le ressortissant étranger peut demander un examen de son ordonnance d'expulsion.
Agressions multiples, non-respect d'une ordonnance du tribunal, fraude et trafic de stupéfiants sont toutes des infractions qui ont été commises par des individus dont l'expulsion a été reportée de six ans en moyenne à cause de la durée de la peine. Je pense qu'il y a clairement une lacune. Le système de justice pénale et le système d'examen des dossiers d'immigration ne correspondent pas, ce qui peut donner lieu à des abus.
On a des inquiétudes concernant l'intérêt public. Sauf votre respect, je pense que ces craintes sont exagérées, surtout si l'on tient compte des circonstances. Je perçois la disposition comme étant le dernier recours pour assurer la sécurité du Canada, et non pas l'examen initial de l'admissibilité. La disposition de dérogation est essentiellement une politique d'intérêt public conçue pour avoir préséance sur l'article 2 et les articles 7 à 15 de la Charte. On n'y a recours que dans des circonstances exceptionnelles pour prendre d'importantes décisions stratégiques qui n'ont rien à voir avec la révision judiciaire. Je ne cherche pas à faire des rapprochements entre les deux, mais il pourrait être utile de les comparer.
Le fait d'invoquer la disposition de dérogation a toutefois des conséquences pour le gouvernement en place. Le coût politique pourrait être énorme. Je crois que c'est la raison pour laquelle on ne l'invoque pas souvent. Dans un contexte plus général, je dirais respectueusement que c'est ainsi que la cause d'intérêt public devrait être utilisée. Je pense qu'un mauvais usage de cette disposition serait nuisible sur le plan politique, surtout dans le contexte actuel des médias et de la communication de l'information en temps réel. Je pense qu'il est dans l'intérêt des Canadiens d'y recourir dans des circonstances exceptionnelles pour pallier une lacune, notamment pour refuser l'entrée à un ressortissant étranger qui profère des propos haineux.
Les articles 318, 319 et 320 du Code criminel du Canada interdisent la propagande haineuse et définissent clairement la notion. Les articles 3 et 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne contiennent également des définitions. La tenue de propos haineux n'est peut-être pas un crime dans d'autres pays, mais ce l'est dans le nôtre. Par conséquent, je considère que cette disposition comble une lacune. Elle n'est pas déraisonnable, surtout quand le gouvernement en place doit tenir compte des coûts politiques exorbitants associés à une mauvaise utilisation de la disposition.
Pour terminer, le comité a-t-il discuté de l'intérêt public pour déterminer l'admissibilité des demandeurs dans des circonstances extraordinaires? On a cité à maintes reprises l'exemple du ressortissant étranger qui est arrivé au pays à un très jeune âge et pour qui le Canada est le seul endroit où il se sent chez lui. La disposition pourrait-elle être utilisée pour garder une personne au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire dans ces rares cas? Je ne sais pas trop si c'était le but de la disposition mais, le cas échéant, cela réglerait assurément certaines préoccupations dont le comité a été saisi.
Dans le contexte plus large de la sécurité nationale, ce qui comprend la collecte de renseignements et l'application de la loi à toutes les étapes du processus d'immigration, si l'on tient compte des considérations politiques éventuelles, j'estime que le projet de loi est équilibré et règle de façon proactive bon nombre des problèmes auxquels le Canada est confronté, tout en servant les intérêts des Canadiens à long terme.
Je demanderais maintenant à M. Perchal de parler moins rapidement que moi et présenter d'autres cas précis.
Merci.
Je suis moi aussi enfant d'immigrants. Je suis donc du même avis que mon collègue, surtout lorsqu'il dit que la majorité des immigrants sont honnêtes et respectueux des lois. Ils s'efforcent d'avoir une vie meilleure et d'intégrer les valeurs canadiennes à leurs propres valeurs.
Pour l'avenir, je crois fermement que la prospérité future du Canada est directement liée à une bonne politique d'immigration qui attirerait les meilleurs éléments dans le monde. Cette politique devrait accueillir ceux qui souhaitent adopter les valeurs canadiennes. Elle devrait également incorporer les valeurs et croyances solides qui nous sont chères, y compris venir en aide à des personnes pour des motifs d'ordre humanitaire, peu importe d'où elles viennent dans le monde. De plus, notre société tient à la sécurité et à la stabilité de la primauté du droit. En tant que Canadiens, nous avons le droit de nous adresser aux tribunaux pour nous défendre. Il devrait en être de même pour les ressortissants étrangers qui sont ici de façon temporaire ou permanente.
Toutefois, comme je crois à l'importance de planifier même pour les circonstances exceptionnelles, nous ne devrions pas perdre de vue le tableau d'ensemble. Si le comité accepte les réalités, dont les dangers du monde en 2012, comme mes collègues et moi l'avons dépeint ici et dans le passé, les modifications proposées dans le projet de loi C-43 devraient être considérées comme la fin du processus, et non pas le point de départ.
Il y a eu des cas récents d'abus potentiels de notre accueillant système. Tout récemment, le rapport du projet Sara préparé par l'ASFC, que vous connaissez sans doute, a signalé un nombre élevé de fraudes de l'aide sociale et d'autres crimes. Les auteurs des infractions avaient altéré ou falsifié leur nom, commis des vols, manipulé des gens pour recevoir des prestations même après leur expulsion, et il y avait même des soupçons que certains s'étaient livrés à la traite des personnes.
Ce que le rapport du projet Sara montre, c'est que l'abus de notre système permet non seulement à des personnes mal intentionnées d'entrer dans notre pays, mais détourne aussi des ressources précieuses d'enjeux cruciaux qui devraient être réglés dans l'intérêt de ceux qui devraient être admis dans notre pays. Il est question notamment de services pour aider nos nouveaux résidents à trouver des emplois et à apprendre nos langues officielles, entre autres.
En outre, les conclusions du projet Sara nous montrent que des mesures complexes sont utilisées, ce qui fragilise notre filet de sécurité existant. Par exemple, on ne se déplace plus du point A au point B. On utilise des pays intermédiaires. Par exemple, une personne en Europe se rendra au Mexique pour s'infiltrer aux États-Unis, puis entrer au Canada par les villes frontalières dans le but de faire une demande ici.
On réclame d'augmenter les patrouilles de la GRC le long de la frontière, ce qui comprend une hausse des effectifs et des mesures de détention plus rigoureuses. Ces demandes sont justifiées car si nous nous améliorons pour protéger nos frontières à tous les points d'entrée — par terre, mer et air —, nous n'aurons plus à nous concentrer autant sur les mesures de détention.
