Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 122e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 29 janvier 2024, le Comité reprend son étude de l'expérience vécue par les vétérans autochtones et par les vétérans noirs.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride.
Je souhaite la bienvenue aux membres du Comité qui participent à la réunion d'aujourd'hui par vidéoconférence. Il s'agit notamment de M. Richards et de M. Tim Louis, qui remplace M. Miao.
[Traduction]
Nous avons également d'autres collègues en ligne. Nous avons Mel Arnold, qui remplace M. Tolmie.
[Français]
Nous accueillons également M. Martin Champoux, qui remplace M. Desilets.
Je rappelle aux participants que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Comme d'habitude, au nom des membres du Comité, je salue tous les vétérans qui regardent ou écoutent cette séance.
[Traduction]
Pendant cette heure, nous recevons de nouveau l'Institut Atlas pour les vétérans et leur famille. Nous recevons MaryAnn Notarianni, cheffe de la direction adjointe et vice-présidente exécutive, Mobilisation des connaissances, et Meriem Benlamri, directrice, Mobilisation des connaissances. Elle comparaît par vidéoconférence.
Nous recevons Yvan Guy Larocque, membre du conseil d'administration d'Inspire et conseiller clinicien auprès de la faculté de droit de l'Université du Manitoba, qui est des nôtres par vidéoconférence. Nous recevons également William Shead, qui est aussi membre du conseil d'administration et aussi des nôtres par vidéoconférence.
Enfin, nous recevons Maria Trujillo, coordonnatrice de projet de l'Initiative pour vétérans autochtones du Fonds du Souvenir, également par vidéoconférence.
Je pense que vous connaissez les règles, car vous avez déjà comparu devant nous.
On m'a dit que vous ne présentez pas d'observations préliminaires. Très bien. Tous les témoins ayant déjà présenté des observations préliminaires, nous allons donc passer tout de suite aux questions et réponses.
Je commencerai par Mme Cathay Wagantall, qui disposera de six minutes. Je vous en prie.
Je suis très heureuse que nous ayons pu vous faire revenir afin de bien faire les choses et de vous poser quelques questions.
Madame Notarianni, pour ceux d'entre nous qui ne le savent peut-être pas, pouvez-vous expliquer ou définir ce qu'est la mobilisation des connaissances?
Je le ferai avec plaisir. Je vous remercie de la question.
La mobilisation des connaissances consiste, essentiellement, à réunir des données, puis à les présenter et à les transmettre aux personnes qui peuvent les utiliser. Autrement dit, il s'agit d'acquérir des connaissances et des renseignements, et de les présenter de manière à ce que le public visé les ait à sa disposition.
Au fond, la mobilisation des connaissances consiste aussi à mobiliser ou à faire passer à l'action ces données pour qu'elles aient une incidence positive. C'est notre approche à Atlas. Quant à la définition la plus simple, c'est prendre l'information et à la mettre entre les mains de ceux qui peuvent l'utiliser.
Si nous en avons le temps, je serais heureuse d'expliquer notre approche plus en détail, ainsi que la manière dont nous procédons à Atlas, étant donné que cette mobilisation peut prendre différentes formes
Nous sommes financés par Anciens Combattants Canada. Nous recevons notre financement principal dans le cadre d'un accord de contribution avec Anciens Combattants Canada.
Nous sommes un organisme indépendant. Nous avons été intentionnellement créés ainsi dans le cadre de l'accord de contribution. Cela veut dire que le ministère nous donne notre financement et définit les piliers ou les principales fonctions de notre travail, la recherche en faisant partie.
En même temps, il y a une distance, car le ministère ne décide pas tout à fait de ce que nous étudions, ce qui nous permet d'examiner les lacunes dans la recherche et, surtout, de consulter les vétérans et leurs familles sur ce qui leur tient à coeur et de les faire participer. Nous pouvons également analyser l'environnement, voir ce qui se fait et chercher des possibilités là où il y a un besoin de recherche supplémentaire. C'est en partie ainsi que nous déterminons ce que nous allons étudier.
Nous sommes financés pour faire de la recherche, mais ACC ne nous dit pas sur quoi elle doit porter.
Pouvez-vous me donner un exemple vraiment significatif, de votre point de vue, d'une situation où vous avez découvert une lacune et pris la décision de faire de la recherche à son sujet?
Cela vient s'ajouter à ce que le Comité a fait au sujet des vétéranes, après avoir constaté d'importantes lacunes en ce qui les concernait. C'est quelque chose que nous avons remarqué très tôt. Nous avons adopté une approche très participative dans la façon dont nous avons défini un programme d'étude sur la santé mentale et le bien-être des vétéranes. C'est ce que nous avons fait dans le cadre de notre projet Athena.
Nous en avons parlé au Comité au printemps au début de son étude sur le sujet. Nous avons maintenant deux études en cours.
Vous faites la recherche. Comment choisissez-vous les vétérans que vous allez contacter? Comment les contactez-vous pour faire en sorte d'avoir une cohorte significative pour obtenir les résultats dont vous avez besoin pour dire que vos conclusions sont exactes et précises?
C'est une excellente question. J'aimerais y donner plusieurs réponses.
Premièrement, lorsque nous concevons des études, nous recrutons en fonction de l'étude que nous menons. Les critères d'inclusion dépendent du sujet de l'étude. Nous faisons de la recherche clinique. Nous faisons également de la recherche appliquée, qui peut être qualitative et porter davantage sur des entretiens, par exemple.
Pour les personnes sur lesquelles porte la recherche ou qui participent à la recherche en question — les « sujets » de la recherche, faute d'un meilleur terme —, nous avons les critères voulus. Nous utilisons toutes sortes de stratégies pour informer de la recherche à venir les vétérans et les familles qui correspondent au profil, afin de pouvoir constituer les échantillons dont nous avons besoin pour réaliser une étude dont nous tirerons des données suffisamment solides pour pouvoir en parler.
Comme vous le savez probablement, il existe en ligne toutes sortes de groupes de vétérans qui se comptent par milliers. Vous arrive‑t‑il de les contacter pour leur parler d'une étude que vous faites et leur demander s'ils souhaitent y participer? Après, bien sûr, vous faites le nécessaire pour vérifier qu'ils correspondent au scénario. Faites-vous cela?
Oui, évidemment. Nous utilisons différents moyens. Nous utilisons les médias sociaux pour diffuser l'information par des publications organiques, ou même des médias sociaux payants, simplement pour essayer de toucher les gens sur différentes plateformes. Nous travaillons avec des groupes qui sont prêts à publier des messages pour nous. Nous travaillons avec des champions qui disposent de vastes réseaux. J'ai rencontré quelqu'un, une vétérane, qui était très fière de son réseau. Elle m'a dit qu'elle partagerait des publications.
Absolument, nous utilisons toutes sortes de moyens pour atteindre un groupe aussi diversifié et aussi large que possible.
De membres de notre personnel chargé de l'expérience vécue font partie de quelques-uns de ces groupes consultatifs. Nous sommes en contact avec des personnes de différentes façons au sein de ces groupes consultatifs.
ACC est certainement un champion de la diffusion de nos messages par l'intermédiaire de son programme « Salut! » et dans le cadre d'autres activités de sensibilisation à l'engagement communautaire, en particulier.
De bien des façons, par nos réseaux personnels ou nos réseaux officiels, nous faisons passer le mot.
J'espérais parler du Fonds du Souvenir. Je suis très préoccupée par les difficultés qu'il connaît, mais malheureusement, je devrai laisser quelqu'un d'autre en parler.
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les témoins d'être revenus.
Je vais m'adresser à ceux qui sont en ligne, car on les oublie toujours. Les personnes présentes dans la salle se voient parfois poser plus de questions.
Ma première question est pour Indspire. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur le fonds de bourses d'études postsecondaires pour les Autochtones, y compris sur la manière dont il a été créé, sur ses objectifs et sur l'incidence du programme?
Je peux probablement répondre à votre question, car j'étais là quand il a été créé.
En 1995, le Sous-comité sénatorial des anciens combattants a réalisé une étude sur les vétérans autochtones, sous la coprésidence du regretté sénateur Len Marchand. Une des recommandations adressées au gouvernement était de créer un fonds de bourses d'études et de bourses d'excellence en hommage au service des anciens combattants autochtones. C'est ce qui a été fait. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé afin que différentes organisations soumettent des propositions pour voir qui serait prêt à administrer le fonds. La Canadian Native Arts Foundation, alors présidée par John Kim Bell, a été retenue. Il s'agissait d'une petite organisation qui collectait des fonds pour soutenir des artistes autochtones.
Ensuite, lorsque nous avons repris le fonds, nous avons compris qu'on ne pouvait pas l'utiliser uniquement pour les arts. Il fallait qu'il serve à financer un large éventail de bourses d'études et de disciplines. En faisant cela, nous ne pouvions plus nous appeler Canadian Native Arts Foundation. Nous devions changer de nom. Nous avons eu l'idée de la Fondation nationale des réalisations autochtones, parce qu'à l'époque, nous parrainions également les prix d'excellence, devenus depuis les prix Indspire.
