:
La séance est ouverte. Bienvenue à la 116
e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le lundi 29 janvier 2024, le Comité reprend son étude portant sur l'expérience vécue par les vétérans autochtones et par les vétérans noirs.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Je vous rappelle que les observations doivent être dirigées vers la présidence.
Aujourd'hui, nous ne pourrons malheureusement pas entendre Mme Lynne Gouliquer. Elle ne pourra ni faire sa présentation ni répondre aux questions, parce que le son n'est pas idéal pour les interprètes, mais elle pourra quand même assister à cette rencontre.
Cela dit, nous avons un témoin avec nous en personne.
[Traduction]
Du Musée canadien de la guerre, nous accueillons M. Michael Petrou, historien, Expérience d'anciens combattants.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Petrou. Vous avez de cinq à six minutes pour faire votre présentation. Ensuite, les membres du Comité vous poseront des questions.
Vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie tous de m'avoir invité. Comme le président l'a dit, je m'appelle Michael Petrou. Je suis historien, Expérience d'anciens combattants, au Musée canadien de la guerre.
J'ai passé les trois dernières années au musée à diriger un projet d'histoire orale intitulé « Leur histoire », qui explore la vie des anciens combattants canadiens et de leurs proches après la guerre et le service militaire. Ce n'est pas l'histoire de la guerre, mais l'histoire des effets postérieurs à la guerre et au service militaire. Nous voulions mieux comprendre comment le service façonne la vie des anciens combattants et de leurs proches après le retour à la vie civile.
À cette fin, j'ai interviewé plus de 200 anciens combattants et leurs proches, allant d'un ancien combattant de 104 ans de la Seconde Guerre mondiale à d'autres beaucoup plus jeunes ayant combattu en Afghanistan et en Irak et à d'autres encore ayant servi en temps de paix. Ces entrevues, qui ont totalisé des centaines d'heures, ont été menées par téléphone et par Zoom, mais surtout en personne, dans des cuisines et des salons partout au pays. Elles nous révèlent que, pour de nombreux anciens combattants, la guerre se poursuit longtemps après que le reste d'entre nous a cessé de s'y intéresser. Elles nous révèlent que le service militaire a des répercussions profondes, intimes et très variées qui continuent de se faire sentir pendant des décennies et parfois même des générations.
Je peux vous parler un peu aujourd'hui de ce que j'ai appris au cours de cette recherche, mais je vous encourage tous à consulter l'exposition en ligne « Leur histoire ». On y trouve 50 extraits de ces entrevues, mais aussi, par l'entremise du Centre de recherche sur l'histoire militaire du musée, la transcription des 200 entrevues. Il s'agit d'une ressource incroyablement riche en information. Encore une fois, il y a des centaines d'heures d'entrevues. Nous espérons que cela sera utile aux membres du public, aux chercheurs, aux universitaires, aux étudiants et aux membres de la famille. L'exposition est également conçue précisément pour le genre de travail que vous entreprenez ici. J'espère que vous vous en servirez et que cela vous sera utile.
Puisque le Comité se concentre sur les expériences vécues par les anciens combattants noirs et autochtones, je tiens à souligner qu'environ 26 des personnes interrogées dans le cadre du programme « Leur histoire » sont autochtones et 11 sont noires. Nous avons également des témoignages d'anciens combattants et de proches d'origine asiatique, sud-asiatique, arabe, musulmane, juive, ou encore appartenant à la communauté LGBTQ+.
Je peux vous parler de certains thèmes communs qui sont ressortis chez les anciens combattants noirs et autochtones, mais je devrais commencer par souligner que bon nombre, sinon la majorité, des expériences les plus profondément ressenties et marquantes des anciens combattants noirs et autochtones sont communes aux anciens combattants de tous les horizons, de toutes les époques et de toutes les guerres et périodes de service.
Le service militaire façonne la vie de tous les militaires. La transition de la vie militaire à la vie civile apporte des changements profonds, souvent marquants, et parfois troublants. Je me souviens d'un ancien combattant ayant servi en Bosnie et en Afghanistan qui comparait le processus de retour à la vie civile à la traversée d'un pont d'une rive à l'autre. La rive d'un côté est familière. Vous vous y sentez en sécurité. Vous connaissez les gens et ils vous comprennent, mais vous devez vous rendre sur l'autre rive, qui ne vous est pas familière. Vous n'y êtes sans doute pas allé depuis l'adolescence. C'est insécurisant, mais vous savez que vous devez vous forcer à traverser le pont. Vous parvenez à l'autre rive, et avec de la chance et du soutien, vous finissez par vous y sentir à l'aise.