Sauf votre respect, je dois dire qu'augmenter les patrouilles de la GRC le long de nos frontières ne nous permet pas de nous attaquer au coeur du problème. Le problème est plus complexe puisque nous envisageons d'allouer moins de ressources. Par exemple, pour augmenter les patrouilles, la GRC doit savoir où patrouiller, quoi surveiller et qui chercher. Mesdames et messieurs, l'efficacité de cette surveillance est tributaire de l'information efficace ou des renseignements dont nous disposons. De plus, augmenter les patrouilles le long de la frontière ne règle que des cas précis, et non tout le problème, surtout lorsque certains groupes font un nombre disproportionné de demandes d'asile dans certains de nos plus grands aéroports ou ports au pays. C'est pourquoi il m'apparaît pertinent de demander un nouvel examen dans certains cas, si un agent de l'ASFC le juge nécessaire. Sauf votre respect, si les gens veulent entrer dans notre pays, il est raisonnable de vouloir savoir qui ils sont.
Pour vous donner une petite idée, la question suivante est éloquente: Donneriez-vous à un étranger les clés de votre maison? Mesdames et messieurs, notre maison, c'est le Canada. Nous avons le droit de savoir qui entre dans notre maison. Nous avons le droit de nous protéger contre les dangers potentiels que peut représenter un étranger et de connaître ses antécédents ou ses intentions.
J'ai dit que les modifications proposées dans le projet de loi C-43 devraient s'appliquer à toutes les étapes du processus d'immigration. L'utilité d'augmenter les patrouilles de la GRC et les effectifs à la frontière est limitée si nous ne disposons pas des renseignements nécessaires pour appuyer les agents dans leur travail. C'est encore moins utile si nos agents n'ont pas suivi les formations voulues pour détecter les problèmes éventuels.
L'idéal sera de faire en sorte que ceux qui veulent abuser du système n'arrivent jamais au Canada. Cela dit, je sais parfaitement que nos défenses n'excluent jamais à 100 p. 100 ceux qui cherchent à nous causer du tort. C'est pourquoi je vois les modifications du projet de loi C-43 comme des mesures de protection de dernier recours dans le système, ce qui comprend entre autres la sécurité nationale, l'application de la loi, l'appui et l'aide aux immigrants ou aux demandeurs d'asile et l'intégration à la société canadienne.
Si un ressortissant étranger est considéré comme une menace à la sécurité nationale, il ne devrait pas être admis au Canada. S'il a commis une infraction, il a le droit d'avoir une audience, mais nous ne devrions pas l'assujettir à une norme différente. Nous devrions le traiter comme n'importe quel autre Canadien. Pour les citoyens qui sont nés au pays, c'est un rare privilège. Pour ceux qui n'ont pas eu autant de chance, ce n'est pas un droit. Cela demeure un privilège. Il est donc raisonnable de s'attendre que ceux qui souhaitent venir au Canada aient un casier vierge, au même titre qu'il est raisonnable de s'attendre qu'ils respectent les lois et répondent aux attentes de notre société.
Malheureusement, notre système actuel fait non seulement l'objet d'abus, mais il est également désuet par rapport aux systèmes de nos partenaires et alliés étrangers. Par exemple, dans des endroits comme le Japon, les États-Unis, l'Union européenne et bien d'autres pays, on exige quelque chose d'aussi simple qu'une photo sur les visas. Le Canada ne l'exige pas. De plus, nous n'avons pas suffisamment de mesures de sécurité en aval pour appuyer le travail de nos agents de première ligne. Pendant que nous essayons d'élaborer une politique purement canadienne, nous devrions examiner ce que les autres pays utilisent, surtout quand un agent des services frontaliers juge un ressortissant étranger interdit de territoire. Dans le contexte canadien, selon le Conseil du Trésor, une évaluation initiale est rarement renversée. En 2009-2010, seulement 3 p. 100 des décisions ou environ 100 décisions ont été renversées. Dans 18 p. 100 des décisions qui n'ont pas été renversées, ce qui représente environ 600 personnes, les demandeurs ne se sont pas présentés à leur audience, ce qui était leur droit.
Je vous ai fait part de seulement quelques problèmes, mais comme mon collègue l'a dit, je suis d'accord que le projet de loi C-43 devrait être étudié d'une manière plus globale en tenant compte de toutes les étapes du processus d'immigration et d'accueil des réfugiés. Dans ce contexte, le projet de loi règle bon nombre des problèmes auxquels le Canada est confronté. De plus, comme nous l'avons tous indiqué, l'épine dorsale de tout système, c'est d'avoir des renseignements solides, sans quoi nous ne pouvons pas prendre des décisions éclairées.
Maintenant, j'aimerais demander à un grand ami du Canada, le contre-amiral à la retraite de la marine américaine, Donald Loren, de nous faire part de son point de vue sur la façon dont son pays a dû faire face à des problèmes semblables.
Merci.
Bonjour, monsieur le président, et bonjour à vous, mesdames et messieurs les membres du comité.
En tant que grand ami du Canada, je suis très heureux d'être de nouveau ici. Comme par le passé, c'est à la demande de mon collègue que je comparais devant vous. Tout ce que je dirai aujourd'hui seront mes propres observations et ne reflètent l'opinion d'aucun organisme auquel je peux être associé.
Je sais que nous nous concentrons aujourd'hui sur le projet de loi C-43, mais comme je l'ai indiqué dans mes témoignages précédents, je ne suis pas ici pour parler de la loi précisément, car ce serait inapproprié de ma part de le faire, puisque je suis Américain. Je souhaite vous faire part aujourd'hui de mon point de vue sur la façon dont mon propre pays a réglé des problèmes semblables, y compris les défis à surmonter et les leçons tirées, et sur les facteurs que nous avons pris en considération dans notre processus décisionnel.
En tant que directeur adjoint du soutien des opérations au National Couterterrorism Center aux États-Unis et secrétaire adjoint de la défense pour l'intégration de la sécurité intérieure, j'ai pu voir par moi-même comment l'immigration a changé dans mon pays au fil des ans. Même si ces changements ne reflètent pas ceux du Canada, je suis certain qu'il y a de nombreux points communs entre nos deux nations.
Comme c'est le cas pour bon nombre d'entre vous au Canada, mes ancêtres venaient de l'ancien continent. Mes arrière-grands-parents et mes grands-parents ont quitté l'Europe pour immigrer aux États-Unis. Mais le concept de l'immigration est-il le même aujourd'hui que ce qu'il était lorsque mes ancêtres ont traversé l'océan?
