[Français]
Bienvenue à la 74e réunion du Comité permanent des anciens combattants.
[Traduction]
Pendant la première heure, conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le lundi 3 octobre 2022, le Comité reprendra son étude sur les expériences vécues par les vétéranes.
Pour cette première heure, nous accueillons deux témoins, mais nous essayons de rejoindre Mme Hayward parce que la vérification du son ne s'est pas très bien déroulée. Nous allons essayer de résoudre ce problème.
Au cours de la deuxième heure, le Comité procédera à l'étude de ses travaux.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Les députés peuvent participer en personne ou au moyen de l'application Zoom.
En ce qui concerne l'interprétation, ceux et celles qui participent à la réunion au moyen de l'application Zoom peuvent choisir le canal français, le canal anglais ou le parquet.
Bien que cette salle soit munie d'un système audio performant, il est possible qu'il se produise une rétroaction acoustique qui peut blesser les interprètes. Nous vous demandons donc de ne pas approcher l'oreillette près du microphone pour éviter cette rétroaction, de façon à ce que nous puissions poursuivre la réunion et éviter de causer des problèmes à nos interprètes.
Conformément à notre motion de régie interne, les tests de connexion ont été faits, ou bien on va continuer de les faire.
Je voudrais vous présenter maintenant un avertissement de traumatisme, parce qu'il sera question d'expériences vécues par les vétéranes.
Avant d'accueillir nos témoins, nous allons discuter d'expériences liées à la santé mentale. Cela peut-être un élément déclencheur pour les gens ici avec nous, les téléspectateurs, les membres du Comité et leur personnel qui ont vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez bouleversés ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer le greffier le plus rapidement.
[Traduction]
Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais émettre un avertissement. Il se peut que nous discutions d'expériences liées à la santé générale et à la santé mentale. Ces sujets peuvent déclencher des réactions chez les personnes qui nous regardent, les députés ou les membres du personnel qui ont vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez en détresse ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer le greffier.
[Français]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
[Traduction]
Nous accueillons Mme Caleigh Wong, qui comparaît à titre personnel. Nous avons également, par vidéoconférence, Stephanie Hayward, qui est une ancienne combattante.
Vous disposerez d'environ cinq minutes pour formuler vos observations liminaires. Ensuite, les membres du Comité vous poseront des questions.
Si vous le voulez bien, je vais commencer par vous, madame Wong. Vous êtes ici et vous disposez de cinq minutes pour vos observations liminaires. Allez‑y.
:
Merci, monsieur le président. Je crains de dépasser mon temps de parole d'une minute ou deux, j'espère donc que vous me pardonnerez.
J'aimerais commencer par reconnaître que j'ai été relativement chanceuse dans le cadre de mon expérience militaire. Contrairement à de nombreux témoins qui se sont présentés devant vous, et contrairement à de nombreuses femmes qui ont servi dans les Forces armées canadiennes, je n'ai jamais été victime d'un viol aggravé. J'étais également réserviste, et je n'ai servi que pendant cinq ans et n'ai été déployée qu'une seule fois, pour une mission de six mois en Lettonie. Je n'ai jamais envisagé de faire toute ma carrière dans les Forces armées canadiennes, et comme je n'avais pas de factures importantes à payer ni de famille à entretenir, j'ai toujours eu la possibilité de partir.
Je suis ici parce que je pense pouvoir offrir la perspective de quelqu'un qui a eu un pied dans les deux mondes: en tant que soldat ayant participé à des opérations pendant un certain temps et en tant qu'étudiante et militante dont le travail a été largement axé sur la discrimination au sein des Forces armées canadiennes.
Dans ces observations liminaires, j'aimerais parler principalement des deux expériences les plus formatrices que j'ai vécues au sein des Forces armées canadiennes, à savoir ma qualification militaire de base et les expériences que j'ai vécues avant et pendant mon déploiement.
J'ai rejoint la Première réserve de l'armée à l'âge de 18 ans. J'ai terminé ma qualification militaire de base et ma qualification militaire de base Terre à 19 ans, et ma formation aux métiers à 20 ans, et j'ai été déployée à l'âge de 21 ans. J'ai été libérée l'année dernière, à l'âge de 23 ans.
Pendant la période qui a précédé mon cours de qualification militaire de base, j'ai été affectée à une base aux services généraux en tant que soldat non formé, en attendant la date de début de mon cours. Pendant cette période, un militaire beaucoup plus âgé — un homme — m'a fait des avances non désirées, en évoquant un fétichisme pour les Asiatiques. Cet individu plaisantait également sur le fait qu'il conservait du contenu pédopornographique sur son ordinateur. Quelqu'un d'autre que moi l'a dénoncé. Toutefois, en tant que victime concernée, c'est sur moi que le rapport s'est concentré à partir de ce moment‑là. L'officier à qui j'ai parlé m'a dit qu'on me demanderait de témoigner lors d'une procédure relative à l'incident et que je ne devais plus parler à cette personne.
Pour autant que je sache, il n'y a jamais eu d'accusation et il n'y a jamais eu de suivi avec moi. À l'époque, ce militaire a été puni en étant affecté à la salle des repas, où il devait compter les militaires qui arrivaient pour leur repas quotidien. Je le voyais donc trois fois par jour, tous les jours, et il essayait alors de me parler. J'ai appris plus tard qu'il ne s'agissait pas de sa première infraction. Il était généralement décrit comme un soldat « fou, mais inoffensif » que les gens apprenaient à tolérer. Ces faits se sont produits au cours de mon premier emploi à temps plein au sein des Forces armées canadiennes.
J'ai alors découvert la culture militaire contre laquelle j'allais passer le reste de ma carrière à lutter. Dans cette culture, on appelait les protège-genoux insérés dans nos pantalons des « protections de promotion », le personnel masculin de ma formation de base discutait de projets de coucher avec certaines étudiantes à la fin du cours, et il y avait une tolérance exceptionnelle pour la discrimination et la violence sexuelle.
