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Je tiens d'abord à remercier le président et le Comité de me donner l'occasion de prendre la parole.
Je m'appelle Carly Arkell et, comme vous l'avez entendu, je suis majore à la retraite.
Je dois présenter mes excuses. Je n'ai pas préparé de déclaration. J'éprouve certaines difficultés à écrire à l'ordinateur, alors je vais vous fournir quelques renseignements de cette façon.
Pour vous donner une idée de qui je suis, je dirai que j'ai grossi les rangs des Forces armées canadiennes, dans la Réserve navale, au Navire canadien de Sa Majesté — ou NCSM Tecumseh, à Calgary, quand j'avais 17 ans. J'ai servi dans la Réserve navale pendant deux ans avant de passer à la Force régulière. Je suis devenue officière du génie aérospatial et j'ai servi dans la Force régulière pendant un peu plus de 20 ans avant d'être libérée en janvier 2021.
Pour comprendre les expériences des vétéranes, il est important de comprendre d'où nous venons et comment nous en sommes arrivées à notre situation actuelle. Pour vous donner un peu de contexte — puisque le contexte est essentiel —, tout au long de ma carrière, j'ai eu des problèmes de santé, mais rien de majeur: tantôt une entorse à la cheville, tantôt un petit souci. Malheureusement, en 2016, j'ai subi une blessure sportive alors que je faisais du conditionnement physique dans une unité. Nous faisions des sauts de grenouille, et j'ai glissé. Malheureusement, j'ai eu des blessures, mais je ne me rendais pas compte de leur ampleur parce que je ne présentais pas de symptômes typiques, particulièrement de raideur.
Au cours des années qui ont suivi, ma santé s'est détériorée, et parce que mes problèmes ne correspondaient pas au modèle habituel, on a balayé mes commentaires du revers de la main et on m'a dit que c'était dans ma tête, que je n'essayais pas d'améliorer mon sort, que j'étais paresseuse, que j'étais en mauvaise forme. Je n'étais pas en mauvaise forme — je le suis maintenant. Je ne sais pas pourquoi les choses ont changé dans la façon dont j'ai été traitée, mais le revirement s'est produit en 2016, soit un an après que j'ai signalé avoir été agressée sexuellement.
Avant mon signalement, j'avais toujours été prise au sérieux, mais après, on a mis ma santé mentale en cause pour tous mes maux. Il est vrai que ma santé mentale s'est détériorée au cours des années qui ont suivi la blessure sportive, en grande partie à cause de l'expérience que j'ai eue avec le système de soins de santé dans les forces armées. La situation a entraîné beaucoup de méfiance à l'égard des fournisseurs de soins de santé, et maintenant, en raison de la complexité de mon état, j'ai beaucoup de difficulté à avoir accès à des soins parce qu'on me dit que mon état est trop complexe.
Pour vous donner un peu de contexte, six mois avant ma libération, on m'a posé un diagnostic de trouble génétique rare. Je n'avais aucune idée que j'en souffrais et je ne l'aurais jamais su si je n'avais pas eu de blessure. Je suis reconnaissante d'avoir eu l'occasion de servir, parce que si nous l'avions su, je n'aurais jamais pu me joindre à l'armée. Je me sentais bien tant que j'étais en forme et en santé et que je restais essentiellement soudée par mes muscles.
Le problème que j'ai en ce moment, c'est que je ne peux pas avoir accès à des soins. J'ai une excellente médecin de famille, et elle est prête à me prendre en charge en tant que patiente aux besoins complexes. Cependant, je souffre de beaucoup de problèmes, et puisque je ne suis pas couverte par Anciens Combattants pour beaucoup de soins, ils me coûtent cher. Parfois, je ne peux même pas être acceptée dans les cliniques. Mes demandes ont été rejetées à de nombreuses reprises et on m'a dit que mon cas est trop complexe.
Comme je l'ai mentionné, ma santé mentale s'est détériorée dans ces circonstances. Pendant mon service, j'ai reçu à mon insu un diagnostic de trouble anxieux et j'ai demandé à être réévaluée. Lorsque je l'ai été, on m'a dit que je souffrais d'un trouble d'adaptation, ce que je qualifierais d'un mot que je ne prononcerai pas ici, mais je ne pouvais rien y faire. Après ma libération, mon gestionnaire de cas d'Anciens Combattants m'a dirigée vers la clinique de blessure de stress opérationnel, où j'ai été évaluée et diagnostiquée comme souffrant de trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, depuis 2008, au milieu de ma carrière. Je me suis tenue debout, littéralement, avec mes muscles, et j'ai maintenu ma santé mentale en me tenant excessivement occupée.
Pour conclure, la situation a eu des répercussions sur tous les aspects de ma vie. Bon nombre d'entre vous ont remarqué, avant le début de la séance, que quelques-uns de mes amis sont venus ici pour m'appuyer, ainsi que les autres témoins. J'ai besoin de beaucoup d'aide. Je ne quitte pas la maison, non pas parce que je ne veux pas le faire, mais parce que j'ai de la difficulté à le faire. Je dois m'adapter et surmonter les obstacles, car je n'ai pas d'autre choix. J'ai deux enfants, et ils ont besoin de moi. J'ai la capacité de passer la journée, d'être une bonne mère ou de lutter contre le système, et je ne peux pas réaliser tous ces objectifs en même temps.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs, ou devrais-je dire bonsoir? Les fuseaux horaires sont formidables, n'est‑ce pas?