Le long périple des immigrants à l'époque avait un effet profond et irréversible sur leur vie. Ils immigraient dans le Nouveau Monde, dans des endroits comme les États-Unis, le Canada et l'Australie, pour s'intégrer de façon permanente à une société occidentale fondée sur les principes de libertés fondamentales, le droit à la propriété et la capacité de mener une vie prospère. Dans leurs plans, les immigrants avaient rarement l'intention de faire la navette entre le pays d'origine et le pays d'adoption. Ils pliaient bagage et quittaient pour toujours.
Les immigrants quittaient leur patrie en sachant très bien qu'ils risquaient de ne plus jamais revoir leur famille. À leur arrivée à des endroits comme Ellis Island, Halifax et Fremantle, les immigrants faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour s'intégrer en apprenant la langue locale, en travaillant dans des conditions très difficiles et même en étant traités comme des citoyens de second ordre.
Leur ténacité et leur persévérance au cours de cette période difficile se sont inscrites dans nos histoires et nos sociétés respectives, marquées par des contributions utiles dont nous devrions tous être fiers. Mais comme mes collègues l'ont signalé, nous devons tenir compte des réalités d'aujourd'hui, ce qui comprend la technologie, qui facilite le travail des fraudeurs, et les changements de plans.
Les avions ont transformé l'immigration et les déplacements. Un voyage qui prenait autrefois deux semaines et coûtait une petite fortune prend maintenant quelques heures et est abordable pour la majorité des gens. Les communications se limitaient autrefois à la lettre mensuelle et à l'appel téléphonique court et dispendieux. Nous pouvons maintenant faire des appels interurbains illimités pour un prix fixe. Nous avons la vidéoconférence. Même les montants dérisoires que l'on cachait dans les pages d'un livre et sous le matelas et que l'on envoyait par la poste ont été remplacés par des transferts électroniques instantanés et des opérations bancaires électroniques.
L'intégration est différente aussi. De nombreuses pressions pour se fondre dans une collectivité n'existent plus, puisqu'on a des quartiers ethniques aux États-Unis comme la petite Italie, le quartier grec et le quartier chinois. Quand ces quartiers atteignent la masse critique, pratiquement tous les services sont offerts dans la langue et la tradition de leur pays d'origine.
La télévision par satellite et Internet permettent aux immigrants de suivre ce qui se passe dans leur pays d'origine, ce qui limite peut-être leur désir d'apprendre l'anglais et le français. Plutôt que de lire les journaux locaux canadiens ou américains, ils écoutent les nouvelles de leur pays dans leur langue maternelle.
On immigrait autrefois pour travailler et saisir des occasions. L'immigration comprend maintenant la réunification familiale également, un processus autrefois coûteux pour un parrain qui souvent était le premier de la famille à avoir immigré. Il y a désormais un filet de sécurité conçu pour protéger les nouveaux membres de notre société, ce qui n'existait pas quand la première et la deuxième vagues d'immigrants sont arrivés dans mon pays.
Je n'essaie pas de m'en prendre à la capacité des immigrants de s'intégrer, mais plutôt de démontrer que la conjoncture a changé considérablement.
À l'instar de mes collègues, je crois aussi que la majorité des immigrants sont des gens bien, honnêtes et respectueux des lois qui ont de bonnes valeurs. D'un point de vue statistique, seul un petit pourcentage de personnes cherche à tirer un avantage de nos pays ou à leur nuire, mais, comme mes collègues l'ont indiqué, l'asymétrie a élargi le spectre de la menace et nous force à revoir les intentions. Compte tenu de mon expérience, je peux dire avec grande certitude que ceux qui cherchent à tirer un avantage de nous et qui tâchent de nous faire du mal utilisent des moyens extrêmement perfectionnés, dont certains ne sont pas nécessairement évidents de prime abord.
On peut trouver des instructions pour profiter de notre système judiciaire sur Internet. Dans mon propre pays, des agents douteux donnent des conseils sur la façon de contourner le système. On détermine quels sont les meilleurs itinéraires et points d'entrée et on partage cette information. Ce qui est encore plus inquiétant, au XXIe siècle, c'est la fusion de la criminalité transnationale organisée et le terrorisme. Ce qui peut sembler n'être qu'un crime mineur peut faire partie d'un complot plus élaboré visant à contourner les mesures de sécurité de nos systèmes d'immigration respectifs.
Les limites sont devenues floues, ce qui nous oblige à en faire plus. Du point de vue de la sécurité nationale, cela peut comprendre l'élargissement de la collecte d'information. Comme on l’a indiqué précédemment, le renseignement humain — ou HUMINT — est essentiel à la sécurité du pays et, comme mes collègues l'ont mentionné plus tôt, l'HUMINT ne devrait pas être considéré comme une opération de renseignement douteuse, mais plutôt comme quelque chose qui peut aussi inclure des démarches auprès des immigrants par des élus locaux et des responsables de l'application de la loi. Mise en oeuvre de façon adéquate, cette stratégie peut être très efficace. Sur le plan d'application de la loi, nous voulons nous assurer que même les ressortissants étrangers ont accès aux tribunaux s'ils commettent un crime, mais il nous faut les outils législatifs et opérationnels qui permettent de les expulser plus rapidement de nos pays respectifs.
Je reprends les commentaires de mes collègues. Du moment qu'une personne est sur notre territoire, il devient beaucoup plus difficile de l'expulser. Toutes les démocraties occidentales sont confrontées à cette difficulté, et c'est pourquoi je crois que toute mesure législative que vous décidez d'adopter devra prendre en compte la dynamique de notre époque. Investir dans des systèmes, des processus et, surtout, des gens axés sur la proactivité et sur la protection de nos intérêts devrait être la priorité.
À compter de maintenant, il n'est pas déraisonnable de vouloir en savoir davantage sur ceux qui essaient de franchir nos frontières. Par ailleurs, je tiens à vous assurer que la vie privée et des libertés fondamentales sont protégées et que les gens sont traités avec dignité et respect et que nous sommes pleinement conscients qu'il existe des situations légitimes d'ordre humanitaire dont il faut s'occuper immédiatement. Une stratégie proactive qui empêche les ressortissants étrangers hostiles d'atteindre nos frontières est une stratégie qui réduit la nécessité de mettre en place des mesures de sécurité en aval et qui libère des ressources pour ceux qui en ont véritablement besoin.
De plus, ce n'est pas beaucoup demander que d'imposer des mesures visant à dépister des intentions malicieuses à quiconque souhaite franchir nos frontières, particulièrement dans le contexte actuel. Je crois que le Canada, à l'instar des États-Unis, accueillera à bras ouverts ceux qui veulent partager nos valeurs et respecter nos lois. En conséquence, il n'est pas déraisonnable d'avoir envers les ressortissants étrangers les mêmes exigences que nous avons envers nos propres citoyens.
