Je vous souhaite la bienvenue à la 108e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le 9 mars 2023 et le 5 décembre 2023, le Comité reprend son étude sur la reconnaissance des anciens combattants du golfe Persique et l'examen du service en temps de guerre.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
Je rappelle aux membres du Comité d'adresser leurs questions à la présidence.
[Traduction]
Avant de commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à quelques collègues.
M. Scot Davidson remplace . Je vous souhaite la bienvenue.
Comme vous l'aurez constaté, nous avons un tout nouveau greffier, Grant McLaughlin. Je vous remercie de votre soutien.
J'aimerais également souhaiter la bienvenue à un groupe d'élèves âgés de 13 à 18 ans, de l'école Kanata Montessori. Ils sont venus observer les délibérations du comité.
Je vous souhaite la bienvenue.
Pendant la première heure, nous entendrons le témoignage de Sean Bruyea, qui comparaît à titre personnel. Il est capitaine à la retraite et officier de renseignement dans la Force aérienne. Nous avons également parmi nous Christopher Banks, un sergent à la retraite. Il participait à toutes nos réunions à l'époque. Et par vidéoconférence, nous entendrons Michael Blois. Il est avocat et vétéran.
Avant de commencer, j'aimerais préciser que vous disposerez de cinq minutes pour vos remarques liminaires. Je vois que Blake Richards, qui est sur Zoom, a une demande.
Allez‑y, monsieur Richards.
:
Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Si je comprends bien, ce matin, vous avez déposé le rapport de notre récente étude sur la transition vers la vie civile. Notre parti avait présenté un rapport dissident. Je sais qu'au moins un autre parti avait présenté un rapport supplémentaire. On ne m'a pas avisé que le rapport serait déposé ce matin, alors que c'est la pratique. Normalement, s'il y a des rapports dissidents, les vice‑présidents ou les partis sont informés.
Le fait de ne pas avoir été en mesure de déposer le rapport dissident en Chambre alors que le rapport principal a été déposé constitue, à mon avis, une atteinte à mon privilège en tant que membre du Comité.
J'aimerais savoir ce qui s'est passé, monsieur le président. Pourquoi n'ai‑je pas été informé? Si je comprends bien, l'autre parti n'a pas été informé non plus. Pouvez-vous nous dire pourquoi et indiquer ce que vous comptez faire pour corriger le tir afin que nous ayons l'occasion que nous aurions dû avoir de déposer le rapport de dissidence et tout rapport supplémentaire?
:
J'aimerais en fait me prononcer sur les deux rappels au Règlement.
D'abord, pour ce qui est du point soulevé par M. Richards, je dois dire que je suis d'accord avec lui. S'il y a un autre rapport dissident et qu'ils prennent la parole en Chambre pour présenter leurs rapports dissidents, nous devrions tous faire notre possible pour obtenir le consentement unanime de chaque parti afin qu'ils puissent le faire. J'espère que nous pouvons convenir qu'il est possible de mettre le tout par écrit s'il y a consentement unanime. Avec le consentement unanime, il n'y a presque aucune limite à ce que nous pouvons faire. Il ne devrait pas être trop ardu de l'obtenir. Je m'assurerai que personne de mon parti ne s'y oppose.
L'autre rappel au Règlement a été fait par M. Desilets.
[Français]
Selon ce que je comprends, le ministre a été invité à témoigner. Je vais présenter une motion afin de prolonger cette étude. Je ne peux pas le faire dans le cadre d'un rappel au Règlement, mais je pense que nous aurions probablement besoin de deux réunions supplémentaires avec des témoins et d'une heure avec le ministre. Je vais la présenter formellement, si c'est nécessaire, au moment opportun.
Merci, monsieur le président.
La semaine prochaine sera une semaine de travail dans nos circonscriptions respectives. Si c'est effectivement l'intention des membres du Comité, nous pourrons voir, dès notre retour de la semaine de relâche, si nous pouvons inviter le et un autre témoin à comparaître en même temps. Je crois que cette demande visait une comparution d'au moins une heure.
Avant de passer aux présentations des témoins, je reviens sur l'intervention de M. Blake Richards et sur celle de M. Sean Casey.
Est-ce que les membres du Comité donnent leur consentement pour que le rapport dissident soit déposé à un moment donné?
Vous me faites signe que oui. Merci.
Nous allons prendre les mesures nécessaires afin de remédier à cette situation.
[Traduction]
Je vous remercie, monsieur Richards.
Nous allons passer aux témoins.
Vous disposerez de cinq minutes chacun pour vos remarques liminaires. Ensuite, les membres du Comité vous poseront des questions. Il s'agit du premier groupe de témoins et nous disposons d'une heure en tout.
Nous allons commencer par le capitaine à la retraite, M. Bruyea.
À vous la parole.
:
Je remercie sincèrement les membres du Comité d'avoir entrepris cette étude, qui aurait sans doute dû être entreprise avant que nous allions à la guerre en 1990, ou même en 1947, lorsque le dernier militaire parmi le million de Canadiens qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale a terminé son service actif.
Pourquoi les 600 000 membres des Forces canadiennes qui ont suivi n'ont-ils pas obtenu les mêmes droits que les anciens combattants, alors que les risques liés à notre service actif sont réels et tragiques?
Je salue sincèrement Louise Richard, qui a commencé ce combat pour nous tous, les anciens combattants de l'après-guerre. Elle a cofondé la première organisation d'anciens combattants de la guerre du Golfe, et elle a défendu vigoureusement leurs intérêts et m'a guidé alors que tant d'anciens combattants souffraient en silence.
Je remercie Harold Davis et Mike McGlennon d'avoir réclamé cette étude. Et je remercie sincèrement les fonctionnaires d'Anciens combattants Canada, qui travaillent avec diligence pour fournir les données qui, à ma connaissance, n'ont jamais été structurées de la manière dont je les ai présentées au Comité.
Enfin, je remercie mon fils Wilfred, ses camarades de classe et le personnel de l'école Kanata Montessori de s'être joints à nous pour cette grande occasion, un mois avant le jour du Souvenir.
Lorsqu'un Canadien s'enrôle dans l'armée, il signe un contrat pour accepter — contrairement à toute autre profession, y compris les services de police et d'incendie — qu'on puisse lui ordonner légalement d'être mis en situation de danger, que sa vie soit mise en péril.
Nombreux sont ceux qui ont rempli leur partie du contrat de manière tragique. J'ai perdu mon arrière-grand-père pendant la Première Guerre mondiale et mon grand-père pendant la Seconde Guerre mondiale. D'autres, comme un certain nombre d'anciens combattants dans cette salle, honorent chaque jour ce contrat, avec des sacrifices psychologiques et physiques débilitants et souvent atroces pour notre pays.
Le gouvernement a choisi de changer sa partie de l'entente alors que nous avions encore besoin de lui pour maintenir les avantages qui étaient en place au moment de notre enrôlement. En 2005, le Parlement a subi des pressions de la part d'organisations d'anciens combattants pour qu'il adopte une loi mettant fin à un engagement vieux de 200 ans concernant les pensions à vie pour les anciens combattants handicapés, leurs conjoints et leurs enfants. Le tout a été remplacé par des paiements forfaitaires uniques qui ne prévoient rien pour les membres de la famille. Pourtant, ces organisations ont fait inscrire des protections pour que leurs employés conservent leur pension d'invalidité à vie.
Soyons clairs : il n'y a pas eu de consultation significative ou exhaustive lors de l'adoption du projet de loi, et les fruits des quelques consultations qui ont eu lieu n'apparaissent pas dans le produit final. Il ne s'agit pas du tout d'une reconnaissance; il s'agissait d'économiser de l'argent; l'architecte du programme, Darragh Mogan, a qualifié le tout de dividendes de 1 milliard de dollars pour le bien-être.
Comble de malheur, la pension à vie de 2019 est encore une fois venue modifier le contrat; il s'agissait d'un élément caché dans un projet de loi omnibus, un budget, qui a empêché toute étude en comité. Le directeur parlementaire du budget a étudié les trois régimes d'invalidité. Pour la cohorte des vétérans qui ont présenté une demande entre 2019 et 2024, le gouvernement économiserait 18 milliards de dollars au cours de la vie du vétéran, par rapport à ceux qui sont couverts par la Loi sur les pensions.