Pendant les deux premières semaines de mon déploiement en Lettonie, il y a eu une tentative de viol dans le camp. La victime était une Canadienne qui, n'ayant vu le violeur que dans l'obscurité et de dos alors qu'il s'enfuyait, pensait qu'il s'agissait d'un Canadien. Lors de mon déploiement, il y avait environ 500 soldats canadiens sur la base, mais seule la trentaine de femmes canadiennes a été informée de l'événement. La solution proposée par l'équipe de commandement a consisté à mettre en place un système de jumelage entre les femmes soldats et à cesser l'utilisation du sauna unisexe. Pour autant que je sache, les hommes du groupement tactique n'ont jamais été informés de cet incident.
En Lettonie, j'ai entendu à plusieurs reprises mes collègues masculins et même mes supérieurs parler ouvertement de leurs fantasmes ou des expériences sexuelles qu'ils avaient eues avec des femmes soldats dans le camp. J'ai entendu l'une de mes collègues se faire dire de « ne pas jouer la carte du genre » alors qu'elle faisait part de ses préoccupations à son supérieur masculin. J'ai entendu l'un de mes collègues masculins parler d'un groupe Snapchat où des hommes de son régiment affichaient des photos d'eux portant leur coiffure régimentaire pendant des rapports sexuels, parfois à l'insu ou sans le consentement des femmes qui participaient à ces rapports. Au cours de notre formation préalable au déploiement, l'un de mes collègues masculins a constamment dépassé les limites que j'avais fixées, y compris en me tripotant, en particulier lors d'événements où l'on buvait, et il y en a eu beaucoup.
Au cours de mon déploiement et de ma carrière, j'ai entendu d'innombrables histoires de soldats ayant commis ou tenté de commettre des agressions sexuelles sur des civils ou des femmes membres des forces armées. Même après la révélation ou la dénonciation de ces faits, nombre d'entre eux étaient simplement déplacés vers une autre unité ou, dans le pire des cas, rétrogradés d'un échelon.
Il semble y avoir un double raisonnement dans l'esprit d'un grand nombre de soldats canadiens de sexe masculin: Les questions d'inconduite sexuelle leur sont « enfoncées dans la gorge » et toute cette affaire au sein des Forces armées canadiennes a donné lieu à une chasse aux sorcières, mais en même temps, je crois qu'il y a une attitude générale selon laquelle il est possible de commettre impunément ce genre d'actes de violence sexuelle parce que cela a toujours été le cas avec les personnes et les histoires dont nous entendons parler tous les jours sur le lieu de travail.
La majorité des femmes que j'ai rencontrées au sein des Forces armées canadiennes ont été victimes d'une forme ou d'une autre de harcèlement ou d'agression sexuelle au cours de leur carrière. Une personne très proche de moi a été agressée sexuellement pendant son cours de formation aux métiers. Bien qu'elle soit passée par le processus ardu et souvent dévalorisant de la dénonciation, elle continue de travailler avec son agresseur presque quotidiennement.
Tout au long de ma carrière, j'ai entendu des hommes de presque tous les grades dire qu'ils pensaient que les femmes méritaient les épreuves qu'elles subissaient dans l'armée. Il y a une attitude sans équivoque selon laquelle nous, les femmes, ne sommes que des invitées à peine tolérées dans ce domaine réservé aux hommes. Les meilleures d'entre nous — c'est‑à‑dire les plus accommodantes, celles qui savent supporter les blagues sur le viol, la culture sexualisée et la misogynie avec grâce et humour — se voient décerner l'honneur ultime pour une femme dans l'armée: celui d'être des leurs.
J'ai le sentiment que la plupart des chefs militaires font preuve d'une profonde incompétence à traiter les violences sexuelles dans leurs rangs. Je perçois également une profonde réticence à le faire. Je constate et j'ai ressenti une forte pression à ne pas dénoncer les faits, et j'ai constaté et ressenti une profonde incapacité de cette organisation à traiter le cas des personnes qui se manifestent.
Pour conclure, je souhaite partager deux entrées de mon journal que j'ai trouvées en préparant ce témoignage. La première a été écrite à peu près à mi‑chemin de mon déploiement. La voici:
Et voilà. J'ai effectué plus de la moitié d'un déploiement de six mois, et je me suis habituée à la mélancolie. Elle me semble normale. Il y a toujours de bons moments bien sûr (surtout quand je bois). Mais en général, je suis triste. La plupart du temps, je me sens vaincue par cette institution. Je pense beaucoup à ce qui se passera la première fois que je rentrerai chez moi, que je m'assiérai chez Rachel, entourée de mes amis, et que je raconterai cette expérience. Il va être déchirant, pour eux aussi, je le sais, de leur avouer à quel point j'ai été malheureuse, mais surtout, qu'ils auraient honte de moi s'ils savaient que je n'ai été que spectatrice, que je suis restée silencieuse pendant tant de moments de haine. Mais je pense qu'il est encore plus difficile de réfléchir au type de personne que je serai quand ce sera fini, à la façon dont j'aurai changé pour toujours. Je pense que, dans une certaine mesure, je porterai toujours cette défaite. Cette perte de foi en quelque chose en quoi je croyais vraiment, ce désenchantement à l'égard de l'organisation et la croyance en la possibilité que les choses s'améliorent. J'imagine que je mûris, mais j'ai beaucoup mûri au cours de ces trois mois. Et je pense que lorsqu'on doit mûrir rapidement, on mûrit un peu différemment qu'avec la grâce du temps.