Il y a quelques années, nous avons de nouveau changé de nom pour devenir « Indspire » — I‑N‑D pour « indigenous » et S‑P‑I‑R‑E pour « inspiration ». Le nom de la Fondation nationale des réalisations autochtones nous paraissait très long et il fallait le traduire en français, ce qui était très difficile. Le mot « Indspire » n'a pas besoin d'être traduit. Nous avons créé un logo et toute une série de choses pour changer notre image.
Nous avons également pris contact avec l'industrie et avec d'autres organisations, et nous avons modifié nos stratégies de collecte de fonds au point que nous réussissons maintenant à recueillir une somme importante qui vient non seulement de donateurs individuels, mais aussi de sociétés, d'entreprises et de différents ministères. Nous...
Pouvez-vous nous dire comment les vétérans autochtones peuvent contribuer à l'éducation des jeunes générations, notamment en défendant leurs propres communautés et en veillant à ce que leurs contributions à l'histoire militaire du Canada soient enseignées et reconnues par tous?
On demande régulièrement aux vétérans de prendre la parole à l'occasion d'événements importants, comme l'anniversaire de batailles marquantes telles que la bataille de la crête de Vimy et le raid de Dieppe. Ils sont également très sollicités pour le jour du Souvenir.
Quand nous nous déplaçons, nous expliquons — aux étudiants et aux jeunes — qu'ils doivent rester dans leur programme d'études. Plusieurs d'entre nous travaillent avec une autre organisation qui parraine un bureau de conférenciers bénévoles, le Projet Mémoire, de sorte qu'il ne s'agit pas seulement de contacter les gens et de les encourager à poursuivre leurs études. C'est ce que nous faisons. Les étudiants sont au rendez-vous chaque fois que nous décernons des prix d'excellence, ou les prix Indspire. Nous en rassemblons environ 1 500 chaque fois que nous organisons ces événements. C'est comme un salon professionnel où ils découvrent des possibilités de formation dans différentes universités et des possibilités d'emploi dans divers secteurs, qu'il s'agisse de l'exploitation minière, du commerce en général ou de la banque.
Je vais poser une question rapidement au Fonds du Souvenir.
Cinq années se sont écoulées depuis que le Fonds du Souvenir a lancé l'Initiative pour vétérans autochtones. Pouvez-vous nous donner quelques faits et chiffres clés sur l'incidence de cette initiative depuis cinq ans qu'elle existe? Comment espérez-vous la voir évoluer au cours des cinq prochaines années?
Au fait, soyez bref, car il ne me reste que 60 secondes.
Pour l'instant, nous avons travaillé avec 45 communautés autochtones de tout le Canada. Nous travaillons également avec des chercheurs. Sur ces 45 communautés, nous avons travaillé avec 25 chercheurs locaux membres de la communauté. Plus de 270 pierres tombales ont ainsi été placées sur la sépulture de vétérans autochtones restée anonyme jusque‑là.
Par ailleurs, nous ajoutons le nom traditionnel des vétérans sur les nouvelles pierres tombales, mais nous le faisons aussi rétroactivement et nous ajoutons tout nom traditionnel que nous avons manqué. Ce service est très populaire aussi.
Nous espérons que l'initiative suscitera plus d'intérêt au cours des cinq prochaines années, mais le plus difficile, c'est la sensibilisation. Nous espérons que pour les cinq prochaines années au moins, l'objectif sera d'ajouter 500 pierres tombales à des sépultures jusque‑là anonymes.
Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je n'étais pas là quand ils ont témoigné devant le Comité la première fois. Je n'ai donc pas eu la chance d'entendre leur allocution d'ouverture, ce qui m'aurait permis d'avoir un peu plus de contexte. Je leur demande de me pardonner si je leur pose des questions qui leur semblent un peu répétitives.
Mes questions s'adresseront à Mme Notarianni ou à Mme Benlamri, de l'Institut Atlas pour les vétérans et leur famille.
Tout à l'heure, vous avez dit à ma collègue Mme Wagantall que votre organisation était principalement financée par Anciens Combattants Canada. Quelles sont les autres sources de financement de votre organisation?
Anciens Combattants Canada est notre principale source de financement. Nous avons obtenu des financements modestes dans le cadre de quelques accords de partenariat pour des initiatives particulières que nous avons entreprises.
Nous avons établi un partenariat avec l'Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique, qui recevait des fonds de l'Agence de la santé publique du Canada. Il me semble que c'était lié à des financements de la COVID‑19 qui ont été accordés. C'est un exemple et je crois que c'est un autre centre semblable dans la sphère publique.
Vous avez aussi dit que vos sources de financement, comme Anciens Combattants Canada, ne vous imposaient pas de sujets de recherche et que vous déterminiez vous-mêmes ceux que vous jugiez pertinents.
Avez-vous effectué des recherches en lien direct avec l'étude en cours concernant les vétérans autochtones et les vétérans noirs?
Si tel est le cas, pouvez-vous nous en parler? Quelles en étaient les conclusions?
Encore une fois, excusez-moi si vous avez déjà répondu à ces questions lors de vos témoignages précédents.
Nous n'avons pas d'étude particulière sur les vétérans autochtones ou les vétérans noirs. Nous faisons un travail de mobilisation des connaissances sur les vétérans inuits, métis et des Premières Nations. Mme Benlamri, qui est en ligne, pourra vous en dire plus à ce sujet, s'il reste du temps.
On a, dès le début, attiré notre attention sur la nécessité de données psychoéducatives ciblées, adaptées à la culture et correspondant aux expériences particulières des vétérans inuits, métis et des Premières Nations, ainsi que de leurs familles. L'Institut Atlas a donc lancé un projet dans le cadre duquel nous espérons élaborer conjointement des produits de la connaissance en collaboration avec un groupe consultatif de Premières Nations, d'Inuits et de Métis.
À l'heure actuelle, nous codirigeons ce travail avec deux stratèges principaux: Tim O'Loan, vétéran de la Première Nation des Dénés du Sahtu, et Shauna Mulligan, doctorante métisse en études autochtones et caporale de réserve à la retraite des Forces armées canadiennes. Nous travaillons en étroite collaboration avec ces personnes pour savoir quel pourrait être notre rôle dans le soutien à l'élaboration de ressources informationnelles et comment nous pourrions faciliter la cocréation. Nous avons commencé ce travail en 2023 et nous espérons qu'il se poursuivra au‑delà de 2027. Nous voulons donc prendre le temps de nous assurer que nous faisons ce travail d'une manière adaptée et éclairée du point de vue culturel.
Si je comprends bien, vous êtes loin d'avoir terminé. Vous dites que l'étude se poursuivra jusqu'en 2027. Elle va donc être assez approfondie.
Cela dit, avez-vous déjà déterminé des besoins particuliers? Avez-vous ciblé des aspects particuliers qui feront vraisemblablement partie de votre compte rendu, de votre rapport ou de vos recommandations? Quels sont les éléments qui ressortent de cette étude jusqu'à présent?
Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'une étude, mais d'un projet de mobilisation des connaissances. Nous espérons qu'à la fin du projet, nous aurons cocréé des ressources informationnelles qui permettront d'honorer les sacrifices des vétérans inuits, métis et des Premières Nations, de cerner certains de leurs besoins en matière de connaissances sur la santé mentale et d'y répondre par de l'information.
Cela étant dit, nous avons organisé en octobre une table ronde sur l'accès aux soins de santé mentale dans les régions rurales et éloignées. Nous avons organisé une rencontre en personne au cours de laquelle nous avons demandé à des vétérans et à des membres de leur famille, ainsi qu'à des décideurs, des chercheurs, des prestataires de services et d'autres acteurs du système, de faire part de leurs expériences en ce qui concerne les obstacles, les facteurs de réussite et les aspects à modifier potentiellement par rapport à leurs expériences et à leur compréhension de l'accès aux soins de santé mentale dans les régions rurales et éloignées.
Trois thèmes revenaient, dont nous avons parlé dans notre précédent témoignage, mais je peux les rappeler. Le premier thème dont nous ont parlé les gens était l'importance de soins et des modèles de guérison adaptés à la culture. Beaucoup de vétérans inuits, métis et des Premières Nations estiment qu'avoir accès à des modes de guérison culturels et traditionnels peut les aider dans leur bien-être. Malheureusement, souvent, ces méthodes ne sont pas considérées comme des soins de santé et ne sont donc pas couvertes. Dans certains cas, elles ne sont pas offertes non plus. Les dirigeants communautaires ont indiqué qu'ils aimeraient qu'Anciens Combattants Canada adopte une politique autorisant les méthodes de guérison traditionnelles au sein des communautés et que leurs coûts soient couverts.
Le deuxième thème était qu'il faut construire et gagner la confiance.
Le troisième thème était qu'il faut plus de clarté en ce qui concerne la prestation des soins de santé mentale. Il n'est pas toujours évident pour les vétérans autochtones de savoir qui en assure la couverture. Est‑ce que ce sont des entités fédérales ou le système de santé provincial ou territorial? Plus de précisions et de soutien seraient utiles pour s'y retrouver.