La reconnaissance du service militaire comporte deux éléments centraux : la commémoration et la rémunération. Si l'un de ces deux éléments fait défaut, les conséquences se répercutent sur l'autre. La reconnaissance constitue le fondement de la dette contractée par une nation envers ses militaires et témoigne de sa gratitude. Elle est au cœur de la valorisation du service rendu à son pays. Les avantages inscrits dans la loi s'avèrent indispensables à la reconnaissance, qui nécessite des obligations juridiques réciproques. L'inscription de la guerre du golfe Persique sur le cénotaphe va de soi.
Cependant, de nous étiqueter officiellement comme d’anciens combattants ne s'accompagnera peut-être pas des droits que certains supposent. Accorder des prestations aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ne nous aiderait pas beaucoup à l'heure actuelle, à l'exception de l'assurance-vie pour les personnes handicapées et du remplacement de l'indemnité pour douleur et souffrance par une pension d'invalidité.
Quel avenir aurions-nous eu si on nous avait accordé les mêmes avantages, actualisés, que pour les vétérans de la Seconde Guerre mondiale, comme l'éducation, l'aide au démarrage d'entreprise, des terres, la construction résidentielle, l'assurance-vie, les hypothèques à faible coût ainsi que la sensibilisation du public à notre sacrifice?
Combien de suicides auraient pu être évités, combien de familles auraient été sauvées et combien de vétérans auraient pu s'épanouir grâce à une deuxième carrière fructueuse? Quel est le coût personnel et familial occasionné par un tel manque d'occasions et de productivité? Combien d'argent le gouvernement aurait‑il pu percevoir en impôts grâce à ces parcours dynamiques, au lieu de se battre pour ne pas payer les milliards de dollars de prestations d'invalidité dont nous avons tant besoin? Quelle serait une compensation appropriée pour ces occasions perdues?
Lorsque nous servons, nous avons le devoir de tout donner, y compris notre vie. Le gouvernement n'a même pas l'obligation de nous informer des prestations auxquelles nous avons droit, et encore moins l'obligation de prendre soin de nous. J'espère que le Comité se penchera sur le devoir d'informer les vétérans et leurs familles.
Nos obligations envers le gouvernement sont illimitées; les obligations du gouvernement envers nous sont inexistantes, voire farfelues, et décorées de beaucoup trop de discours bien intentionnés, mais en fin de compte vides de sens. Des excuses officielles constitueraient un premier pas important.
Une deuxième mesure qu'il serait bon de prendre consisterait à mener de nouvelles études transversales et longitudinales originales et exhaustives sur les vétérans, à appliquer le principe de l'assurance à tous les types de service militaire, y compris le mandat de prise en charge des enfants des vétérans prévu par la Loi sur le bien-être des vétérans, à mettre en œuvre l'inversion du fardeau de la preuve pour les demandes de prestations d'invalidité et à retirer la responsabilité de notre réadaptation aux entrepreneurs à but lucratif.
La croyance en la cause de notre sacrifice est essentielle à notre identité, à notre réadaptation et à notre intégration dans la société après notre service militaire. La moralité et les régimes du monde entier peuvent changer, mais ce qui ne peut pas changer, c'est notre conviction que le système gouvernemental et les droits, pour lesquels nous avons tant donné, valorisent notre sacrifice de manière réelle, significative et substantielle, et plus que verbalement.
Je vous remercie de votre attention.
:
Je vous remercie de m'accueillir pour me permettre de témoigner de nouveau.
Je précise pour le compte rendu que je m'appelle Christopher Banks et que j'ai pris ma retraite alors que j'étais sergent, après 20 années de service dans l'armée canadienne.
Je me suis enrôlé en 2000. En 2003, j'ai été déployé au Camp Maple Leaf en Bosnie, où j'ai servi en tant que gardien de la paix. En 2008, j'ai été déployé à la base d'opérations avancée Wilson à Kandahar, où nous avons affronté des insurgés et évité des engins explosifs improvisés. Quand je suis rentré chez moi, je souffrais d'un trouble de stress post-traumatique. En 2019, j'ai été libéré pour raisons médicales.
Depuis, j'ai étudié les politiques publiques et l'administration à l'Université de Guelph, ainsi que la défense et la sécurité au Collège Algonquin. Je suis un intervenant auprès de la Défense nationale et du ministère des Anciens Combattants. Je suis membre du comité d'étude de la défense et de la sécurité du Royal Canadian Military Institute, et j'écris des articles pour la revue sur la politique de défense appelée SITREP.
Je me suis engagé dans les forces pendant une ère de transformation. J'ai pu assister à la transformation de notre armée de la guerre froide en une armée moderne. Après le 11 septembre, l'armée a changé en s'adaptant à l'évolution des méthodes de combat utilisées en Afghanistan et en modernisant l'administration d'une guerre de combat. Elle a poursuivi un long processus de changement, passant d'une armée à capacité unique à une armée plus compétente et plus dynamique.
L'armée a changé non seulement en raison des opérations de combat, mais aussi sur le plan social, à l'instar de la société canadienne. Les normes sociales, les normes d'entraînement et même la terminologie ont considérablement évolué au cours de cette période. On dit que la seule constante dans la vie est le changement, et l'armée ne fait pas exception à la règle.
Depuis mon retour d'Afghanistan, j'ai cherché à aider mes collègues vétérans en tant que défenseur de leurs droits. Je le fais de deux manières.
Tout d'abord, j'aide les vétérans à trouver les ressources dont ils ont besoin, que ce soit en dialoguant directement avec eux ou en m'adressant à des groupes de vétérans pour leur parler de mon parcours et de l'importance de prendre soin de soi.
Deuxièmement, j'apporte mon expérience et mes connaissances aux artisans du changement en dialoguant avec des législateurs et des décideurs politiques au nom de tous les vétérans et militaires en service.
En ce qui concerne la question qui nous occupe, je tiens à indiquer clairement que je ne suis pas un vétéran du golfe Persique. On m'a demandé de témoigner parce que je suis un vétéran, ou ce que certains décrivent dans les réunions comme un « ancien combattant ayant servi en temps de guerre ». J'ai suivi les réunions précédentes qui portaient sur ce sujet, et j'en ai conclu qu'au cœur de ce qu'ils demandent se trouvent la même blessure et la même irritation que celles que ressentent tous les vétérans du Canada. L'érosion des avantages au fil du temps n'est pas étrangère à quiconque a revêtu l'uniforme, pas plus que le fait que les politiciens tardent à mettre en oeuvre les projets qui ne leur permettent pas de se faire réélire. Telle est la réalité des vétérans canadiens et de nos militaires en service. Ceux qui ont porté l'uniforme ne connaissent que trop bien le sentiment d'être tenus pour acquis.
La commémoration et la reconnaissance sont importantes pour tous les vétérans, et nous, les anciens combattants de la guerre en Afghanistan, avons nos propres exigences: le monument qui a été politisé; la Croix de Victoria qui a été refusée à Jess Larochelle; et l'insigne de participation au combat qu'on nous fait miroiter tous les deux ou trois ans. Les vétérans de tous les groupes démographiques exigent que l'on mette fin à l'érosion des avantages et des services offerts, que l'on réalise l'étude de suivi du contrat des Partenaires des services de réadaptation aux vétérans canadiens, ou PSRVC, que l'on veille à ce que les avantages soient faciles d'accès et adaptés à l'augmentation constante du coût de la vie, et que le ministère des Anciens Combattants embauche davantage de gestionnaires de cas et d'arbitres afin d'éliminer les délais d'attente désastreux.
Je répondrai volontiers aux questions que les membres du Comité pourraient avoir.
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de l'occasion qui m'est donnée de m'entretenir avec vous ce matin.
Je m'appelle Mike Blois, et j'ai servi dans les Forces armées canadiennes de 2000 à 2011.
Je me suis engagé dans l'armée à l'âge de 17 ans, et je voulais uniquement consacrer ma vie à servir et à me battre pour mon pays. J'ai servi dans le Royal Canadian Regiment. Je suis immensément fier du travail que mon régiment et mes camarades de régiment ont accompli pendant mon service militaire.
J'ai été blessé en Afghanistan le 29 janvier 2007. Cela a marqué la fin de ma carrière militaire, à ma grande déception. J'ai été libéré pour raisons médicales en 2011. J'ai ensuite fait des études en droit, et je suis devenu associé au cabinet Diamond and Diamond Lawyers LLP, où j'ai la chance de pouvoir utiliser mon expérience pour aider les personnes blessées à reconstruire leur vie après avoir subi des blessures.