Je pense que nous pouvons répartir certains défis entourant la transition vers le statut d'ancien combattant en deux grands groupes. Il y a, d'une part, les défis pratiques qui consistent à trouver un emploi, sans doute un médecin aussi, et un logement. Il y a ensuite, d'autre part, ceux liés à la transition émotionnelle. Votre identité change. Vous êtes maintenant séparé des gens sur lesquels vous pouviez compter entièrement, à qui vous aviez confié votre vie. Tous n'étaient pas des amis, mais vous les aimiez. Ils vous comprenaient. Vous êtes maintenant entourés de gens qui ne vous comprennent pas vraiment ou qui ne comprennent pas ce que vous avez fait. Cela peut être insécurisant. Vous pouvez vous sentir seul.
Les défis liés à la transition sont les mêmes... encore une fois, peu importe leurs antécédents, peu importe qu'ils soient noirs ou autochtones, et peu importe l'époque pendant laquelle ils ont servi.
Je pense souvent à un ancien combattant de l'Afghanistan qui m'a parlé de son retour de la guerre. Il y avait une réunion de famille, un anniversaire ou quelque chose du genre. Il était à la table. Quelqu'un a mentionné le nom d'un de ses compagnons d'armes qui était décédé, et c'est devenu trop pour lui. Il s'est mis à pleurer, et il a dû quitter la table. Son grand-père l'a suivi dans le couloir, lui a simplement mis le bras autour de l'épaule et lui a dit: « Ne t'en fais pas. Je comprends. »
Son grand-père était habituellement du genre peu sensible, alors c'était inhabituel, mais c'était un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, de sorte que leurs expériences de la guerre étaient séparées par des décennies, mais ils avaient en commun d'avoir vécu cette expérience très intime, unique et marquante de perdre un proche au combat. Par conséquent, ils se comprenaient malgré ces différences et d'une manière sans doute inaccessible pour les autres.
Certains thèmes sont propres aux militaires noirs, autochtones et racisés. Le premier est le fait d'utiliser le statut d'ancien combattant comme outil de mobilité sociale et de promotion de l'équité sociale et politique. Je pense aux anciens combattants canadiens d'origine chinoise et japonaise de la Seconde Guerre mondiale qui ont utilisé leur statut d'ancien combattant comme outil pour faire progresser l'équité après la guerre.
Je dois dire que cela n'a pas toujours eu la même efficacité. En effet, de nombreux anciens combattants autochtones de la Seconde Guerre mondiale n'ont pas eu accès au même genre de règlements en vertu de la Charte des anciens combattants que les autres après la guerre. Cela dit, les dirigeants politiques des Premières Nations après la guerre étaient souvent des anciens combattants, et c'est toujours le cas aujourd'hui.
Les personnes noires interrogées ont souvent mentionné que le statut d'ancien combattant était un moyen de prouver la légitimité de leur famille à vivre au pays, soit parce qu'elles avaient servi le pays ou parce que des membres de leur famille l'avaient fait.
Autre thème commun: les tensions ou les niveaux de discrimination différents à l'intérieur et à l'extérieur de l'armée. Un ancien combattant noir a parlé de sa transition de l'armée, où il a passé de nombreuses années et où il sentait qu'on le jugeait plus sur ses mérites que sur la couleur de sa peau, à la société civile canadienne, où le racisme était plus marqué. Il a décrit cela comme un choc culturel.
Je dois dire que cette équité, bien sûr, n'était pas toujours présente, et n'a pas été confirmée par tous les anciens combattants. Certains parlent même de discrimination entre anciens combattants lorsqu'ils retournent à la vie civile. Un ancien combattant autochtone s'est rappelé avoir eu le sentiment d'être assez bon pour mourir aux côtés de ses frères d'armes non autochtones, mais pas assez pour prendre un verre avec eux à la Légion.
Je sais que mon temps de parole tire à sa fin, mais permettez-moi d'aborder brièvement deux thèmes qui, à mon avis, sont sans doute propres aux anciens combattants autochtones. Ils sont tous deux liés à leur rôle dans leurs communautés. Au risque de trop généraliser, je pense que le rôle des anciens combattants au sein des communautés autochtones est souvent unique et sans doute plus important que dans les communautés non autochtones. On le voit, par exemple, dans les défilés solennels lors des pow-wow dans les Prairies. Ce rôle est auréolé d'un grand prestige, mais s'accompagne aussi de responsabilités et du stress qui en découle.