Je suis vraiment reconnaissante de cette occasion et je tiens à vous remercier de me permettre de m'adresser à vous. Je dois avouer que c'est la première fois que je parle publiquement des incidents que j'ai subis et des expériences que j'ai vécues comme femme au sein des Forces armées canadiennes, ou FAC, et, par la suite, avec Anciens Combattants Canada, ou ACC.
J'admets être terrorisée de me trouver ici, car mon récit est des plus intenses. Bien que le mois de décembre a marqué mes trois ans à la retraite pour des raisons médicales, je ressens encore une crainte extrême, comme si j'étais toujours en service. Je ressens toujours les émotions associées à la perte de ma réputation, au besoin de la rebâtir, à son deuxième ternissement, au besoin de la rebâtir encore une fois — le cycle se répète.
Comment résumer une carrière de plus de 20 ans en cinq minutes ou en environ 800 mots de façon succincte et concise tout en soulevant tous les points que je veux aborder et sans donner l'impression que je ne fais que me plaindre? Comment vous communiquer la douleur que je ressens au quotidien à cause d'une organisation et d'un pays que j'ai commencé à servir à 17 ans?
Avec quels mots devrais‑je vous décrire que j'ai vécu des agressions sexuelles répétées — qui m'ont fait perdre ma virginité contre mon gré —, de la maltraitance et du harcèlement, et que j'ai enduré de la misogynie, du sexisme flagrant et voilé, du détournement cognitif, et bien plus?
Comment vous exprimer comment je me sens d'avoir vu mon traumatisme sexuel militaire être utilisé contre moi, d'avoir été maltraitée pour cette raison et de m'être vu refuser des traitements, tant médicaux que psychologiques?
Comment vous expliquer comment je me sentais lorsque, au beau milieu de l'océan, entourée d'eau à perte de vue pendant des jours, ou dans le golfe d'Oman, ou au large de la côte du Panama, ou même à 12 miles nautiques de la côte de l'île de Vancouver, je me faisais dire que, si un « accident » devait arriver, personne ne pourrait entendre mes cris? Comment vous décrire comment je me suis sentie quand, à bord de navires, j'étais entourée de personnes empoignant mon corps, me manipulant, me lavant le cerveau et se servant de moi comme jouet sexuel?
Tout a commencé par mon signalement en 2001.
Quels qualificatifs puis‑je employer pour décrire mon état d'esprit quand des femmes communiquent avec moi, 20 ans plus tard, pour me confier qu'elles sont gravement traumatisées par le traitement qu'on m'a réservé et par le fait qu'on s'est servi de mon nom pour effrayer et intimider d'autres femmes afin de les dissuader de signaler des incidents?
J'aimerais trouver les mots pour vous transmettre ce que c'est que d'être complètement terrifiée des personnes autour de soi et de n'avoir que 300 pieds pour dormir, se cacher, travailler, socialiser et s'entraîner. J'ai subi ce qu'aucune femme ou personne ne devrait avoir à vivre. Mon meilleur recours était de me taire et d'accepter mon sort, puis de laisser mes maux glisser sur mon dos comme sur celui d'un canard, d'aller au centre de conditionnement physique, de m'entraîner, de méditer, de faire du yoga, de m'étirer, de travailler fort, d'être alerte et de sourire — mais pas trop, puisqu'on aurait cru que je flirtais. Tourne les malaises en plaisanteries. Sois féminine, mais pas trop. Quoi que tu fasses, ne t'exprime jamais trop fortement et ne laisse paraître aucune faiblesse ou douleur.
Certains diront que toutes mes descriptions existent dans tous les pans de la société, mais la situation est simplement différente dans les FAC. Il est vraiment difficile de mettre en mots en quoi la situation y est différente, mais elle l'est. Elle l'est également dans la Marine. J'ai appris ces leçons à la dure pendant environ plus de 15 ans.
Je me suis blessée à de multiples reprises. En plus d'avoir une très bonne dose d'humour noir, j'ai aussi une blessure à la colonne cervicale, qui m'a donné une énarthrose en titane aux régions C6 et C7. On a attribué ma blessure au stress, et j'ai une cane. Je me suis blessée à la colonne lombaire, ce qui m'a valu trois opérations consécutives, deux tiges et huit vis. Ces deux blessures n'ont pas été prises au sérieux par le réseau médical des FAC et par la Vancouver Island Health Authority.
Ce n'est que lorsque je suis retournée dans mon unité, puisque j'étais en mission aux États-Unis à cette période, que j'ai reçu des traitements appropriés pour ma colonne cervicale. Là encore, ma blessure à la colonne lombaire n'a pas été prise au sérieux avant qu'un chiropraticien envoie une note à l'hôpital de la base militaire.
J'ai travaillé en mer avec ces blessures, où je devais me déplacer sur une plateforme d'acier et grimper des échelles, sous les menaces qu'on m'accuserait de simuler mes maux. Je cite ce qu'on m'a dit: « Si tu étais aussi blessée que tu le prétends, tu ne serais pas en mer avec nous. » J'avais un disque gravement hernié.
Je peux vous dire que j'étais mal en point. Dernièrement, on m'a à nouveau adressée à mon neurochirurgien puisque j'ai des séquelles d'un accident survenu en 2019. De plus, je me suis blessée à nouveau à ma colonne cervicale en avril. Je suis encore en attente d'imagerie médicale pour cette blessure.
On m'a dit que j'ai la colonne cervicale d'une personne de 90 ans. Je n'en ai que 40. Ce qui m'a sauvé la vie, c'est ma grande forme physique et ma bonne masse musculaire, qui m'a protégée. C'est grâce à elle que je peux marcher.