Mon cabinet d'avocats et mes associés me donnent également l'occasion d'aider d'autres vétérans de façon bénévole, dans le cadre de leurs recours auprès du ministère des Anciens Combattants ou pour d'autres questions juridiques. Nous les mettons également en contact avec d'autres experts juridiques si leurs besoins ne relèvent pas de notre domaine de compétence.
Comme vous le savez tous, plus de 20 000 Canadiens ont participé à la guerre en Afghanistan, et tous se considèrent comme d’anciens combattants. À ce titre, le passage de la désignation « zone de service spécial » à la désignation « service en temps de guerre », en dehors de toutes les conséquences que cela pourrait avoir pour les avantages offerts — je pense que le premier témoin a très bien expliqué que les changements relatifs aux avantages seront probablement très limités, voire inexistants — n'est rien d'autre qu'un changement sémantique. Il n'aborde pas les véritables problèmes qu'affrontent les anciens combattants de l'Afghanistan à l'heure actuelle. Là encore, je crois que le deuxième témoin a fait un excellent travail en décrivant ces problèmes.
Avant d'être élu, le de notre pays a déclaré qu'aucun vétéran ne devrait avoir à poursuivre le gouvernement pour obtenir des prestations auxquelles il a droit, mais cela a dû se produire à de nombreuses reprises depuis qu'il occupe ce poste.
En tant qu'avocat, j'ai représenté un groupe d'anciens combattants de la guerre en Afghanistan qui poursuivaient Anciens Combattants Canada et le gouvernement pour n'avoir pas respecté leurs propres politiques et délais. Les périodes d'attente que subissent les anciens combattants d'Afghanistan avant d'obtenir des prestations sont inacceptables, et rien ne semble changer. Au cours de ce procès, nous avons réussi à obtenir une attestation, et nous franchissons maintenant les étapes de la procédure d'appel.
Les anciens combattants d'Afghanistan ont participé à la guerre la plus récente de l'histoire de notre pays, et ils doivent malheureusement continuer de se battre pour obtenir les prestations auxquels ils ont droit auprès du gouvernement qui nous a envoyés nous battre là-bas.
Je comparais devant vous aujourd'hui pour discuter des changements qui devraient être apportés dès le début d'une guerre et qui, comme l'a déclaré M. Bruyea au début, auraient probablement dû être apportés dès la fin des années 1940. Tous les problèmes qui en ont découlé ne sont rien, comparativement aux véritables problèmes auxquels les vétérans et les anciens combattants d'Afghanistan font face aujourd'hui.
Je vous remercie de votre attention.
Premièrement, je remercie chacun de vous du service que vous avez rendu à notre pays et de votre témoignage d'aujourd'hui.
Je vais commencer par m'adresser à vous, monsieur Blois.
Les vétérans font face à de nombreux problèmes lorsqu'ils affrontent le cauchemar bureaucratique qu'est le ministère des Anciens Combattants. Le gouvernement minimise souvent ces problèmes. Il soutient qu'il déploie beaucoup d'efforts et que les problèmes sont compliqués. Même si nous lui accordons une certaine marge de manoeuvre et que nous reconnaissons qu'en fait, certains de ces problèmes sont compliqués, les vétérans doivent tout de même faire face à de nombreux points de friction lorsqu'ils traitent avec le ministère des Anciens Combattants. Il y a encore de nombreux retards et de nombreux de problèmes.
À part cela, il semble que le ministère des Anciens Combattants soit incapable de s'occuper correctement de choses simples — de choses comme la commémoration et la reconnaissance. Vous avez tous les trois mentionné ces aspects au cours de vos déclarations préliminaires. Pour vous, les anciens combattants d'Afghanistan, il y a ce problème de monument qui semble ne jamais être résolu.
Lorsque le ministère des Anciens Combattants ne réussit pas à s'occuper correctement des aspects liés à la commémoration, à la reconnaissance et au respect — et pour être franc, le respect est l'aspect le plus important — et lorsqu'il les néglige, comment vous sentez-vous en tant qu'ancien combattant?
:
Je n'essaie pas d'exagérer, mais c'est comme un coup de couteau en plein cœur.
Lorsque vous vous engagez, vous savez que vous allez risquer votre vie, et vous croyez que le gouvernement fera la même chose pour vous.
La commémoration devrait être la chose la plus facile à faire. Comme l'a dit M. Bruyea, l'inscription de l'Afghanistan sur le cénotaphe va de soi. La construction d'un monument pour une guerre qui fait partie de notre mémoire collective récente et pour laquelle l'âge moyen des anciens combattants est situé entre la trentaine et le début de la soixantaine devrait aller de soi, et nous devrions le faire.
Lorsqu'on ne fait pas ce genre de chose, nous avons l'impression que les gens, au mieux, ignorent ce que nous ressentons et, au pire, sont indifférents à ce qui s'est passé et à ce que nous avons fait. Les horreurs et les conséquences de la guerre ne changent pas d'une génération à l'autre. Le fait de voir quelqu'un mourir devant soi ou de devoir prendre une vie ne change pas, et les conséquences ne changent pas. La commémoration ne devrait donc pas être différente, et elle devrait se faire facilement. Lorsque ce n'est pas le cas, la douleur est deux fois plus grande.
:
Vous l'avez dit avec beaucoup d'éloquence. J'estime qu'il est honteux que nous nous trouvions dans cette situation.
En plus de tout cela, il est difficile de recevoir des services et des prestations et d'obtenir le traitement des demandes. C'est l'autre aspect, comme l'a dit M. Bruyea dans ses observations préliminaires. Il y a deux aspects à cette question, et il semble que notre gouvernement échoue des deux côtés.
Dans vos observations liminaires, vous avez mentionné que vous participiez au recours collectif qui est en cours. Je voulais vous poser quelques questions à ce sujet.
Tout d'abord, en tant qu'ancien combattant, comment vous sentez-vous lorsque vous travaillez avec d'autres anciens combattants, que vous les représentez, et que le gouvernement s'oppose à vous devant les tribunaux, au lieu d'essayer de trouver un moyen de les aider?
Je sais que vous avez essayé de soulever ces questions par tous les autres moyens possibles avant de les porter devant les tribunaux. Comment vous sentez-vous lorsque vous n'avez d'autre choix que de vous rendre au tribunal pour obtenir l'aide dont les anciens combattants ont besoin?
:
J'ai l'impression d'entendre la citation de Shakespeare: « Encore une fois sur la brèche, chers amis, encore une fois ». C'est ce que l'on ressent. C'est comme si nous retournions à la guerre et au combat. Au lieu de combattre une entité étrangère, nous combattons le gouvernement.
D'une certaine manière, aussi triste que cela puisse être, je suis heureux qu'aucun autre ancien combattant ne soit venu entendre les arguments présentés par le gouvernement devant le tribunal. S'ils les avaient entendus, ils auraient été furieux, car le retard dans le versement des prestations est une honte. Il est ahurissant que les anciens combattants doivent attendre 50 ou 60 semaines.
Lorsque le gouvernement établit un calendrier pour les anciens combattants et leur dit: « Voici le calendrier. Remplissez votre demande et nous vous communiquerons une décision dans 16 semaines », les anciens combattants sont d'accord. Ils comprennent que ces choses prennent du temps. Toutefois, lorsque l'on fixe des objectifs, on doit les atteindre ou au moins s'en approcher, ce que le gouvernement ne fait même pas.
C'est très décourageant. En réalité, la raison pour laquelle je suis devenu avocat... Je n'ai jamais voulu être avocat . J'ai toujours voulu être dans l'infanterie. Je n'ai jamais voulu être avocat. Je suis devenu avocat parce que je voulais faire ce que je fais en ce moment. Ce recours collectif m'a motivé, car je savais que le gouvernement n'allait pas apporter les changements nécessaires et qu'il n'allait rien faire, même si nous faisions de notre mieux pour l'inciter à agir.
Nous avons dû les poursuivre en justice. Ils continuent de nous combattre bec et ongles à chaque étape du processus.
:
Merci pour cette question, monsieur Sarai. Je pense que c'est une question plus importante que ce que j'avais initialement pensé.