Le dernier thème que j'aimerais aborder est lié au fait d'être un ancien combattant autochtone des Forces armées canadiennes dans un pays qui n'a pas toujours bien traité ou traité équitablement les Autochtones. Comme l'a dit un ancien combattant autochtone: « Nous avons combattu sous un drapeau qui ne nous a pas toujours protégés. »
Au moins deux anciens combattants autochtones ont dit avoir été traités de traîtres pour avoir servi dans l'armée canadienne. L'un d'eux a répondu qu'il était désolé pour la personne qui avait porté cette accusation, car elle ne connaîtrait jamais l'amour et la joie qu'il a ressentis pendant son service militaire.
Les anciens combattants qui ont servi l'ont fait pour différentes raisons. Certains anciens combattants autochtones ont dit avoir servi par amour de la terre. Je pense souvent à un ancien combattant autochtone de l'Est, un Micmac, dont l'explication était ancrée dans l'histoire. Il a dit que son peuple avait signé des traités avec la Couronne britannique et maintenant avec la Couronne canadienne. En servant, il ne faisait que respecter sa part du contrat. Je pense que cela sous-entend le respect de l'autre part du contrat également.
Je vais m'arrêter ici.
Encore une fois, j'ai mené des centaines d'heures d'entrevues, et il y a beaucoup plus à dire.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
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Bien sûr. Encore une fois, je ne peux parler que de ces 11 personnes et de ce que j'ai appris lors de ces entrevues. Je pense que l'expérience de chacun est différente.
Un thème commun qui est ressorti chez les anciens combattants noirs était assurément l'idée de considérer le service militaire comme une voie vers la mobilité sociale. Un ancien combattant a parlé de son retour à la vie civile — ce n'est sans doute pas tant une question de mobilité sociale que de changement social — et du fait que, ayant perçu qu'il existait plus d'équité au sein des forces armées, cela l'a motivé à lutter contre la ségrégation non officielle et certaines formes de discrimination au sein de sa collectivité en Nouvelle-Écosse.
Un autre thème commun qui est ressorti était l'idée de considérer le statut d'ancien combattant comme une voie vers la mobilité sociale. Lors des entrevues, des anciens combattants, y compris des membres de leur famille, parlaient du service militaire d'un ancêtre qui a combattu pendant la Première Guerre mondiale. Je pense ici à deux personnes noires interviewées. Si votre grand-père ou votre arrière-grand-père a servi pendant la Première Guerre mondiale ou, dans ce cas‑ci, a combattu à la crête de Vimy, c'était en quelque sorte la légitimation de votre appartenance au pays. Cela ne devrait pas être le cas, mais lorsque votre identité en tant que Canadien est remise en question, vous avez cet outil pour réagir: voici ce que ma famille a fait. Nous sommes ici depuis la Révolution américaine. Nous avons servi ici, ici et là. Nous avons combattu à la crête de Vimy, sapristi. C'est un talisman, la preuve que nous avons notre place ici.
C'était un thème récurrent. J'aimerais en souligner un troisième. Encore une fois, différentes personnes ont différentes expériences. Je ne dis pas que les forces armées ont été dépeintes comme un endroit idyllique où le racisme était absent, mais en passant de la société civile à la société militaire, certains sentaient qu'ils pouvaient s'épanouir en fonction de leur mérite. D'où ce retour sans doute inconfortable à la société civile où cette plus grande équité disparaît. J'ai mentionné l'ancien combattant qui a parlé d'un choc culturel.
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Je pense que Kathy Grant va s'adresser au Comité après moi. Elle est peut-être mieux placée pour en parler.
Je devrais dire, encore une fois, alors que je m'efforce de rendre compte parfaitement de ce qui est ressorti de ces entrevues, que je peux penser à au moins deux anciens combattants noirs qui étaient des précurseurs dans ce qu'ils ont accompli. Ils en étaient fiers, mais ils n'étaient également pas à l'aise lorsqu'on les pointe du doigt, comme ils le disaient, et qu'on affirme qu'ils sont les premiers Noirs à avoir fait ceci ou cela. Chose certaine, j'ai eu la chance de parler à des anciens combattants noirs qui ont été au premier plan du changement, que ce soit en tant que première femme noire à piloter des avions de chasse ou en tant que descendants de certains des rares anciens combattants noirs de la Première Guerre mondiale.