Mon signalement de traumatisme sexuel militaire et les événements qui ont suivi ont été entièrement utilisés contre moi. Mes blessures physiques — y compris mes commotions cérébrales, mes blessures à la colonne vertébrale, au genou et à l'épaule — ont toutes été balayées du revers de la main comme étant un problème de santé mentale et un symptôme de ma tendance à faire tout un cinéma.
Il a fallu que d'autres professionnels de la santé, plus précisément des professionnels au masculin, me défendent pour que j'obtienne des traitements. Je ne saurais même pas comment décrire la situation pendant ma grossesse. À l'époque, il fallait trouver son propre médecin parce que les FAC n'offraient ni soins prénataux ni soins postnataux.
Lorsque je me suis blessée au cou et que j'ai subi une opération d'urgence, je ne savais pas que j'étais enceinte. Je l'ai su environ deux mois après mon opération au cou. On m'a dit qu'il y avait de graves problèmes avec le fœtus et qu'il était pratiquement impossible que mon bébé naisse à terme. J'ai dû prendre la décision déchirante de convenir de subir un avortement médical à 22 semaines. J'ai dû aller travailler le lendemain. J'étais incapable de dire quoi que ce soit. Comme on se plaît à le dire: « Quand tout va mal, résignons-nous. »
Puis, je suis devenue enceinte de mon fils. Pendant mon troisième trimestre, j'étais censée travailler des demi-journées seulement, mais je travaillais encore 12 heures par jour. On pourrait dire que, d'une certaine façon, cela correspond à des demi-journées. On a refusé ma demande de congé parental et de maternité parce que j'étais en mission aux États-Unis, mais on m'a donné l'occasion de prendre un congé de convalescence de six semaines.
Pendant cette période, on aimait bien dire que, si les forces armées avaient voulu que les membres aient une famille, elles leur en auraient donné une. J'ai entendu cette phrase pendant toute ma carrière.
Je pourrais très bien poursuivre, mais j'imagine qu'il ne me restera bientôt plus de temps.
Je dois glisser un mot sur mes interactions avec Anciens Combattants. Selon mon expérience, ce ministère est tout simplement une compagnie d'assurances. Il faut lui fournir tous les documents imaginables pour prouver qu'on est réellement blessé. C'est un défi en soi en raison de la pénurie de médecins, qui est d'autant plus marquée où je me trouve. Je suis persuadée que la pénurie touche tout le pays. Si aucun document ne montre qu'on a demandé un traitement médical pendant le service, neuf fois sur dix, la demande de remboursement est refusée. Ainsi, l'interminable processus d'appel débute.
Le milieu militaire est empreint d'une stigmatisation: en cas de blessure, on ne dit mot et on tient bon.
Entre vétérans, nous disons pour rire qu'AAC suit le principe des trois D: démentir, différer et décéder. Démentez la demande, différez l'appel et espérez que le vétéran décédera ou abandonnera la lutte. Cette approche a été manifeste récemment.
On m'a refusé trois fois l'accès au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, sous prétexte que je ne suis pas assez fragile. On m'a dit que mon mari et que mes enfants sont tout à fait capables de s'occuper de l'entretien ménager et extérieur. Selon Anciens Combattants Canada, je suis invalide à 104 %, mais je ne peux obtenir d'aide.
J'ai déposé une plainte auprès du Bureau de l'ombudsman des vétérans — le BOV — pour traitement injuste. Je l'ai déposée il y a plus de 18 mois, mais elle n'est pas encore résolue.
De plus, le système semble être à deux vitesses: il y a des normes pour les officiers, et d'autres pour les militaires du rang. Je ne compte plus les fois où on m'a personnellement dit que les rangs sont assortis de privilèges, que les éléments ont leurs propres privilèges et que le nombre et le type de déploiements s'accompagnent de privilèges. Selon l'explication que j'ai reçue du BOV sur ma plainte en lien avec le Programme pour l'autonomie des anciens combattants, le genre a aussi ses privilèges. En outre, les gestionnaires de cas ne sont pas tous traités ou formés de façon égale.
J'aimerais vous remercier à nouveau de m'avoir permis de vous parler et de m'avoir redonné ma voix.
J'aimerais vraiment pouvoir approfondir mes propos, mais j'ai soumis une autre déclaration décrivant ce que j'ai vécu et la façon dont on m'a traitée, car je ne peux résumer brièvement ou adéquatement ma carrière criblée de traumatismes, dans l'exercice de mes fonctions, aux mains de mes pairs et du système.
J'ai formulé des recommandations qui peuvent être mises en œuvre, ou à tout le moins étudiées. Je pourrai en parler davantage lorsque le temps le permettra.
Je vous remercie sincèrement.
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Au cours 10 dernières années, mon état s'est détérioré au point que j'ai du mal à faire quoi que ce soit en lien avec la paperasse, y compris ouvrir le courrier. Le simple fait de remplir un document pour confirmer ma comparution devant votre comité a pris deux jours et m'a donné une migraine. Ma déclaration a également été envoyée en retard pour être traduite.
J'ai du mal à respecter les échéances. Je ne comprends pas: avant, j'étais si fiable, mais maintenant, je produis toujours mes déclarations de revenus en retard, et je paie rarement mes factures à temps. J'ai entendu dire qu'il existe des mesures de soutien pour moi, mais je me sens démunie et je ne sais pas comment demander de l'aide.