La deuxième entrée est beaucoup plus courte et date de beaucoup plus tard, après mon retour de Lettonie. Elle se lit comme suit:
Cela fait un an que je suis rentrée de Lettonie. Ces [entrées] ne concernent plus cette expérience, ce qui est fou à dire. Pendant un certain temps, j'ai eu l'impression que la vie serait toujours liée à cette expérience. Et cela ne veut pas dire que j'ai retrouvé la femme que j'étais et les qualités que j'avais avant de partir. En fait, je suis en train de me faire à l'idée que je ne reverrai peut-être jamais cette fille. Que je ne retrouverai peut-être jamais ma joie de vivre. Et je commence à accepter ce fait. Je n'ai pas encore fait tout le chemin, mais je suis en bonne voie.
Merci.
:
Nous reprenons la séance.
Malheureusement, Mme Hayward éprouve encore un peu de difficultés sur le plan informatique. Nous allons procéder à la période de questions avec Mme Wong et les gens qui sont ici pendant que le technicien continue d'essayer de résoudre cette difficulté avec Mme Hayward.
D'ailleurs, Mme Hayward nous a soumis énormément de documents en appui de sa présentation.
[Traduction]
J'aimerais également dire à Mme Wong que nous allons faire une pause de cinq minutes au cours de cette séance. Si vous avez besoin que je m'arrête, faites‑le moi savoir.
Nous allons commencer par une première série de questions de six minutes chacune.
J'invite la députée Cathay Wagantall à prendre la parole pour six minutes.
Nous en avons parlé par le passé et je vous ai posé une question à l'époque. Je vous ai demandé si vous pensiez que cette situation pourrait être gérée et modifiée à l'interne, d'une manière ou d'une autre. À l'époque, vous m'aviez répondu que vous ne le pensiez pas.
Quel est aujourd'hui votre point de vue à ce sujet? Il s'agit clairement d'un problème systémique qui doit être traité, mais d'après les brèves conversations que vous avez eues avec nous aujourd'hui, je me rends compte des difficultés à surmonter pour y parvenir.
Avez-vous des recommandations à faire à ce comité pour qu'il puisse dire: « Écoutez, voilà ce qu'il faut faire »?
À l'heure actuelle, encourageriez-vous votre fille à s'engager un jour?
:
Pour répondre d'abord à votre dernière question, c'est une conversation que j'ai eue avec différents amis. Je pense que si j'avais un jour une fille, j'essaierais probablement de la dissuader de s'engager, mais en tant que femme qui a été dans les Forces, je n'essaierais jamais de l'en empêcher. Je pense que c'est ma réponse.
En ce qui concerne le potentiel interne de changement, je maintiendrais quelque peu la réponse que je vous ai donnée il y a quelques années, mais peut-être avec un peu plus de nuance. Je ne pense pas qu'il y ait une capacité interne nette à résoudre ce problème. Pour un certain nombre de raisons, je ne pense pas que la structure de l'armée et la façon dont les choses comme le changement de culture et les ordres du champ de bataille sont diffusés par la chaîne de commandement soient un modèle qui permette l'introduction d'un changement structurel significatif à une organisation.
Cela dit, je pense qu'il faut des champions internes pour cette question, car nous avons vu au fil des décennies, avec les différents scandales qui ont été révélés au sujet des Forces canadiennes, que la pression extérieure n'est jamais constante. Même si cette démarche doit coïncider avec un mouvement interne, pour qu'elle aboutisse, il faut que la pression vienne des deux côtés.
Je pense que l'enjeu à l'externe est de maintenir cette pression, et qu'à l'interne, il est de souligner, de sélectionner et de responsabiliser des dirigeants présentant des caractéristiques que nous n'associerions pas traditionnellement à un leadership militaire puissant et impressionnant, mais qui sont les plus à même d'instaurer le changement que nous recherchons.
:
Merci pour votre question, monsieur.
Je suis née en Malaisie d'une mère canadienne et d'un père malaisien, et j'ai immigré au Canada à l'âge de 12 ans.
Lorsque je suis arrivée ici, j'ai été réellement enchantée par le Canada en tant que nation, et par l'idéal qu'il projetait. J'ai acquis des droits qui ne m'auraient jamais été accordés dans mon pays d'origine. En tant que femme queer, j'ai la chance de pouvoir afficher ouvertement mon identité, et ma vie au Canada est beaucoup plus riche et épanouie que ce qu'elle aurait été en Malaisie.
Pendant mes années de jeunesse, je me faisais une idée romantique et idéalisée du Canada. À 15 ans, un recruteur des FAC est venu à mon école secondaire pour nous expliquer qu'il était possible de travailler au sein de la Réserve pendant notre parcours universitaire. Je n'ai jamais voulu faire carrière dans les forces armées, mais j'y ai vu un moyen de financer mes études, un appel à l'aventure, une démarche de croissance personnelle, et une occasion de relever de nouveaux défis. Ma perception idéalisée du Canada et un sentiment grandissant de nationalisme ont également pesé pour beaucoup dans la balance. C'est donc pour toutes ces raisons que je me suis engagée dans les FAC.
:
Bonjour à tous. Je m'appelle Stephanie Hayward, et je suis une vétérane canadienne.
J'ai participé en 2009 à un entraînement de base à Saint-Jean, au Québec. J'étais loin de me douter que j'allais être plus en danger en pénétrant dans un campus de formation militaire sur le territoire canadien que si j'avais été déployée dans une zone de guerre au sein d'un pays du tiers monde. J'ai été droguée, kidnappée, et j'ai subi un viol collectif lors d'une journée de formation obligatoire. La dernière chose dont je me souvienne, c'est de m'être endormie en classe après notre pause-repas à la cafétéria, puis de m'être réveillée en panique dans un motel inconnu. En fait, c'est le personnel du motel qui m'a ramené à la conscience. J'étais complètement nue, mes pièces d'identité avaient disparu, j'étais couverte de sang et d'ecchymoses, et je n'étais plus capable de marcher. Pendant les années qui ont suivi, mes agresseurs ont été blanchis et ont pu continuer à gravir les échelons au sein des FAC.