Une fois de plus, ils en sont fiers, mais pour refléter pleinement ce qui a été dit, certains anciens combattants noirs sont, comme je l'ai dit, fiers de ce qu'ils ont accompli, mais ils se sentent peut-être un peu mal à l'aise lorsqu'on les met dans une bande à part parce qu'ils sont noirs.
J'essaie de saisir les nuances de ces entrevues. Les gens ressentent profondément ce qu'ils ont vécu, mais c'est aussi hautement personnel. J'essaie de souligner certains thèmes, mais j'hésite aussi un peu à dresser un portrait qui englobe tout, si je puis dire.
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Je pense à David Gamble, un vétéran qui a servi autour de 1990 à 1996 et qui a été le grand chef de la Saskatchewan First Nations Veterans Association. C'est lui qui a dit, comme je l'ai mentionné, qu'ils ont servi un pays qui ne les a pas toujours protégés. À propos de la charte des vétérans qui a été établie après la Seconde Guerre mondiale, le libellé de la loi ne se limitait pas à certaines ethnies ou à certaines origines. Cela dit, dans les faits, lorsqu'il était question de l'accès aux terres, aux subventions et au financement, les Autochtones n'en ont pas profité autant que les non-Autochtones. Selon M. Gamble, on leur a donné des terres qui leur appartenaient déjà dans la réserve Beardy's au nord de la Saskatchewan, par exemple. Ce n'était pas une loi explicitement raciste, mais dans les faits, en ce qui concerne l'accès et les avantages, c'était différent.
Je pense qu'il y a une démarcation claire entre le statut d'ancien combattant et le service des anciens combattants d'origine chinoise et des anciens combattants d'origine japonaise, qui ont explicitement fait campagne plus tard pour obtenir réparation, dans le cas des vétérans d'origine japonaise, mais aussi tout simplement pour obtenir un statut équitable sur le plan politique pendant la période qui a suivi immédiatement la guerre. Une fois de plus, c'était une preuve des états de service.
Puisque de nombreux vétérans autochtones sont retournés dans les réserves, on n'a pas eu le même effet immédiat. Cependant, pour ce qui est de développer le leadership d'un groupe de personnes, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, beaucoup de dirigeants politiques des Premières Nations après la guerre étaient des vétérans, et nous le voyons encore aujourd'hui.
Je pense à un vétéran en particulier qui a décrit son enfance. Il était un survivant des pensionnats du Nord de la Saskatchewan. Pour lui, l'expérience vécue dans l'armée, comme il l'a dit... Il était le seul Autochtone de son unité, mais il s'est rendu compte qu'il était aussi bon que les autres et il a prospéré dans l'armée. Il a gardé cette confiance dans la vie civile. Il n'a pas nécessairement fait de politique, même s'il était dirigeant politique, mais il a connu du succès en affaires et dans ses études. Son temps de service a été un point d'inflexion, une transition qui lui a en quelque sorte servi de tremplin.
Une fois de plus, ce n'est pas l'apanage des vétérans autochtones ou des vétérans noirs. Énormément d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale à qui j'ai parlé — je me suis entretenu avec 40 d'entre eux — m'ont dit: « Je possédais une quatrième année et ma vie suivait une certaine trajectoire. Grâce à la charte des anciens combattants et aux compétences que j'ai acquises dans l'armée, ma vie a pris un autre tournant. » Un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale est devenu médecin. Il pratiquait encore la médecine lorsqu'il avait 90 ans. C'est un avenir qui n'était pas à sa portée avant la Seconde Guerre mondiale, avant les possibilités d'éducation qui sont devenues possibles pour lui.
C'est souvent un point d'inflexion, une période de transition où la vie de la personne prend un virage qui n'aurait peut-être pas été envisagé avant. Certains éléments sont propres aux vétérans noirs et aux vétérans autochtones, mais c'était également un thème commun chez tous les anciens combattants avec qui nous nous sommes entretenus.
J'aimerais d'abord présenter la motion dont j'ai donné avis lundi. En voici le libellé:
a) lors d'une récente cérémonie du jour du Souvenir à l'école secondaire Sir Robert Borden, l'école a joué une chanson de protestation anti-israélienne associée à la guerre en cours à Gaza au lieu de jouer de la musique associée au service et au sacrifice des militaires canadiens;
b) le directeur de l'école a défendu ce choix, se plaignant que le jour du Souvenir est trop souvent consacré à « un Blanc qui a fait quelque chose en rapport avec l'armée ».