Mes enfants sont nés en 2011 et en 2013. Chaque jour de leurs vies a été affecté par ma santé mentale. Ils ont d'abord subi la rage qui a accompagné mon diagnostic, en 2014, de trouble de stress post-traumatique. Maintenant, ils subissent les contrecoups de ma dépression. Je m'inquiète beaucoup pour mes enfants. Même si je suis à la maison, je ne suis jamais vraiment présente. Je fais de mon mieux, mais je ne sais pas comment leur expliquer la situation. Mes médecins ne peuvent même pas me l'expliquer.
En 2016, on m'a diagnostiqué un trouble dépressif majeur après un autre refus dévastateur de la part d'Anciens Combattants Canada. Je ne suis plus la même. Je n'ai plus de force pour me battre. Je passe par des périodes où je ne peux pas sortir du lit pendant des semaines. Si je parviens à amener mes enfants à l'école à l'heure, mon objectif quotidien est atteint.
En 2020, ma demande au Programme pour l'autonomie des anciens combattants a enfin été acceptée, mais l'aide est insuffisante. J'ai demandé la semaine dernière un examen de mes services dans le cadre du Programme et de mon état de santé mentale. On m'a annoncé une attente d'environ quatre mois pour les documents, et j'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Peu importe. J'ai du soutien et je verrai comment le tout se dénouera.
Monsieur le président, je suis ici aujourd'hui parce que je ne veux pas que quelqu'un d'autre ressente ce que j'ai ressenti. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi une organisation que je croyais censée me soutenir et s'occuper de moi m'a causé un tel traumatisme mental. Je dois prendre des pauses dans mes démarches auprès du ministère des Anciens Combattants. Je deviens épuisée, mon état se détériore et je finis par être en crise à cause de ce que je perçois comme un flot constant d'interactions négatives.
Puis, après quelques mois ou quelques années, j'essaie à nouveau, parce que je comprends que je ne peux pas y arriver seule. Anciens Combattants Canada est une organisation conçue par des hommes, pour des hommes, mais je sais que certains s'efforcent de l'améliorer. Je sais qu'un rapport d'analyse comparative entre les sexes a été rédigé, mais n'a pas encore été publié, à ma connaissance. Votre comité me prouve que les gens se rendent compte qu'il y a de graves problèmes, et j'espère que d'autres changements positifs se produiront.
Merci.
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Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie sincèrement de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Louise Siew. J'étais une officière de la logistique de la Force régulière qui s'est jointe aux Forces armées canadiennes en 1975. J'ai servi dans les forces armées pendant 35 ans et j'ai pris ma retraite comme capitaine de vaisseau en 2010. J'étais également conjointe en service mariée et mère. J'ai vu de mes propres yeux comment des générations de femmes se sont fait traiter dans les forces armées. J'ai choisi de témoigner aujourd'hui, car je sais que des comités d'envergure, comme le vôtre, peuvent jouer un rôle de catalyseur du changement.
Je voudrais commencer mon témoignage en contestant l'idée voulant que le fait de permettre aux femmes d'occuper toutes les classifications et professions de combat en 1989 ait été le grand tournant pour les femmes au sein des Forces armées canadiennes. Ce n'est pas le cas. C'est la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, au début des années 1970, qui a apporté le plus grand changement pour les femmes quand elle leur a donné la possibilité de poursuivre une carrière dans les Forces armées canadiennes. Avant ce moment charnière, la majorité des femmes qui s'enrôlaient dans les forces armées n'étaient pas susceptibles d'y faire carrière. Le grade moyen était celui de soldat, et la durée moyenne du service militaire était de 18 mois. Les métiers techniques ou autres métiers bien rémunérés n'étaient pas accessibles aux femmes.
Tout cela a changé grâce à plusieurs recommandations clés issues du rapport de la Commission. On recommandait que les femmes soient autorisées à rester dans les forces armées si elles se mariaient ou si elles avaient des enfants, et que de nombreuses classifications et professions qui leur étaient auparavant interdites leur soient désormais accessibles. Ces changements ont fondamentalement permis d'aplanir deux obstacles majeurs à la réussite des femmes dans les forces armées. Elles pouvaient désormais faire carrière dans les forces armées et y démontrer leur valeur, puisque les métiers et classifications de soutien opérationnel étaient désormais des possibilités pour elles. Elles ont dès lors eu accès à des postes dans l'ensemble des FAC, y compris dans le domaine du soutien aux opérations. Ce n'était qu'une question de temps avant que les autres barrières ne commencent à tomber, au fur et à mesure que la valeur de leurs contributions est devenue plus largement reconnue.
Je m'en voudrais si je ne soulignais pas que le rapport de la Commission recommandait également que les femmes soient enfin autorisées à rallier la GRC.
L'autre postulat que j'aimerais réfuter est la notion qu'a énoncée le lieutenant-général Bourgon à ce comité voulant que les Forces armées canadiennes aient eu à l'égard des femmes une approche d'assimilation plutôt que le projet ambitieux de les inclure que l'on caresse aujourd'hui. Le fait de décrire comme une assimilation ce qui s'est produit dans le passé me préoccupe, car ce n'est pas la réalité que j'ai observée. M'étant enrôlée en 1975, je peux affirmer que, dans l'ensemble, les responsables des forces armées contraints d'opérer ce changement dans les années 1970, ont agi à contrecœur et sans volonté d'accommoder les femmes. Ils ont maintenu cette position aussi longtemps que possible. Ils nous ont sciemment rejetées, maltraitées, humiliées et même blessées.