Je vous remercie de votre présence. Je vous suis très reconnaissante du travail que vous accomplissez. Il s'agit, selon moi, d'une tâche sacrée. Merci de vous en charger.
Pouvez-vous nous parler un peu du travail que vous avez fait pour créer un cadre culturellement sûr pour les processus qui se déroulent? Je pense qu'il est très important pour nous de voir comment les projets menés par des Autochtones traitent les problèmes afin que nous puissions discuter de la manière dont d'autres organisations pourraient en faire autant. Cela nous serait très utile.
Ensuite, comment établit‑on les liens pour savoir où se trouvent les sépultures anonymes? Je sais que beaucoup de communautés sont très isolées. J'imagine qu'il est difficile de trouver des fonds pour se rendre dans certaines. Pouvez-vous nous en parler un peu et nous dire si cela limite votre capacité à faire ce travail?
Je commencerai par votre deuxième question parce que j'ai plus de choses en tête à ce sujet, puis je répondrai à la première question.
Pour l'instant et principalement à cause de la COVID, nous contactons les communautés en organisant des réunions téléphoniques et en ligne. Je contacte d'abord le bureau de la bande, et il s'agit généralement du service des terres. Il y a beaucoup de travaux faits dans les cimetières des communautés. Cela varie, bien sûr, d'une communauté à l'autre, mais c'est généralement le service des terres qui s'en occupe. En général, il a un plan avec l'emplacement probable des tombes des vétérans et il nous le communique.
Dans le cadre de l'Initiative vétérans autochtones, nous rétribuons un membre de la communauté ou le bureau de la bande pour qu'il fasse des recherches afin de trouver pour nous les sépultures anonymes de vétérans. Sur les 45 communautés avec lesquelles nous avons travaillé, environ la moitié ont un chercheur. Cette personne est essentielle à notre travail, car elle repère qui n'a pas de pierre tombale. Elle nous aide également à trouver le nom traditionnel du vétéran quand on ne le connaît pas.
Grâce à la technologie, cela fonctionne assez bien jusqu'à présent. Nous n'avons pas nécessairement eu, pour l'instant, à contacter une communauté pour lui faire connaître notre travail. Je dirai que nous avons de la chance quand une communauté compte des vétérans, car il y a généralement une culture des vétérans dans cette communauté. Nous sommes en contact avec des personnes qui travaillent déjà au sein du comité du jour du Souvenir ou avec quelqu'un qui rend hommage aux vétérans. En général, cette personne est déjà intéressée par le travail que nous faisons. Nous avons donc de la chance de ce point de vue.
C'est plus compliqué, selon moi, quand il n'y a pas vraiment de culture du jour du Souvenir dans une communauté. Il n'y a pas vraiment de personne clé à qui s'adresser. C'est donc une des difficultés, même si des vétérans sont peut-être enterrés dans des tombes anonymes dans cette communauté.
Cela répondait à votre deuxième question.
Pour ce qui est de la première question, quand nous avons commencé ce travail, les familles nous demandaient... Un des éléments de l'Initiative est que, s'il existe un symbole culturel pertinent, la famille a le choix de l'ajouter sur la pierre tombale. C'est différent des vétérans non autochtones, pour qui nous proposons généralement une croix ou un écusson militaire. Pour les vétérans autochtones, si la communauté a un symbole ou si la famille elle-même appartient à un clan ou a un symbole familial, nous autorisons et encourageons certainement la famille à utiliser ce symbole si elle le souhaite.
Nous avons constaté, entre autres lacunes, que les familles demandaient un certain type de symbole, mais que nous n'en avions aucun en stock. Nous avons donc fait appel à un artiste cri qui a créé sept symboles inspirés des symboles des sept enseignements sacrés. Ils sont proposés aux familles parmi les choix possibles, si elles souhaitent les ajouter. C'est très apprécié. Beaucoup de familles demandent des aigles ou une plume, qui font déjà partie des symboles que nous proposons.
Par rapport à la culture, l'ajout du nom traditionnel du vétéran est un élément important du programme. La mesure est rétroactive, de sorte que si nous avons déjà placé une pierre tombale et que nous n'avons pas ajouté le nom traditionnel, nous reviendrons l'ajouter. C'est aussi le cas pour toute nouvelle pierre tombale. La famille a également le choix de l'endroit où le nom est placé. En général, nous suivons l'ordre nom, grade et unité, mais il arrive que la famille souhaite que le nom traditionnel soit placé au‑dessus du nom anglais, ce qui est tout à fait possible aussi.
Nous essayons de travailler en collaboration avec les familles pour que la pierre tombale soit aussi belle qu'elles l'imaginent. Je dirai que c'est ainsi que nous procédons.
Il ne me reste que quelques secondes. Je vais donc poser une dernière petite question.
En Colombie-Britannique, un créateur cri ne conviendrait pas nécessairement. Si l'emblème d'un clan a été créé par la communauté, est‑ce qu'il est possible de l'ajouter sur la pierre tombale?
Oui, certainement. Nous avons une famille qui a fait son propre dessin, au crayon. Nous l'avons numérisé pour elle. Un très bel emblème a été posé dans un cimetière de Victoria, dessiné par un neveu du vétéran. Nous étions très honorés d'avoir cet emblème sur la pierre tombale.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui. C'est un plaisir de tous vous revoir.
Ma première question est pour le Fonds du Souvenir.
Dans un article paru en novembre, il y a environ un mois, votre ancien président, Derek Sullivan, se demandait comment le Champ d'honneur national allait continuer sur les mêmes bases. On pouvait y lire: « Depuis 2020, des pressions sont exercées pour qu'ACC prenne possession des lieux. » Le 4 septembre, votre organisation a adressé à la ministre ministre Petitpas Taylor une lettre expliquant en substance que « l'avenir de ce cimetière pour anciens combattants est désormais gravement menacé, car les déficits de fonctionnement actuels signifient que le Fonds du Souvenir ne pourra poursuivre ses activités que pendant une courte période de temps ».
La lettre est partie le 4 septembre. Il n'y avait pas de grève à ce moment‑là et vous espériez avoir une réponse avant le 11 novembre. Vous pensiez que c'était un bon moment, étant donné que c'était la semaine du Souvenir, mais vous n'avez reçu aucune lettre. Le seul contact avec son cabinet a été après que CTV News a téléphoné pour faire un suivi, et on lui a répondu que la ministre examinait et évaluait la faisabilité.
Premièrement, je me demande ce qu'il faut en conclure sur le plan de l'urgence et du respect. Deuxièmement, y a‑t‑il eu un suivi jusqu'à présent pour voir exactement sur quoi porte cette étude de faisabilité?
Je m'occupe plus particulièrement de l'Initiative pour vétérans autochtones. Je sais que pour le cimetière, le Champ d'honneur national, une demande de transfert a été présentée, mais je ne peux pas vraiment en parler, car cela ne relève pas de mon domaine. C'est le président ou le directeur général du Fonds du Souvenir qui en est chargé, mais ils ne sont pas présents. Je ne veux pas dire quoi que ce soit qui soit de leur ressort. Je suis désolée.
Vous pourriez peut-être leur poser la question ou leur demander de faire un suivi, simplement pour savoir si une lettre ou quelque chose d'autre a été envoyé qui décrit exactement l'étude de faisabilité et propose un calendrier éventuel. Je vous en serai très reconnaissant.
Mes prochaines questions sont pour vous, madame Notarianni. Pouvez-vous dire au Comité combien de vétérans sans-abri vivent au Canada et comment on arrive à ces chiffres?
C'est une excellente question parce que nous savons que c'est un problème.
Je n'ai pas de chiffre en tête. Je ne sais pas si Mme Benlamri le saurait. Nous reconnaissons que les problèmes d'itinérance et de logement des vétérans sont un sujet de préoccupation important, mais pour ma part, je n'ai pas ces données.
Les chiffres du gouvernement sont très variables. Certaines personnes parlent de 2 000, d'autres de 10 000. L'éventail paraît très large, mais c'est un des problèmes pour lesquels on aimerait connaître le chiffre. Il me semble que ce serait une étude importante.
Au cours de cette étude, le Comité a entendu dire que les vétérans autochtones sont plus susceptibles de devenir sans-abri que les autres groupes de vétérans. Avez-vous mené des recherches à ce sujet, et pourquoi pensez-vous que ce soit le cas?
Nous n'avons pas encore mené d'étude sur les vétérans autochtones et leur risque d'itinérance à Atlas. Pour l'instant, nous nous sommes concentrés sur un travail relatif aux vétérans autochtones, inuits, métis et des Premières Nations, comme l'a souligné Mme Benlamri. Nous travaillons en collaboration pour répondre aux besoins en matière de connaissances et soutenir la santé mentale et le bien-être.
D'après ce que nous savons de certains des déterminants sociaux de la santé et de ce qui pourrait contribuer à ce que des personnes connaissent des problèmes de logement comme l'itinérance, beaucoup d'éléments que nous considérons comme des déterminants sociaux de la santé pourraient être des facteurs à cet égard. Nous entendons beaucoup parler de problèmes liés à la crise du logement au Canada, ce qui est exacerbé par des choses comme le racisme systémique et ainsi de suite, ce dont il a été question, me semble‑t‑il, dans des témoignages devant le Comité. J'irai même jusqu'à dire que tous ces facteurs interviennent.