En terminant, tant les États-Unis que le Canada comptent des professionnels talentueux qui peuvent aider à résoudre ces questions. Nous devons faire appel à eux dans une optique visant à appuyer les ressources humaines et techniques nécessaires. Je crois que cela permettra de s'assurer que les ressortissants étrangers légitimes ne demeurent pas seulement aux États-Unis et au Canada, mais qu'ils jouent aussi un rôle important au sein de nos deux grandes sociétés.
Merci encore une fois de m'avoir accueilli aujourd'hui.
Merci, monsieur le président. Et par l'intermédiaire de la présidence, merci aux témoins d’être venus de nouveau. Contre-amiral, bon retour au Canada. Il est bon de vous revoir, monsieur.
Avant de commencer la discussion, j'aimerais souligner deux ou trois faits au sujet du Canada. Dans le monde, le Canada est l’un des pays qui accueillent le plus de réfugiés. Nous accueillons plus de réfugiés par habitant que n'importe quel autre pays du G20. Le Canada accueille environ un dixième des réfugiés réinstallés, ce qui est un nombre plus élevé par habitant que pratiquement n'importe quel autre pays. En fait, le gouvernement a accepté d'accroître la réinstallation des réfugiés; dans le cas présent, c'est plus de 2 500 par année.
Pour ce qui est des immigrants, nous avons permis l'entrée au pays de plus de 280 000 immigrants l'an dernier. La majorité d'entre eux sont des gens bien, de bonnes personnes travaillantes qui contribuent à la société. Comme M. Perchal l'a indiqué, voilà le genre de personnes que nous voulons Canada. Nous devons attirer les meilleurs, les gens les plus industrieux, pour nous aider à bâtir ce pays.
Contre-amiral, un des sujets que vous avez abordés à la fin de votre exposé portait sur la connaissance qu'ont les nouveaux arrivants de nos lois. L'ignorance de la loi peut-elle être invoquée lorsqu'on arrive dans un nouveau pays? Quelle est la responsabilité des gens à cet égard?
Merci, monsieur.
Il en va de même pour les infractions au code de la route. Nul ne peut plaider l'ignorance de la loi. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas faire preuve de compassion, que nous ne pouvons pas être raisonnables et faire appel à notre jugement lorsque nous déterminons l'intention, mais l'ignorance n'est pas un moyen de défense.
Lieutenant-colonel Perchal, quel est votre point de vue sur l'éducation? Un témoin précédent a laissé entendre que les universités ont un rôle à jouer par rapport à l'éducation civique et aux gens qui sont des résidents permanents et qui n'étaient peut-être pas des citoyens canadiens à ce moment-là. Quel est votre avis à ce sujet?
Nous avons ici une situation unique qui a été relevée par un des parlementaires lors de témoignages antérieurs. Nous sommes le seul pays du monde occidental dans lequel il n'y a pas un ministre national de l'Éducation. Étant donné qu'il s'agit d'une compétence provinciale, il s’agit d’une chose qui doit être encouragée, et on devrait faire connaître le Canada par l’intermédiaire des universités. Il est difficile de le faire au fédéral; la seule façon de le demander ou de le favoriser. Manifestement, le fédéral devrait agir ainsi; c'est un rôle important.
Monsieur Opitz, je suis d'accord avec un de vos collègues sur le fait qu'une telle formation devrait être transmise dans l'ensemble du réseau, des universités aux écoles. Dans le cas d'un parent qui ne connaît pas la langue, l'enfant saurait qu'il peut y avoir des préoccupations ou des problèmes, et cette famille pourrait être informée de ces questions de façon productive plutôt que de l'apprendre après-coup lorsque quelqu'un frappe à la porte pour essayer de savoir ce qui se passe. Je pense que ces questions devraient être portées à l'attention de la population.
Encore une fois, j'estime que les universités et les écoles ne représentent pas la seule, voire la meilleure forme d'éducation, au XXIe siècle. Je pense que dans l'intérêt national, il nous incombe de transmettre ce message aux gens par l'intermédiaire des médias. De toute évidence, comparativement à beaucoup de professeurs d'université, les divers médias permettent d'atteindre un auditoire beaucoup plus important, particulièrement chez les jeunes.
Vous avez aussi mentionné le coût que cela entraîne pour le pays. Pouvez-vous parler de ces coûts, non seulement par rapport aux patrouilles de l'ASFC et de la GRC, mais aussi du coût que pourrait entraîner un haut taux de criminalité au pays et du coût que représentent les victimes?
Je tiens à répondre en m’inspirant d'un point soulevé par le contre-amiral Loren. Au Canada, il y a une réelle méconnaissance de cette chose qu'on appelle l'asymétrie. Le XXIe siècle a fondamentalement changé la donne. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un seul individu peut faire la guerre à l’ensemble de la planète. À l’aide d’une technologie aussi simple qu’un ordinateur personnel, une personne peut causer des ravages dévastateurs dans un pays.
Hier, j'ai fait une simulation à l'Université York. Nous avons utilisé cette situation où, au pays, un seul individu, parce qu'il est mécontent pour une raison quelconque, a mené une cyberattaque contre nos infrastructures essentielles. Le coût de cette attaque était dévastateur et les professionnels les plus compétents de la salle n'avaient aucune idée de la façon de lutter contre une situation aussi simple que celle-là.
Nous devons avoir peur de choses desquelles nous n'avions pas à nous inquiéter il y a une génération. Il y a toute une génération de gens qui peuvent nous causer du tort, ce qui était impossible auparavant. Voilà pourquoi il est important d'être vigilants. Nous n'avons aucune préoccupation à l'égard de la grande majorité des immigrants qui viennent dans ce pays. Ce qui nous préoccupe, c'est la menace asymétrique qui peut nous causer un tort indu. On ne parle pas d'une destruction désastreuse, mesdames et messieurs; en fait, cela peut être catastrophique.
Contre-amiral, ce matin, le comité a discuté du système AVE, de mesures visant à empêcher des gens d'entrer au pays. Comme vous le savez, il sera grandement inspiré du système américain et, lorsqu'il sera mis en oeuvre, il sera à mon avis très utile à cet égard. Vous avez aussi parlé de la collecte et l'échange de renseignements.
Pouvez-vous nous parler davantage de l'échange des renseignements humains et d'autres renseignements entre les alliés?