Je suis très reconnaissant que les élèves soient présents. L'une des différences que nous avons entendues dans certains témoignages entre les opérations de la Seconde Guerre mondiale et les opérations actuelles concerne les connaissances du public à leur sujet. La connaissance génère un certain degré de soutien social qui fait que les gens valident ce service. À l'époque, les gens comprenaient ces difficultés que rencontraient ces personnes parce que de nombreuses familles connaissaient des anciens combattants qui souffraient. Les recherches indiquent que le manque de soutien social est l'un des principaux facteurs permettant de prédire l'apparition d'un trouble de stress post-traumatique. L'absence de soutien social à nos anciens combattants a des conséquences très réelles et concrètes.
Je pense que la recherche commence également à démontrer que lorsque les gens développent un syndrome de stress post-traumatique, ils ne cherchent pas à obtenir un soutien social pour des raisons évidentes comme l'isolement, la peur, l'anxiété ou une très faible estime de soi. C'est un cercle vicieux qu'il faut vraiment briser au niveau national, et pas seulement une fois par an. Tous les Canadiens doivent prendre conscience de ce que l'on sacrifie pour eux.
C'est pourquoi j'ai soumis au Comité le tableau qui a été élaboré en collaboration avec le ministère des Anciens Combattants. Il démontre que le coût de la guerre ne se limite pas aux statistiques officielles relatives aux personnes décédées ou blessées sur le théâtre des opérations. Il englobe également les pertes qui surviennent des années plus tard. Il s'agit de victimes de guerre qui ne sont pas recensées. Je crois que le public doit en être informé. Je pense que le fait de faire participer les étudiants à ce niveau de la démocratie les aide également à participer et à comprendre que nous avons tous le droit de dire ce que nous pensons. Nous avons tous le droit de soulever les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Si vous me permettez d'ajouter un élément, j'aimerais dire que nous déployons d'énormes efforts pour enrôler les citoyens canadiens dans l'armée et les former non seulement physiquement, mais aussi mentalement pour qu'il puisse s'acquitter de leurs tâches. Il s'agit de l'endoctrinement le plus puissant et le plus sanctionné sur le plan juridique qui soit autorisé dans notre pays. Toutefois, nous attendons de ces anciens combattants, lorsqu'ils terminent leur service... La plupart d'entre eux terminent avant 20 années et ont une seconde carrière devant eux. Ils sont gravement handicapés parce qu'ils n'ont pas été désendoctrinés. Nous leur faisons suivre des camps d'entraînement pour les endoctriner, et ils ont passé des années, au cours de leur carrière, à penser comme des militaires. Le monde civil ne fonctionne pas de cette manière. Pour réussir dans le monde civil, nous devons leur offrir, entre autres soutiens sociaux, un programme complet de désendoctrinement.
Les dirigeants communautaires pourraient s'y associer, ainsi que les chefs d'entreprise. Nous pourrions organiser un camp d'entraînement pour les désendoctriner afin qu'ils se sentent à l'aise. Il pourrait être proposé les fins de semaine ou à temps plein. Ce système pourrait permettre à ces anciens combattants d'avoir le sentiment d'appartenir à la nation pour laquelle ils se sont sacrifiés.
:
En 2019, lorsqu'on a annoncé l'octroi de la pension à vie, le directeur parlementaire du budget — je ne sais pas qui en avait fait la demande — a décidé de comparer le régime de prestations offert avant 2006 en vertu de la Loi sur les pensions; à celui offert de 2006 à 2019, date de l'octroi de la pension à vie, appelée Nouvelle Charte des anciens combattants; et à la pension à vie offerte après 2019.
Dans ces trois cohortes, il a examiné le cas des anciens combattants qui devaient demander des prestations entre 2019 et 2024. Il a ensuite calculé les coûts, en se concentrant principalement sur les indemnités pour invalidité, douleur et souffrance, car la perte de revenu est la même pour tous les anciens combattants. Les anciens combattants arrivés avant 2006 bénéficient du programme relatif à la perte de revenus, tout comme ceux arrivés jusqu'en 2019 et après. Ils ont tous reçu des prestations visant à compenser la perte de revenus.
La grande différence était — on compare ici les pommes et les oranges — la perte de revenu et les paiements pour douleur et souffrance. Les tribunaux reconnaissent cette distinction. Il s'est concentré sur les paiements pour douleur et souffrance et il a examiné cette cohorte d'anciens combattants. Il a constaté qu'au cours de leur vie, s'ils devaient recevoir des paiements en vertu de la Loi sur les pensions, ces prestations coûteraient environ 50 milliards de dollars. Cependant, en vertu du programme de 2006, si je ne me trompe pas, il prévoyait que les clients actuels... Excusez‑moi: il s'agissait à la fois des clients actuels et de la future cohorte pour lesquels il aurait fallu débourser 50 milliards de dollars.
Dans le deuxième scénario, c'est‑à‑dire celui de la Nouvelle Charte des anciens combattants ou la Loi sur le bien-être des vétérans, ce montant était de 29 milliards de dollars, et le montant de la pension à vie s'élevait à 32 milliards de dollars.
Il y avait donc une différence de 18 milliards de dollars entre la pension à vie et les paiements versés au titre de la Loi sur les pensions. C'est considérable.
:
J'aimerais seulement apporter une petite précision. Suis‑je d'accord avec cette distinction? Non, mais je la comprends.
Prenons l'exemple du précédent de la Deuxième Guerre mondiale. En 1946, la Loi sur les pensions a été modifiée de manière à ce que les personnes qui, à l'origine, étaient simplement en poste au Canada seraient visées, si vous vous souvenez, par le principe d'indemnisation. Les rancœurs et les malentendus étaient tels que le gouvernement a modifié la Loi sur les pensions et a déclaré que tous les anciens combattants qui étaient en poste au Canada seraient visés par le principe d'assurance.
Si nous prenons maintenant l'exemple des évènements du 11 septembre, dans le cadre du tristement célèbre document 1447 du ministère des Anciens Combattants sur le principe d'assurance, le gouvernement a fait en sorte qu'à l'avenir, tous les anciens combattants en formation seraient couverts par le principe d'assurance lorsqu'ils s'entraînent pour une zone de service spécial, même pendant leur temps libre la fin de semaine.
Mais en fait, lorsque nous nous engageons dans l'armée, nous nous entraînons pour les zones de service spécial dès le jour où nous revêtons l'uniforme. Je pense donc vraiment qu'une telle distinction ne devrait pas exister. Je pense que les prestations versées en cas d'invalidité compenseront cette distinction. Je pense que tous les gens qui passent par l'armée sont fortement endoctrinés et lourdement handicapés lorsqu'il s'agit de retourner à la vie civile par la suite, quels que soient ces handicaps.
C'est ce qui met fin à la discussion avec le premier groupe de témoins.
Au nom des membres du Comité, j'aimerais vous remercier de vos témoignages, de votre service et de votre mobilisation soutenue.
[Français]
Nous avons reçu aujourd'hui deux témoins qui ont comparu à titre personnel. Il s'agit de M. Sean Brueya, capitaine à la retraite et officier de renseignement dans la Force aérienne, et de M. Christopher Banks, sergent à la retraite.
Nous avons également reçu un représentant de la Canadian Afghanistan War Veterans Association. Il s'agit de M. Michael Blois, avocat et vétéran.
Encore une fois, je remercie les personnes qui ont assisté à cette première partie de la réunion, et je souhaite un bon retour en classe aux étudiants qui sont ici.
Nous allons suspendre la réunion pour quelques minutes, le temps d'accueillir les prochains témoins.
:
Nous reprenons la séance.
Comme vous le savez, nous sommes en train de mener l'étude sur la reconnaissance des anciens combattants du golfe Persique et sur l'examen du service en temps de guerre.
Pour cette deuxième partie, nous recevons de nouveaux témoins, qui sont avec nous, ici.
[Traduction]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Pour la deuxième heure, nous accueillons l'honorable contre-amirale Rebecca Patterson, sénatrice. À titre personnel, nous accueillons le colonel à la retraite Mark Gasparotto, vétéran d'Afghanistan, commandant de sous-unité de combat, et le lieutenant-colonel à la retraite Dean Tremblay, vétéran d'Afghanistan, commandant de sous-unité de combat.
Comme vous le savez, vous disposez de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Ensuite, les membres du Comité vous poseront quelques questions.