Une partie de notre travail consiste à trouver des sujets de recherche, et je peux vous affirmer que les besoins sont grands. Le message global concernant la santé mentale des familles des vétérans est que les besoins à étudier sont très nombreux, y compris certains besoins qui concernent des sous-groupes de vétérans. C'est ce que nous faisons. Les sous-groupes des vétérans autochtones et des vétérans noirs font partie de ceux qui ont davantage de besoins qu'il reste à examiner.
J'aimerais revenir à Mme Maria Trujillo. J'ai habité au Honduras pendant un an. Une grande ville de ce pays s'appelle Trujillo. J'espère que je prononce bien votre nom.
Vous faites un travail qui semble très important pour soutenir nos efforts de réconciliation. J'aimerais vous entendre à ce sujet. Êtes-vous d'accord?
Une des répercussions connexes de notre travail a été de favoriser une prise de conscience du fait que de nombreux vétérans autochtones ont servi durant les guerres mondiales et qu'il y a toujours des Autochtones en service. Nous installons des pierres tombales dans les communautés autochtones et non autochtones, dans les cimetières municipaux. Les pierres tombales arborant un symbole et un nom autochtones dans un cimetière municipal ont pour répercussion connexe de permettre aux Canadiens non autochtones de réaliser le nombre de vétérans autochtones. La personne qui voit une pierre tombale où est gravé un symbole culturel ou un nom autochtone alors qu'elle ne savait pas qu'il y a autant de vétérans autochtones qui ont servi dans les Forces armées canadiennes vit un moment éducatif. C'est une façon selon moi d'éduquer les Canadiens non autochtones au sujet de l'immense contribution des vétérans autochtones dans le passé et encore aujourd'hui aux Forces armées canadiennes. Un lien est créé. La réconciliation peut aussi se faire au travers de moments éducatifs pour les Canadiens non autochtones.
L'ajout d'un nom traditionnel revêt une grande importance. Nous savons que l'utilisation des noms traditionnels et des langues autochtones était interdite dans les pensionnats. L'ajout d'un nom traditionnel sur une pierre tombale peut aider les familles qui ont été dépossédées de leurs noms traditionnels et de leurs langues dans les pensionnats à se réapproprier leur histoire. Je pense que c'est un petit pas. Nous savons que la revitalisation des langues autochtones est au cœur de la réconciliation.
En résumé, cela donne de la visibilité aux personnes de diverses cultures qui ont servi dans les forces.
C'est un court documentaire. Il a été diffusé en 2022 grâce au financement généreux de la Banque de Montréal. Il porte sur notre travail dans trois communautés, soit Kitigan Zibi au Québec, la Première Nation de Kawacatoose en Saskatchewan et une troisième dans les Territoires du Nord-Ouest, où nous avons collaboré avec l'adjudant-maître à la retraite Floyd Powder.
Le documentaire présente le travail réalisé dans ces trois régions du Canada. Il permet de comprendre un peu mieux à quel point il peut être difficile de trouver des tombes anonymes, mais également les répercussions de ce travail pour les communautés. J'aime aussi le fait qu'il montre l'impact générationnel. C'est un travail qui a un effet rassembleur pour les communautés, qui touche aussi les jeunes. Ils sont fiers de savoir que leur grand-père ou leur grand-mère ont été des militaires.
Il y a un lien sur notre site Web. L'accès est gratuit et ouvert au public. Pour visionner le documentaire, entrez « Fonds du souvenir » dans Google. Le documentaire est accessible sous l'onglet Initiative pour vétérans autochtones. Tout le monde peut le visionner.
Je me fais un point d'honneur de le visionner. Merci beaucoup.
Je vais maintenant m'adresser à M. Shead, d'Indspire.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des défis avec lesquels de nombreux vétérans autochtones doivent composer durant leur transition après le service militaire, notamment dans les domaines de l'éducation et du travail? Vous avez peut-être des suggestions ou des idées sur la manière dont le gouvernement pourrait mieux soutenir ces vétérans durant leur transition.
Je vais commencer par une suggestion. Les gouvernements, et surtout le gouvernement fédéral, ont des appareils bureaucratiques très lourds. Ils peuvent déceler les problèmes, mais ils ont de la difficulté à fournir des services. Les organismes qui à mon avis peuvent fournir les services dont les Autochtones ont besoin, y compris les vétérans… Dans bien des cas, les organismes bénévoles sont plus efficaces. Par exemple, depuis des décennies, le Corps canadien des commissionnaires aide les vétérans à trouver un emploi ou à accéder à des avantages dont ils ont besoin. La Légion les aide aussi, de même que tous les organismes de vétérans.
Ils sont sur le terrain. Les vétérans ne sont pas concentrés dans une ville en particulier. Ils sont partout, et ils ont besoin d'organismes bénévoles pour recevoir des services.
Je vais essayer d'être concis, monsieur le président.
Madame Trujillo, votre mission est très importante. Je la respecte et je l'admire beaucoup. Il y a quelques années, lors des célébrations du jour du Souvenir, chez nous, à Drummond, j'ai eu une conversation avec la veuve d'un militaire mort au combat, qui était autochtone. Elle regardait les noms sur le cénotaphe et elle me disait: « Ce n'est pas ça, son nom. Il ne s'appelait pas comme ça. » Ça m'avait fait sursauter un peu, parce que ce n'était pas du tout à l'ordre du jour à ce moment-là, mais je trouvais que c'était une question très importante.
Vous faites un travail très important en ce qui concerne notamment les pierres tombales. Vous voulez redonner aux membres autochtones des forces armées le respect qui leur est dû.
Avez-vous l'intention d'étendre cette mission? J'ai donné l'exemple des cénotaphes, mais, d'une certaine façon, il faudrait aussi respecter et célébrer les origines autochtones de ces personnes de leur vivant, pendant leurs années de service.
Jusqu'à maintenant, nous nous sommes concentrés sur l'installation de pierres tombales. Le problème des cénotaphes n'a pas encore été soulevé. En règle générale, nous indiquons à la communauté à demander une aide à Anciens Combattants Canada par l'entremise d'un programme comme le partenariat pour la commémoration. Je crois que c'est le bon nom… Des communautés ont réussi à obtenir de nouveaux cénotaphes ou à restaurer des cénotaphes existants afin d'y ajouter de nouveaux noms ou d'autres membres. Bref, nous les dirigeons normalement vers Anciens Combattants Canada dans ces cas.
La mission du Fonds du Souvenir vise à fournir des pierres tombales et à offrir les services du Programme de funérailles et d'inhumation. Nous essayons toutefois d'établir des liens avec notre principal bailleur de fonds, Anciens Combattants Canada, et avec les programmes que le ministère offre aux communautés de vétérans pour ces questions.
Je crois que nous allons continuer de nous concentrer sur cette mission, mais nous essayons d'établir des liens avec d'autres organismes qui offrent des programmes vers lesquels nous pouvons diriger les gens.
J'ai une question pour les porte-parole de l'Institut Atlas. Je vous laisse choisir qui de vous est la mieux en mesure d'y répondre.
J'ai bien entendu qu'il est très difficile de faire participer les vétérans. J'aimerais notamment en savoir un peu plus sur la manière dont vous abordez les enjeux de santé mentale. Nous sommes au fait des défis de certains vétérans à cet égard. Je suis très curieuse de savoir comment vous réussissez à offrir un environnement dans lequel ces vétérans se sentent en sécurité pour s'exprimer et recevoir le soutien et peut-être aussi le suivi nécessaires.
Mon autre question concerne la diversité. Il est ressorti de cette étude que la voix des vétérans noirs n'est pas entendue. J'ai discuté avec de nombreuses personnes de cette communauté et leur réticence à s'exprimer est évidente. Je trouve cela très préoccupant. Je me demande comment nous pouvons nous assurer que les voix des Autochtones, des Noirs et des personnes de couleur sont entendues dans le cadre des études sur les vétérans. Comment envisagez-vous cette question? J'aimerais vraiment vous entendre sur la manière d'aborder cet enjeu du point de vue de la recherche.
Concernant la seconde question, nous prenons la plupart du temps des mesures concrètes pour nous assurer que la diversité est toujours représentée dans nos recherches. Il existe des moyens de s'en assurer. Je conviens que certains groupes peuvent faire preuve de méfiance à l'égard des activités de recherche. C'est extrêmement important de favoriser la visibilité et de créer des liens en faisant de la sensibilisation, en allant sur le terrain et en élargissant nos réseaux, en faisant de notre mieux pour que la diversité soit représentée au sein de ce réseau. C'est essentiel pour renforcer nos liens et diffuser l'information. Nous nous assurons ainsi que les gens participent à nos études et qu'elles tiennent compte de la diversité.