Rappelez-vous que l'intention est un élément important du genre de choses dont nous discutons aujourd'hui. Habituellement, on détermine l'intention de grâce aux renseignements, qu'il s'agisse d'associations, d'un historique, des relations ou les activités. Il faut être en mesure de déterminer l'intention.
Comme je l'ai indiqué lors d'autres réunions du comité, lorsque nous avons parlé de biométrie, l'intention n'est pas d'espionner les citoyens de nos pays respectifs ou ceux d'autres pays. Ce que nous voulons, c'est d'utiliser les moyens qui sont à notre disposition, toujours dans le respect de la dignité des individus, pour essayer de déterminer l'intention. Malheureusement, dans la plupart des cas, le genre de choses que nous avons faites dans le passé était lié à l'analyse judiciaire, c'est-à-dire que l'on essayait de déterminer l'intention d'une personne parce qu'elle avait commis un acte précis.
Maintenant que les gens ont accès à nos pays, qu’ils ont les capacités dont Walter a parlé et qu'ils peuvent, seuls ou en petit groupe, causer un tort considérable à la sécurité des deux pays, il est essentiel d'avoir une certaine compréhension des intentions, des associations et des relations des gens qui tentent d'obtenir la résidence permanente et, sans doute — comme nous le faisons déjà dans une certaine mesure —, des gens dont le seul but est de venir ici pour y mener des activités commerciales. Les temps ont bien changé, et la nature de la menace aussi. Il faut adopter de nouvelles méthodes pour la surveillance des gens qui viennent au pays et pour essayer de déterminer leurs véritables intentions.
J'aimerais remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Monsieur Platsis, monsieur Perchal, suite à vos commentaires, permettez-moi de dire que je suis aussi une enfant d'immigrants. En fait, je représente le cas d'une enfant qui considère le Canada comme le seul endroit sécuritaire qu’elle n’ait jamais connu.
La sécurité des Canadiens et de nos collectivités est une de mes priorités, et il s'agit d'une priorité pour le NPD. Plus tôt ce mois-ci, j'ai été coanimatrice d'une discussion communautaire sur la sécurité à laquelle le chef de l'Opposition a assisté. Il a répondu à beaucoup de questions de résident de ma collectivité, à Scarborough. L'immigration n'a pas été abordée. Comme nous le savons et comme vous l'avez mentionné, monsieur Platsis, la grande majorité des nouveaux arrivants au Canada sont des gens respectueux des lois qui ne permettent pas de crimes. En fait, lorsque les gens me parlent de questions liées à l'immigration, il s'agit généralement d'électeurs qui cherchent à avoir un traitement plus équitable ou qui souhaitent être réunis à leur famille plus rapidement, comme vous l'avez indiqué.
Ce dont les résidents de Scarborough nous ont parlé, c'est de la nécessité de se doter de stratégies de prévention et de donner aux organismes d'application de la loi les ressources dont ils ont besoin pour nous protéger des criminels en tout genre, qu'il soit citoyen canadien ou non. Il s'agit de la nécessité de protéger la collectivité des criminels.
De plus, lors des réunions du comité, des témoignages ont dit que le gouvernement doit régler le manque de formation, de ressources, d'intégration de l'information et de technologies de surveillance au sein des organismes gouvernementaux responsables. Maintes et maintes fois, c'est ce que les témoins nous disent et ce qu'indiquent les rapports du vérificateur général.
J'aimerais vous donner un exemple. De graves erreurs semblent aussi mener à des retards pour ce qui est de l'expulsion de dangereux criminels, comme Clinton Gayle. Des dossiers perdus, des erreurs humaines, l'absence de détention à la suite du non-respect des conditions de mise en liberté sont des choses qui se sont produites dans certains des cas que le gouvernement cite en exemple. Comment peut-on améliorer le système actuel sans éliminer le droit d'une personne à l'application régulière de la loi? Comme vous l'avez indiqué, toute personne devrait avoir accès aux tribunaux. Comment peut-on améliorer le système actuel sans éliminer le droit d'une personne à l'application régulière de la loi?
N'importe lequel d'entre vous peut répondre à mes questions.
Si vous le permettez, je vais commencer. À mon avis, l'un des pièges dans lesquels nous tombons souvent, particulièrement dans le contexte de notre époque, qui est très complexe à bien des égards, c'est que nous avons tendance à institutionnaliser les silos. C'est un problème auquel nous avons longuement réfléchi. En raison de leur nature, ce que tendent à faire les silos, c'est d'avoir leur propre culture, leurs ressources et leurs renseignements. Ce qu'ils ne parviennent pas à faire, c'est de se transmettre cette information, ce qui renforcerait la capacité de mieux comprendre le problème.
Le problème des activités criminelles potentielles ne se limite pas à l'application de la loi…
Excusez-moi de vous interrompre. Je veux simplement m'assurer de bien comprendre. Que voulez-vous dire par « institutionnaliser les silos »?
À titre d'exemple, un service de police voit le monde d'une certaine façon. C'est lié à l'expérience, la perception du monde, la clientèle et la population desservie.
Absolument.
Le problème de la criminalité, dans votre circonscription ou dans celle de tout autre député au Canada, ne relève pas simplement du corps policier local. Il peut ou non être associé à un problème d'immigration ou à une multitude d'autres problèmes. Un système d'enseignement de mauvaise qualité, soit un des points qui a été soulevé, insinue que nous devons vraiment élaborer des approches holistiques.
Relativement aux gens qui viennent au pays, je crois que nous préconisons une approche holistique, qui commence par l'examen préalable de renseignements, aussi loin des frontières canadiennes que possible, et qui finit par la collectivité dans laquelle la personne habite à titre d'immigrant reçu, de réfugié ou peu importe. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que nous, les résidents d'ici, avons le droit de savoir qui se trouve chez nous. Nous avons le droit de savoir qui ils sont et quels sont leurs antécédents, mais pour ce faire, nous avons besoin de ressources en provenance de nombreux organismes, et non pas d'un seul organisme. Il s'agit toutefois d'un grand défi à relever, parce que nous n'avons pas encore mis au point un système intégré et sûr qui permet d'échanger les renseignements.
C'est un peu ce qui est préconisé dans les rapports du vérificateur général, à savoir l'intégration des ressources au sein de CIC.
J'ai une dernière question à poser. Il ne me reste que deux minutes. C'est pourquoi j'essaie d'aller vite. Je suis vraiment désolée de vous avoir interrompu.