En ce qui me concerne, j'ai sombré dans la pauvreté et j'ai souffert de troubles médicaux non traités pendant 11 ans. J'ai connu la pauvreté extrême, l'itinérance, et des conditions de vie déplorables. Pendant de nombreuses années, j'ai nourri ma fille en me privant moi-même, car je n'avais pas les moyens d'acheter de la nourriture et d'autres produits de première nécessité.
Pendant mes deux grossesses, j'ai souffert de graves complications et de douleurs chroniques dues aux séquelles de troubles physiques non traités résultant de mon agression sexuelle. Pendant ma deuxième grossesse, en 2020, la douleur était si intense que j'ai été alitée et qu'on m'a prescrit de la morphine. Mes deux enfants ont développé des problèmes de santé dus aux complications que j'ai subis lors de l'accouchement.
J'ai effectué quatre tentatives infructueuses auprès du ministère des Anciens combattants entre 2010 et 2020. En 2020, alors que j'étais hospitalisée pour un trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, et une dépression, une travailleuse sociale m'a aidée à présenter une nouvelle demande auprès du ministère des Anciens combattants. J'ai finalement été autorisée à participer au Programme de réhabilitation, 11 ans après le moment de ma libération du service militaire. Le ministère ne m'a jamais aidée lorsque j'étais hospitalisée et que je prenais des médicaments pour traiter ma douleur. Il ne m'a pas non plus aidée à rembourser mes frais médicaux, même s'ils étaient directement liés à des blessures que j'ai subies pendant mon entraînement au sein des FAC.
En novembre 2020, j'ai commencé à recevoir des soins à la clinique TSO de Deer Lodge, à Winnipeg. J'ai entamé une thérapie pour traiter mon trouble de stress post-traumatique, et je peux vous dire que cela m'a réellement sauvé la vie. Je suis très reconnaissante à l'équipe de médecins et d'autres professionnels de la santé, car ils m'ont aidée à me trouver un logement sûr et stable pour mes enfants et moi.
Je tiens à préciser que je suis extrêmement reconnaissante envers le personnel des programmes offerts par le ministère des Anciens combattants, car il a joué un rôle déterminant pour stabiliser ma vie et celle de mes enfants. Néanmoins, je souhaite aujourd'hui vous décrire les lacunes d'un système conçu pour les hommes et leurs besoins.
En 2021, j'ai finalement pu recevoir une indemnité de 21 % pour dysfonctionnement sexuel, ainsi qu'une première indemnité pour blessure grave. J'ai également eu droit à d'autres prestations d'invalidité équivalant à 100 % en raison des blessures que j'ai subies durant mon service militaire. Toutefois, je dois encore me battre pour obtenir des traitements de base pour mes problèmes de santé pelvienne et de santé reproductive. En fait, j'ai passé les trois dernières années à me battre pour obtenir des traitements médicaux essentiels qui m'ont été refusés. J'ai dû payer de ma poche, et on m'a répondu que les problèmes liés à la santé reproductive des femmes ne font pas partie des codes de traitement depuis 1992. Je vis avec des douleurs chroniques et je me bats depuis maintenant 14 ans pour obtenir des soins médicaux de base. Il m'a fallu attendre jusqu'en 2020 pour commencer à recevoir des prestations auprès du ministère des Anciens combattants.
En tant que mère célibataire, je peux compter sur très peu de soutien en dehors de chez moi. Parfois, je n'en reçois aucun. J'ai dû effectuer des démarches pendant deux ans pour avoir accès au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, et on m'a dit que c'était moi qui choisissais d'être une victime plutôt qu'une survivante. Étant donné qu'AC ne m'a pas autorisée à présenter une demande avant juin 2020 et qu'il refuse toujours de me rembourser mes années de salaire perdues, le ministère m'a versé un énorme trop-perçu, m'a retiré des sommes forfaitaires d'invalidité, et va retenir mon salaire pour le reste de ma vie. Je vais également devoir assumer un énorme fardeau fiscal.
Par ailleurs, en raison du nouveau seuil de remplacement de revenu, mon avancement professionnel est compromis, même si j'ai réussi à obtenir une prestation pour diminution de la capacité de gain. Néanmoins, les montants mensuels que je perçois ne sont pas suffisants pour couvrir mes besoins de base et pour me permettre d'assister à toutes les séances prévues dans le cadre de mon programme de réadaptation. Enfin, le retard dans le remboursement de mes prestations m'empêche de prendre des dispositions pour la garde de mes personnes à charge.
À supposer que je reçoive un jour des soins pour mes problèmes de plancher pelvien et d'autres problèmes de santé, mes enfants souffrent eux aussi de problèmes de santé dont les traitements sont très coûteux. Ils doivent suivre des traitements et des programmes de réadaptation de manière continue, mais ne bénéficient d'aucune aide financière ni d'aucun soutien de la part du ministère des Anciens combattants.
Ma première question pour le ministère est la suivante: pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas accéder aux mêmes types de soins et aux mêmes avantages que leurs homologues masculins? Je tiens d'ailleurs à rappeler que la rémunération des vétéranes est de 17 % inférieures à celle des vétérans.
Ma deuxième question est la suivante: pourquoi le ministère ne s'occupe‑t‑il pas des enfants des vétérans et des vétéranes? Après tout, nous sommes responsables d'élever la prochaine génération de recrues potentielles. Par exemple, deux de mes grands-parents ont servi au sein des FAC. Bref, les enfants des vétérans sont importants et méritent mieux.
Les enjeux liés à la défense nationale et aux inconduites sexuelles dans les FAC font régulièrement les manchettes, mais personne ne semble s'intéresser au sort des victimes. De nombreuses victimes qui tentent de chercher de l'aide auprès du ministère des Anciens combattants doivent affronter un système bureaucratique et des mentalités désuètes, ce qui leur fait subir de nouveaux traumatismes. Le ministère dispose des ressources nécessaires pour soutenir les vétéranes et les aider à retrouver une certaine autonomie. Au lieu de cela, nous nous retrouvons trop souvent oubliées.