Pour ce qui est de nos méthodes de travail, notre mandat est axé sur la santé mentale et le travail auprès des vétérans qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatiques et d'autres troubles de santé mentale connexes, ainsi que de leur famille. C'est un élément de notre travail auquel nous accordons énormément d'importance. Nous réunissons des gens afin d'obtenir leurs éclairages pour la conception des produits de la connaissance dont Mme Benlamri a parlé, y compris pour ce qui a trait à des sujets délicats comme la violence entre partenaires intimes et les traumatismes sexuels subis en milieu militaire.
Mme Benlamri pourrait peut-être vous donner des exemples récents de ce que nous avons mis en place. Il existe des stratégies qui tiennent compte des traumatismes. Les gens sont encouragés à s'exprimer dans un cadre où le risque de préjudice est atténué le plus possible. Quand nous réunissons des bénévoles dans ce but, nous recevons souvent l'aide d'une ressource en santé mentale… Par exemple, quand nous réunissons des gens lors d'événements, nous offrons ce soutien.
Mme Benlamri pourrait peut-être vous parler de stratégies plus concrètes.
Oui, avec plaisir. Je peux vous donner l'exemple d'un projet que nous avons réalisé de cette façon en vue de la conception de matériel sur les traumatismes sexuels subis en milieu militaire. Nous avons réuni un groupe de personnes qui avaient elles-mêmes subi ce genre de traumatisme ou qui fournissaient des services et des soins à ces personnes. Notre but était de créer du matériel d'information sur ce sujet, mais nous leur avons laissé toute la latitude voulue pour nous parler de ce que la communauté veut réellement apprendre à propos des traumatismes sexuels subis en milieu militaire.
C'est une des méthodes de dialogue que nous utilisons pour nous assurer que le matériel que nous produisons est pertinent. Les participants nous aident à déterminer les sous-thèmes qui seront abordés dans notre matériel et la manière de le diffuser une fois qu'il est terminé pour qu'il rejoigne les gens à qui il peut être utile.
Il reste deux derniers intervenants, qui disposeront de cinq minutes chacun. Je vais d'abord donner la parole à Mme Wagantall, puis à M. Casey ensuite.
J'aimerais donner suite, madame Notarianni, à ce que vous avez dit au sujet du financement. Vous avez parlé de partenaires publics, et en particulier de l'institut canadien de recherche en sécurité publique... Est‑ce que j'ai le bon nom?
Notre partenariat est continu et prend différentes formes, mais je crois que notre réseau communautaire de soutien par les pairs, pour ce qui est du volet financé, est terminé ou qu'il va se terminer bientôt.
Ce n'était pas une étude de recherche. Le projet visait à former un groupe de militaires, de vétérans, de personnel de la sécurité publique, de membres des familles et de la communauté de soutien par les pairs pour créer un réseau communautaire. Le réseau avait pour mandat d'établir des lignes directrices sur les pratiques exemplaires de soutien par les pairs dans ces groupes. Elles vont être publiées sous peu.
Je peux parler d'un autre partenariat avec ce groupe. En 2022, nous avons collaboré avec ces gens pour concevoir des produits de la connaissance sur les blessures de stress post-traumatique à l'intention du personnel du domaine de la sécurité publique. C'était en 2022.
Non. J'ai donné un exemple de financement. L'Agence de la santé publique du Canada a octroyé une subvention pour du travail réalisé par l'ICRTSP et l'Institut Atlas, mais je crois que le financement provenait de l'ICRTSP.
Je suis désolée de ne pas avoir plus de détails. Je pourrais vous les transmettre après la réunion si vous le voulez.
J'ai d'autres questions à l'intention du Fonds du Souvenir.
La ministre a déclaré qu'une étude de faisabilité serait nécessaire, et nous ne savons pas vraiment où en sont les choses actuellement. Seriez-vous prêts à faire ce travail? Vous pouvez me répondre par oui ou par non.
Mme MaryAnn Notarianni: Une étude de faisabilité…
Mme Cathay Wagantall: Cette étude viserait à établir si le gouvernement devrait verser du financement au Champ d'honneur national. Le Fonds du Souvenir demande de l'aide au gouvernement pour poursuivre ses activités.
Nous n'avons pas beaucoup de contexte ou de temps pour y réfléchir… Ce travail n'entre pas vraiment dans notre mandat. Cela semble plutôt de l'ordre d'une évaluation de programme ou d'une étude de faisabilité pour établir si le gouvernement devrait financer un projet… Nous sommes indépendants par rapport à Anciens Combattants Canada, et je pense que ce travail irait à l'encontre de cette relation.
Je le répète, c'est la première fois que je parle de ce sujet et je n'ai pas eu l'occasion d'y réfléchir.
Je pense que c'est quelque chose qui revêt la même importance que l'entretien des tombes… On nous parle des Autochtones dans des tombes anonymes et des efforts déployés pour que la situation soit corrigée. Or, il existe un risque, selon ce que j'observe et ce que j'entends, de perdre le contrôle sur un très important cimetière de Montréal. Je suis d'avis qu'une étude indépendante sur l'importance de ce lieu de commémoration est nécessaire si nous voulons avoir une idée claire de sa valeur et de la nécessité pour le gouvernement d'en assumer la responsabilité. C'est de cela que je parle.
Vous avez raison. Dans le cadre de nos études récentes, pour trouver des partenaires externes, nous avons utilisé un processus de demande de propositions. Le plus récent comportait des sujets précis.
Je dois dire que la communauté nous parle de l'importance de ce travail et des commémorations. En fait, Floyd Powder faisait partie de notre premier groupe de référence, qui était composé d'un bon nombre de bénévoles qui ont guidé le travail de l'Institut Atlas. Ma collègue vous a déjà parlé de lui. Il a participé à cette initiative.
Je tiens à exprimer mon respect pour le travail accompli à cet égard.
J'aurais d'autres questions sur le problème de l'itinérance, qui perdure depuis un bon moment. Personne ne semble être en mesure de nous donner des chiffres. Je sais qu'à une certaine date, des gens vont sur le terrain pour faire un dénombrement, mais c'est difficile de trouver les personnes en situation d'itinérance. Beaucoup de ces personnes peuvent être en situation d'itinérance et en même temps se débrouiller en passant d'un sofa à l'autre. On ne peut pas trouver des solutions au problème si nous ne connaissons pas les chiffres.
Pourriez-vous faire ce travail en mettant à profit les nombreux organismes qui interviennent auprès des vétérans en période de transition à l'échelle du Canada? Pensez-vous qu'il est possible de recueillir de l'information qui nous donnerait une idée plus précise du nombre de vétérans en situation d'itinérance?
À quel moment cela se passe‑t‑il? Est‑ce au moment où ils quittent les forces? Selon ce qu'on nous dit, cela survient assez souvent une dizaine d'années plus tard, après qu'ils ont essayé en vain de surmonter les difficultés de la transition.
Le problème du logement et de l'itinérance chez les vétérans est dans notre ligne de mire. Récemment, des membres de notre équipe ont assisté à la conférence de l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance. Nous savons que des initiatives sont menées. Nous avons collaboré de diverses façons avec VETS Canada, qui fournit une aide d'urgence aux vétérans vulnérables.
C'est un sujet que nous aimerions explorer davantage afin de déterminer quel rôle pourrait jouer l'Institut Atlas à cet égard étant donné qu'il met en cause la santé mentale.
J'aimerais inviter M. Larocque dans la discussion.
Votre exposé devant le Comité le 28 novembre dernier nous a probablement donné le témoignage le plus convaincant sur la valeur d'Indspire et de ce que l'organisme représente.
En fait, je vais vous donner carte blanche pour nous parler de tout ce que vous voulez. Cela dit, j'aimerais beaucoup vous entendre sur votre histoire personnelle et sur la manière dont ce fonds vous a permis de devenir professeur de droit et avocat praticien, en plus d'être un membre permanent des réserves.
J'en serai ravi. Merci de me donner cette possibilité.
J'ai grandi dans une petite communauté métisse francophone au sud du Manitoba. Je n'étais pas très riche, comme bien des familles métisses. Je savais que je voulais faire des études, mais je n'avais pas les moyens d'aller à l'université. À 16 ans, j'ai eu la chance d'être recruté par les forces armées grâce à un recruteur métis. Je suis entré dans la Réserve navale à 16 ans, en sachant que je recevrais une aide financière pour mes études et que j'aurais un emploi. J'ai été très chanceux d'entrer dans la Réserve navale. J'ai commencé ma formation de base à Borden, en Ontario, immédiatement après mon 17e anniversaire.
Ma solde et le paiement des frais de scolarité que les Forces armées canadiennes aux réservistes m'ont permis de faire mes études de premier cycle. Je tiens à dire aussi que j'attribue une bonne partie de ma réussite aux valeurs que m'ont inculquées les Forces armées canadiennes durant ma formation de base et au fil du travail que j'ai fait dans différents domaines au sein des forces.