J'ai le plaisir d'inviter l'honorable sénatrice Patterson à faire sa déclaration préliminaire. Sénatrice, vous avez cinq minutes.
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Merci, monsieur le président. Merci aux membres du Comité.
Bonjour. À titre d'information pour les gens qui ne me connaissent pas, je suis la sénatrice Rebecca Patterson. Avant mon arrivée au Sénat, j'ai été membre des Forces armées canadiennes pendant 34 ans. J'ai été déployée dans différents théâtres d'opérations, notamment dans le golfe Persique, en Somalie et en Afghanistan, et j'ai assuré la planification et le soutien médical au niveau opérationnel pour le personnel des Forces armées canadiennes déployé dans le monde.
Je témoigne à titre personnel et en tant que vétérane.
Lorsque l'Irak a envahi le Koweït en janvier 1991, un conflit armé a éclaté dans le golfe Persique. Le Canada a déployé un hôpital de campagne pour soutenir le 33e Hôpital de campagne de l'armée britannique dans le cadre d'une guerre terrestre anticipée. Moins de 24 heures après le début des hostilités, je suis devenue membre du 1er Hôpital de campagne du Canada en tant qu'infirmière en soins intensifs. Avec environ 350 autres personnes, des membres du personnel médical de toutes professions, des signaleurs, des logisticiens et un peloton de soldats d'infanterie du Royal Canadian Regiment, ou RCR, on m'a amenée à la Base des Forces canadiennes Petawawa, en Ontario, pour y suivre une formation préalable au déploiement et y préparer l'équipement.
L'effectif complet de l'hôpital de campagne est arrivé en Arabie Saoudite à la mi‑février de 1991. En raison de l'évolution rapide de la guerre terrestre et des problèmes de sécurité liés au transport du personnel dans une zone de guerre, seule une partie de l'effectif de l'hôpital de campagne, en plus de nos homologues britanniques, a été déployée à l'emplacement avancé, à environ 40 kilomètres de la frontière entre l'Arabie saoudite, le Koweït et l'Irak.
Les tâches du personnel de l'hôpital de campagne déployé à l'avant comprenaient le traitement chirurgical et médical des soldats alliés et des soldats irakiens blessés. En fin de compte, notre peloton du RCR a été chargé d'aider à gérer l'afflux de détenus irakiens. Il était également responsable d'escorter des Irakiens blessés tout au long du processus de traitement. Nous sommes rentrés chez nous à la fin du mois de mars 1991. On peut dire avec justesse que le 1er Hôpital de campagne du Canada était l'hôpital le plus proche de la campagne au sol.
Depuis l'adoption du Statut de Westminster en 1931, le Canada n'a officiellement déclaré la guerre qu'une seule fois, soit en 1939, lorsque le roi — sur les conseils de ses ministres canadiens —, a fait entrer le Canada dans la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, des Canadiens sont allés à la guerre et sont devenus de facto des anciens combattants ayant servi en temps de guerre. Le Canada n'a pas officiellement déclaré la guerre à un autre pays depuis la signature de la Charte des Nations unies en 1945. Néanmoins, les forces militaires canadiennes se sont engagées dans des zones de conflit dans le monde dans le cadre d'interventions policières, d'opérations de maintien ou de rétablissement de la paix, ou de tout autre type d'intervention de la part du Canada.
Comme Michel Rossignol l'a souligné à juste titre dans un document de 1992 qui a été préparé pour nous, au Parlement, la Loi de 1950 sur les forces canadiennes permettait au gouverneur en conseil, sur les conseils du ministre de la Défense nationale, de mettre les forces armées en service actif, non seulement lorsque la sécurité du Canada était menacée, mais aussi — et j'insiste là‑dessus — lorsqu'une opération collective était entreprise en vertu de la Charte des Nations unies, par l'OTAN ou par toute autre organisation de défense collective. En fait, les militaires sont mis en service actif pour des raisons bureaucratiques et pour l'accès aux avantages. Comme l'a fait remarquer le ministre de la Défense nationale en 1951, il s'agit de l'application du principe de l'assurance. Cette question a été très bien traitée par mes prédécesseurs.
De la guerre froide à nos jours, mettre les forces militaires en service actif a été nécessaire pour s'assurer qu'elles sont prêtes à intervenir à tout moment en cas de conflit dans le monde. Si l'adoption de la loi a effectivement changé les choses quant au moment où les troupes doivent être mises en service actif, elle a involontairement créé une faille faisant en sorte que de futurs vétérans ne bénéficieraient pas des mêmes avantages que ceux qui ont été en service actif pendant la Seconde Guerre mondiale et, ultérieurement, la guerre de Corée.
Le choix bureaucratique suivant a été l'obligation de désigner un théâtre d'opérations comme une zone de service spécial, ou ZSS, et de consulter le ministre des Anciens Combattants sur les avantages. Ainsi, les Canadiens qui ont servi dans ces théâtres d'opérations ne sont pas considérés comme des anciens combattants ayant servi en temps de guerre.
Nous devons nous demander si les définitions et les critères actuels relatifs aux avantages accordés aux vétérans et à la reconnaissance et à la commémoration tiennent véritablement compte de la réalité des conflits modernes. Depuis la guerre des Boers, des Canadiens ont servi, ont été blessés et sont morts au nom de notre pays. Je vous demande si un décès vaut plus ou moins qu'un autre, si une blessure vaut plus ou moins qu'une autre, en fonction du temps. À l'heure actuelle — vous avez entendu de nombreux autres témoignages extraordinaires —, notre système présente des différences frappantes quant à la façon dont les vétérans sont traités et la façon dont ils sont honorés, en fonction de la nature du conflit dans lequel ils ont servi et de l'endroit où il s'est déroulé.
J'ai un certain nombre de recommandations que je vais mentionner très rapidement, avant de conclure.
Je recommande tout d'abord que l'on prenne en considération une définition de la guerre comme sous-catégorie concernant la « zone de service spécial » dans les lois et règlements en vigueur. On vous a parlé de la Loi sur les pensions et du déséquilibre.
Anciens Combattants Canada devrait mener une étude en recourant notamment à une table ronde composée de vétérans afin de moderniser et d'harmoniser les deux lois.
Comme nous le savons, les iniquités ne concernent pas que les vétérans. En 2023, ce comité a proposé d'abroger la disposition relative aux mariages intéressés qui touche les mariages après l'âge de 60 ans. Il faut poursuivre ces démarches, car les vétérans modernes vivent au‑delà de 60 ans et sont des adultes indépendants.
Enfin, nos familles servent également. Je recommande que nous considérions leur service comme un prolongement du service militaire et que nous demandions la mise en œuvre de la recommandation qu'a faite le Bureau de l'ombudsman des vétérans en 2021, soit que les membres de la famille aient accès aux avantages pour soins de santé mentale, de plein droit, pour des affections liées à leur service militaire allié.
Je vous remercie de m'avoir accordé du temps et je serai ravie de répondre à vos questions.
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Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue sur la formation et, en fin de compte, sur le commandement du personnel des Forces armées canadiennes au combat. On m'a demandé de présenter mon point de vue afin de montrer les réalités du service militaire, en mettant l'accent sur le devoir, la responsabilité illimitée, l'esprit combatif et la discipline.
La mission principale des Forces armées canadiennes, ou FAC, est de détecter et de dissuader les menaces ou les attaques visant le Canada et de se défendre contre elles. À ce titre, les militaires sont des citoyens uniques. Une fois qu'ils se sont enrôlés volontairement, ils sont les seuls individus autorisés à gérer la violence au nom de l'État et à recourir à la force ou à menacer d'y recourir dans le but de défendre des intérêts nationaux et d'atteindre des objectifs politiques. Comme j'ai déjà appuyé sur la gâchette et ôté la vie à plusieurs ennemis, il ne s'agit pas pour moi d'un concept abstrait.
L'accomplissement de la mission unique des FAC au sein de la société canadienne suppose certaines attentes sur le plan professionnel. Je vous livre mon interprétation de quatre d'entre elles qui sont les plus pertinentes dans le cadre de mon témoignage.
Le devoir signifie que la mission passe avant tout, toujours. Servir le Canada avant soi-même signifie que lorsque nous nous enrôlons, nous nous subordonnons à l'équipe, à l'unité et au bien commun. Il faut donc faire des sacrifices, un prix payé par nos membres de leur plein gré — et par leurs familles, parfois à contrecœur.