Les obstacles politiques et culturels ont créé des conditions propices aux mauvais traitements et au harcèlement — de nature physique, mentale et sexuelle — et nous ont réduites au silence. Il était à la fois affirmé et sous-entendu que les femmes pouvaient être ignorées et maltraitées sans qu'elles ne disposent d'aucun recours —, ce qui a suscité un climat que les chercheurs en sciences sociales décrivent aujourd'hui comme de l'« altérité ». Les forces armées doivent tenir compte des conditions de service que les femmes ont endurées par le passé et des effets sur leur santé et leur bien-être qui en ont résulté. En outre, Anciens Combattants Canada doit reconnaître les répercussions de ce passé dans son processus de règlement des demandes d'invalidité et dans son offre de programmes et de services pour répondre aux besoins de toutes les vétéranes.
D'un point de vue plus personnel, j'ai été la première femme à occuper chacun des postes auxquels j'ai accédé. Je savais à quel point il était important pour celles qui allaient me succéder que je réussisse. Dans le cadre de mon dernier commandement, j'étais responsable d'une organisation de 5 000 personnes, à qui on confiait entre autres tous les dépôts d'approvisionnement et de munitions des forces armées, et qui assurait un soutien logistique de niveau stratégique pendant la guerre en Afghanistan.
De plus, pendant les années où j'ai servi, je n'ai pas hésité à me faire entendre sur les conditions de service des femmes. J'ai constamment remis en question le statu quo, et je me suis battue pour obtenir du meilleur équipement pour les femmes et de meilleures possibilités de service. Lorsque j'ai constaté des obstacles à la progression des femmes, je les ai remis en question. Je me suis portée volontaire pour siéger aux conseils de promotion. Lorsque j'ai vu des femmes se faire maltraiter, je me suis élevée contre ces situations.
J'ai réussi à faire évoluer la politique en matière de congé de maternité. J'ai porté ma propre version d'un uniforme adapté à la maternité, car l'armée ne m'offrait aucune option à cet égard. J'ai cultivé un réseau informel de centaines de femmes militaires dans l'ensemble des Forces canadiennes, et je leur transmettais des renseignements sur des enjeux constants tels que l'équipement, l'uniforme, les prestations de maternité et ainsi de suite. J'ai contré des agressions sexuelles et j'ai encaissé de nombreux reproches pour mon militantisme, et j'ai toujours eu l'impression d'être seule pour mener ces luttes.
Il faut aussi que vous sachiez que les femmes en service choisissent leurs batailles. Elles ne peuvent pas les mener toutes, car elles doivent toujours peser leurs actions en fonction des dommages qu'elles pourraient causer à leur carrière, comme nous l'avons entendu aujourd'hui.
Enfin, je pense que les Forces armées canadiennes doivent aux femmes qui ont servi un compte rendu complet et ouvert de la façon dont elles ont été traitées dans le passé — littéralement par génération —, et ce, jusqu'aux dernières initiatives, afin qu'elles puissent soumettre des demandes de prestations d'invalidité mieux étayées à Anciens Combattants Canada.
Je crois également qu'ACC fait preuve de négligence dans le soutien qu'il apporte aux femmes et qu'il doit travailler sérieusement à combler ses lacunes, car je suis fondamentalement convaincue que les progrès réalisés par Anciens Combattants Canada à l'égard des femmes ne sont pas à la hauteur des avancées actuelles au sein des Forces canadiennes.
Par ailleurs, je trouve préoccupant que les Forces canadiennes aient très peu fait pour vous assurer que les femmes réservistes reçoivent le même soutien en matière de transition et de santé mentale que leurs homologues des forces régulières, lorsqu'elles en ont besoin.
Enfin, les femmes ne devraient pas être seules à mener ces combats. Je vous implore de les soutenir et d'être l'agent de changement de cette génération, comme l'a été la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, au début des années 1970.
Je vous remercie de votre temps. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
Je suis entrée dans les Forces armées canadiennes en 2007, à l'âge de 31 ans. J'avais un baccalauréat. On m'a offert d'entrer dans les Forces comme officière, mais je voulais voir c'était quoi, être un membre du rang, à la base, avant de poursuivre mon rêve d'être officière à un moment donné. Par contre, ma carrière n'a pas été celle-là.
Je suis entrée dans les Forces pour servir mon pays et servir outre-mer, avec des valeurs de respect, d'honnêteté, et j'en passe. Je me suis rapidement aperçue que ce n'était pas du tout cela.
Ma carrière a commencé par du harcèlement, dès le départ. Un incident s'est passé avec un confrère, où les principes d'honnêteté et de respect n'ont pas été respectés. C'est tombé sur mon dos. Parce que l'honnêteté et le respect sont des valeurs importantes pour moi, j'ai fait en sorte que ce jeune homme de 18 ans ait un dédommagement des Forces après quatre ans pour un problème lié à un power trip de la part d'un chef. Je ne vais pas donner plus de détails, car ce serait très long. Quelque temps après, un adjudant-maître est venu me dire, à quelques pouces de la face: « Si tu veux que ta carrière aille bien, tu ferais mieux de laisser Plamondon et sa famille loin de toi. » Je lui ai répondu: « Vous m'avez appris que c'est binôme un jour, binôme toujours. »
Ma carrière a commencé comme ça en 2007, 2008 et 2009. Je vivais toujours du harcèlement. On me disait que les femmes n'avaient pas leur place dans les Forces, qu'à 31 ans, j'étais beaucoup trop vieille, que je n'avais pas d'affaire dans les Forces. On me faisait des commentaires de ce genre. C'était du harcèlement psychologique, du harcèlement sexuel. On m'a déjà dit: « Ferme ta gueule, sinon tu vas te faire tuer. » Je l'ai vécu. Pendant un exercice, on m'a déjà dit: « Veux-tu qu'on te laisse dans le champ? » On me disait qu'étant donné ma carrière, je ferais mieux d'y aller vraiment mollo, de ne pas parler, sinon ce serait encore pire, ce serait le groupe au complet. Je pense que plusieurs femmes ont fait ou vont peut-être faire des témoignages semblables. Ce sont des choses que j'ai vécues.