J'ai entendu parler d'Indspire au cours de mes études, quand j'ai été obligé de quitter l'université. Je n'avais tout simplement pas les moyens de vivre seul et de poursuivre à l'université. J'ai travaillé à temps plein dans la marine pendant quelques années dans le but d'économiser et de reprendre mes études. À ce moment, j'ai entendu parler d'Indspire et j'ai réussi à obtenir des bourses qui m'ont aidé à retourner à l'université. J'ai été très chanceux de recevoir cet argent et de pouvoir terminer mes études de premier cycle en économie.
Pendant toute cette période, j'ai continué de travailler dans les réserves, parfois à titre de membre à temps plein de classe B ou C dans différentes régions du Canada, et parfois aussi comme réserviste dans mon unité d'attache les soirs et les fins de semaine. Quand j'ai obtenu mon diplôme de premier cycle, j'ai travaillé dans les Forces armées canadiennes et l'Aviation royale canadienne pendant quatre ans environ. J'ai alors décidé de poursuivre mes études et de m'inscrire en droit.
Durant mes études à la faculté de droit, j'étais un peu mieux nanti parce que j'avais travaillé à temps plein dans les Forces armées canadiennes et j'avais pu faire des épargnes. J'ai aussi pu compter sur l'aide supplémentaire d'Indspire. Cela m'a évité d'avoir deux emplois de front durant mes études en droit. Je continuais d'avoir un emploi dans les réserves, mais je n'avais pas à contracter de nouvelles dettes et de nouvelles obligations.
Indspire m'a soutenu pendant toute ma carrière. J'ai pu faire des études auxquelles je n'aurais jamais eu accès sans le soutien des Forces armées canadiennes et d'Indspire. Je me trouve très chanceux et je suis reconnaissant aux Forces armées canadiennes et à Indspire pour leur soutien et les possibilités qu'ils m'ont données ainsi que pour ma réussite.
Vous êtes un vétéran métis. Vous cumulez 23 années de service et vous continuez de faire partie des réserves. C'est le thème exact de notre étude. Nous nous penchons sur l'expérience des vétérans autochtones et des vétérans noirs. Quel conseil auriez-vous à donner au Comité de la part de quelqu'un qui vit l'expérience?
Une des raisons pour lesquelles il y a moins d'Autochtones qui restent dans les forces est que nous sommes moins au départ. Les vétérans autochtones sont très fiers et leur histoire est riche, mais il y a aussi beaucoup d'histoires moins glorieuses. Cette réalité explique la réticence des Autochtones à s'engager dans l'armée.
De toute évidence, il y a des dissensions dans notre pays concernant les droits des Autochtones et les torts historiques qu'ils ont subis. Je crois que la réconciliation est la clé.
Être à la fois membre d'une nation autochtone et Canadien doit être une source de fierté, et il faut éveiller cette fierté chez les jeunes. Il faut aussi que la population en soit convaincue et que cela fasse partie du dialogue autour de la réconciliation. Il est possible d'être à la fois membre d'une nation autochtone et Canadien. C'est possible d'être fier de ces deux richesses et de servir à la fois sa communauté et son pays.
Nous venons de passer une première heure avec un groupe de témoins formidables. C'était une excellente idée de la part des membres du Comité d'inviter ces témoins.
(1200)
[Français]
Nous avons reçu Mme MaryAnn Notarianni, cheffe de la direction adjointe et vice-présidente exécutive, Mobilisation des connaissances, ainsi que Mme Meriem Benlamri, directrice, Mobilisation des connaissances, toutes deux de l'Institut Atlas pour les vétérans et leur famille.
Nous avons également accueilli M. Yvan Guy Larocque, membre du conseil d'administration, conseiller clinicien à la Faculté de droit de l'Université du Manitoba, ainsi que M. William Shead, membre du conseil d'administration, qui représentaient tous deux l'organisme Indspire.
Nous avons aussi reçu Mme Maria Antonia Trujillo, coordonnatrice de projet, Initiative pour vétérans autochtones, qui représentait l'organisme Fonds du Souvenir.
Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes, le temps d'accueillir les prochains témoins pour la prochaine heure.
Dans le cadre de notre étude sur l'expérience vécue par les vétérans autochtones et par les vétérans noirs, nous passerons 30 minutes en compagnie de M. Bouchard Dulyx Dorval, qui est un vétéran. Il témoigne à titre individuel, par vidéoconférence.
Monsieur Dorval, je vous souhaite la bienvenue.
Habituellement, les témoins ont cinq minutes pour faire leur allocution d'ouverture. Si vous souhaitez vous adresser aux membres du Comité, je vous cède la parole.
Chers membres du Comité, je n'ai pas préparé d'allocution, mais je suis heureux d'être ici, car j'ai déjà appris plusieurs choses. Je ne connaissais même pas tout le travail qui se faisait pour nous soutenir. J'en apprends beaucoup sur le travail qu'on est en train de faire, sur ce qui a déjà été fait et sur ce qui sera fait dans l'avenir.
Je vous remercie de m'avoir invité à participer à la réunion. Cela me permet de prendre connaissance de ces faits.
Un membre du Comité de chaque parti représenté ici aura la parole pour six minutes, et il pourra partager son temps de parole avec un de ses collègues.
[Traduction]
M. Blake Richards va poser les premières questions à M. Dorval. Vous avez six minutes.
Tout d'abord, monsieur le président, je pensais que nous allions recevoir un autre témoin. Est‑ce que cela a changé? Je ne suis pas dans la salle et je ne vois pas vraiment ce qui se passe.
Nous devions recevoir M. Brian Prairie par vidéoconférence, mais il a annulé sa participation ce matin. C'est pourquoi nous allons passer 20 minutes avec M. Dorval avant de passer aux affaires du Comité.
Merci, monsieur le président. Je comprends. C'est parfois difficile de suivre à distance.
Je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui, monsieur. Merci d'avoir pris la peine de comparaître devant le Comité.
J'ai assurément des questions pour vous. Comme votre déclaration liminaire a été assez succincte, je vais vous donner l'occasion de nous en dire davantage.
Une des choses que nous avons entendue dans le cadre de cette étude a trait au racisme systémique dans les ministères et les institutions du gouvernement canadien. Pouvez-vous nous dire si vous êtes d'accord ou non, et pourquoi?
On a travaillé fort pour régler le problème, mais je pense qu'il reste beaucoup de travail à faire. Lorsque j'ai quitté la base Valcartier, il y a cinq ans, on voyait déjà une évolution.
Ma prochaine question concerne les vétérans. Pouvez-vous nous parler de problèmes précis et nous indiquer des lois ou des politiques précises qui contribuent au racisme systémique dans nos ministères et nos institutions?
Il y a des lois, mais elles ne sont pas respectées. Il y a des lois, des examens, des modules de temps en temps. Je pense que le gouvernement est là un peu pour ça.
Le problème, ce sont plutôt les gens en place. Parfois, ils considèrent les institutions comme si c'était leur patrimoine familial, ce qui fait qu'ils barrent complètement la route à un individu. C'est comme si on n'avait pas le droit de passer là. À un certain moment, je me suis senti comme un extraterrestre dans cette armée. Cependant, il y a aussi beaucoup de beau monde.
C'était une vie de lutte. Jusqu'à hier encore, je me demandais comment j'avais pu supporter tout cela et y survivre. C'était incroyable. J'ai été un extraterrestre pendant un bon bout de temps. C'est lorsque j'ai finalement été transféré à Montréal pour les six dernières années de mon service que je me suis senti un peu plus léger.
Je ne passe pas par la porte comme tout le monde. C'était peut-être mon chemin de vie personnel. Même si j'ai grandi là-dedans, c'était frustrant. Il m'est arrivé des choses dont j'ai parlé seulement au moment de faire un grief. Je ne pouvais même pas dire à ma famille ce que j'avais vécu. J'ai pleuré, mais j'ai réussi. Personne ne savait ce que j'endurais. J'ai dû endurer beaucoup de choses.
Avant d'entrer dans l'armée, je voulais vraiment faire partie de cette organisation. J'avais l'adrénaline, l'énergie du débutant. Il a fallu que je fasse mes preuves. Malgré tout, j'ai beaucoup grandi, et j'ai réussi.
Pouvez-vous me dire pendant combien de temps vous avez servi dans les forces? Vous avez dit que vous aviez l'impression que les choses avaient un peu changé.
Qu'est‑ce qui avait changé à Montréal? Est‑ce que les gens étaient différents, leur personnalité… Ou est‑ce que des politiques ou des lois précises ont selon vous contribué à améliorer les choses?
C'est peut-être en raison de l'agglomération et de mon environnement. On était plus nombreux. C'est sûr qu'à Montréal, il y a beaucoup plus de réservistes qu'autre chose. C'est aussi un environnement plus civil. Un civil reste un civil. On aime l'idée de travailler avec un civil, mais ça reste un civil. Ce n'était pas pareil.
À Québec, j'ai dû me battre et marcher tout le temps avec les poings fermés comme si j'étais toujours en guerre contre quelqu'un. À Montréal, je n'avais pas cette pression. C'est là où j'ai commencé à respirer un peu. L'environnement m'a aidé.
À Québec, je faisais un grief après l'autre et je gagnais toujours. Un Africain m'avait dit que je devais rester pour aider d'autres Noirs qui passeraient par le même chemin que moi. Il m'a dit que je devais rester parce que je m'en étais sorti, que je m'étais battu. Toutefois, il a fallu que je parte de là, parce que j'avais fait mon temps.