J'ai moi-même une formation en développement économique communautaire. J'ai dressé une liste de programmes que je recommande, car ils peuvent aider à combler le manque de services.
On m'a donné mon droit de servir, mais j'espère que mon témoignage aujourd'hui contribuera à assurer une meilleure protection aux futures recrues lors de leur entraînement de base. J'espère également que ce témoignage aide à améliorer les soins fournis aux victimes d'agression sexuelle.
Je tiens à remercier le centre de ressources pour les victimes d'agression sexuelle, le Bureau de services juridiques des pensions, VETS Canada, le Fonds du coquelicot, et l'Ombudsman de la défense nationale et des forces armées canadiennes. Le personnel de ces organisations m'a aidée tout au long de ce processus très complexe.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, madame Hayward.
Comme je l'ai mentionné, vous pouvez nous faire signe à tout moment si vous avez besoin d'une pause. Je tiens à vous remercier sincèrement pour votre service et pour votre courage.
Nous allons à présent poursuivre la période de questions et réponses.
Je vous prie de m'excuser, madame Hayward. Les interprètes vous demandent de parler un peu moins vite durant la période de questions. Je sais que vous avez dit souhaiter ne pas prendre plus de cinq minutes pour votre déclaration d'ouverture, mais les interprètes vous demandent de ralentir un peu le rythme. Merci de votre compréhension.
[Français]
Chers membres du Comité, je vous prie d'indiquer à qui s'adressent vos questions.
Je cède maintenant la parole à M. Luc Desilets pour six minutes.
:
Comme je viens d'une famille de professionnels militaires, j'adore l'idée de servir parce qu'on a l'occasion de voyager et de vivre différentes expériences. Je pense que si la culture organisationnelle pouvait changer et respecter les droits de la personne...
Je comprends que vous ne pouvez pas contrôler chaque personne qui s'enrôle dans l'armée et que vous ne pouvez pas la juger à son arrivée, mais le fait est qu'après ma blessure, j'ai été traitée comme une criminelle. On m'a fait sentir comme si c'était moi la mauvaise personne parce que je ne changeais pas ma version des faits pour répondre à leurs mandats. Au lieu de me traiter comme un être humain, on m'a traitée comme un animal: j'ai été confinée jusqu'à ce que je rentre chez moi parce que je ne voulais pas changer ma version des faits afin qu'elle corresponde à celle qu'on préconisait. On m'a menacée en me disant que je pouvais garder mon emploi à condition que je change ma version des faits en disant qu'il s'agissait d'une forme de rituel d'initiation. Ils considéraient cela comme un rituel d'initiation, et non comme une agression sexuelle. Au cours des trois dernières semaines de ma formation de base, avant que je rentre chez moi, pendant que j'étais confinée, on a menacé ma vie et on m'a montré toutes ces choses.
Si les Forces armées canadiennes peuvent changer les choses, tenir les gens responsables de leurs actes, les traiter équitablement et leur fournir des soins médicaux essentiels après une agression... Si on m'avait fourni une trousse de prélèvement en cas de viol au moment de mon agression, on n'aurait jamais remis en question mes blessures parce qu'il y aurait des preuves, ce qui m'aurait permis de porter des accusations criminelles contre quelqu'un. Toutefois, on a détruit des preuves et pris d'autres mesures de ce genre, si bien que je ne pouvais pas fournir d'information. Au bout du compte, ce sont les Forces armées canadiennes qui m'ont fait du mal.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les deux témoins de leurs témoignages percutants.
Nous avons entendu à maintes reprises des vétéranes dire qu'elles ont souvent l'impression que leur expérience est rendue invisible. Dans vos deux témoignages, vous avez expliqué très clairement comment on avait tenté d'occulter ce qui vous était arrivé; à preuve, il n'y a pas eu de suivi, on ne vous a fourni aucune trousse de prélèvement en cas de viol et on n’a pris aucune mesure pour remédier à la situation. Je crois que cela ne fait qu'accentuer la réalité du sentiment d'être invisible et laissé pour compte.
Je vais commencer par Mme Wong, mais je vous pose la question à toutes les deux.
L'un des points qui sont ressortis très clairement dans le cadre de cette étude, c'est que la collecte de données laisse à désirer. En effet, les données ne sont pas recueillies en bonne et due forme pendant le service militaire. Résultat: lorsque les vétéranes s'adressent à Anciens Combattants Canada, il est souvent difficile de prouver ce qui s'est passé en raison de l'absence de données.
J'ai une question à deux volets. Premièrement, selon vous, quelles données devraient être recueillies à l'avenir pour que vous puissiez recevoir le soutien dont vous avez besoin auprès d'Anciens Combattants Canada? Deuxièmement, cette documentation devrait-elle être produite à l'interne, comme c'est le cas actuellement — tout incident étant déclaré à l'interne —, ou devrait‑il s'agir d'un processus externe pour que les Forces armées canadiennes prennent du recul lorsqu'on signale des incidents comme ceux que vous avez vécus?
Madame Wong, puis‑je commencer par vous?
Je pense que Mme Hayward pourra sans doute vous parler un peu plus des données dans le contexte des demandes faites par la suite auprès d'Anciens Combattants Canada.
Je suis d'avis qu'il faut externaliser le processus. La nature du milieu militaire étant ce qu'elle est, lorsqu'on habite dans des logements familiaux, on socialise, on vit, on cohabite et on s'entraîne avec tous ceux avec qui on travaille. Dans le contexte militaire, les agressions sexuelles sont habituellement commises par des personnes que les victimes connaissent déjà. Selon moi, tout le mécanisme de signalement des incidents et de compilation des données devrait être externalisé parce que, même s'il y avait une façon plus informelle de dénoncer une situation, au lieu de devoir recourir au mécanisme officiel de signalement, je pense que ce serait utile.