Le Comité rapporte à la Chambre son opinion selon laquelle le directeur de l'école secondaire Sir Robert Borden devrait être congédié pour ses actions.
Je ne veux pas consacrer beaucoup de temps à la motion, car j'ai des questions pour notre témoin, mais j'aimerais dire quelque chose à ce sujet.
Lorsque je me rends dans des écoles de ma circonscription et d'autres écoles, l'une des choses les plus importantes que j'enseigne aux élèves, c'est à quel point il est important d'honorer et de se remémorer le service rendu par les vétérans et leurs sacrifices, car c'est ce qui leur a donné le droit d'être à l'école et d'apprendre. Je parle aussi de la façon dont d'autres enfants ailleurs dans le monde n'ont pas cette chance et je mentionne à quel point il est important de se rappeler que c'est grâce au service rendu par les anciens combattants et à leurs sacrifices que nous sommes tous réunis ici pour servir les gens de nos collectivités et les représenter.
Lorsque je vois une école éclabousser la cérémonie du jour du Souvenir, se servir de l'occasion pour attirer l'attention sur autre chose que les vétérans et les personnes qui servent actuellement dans l'armée, sur autre chose que ce thème et l'importance de cette journée, je ne peux pas penser à quoi que ce soit d'autre qui pourrait nuire davantage aux efforts déployés pour que la prochaine génération n'oublie pas le service rendu par ces personnes et leurs sacrifices. Il n'y a rien qui porte plus atteinte à leur mémoire que lorsqu'on détourne l'attention ainsi pour faire une sorte de protestation, pour transmettre un message politique ou peu importe ce qu'il en est. La journée doit mettre uniquement l'accent sur le service rendu par ces personnes et leurs sacrifices. C'est uniquement là‑dessus qu'il faut se concentrer.
Sur ce, j'espère certainement que tous les membres du Comité vous se joindre à moi pour condamner ce comportement terriblement honteux, pour défendre nos anciens combattants et pour honorer l'importance du jour du Souvenir.
Je propose cette motion. J'espère que nous pourrons la mettre rapidement aux voix et passer au témoin.
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C'est une bonne question.
J'ai travaillé pendant de nombreuses années à titre de correspondant étranger. J'ai couvert des conflits en Afghanistan, en Irak, au Moyen-Orient et ailleurs. Je pense que certains anciens combattants sont au courant, mais je n'ai pas l'habitude de le mentionner et je pense donc que la plupart d'entre eux ne le savent pas.
Les journalistes et les soldats se trouvent dans les zones de guerre pour des raisons fondamentalement différentes. Je pense qu'il est important de le souligner. J'ai connu certaines des personnes que j'ai interrogées en Afghanistan. Certains éléments du métier de journaliste dans une zone de guerre sont similaires. Pour le meilleur ou pour le pire, je sais ce que c'est que de se faire tirer dessus et je sais ce que c'est que de perdre des collègues. Ce sont peut-être des points semblables, mais au bout du compte, nous nous trouvons dans des zones de conflits pour des raisons différentes.
Lorsque je me faisais tirer dessus, je me recroquevillais en position fœtale au fond d'une tranchée. Je pense que c'est parfaitement normal pour un journaliste. Je pense cependant que les soldats ont des réactions différentes. Je dirais à contrecœur que cela m'a peut-être donné un aperçu de certaines des expériences vécues par les anciens combattants, mais dans une très faible mesure.
Le fait d'être un journaliste et d'avoir une vaste expérience lorsqu'il s'agit de parler aux gens et, surtout, de savoir se taire, m'a peut-être été utile dans cet exercice qui, je dois dire, si vous me le permettez, a été très valorisant. En effet, je me considère très chanceux d'avoir eu les conversations que j'ai eues, surtout avec les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, que nous sommes malheureusement en train de perdre. Cette expérience a été enrichissante du début à la fin, et j'en suis reconnaissant.
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Mon père était un ancien combattant de l'Armée canadienne et de la force aérienne. Il était un immigrant de la Barbade. Il a choisi de venir au Canada pour participer aux efforts visant à vaincre nos ennemis pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Après une longue carrière dans la fonction publique, mon père s'est efforcé de mieux comprendre et de faire connaître les contributions des participants noirs à l'effort de guerre. Avant sa mort, il m'a demandé de poursuivre ces efforts. C'est ce que j'ai fait et je le fais toujours aujourd'hui. D'autres ont grandement contribué à mes recherches. Les travaux approfondis de feu Thamis Gale et sa vaste collection de recherches ont été déterminants.