Depuis votre départ des forces il y a cinq ans, vous êtes un vétéran, bien entendu. Vous devez vous considérer comme un vétéran. Vous êtes un vétéran. Merci de votre service.
En tant que vétéran, quelle a été votre expérience avec Anciens Combattants Canada et le gouvernement? Avez-vous vécu du racisme systémique en tant que vétéran?
Monsieur Richards, je peux accorder environ 20 secondes de plus à M. Dorval pour qu'il puisse répondre, parce que les six minutes qui vous étaient allouées sont écoulées.
Monsieur Dorval, vous disposez d'une vingtaine de secondes.
Bien sûr. Dans les cinq années durant lesquelles vous avez eu affaire à Anciens Combattants Canada ou à d'autres ministères ou institutions du gouvernement en tant que vétéran, avez-vous vécu du racisme systémique?
Merci d'être de retour devant nous, monsieur Dorval. Pouvez-vous nous en parler un peu du type de racisme que vous avez subi et des défis que vous avez rencontrés durant vos années dans l'armée?
Les portes étaient fermées partout pour moi. Quand je suis entré dans l'armée comme chauffeur, j'avais déjà une famille et j'avais déjà une voiture. Les fins de semaine, c'est moi qui conduisais les autres soldats. Toutefois, quand nous sommes arrivés à la base, on nous a de nouveau fait passer des tests pour obtenir le permis de conduire militaire. Tout le monde a réussi le test, sauf moi, alors que j'avais déjà une voiture. C'était vraiment n'importe quoi.
Par conséquent, j'ai souvent pété les plombs. Les portes m'étaient toutes fermées.
Je recevais des sanctions disciplinaires. Un capitaine m'a dit que ce n'était pas possible qu'en si peu de temps dans l'armée, à peine quelques mois, j'avais un tel dossier. Je lui ai dit que c'était normal, parce que je ne réussissais pas là où les autres réussissaient et que je pétais souvent les plombs. Par exemple, une fois, je venais de faire un examen, et quand je suis venu chercher mon permis, on m'a dit que je ne conduisais pas assez bien et qu'on ne voulait pas me donner le permis. Au lieu de signer la feuille, je l'ai déchirée et je l'ai mise dans la poubelle. Un adjudant qui passait par là m'a demandé ce que je venais de faire. Je lui ai dit que c'était une feuille de test, que j'avais échoué à ce test et que je l'avais déchirée, parce que je n'en avais pas besoin et que j'allais passer le test de nouveau. J'ai donc reçu une sanction disciplinaire.
J'ai suivi un autre cours à la base Borden. J'ai rencontré les mêmes personnes et les portes m'ont été fermées de nouveau. Tout le monde passait son examen au cours de la semaine, du lundi au vendredi. On m'a fait passer le mien le vendredi, à 23 heures, pour que je ne puisse pas le refaire. Ils m'ont ensuite dit que je n'avais pas réussi le test, qu'ils n'avaient pas le temps de me le faire passer de nouveau et qu'il fallait que je retourne à la base Valcartier. C'était la même personne. C'est là que j'ai vraiment pleuré.
J'ai fait un grief. Je pense que les colonels ont pris des mesures et qu'ils ont retiré cette personne.
En somme, toutes les portes m'étaient fermées. C'était une lutte.
C'est bon de savoir qu'après le dépôt de votre grief, cette personne a été retirée.
J'aimerais que vous me parliez des processus. Vous avez dit qu'il y avait eu de l'amélioration. Vous serait‑il possible de nous dire comment ces processus se sont améliorés. C'est désolant et c'est triste que vous ayez eu à subir tout cela et que vous ayez été obligé de faire un signalement, mais pouvez-vous nous dire comment les processus se sont améliorés et comment ils pourraient être améliorés davantage?
La chaîne de commandement s'est penchée sur mon dossier, surtout à Ottawa. Quelqu'un avait envoyé mon dossier, qui comprenait des textes que j'avais écrits. À Ottawa, le général Alex Tremblay — je n'oublierai jamais ce nom — s'est rendu à Valcartier avec un cortège de sept ou huit véhicules à l'heure du midi, avant le repas. Il a demandé que les bataillons soient rassemblés, que tout le monde se rende à l'endroit où il y avait un hélicoptère. À ce moment-là, il nous a dit qu'il n'était pas fier de nous, que ce n'était pas pour ça que nous étions entrés dans les forces, qu'il y avait des gens qui travaillaient. Il a dit que ce n'était pas possible d'agir comme ça. Il s'est emporté contre tout le monde.
Ordinairement, quand le commandant ou le général entre quelque part, il salue et il commence par dire de bonnes choses. S'il y a quelque chose à rapporter, il le fait ensuite. Par contre, cette fois-ci, le général a juste fait éclater sa colère, puis il s'est retiré. Tout le monde est resté debout.
Cela est arrivé parce que mon dossier avait abouti à Ottawa, et les gens se sont alors parlé. Malgré cette intervention, ils ont continué à me barrer la route. Plus personne ne me parlait dans cette organisation. J'ai dû changer de métier. On m'a dit que j'avais gagné, mais que je ne pouvais pas rester là et que je devais changer de camp.
Je suis allé voir les officiers de sélection du personnel des bases, ou OSPB, pour me préparer à un autre emploi. Personne ne m'a aidé, parce que le major connaissait mon dossier et que c'était moi contre eux. J'ai dû faire toutes mes démarches tout seul pour me recycler dans une autre profession. Je suis retourné à Borden pour faire un autre métier. Je n'ai pas eu l'encadrement que tous les autres militaires reçoivent quand ils veulent changer de métier. Ils ont un encadrement pour les guider. J'ai fait cela tout seul comme caporal et j'ai réussi, comme d'habitude.
Beaucoup des mesures ont été prises après la colère du général Alex Tremblay, qui était venu directement d'Ottawa et qui avait fait trembler toutes les garnisons. Je pense que ça a vraiment aidé. C'est impressionnant de voir ce qu'un individu peut faire.
Ils m'ont fait faire mon test à minuit. J'avais à composer un texte, et le test était sur 45 points. Ils ont cependant pris ma feuille et soustrait 15 points, juste pour jouer avec mon moral. Par conséquent, j'ai fait le test sur 30 points. J'ai fait mon test. Je l'ai tout rempli et je l'ai livré à temps. Il y en a beaucoup qui n'ont pas pu le livrer à temps et qui l'ont réussi, mais, moi, je n'ai pas pu. Ils m'ont dit que, le lendemain, un samedi, je n'aurais pas le temps de le passer parce qu'ils levaient le camp. Ils m'ont renvoyé à Valcartier. J'ai conduit en pleurant.
Je n'ai jamais rien dit à ma famille jusqu'à aujourd'hui. J'ai déposé des griefs, j'ai gagné, mais personne ne le savait. C'est juste maintenant que je le dis.
Je faisais partie du 5e Bataillon des services, à Valcartier. Par la suite, j'ai travaillé comme soldat-technicien, et c'est à ce moment que je suis revenu à Montréal, après mes cours.
Monsieur Dorval, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui pour nous faire part de votre histoire. Je l'ai trouvée très intéressante.
Vous avez un langage coloré. Je n'écoutais pas l'interprétation anglaise, mais, quand vous avez dit plusieurs fois que vous aviez pété les plombs, j'étais curieux de savoir comment les interprètes avaient interprété ça pour les collègues anglophones. J'apprécie le fait que vous parliez sans filtre, monsieur Dorval.
Vous avez parlé de votre expérience difficile au fil des années, et vous avez dit plusieurs choses qui m'ont interpellé, notamment le fait que vous vous êtes senti plus léger quand vous êtes arrivé à Montréal.
Était-ce une question culturelle? Était-ce simplement parce que vous aviez changé de milieu, un milieu qui était peut-être extrêmement oppressant pour vous à cause des circonstances? Qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes senti plus léger en arrivant à Montréal?
À Montréal, c'était plus simple, pas seulement pour le caporal Dorval, mais aussi pour un Noir qui y arrive, qu'il soit capitaine ou n'importe quoi d'autre. Après deux ou trois mois, il a fallu que je bouge de là.
À Montréal, l'approche est différente, et ce n'est pas la même mentalité non plus. C'est peut-être parce que cette agglomération compte beaucoup de Noirs, je ne sais pas. La plupart des gens sont des civils.
J'imagine que c'est un peu à ça que vous faisiez allusion, quand vous avez dit que vous étiez un extraterrestre. C'est justement parce que vous vous sentiez déraciné que vous ne sentiez pas que vous étiez dans votre élément à ce moment-là.
Non, ce n'est pas parce que j'étais déraciné, mais parce qu'on me traitait différemment. Je ne passais pas par les mêmes portes que les autres. Quand je suis arrivé, on m'a carrément tenu à l'écart.