J'espère que cela répond à votre question. Je sais qu'il y avait deux volets, mais je ne sais pas trop quoi dire à propos de l'autre sujet.
:
Dans un monde idéal, il y aurait un moyen de le faire pour toutes les femmes du Canada, y compris les femmes des Forces armées canadiennes. L'agression sexuelle ne se limite pas à l'acte proprement dit; il y a aussi la collecte de données après coup. Il faut tenir compte des répercussions sur le corps. De plus, les victimes méritent le droit d'intenter une poursuite au criminel, si elles peuvent le faire.
Dans le cadre de mes études et de ma collaboration avec l'ombudsman national, j'ai découvert que seulement 20 % des hôpitaux canadiens offrent des trousses de prélèvement en cas de viol. Chaque fois, l'hôpital le plus près d'un centre d'entraînement de base ou d'une base militaire se trouve à des centaines de kilomètres. C'est là qu'il faut se rendre pour obtenir une trousse. J'ai communiqué avec le médecin général, et je sais que les Forces armées n'ont pas l'intention d'appliquer un protocole relatif aux trousses de prélèvement en cas de viol. Il en coûte 1,25 $ pour fournir ces tests.
Ce qui est déplorable, c'est la collecte de données. À mon avis, le processus devrait être semblable à celui qui est utilisé par les services aux victimes au Canada et dans le cadre duquel l'information est consignée par une autre personne. Au moins, il y a ainsi un intermédiaire. Pour ma part, lorsque j'ai essayé de signaler l'incident, je n'avais même pas le droit de m'adresser à la GRC. On ne m'a pas permis de faire appel à des ressources civiles. J'étais essentiellement confinée dans un endroit et je ne pouvais parler à personne. Je ne pouvais même pas aller chercher des serviettes hygiéniques par moi-même, même si je n'arrivais pas à marcher. Je ne pouvais aller nulle part. Au bout du compte, si j'avais pu parler à quelqu'un d'autre...
J'ai fait tout ce que j'ai pu pour survivre dans l'immédiat. Je craignais simplement pour ma vie. Si quelqu'un d'autre m'avait écoutée, j'aurais pu expliquer ce qui s'était passé. Ils m'ont accolé toutes sortes d'étiquettes juridiques et militaires, mais ils ne m'ont jamais laissé parler à qui que ce soit. Lorsque je suis rentrée chez moi, la GRC m'a dit qu'elle ne pouvait rien faire, faute de renseignements. On avait retenu l'information.
Je crois que c'est ainsi que les violeurs s'en tirent impunément. Ils peuvent cacher l'information. S'il y avait ne serait‑ce qu'un moyen de retracer les données, on pourrait peut-être repérer l'agresseur. Je sais que je ne suis pas la seule victime.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos invitées d'aujourd'hui de leur service et de leurs témoignages. J'espère que cela aidera d'autres personnes qui servent actuellement dans l'armée ou qui envisagent de le faire à un moment donné.
J'ai pris connaissance d'un rapport rendu public aujourd'hui. C'est un rapport choquant et troublant de Statistique Canada qui révèle une augmentation importante des cas d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Il vient tout juste d'être publié. En fait, je viens d'y jeter un coup d'œil pendant que nous étions ici. Les chiffres sont extrêmement décevants.
Une première étude a été réalisée, il y a quelque temps, sur l'inconduite sexuelle dans l'armée, étude à laquelle j'ai participé. Je crois que c'était au début de 2020. Ce sont les chiffres que nous voyons ici, à titre d'exemple. En 2016, le pourcentage de personnes ayant signalé une agression sexuelle dans le milieu de travail militaire était de 1,7 %. En 2018, c'était de 1,6 %. En 2022, ce taux est passé à 3,5 %.
La situation ne s'améliore pas. Nous avons produit un rapport, mais j'ignore si nos recommandations ont été mises en œuvre. Il est extrêmement malheureux de voir ce genre de chiffres.
Plus particulièrement dans votre témoignage, madame Wong, vous avez dit que ceux qui avaient commis ces crimes horribles dans l'armée avaient été rétrogradés ou mutés, alors qu'on vous traite parfois comme une invitée à peine tolérée. Ce genre de constat est extrêmement décevant.
Que pouvons-nous faire comme organisation? Avons-nous besoin de plus de femmes dans les grades supérieurs?
Compte tenu de ce qui se passe... Comme vous l'avez dit, quand on est un simple spectateur, on se sent mal dans l'immédiat. Je suis sûr que c'est souvent le cas.
Que devons-nous faire? Ces chiffres sont absolument choquants. Les gens ne voudront pas s'enrôler dans l'armée. Nous ne voulons certainement pas qu'ils aient à vivre les expériences que vous avez vécues toutes les deux.
J'aimerais simplement entendre vos observations sur ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation.
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Je vous remercie de votre question.
Je ne sais pas du tout si ce sera une solution simple. Je ne pense pas que le fait d'ajouter plus de femmes à des postes supérieurs... Je suis sûre que c'est un bon début, mais c'est un peu comme si on changeait de capitaine à bord du même navire. Il s'agit simplement d'une représentation numérique, au lieu de quelque chose de plus concret.
Une chose qui, selon moi, doit être ciblée dès le départ, c'est le système de formation et la façon dont nous disons aux soldats qu'ils sont de bonnes personnes simplement parce qu'ils servent dans l'armée. Presque tous les griefs survenus à l'extérieur de ce cadre sont toujours minimisés parce que les personnes en cause sont de bons militaires. Je pense que c'est la raison pour laquelle la violence sexuelle est parfois si banalisée. C'est une organisation qui s'occupe de choses plus importantes, pour être honnête — la sécurité nationale, la souveraineté canadienne, etc.