Au cours d'une enquête fédérale sur le même cas dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est-à-dire l'affaire Clinton Gayle, le sous-ministre délégué, Ian Glen, a déclaré: « Très simplement, le système a fait défaut. » Quant à savoir pourquoi, il a expliqué que la priorité du ministère à l'époque était de cibler les personnes qui étaient en fuite après s'être vu refuser le statut de réfugié plutôt que de cibler les criminels, afin de gonfler les chiffres sur l'expulsion.
En quoi cette politique est-elle efficace pour ce qui est de protéger les Canadiens contre des criminels dangereux qui ne sont pas des citoyens?
Monsieur Platsis, vous pourriez peut-être répondre, ou n'importe qui d'autre.
Je m'appuie seulement sur l'explication donnée après la citation. Le ministère cherchait à augmenter le nombre des expulsions. Il ne ciblait pas les criminels. À l'époque, il visait plutôt l'expulsion des demandeurs d'asile déboutés. En quoi cette politique est-elle efficace?
Je ne vais pas me prononcer sur ce cas précis parce que je ne le connais pas très bien.
Je vais revenir à ce que disait Walter. Selon moi, la politique vise, à tout le moins, à assurer l'intégration des organismes et à nous permettre de prendre des décisions éclairées à la lumière des types de renseignements dont nous disposons sur les gens, afin d'agir de concert avec le vérificateur général.
Vous feriez mieux de le laisser terminer parce qu'il ne vous reste que 15 secondes.
Allez-y, monsieur.
M. George Platsis: Je m'en tiens à cela.
Le président: Alors, nous passons maintenant à M. Lamoureux.
Merci, monsieur le président.
Si le projet de loi est adopté, il aura un impact profond sur beaucoup de gens. Chaque année, des centaines de milliers de personnes remplissent des documents et des formulaires à l'étranger. Des fausses déclarations, il y en a; cela ne fait aucun doute. Dans bien des cas, c'est intentionnel, c'est-à-dire que la personne cherche sciemment à induire le gouvernement du Canada en erreur.
En même temps, dans un nombre considérable de cas, c'est non intentionnel, peut-être à cause d'une erreur commise par un représentant ou à cause d'une erreur de bonne foi. Dans de telles situations — et on ne parle pas de quelques cas, mais de plusieurs centaines, voire milliers de cas —, lorsque c'est fait de façon involontaire, nous augmentons quand même la sanction. Au lieu d'attendre deux ans, ces gens devront maintenant attendre cinq ans avant de pouvoir présenter une demande pour venir au Canada.
Trouvez-vous que c'est juste pour ces gens — et on ne parle pas de centaines, mais de milliers de gens —, s'il n'y a aucun système en place pour leur donner l'occasion d'expliquer pourquoi c'était un accident? Ce sont des choses qui arrivent, même au Canada, lorsqu'on remplit différents types de formulaires. D'après vous, devrait-on modifier cette partie du projet de loi afin de tenir compte des cas de fausse représentation non intentionnelle?
Avez-vous un exemple pour illustrer ce que vous entendez par « non intentionnel »? Je peux commencer par là.
Bien sûr. Par exemple, disons qu'un homme rencontre une jeune femme et décide de l'épouser dans un autre pays. Sur le formulaire, il doit indiquer où il a travaillé et où il a fait ses études. Il oublie par inadvertance qu'il a déjà travaillé à temps partiel dans un établissement quelconque; il inscrit les renseignements concernant ses études et tout le reste, mais il n'indique pas où il a travaillé pendant quatre mois à temps partiel.
À cause de cette fausse déclaration, il ne pourra pas présenter une demande pendant cinq ans. Il sera séparé de son épouse. Il y a des centaines d'exemples de la sorte. Est-il juste de faire passer la période de deux à cinq ans?
En tout respect, je ne saurais pas si c'était non intentionnel. Je vais vous parler de mon propre cas, lorsque j'habitais aux États-Unis. J'ai dû passer par un processus semblable; j'ai dû expliquer mon parcours et remplir tous les formulaires. Il incombe à la personne de s'assurer de l'exactitude des renseignements, quitte à les vérifier deux, trois ou même quatre fois.
Durant mon séjour aux États-Unis, je n'ai pas le droit d'habiter dans un autre pays. Je suis un invité chez quelqu'un d'autre, et je crois qu'il m'incombe de m'assurer que mes renseignements sont corrects. Y a-t-il des erreurs de bonne foi? Oui. Or, je doute que le fait d'oublier de mentionner qu'on a travaillé quelque part pendant quatre mois constitue une erreur de bonne foi.
Nous avons le droit d'être d'accord ou non.
M. George Platsis: Tout à fait.
M. Kevin Lamoureux: Je parle à des centaines d'immigrants chaque année et je vois de mes propres yeux les conséquences de ce que je qualifierais d'erreurs de bonne foi. Je ne crois pas que nous devrions punir ces gens de façon excessive. C'est une des raisons pour lesquelles je pense qu'il est important de proposer un tel amendement.
Par ailleurs, j'ai utilisé tout à l'heure un exemple qui a, en fait, été présenté au comité par un ancien président de la division de l'immigration de l'Association du Barreau canadien. C'est l'exemple d'un jeune de 19 ans, un immigrant reçu au Canada, qui termine ses études, traverse la frontière et utilise un faux document. Résultat: il sera expulsé, à moins que la décision soit renversée par le ministre de l'Immigration, en dernière instance. Tant pis pour la primauté du droit ou la présence d'un système quasi judiciaire qui ferait en sorte qu'il y ait une protection, puisque ce principe pourrait s'appliquer à presque tous les cas, un point c'est tout.
Bref, il semble y avoir une lacune fondamentale. Au bout du compte, je pense que la plupart des Canadiens seraient d'avis qu'on ne mérite pas d'être expulsé ou d'être privé de l'occasion d'avoir un appel, parce qu'on a utilisé une fausse carte d'identité pour se faire servir de l'alcool à l'âge de 19 ou 20 ans, sachant qu'on habite au Canada depuis l'âge de cinq ans. Ne seriez-vous pas d'accord là-dessus?
En tout respect, je dirais que la personne utilise une fausse carte d'identité. Si quelqu'un est venu ici à l'âge de cinq ans, pour reprendre votre exemple, et qu'il a vécu une grande partie de sa vie au Canada, je pense qu'il est relativement conscient de sa décision d'utiliser une fausse carte d'identité.
À l'argument voulant que ce soit une mesure disproportionnée, je dirais, encore une fois, que lorsqu'on s'installe dans un autre pays, on doit respecter et apprécier à leur juste valeur les lois qui sont en vigueur là-bas. On est un invité dans ce pays.
Voulez-vous intervenir, Walter?