La responsabilité illimitée signifie que, légitimement, les membres des FAC doivent accepter que, dans l'exercice de leurs fonctions, ils puissent avoir à risquer leur vie ou celle des personnes qu'ils dirigent. J'ai enterré un soldat et je continue à en connaître d'autres qui luttent contre des blessures physiques et des problèmes de santé mentale, si bien que beaucoup d'entre nous vivent encore le sacrifice.
L'esprit combatif signifie que nous devons adopter une culture du combattant. Nous devons être capables d'agir sur tous les plans — physique, mental, émotionnel et spirituel — pour nous rapprocher de l'ennemi et le détruire. Pour citer le général Rick Hillier: « Nous ne sommes pas la fonction publique du Canada. Nous ne sommes pas un ministère comme les autres. Nous sommes les Forces canadiennes et notre travail consiste à être en mesure de tuer des gens. » Nous gérons la violence en votre nom à tous. La discipline et la primauté du droit signifient qu'il faut suivre les ordres légitimes de la chaîne de commandement, des ordres qui peuvent mettre nos vies en danger ou nous obliger à blesser ou à tuer des combattants ennemis. Par conséquent, notre grand défi en matière de leadership consiste à nous préparer, nous ainsi que notre personnel, à nous engager dans les sombres questions de la guerre sans perdre notre humanité.
Je vais maintenant vous donner un exemple d'opérations de combat à Kandahar, ce que l'on appelle une « zone de service spécial ».
Au cours de l'été 2006, les talibans, avec plusieurs centaines de soldats lourdement armés, ont tenté de s'emparer de Kandahar. Cette menace a mené à l'opération Medusa, la plus grande opération de combat du Canada depuis la guerre de Corée et, à l'époque, la plus grande opération de combat de l'histoire de l'OTAN. Bien que nous disposions de véhicules blindés de combat exceptionnels, nous n'avions pas de ressources d'ouverture de brèche pour vaincre les vastes défenses des talibans. Nous avons donc loué des bulldozers civils jaunes. Mes opérateurs ont trouvé ce plan insensé et ont exprimé leurs inquiétudes en raison des risques importants et évidents que cela comportait. Nous avons atténué les risques le mieux possible et, malgré les dangers résiduels, ils ont reçu l'ordre de percer les défenses talibanes. Ils n'avaient pas le choix.
Au bout du compte, nous avons réussi. Cependant, un membre de mon escadron a été touché par des explosions à trois reprises pendant qu'il utilisait de l'équipement lourd à l'extérieur du périmètre, ce qui lui a valu deux médailles du sacrifice pour ses blessures. Il s'appelle Lance Hooper. Il est aujourd'hui adjudant. À mon sens, en adhérant à la responsabilité illimitée, Lance Hooper illustre ce qu'est le devoir et à quel point la discipline est le fondement de l'esprit combatif.
En conclusion, l'enrôlement dans les FAC est volontaire. Une fois enrôlés, les membres des FAC doivent servir jusqu'à leur libération, conformément aux règlements. Ils sont soumis à de nombreuses obligations de service qui n'ont pas d'équivalents dans la vie civile et ils sont tenus de respecter la chaîne de commandement, de la maintenir et d'y obéir. L'entraînement et la socialisation pendant les périodes de service sont conçus pour cultiver le devoir d'obéissance et le respect de l'autorité, qui sont essentiels pour mener des opérations militaires efficaces et efficientes pendant le service actif.
Les opérations de combat à Kandahar, en Afghanistan, ont coûté la vie à de nombreux membres des FAC et ont nécessité le recours à une violence considérable contre un ennemi déterminé. Parler de « zone de service spécial », cela sonne creux compte tenu de la réalité sur le terrain.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité pour vous parler de mon expérience en tant que commandant d'une équipe de combat tactique en Afghanistan, de septembre 2008 à avril 2009.
Opérant depuis la base d'opérations avancée Frontenac, située légèrement au nord de la ville de Kandahar, mon équipe principale était composée d'un escadron blindé de reconnaissance auquel étaient rattachés des membres de l'infanterie, des sapeurs de combat, des membres de l'artillerie et d'autres spécialistes. Au départ, notre effectif de base était composé de 145 personnes. Si je dis « au départ », c'est parce que, malheureusement, quatre de mes soldats ont été tués au combat en faisant ce que le Canada leur avait demandé de faire.
C'est à cette occasion que j'ai été déployé avec ces Canadiens extraordinaires à l'extérieur du périmètre, quotidiennement, pour mener des opérations de combat.
J'aimerais souligner rapidement deux points essentiels à retenir de mon expérience en Afghanistan qui, selon moi, sont très pertinents dans le cadre de la discussion sur le service actif des membres des Forces canadiennes.
Le premier concerne le leadership au combat. Au cours de ma carrière, j'ai participé à plusieurs missions, chacune comportant ses propres défis et dangers. En ce qui me concerne, être commandant de combat en Afghanistan, avec toutes les difficultés que cela comporte et la responsabilité de prendre quotidiennement des décisions de vie ou de mort, souvent sans disposer de la moindre information, a été l'expérience émotionnelle et professionnelle la plus marquante de ma vie.
Nous étions en guerre. Nous participions à des opérations quotidiennes contre un ennemi déterminé et armé. Chaque jour, nous risquions d'être pris pour cible, d'être blessés ou tués. On s'attendait à ce que nous fassions la même chose à notre ennemi, si on nous le demandait en toute légitimité.
Les décisions que je prenais, la manière dont je dirigeais et dont j'employais mon équipe pour accomplir notre mission et, au final, les ordres que je donnais à mes soldats auraient des conséquences immédiates et permanentes sur chacun d'entre eux.
Dans le cadre de notre mission, nous avons subi des pertes importantes. Mon équipe principale a subi 26 % de pertes causées par l'action de l'ennemi. Quatre soldats ont été tués et 34 ont été gravement blessés. Parmi ces soldats gravement blessés, 22 ont été rapatriés au Canada. Ces chiffres ne tiennent pas du tout compte de ceux qui souffrent toujours de blessures visibles et invisibles plusieurs années après notre déploiement.
Pour replacer la situation dans une perspective opérationnelle, au collège d'état-major, où l'on forme les officiers militaires à la planification opérationnelle, nous avons utilisé des chiffres du temps de guerre qui indiquent que lorsqu'une unité a subi entre 10 et 15 % de pertes, elle est considérée comme inefficace au combat et ensuite retirée de la première ligne à des fins de reconstitution. En Afghanistan, cependant, il n'y avait pas de première ligne. L'ennemi était tout autour de nous. La reconstitution n'a jamais eu lieu, malgré nos pertes.
Je présente ces statistiques non pas comme une carte de pointage ou dans le but de glorifier les pertes, mais plutôt pour mettre en évidence les incidences immédiates et à long terme que la guerre a sur nos membres sur le plan humain.
En tant que dirigeants, notre responsabilité à l'égard de notre personnel est très directe et très importante, car nous prenons des décisions qui changent leur vie dans des zones de guerre imprévisibles et dangereuses. Le leadership ne consiste pas seulement à réussir sur le plan opérationnel ou tactique, mais aussi à faire preuve de compassion et d'un engagement durable à l'égard de ceux dont nous sommes responsables et à qui nous devons rendre des comptes pendant le combat et longtemps après. En fait, la santé et le bien-être de notre personnel font partie intégrante de la réussite de la mission.
L'autre point concerne la responsabilité illimitée. Tout au long de mes années de service pour le Canada, j'ai fièrement accepté le principe de la responsabilité illimitée, ce qui signifie que l'on peut légitimement m'ordonner de m'exposer au danger dans des conditions pouvant entraîner la mort. En tant que membres de la Force régulière en service actif, nous n'avons jamais remis en question cette attente. Lorsque nous étions déployés dans le cadre d'opérations visant à soutenir les engagements du gouvernement du Canada, quel que soit le contexte de la menace, la responsabilité illimitée demeurait présente. Nous avions l'obligation d'obéir aux ordres légitimes, mais cela ne nous empêchait pas de poser des questions constructives pour comprendre l'intention, planifier et préparer nos équipes ou mettre en place d'importantes stratégies d'atténuation pour réduire les risques liés à la mission et protéger la santé et le bien-être de notre personnel. Malgré tout cela, de mauvaises choses peuvent malheureusement tout de même se produire.