J'étais chauffeur. Quand les responsables attribuaient les tâches pour conduire un camion de 16 tonnes, par exemple, ils envoyaient tout le temps deux personnes. Cependant, quand c'était à moi que l'on attribuait cette tâche, j'étais toujours tout seul pour la faire, alors que cette même tâche demandait qu'il y ait deux personnes.
J'exécutais bien ma tâche, en temps et lieu, mais j'étais toujours tout seul. Je n'ai jamais eu de coéquipier quand je faisais mes tâches.
Monsieur Dorval, dans les réponses que vous avez données aux questions posées précédemment par mes collègues, je vous ai entendu parler des difficultés que vous avez vécues pendant votre parcours pendant que vous étiez en service.
Vous avez aussi dit que, depuis que vous avez quitté les Forces armées canadiennes, vous êtes satisfait des services que vous recevez d'Anciens Combattants Canada.
Il est rare que les gens nous appellent, nous, les députés, pour dire que le ministère ne leur cause aucun problème, qu'il leur donne leurs prestations et leurs indemnisations.
Généralement, quand les gens s'adressent à nous, c'est pour nous dire que ça ne va pas, qu'ils ont de la difficulté à recevoir l'argent qu'on leur doit ou à obtenir les services auxquels ils ont droit.
Dans votre cas, aviez-vous des besoins particuliers après votre départ des Forces canadiennes? Quand vous avez les quittées en 2019, avez-vous eu affaire à Anciens Combattants Canada pour des raisons précises ou pour obtenir des services particuliers?
Quand j'ai quitté les Forces canadiennes, je pense que tout était déjà prévu lorsque je me suis adressé au ministère. Je n'avais qu'à signaler mes besoins.
Je ne peux pas parler pour un autre, mais, personnellement, je suis vraiment bien.
C'est rafraîchissant de vous entendre. Comme je vous l'ai dit, on n'entend jamais parler des choses qui vont bien. On entend toujours parler des choses qui vont mal.
Vous n'avez pas eu un parcours exempt d'obstacles, mais le fait de savoir que, présentement, vous êtes bien, que vous avez des réponses rapides et favorables aux demandes que vous faites est tout de même rafraîchissant. Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui devant nous.
Encore une fois, monsieur Dorval, je vous remercie du service que vous avez rendu au pays. C'est quelque chose que je respecte énormément. Merci beaucoup.
Je vous remercie d'être venu nous voir aujourd'hui.
Je tiens à vous remercier, monsieur Dorval, pour votre témoignage aujourd'hui. Il nous a déjà été d'une grande utilité.
Certaines des questions qui vous ont été posées sur le racisme systémique et les politiques étaient très intéressantes. Je vous ai entendu dire que vous étiez toujours en guerre contre quelqu'un, que les portes étaient toujours fermées devant vous, que la chaîne de commandement avait pris l'habitude de regarder votre dossier et que vous étiez seul pour vous acquitter d'une tâche qui devait en temps normal être exécutée par deux personnes. Je pense que ce sont de très bons exemples de racisme systémique. Ces choses font partie intégrante du système et sont souvent invisibles, sauf pour ceux qui les subissent. Merci d'avoir inscrit au compte rendu le récit de votre expérience. C'est extrêmement précieux.
J'ai une question pour vous. Vous avez parlé de quelqu'un — je ne sais pas qui au juste — vous a demandé de rester pour aider les autres militaires noirs. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la personne qui vous a fait cette demande et ce que cette tâche représentait pour vous? Quel genre de travail avez-vous fait en ce sens?
C'est parce que je pouvais écrire et que je pouvais très bien défendre mon point de vue. Je savais comment écrire. Au moins, j'avais cette capacité. Ordinairement, certains prenaient parfois des décisions allant à mon encontre, mais, quand je présentais mes arguments, mon rapport était bien meilleur. Cela m'a aidé.
Je me suis toujours battu, et j'ai toujours gagné, alors que beaucoup d'autres n'ont pas pu rester. Pour réussir l'examen, j'ai eu l'aide d'un lieutenant. Il m'a aidé, lui aussi, parce qu'on l'a gardé en poste pendant neuf ans à titre de lieutenant. Il travaillait dans les mêmes conditions que moi, et on lui a aussi barré la route. Cependant, il a eu le temps de faire un doctorat en administration pendant ces neuf années.
Nous avons évolué ensemble. C'est lui qui acheminait mon dossier parce qu'il était officier, alors que j'étais caporal. J'écrivais et, lui, il acheminait mes dossiers. C'est lui qui m'a dit que je m'étais bien battu, mais qu'il y aurait d'autres personnes qui se retrouveraient dans ma situation. Il m'a dit que je serais peut-être un bon accompagnateur pour ces gens, puisque je savais comment écrire et formuler les plaintes.
J'ai aussi développé cette capacité, qui était latente, au fil du temps. J'étais un guerrier par écrit. J'ai continué d'écrire. C'est ce que j'ai fait toute ma vie. Je me suis battu afin de garder ma place.
C'est en effet très enviable d'être un guerrier par écrit. Je suis très heureuse que vous ayez eu cette compétence et que vous ayez pu la mettre à profit, même si je crois que vous n'auriez pas dû avoir cette responsabilité. Le système aurait dû faire mieux pour que vous n'ayez pas à livrer toutes ces luttes. Cela dit, merci de nous avoir expliqué ce que vous avez vécu.
Vous avez dit à maintes reprises que vous ne pouviez pas parler de vos griefs à votre famille. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Vous aviez dit que c'était impossible. Pour quelle raison au juste?
Ne pas pouvoir parler de quelque chose de très difficile aux personnes à qui on fait confiance doit avoir de lourdes répercussions sur la santé mentale. Je me demande si ces problèmes récurrents ont eu des répercussions sur votre santé mentale.
Excusez-moi, j'ai mal expliqué les choses. Ce n'est pas qu'on m'avait interdit de le faire.
Quand je suis allé suivre un cours à Borden pendant deux mois et demi, j'ai dû passer mon test à 23 heures, parce qu'on savait qu'on allait me faire échouer. De plus, le camp était démonté le samedi, et le lundi, c'était la collation des grades. On m'a bousculé, on m'a donné l'examen le plus tard possible pour que je ne puisse pas réussir l'examen. Or, je n'avais pas échoué à l'examen. Celui qui m'a fait ça était content d'aller sur les lieux pour ramasser toutes mes affaires et les mettre dans mon auto afin que je retourne à Québec.
J'ai pleuré, lorsque j'étais en route vers Québec. Je n'ai pas osé dire à ma famille pourquoi j'étais là et comment je m'étais rendu.
Cependant, le lundi matin, quand je me suis présenté dans mon bataillon, le sergent Vézina m'a demandé ce que je faisais là. Il m'a dit que je devrais être à la collation des grades avec les autres. Je lui ai dit que je n'y serais pas. Il m'a demandé pourquoi, et je lui ai dit que je n'avais pas réussi mon examen. Il s'est étonné et m'a dit que j'étais allé à Borden pour apprendre et qu'à mon retour je pourrais travailler. Il disait que c'était une formalité, qu'on n'avait pas le droit de me faire ça. C'est à ce moment qu'ils ont appelé l'école et que tout le processus a commencé.
Personne ne m'avait interdit d'en parler, mais, moi, je trouvais que c'était honteux, humiliant et chiant d'avoir à vivre cela comme militaire. D'ailleurs, quand j'étais en mission, certains ne m'appelaient même pas par mon titre, on ne me disait pas « caporal Dorval ». Ils m'appelaient « l'Haïtien ». Ils m'appelaient carrément « l'Haïtien ». C'était révoltant.
On m'appelait de toutes sortes de noms. La seule fois où j'étais vraiment en vedette, c'est quand on faisait du sport, qu'on jouait au soccer, parce que j'étais bon. C'est moi qui marquais tous les buts. À ce moment, on me demandait d'aller jouer pour l'équipe. Pendant ce temps, je faisais l'intéressant. J'allais aux toilettes, parce que je savais que ma place était là. Par la suite, tous les autres...
Pour être bien certaine d'avoir compris, c'est le général Tremblay qui vous a aidé, qui a parlé aux gens et qui leur a dit que c'était assez. Est‑ce exact?
Oui, je suis allé en Haïti. C'est là qu'on m'appelait « l'Haïtien ». J'ai pu offrir certains services, parce que je connais des gens là-bas. En arrivant, tous les militaires voulaient parler à leur famille, mais il fallait faire la file à la fin de la journée pour avoir accès à un téléphone. J'ai donc réussi à trouver des téléphones pour tout le monde, ce qui a facilité les choses pour les militaires.
Non, j'étais censé participer à une opération, mais j'ai subi une blessure à l'épaule. Mes affaires avaient été envoyées en Afghanistan, mais j'ai dû rester en arrière le temps de récupérer.
Vous avez tracé le chemin, comme certains de vos collègues, et ce n'est pas perdu. Encore une fois, merci d'avoir servi dans les Forces canadiennes. Je vous souhaite de joyeuses Fêtes.
Cela conclut cette partie de la séance.
Je vous remercie tous de votre contribution à cette étude sur l'expérience vécue par les vétérans autochtones et par les vétérans noirs.