Le harcèlement psychologique, c'est très fort. On a beau être fort, à force d'encaisser des petits coups ici et là, à un moment donné on en vient à ne plus avoir confiance dans sa chaîne de commandement et dans son institution. Pour moi, les Forces armées canadiennes, c'était l'institution la plus glorieuse et en laquelle je devais avoir le plus confiance, parce que ce sont elles qui défendent notre pays. Par contre, quand les propres membres de ton pays te détruisent, tu ne sais plus en qui tu peux avoir confiance.
Ma chaîne de commandement m'a détruite dans tous les sens. On est allé jusqu'à me dire que c'était dans ma tête. On m'a empêchée d'aller voir ma famille. Mon médecin et mon psychologue me disaient d'aller voir ma famille pour m'aérer la tête. Par contre, quand on est en arrêt pour maladie, on ne peut pas aller à plus de 50 kilomètres. Ma famille est au Nouveau‑Brunswick, c'est à 300 kilomètres. On m'a demandé d'écrire une demande pour que je sois autorisée à aller voir ma famille, mais ma chaîne de commandement a refusé, parce qu'il y a des programmes mandatés. Ces programmes mettent justement l'accent sur le harcèlement. Il y a plein de programmes, mais les Forces ne les respectent pas. Ils existent et on en fait chaque année, mais beaucoup de gens ne les respectent pas.
On se fait fermer la gueule parce qu'on est caporale, parce qu'on est une femme, parce qu'on est âgée. On se fait tasser parce qu'on s'affirme. Dans les Forces, il ne faut surtout pas s'affirmer, surtout quand on est une femme. On se fait mettre de côté quand vient le temps des missions. On m'a dit: « Toi, Cyr, tu es super bonne ici. Lui, il vient d'arriver, il ne connaît pas le travail, alors il va aller en mission. Toi, tu vas rester ici pour faire le travail en arrière. »
À un moment donné, j'ai reçu un courriel et j'étais contente, car j'allais partir en mission. Il me restait un exercice de 13 kilomètres à faire. C'est un exercice majeur, qui est très exigeant. La veille, habituellement, on est censé être au repos. D'autres militaires vont pouvoir le confirmer. Pourtant, la veille de mon exercice, mon supérieur m'a demandé d'aller faire de la topographie, dans la pluie, jusqu'à 11 heures du soir. L'exercice de 13 kilomètres était à 6 heures le lendemain matin. Le lendemain matin, je suis allée faire mon exercice de 13 kilomètres. À 200 mètres de la fin — je voyais les tranchées —, je me suis écrasée, évanouie. Quand je me suis réveillée, j'étais à l'hôpital. La première chose que j'ai demandée, c'est si j'avais fini mes 13 kilomètres. On m'a dit qu'on ne le savait pas et que cela faisait 45 minutes que je n'étais plus là.
Les Forces armées canadiennes ne parlent pas de ça. On cache ces choses-là. On laisse planer le doute. Ce qui a été dit à mon sujet, c'est que la caporale Cyr est une lâche, elle a fait 200 mètres et elle a arrêté. Au lieu d'expliquer aux membres ce qui se passe, on laisse planer plein de choses, ce qui fait qu'on est toujours à tirailler sur les gens quand ils sont blessés ou quand il arrive des choses.
Je suis restée à l'hôpital pendant une semaine. Pardonnez-moi l'expression, mais j'ai pissé du sang pendant trois jours. Avant que je parte, les médecins de l'hôpital m'ont donné une note médicale disant que je devais être deux semaines au repos, à la maison. Ensuite, je suis allée voir les services médicaux des Forces. D'ailleurs, c'est une autre grande lacune: le système militaire ne respecte pas le système civil. On doit constamment se battre. Quand je suis allée voir le personnel médical des Forces avec ma note, on m'a dit: « Quoi, tu veux encore des vacances? Tu viens de passer une semaine à l'hôpital. » Je me suis pognée royalement avec le médecin et je lui ai dit: « Toi, regarde ce qui est écrit ici, regarde toutes les directives que le médecin vient d'écrire sur ce que je viens de vivre. » Il m'a dit qu'il allait me donner une journée de congé. J'étais revenue le vendredi et la fin de semaine commençait. Je lui ai dit: « C'est beau, donne-moi ça. Lundi matin, ce n'est pas toi qui vas me voir, crois-moi. »
On doit constamment se battre. Je parle en tant que femme. J'ai des collègues masculins qui doivent aussi se battre, mais on dirait que c'est toujours pire pour les femmes. Un médecin civil, c'est un médecin. Il me semble que, lorsqu'un médecin civil donne des indications à suivre, on ne devrait pas avoir à se battre avec les médecins sur les bases militaires pour les faire appliquer. Le médecin devrait dire que c'est la réglementation qu'il faut suivre.
C'est la même chose pour le harcèlement. Quand on arrive avec ça, on se fait harceler. On se fait dire qu'on est loser et qu'on veut juste avoir des congés. Personne n'explique aux gens ce qui s'est passé, alors on se fait garrocher ailleurs. Dans mon cas, on m'a garrochée dans une unité en me disant que j'allais être promue dans un poste de cheffe, mais on m'a menti. Ce n'était pas ça pantoute. Ça a été du harcèlement pur et simple.