Pendant mon service en Afghanistan, j'ai reçu des ordres légitimes d'enjoindre à mon unité de mener des missions de combat qui nous mettaient, mes soldats et moi-même, en danger. Certaines missions ont malheureusement causé la mort de soldats. Malgré ces moments terribles, nous avons continué à mener des opérations et à accomplir notre devoir. Nous n'avons pas interrompu nos activités pour échapper aux dangers auxquels nous étions confrontés quotidiennement.
Ces moments difficiles ont mis en valeur l'importance de la confiance dans nos rangs. Nous devions faire confiance aux personnes à notre gauche et à notre droite, à la chaîne de commandement et, par extension, à notre pays et à ses institutions nationales lorsqu'il s'agit de respecter et d'honorer les membres de notre personnel et leurs familles et d'en prendre soin de manière cohérente et significative, longtemps après la fin du déploiement. Les expériences de guerre ne sont pas délimitées par des dates de début et de fin. Elles perdurent pour tous les membres des forces armées et, du même coup, pour leurs familles.
En conclusion, je dirai que j'ai traversé de longues périodes de culpabilité et de doute personnel et fait une importante réflexion interne pour gérer mes attentes, mes expériences et mes décisions afin de rationaliser les répercussions à long terme de notre mission de combat en Afghanistan sur mes soldats et mon rôle, bon ou mauvais, dans leur vie, leur réintégration après le déploiement et même leur douleur. Malgré tout, je n'ai jamais remis en question mon rôle de chef et la nécessité de prendre des décisions difficiles, pas plus que j'ai remis en question la nécessité d'avoir une responsabilité illimitée en raison des impératifs opérationnels, des obligations juridiques et des attentes morales.
Je suis reconnaissant envers le Comité de se pencher sur ce sujet important. Je vous remercie du soutien que vous apportez à nos vétérans.
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Excellent. Merci beaucoup.
Vous avez parlé des blessés, de ceux qui sont morts en service, de ceux qui ont été grièvement blessés et d'autres personnes. Vous avez ensuite souligné le fait que la santé et le bien-être sont touchés, vraiment, pour le reste de la vie. J'ai une question quelque peu délicate à poser. Si vous ne voulez pas y répondre, ce n'est pas grave.
Au fil du temps, le recours à l'aide médicale à mourir est devenu de plus en plus connu au sein des forces armées. Nous avons entendu parler de soldats qui se sont vus offrir, se faisant même dire qu'ils ne devraient pas s'inquiéter, car leur famille serait prise en charge. Un grand nombre s'enlèvent la vie à leur retour au pays. Bien sûr, ces circonstances n'auraient pas été perçues sous le même jour.
Je dois juste vous demander ce que cela fait au cœur et à l'esprit de servir son pays, de rentrer au pays et de se faire offrir l'aide médicale à mourir.
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Je pense que lorsque les gens sont déployés pour servir leur pays, ils partent avec la conviction qu'ils vont accomplir leur travail et faire ce qu'on leur demande, convaincus que c'est leur devoir et leur engagement envers le Canada. C'est leur fierté à l'égard du pays et de tout ce qui s'y rapporte. Je ne crois pas qu'ils se déploient pour réfléchir à ce qui pourrait se passer si les choses tournent terriblement mal.
Je pense qu'ils se déploient avec la conviction que leurs collègues, leurs dirigeants et leur chaîne de commandement — et certainement l'institution, le gouvernement et le pays que nous représentons — les appuient dans ce qu'ils font. Sinon, pourquoi serions-nous envoyés dans différentes régions du monde?
Ils se disent que si quelque chose tourne mal en ces jours si terribles que c'en est inimaginable, on s'occupera d'eux. Ils ont une confiance institutionnelle, car ils sont socialisés — si l'ont peut dire — lorsqu'ils se joignent aux forces armées et ils fonctionneront d'une certaine façon, avec des principes éthiques et des obligations morales, et ils auront également confiance en l'institution, ce qui va bien au‑delà de l'unité avec laquelle ils sont déployés. Je crois qu'ils possèdent cette confiance si les choses se passent mal. Je pense que ce qui ressort de certains témoignages d'aujourd'hui, c'est que cette confiance est remise en question.
Chose certaine, lorsqu'on est déployé, on sait généralement où l'on va, et on a une obligation.
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Je vous remercie de la question.
La guerre du Golfe constitue une période très intéressante de l'histoire. C'était la fin de la guerre froide. L'armée commençait à numériser les documents, de façon très rudimentaire je dirais. Les systèmes de dossiers ont changé. Ce qui s'est passé, c'est que lorsque le personnel déployé dans le cadre de la crise du golfe Persique est parti à l'étranger, le système administratif n'a pas suivi.
Pour quelqu'un comme Sean Casey — ou même moi, finalement, je ne m'en étais pas rendu compte —, quand on examine le dossier pour voir ce qui doit être commémoré et comment, l'examen se fonde sur un dossier saisi par quelqu'un. Dans le cas de Sean Casey, on a complètement omis le fait qu'il était à bord du navire, à bord du Terra Nova, et qu'il était dans le golfe Persique. Il a donc dû se battre pour dire qu'il était là. N'oubliez pas que tout le monde n'avait pas de téléphone cellulaire pour prendre une photo avec la date et l'heure. Nous prenions des photos avec nos petites caméras, en espérant que le résultat soit bon. Il a été oublié, et il s'est battu pendant de nombreuses années pour faire comprendre qu'il était là.
Pour les gens qui se déplacent continuellement, les faits deviennent très difficiles à prouver quand on travaille avec une copie papier et que quelqu'un perd le document quelque part en transférant les renseignements sur une copie numérique. Dans mon cas, on m'a dit que je n'avais pas servi en Arabie saoudite, mais qu'on m'accordait un crédit. Je l'ai appris lorsque j'ai pris ma retraite 33 ans plus tard.
Pourquoi est‑ce important? Cela a une incidence sur la manière dont tout est calculé, de l'indemnité de départ aux prestations, ou si on est blessé. Pour vous donner un exemple, mon dossier indique que j'ai été en Allemagne. J'ai obtenu un crédit de service hors pays — heureusement —, mais je n'ai pas obtenu le crédit de service spécial.
Vous aller constater que membres de rang inférieur ne savaient pas comment se dépatouiller dans le système. Cela fait en sorte qu'il est réellement impossible pour ACC de faire les calculs et pour le MDN de déterminer s'ils ont vraiment servi dans le golfe Persique. S'il y a une leçon à tirer de tout cela, c'est qu'il faut accorder une attention particulière à l'examen des dossiers des gens au début des années 1990, pendant la période de transition, pour que Sean Casey ne se voie pas décerner sa médaille du Golfe avec 33 ans de retard.
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Merci beaucoup de la question.
Nous savons que le vétéran moderne, à partir de 1989, semble différent. Nous représentons un Canada qui se diversifie au fil du temps. Alors que de plus en plus de femmes, avec toutes leurs intersections d'identité, viennent servir, nous examinons les prestations et les programmes mal adaptés, non seulement dans les Forces armées canadiennes, mais aussi au sein de la communauté des vétérans. Qu'en est‑il de l'exposition? Je sais qu'il y a eu des défis pour les femmes déployées dans le golfe Persique qui ont eu des problèmes reproductifs. Les aspects liés à la santé au travail ne sont pas les mêmes pour les femmes. Les mesures unisexes ne conviennent à personne, et c'est la même chose ici.
Le comité des femmes est chargé de conseiller le ministre sur la façon d'agir pour la GRC et les vétéranes des Forces armées canadiennes. Comment pouvons-nous mieux soutenir les femmes avec toutes leurs intersections afin de résoudre les problèmes, qu'il s'agisse des prestations ou d'autre chose? Je pense que c'est assez important à faire. Je fais partie du comité aux côtés de la sénatrice Bev Busson, vétérane de la GRC. Avec environ cinq autres personnes, nous sommes passées par ce qui était essentiellement un processus d'évaluation à l'aveugle visant à constituer un groupe de personnes qui peuvent conseiller adéquatement le ministre afin de s'attaquer aux problèmes qui touchent les femmes.
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Je vous remercie. Je trouve que c'est une question très pertinente.