Nous entraînons les soldats à croire que nous les préparons à mourir pour leur pays. Par conséquent, tout ce qui ne se rapporte pas à cela devient presque secondaire. C'est ce qu'on vous apprend à faire.
Je pense qu'une reconfiguration des valeurs que nous voulons voir chez un bon soldat constitue un point de départ. Cela ne se résume pas au courage, à la bravoure et à tout le reste, mais il s'agit d'être une bonne personne, c'est‑à‑dire une personne juste et éthique tant dans le monde civil que dans le monde militaire.
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Je crois en fait que la situation s'est beaucoup améliorée, car par le passé, on ne me permettait même pas de présenter une demande. Je crois qu'ils ont fait des progrès à cet égard.
La meilleure recommandation que je peux faire serait de demander à Anciens Combattants pourquoi ils ne font pas confiance aux médecins dans nos communautés? J'ai présenté des rapports de médecins pour différents problèmes de santé. J'ai transmis toute l'information que je pouvais, mais ils ne voulaient pas l'accepter, car les médecins n'apparaissaient pas sur leur liste ou leur liste de recommandations.
Nous faisons confiance aux fournisseurs, mais pour une raison que j'ignore, les gestionnaires de cas peuvent prendre des décisions médicales à l'égard de nos anciens combattants. Je n'arrive pas à comprendre comme cela peut être légal.
Cela dit, je sais qu'ils s'efforcent de faire leur travail, et la personne qui s'occupe de mon dossier est excellente, mais quand un médecin explique quelque chose et tente d'obtenir des formulaires médicaux, pourquoi ne fait‑on pas confiance au fournisseur? Ils ont fait des études de médecine, alors pourquoi ne peuvent-ils pas fournir des explications sur les types de traitement qui sont disponibles?
Je ne savais même pas que mon dossier se trouvait ailleurs jusqu'à ce que l'avocat-conseil des pensions le trouve pour moi. Au bout du compte, je pense que si quelqu'un jetait un coup d'œil à ces dossiers, et constatait l'information qu'ils contiennent, on se rendrait compte qu'ils en contiennent plus que ce qu'on peut penser.
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Je faisais partie du Women's College Hospital, où nous avons créé les premiers centres d'aide pour les victimes d'agressions sexuelles il y a 30 ans. On y distribuait des trousses de prélèvement en cas de viol. À la fin, nous placions les prélèvements dans des congélateurs, car les femmes ne voulaient pas nécessairement rapporter l'agression sur le champ, mais quand les éléments de preuve étaient conservés au congélateur, elles pouvaient le faire lorsqu'elles sentaient avoir assez de soutien psychologique pour pouvoir le faire.
Il existe des systèmes qui ne semblent pas avoir été introduits à la Défense nationale ou à Anciens Combattants. On entend constamment dire que la Défense nationale ne semble pas avoir de système pour protéger la santé des femmes et ne semble pas faire le lien entre un traumatisme sexuel et une grossesse et un accouchement difficiles ou des problèmes de santé mentale post-partum ou périnataux. Il semble que l'information ne se soit pas rendue. Ce qu'on entend aussi, comme Mme Blaney l'a dit, c'est qu'il n'y a pas de données même pendant que les gens sont en service, alors Anciens Combattants ne semble pas savoir que cela devrait faire l'objet d'une indemnisation. On entend souvent dire qu'il devrait y avoir une approche de présomption au sujet de l'indemnisation.
Premièrement, nous vous sommes sincèrement reconnaissants de vos recommandations. Madame Wong, ce n'est pas la première fois que l'on entend dire qu'un instructeur a simplement été muté ailleurs. Qu'il s'agisse de prêtres, de médecins ou de qui que ce soit, on se contente de les transférer ailleurs. Il n'y a pas vraiment de conséquences, et le déménagement n'est pas un remède.
Il faut qu'il y ait des conséquences, car on ajoute au traumatisme quand il semble que la personne s'en est tirée. Ce que je veux savoir, en fait, c'est ce que nous pouvons faire de plus dans le cadre d'une approche systémique.
Madame Hayward, j'ai été très impressionnée par l'idée d'une approche pour les enfants quand ce qu'a vécu un parent, homme ou femme, engendre un traumatisme intergénérationnel. Comment peut‑on prendre soin des enfants qui ont été exposés à ce genre de traumatisme?
Dites-nous ce qui vous convient et vous pouvez nous faire parvenir le reste de l'information par écrit.
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Je vous remercie, madame.
La première chose qui me vient à l'esprit, c'est qu'il y a eu deux rapports externes, deux examens externes, au cours des six dernières années qui ont porté précisément sur cette question. Il y a énormément de recoupements dans les recommandations entre les rapports Deschamps et Arbour. Je crains que cela n'aille nulle part. Il s'agit de mettre en œuvre ces recommandations, mais c'est souvent l'étape qui sonne le glas d'une politique, comme on nous en a avertis.
Outre cela, je pense qu'au sein de l'armée, et c'est un grave problème, on ne veut pas voir que toute cette question de la violence sexuelle systémique est le résultat du manque d'intégration des femmes.
Tout au long des années 1990, 2000, etc., les dirigeants de l'armée ont été très nombreux à affirmer que nous avions une armée mixte. Nous avons des femmes dans nos rangs dans tous les métiers depuis les années 2000, alors on coche cette case, mais nous pouvons voir très clairement que ce processus du « on ajoute des femmes et on mélange le tout » qui a été utilisé a mené à des conséquences affreuses, comme la violence sexuelle systémique.
Je pense qu'il faut que les dirigeants de l'armée comprennent bien cela, et je n'ai pas l'impression que c'est le cas. Ce n'est pas une question de biologie ou même simplement de culture; c'est le résultat d'un manque d'intégration des femmes au sein de l'organisation.