Les efforts déployés par de nombreux anciens combattants pour me raconter leurs histoires et me faire part de leur perspective se sont révélés inestimables. Les membres des familles des anciens combattants ont enrichi mes recherches et mes connaissances. La collaboration d'éducateurs professionnels, de membres des Forces de réserve, de journalistes multimédias, d'étudiants assistants de recherche, de Bibliothèque et Archives Canada et du Musée canadien de la guerre a grandement enrichi mes travaux. Bien entendu, les travaux de votre comité sont axés sur l'expérience contemporaine de nos anciens combattants et sur les moyens de contribuer à améliorer cette expérience.
Ce que je tiens à vous communiquer, c'est que le passé — notre histoire — façonne le présent. Si nous comprenons correctement le passé et si nous comprenons pleinement le présent, nous sommes bien équipés pour façonner l'avenir.
Il y a 110 ans, de nombreux Canadiens noirs et d'autres personnes originaires des États-Unis et des Caraïbes souhaitaient ardemment s'enrôler dans l'armée canadienne pendant la Première Guerre mondiale. Certains d'entre eux y sont parvenus, mais de nombreux autres se sont vu refuser l'enrôlement uniquement à cause de leur race. Après deux ans de plaidoyer de la part d'ecclésiastiques et de dirigeants communautaires noirs, et après de nombreux obstacles et autres blocages, le 2e Bataillon de construction a commencé à prendre forme. Il s'agissait d'une unité composée entièrement de Noirs et dirigée par des officiers blancs, à l'exception d'un capitaine honoraire noir, qui était aumônier.
Au bout du compte, environ 600 membres de cette unité ont été envoyés en Europe dans des rôles de soutien non combattants dans la foresterie et la construction. Ces efforts étaient certainement importants pour l'effort de guerre, mais il ne fait aucun doute que l'idée de trouver des rôles militaires pour une unité entièrement noire sans lui fournir d'armes était en quelque sorte fondée sur l'ignorance et un racisme déraisonnable. En outre, les effectifs n'étaient tout simplement pas suffisants. Néanmoins, le 2e Bataillon de construction a bien servi le Canada et a contribué à notre victoire.
À la suite de nombreuses pressions exercées par la communauté noire, principalement à Toronto et dans les environs, une plaque a été installée à Queen's Park, en Ontario. Pendant des décennies, et même près d'un siècle, on a très peu entendu parler du 2e Bataillon de construction.
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, comme de nombreux autres Canadiens et citoyens du Commonwealth, des hommes et des femmes noirs ont cherché à participer aux efforts militaires pour vaincre les nazis. À l'époque, et jusqu'en 1942, l'Aviation royale canadienne ne permettait pas aux Noirs de s'enrôler. Il fallait être de pure souche européenne. La Marine royale canadienne avait mis en œuvre une politique d'exclusion selon laquelle il fallait être de race blanche pour y entrer. Seule une poignée de marins noirs ont été acceptés — cinq dans toute la Marine royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale — et un seul a pu partir à l'étranger. L'Aviation royale canadienne a fini par céder et quelques Noirs qui s'étaient enrôlés, et dont mon père faisait partie, se sont distingués.
Vous pouvez lire certaines de ces histoires sur notre site Web sur les récits des anciens combattants canadiens noirs, qui s'appelle Black Canadian Veterans Stories, à l'adresse www.blackcanadianveterans.com, ou sur notre page Facebook du même nom. Le 7 novembre, nous avons également lancé un nouveau site Web sur le 2e Bataillon de construction.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les contributions des Canadiens de race noire à nos forces armées se sont poursuivies et multipliées dans les domaines de l'infanterie, de la plongée, de la médecine, de l'aviation, de la logistique, de l'ingénierie, de l'administration, de la mécanique, du transport et, en fait, dans tous les secteurs des forces armées, de la Marine et de la force aérienne.
Malheureusement, de nombreux Canadiens sont moins conscients de la contribution importante, dans le passé et maintenant, des Canadiens noirs au sein de nos forces militaires. Ce n'est que très récemment que certaines écoles ont commencé à inclure cette information dans les cours. Des renseignements exacts et complets à ce sujet ne sont pas largement disponibles. Avec nos collègues et amis professionnels, nous essayons d'améliorer les choses.