Je faisais de l'entraînement sur la base. J'avais un exercice de distinction d'une vingtaine de minutes à faire. Un matin, on m'a dit: « Ce matin, ça t'a pris 23 minutes, mais l'adjudant et moi l'avons fait en 20 minutes. » C'était du harcèlement constant. On me cherchait constamment des poux.
À un moment donné, j'ai été obligée de mettre un genou à terre et d'appeler à l'aide, parce que soit j'allais tuer la personne, soit j'allais me tuer. J'en étais rendue à écrire une lettre. Contrairement à d'autres qui s'étaient suicidés, si je passais à l'acte, je voulais que les médias sachent pourquoi et qu'ils soient informés de ce qui se passait dans ce système rempli de lacunes.
Deux ans avant que je sorte des Forces, donc en 2017, j'ai reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. J'ai fondu en larmes. Je me disais que je ne pouvais pas être atteinte de ce trouble, puisque je n'étais pas allée en mission. On m'a fait comprendre que, ma guerre, je l'avais menée sur la base. Je n'étais pas capable d'accepter ce diagnostic. Pendant deux ans, de 2017 à 2019, je ne suis pas sortie de chez nous. On a passé un an à constamment appeler chez moi. Comme je vous l'ai dit, on a refusé que j'aille voir ma famille. On m'avait demandé de remplir une demande d'autorisation, mais on me l'a refusée. Pour être sûr que je n'allais pas dans ma famille, on m'appelait à la maison matin et soir. Qu'est-ce que ça fait, ça? À un moment donné, le cerveau abandonne. Je n'osais même plus aller sur mon propre terrain.
Ce qui m'a sauvé la vie, c'est d'avoir acheté mon restaurant et mes chats. C'est ce qui continue de me sauver la vie chaque jour. Malgré ça, le fait d'avoir acheté le restaurant m'a causé des problèmes avec Anciens Combattants Canada. Je me suis sauvé la vie moi-même en ayant une entreprise qui me permet de sortir de chez moi. Je me suis créé un havre de paix, une sécurité, un endroit où me rétablir, pour m'aider à retourner dans des endroits publics, mais j'ai été obligée de rembourser un montant d'argent à la compagnie d'assurance Manuvie. Pourtant, je ne suis pas payée par mon emploi; c'est moi qui paye. Cette question n'est pas encore réglée aujourd'hui, en 2023.
Quand on sort des Forces, Anciens Combattants Canada nous dit que tout est beau. Aujourd'hui, j'ose espérer que c'est mieux, parce que les choses se font de façon électronique. Dans mon cas, c'était encore des formulaires papier, en 2019.
En 2020, on m'a dit que je devais 27 000 $ ou 37 000 $ à Manuvie. J'ai appelé Anciens Combattants Canada pour savoir ce qui se passait, et j'ai appris qu'entre 2019 et 2020, je n'avais pas reçu 15 % de mon revenu d'Anciens Combattants Canada. Personne au ministre n'a pris la peine de m'appeler pour m'en aviser. Les personnes qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatique ne sont pas là. On a de la misère avec la paperasse. J'ai encore de la misère. J'ai une entreprise, mais des gens s'occupent de mes affaires. Je suis là pour mon bien-être personnel. Personne d'Anciens Combattants Canada ne m'a appelée pour me dire qu'il y avait un problème parce que je ne recevais pas mon argent. J'espère que ce genre de choses va s'améliorer.
Merci de m'avoir donné l'occasion de parler. Merci de donner de la place aux femmes.
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J'ai acheté ce café pour me sauver, moi, premièrement. À la suite de mon diagnostic de trouble de stress post-traumatique, j'ai commencé à faire aussi de la fibromyalgie. Ce café m'amène à bouger.
J'ai 15 chats, qui portent le nom de mes amis décédés par suicide ou décédés en Afghanistan. Chaque matin, quand ça va plus ou moins bien, je regarde mes chats en pensant à mes amis à qui j'ai rendu hommage. Je me dis qu'ils ne sont plus là, mais que moi, je suis encore là. Ça me permet de faire un pas de plus en avant. Ça me permet d'avancer.
Ce café me permet aussi d'avoir un endroit pour les vétérans, un safe space, un lighthouse. Pour moi et pour les vétérans, c'est un endroit où on peut se reposer. Quand je ne vais pas bien, mes chats le sentent. Ils viennent me voir, et ce sont souvent ceux qui portent le nom de mes collègues proches. Le but de ce café est de montrer aux gens que mes collègues ne sont pas partis pour rien et que la santé mentale des vétérans et des militaires est fragile. C'est aussi de dire qu'il faut s'en occuper et qu'il ne faut pas qu'ils en arrivent au suicide. Il ne faut pas en arriver là. C'est mon combat chaque jour.
La voix que vous me donnez, c'est important. C'est important pour moi, c'est important pour les femmes et c'est important pour tous les militaires et tous les vétérans. C'est inestimable. J'espère que les études que vous faites en comité vont contribuer à changer les choses dans l'avenir et qu'on n'aura plus à se battre.
Vous savez, moi, j'ai eu 47 ans. Chaque jour, je me bats. Je me bats physiquement. Je me bats mentalement. Ces femmes-là se battent, et d'autres aussi.
Quand je rentre dans mon resto, j'ai une force inestimable. Je sais que mes collègues sont là. Je sais qu'ils sont avec moi. Ça me permet d'avancer, de ne pas rester chez moi, parce que je sais que c'est la noirceur si je reste chez moi. Je ne serais pas ici aujourd'hui, si ce n'était de ce resto.