Pour me préparer à ma venue ici, j'ai fait un peu de recherches. Je vais revenir à l'une des questions précédentes. Nous avons le point de vue législatif, qui est la déclaration de guerre en vertu du droit régissant les conflits armés internationaux. Il est certainement question d'un début et d'une fin, mais c'est une entité juridique. Quand on se met à déterminer les processus administratifs qui relèvent de la Loi sur la défense nationale ou de la Charte des anciens combattants, c'est là que cela devient un substantif.
Soyez indulgents avec moi. Je me suis demandé ce qu'était la guerre. Aucun des témoins que nous avons entendus ne nous a dit que nous n'avons pas le sang de la même couleur, quelle que soit l'appellation juridique. Je sais que cela semble assez dur, mais en ce qui concerne l'incidence des blessures et des décès sur les familles et les membres, l'appellation légale importe peu, alors j'ai pensé vous faire part de quelques points intéressants.
Dans le dictionnaire Oxford, le terme « guerre », comme substantif, est un conflit mené par la force des armes entre des nations ou des parties opposées, ce qui inclut donc le golfe Persique, l'Afghanistan et le Kosovo. Voyez-vous où je veux en venir?
Ce que j'ai également trouvé intéressant, c'est que nous savons qu'à partir de 1945, lorsque le Canada a examiné la Charte des Nations unies, c'est devenu une « intervention policière » et autres, nous savons que c'était pour se retirer du conflit mondial tel que nous l'avons connu, mais saviez-vous qu'en vertu de la Charte des Nations unies, la guerre n'est pas définie comme une déclaration, mais comme une action?
Il est intéressant de noter qu'elle définit la guerre comme étant un conflit qui répond aux critères d'un conflit armé selon les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels.
En tant que membre du personnel des services de santé pendant le conflit perse, je portais une croix rouge, et ces soldats du Royal Canadian Regiment assuraient notre protection parce que je ne devais lever le bras que pour me défendre et pour aucune autre raison.
On parle des protocoles additionnels: « Il y a conflit armé lorsqu'il y a recours à la force armée entre des États — conflit armé international — ou lorsqu'il y a des violences prolongées entre des autorités gouvernementales et des groupes armés organisés à l'intérieur d'un État — conflit armé non international. »
Pourquoi est‑ce important? C'est important parce qu'il est question d'actions qui ont lieu. Si nous prenons la mesure législative et l'appliquons à ceux d'entre nous qui ont servi, vous pouvez être un ancien combattant si, d'un point de vue administratif, nous écrivons la définition de « guerre », mais lorsque nous examinons la « zone de service spécial »... Encore une fois, je ne suis pas une experte en la matière. Nous avons besoin de gens très intelligents qui rédigent les règlements et les politiques qui en découlent, de la Loi sur le bien-être des vétérans, mais lorsqu'on examine une zone de service spécial — et il y a toutes sortes de choses qui s'y rattachent —, pourquoi ne pas avoir...? Si je me fie à tous les exemples que mes collègues ont fournis et à tous les endroits que nous avons vus, ces zones sont désignées comme étant des zones de guerre.
Du point de vue des avantages, nous pouvons procéder d'une certaine manière, mais du point de vue de la commémoration d'un ancien combattant, nous demandons d'être reconnus pour le sacrifice ultime consenti pour notre pays.
Pourquoi sommes-nous en conflit? C'est parce qu'il est très difficile de définir la famille que nous avons créée et les environnements dans lesquels nous évoluons dans un processus bureaucratique. C'est une question de reconnaissance. C'est une question de dignité. C'est une question de justice.
Il y a du potentiel, et je pense qu'il vaut la peine d'envisager d'introduire le substantif « guerre » dans le règlement au niveau politique, de procéder à une évaluation et de voir si cela fonctionne. Retirez le terme de la mesure législative et placez‑le à un niveau inférieur.
[Français]
Merci.
:
C'est une bonne question.
[Traduction]
Je mettrai entre parenthèses les points sur lesquels je devrai me récuser, parce que, bien sûr, je bénéficierais de tout cela, et je veux donc mettre ces points sur la table tout de suite.
À la Chambre des communes, vous vous souciez des anciens combattants et des membres actifs des Forces armées canadiennes et de la GRC. Nous le savons. Je pense que cette mesure législative serait bien accueillie.
La question est de savoir s'il s'agit d'un projet de loi du gouvernement ou d'un projet de loi d'initiative parlementaire. D'où proviendra‑t‑il? Encore une fois, comme nous venons de le voir, ce sont les procédures parlementaires qui comptent.
Je pense que cette mesure législative sera bien reçue. Encore une fois, il s'agit de reconnaissance, de commémoration, de dignité et de respect, et les principes d'assurance dont vous avez parlé peuvent être abordés plus tard.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être ici et, bien sûr, de votre service à notre pays. Je suis désolée que vous n'ayez pas un peu plus de temps pour raconter vos histoires, mais je vous souhaite la bienvenue au Parlement. Nous voilà ici.
Je vais m'adresser à la sénatrice en premier.
Je vous suis vraiment reconnaissante d'avoir recommandé que le Comité étudie l'équivalence entre les deux mesures législatives. Ce qui m'a particulièrement intriguée, c'est que les anciens combattants devraient être invités à une table ronde pour nous éclairer dans cette étude. L'un des défis dont les anciens combattants nous font part sans cesse, c'est qu'ils ne savent souvent pas ce pour quoi ils peuvent présenter des demandes et qu'ils ne comprennent pas les changements.
Je me demande si vous pensez qu'il serait approprié qu'ACC accomplisse une partie de ce travail — de s'asseoir avec les anciens combattants et de tenter de comprendre les différents avantages, tout en obtenant les commentaires de la part de personnes qui ont participé aux guerres dont vous parlez. Ils sont laissés de côté et ne sont pas reconnus comme ils devraient l'être.
:
Je vous remercie de la question.
Comme je l'ai dit, j'ai été une infirmière militaire. À mon retour, je suis devenue l'infirmière en chef de l'étage qui gérait la clinique de la guerre du Golfe pour les Forces armées canadiennes. Le colonel à la retraite Ken Scott était le spécialiste de la médecine interne qui effectuait les évaluations. Cette démarche était motivée par le fait que d'autres pays alliés disaient, « Nous observons une myriade étrange de symptômes et nous voulons savoir à quoi ils sont liés ». Sur mon étage, les gens venaient des quatre coins du pays. C'est à l'époque où nous avions encore des hôpitaux militaires. Les patients subissaient toute une batterie de tests pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une maladie sous-jacente. Comme vous le savez, ce syndrome est contesté. Qu'est-ce que c'est? Comment cela fonctionne-t-il?
L'un des problèmes, c'est que nous n'investissons pas dans la recherche. Je reviens sur ce sujet encore une fois. Si vous voulez une solution canadienne, il est facile de dire, « Non, nous avons besoin de données, alors faites des recherches ». Pour aller de l'avant, d'autres pays ont réalisé de nombreuses recherches. Ils se sont penchés sur la question. S'agit-il d'une forme de syndrome de stress post-traumatique? Non. Cependant, il y a des conditions en périphérie. Ils ont fait plus de travail. Si nous, au Canada, voulons étudier la question, nous devons investir dans des recherches appropriées, parce que le problème deviendra caché.
Les défis dans un pays comme le Canada qui continuent de nous faire avancer... Nous disons: « Tirez et oubliez. C'est fini. Passons au prochain enjeu et à la prochaine guerre. » Si vous voulez examiner la question rétrospectivement, il faut investir dans des recherches comparatives entre les sexes ventilées pour voir quelles sont les différences, car il s'agit d'une question de santé au travail.
:
Je suis vraiment désolé.
Chers témoins, merci d'être venus témoigner. Même si vous êtes ici à titre personnel, toutes vos observations comptent vraiment pour tous les anciens combattants.
[Français]
J'aimerais remercier l'honorable Rebecca Patterson, contre-amirale à la retraite et sénatrice de l'Ontario.
Je remercie aussi les deux témoins qui ont comparu à titre personnel. Il s'agit de M. Marc Gasparotto, colonel à la retraite, vétéran d'Afghanistan et commandant de sous-unité de combat, et de M. Dean Tremblay, lieutenant-colonel à la retraite, vétéran d'Afghanistan et commandant de sous-unité de combat.
Chers collègues, j'aimerais que vous nous envoyiez votre liste de témoins d'ici mardi prochain, à midi.
[Traduction]
La séance est levée.