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Il se peut que ce soit... Je ne sais pas si vous allez mal le prendre, mais je respecte...
Je crois qu'on devrait séparer les sexes au début de la formation de base pendant les premières semaines, simplement pour mieux comprendre le concept et le fonctionnement du processus. Cela dit, jusqu'à ce qu'on puisse mettre en place des systèmes pour protéger [inaudible] les gens des blessures... Je sais qu'il ne s'agit pas d'une approche moderne, mais dans beaucoup d'autres pays, on ne forme pas les hommes et les femmes ensemble en même temps.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres... Il y a des agressions entre personnes de même sexe. Je pense qu'il faut que cela commence à la base même, comment les gens sont formés, accueillis. Si on ne change pas à la base et si on ne change pas au sommet, il n'y aura pas de point de convergence au milieu.
Comme Mme Wong l'a dit, je ne pense pas qu'on intègre bien les femmes dans les rangs quand elles s'y joignent. Je pense qu'on l'a fait dans l'armée seulement pour respecter une norme dans les politiques du gouvernement concernant les femmes et la diversité. Toutefois, ils n'ont pas compris la complexité de la situation quand on place 99 % d'hommes et 1 % de femmes dans le même groupe.
Quand j'ai suivi la formation de base, je sais que le concept était 99 % d'hommes et 1 % de femmes. Les trois quarts des femmes étaient lesbiennes ou bisexuelles. Si vous étiez jeune et célibataire, vous étiez essentiellement une cible ouverte. Ce n'est qu'un des éléments. C'est une croyance culturelle. Nous, les femmes, ne pouvons pas nous battre contre 99 % d'hommes. Nous ne pouvons pas le faire. Je sais que les femmes sont fortes, mais si cela ne part pas des hauts rangs pour redescendre, cela ne fonctionnera pas comme cela le devrait.
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Je vous remercie de la question.
À mon avis, il y aurait un avantage immédiat à ce sujet, soit que l'on pourrait voir... On croit que la violence sexuelle est plus susceptible de se produire dans la zone rouge, soit la période initiale de la formation de base, ou la période initiale au début de tout changement. On pourrait voir les chiffres chuter rapidement, mais je ne pense pas que ce soit une solution constructive, loin de là.
Les sexes sont séparés dans d'autres armées, bien entendu. S'il fallait en arriver là au Canada, et si c'est la solution que l'on décide d'adopter, en particulier à long terme, je crois que ce serait très décevant. Ces soldats ne vont pas travailler dans des environnements séparés, et la violence sexuelle n'est pas présente uniquement pendant la formation de base.
Je comprends très bien le point de vue de Mme Hayward, mais je ne pense pas que ce soit une solution à long terme, non.
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Au cours des trois dernières années, j'avais besoin de traitements de physiothérapie pour mon plancher pelvien. On refusait et je contestais. J'ai dû les payer de ma poche.
Lorsque j'ai dû communiquer avec l'ombudsman des anciens combattants pour discuter de ces questions, j'ai appris qu'il n'y avait pas de codes de traitement pour les problèmes de santé génésique des femmes, et que ces codes n'ont pas été mis à jour depuis 1992. Vous pouvez me citer à ce sujet, car l'ombudsman pourra le confirmer. Ils ont dû modifier les codes manuellement, et ils n'ont pas été mis à jour.
Je ne sais pas si des vétéranes ont obtenu des prestations pour des soins de santé génésique. J'ai une affection ouvrant droit à pension, qui englobe tout, alors j'ai pu obtenir ces traitements, mais quand la demande a été faite au service des réclamations ou à Anciens Combattants, on m'a envoyé consulter quatre gynécologues pour prouver ma blessure ou procéder à une autre évaluation.
Dans le cas d'une agression sexuelle, les procédures sont très invasives, alors je ne veux pas avoir à consulter trois différents fournisseurs. Je veux en consulter un, suivre le traitement, et c'est tout. J'y ai mis tant d'efforts au cours des trois dernières années, à un point tel que je ne peux plus maintenant envoyer mes enfants à la garderie, parce que je n'obtiens pas les remboursements à temps. Je ne peux pas jusqu'à ce que je les reçoive.
Chaque fois qu'il y a une blessure physique, même avec le nouveau programme de réadaptation, c'est très difficile de comprendre pourquoi on nous demande de passer par toutes ces étapes quand... À mon sens, c'est bien connu. Les fournisseurs de soins à l'extérieur d'Anciens Combattants savent pertinemment que le plancher pelvien... Quand on se blesse au dos, le plancher pelvien est l'un des premiers traitements à Anciens Combattants, alors pourquoi n'est‑ce pas le cas lors d'une agression sexuelle? Je ne comprends pas pourquoi c'est différent.
Je crois qu'il doit y avoir une spécialiste de la santé des femmes au sein de l'équipe à Anciens Combattants et qu'il faut que la table des invalidités soit revue pour tenir compte des invalidités qui concernent les femmes. À l'heure actuelle, rien dans cette table ne tient compte de la santé des femmes.
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Je vous remercie beaucoup.
Je vous remercie toutes les deux de vos témoignages. Nous allons rester en contact par l'entremise du greffier.
[Français]
Je voudrais aussi dire que les membres du Comité et moi-même avons trouvé cela incroyable de savoir que vous êtes passées par de telles expériences négatives.
Au nom des membres du Comité, nous vous souhaitons bonne chance dans votre carrière, dans vos démarches et dans vos familles.
Je voudrais maintenant remercier les témoins qui ont été avec nous.
[Traduction]
Je remercie Stephanie Hayward et Caleigh Wong, toutes les deux vétéranes.
Nous allons faire une pause de deux minutes pour passer à huis clos.
Je vous remercie beaucoup de votre temps, et nous allons rester en contact.
[La séance se poursuit à huis clos.]