Comme c'est le cas relativement à de nombreuses parties de l'histoire quelque peu oubliées ou ignorées, la mésinformation, les faussetés pures et simples et le peu de recherche bénéficiant d'un soutien financier et moral continuent de limiter notre compréhension. Bon nombre de nos institutions et organismes, qui ne possédaient pas les connaissances nécessaires, ont contribué sans le savoir à la piètre qualité de l'information publique et à la mauvaise compréhension de la contribution importante des militaires noirs. La véritable compréhension engendre la collaboration, la coopération et de meilleurs résultats.
D'anciens combattants noirs m'ont dit qu'ils ne reçoivent pas toujours des services respectueux, rapides et utiles de la part d'Anciens Combattants Canada. Leurs amitiés, les conversations inévitables et les comparaisons sur le plan de la qualité des services avec d'anciens combattants d'autres origines raciales les ont aidés à comprendre qu'il ne s'agit pas d'un problème généralisé concernant toutes les interactions d'Anciens Combattants avec l'ensemble de leurs clients. C'est plutôt une situation qui semble toucher plus fréquemment les anciens combattants noirs. Cela a‑t‑il quelque chose à voir avec la mauvaise compréhension en général de la contribution passée et récente du personnel militaire noir? C'est fort possible.
Comment pouvons-nous avancer vers une reconnaissance réelle de la contribution, passée et présente, de tous les membres de nos forces militaires? En tant qu'historienne et éducatrice, je vais vous faire part de ce que je sais. Il faut mieux éduquer les élèves et la population en général. Pour ce faire, nous devons élargir l'actuel travail principalement bénévole pour faire découvrir et promouvoir l'histoire — exacte et complète — des Canadiens noirs dans l'armée. Il faut aussi encourager l'acquisition de ces connaissances au sein du personnel d'Anciens Combattants Canada. Le respect, l'attention et la compassion reposent, du moins en partie, sur les connaissances.
En terminant, je dois vous dire qu'à Toronto, au cours de mes déplacements dans le cadre de ce travail, je vois des cadets de l'armée, de la marine et de l'air. Je vois de plus en plus de filles et de garçons de diverses origines raciales; beaucoup plus qu'auparavant. Nous avons un problème de recrutement dans nos forces armées. Bon nombre de ces cadets pourraient, dans un avenir rapproché, faire partie de la solution. Préparons-les en leur transmettant une véritable connaissance et une réelle compréhension, afin de les encourager à s'enrôler, avec la certitude qu'ils bénéficieront du respect personnel et professionnel que nous devrions leur offrir, à la fois durant leur service et après en tant qu'anciens combattants.
Merci.
Tout d'abord, je tiens à vous dire que je suis fier d'être le fils de mon défunt père, Leo, qui a débarqué sur la plage Juno pendant la Seconde Guerre mondiale. J'ai un frère aîné qui a servi pendant 30 ans. J'ai moi-même servi pendant 27 ans.
Je représente la Nation métisse de la Saskatchewan, qui représente les titulaires de droits au titre de l'article 35 en Saskatchewan. Nous sommes un gouvernement dirigé par des citoyens métis, qui travaille pour les Métis. Il se consacre au maintien et à la promotion des droits, de l'identité et du bien-être du peuple métis. Nous travaillons actuellement à la négociation d'un traité moderne avec le gouvernement du Canada pour promouvoir les intérêts de nos citoyens, y compris nos courageux anciens combattants et leurs familles.
En tant que représentant des anciens combattants pour la Nation métisse de la Saskatchewan, je parlerai des choses qui comptent pour les anciens combattants métis. Ce qui est important pour les anciens combattants métis correspond essentiellement à ce qui est important pour les anciens combattants des Premières Nations et les anciens combattants inuits. Certaines de ces choses consistent simplement à échanger des histoires, à soutenir les anciens combattants et leurs familles, à soutenir la transition et à savoir quand la distinction est essentielle. Les peuples autochtones ont toujours été exclus de l'histoire et des histoires qui sont racontées. Un excellent exemple est le fait que peu de gens connaissent le rôle essentiel des transmetteurs de messages codés. Les Métis ont également connu ce sort, car la société et l'histoire ont souvent adopté une approche panautochtone lorsqu'il s'agit de raconter l'histoire et les réalisations de nos peuples. Comme nous nous sommes battus aux côtés de nos cousins des Premières Nations, il est important de faire la distinction et de veiller à ce que notre fierté métisse soit visible.