Oui, si vous me le permettez. Je laisserais la question des sanctions aux législateurs que vous êtes. Je pense que vous avez soulevé un problème beaucoup plus épineux, auquel je vais certainement devoir réfléchir, c'est-à-dire comment déterminer le caractère intentionnel. Vous avez dit que, dans la plupart des cas, c'est intentionnel. Ce n'est qu'une minorité des cas qui sont involontaires. Comment faire la part des choses?
Une des mesures que nous pourrions prendre — et une fois de plus, je crois à la nécessité de protéger le pays d'accueil aussitôt que possible, avant qu'une infraction ne soit commise —, c'est une option que nous avons choisi de ne pas adopter jusqu'à présent. À mon avis, et c'est seulement mon opinion, nous devrions créer un service des renseignements extérieurs, doté d'une personne qui serait chargée de vérifier les formulaires. Un agent d'immigration dans une ambassade à l'étranger peut vérifier les renseignements et en discuter, avant que cela devienne un problème ici, au Canada.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être parmi nous.
Comme bon nombre de mes collègues ici présents, je suis, moi aussi, fils d'immigrants. Mes parents sont venus de deux villages très pauvres en Grèce.
Nous parlons aujourd'hui d'un projet de loi. J'ai entendu le mot « immigrant » revenir plusieurs fois et, malheureusement, je constate qu'on l'utilise à toutes les sauces. Le projet de loi dont nous sommes saisis ne vise pas à refouler les immigrants, mais bien à accélérer l'expulsion de criminels étrangers de notre pays.
Mes parents, comme tous les immigrants, ou du moins comme la plupart des immigrants, sont venus ici parce qu'ils avaient un rêve. Ils ont travaillé très, très fort. Un des moments les plus poignants de ma vie, c'est le jour où j'ai été assermenté à titre de député. Il y avait 35 personnes dans la salle, et mon père était assis dans la première rangée. Alors que les autres prenaient des photos, le sourire aux lèvres, mon père, lui, pleurait à chaudes larmes. Je n'oublierai jamais cela. Le projet de loi à l'étude n'est pas conçu pour s'en prendre à des gens comme mes parents, des citoyens respectueux des lois qui sont venus ici, qui ont travaillé fort, qui ont aidé à bâtir cette nation et qui y ont élevé des familles pour que leurs enfants deviennent des citoyens productifs. Cette mesure législative vise à garder des gens comme Clinton Gayle hors de nos frontières.
Je ne veux pas manquer de respect en discutant du cas de Clinton Gayle, parce qu'on parle là d'un criminel étranger, d'un trafiquant de drogue connu qui a tué par balle Todd Baylis, un jeune policier de 24 ans, dans la fleur de l'âge, qui allait se marier à une belle jeune femme. Les parents de Todd, sa fiancée et tous les gens qui l'aimaient ressentent encore cette douleur.
Malheureusement, M. Gayle était au pays parce qu'il avait entamé un processus d'appel et, pendant que son cas était porté en appel, il a décidé de commettre d'autres crimes.
Alors, voici ma première question: Todd Baylis est mort entre les mains d'un individu connu comme étant un criminel. Au lieu d'être expulsé du Canada, ce dernier a continué sa vie comme auparavant. Pensez-vous que les criminels reconnus devraient avoir droit à un processus d'appel? Je parle de criminels étrangers.
Dans ce cas, je dirais que non. Ils ont une longue liste d'antécédents. Comme je l'ai dit, les cas qui ont été présentés, on parle de voies de fait, d'agressions sexuelles, de fraudes, de trafic de stupéfiants et d'accusations relatives aux armes. On doit vraiment se demander si c'est bien le genre de personnes qu'on souhaite accueillir au Canada. Encore une fois, je vais m'appuyer sur mon propre cas. Quand je vis dans un autre pays, je suis un invité là-bas. Quand quelqu'un vient dans notre pays, il est un invité chez nous. À mon avis, il est raisonnable de s'attendre à ce que ces gens respectent nos valeurs et nos lois.
En tant qu'invités, s'ils enfreignent les lois, surtout lorsqu'il s'agit d'accusations comme des voies de fait multiples, nous devons utiliser des ressources pour traiter de leur demande d'appel et pour les garder dans un centre de détention ou le système carcéral fédéral; par le fait même, nous détournons des ressources qui pourraient être consacrées aux immigrants et aux réfugiés qui en ont besoin. Ces ressources pourraient servir entre autres à leur fournir une éducation pour favoriser leur intégration au pays ou les aider à trouver un emploi.
C'est ainsi que je vois le problème, et je ne sais pas combien coûterait le processus d'appel dans son ensemble, mais cela enlève des ressources aux gens qui en ont besoin de façon légitime.
Merci.
En passant, la semaine dernière, c'était une période de relâche, et les députés étaient de retour dans leurs circonscriptions. Sachez que vos propos rejoignent un peu ce qui a été répété lors des nombreux entretiens que j'ai eus avec les habitants de ma belle circonscription, Richmond Hill, peu importe leur allégeance politique. Tout le monde était du même avis. Les criminels étrangers devraient être expulsés du pays dès qu'on les identifie comme tels.
Monsieur Perchal, je vois que...
Si vous me le permettez, encore une fois, je ne veux pas trop m'acharner là-dessus, mais je crois que c'est un point important. Nous devons savoir qui sont ces gens avant même qu'ils arrivent ici. Certaines des mesures que nous pouvons prendre sont simples et d'autres, un peu plus complexes, mais il faut bien connaître la personne qui vient chez nous avant même qu'on l'autorise à entrer. Je soutiens donc respectueusement qu'il faut s'informer au sujet des gens avant qu'ils atterrissent ici.
Si quelqu'un débarque à un aéroport au Canada, sans aucun document, parce que ses pièces d'identité sont tombées dans la cuvette des toilettes à bord de l'avion, alors la mesure à prendre est bien simple. Nous devons demander qu'une copie électronique des documents avec lesquels il a embarqué soit envoyée au Canada. Il s'agit d'un transfert de données par voie électronique. Ce n'est pas sorcier. Par contre, si la personne se présente ici et raconte qu'elle ne sait pas ce qui s'est passé ou qu'elle a perdu son nom et qu'elle est en fait quelqu'un d'autre, eh bien, dans ce cas-là, après avoir vérifié auprès de l'autorité pertinente, au Canada ou ailleurs, nous pouvons dire: « Vous êtes venu avec ce document. D'après les renseignements obtenus, vous êtes un criminel. Alors, vous avez deux choix: soit l'incarcération, soit l'expulsion. » Et voilà: en 15 secondes, nous évitons un processus d'appel de 50 000 $.