Depuis le mois d'avril, on est en train de sauver un vétéran. On a reçu un appel, il était au bord du suicide, au bord de la rue. Il est chez moi présentement. Tous les matins, il se lève et il vient avec moi au resto. Deux semaines après son arrivée chez moi, ce n'était plus le même homme. La bataille n'est pas gagnée, mais c'est une fierté de voir qu'on l'a mené dans la bonne direction. Si on réussit à sauver un vétéran, c'est une bataille de plus qu'on gagne.
C'est ce que j'essaie de faire. On n'est pas meilleur que les autres, mais tant mieux si on peut être un modèle pour les vétérans. C'est ce que ça prend. Ça prend aussi des gens comme vous pour nous soutenir, pour nous appuyer et pour être derrière nous.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de parler de cela.
Il était évident que les blessures étaient liées au service, et j'ai reçu des indemnités pour quelques articulations particulières. Cependant, lorsque j'ai fait une demande pour le syndrome d'Ehlers-Danlos, malgré l'information très claire contenue dans mon dossier médical, le médecin des Anciens Combattants qui a examiné le dossier...
J'en ai d'ailleurs une copie, car je fais appel de cette décision. Le Bureau de services juridiques des pensions, ou BSJP, m'a fourni cette copie pour que je la transmette à mon médecin civil.
L'officier médecin d'ACC s'est concentré sur les symptômes inexpliqués d'un point de vue médical, et il a utilisé des documents du service de santé mentale pour dire que tout était dans ma tête. Quelques médecins ont dit: « Oui, vous êtes souple, mais c'est normal. Ce n'est rien. Vous êtes simplement stressée et vous devez dormir davantage pour gérer votre stress. »
Je suis en train de faire appel, mais comme il n'y a aucune garantie de succès, mon gestionnaire de cas m'a conseillé de faire une demande individuelle pour chaque articulation affectée. J'ai actuellement une indemnité pour mon épaule gauche, le bas de mon dos et mes deux hanches.
Après avoir essuyé un refus pour mon état général, j'ai soumis des demandes supplémentaires pour mon cou, mon épaule droite, mes deux poignets, mes deux pouces et mes deux chevilles, et on m'a immédiatement envoyé un formulaire médical pour chaque articulation individuelle. Je dois prendre un rendez-vous avec mon médecin de famille pour chaque articulation. J'ai beaucoup de chance d'avoir un médecin de famille, et j'ai beaucoup de chance qu'il soit prêt à consacrer du temps à cela, mais cela l'empêche de traiter mes autres affections. Cela lui fait perdre du temps par rapport à d'autres patients, et c'est ridicule. Mon physiothérapeute prend les mesures de l'amplitude des mouvements et pourrait facilement remplir les formulaires, mais il faut que ce soit un officier médecin qui le fasse.
Je ne peux pas remplir les formulaires moi-même. J'ai besoin d'aide pour le faire et j'ai ensuite besoin d'aide pour gérer cela. Toute mon énergie est consacrée à cela, et je ne peux donc pas faire de demande pour d'autres problèmes.
J'ai des problèmes gastro-intestinaux. J'ai des problèmes avec mon système nerveux autonome. En raison de tous ces autres problèmes, je souffre d'une affection qui ressemble à une COVID longue. Je l'avais avant que la COVID apparaisse, et c'est invalidant.
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Merci. Je le ferai volontiers.
Nous étions un groupe de femmes mécontentes. Cela remonte à un peu moins de deux ans, quand il y a eu beaucoup de nouvelles et de scandales au sujet de l'inconduite sexuelle de hauts gradés dans l'armée. Nous savions qu'il n'était pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Nous savions qu'il était possible d'en faire davantage. Nous parlons d'armes de guerre. C'est du fratricide. Ce problème infecte et touche tout le monde et rend l'environnement toxique.
Je me suis enrôlée en 1998. J'ai reçu trois formations dans le cadre du Code de prévention du harcèlement et du racisme entre mes deux éléments. Je suppose que j'avais besoin de plus de temps. Tout ce que j'ai appris, ce sont des blagues. Cette formation était de la foutaise. Elle ne menait nulle part.
L'une de nos fondatrices, Donna Riguidel, a élaboré un programme de formation tout en travaillant à un autre programme sur les agressions sexuelles civiles.
Je suis désolée. Je m'emballe un peu.
Mme Cathay Wagantall: C'est correct. Prenez votre temps. Ça va.
Mme Carly Arkell: Elle a adapté la formation au contexte militaire, avec l'aide et la permission de l'armée. Cette formation respecte le fait que nous sommes soldats. Nous utilisons la violence comme outil, mais nous sommes tout de même des personnes. Nous devons prendre soin des nôtres. La formation vise à ne dénigrer personne et à éviter de faire en sorte que les gens se sentent mal ou comme s'ils devaient être sur leur garde et ne pas être eux-mêmes. C'est une question d'humanité.
Certaines personnes ont participé à la formation en rechignant, mais en sont ressorties en disant que c'était la première fois qu'elles n'avaient pas l'impression d'être le méchant. D'autres personnes nous ont dit: « Wow, je ne savais pas que je contribuais au problème. Ce n'est pas ce que je pensais. » La formation a eu une profonde incidence.
Ma participation a été très limitée en raison de ma santé, mais nous tous, les fondateurs, et de nombreux autres survivants en arrière-plan travaillons ensemble quand nous le pouvons et comme nous le pouvons. Cela fait partie de notre guérison. Nous voulons faire de l'armée un meilleur endroit pour nos collègues et pour nos enfants.