À cette fin, la Saskatchewan s'attache principalement à identifier les anciens combattants dans la province, à établir des liens avec eux, à les aider à établir des liens entre eux et à commencer à documenter et à recueillir leurs histoires et leurs expériences distinctes. Personnellement, je sais que, lorsque nous parlons de tout ce qui concerne les anciens combattants, il y a une coupure lorsqu'il s'agit des régions éloignées du Canada. Il y a un énorme fossé.
Merci.
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Merci beaucoup pour ce travail. J'espère que cela donnera de bons résultats.
Tout d'abord, je souhaite la bienvenue à ces personnes de la Saskatchewan. C'est un plaisir de vous accueillir, vous qui venez de ma province. Je siège au Comité depuis 2017. En 2018, le Comité s'est rendu dans le Nord de la Saskatchewan, à Beauval. Je ne sais pas si vous considérez que c'est dans le nord de la province, mais, de notre côté, nous considérons que c'est le cas. Nous sommes également allés à Yellowknife, et j'ai eu l'occasion de discuter amplement avec d'anciens combattants autochtones.
Je veux simplement prendre un moment pour dire que l'issue de la bataille de la crête de Vimy n'aurait pas été la même pour les Canadiens sans les incroyables capacités en cartographie des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada et sans leur engagement à l'égard de toute cette opération. Au lieu de perdre 100 000 soldats, comme cela a été le cas pour la France et l'Angleterre, nous avons pu remporter la victoire là‑bas. Je vous remercie, vous et vos ancêtres, de votre contribution.
Vous avez mentionné certaines des frustrations du passé qui subsistent, et je sais qu'à l'époque de la Seconde Guerre mondiale, des promesses ont été faites, mais elles n'ont pas été tenues. Pourriez-vous nous en parler brièvement? Ensuite, j'ai une citation à laquelle j'aimerais que vous réagissiez.
Je trouve les témoignages tellement intéressants.
Je tiens à vous remercier, monsieur Bélanger, d'avoir servi le pays.
Je tiens également à vous remercier, madame Grant, de perpétuer l'héritage de votre père. Je vous remercie de votre contribution et de l'engagement générationnel que vous avez pris.
Tout d'abord, madame Grant, un vétéran autochtone est venu témoigner devant notre comité au début de notre étude. Il a parlé d'un espace réservé aux vétérans autochtones leur permettant de se réunir, de parler de leurs expériences, de communiquer et de faire participer ACC afin qu'il en apprenne davantage sur ce qui se passe au sein de cette communauté à tous égards — l'histoire et ce que les vétérans vivent.
Pensez-vous que cela serait utile pour la communauté des vétérans noirs également? Il s'agirait d'un espace où ils pourraient se réunir et discuter, et qui permettrait à ACC de tirer des leçons sur la façon d'améliorer la prestation des services. Après ce que vous venez de dire, soit qu'il faut clarifier l'information sur l'histoire et la corriger quand d'autres sources diffusent de l'information erronée, il pourrait s'agir aussi d'un élément.
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Je suis ravi que vous soyez mon ami.
Je remercie les témoins de leur présence.
Madame Grant, merci d'avoir écouté votre père, de respecter sa volonté et d'être capable de rappeler le passé pour lui rendre hommage.
À nos invités qui ont servi, je vous en remercie.
Je sais que ma collègue, Mme Wagantall, a mentionné la Saskatchewan. Comme je viens de Moose Jaw, je me réjouis que nous soyons plus nombreux que les Ontariens ici aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence, et c'est pourquoi nous le mentionnons.
Madame Grant, mon oncle était originaire de la Jamaïque. Lorsque j'étais enfant, les Noirs et les Blancs... Il n'y avait que ma famille. Ce n'est que lorsque l'on est confronté à certains commentaires que font d'autres personnes... C'est quelque peu dégoûtant, à mon avis. Je vous suis reconnaissant d'être ici et de pouvoir en parler.
L'une des choses dont nous sommes fiers, en tant que Canadiens, c'est le chemin de fer clandestin. Dans votre témoignage d'aujourd'hui, vous nous dites que nous sommes peut-être fiers du chemin de fer clandestin, mais qu'il reste du travail à faire.
J'aimerais revenir un peu sur ce que vous disiez à propos des médias américains et de la mesure dans laquelle l'image des Noirs dans l'armée canadienne ne correspond pas exactement à ce que nous pensons. Que faites-vous pour contrer cela et montrer ce qui s'est réellement passé?