On peut réaliser des gains d'efficacité dans ce contexte, mais le facteur essentiel — ne vous en déplaise, monsieur —, c'est que nous n'avons pas assez d'information sur les gens qui viennent chez nous. Il s'agit d'un véritable sujet de préoccupation pour nous tous.
Si vous me le permettez, comme mon temps de parole tire à sa fin, je suis convaincu qu'il ne me reste plus qu'une quinzaine de secondes.
Ai-je raison monsieur le président?
L'une des choses à l'étude en ce moment suite aux discussions que nous avons eues avec les États-Unis relativement à l'entente sur la sécurité du périmètre, c'est la mise en oeuvre de l'autorisation de voyage électronique, l'AVE, qui fait précisément cela.
Lcol Walter Perchal: Oui, tout à fait.
M. Costas Menegakis: Il y a quelqu'un qui devra remplir ces documents qui devront être vérifiés avant de prendre l'avion, ou d'entrer au pays par voie terrestre. Nous les identifierons dès le départ.
Je vous suis très reconnaissant d'avoir soulevé ce point. Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être revenus. Ce n'est pas la première fois que vous venez témoigner et nous sommes toujours heureux de vous accueillir.
Je veux vous parler des rapports du vérificateur général, en particulier du chapitre 7 du rapport du vérificateur général de 2008 sur les détentions et les renvois dans lequel on indique que les décisions relatives à la détention ne sont pas uniformes.
Voici ce que dit le paragraphe 7.27:
Bien que l'exigence d'une garantie financière aide à s'assurer que les personnes se soumettent aux exigences, nous avons constaté que l'ASFC n'analyse pas dans quelle mesure les personnes respectent les conditions de leur mise en liberté. L'ASFC n'a pas non plus établi de normes ou de lignes directrices pour évaluer si le niveau de non-conformité entraînait des risques inacceptables pour la population. Bien que cela ne se soit pas produit souvent, il existe un certain nombre de cas où des détenus mis en liberté sous condition ont commis des crimes violents.
Un examen de la conformité aiderait-il à empêcher des personnes qui ont été mises en liberté de commettre un crime grave ou une infraction grave?
N'importe qui peut répondre.
Il ne fait aucun doute qu'il y a un manque de conformité. Il y a beaucoup de gens qui circulent au pays dont nous avons perdu la trace. C'est du domaine public. Nous avons des dizaines de milliers de personnes illégalement au pays à qui nous avons demandé de comparaître et nous n'avons aucun moyen de les identifier. Nous le savons.
Cela fait partie du problème auquel nous essayons de vous sensibiliser. Nous essayons de le savoir avant, et non après. De toute évidence, la partie après ne fonctionne pas très bien. Si ce nombre s'approche en réalité de ce que le gouvernement a fait savoir, soit des dizaines de milliers de personnes, alors nous avons échoué assez lamentablement.
La conformité est un sujet difficile, que ce soit en milieu de travail ou au gouvernement. Un examen de la conformité est impératif si vous avez un ensemble de directives et d'instructions que vous devez respecter. Je ne connais personne qui vous dirait que la conformité n'est pas une condition préalable à l'efficacité d'une fonction.
La question est de savoir si vous pouvez légiférer la conformité. Tout dépend de ce que vous voulez qu'une loi comme le projet de loi C-43 fasse. Que voulez-vous que notre système d'immigration fasse? Pourquoi voulez-vous que des immigrants viennent au Canada?
Aux États-Unis, je supposerais que le but d'un système d'immigration est de protéger les États-Unis et sa population conformément à la constitution, puis de faire des États-Unis un endroit meilleur en y amenant des personnes qui nous donnent de la diversité, de la force et de la capacité, et qui font de nous une nation meilleure.
Vous, en tant que législateurs, devez vous assurer d'avoir des politiques en place pour donner aux organismes, qu'ils soient au niveau fédéral, de l'État ou local, les outils et les ressources nécessaires pour exécuter ces politiques et respecter l'objet et l'intention de la loi. Dans le cas des États-Unis, l'objet est de protéger les États-Unis et d'en faire un meilleur pays.
Il est très difficile de composer avec toutes ces choses, et je ne vous dis pas que le Congrès de mon pays n'essaie pas de le faire souvent et je ne vous dis pas non plus que dans certains cas, ce ne serait peut-être pas justifié.
Si nous parlons d'un manque de coordination des ressources et des efforts de formation, nous avons entendu parler d'une multitude de cas extrêmes qui justifient cette loi. Pour un grand nombre de ces cas, il s'agissait d'une mauvaise coordination, de technicalités. Des gens finissent par rester dans notre pays à cause de technicalités. Ils ont pu faire appel en raison de technicalités. La question n'est pas d'avoir des lois plus rigoureuses, c'est d'avoir de meilleures ressources.
Seriez-vous d'accord, monsieur Platsis?
Je pense que tout revient à la question de disposer des bons renseignements sur les personnes qui entrent au pays. Vous pourriez soutenir qu'il y a des cas pour et contre qui ont été extrêmes. Par exemple, j'ai mentionné le cas des plants de marijuana. Je pense que c'est un cas extrême. Je ne pense que ce soit quelque chose qui se produise très souvent.
La difficulté pour ce qui est de la conformité, c'est que la conformité est une notion très difficile. Je ne suis pas convaincu que vous puissiez légiférer la conformité, mais qu'est-ce que vous faites au juste? De par sa nature, la conformité est réactionnaire. Vous énoncez ce à quoi vous voulez que l'on se conforme, puis vous vérifiez en fonction de ce que vous avez énoncé. Je pense que c'est le contraire de ce que nous avons essayé de dire. Il ne s'agit pas de tenir compte de ce qui se produit aujourd'hui et demain. Je pense que nous devons nous concentrer sur aujourd'hui et demain pour déterminer le genre de vision que nous voulons pour le Canada, ce que nous voulons que le système d'immigration fasse, et en quoi le système d'immigration satisfait à l'intérêt plus grand du Canada.
Madame Freeman, notre temps est écoulé. Nous pourrions probablement continuer pendant longtemps. Vous avez tous soulevé d'excellentes questions.
J'aimerais remercier nos témoins de leurs exposés. Merci beaucoup.
Avant que je lève la séance, je vous indique nous allons avoir une heure d'audiences sur le projet de loi C-43 mercredi. Nous aurons une heure de budget supplémentaire des dépenses. Le ministre sera parmi nous pour la dernière heure.
Demain matin, nous étudierons le projet de loi C-45.
La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication