Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la 46e réunion du Comité permanent des anciens combattants.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Nous recevons des témoins avec nous en salle et en ligne.
Je demande aux participants ainsi qu'aux membres du Comité de bien vouloir adresser leurs questions et leurs commentaires à la présidence.
L'interprétation est disponible en français et en anglais.
Conformément à notre motion de régie interne, les tests de connexion ont été faits avec les témoins.
L'étude que nous menons porte sur l'expérience de femmes vétéranes.
[Traduction]
Avant de présenter nos témoins, j'aimerais émettre un avertissement sur le contenu potentiellement troublant. Nous allons discuter d'expériences relatives à la santé mentale, ce qui pourrait déstabiliser les auditeurs, les membres du Comité et les employés ayant des vécus similaires. Si vous ressentez de la détresse ou avez besoin d'aide, veuillez en aviser la greffière.
[Français]
J'aimerais maintenant accueillir nos témoins, qui auront cinq minutes pour faire leur allocution d'ouverture. Je vais être flexible quant au temps.
Ensuite, les membres du Comité leur poseront des questions à tour de rôle.
Accueillons maintenant nos témoins. Nous recevons, par vidéoconférence, la Dre Maya Eichler,
[Traduction]
Elle représente la Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire à l'Université Mount Saint Vincent. Nous accueillons Sayward Montague, directrice de la défense des intérêts à l'Association nationale des retraités fédéraux. Finalement, nous recevons la Dre Karen Breeck, coprésidente du Réseau de recherche et d'engagement des vétéranes.
Nous commençons par vous, madame Eichler. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Veuillez allumer votre microphone et débuter.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m’avoir invitée et d’entreprendre cette étude historique qui met les anciennes combattantes à l’avant-scène.
Je vous parle depuis le territoire ancestral et non cédé des Micmacs, où je travaille à l'Université Mount Saint Vincent. Je m’adresse à vous en ma qualité de chercheuse spécialisée dans le vécu des femmes militaires et des vétéranes des Forces armées canadiennes, ou FAC. Je mène des recherches qualitatives en sciences sociales qui reposent surtout sur des entretiens avec des vétérans.
Je tiens à déclarer d’emblée qu’on ne peut ni ne doit se pencher sur les expériences des vétéranes sans tenir compte du vécu des femmes militaires toujours en service. Cette fausse bifurcation du vécu au féminin se traduit par une séparation institutionnelle entre, d’une part, la Défense nationale et Anciens Combattants Canada, d’autre part. Elle donne lieu à des recherches, des politiques, des programmes et des services loin d’être idéaux. Je vous presse donc de réfléchir aux expériences des femmes dans leur globalité, en transcendant ces séparations ministérielles.
Au cours des dernières années, un intérêt pour la recherche sur les femmes vétérans s’est manifesté au Canada. Je ne répéterai pas les constatations de ces nouvelles recherches dont d’autres témoins ont déjà parlé. Je vous donnerai plutôt un état de l’art de la recherche sur les vétéranes au Canada et les éléments à changer afin de mieux appuyer les femmes vétérans et garantir des résultats équitables.
Il est important, comme point de départ, d’admettre que le système militaire et le système des vétérans sont traditionnellement conçus pour les hommes, en particulier les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale. Même si davantage de femmes ont été autorisées à rejoindre les rangs de l’armée au fil des décennies, surtout depuis la levée de l’interdiction de combat en 1989, la Défense nationale, les FAC et Anciens Combattants Canada n’ont pas entrepris la modification proactive de leurs systèmes. Pourtant, les femmes ont des corps, des expériences et des besoins bien distincts de ceux des hommes. Au Canada, il existe actuellement peu ou pas du tout de soutien ou de recherche sur les besoins sexospécifiques des femmes. Les femmes sont par ailleurs obligées de travailler dans un système conçu pour les hommes, ce qui peut leur causer d’autres maladies, blessures ou préjudices.
Malgré les préjugés habituels quelque peu explicables, il est déplorable que le Canada soit dépourvu de volonté politique ou d’action concertée qui neutraliserait ceux présents dans le système militaire, dans le système des anciens combattants et dans la recherche. On peut avancer sans exagérer que la recherche sur les femmes militaires et les vétéranes n’a jamais été soutenue ni valorisée au Canada, et c’est toujours le cas dans une large mesure.
La recherche réalisée à l’étranger — surtout aux États-Unis —, plus volumineuse et robuste, fait d’ailleurs ressortir les risques professionnels des militaires propres au sexe et au genre et leurs répercussions tout au long de la vie des femmes militaires et des vétéranes. Ces problèmes demeurent largement inexplorés au Canada.
Il est primordial d’acquérir ces connaissances manquantes afin de leur offrir des services de prévention des risques tenant compte du sexe et du genre ainsi que des soins adaptés au sexe et au genre pour les blessures et maladies liées au service pendant et après celui‑ci, tout au long de leur vie.
La recherche sur les femmes militaires et vétéranes, comme je l'ai déjà souligné, connaît un certain essor en ce moment au Canada. Cet essor est toutefois affligé autant d’un développement inégal que d’un manque de coordination stratégique et de collaboration. Les chercheurs individuels, internes et externes au gouvernement, se sont mis de leur propre chef à combler les lacunes qui subsistent dans la recherche, mais ils sont en mesure de faire avancer la recherche seulement dans une certaine limite.
Pour transcender les limites des spécialités individuelles, on a besoin de divers types de recherches sur les femmes militaires et les vétéranes, notamment la recherche médicale clinique, la recherche intégrée en santé et en sciences sociales, les études longitudinales, les méthodes de recherche mixtes et bien plus encore.
Il est impératif de mettre au point une stratégie de recherche pancanadienne qui soit stratégique, coordonnée et collaborative et qui soit de nature interdisciplinaire, interministérielle et intersectorielle afin de bien obtenir les connaissances manquantes sur les besoins et les expériences des femmes militaires et des vétéranes des FAC.
(1840)
La recherche compte, car elle nous indique si les résultats sont équitables. La recherche émergente montre que les femmes n’obtiennent pas de résultats équitables dans l’armée, dans le milieu de travail militaire, dans le système de soins des militaires et des vétérans et durant la transition de la vie militaire à la vie civile...
Il incombe donc au gouvernement de garantir des résultats équitables aux femmes par l’élimination des préjugés et des barrières. Pour ce faire, il faut se doter d’une stratégie de prévention proactive qui repose sur la recherche et qui table sur les pratiques exemplaires en matière d’analyse de l’intersectionnalité, de sexe et de genre ainsi que sur les approches participatives et tenant compte des traumatismes.
Il n’est plus possible de faire la sourde oreille. Il faut admettre les lacunes dans la recherche et maintenant consacrer des fonds publics à la recherche pour y remédier de façon stratégique.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à deux de nos collègues: Mme Michelle Ferreri et M. Brendan Hanley qui remplacent respectivement Terry Dowdall et Rechie Valdez. Bienvenue à notre comité.
Je veux aussi remercier notre vice-président, M. Richards, qui a présidé la dernière réunion.
Donnons maintenant la parole à Mme Montague. Vous disposez d'environ cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Veuillez débuter.
Je suis ravie de comparaître devant le Comité, ici à Ottawa, sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishnaabeg, qui vit sur cette terre depuis des temps immémoriaux.
L’Association nationale des retraités fédéraux est la plus importante organisation de défense des intérêts nationale qui représente non seulement le secteur public fédéral, mais aussi les vétérans des Forces armées canadiennes et de la GRC, ainsi que leurs partenaires et leurs survivants. Notre bassin se compose d’environ 170 000 membres qui vivent d'un océan à l'autre et dans toutes les circonscriptions fédérales. Ils revendiquent une meilleure sécurité du revenu de retraite et un système de soins de santé solide et durable pour nos membres et tous les Canadiens et, ce qui est plus particulièrement pertinent pour ce comité, des résultats plus équitables pour les vétérans.
Notre association est également fière de coprésider le Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes, ou RREV. La mission du Réseau est de travailler en collaboration pour assurer des résultats équitables à vie pour tous les vétérans.
En 2017, notre association a organisé une série de forums publics et mené des sondages numériques dans tout le pays, pour communiquer avec nos membres vétérans et leurs familles, ainsi qu’avec la communauté des vétérans dans l’ensemble. Nous voulions vraiment connaître les difficultés des vétérans et savoir ce qui fonctionnait bien. Nous avons entendu des centaines de vétérans, nous avons organisé une série de réunions qui ont rassemblé diverses parties prenantes et nous avons présenté deux rapports exhaustifs.
Mais dans ces rapports qui comptent 600 pages, vous ne trouverez aucune mention des besoins, des champs d'intérêt ou des préoccupations propres aux femmes vétéranes. Nous avons involontairement réduit les femmes vétéranes au silence, en ne veillant pas à ce qu'elles puissent s'exprimer et jouer un rôle dans l'élaboration conjointe des consultations et des rapports. Depuis, nous avons appris que, parmi nos membres qui sont des vétérans, un sur cinq est une femme. Pour rendre justice à tous nos membres, le programme de défense des intérêts de notre association s'est orienté vers l'inclusion active, plutôt que passive, des voix des femmes vétéranes, afin de réclamer des résultats équitables pour tous les vétérans. Voici comment nous l’avons fait. Nous avons présenté les recommandations de l'Association sur les enjeux liés aux femmes vétéranes à nos membres et aux parlementaires au cours des quatre dernières élections fédérales. Nous avons également contribué à organiser les réunions et les discussions politiques nécessaires pour veiller à ce que les questions d'équité, comme l'amélioration de la collecte et de la publication de données intersectionnelles, deviennent la norme dans les ministères responsables de la défense. Nous veillons à ce que les femmes vétéranes se fassent entendre directement, par exemple dans des articles dans Sage, le magazine de l’Association, et lors d'événements parrainés par l'Association sur les identités des vétérans, auxquels ont participé Christine Wood et Michelle Douglas, qui ont récemment témoigné devant ce comité.
Le budget de 2022 indiquait un engagement en faveur de résultats plus équitables en consacrant plus de 144 millions de dollars sur cinq ans, ainsi que 31,6 millions de dollars, actuellement, pour élargir les services de santé et les programmes de conditionnement physique afin de mieux répondre aux besoins des femmes et du personnel militaire ayant diverses identités de genre. Ces investissements ont une incidence directe sur les résultats de ceux et celles qui servent le pays et, en fin de compte, des vétérans. Cette mesure s'ajoute au financement promis dans le budget fédéral de 2021, une somme distincte de 158 millions de dollars sur cinq ans, pour le soutien aux victimes d'inconduite sexuelle et de violence fondée sur le genre dans l'armée.
En revanche, exception faite d’un financement de 115 millions de dollars pour aider le ministère des Anciens Combattants, ou ACC, à gérer un arriéré perpétuel et à conserver des gestionnaires de cas, le budget de 2023 n’en dit guère long sur les vétérans ou l'équité en matière de santé dans le contexte militaire. Les vétérans entendent qu’ACC a dû procéder à des coupes inattendues dans certaines de ses demandes budgétaires, notamment celles visant à rendre des emplois temporaires permanents.
Les problèmes ne sont pas toujours évidents, et le plan pour les résoudre encore moins. L'indifférence à l'égard des différences entre les genres dans les systèmes de l'armée et des vétérans, y compris pour les soins de santé, produisent des préjugés systémiques fondés sur le sexe, des lacunes dans la recherche et des taux accrus de blessures et de maladies. Cela se traduit par des taux de libération médicale inutilement élevés pour les femmes militaires qui atteignent potentiellement environ 50 % des cas. Il est possible de changer la donne, à l’aide de la recherche. Il s’agit du meilleur moyen d'influencer l’élaboration de politiques judicieuses, qui améliorent la situation.
Il est grand temps que le Canada se concentre sur des résultats équitables pour ceux et celles qui servent le pays, et pas seulement sur des réalités comme les temps d'attente. Pour ce faire, il faut un plan précis, du financement, des objectifs, de la transparence dans les rapports et une reddition de comptes pour atteindre les objectifs souhaités dans tous les ministères concernés. Ce que nous demandons à Anciens Combattants de trancher est directement lié à ce qui se passe pendant le service, ou à la manière dont les FAC et la GRC traitent la santé et le bien-être au travail.
Il faut féliciter le Comité pour l'orientation et l'ampleur de cette étude. Mais le succès de cette étude sera défini par ce que vous et vos collègues déciderez de faire avec les preuves qui vous sont présentées. Avec de l'énergie et de la volonté, il est possible de faire en sorte que les générations futures de femmes militaires et de vétéranes canadiennes aient des récits très différents à raconter.
C’est en tant que médecin ayant travaillé au sein de l’armée pendant plus de 20 ans que je commencerai par remercier, par l’entremise du président, tous les membres du comité permanent d’accepter de mener cette toute première étude sur les femmes vétérans. Merci.
J’ai suivi la santé de centaines de femmes militaires et vétéranes au cours des trois dernières décennies et j’ai hâte de discuter de mes recommandations avec vous pendant la période de questions. J’aimerais d’abord présenter au Comité trois éléments que je trouve utiles pour orienter ma réflexion sur les questions relatives aux femmes vétérans.
Le premier est la définition du problème. Quel est le problème que nous essayons de résoudre? Il est important de commencer par situer la nécessité de cette étude sur les femmes vétérans. J’aimerais rappeler au Comité, ainsi qu’à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes qui nous écoutent aujourd’hui, que ce ne sont pas toutes les vétéranes qui sont gravement blessées, qui souffrent de traumatismes sexuels militaires ou qui ont des problèmes de transition après avoir quitté l’armée. Cependant, j’espère que nous sommes tous d’accord pour dire que nous voulons que tous les vétérans aillent bien, pas seulement certains d’entre eux.
Par conséquent, cette étude pourrait viser à déterminer comment le gouvernement peut optimiser le bien-être de toutes les femmes vétérans. La question qui se pose alors est la suivante: comment saurons-nous que ce problème est résolu? Quel est le meilleur moyen de mesurer la qualité de vie ou le bien-être? En outre, en quoi consiste exactement le contrat social moderne entre les Canadiens et les vétérans de la génération d’après la Seconde Guerre mondiale? Sans une compréhension claire de ce qui serait « trop demander » de la part des vétérans, comment un nouveau militaire peut‑il prendre une décision éclairée sur ce à quoi il s’engage?
Le deuxième problème concerne la terminologie. Les termes sont-ils tous bien définis? Les mots qu’on emploie comptent. Le sexe biologique, l’identité de genre et l’orientation sexuelle sont des concepts connexes qui se chevauchent, mais ce ne sont pas des termes interchangeables. Les mots doivent être définis dans leur contexte et utilisés avec précision, faute de quoi les efforts déployés pour résoudre les problèmes auront tendance à stagner, particulièrement en ce qui concerne le bien-être des femmes.
Le troisième aspect est la capacité à résoudre le problème. Qui est le mieux placé pour s’attaquer au problème? Les problèmes graves, souvent déchirants rencontrés par les femmes vétérans ne manquent pas. Toutefois, il ne faut pas oublier que ce n’est pas parce qu’une vétérane éprouve un problème que ce problème est automatiquement attribuable au fait qu’elle soit une femme.
Les problèmes propres aux femmes vétérans nécessitent une volonté politique et des fonds ciblés pour que les anciens systèmes conçus par des hommes, pour les hommes répondent équitablement aux besoins des femmes. En rétrospective, c’est la décision du gouvernement d’appliquer une approche d’intégration « sans distinction de genre » qui a rendu invisibles la plupart des problèmes propres aux femmes militaires.
Les femmes militaires se sont longtemps échinées, souvent à leurs dépens, surtout dans les années 1980 et 1990, non seulement pour vivre avec ces inégalités, mais aussi pour les nommer et tenter de les faire corriger pour la génération de femmes suivantes.
Ainsi, bien que de nombreuses inégalités aient été corrigées depuis la base, il reste des problèmes qui ne peuvent être résolus qu’au niveau gouvernemental, c’est‑à‑dire depuis le haut de la hiérarchie. C’est là que j’encourage le Comité à concentrer ses efforts, puisque seuls ses membres peuvent régler ces problèmes.
Il y a 30 ans, le Canada était un leader mondial en matière d’intégration des femmes dans l’armée. Le gouvernement canadien a aujourd’hui l’occasion de retrouver son statut de chef de file en planifiant stratégiquement la meilleure façon d’intégrer, de normaliser, de favoriser et d’optimiser le bien-être des femmes qui souhaitent revêtir l’uniforme pour servir leur pays.
Je conclurai mon intervention par un appel à l’action. En tant que médecin et vétérane moi-même, je demande à tous les députés ici présents de s’engager à travailler ensemble, sans partisanerie, afin de trouver les meilleures solutions pour la santé et le bien-être des militaires, qu’ils soient toujours en service ou à la retraite.
(1850)
Comme beaucoup d’autres, je suis prête à collaborer avec tous les parlementaires afin de rendre l’armée plus forte et plus résiliente.
Les femmes représentent la moitié de la population canadienne, et il devient vite important pour la sécurité nationale d’élaborer un plan stratégique pangouvernemental sur la façon de mieux nous inclure et de prendre soin de nous dans l’armée et par la suite.
Merci beaucoup, docteure Breeck. Je vous remercie aussi pour votre service dans les forces armées.
Nous allons entamer la série de questions.
[Français]
Je veux prévenir les membres du Comité qu'aux environs de 19 h 30, nous allons faire une petite pause à la demande des témoins, de façon à ce qu'on puisse respirer un peu.
[Traduction]
Commençons par la première série, qui donnera six minutes à chacun.
J'invite Mme Cathay Wagantall à prendre la parole pendant six minutes.
Je suis reconnaissante des témoignages entendus ce soir et il me tarde de lancer la discussion. Je vous remercie énormément pour votre service et pour votre présence qui nous permet de nous éclairer.
Madame Montague, je lis sur le rapport que vous avez rédigé en 2017 et je dois dire qu'il était très volumineux avec ses 600 pages. Je trouve intéressant que vous ayez conclu que l'expression « sans distinction de genre » s'appliquait dans ce contexte. Je suis vraiment ravie que vous l'ayez reconnu.
Je me demande si vous savez combien de femmes vétérans, parmi tous les répondants, ont participé au sondage. Pouvez-vous nous donner une approximation? Vous avez dit que « des centaines de vétérans » se sont exprimés.
Environ 600 vétérans y ont répondu. En raison de notre aveuglement de l'époque devant ces enjeux, nous n'avons pas établi le profil démographique des participants.
C'est exact. Il n'y avait rien au sujet des femmes de façon particulière.
De plus, je crois que l'incidence et la qualité des réunions en personne doivent être bien comprises lorsqu'on organise un événement ou une assemblée publique dans un environnement où il n'y a pas d'espace prévu pour les femmes qui ont été blessées ou qui ont vécu de très mauvaises expériences. Nous ne pensions pas à cela auparavant. Nous avons appris depuis.
Nous sommes une association à but non lucratif fondée sur l'adhésion. Nous ne sommes pas un organisme de recherche ou une université. Le personnel a préparé le document et c'est le résultat que nous avons obtenu.
Malheureusement, c'est l'optique que nous avions adoptée. Nous avons depuis corrigé le tir.
Notre équipe de direction compte trois femmes, dont moi, sur cinq postes de cadres. Notre conseil compte une bonne représentation de femmes, notamment des membres des Forces qui ne sont pas en service. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec le Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes afin de tenir compte de leur point de vue.
Vous avez parlé, au deuxième point, de « contribuer à organiser les réunions et les discussions [...] pour veiller à ce que les questions d'équité, comme l'amélioration de la collecte et de la publication de données intersectionnelles [...] » Pourriez-vous me répondre rapidement par oui ou par non: est‑ce que vous avez atteint cet objectif?
À notre avis, oui. Nous sommes un organisme de défense des droits des retraités. Nous participons régulièrement à des rencontres de lobbying avec certains membres du Comité, et nous soulevons toujours ces enjeux.
Mme Eichler serait mieux placée que moi pour répondre à cette question. Elle peut vous parler de la situation relative à la recherche et de son évolution au fil du temps.
J'aimerais revenir à votre deuxième commentaire, au sujet du budget. Vous avez dit que les fonds avaient été octroyés en 2022, mais qu'ils étaient répartis sur cinq ans. Je ne suis pas certaine de comprendre. Est‑ce que vous avez aussi reçu des fonds en 2023, oui ou non?
Vous avez aussi parlé des préoccupations relatives au budget de 2023. Les anciens combattants ont entendu dire qu'il y avait eu des compressions inattendues dans certaines demandes budgétaires du ministère, notamment en vue de transformer des postes temporaires en postes permanents. Je présume, donc, qu'Anciens Combattants Canada avait demandé des fonds en vue d'une transition vers des postes permanents — ce que le Comité l'avait fortement encouragé à faire —, mais que la demande a été refusée... Elle ne s'est pas matérialisée dans le budget de 2023. Est‑ce exact?
Vous avez dit que ce que vous demandiez à Anciens Combattants de décider était « directement lié à ce qui se passe pendant le service ». Je ne peux être plus d'accord avec vous. Il est vrai que tout ce que vit un ancien combattant est directement lié à son service, et nous devons connaître ces paramètres.
Selon le rapport de la vérificatrice générale, Anciens Combattants Canada n'a pas du tout réussi à mesurer les résultats des programmes offerts. Nous sommes donc préoccupés de savoir que le ministère peut ainsi apporter des changements, sans toutefois pouvoir en mesurer les conséquences. C'est un sérieux problème pour l'avenir.
Je comprends ce que vous dites au sujet du succès de l'étude, qui dépend de ce que nous et nos collègues décidons de faire avec les données probantes que vous nous présentez. Nous avons rédigé plusieurs rapports et fait d'importantes recommandations au gouvernement, alors je dirais qu'il faut aller encore plus loin. Il faut s'assurer que les recommandations sont mises en œuvre. J'encourage depuis un moment le Comité à aller en ce sens, et à s'assurer que l'on répond aux demandes, dans le but d'améliorer les choses. Vos organisations pourraient faire de même: elles pourraient dégager les recommandations pour lesquelles le gouvernement avait pris des engagements et vérifier si elles ont été mises en œuvre.
Nous vous remercions pour vos exposés. Ils nous permettent de bien commencer notre étude.
Docteure Breeck, j'aimerais moi aussi vous remercier pour votre service, pour votre travail continu en vue d'appuyer les hommes et les femmes au service de notre pays et pour vos efforts dans le cadre de cette étude, qui est essentielle. Il s'agit d'une étude historique, comme nous l'avons dit plus tôt, parce que c'est la première étude importante sur les défis auxquels font face les femmes dans l'armée. Elle représente aussi une excellente occasion de bien faire les choses, et nous devrions en profiter. Nous sommes très heureux d'y prendre part.
Ma première question s'adresse à Mme Eichler, de Mount Saint Vincent. Vous travaillez en Nouvelle-Écosse, tout comme moi, et je suis heureux de vous revoir. Merci pour votre travail.
J'aimerais revenir à un commentaire que vous avez fait dans votre déclaration préliminaire. Vous pourrez peut-être nous en dire plus sur le sujet, parce que je crois que nous devrions nous y attarder. Vous dites qu'il y a de plus en plus de groupes, de personnes et de chercheurs qui réalisent des recherches sur les femmes, mais qu'il semble y avoir un manque de coordination et de collaboration dans le cadre de ce travail. Pourriez-vous nous en parler davantage, pour nous aider à mieux faire les choses?
Au Canada, nous avons adopté une approche plutôt réactive en vue de combler les lacunes en matière de connaissances sur les anciennes combattantes et les femmes militaires de façon plus générale: nous réagissons aux problèmes qui surgissent ou aux reportages dans les médias. Or, nous n'avons pas encore fait la transition vers une approche pangouvernementale proactive visant la coordination entre la recherche du ministère de la Défense ou des Forces armées canadiennes et celle d'Anciens Combattants Canada, dans le but d'établir une stratégie de recherche pancanadienne.
Ce qui nous aiderait, pour aller de l'avant, serait de créer un poste à temps plein de recherche sur les femmes au sein du ministère de la Défense ou des Forces, et un même poste à temps plein à Anciens Combattants Canada, et de veiller à ce que leurs titulaires collaborent. Par exemple, le comité directeur du ministère de la Défence et des Forces armées canadiennes est responsable de la coordination entre les deux ministères, mais il serait très utile de se centrer sur les questions relatives à la santé des femmes et d'obtenir l'avis d'experts et d'anciennes combattantes.
Je vous remercie pour votre réponse. Cela nous donne une bonne idée de la voie à suivre pour l'avenir.
Est‑ce que, d'après vos recherches, ce type de coordination existe dans d'autres pays? Pouvez-vous nous dire ce qui se passe ailleurs dans le monde et quelles sont les pratiques dont nous pourrions nous inspirer?
Le pays qui a l'approche la plus coordonnée et proactive en la matière, ce sont les États-Unis. Ils ont le plus d'expérience dans le domaine. Ils ont abordé la question des anciennes combattantes dans leurs politiques et leurs recherches depuis 1983, environ, lorsqu'ils ont mis sur pied le comité consultatif du département des Anciens Combattants sur les femmes vétéranes. Il y a aussi bien sûr le Defense Advisory Committee on Women in the Military Service, ou DACOWITS, mis en place en 1951.
L'approche est très différente, puisque le gouvernement mène activement les efforts. Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles la différence entre la recherche menée au Canada et celle menée aux États-Unis est si importante: le département des Anciens Combattants et l'administration des soins de santé pour les anciens combattants gèrent une grande partie de la recherche, la coordonnent et la résument.
La situation est très différente au Canada, où les gens présentent des demandes de financement et où une bonne partie de la recherche est donnée à forfait. C'est la façon de faire ici, mais elle ne permet pas de combler les lacunes de manière efficace.
Les Forces armées canadiennes visent une augmentation de la participation des femmes, dans le but d'atteindre les 25 %. Nous savons que nous sommes loin d'atteindre cet objectif. Pourquoi est‑ce le cas, selon vous? Est‑ce un manque de recrutement? Ma question s'adresse aux trois témoins.
J'aimerais peut-être d'abord entendre la Dre Breeck sur le sujet. Pourquoi n'avons-nous pas atteint les 25 % de femmes dans les Forces? Que pouvons-nous faire pour en recruter davantage?
Veuillez répondre très rapidement, s'il vous plaît, parce qu'il ne me reste qu'une minute et que j'aimerais vous entendre toutes les trois.
C'est une bonne question, à laquelle j'aimerais avoir une réponse...
Je crois qu'il s'agit d'enjeux très complexes et multifactoriels. Les raisons sont nombreuses. Il n'y a pas de solution unique pour régler tous les problèmes.
Je vais me centrer sur la commémoration et sur ce que savent les Canadiens de leur armée ou des anciennes combattantes. Il faudrait mieux connaître l'armée et ce qu'elle fait; je crois que c'est le point de départ. Les gens n'ont peut-être jamais vu d'anciennes combattantes. Il faut le voir pour le croire; il faut aussi le voir pour l'incarner.
Si nous ne sommes pas prises en compte dès le départ dans les programmes, alors les petites filles n'auront pas ce modèle de carrière. C'est une partie du problème.
Les anciennes combattantes partagent de nombreuses histoires à cet égard. Même pour le jour du Souvenir, lorsque nous allons chez Tim Hortons pour avoir notre café gratuit — offert aux anciens combattants —, la gentille personne derrière le comptoir nous regarde puis nous demande si nous prenons ce café pour notre mari, même si nous portons nos médailles. Même lors des célébrations, si nous sommes assises avec nos médailles et toute notre fierté, il y aura toujours des gens qui vont venir nous dire: « Oh, est‑ce que votre mari est mort? Est‑ce que ce sont les médailles de votre mari? »
C'est un phénomène très commun. Les gens ne savent pas qui nous sommes. Nous sommes toujours invisibles aux yeux du Canadien moyen.
Je commencerais là... Ils ne savent pas que nous existons.
Au cours des trois dernières rencontres, on a parlé de l'importance de la collecte de données. En effet, beaucoup de témoins ont décrié l'insuffisance de données. Pourtant, celles-ci nous permettraient de comprendre l'impact de la vie de militaire sur la santé et le bien-être des femmes, en particulier.
Madame Eichler, vous êtes très probablement d'accord sur l'importance de la recherche et de la collecte de données, puisqu'il s'agit de votre domaine d'étude.
Selon vous, le gouvernement en fait-il suffisamment à cet égard?
Il est très difficile pour moi de répondre à cette question parce qu'il y a la loi sur la transparence des données. Je dirais que le manque de transparence est un obstacle majeur à la recherche plus poussée dans le domaine des femmes militaires et des anciennes combattantes. Ces secteurs, surtout les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale, ne sont pas très ouverts ou transparents face à l'extérieur. Anciens Combattants Canada publie certains documents. Nous savons sur quoi le ministère travaille, et il s'est amélioré au cours des dernières années en publiant certains rapports en ligne ou en communiquant ses travaux de recherche, mais je crois qu'il reste encore beaucoup de travail à faire pour assurer la transparence en matière de recherche, sur les données qui sont recueillies. On pourrait en faire davantage pour ventiler les données par sexe, par genre et selon d'autres facteurs intersectionnels.
Le mandat consiste à réaliser une analyse comparative fondée sur le sexe et le genre plus, et d'accroître l'ouverture du gouvernement. Je ne crois toutefois pas que nous ayons atteint cet objectif. Je crois qu'il faut insister sur ces éléments pour faire avancer la recherche.
S'agit-il d'une volonté politique du gouvernement de manquer de transparence et d'empêcher l'échange de données? Y a-t-il un bogue que je ne comprends pas quelque part?
Le manque de volonté politique y est pour beaucoup. Jusqu'ici, les chercheurs qui ont demandé ces données n'ont pas été nombreux; nous sommes aujourd'hui plus attentifs et nous demandons une plus grande transparence dans ce domaine.
Je crois aussi qu'il y a un manque de coordination. Par exemple, lorsque je parle aux chercheurs du ministère de la Défense nationale, des Forces armées canadiennes et d'Anciens Combattants Canada, je constate que leur travail n'est pas nécessairement coordonné; la coordination est encore plus déficiente avec les organismes externes comme le nôtre.
La question n'a tout simplement pas été prioritaire, mais il faut s'y attarder et il est possible de le faire.
Il y a trois semaines, on apprenait qu'Anciens Combattants Canada avait une équipe de recherche composée d'une douzaine de chercheurs qui se consacraient à l'étude des diverses facettes de la vie des vétéranes.
Êtes-vous en contact avec cette équipe de recherche?
Il y a quelques semaines, on apprenait qu'à Anciens Combattants Canada, une équipe d'une douzaine de chercheurs se consacre à la cause des femmes et aux difficultés qu'elles peuvent avoir, entre autres. Êtes-vous en contact avec cette équipe?
Si j'ai bien compris, vous me demandez si le ministère des Anciens Combattants réalise des travaux de recherche sur les femmes. Je ne suis peut-être pas la mieux placée pour répondre à cette question. Je ne le sais pas. Je sais que nous avons entendu Nathan Svenson le 30 mars et qu'il a dit qu'il n'y avait aucun programme de recherche portant sur les anciennes combattantes au sein du ministère à l'heure actuelle.
Excusez-moi, j'ai mal compris la question parce que je n'entends pas très bien et qu'il y a beaucoup de retours sonores. Je voulais simplement dire que je pouvais répondre à votre question.
Le directeur de la recherche au ministère des Anciens Combattants a parlé des membres de son équipe au sein de la Direction de la recherche. Selon ce que j'ai compris, la recherche n'est pas entièrement consacrée aux anciennes combattantes, mais la direction a établi un plan de recherche en la matière.
On a aussi parlé du groupe d'intérêt de la recherche sur la santé des femmes militaires, organisé par le Réseau de recherche et d'engagement des vétéranes, qui réunit les intervenants qui travaillent dans le domaine de la recherche sur les femmes militaires et les anciennes combattantes. Il s'agit d'un groupe d'échange et de réseautage informel auquel nous prenons part. Ce sont là deux initiatives distinctes que l'on confond peut-être.
Oui, je communique avec les membres de la Direction de la recherche d'Anciens Combattants Canada. J'ai effectué des travaux de recherche pour eux, notamment à forfait. J'ai réalisé une étude de suivi sur les expériences de transition des anciennes combattantes.
Il y a une certaine collaboration et des échanges. Il ne s'agit pas d'une relation très étroite ou très coordonnée, mais nous sommes au courant des recherches de l'un et de l'autre.
Merci beaucoup. Je vous assure que mon intervention durera au moins six minutes.
Je tiens à remercier tous les témoins pour leur présence avec nous aujourd'hui. Le sujet me tient particulièrement à coeur et je suis heureuse que vous soyez toutes là pour nous éclairer sur cet enjeu très important.
Ma première question s'adresse à la Dre Karen Breeck.
Docteure Breeck, nous vous remercions pour votre service.
Pourriez-vous nous parler du travail du Réseau de recherche et d'engagement des vétéranes?
Au cas où cela ne serait pas évident, nous portons souvent plusieurs chapeaux, surtout dans notre environnement. C'est pourquoi nous avons trois coprésidentes. Ce soir, vous avez le privilège de rencontrer ces trois coprésidentes: Maya Eichler, Sayward Montague et moi-même sommes les trois coprésidentes du Réseau de recherche et d'engagement des vétéranes (RREV). Nous l'appelons WREN en anglais. L'orthographe de l'acronyme anglais diffère de celle du WREN de la Marine royale. Si vous examinez son appellation en anglais, c'est-à-dire le Woman Veterans Research and Engagement Network, vous remarquerez que, dans l'acronyme anglais, il manque un « V ». Cela a été fait très consciemment. Dans notre esprit, cela représentait la réduction au silence systémique des vétéranes ou « V », ce qui explique une partie de l'acronyme anglais.
Nous nous sommes réunies vers 2019 pour tenter d'amplifier les voix des femmes vétérans qui, selon nous, glissaient régulièrement entre les mailles du filet. Souvent, lorsque vous les examinez individuellement, vous pouvez voir le caractère organisationnel... les tendances et la reconnaissance des problèmes fondamentaux qu'elles soulèvent.
Dans mon cas en particulier — je vais me sentir vieille maintenant —, je vois des femmes glisser entre les mailles du filet encore aujourd'hui pour les mêmes raisons que celles qu'en ma qualité de médecin parmi tant d'autres, je distinguais déjà il y a 30 ans. Ce qui me brise le cœur, c'est la douleur de voir des problèmes inutiles et évitables qui ont été signalés à divers échelons de notre chaîne de commandement et jusqu'à nos différents gouvernements depuis plus de 30 ans. Ça et le fait de savoir que nous pouvons faire mieux et que ces problèmes n'étaient peut-être pas nécessaires. Pour tenter d'amplifier ces voix, nous savions que nous avions besoin de mener des recherches, parce qu'on nous disait constamment: « Non, je n'ai jamais entendu cela auparavant. Non, des recherches doivent être menées. Si ce problème était important, des recherches nous auraient indiqué que c'était important ». L'absence de preuve n'est cependant pas la preuve de l'absence du problème. Là encore, c'est grâce aux travaux et à l'étude de Dre Eichler que nous pouvons nous adresser à un groupe comme le vôtre et affirmer qu'aucune recherche n'a été menée dans ce domaine. Voilà pourquoi vous n'en avez pas entendu parler. Ce n'est pas parce que le problème n'est pas important. Nous n'avons pas encore eu accès à des travaux de recherche qui nous sont propres.
Je précise encore une fois que, pour avoir une voix, en particulier pour nous, les militaires, nous devons être apolitiques. Nous sommes ici pour servir notre pays. Nous sommes également ici pour servir tous les gouvernements, quel que soit le parti auquel ils appartiennent, et nous sommes donc très mal à l'aise lorsque nous nous exprimons de cette manière. Nous ne prenons la parole devant des politiciens qu'après avoir essayé tout le reste. Notre comparution est notre dernier recours. Personnellement, il m'est très difficile de comparaître devant vous. Je ne souhaite pas avoir à évoquer ces problèmes. Toutefois, je le répète, 30 années se sont écoulées, alors si je ne parle pas, qui le fera? Si nous ne le faisons pas maintenant, quand le ferons-nous? Voilà pourquoi le RREV existe.
Nous avons essayé, en faisant appel à des groupes comme celui de Sayward Montague, de comprendre comment fonctionne la politique, comment nous pouvons amplifier nos voix, comment nous pouvons nous faire entendre auprès du seul échelon qui puisse résoudre ces problèmes. Cela fait 30 ans que nous portons ce fardeau, et je sais que je parle au nom de nombreux membres de ma génération. Nous sommes fatiguées. Nous ne pouvons pas continuer à nous battre seules. Nous avons besoin de votre aide pour terminer ce travail pour la prochaine génération de femmes.
Ce que vous dites est intéressant, parce que j'ai parlé à beaucoup de femmes vétérans ces dernières semaines, et l'un des propos que j'ai entendus à plusieurs reprises, c'est que l'absence d'une intégration appropriée nous prive d'une énorme possibilité, parce que les femmes ne sentent pas qu'elles peuvent participer au processus. Si elles pouvaient y participer d'une manière plus constructive, il y aurait peut-être beaucoup plus d'innovation dans notre armée. Je pense qu'il est important de parler de la lourdeur de ce fardeau et de la possibilité qui existerait sans ce fardeau.
Je ne dispose pas de beaucoup de temps, mais je sais que vous êtes spécialisée dans le domaine de la santé génésique.
L'une des choses que j'ai apprises, simplement à partir des conversations que j'ai eues, c'est que la réalité de l'invisibilité des femmes qui servent notre pays a des répercussions particulières sur leur service et, plus tard, sur leur vie en tant que femmes vétérans. Je me demandais si vous pouviez nous donner des exemples où cela serait le cas, afin que nous puissions mieux comprendre la situation en tant que membres du Comité.
En une minute — j'espère que quelqu'un d'autre me permettra de terminer ma réponse —, si je peux me permettre, je vais aller droit au but.
Lorsque j'étais une nouvelle médecin à Greenwood, en Nouvelle-Écosse, au tout début de ma carrière, l'un des premiers appels que j'ai passés était destiné à la ligne de vol en vue de gérer une urgence médicale, et il s'agissait d'une femme enceinte qui avait pris l'avion — parce que nous avions dit qu'il lui était possible de voyager par avion — et qui faisait une fausse couche en vol. En tant que militaires, les personnes que nous soignons ne sont pas seulement des patients. Ce sont des gens avec qui nous vivons, avec qui nous respirons et avec qui nous allons à l'épicerie. Le lien est très étroit, et je me souviendrai toute ma vie — même si c'était il y a 30 ans — qu'elle m'a regardée et m'a demandé: « Madame Breek, est-ce que je viens de tuer mon enfant? Est-il sécuritaire pour moi de participer à ce genre de vol militaire à bord cet avion? ».
J'étais nouvelle, je l'ai regardée, et je me souviens encore de lui avoir dit: « Je ne connais pas la réponse à cette question, mais je vous promets que je la trouverai ». C'est avec sa permission... Je lui ai parlé aujourd'hui pour lui dire que je pourrais évoquer cette histoire et lui demander si elle consentait à ce que je le fasse. Elle m'a répondu: « Oui, il faut le faire ».
Ce sont les souvenirs de ce genre... Il y a 30 ans de cela, et je ne connais toujours pas la réponse à ces questions, pas plus que les autres femmes. Cela fait 30 ans que nous demandons: « Pouvons-nous, s'il vous plaît, trouver les réponses à ces questions? ».
Il n'y a peut-être pas de lien entre les deux. La fausse couche n'était peut-être pas liée au vol, mais nous l'ignorons, parce que nous n'avons pas recueilli les données nécessaires et que nous n'avons pas posé les questions qui s'imposaient. Le faire est un inconvénient politique. Nous sommes une vérité qui dérange, et nous devons nous attaquer directement à ces problèmes afin de les résoudre et afin que nos filles et nos sœurs puissent s'enrôler dans les forces armées.
Je suis convaincue que nous avons besoin de forces armées, mais nous devons les améliorer.
Cela ne pose aucun problème. Les membres du Comité comprennent que nous traitons d'un sujet particulier et qu'il m'est donc difficile de vous interrompre.
J'aimerais maintenant donner la parole à Mme Michelle Ferreri pendant cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs, je vous remercie infiniment de m'avoir permis de participer à la séance. C'est un honneur de servir ici.
Je remercie également les témoins de leur présence.
Docteure Breeck, je vous remercie de votre service.
Je suis membre de plusieurs comités, dont un qui traite de la condition féminine, et il y a certainement une grande corrélation entre ce dont je vous écoute parler et les nombreuses études que nous avons réalisées sur les agressions dans le milieu du sport et sur bien d'autres sujets.
Je vais faire aussi vite que possible, même si j'aimerais pouvoir interroger chacune d'entre vous pendant une heure. Je commencerai par m'adresser à Mme Montague.
Je pense que vous avez l'occasion de le faire, alors je vais vous poser la question en premier. Pensez-vous que les femmes retraitées craignent moins de parler des traumatismes qu'elles ont vécus une fois qu'elles ont quitté les forces armées?
Je pense que cela dépend fortement de la personne et du soutien qu'elle a reçu depuis sa libération, ce qui peut être un difficile selon le déroulement de la transition.
Il est également prouvé que la transition peut être très différente pour les femmes. Elles sont libérées pour des raisons de santé plus fréquemment que les hommes, et leurs besoins sont différents. Les risques qui découlent de ces conversations sont différents, alors leur volonté d'en parler varie fortement d'une personne à l'autre.
Je vous pose cette question parce que j'ai constaté que les systèmes de signalement des agressions semblent poser un problème important. Si ces retraitées pouvaient se sentir plus en sécurité plus tard, il serait très utile que certaines d'entre elles signalent les lacunes du système en ce qui concerne la reddition de comptes lorsqu'elles reviennent pour faire une déclaration ou déposer une plainte.
Cela fait deux ans que l'initiative relative à la conduite professionnelle des chefs et au changement de culture a été mise en œuvre. Je suis simplement curieuse de savoir si vous avez entendu parler de changements observés dans la culture des Forces canadiennes en ce qui concerne les femmes.
Je suis évidemment une femme vétéran. Je peux affirmer sans conteste que les FAC ont déployé des efforts considérables pour inclure les intervenants et les personnes mobilisées, et qu'elles ont organisé un certain nombre de séances de discussions ouvertes et des activités de rapprochement avec les intervenants — presque trop —, ce qui a soulevé toute une série de questions.
En ce qui concerne les gens comme nous, qui essayent d'aider, combien de fois pourrons-nous continuer à être sollicités pour participer à ces activités? Pour nous aussi, il est émotionnel que d'y participer en permanence.
Là encore, selon moi, dans une certaine mesure, on en revient à l'importance... Lorsque nous observons d'autres pays, nous constatons qu'ils disposent de groupes consultatifs externes normalisés. Les gens postulent pour ces emplois, les candidats sont sélectionnés — il n'y a pas de conflits d'intérêts — et ils reçoivent des honoraires s'ils en ont besoin, de sorte que la charge de travail n'incombe pas à toutes les personnes qui font ce genre de travail bénévolement. Cela dit, je dois admettre que le CCPC a accompli tellement de travail au cours des dernières années que, en tant que médecin, je crains que les personnes qui jouent un rôle dans cette initiative finissent par souffrir d'épuisement professionnel. Les choses changent.
Si je peux me permettre d'être à nouveau un peu brutale, je dirais qu'à mon avis, nous sommes maintenant à un tournant. Nous sommes vraiment à un stade où nous comprenons suffisamment de choses et où nous sommes suffisamment avancés. Nous devons vraiment commencer à intégrer des hommes dans ce processus et cesser de faire en sorte que les femmes soient les seules voix entendues et les seules personnes incluses et qu'elles soient responsables de ces « rôles féminins ».
Nous ne pouvons pas régler ce problème sans les hommes. Nous ne pouvons pas régler ce problème si les hommes ne sont pas des alliés et si, dans les vestiaires, lorsqu'ils sont seuls, ils ne disent pas: « Mec, ce n'est pas cool de faire ça, et il faut que tu arrêtes ». Tant que ce ne sera pas le cas, nous n'avancerons pas.
J'en conviens. Dans de nombreux autres cas, nous avons également entendu les paroles suivantes: vous ne pouvez pas mesurer votre réussite si vous ne recueillez pas les données nécessaires. C'est ce que nous avons entendu dire dans le cadre d'autres études. La collecte de données semble être une lacune importante.
Vous avez abordé un sujet qui me semble très intéressant. Je voulais vous demander votre avis à ce sujet. L'un des plus grands points forts des Forces canadiennes est son homogénéité — vous ne faites qu'un.
Comment pouvons-nous maintenir cette culture homogène tout en reconnaissant que les besoins des femmes et d'autres personnes sont diversifiés au sein du groupe principal?
Voilà une question à laquelle il est simple et facile de répondre.
Selon moi, c'est une question de mission. Nous partageons la même mission. Nous sommes là pour soutenir le Canada et les Canadiens. C'est ce qui fait que nous restons dans la même équipe. Je pense que nous nous employons encore à déterminer la manière de garantir le respect individuel, afin que chaque membre de l'équipe se sente respecté.
Il s'agit de nouvelles compétences que chacun de nous doit acquérir, n'est-ce pas? Nous apprenons tous un nouveau vocabulaire. Nous apprenons tous à comprendre différentes manières d'être, à l'aide d'un peu plus d'éducation, du bon vocabulaire et de la compréhension du respect individuel. En même temps, nous devons savoir clairement où se trouve la limite pour les personnes qui ne devraient peut-être pas faire partie des forces armées, et lorsque nous savons qu'elles ne devraient pas en faire partie, nous devons trouver un moyen plus efficace de les renvoyer.
Bienvenue à nos trois témoins. C'est une bonne chose que vous soyez ici et que vous nous fassiez profiter, bien sûr, de votre expérience et de vos connaissances, ainsi que du travail que vous avez accompli pour régler ce problème.
Au cours de notre dernière réunion, nous avons entendu un groupe de témoins. Une observation qui a été formulée par un membre de ce groupe de témoins et qui m'a vraiment choquée, c'est qu'après leur libération des FAC, certaines de ces femmes ont dit qu'elles ne savaient pas qu'elles étaient considérées comme des vétérans, pour une raison ou pour une autre.
Est-ce une expérience dont vous avez entendu parler de la part d'autres femmes vétérans? Pourquoi est-ce ainsi?
Docteure Breeck, vous pouvez commencer à répondre à la question, parce que vous avez raconté une histoire liée à Tim Hortons que je voulais vraiment que vous poursuiviez. Pour répondre à cette question, j'inviterai peut-être les deux autres témoins à intervenir aussi.
En tant que fière diplômée de l'Université Memorial, je dois faire un clin d'œil à Terre-Neuve, sinon j'aurai des ennuis là-bas.
Malheureusement, je pense qu'il est très courant qu'après avoir quitté les forces armées, les femmes ne veuillent plus rien avoir à faire avec ce chapitre de leur vie. Afin d'aller de l'avant et de clore ce chapitre, elles ne s'identifieront pas comme vétérans si elles ont subi une trahison institutionnelle, un traumatisme sexuel en milieu militaire ou d'autres expériences négatives.
Si l'on considère l'ensemble des groupes d'âge, on constate qu'un certain nombre de femmes — en particulier celles qui font partie de générations précédentes et qui ne pouvaient pas participer aux combats — disaient: « Eh bien, j'ai passé 15 ou 20 ans dans les FAC, mais je n'ai jamais mené de combats, et je n'ai pas été déployée. Comme je n'ai pas joué ces rôles actifs, je ne peux pas me considérer comme une femme vétéran ». L'emploi de cette terminologie n'est pas rare, surtout par les femmes militaires des années 1950 et 1960. « Je ne suis pas allée en Corée. J'aurais voulu, mais je n'ai pas été autorisée à le faire. Je ne suis donc pas une femme vétéran ».
Malheureusement, un grand nombre de femmes ont dû quitter leur poste très tôt dans leur carrière après avoir été victimes d'une inconduite sexuelle. Là encore, elles n'ont pas eu l'impression qu'elles avaient le droit de se considérer comme des femmes vétérans, parce qu'elles sont parties plus tôt qu'elles ne le voulaient. Leur vision de ce qu'elles pensaient devenir ne s'est jamais concrétisée. Il y a donc beaucoup de travail...
Je crois que Christine Wood est ici aujourd'hui, et elle a très bien exprimé cette idée. Après la retraite, elle a eu besoin de plusieurs années pour assimiler ce qu'elle avait vécu, réfléchir, s'impliquer dans la communauté et militer pour la cause, avant de sentir qu'elle avait le droit d'utiliser ce mot. Nous avons une telle révérence pour ce mot. Nous avons un tel respect pour les vétérans de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, alors comment pourrions-nous nous qualifier de vétérans si nous ne faisons pas partie de ces gens?
J'aimerais aborder trois ou quatre sujets. Je vous promets que je serai brève.
L'un d'entre eux a été mentionné par la docteure Breeck à propos du Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes. Ce dernier a été créé notamment pour apporter un soutien institutionnel aux défenseures des anciennes combattantes. Lorsqu'elles entraient dans une salle, certaines étaient ignorées, exclues ou mises à l'écart. Ce n'était pas acceptable, mais le fait de bénéficier d'un certain soutien organisationnel leur a donné de la crédibilité. C'était assez malheureux, mais si nous n'étions pas heureux d'avoir à remplir ce rôle, nous étions là pour le remplir.
Anciens Combattants Canada a fait des progrès en matière de commémoration à bien des égards, pour ce qui est de représenter les anciens combattants et qui ils sont. Je vous encourage tous à vous informer sur un événement que nous avons parrainé sur les identités des anciens combattants, qui, comme je l'ai mentionné, a mis en lumière certaines des personnes que vous avez entendues lundi.
Regardez le jour du Souvenir et pensez aux femmes qui sont au premier plan et aux organisations dont elles font partie, à la communauté des anciennes combattantes. Dans quelle mesure sont-elles incluses dans les événements nationaux importants, et quelle est la politique en la matière? Je pense que cette question mérite d'être posée.
Comme l'a souligné la docteure Breeck, il faut du temps pour analyser la situation, la comprendre et trouver une place, mais il y a aussi le sentiment d'avoir subi un préjudice moral et une trahison institutionnelle. Il y a une certaine déconnexion dans la façon dont les gens se sentent capables de s'identifier en tant qu'ancien combattant, et assurément de communiquer avec le ministère des Anciens Combattants, parfois, pour recevoir les aides auxquelles ils devraient avoir accès, qui ne leur ont pas été présentées de façon claire et transparente à leur départ de l'armée.
Dans le cadre de mes recherches auprès des anciennes combattantes, j'entends beaucoup parler du fait qu'elles ne s'identifient pas facilement comme des anciennes combattantes. J'entends également dire qu'elles rencontrent des situations dans leur vie quotidienne où elles ne sont pas reconnues comme des anciennes combattantes: elles ont une plaque d'immatriculation d'ancienne combattante et quelqu'un fait un commentaire sur le nombre d'années de service de leur époux, ou vont au jour du Souvenir avec leurs médailles et on leur demande si ces médailles appartiennent à leur père. Ce sont des histoires que j'entends souvent. Je pense qu'il est alors plus difficile pour elles de s'identifier comme des anciennes combattantes.
Une fois encore, il existe une hiérarchie du service, qui est fondée sur le sexe et liée à la durée du service, au type de service, au fait d'avoir combattu ou non, d'avoir été déployé ou non. C'est une réalité pour beaucoup d'anciens combattants, pas seulement pour les femmes, mais aussi pour les hommes, qui ne s'identifient peut-être pas aussi facilement comme ancien combattant s'ils n'ont pas pris par à des opérations de combat et n'ont pas été déployés. Je pense que cela fait partie de la culture générale qui doit également changer.
Je pense qu'il n'y a pas non plus d'identité claire des anciennes combattantes au Canada. Il n'y a pas d'imaginaire social de ce qu'est une ancienne combattante. Si vous parlez des anciens combattants, les gens verront l'image d'un ancien combattant âgé de la Seconde Guerre mondiale. Je pense que cela fait partie de ce qui doit changer à un niveau national et sociétal plus large, à savoir que nous considérions les femmes comme des membres des Forces armées et des anciennes combattantes.
Madame Breeck, vous dites que vous répétez les mêmes choses depuis 30 ans, et vous avez ajouté qu'il faudrait que des hommes et des femmes soient assis à la même table. Est-ce que je reprends bien vos propos?
Madame Breeck, vous avez dit que vous répétiez les mêmes choses depuis 30 ans. Je comprends votre désir de voir bouger les choses. Vous avez aussi mentionné qu'il serait important d'asseoir des hommes et des femmes à la même table, afin qu'ils parlent de ces problèmes.
Selon vous, les Forces armées canadiennes ont-elles suffisamment évolué? Les hommes qui font partie des Forces armées canadiennes ont-ils suffisamment évolué pour permettre une discussion qui aurait des effets constructifs?
Préférez-vous que je vous pose une autre question?
On m'a accusée de me répéter, parce que je dis souvent exactement la même chose. Je parle toujours des problèmes des femmes et de l'importance de choses comme l'analyse comparative entre les sexes qui, je pense, si elle est bien menée, apportera beaucoup de réponses.
Bien que l'on nous ignore depuis longtemps, je tiens à préciser que nous sommes ici. Nous siégeons au sein d'un comité sur les anciennes combattantes. C'est la première fois de ma vie que je commence à voir un espoir. Tous les éléments sont maintenant alignés. Nous recevons des fonds. Nous recevons de l'attention. Nous obtenons des choses.
J'espère que les choses avancent, mais je pense qu'en tant que femmes à la tête de ce défilé, nous sommes allées aussi loin que nous le pouvions. Nous avons besoin de la participation des hommes.
Madame Breeck, vous me parlez comme une politicienne.
Croyez-vous qu'il y a eu une évolution?
Personnellement, je crois beaucoup en la nouvelle ministre de la Défense nationale, en sa volonté de changer les choses, de faire avancer les choses pour éviter le sexisme dans les Forces armées canadiennes.
Vous avez dit que vous souhaitiez voir des hommes et des femmes à la table. Les forces armées sont-elles rendues là?
Je pense que c'est important. Il ne fait aucun doute que les Forces armées canadiennes comptent des hommes et des femmes remarquables. Certaines personnes ont encore besoin d'être formées dans ces domaines.
Je pense néanmoins que nous ne pouvons pas faire grand-chose si nous ne disposons pas des ressources et des fonds nécessaires, en particulier pour les questions liées aux femmes. Cela nécessite un financement spécial. Lorsque nous recevons des fonds génériques, ils ne sont pas affectés à des domaines spécifiques au genre, et je pense que cette question pose problème. Nous ne disposons pas d'un soutien et d'un financement suffisants pour remédier à ce problème. Ce manque de ressources est à l'origine de certains conflits. Nous devenons alors un problème et un fardeau, parce qu'il n'y a pas d'argent pour les questions particulières aux femmes.
Merci beaucoup pour votre enthousiasme. Ma prochaine question s'adressera à Mme Eichler.
J'étais très curieuse de savoir ce qui se passe dans d'autres pays, les leçons qui ont été tirées au niveau international sur la manière de travailler avec les anciennes combattantes et d'effectuer des recherches à leur sujet. Pourriez-vous nous aider à nous faire une idée de ce qui se passe ailleurs et de ce que nous devons faire ici au Canada?
L'année dernière, j'ai effectué un examen de la portée de la recherche sur les femmes militaires et les anciennes combattantes. Cette étude était axée sur le Canada, mais je l'ai replacée dans le contexte de la recherche internationale, ce qui m'a permis de constater certaines des différences réelles qui existent. Le pays qui a le plus développé la recherche sur les femmes militaires et les anciennes combattantes est sans aucun doute les États-Unis. Ce qui ressort de ces recherches, c'est l'étendue des sujets abordés: santé mentale et physique, santé génésique et sexuelle, questions relatives à l'intégration communautaire et sociale, etc.
La grande différence, en réalité, est que le gouvernement a décidé d'intervenir de façon stratégique et de créer un plan de recherche stratégique dirigé par des chercheurs au sein de l'administration des affaires et de la santé des anciens combattants. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous plaidons si fortement, tous les trois, en faveur d'une stratégie nationale de recherche pancanadienne afin de combler les lacunes existantes. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons pas changer un système qui est en place depuis plus de 100 ans et qui a rendu invisibles les femmes et leurs besoins propres au sexe et au genre. Nous avons réellement besoin d'établir une approche coordonnée, menée par le gouvernement. C'est pourquoi je plaide si vigoureusement en faveur de cette approche, car nous constatons une réelle différence entre les États-Unis et l'Australie, le Canada, le Royaume‑Uni ou la Nouvelle-Zélande.
Madame Montague, je peux peut-être m'adresser à vous très rapidement. Ce que j'ai entendu dans votre témoignage et qui m'a beaucoup touchée est que vous êtes passée d'une attitude passive à une attitude active dans la mobilisation des femmes.
L'un des principaux moyens pour nous a été de soutenir la docteure Breeck et Mme Eichler, et de travailler avec elles sur le Réseau de recherche et d’engagement des vétéranes, afin que ces voix soient entendues et incluses dans nos nouvelles recommandations et opinions politiques, etc., mais la clé a réellement été l'écoute active et la détermination.
Docteure Breeck, je voudrais vous poser une question rapide, puis je partagerai le reste de mon temps avec M. Tolmie.
Tout d'abord, dans vos observations liminaires, vous avez indiqué que vous aviez hâte de répondre à nos questions pendant ce que vous avez appelé la « période de questions ». Je dois dire que votre version de la période des questions est bien meilleure que celle que nous avons habituellement à la Chambre des communes, parce que vous nous avez donné des réponses, et de très bonnes réponses. Je pense que vous allez vraiment nous aider dans notre étude, et je vous en remercie.
Je tiens à saluer votre mère et votre beau-père, Jill et John, car ce sont des électeurs de ma circonscription. Je sais que votre mère vous a beaucoup soutenue pendant vos années de service. Je pense qu'il est important pour tous les militaires d'avoir cette famille qui les soutient, surtout lorsqu'elles sont à l'étranger. Pourriez-vous nous parler un peu de l'importance du rôle de la famille pour la santé et le bien-être des membres des Forces armées?
Ma mère s'est récemment cassé la hanche, et les choses ont été difficiles dernièrement. En tant que médecin, je veux absolument saluer, si possible, les services de santé de l'Alberta. Bien sûr, étant donné que je vis ici à Ottawa, c'est dans ces moments‑là que l'on est dévasté d'être si loin. L'hôpital Foothills a été formidable, tout comme Carewest. Je sais que Carewest fait beaucoup de travail pour les anciens combattants à Calgary et à Edmonton. J'ai eu l'occasion d'y passer un mois et je tiens à les féliciter de leur travail, ainsi que les services de santé.
Il est certain qu'aucun d'entre nous ne peut y arriver seul. C'est un travail d'équipe. Cela a toujours été un peu difficile. En particulier pour beaucoup d'anciennes combattantes, même si nous avons de la famille, nous ne bénéficions pas toujours d'autant de soutien et de soins que certains hommes. On suppose souvent que nous sommes indépendantes et que nous pouvons prendre soin de nous-mêmes, de sorte que beaucoup de femmes sont plus susceptibles d'être divorcées, veuves, célibataires ou ce que j'appelle « fonctionnellement » célibataires. C'est surtout le cas des femmes militaires qui sont mariées, dont environ 85 % sont mariées à des militaires. Encore une fois, souvent, vous avez de la famille, mais les membres de votre propre famille peuvent être déployés ou absents, ou souffrir de problèmes de santé mentale. Je pense que c'est encore plus difficile pour les femmes.
Je crois que Statistique Canada a récemment révélé qu'au moins trois anciens combattants sur dix sont célibataires. Nous savons que les femmes sont encore plus susceptibles que les hommes d'être célibataires, et encore plus à mesure que nous vieillissons. Il ne s'agit pas seulement de notre famille biologique. C'est aussi souvent la famille que nous choisissons: nos pairs, d'autres anciens combattants. Il faut toute une communauté pour nous soutenir.
Merci pour ce que vous avez dit, et merci pour cette opportunité de... en tant que fille de Calgary.
Tout à fait. Je tiens à m'associer à vous sur ce point. Nous remercions souvent nos anciens combattants et nos militaires pour leurs services, mais les familles servent également. Nous les en remercions.
Sur ce, je vais céder le reste de mon temps de parole à une autre personne qui a servi notre pays, M. Fraser Tolmie.
Merci beaucoup, monsieur Richards, et merci à tous d'être ici.
Docteure Breeck, merci beaucoup pour votre service. Nous vous en sommes reconnaissants.
Malheureusement, nous avons déjà entendu certains des témoignages présentés ce soir lors de réunions précédentes. Des personnes qui ont servi nous ont déjà dit qu'elles n'avaient pas l'impression d'être des anciennes combattantes. On insiste à nouveau sur ce point. Nous entendons des choses semblables.
J'aimerais vous poser une question. Dans le cadre de votre expérience au sein de l'armée, avez-vous déjà rencontré une pathologie dont souffraient à la fois un homme et une femme, et comment l'avez-vous abordée? Le traitement était‑il différent ou semblable?
Je vous remercie. C'est une question intéressante.
L'avantage d'être militaire, je pense, c'est que je peux probablement parler à n'importe lequel d'entre vous et dire que nous venons du même endroit. Moose Jaw est, bien sûr, un endroit où j'ai passé deux ans.
M. Fraser Tolmie: Vous pouvez le dire.
Dre Karen Breeck: Dans ce contexte, je pense à Moose Jaw, il y a un incident particulier qui me vient à l'esprit.
Moose Jaw est une base d'entraînement pour les élèves-pilotes. Les élèves-pilotes qui se trouvent à Moose Jaw n'ont pas encore terminé leur formation. S'ils n'obtiennent pas de bons résultats sur trois vols, ils sont éliminés. C'est leur vie. C'est leur rêve. Ils effectuent un vol, puis ils reviennent et font un compte rendu. C'est à ce moment‑là qu'ils savent s'ils ont réussi ou échoué.
Je m'en souviens très bien, car les incidents se sont produits à une semaine d'intervalle. Dans un cas, un élève pilote a appris qu'il avait échoué. Il n'était pas d'accord et s'est mis en colère. Il a pris une chaise, l'a jetée contre un mur et a brisé une fenêtre. Nous en avons tous entendu parler. Ce genre de choses se raconte dans toute la base et nous en entendons parler. On parle des problèmes de contrôle de la colère chez quelqu'un qui va devenir pilote militaire. Nous en avons simplement entendu parler et la question était close.
Environ une semaine plus tard, une situation semblable s'est produite avec une élève-pilote qui revenait de son vol. On lui a dit qu'elle n'avait pas réussi, et elle était convaincue que l'évaluation qu'elle avait reçue n'était pas juste. Bien sûr, sa formation sociale ne lui permettait pas de s'emparer de cette chaise, et au lieu de cela, alors qu'elle digérait ce qui venait de se passer, elle s'est mise à pleurer. Elle n'a pas pleuré fort, mais des larmes ont coulé. Je pense que toutes les femmes connaissent ces larmes. Ce sont des larmes de frustration. Alors qu'elle se tenait là, ne sachant que faire, l'instructeur a malheureusement réagi très violemment à la vue d'une femme en pleurs. Lorsqu'elle est allée dans le couloir, il s'est mis à crier: « Vous voyez, les femmes ne devraient pas être ici. J'en ai une qui pleure. Je n'avais jamais vu ça. Elle pleure ». Il est allé signaler l'incident à son chef, qui a ordonné à l'élève — parce que dans l'armée, on vous ordonne des ordres — de se présenter à la salle d'examen médical pour une évaluation de santé mentale, parce qu'elle n'avait manifestement pas sa place dans l'armée.
Ces événements se sont produits à une semaine d'intervalle. J'ai trouvé que c'était un très bon exemple pour comprendre pourquoi les femmes ne sont pas autorisées à montrer leurs émotions au sein de l'armée. Au lieu de cela, nous gardons notre colère à l'intérieur. Encore une fois, surtout sur le plan médical, nous souffrons de toutes sortes de problèmes internes liés au stress, comme nous l'avons entendu lundi — des maux de tête, des maux d'estomac, de la fibromyalgie — c'est quand on garde la colère à l'intérieur. Les choses se manifestent différemment, nous souffrons de problèmes différents qui peuvent être liés à la santé mentale ou au stress, mais qui se manifestent sous forme de symptômes physiques.
C'est un exemple assez parlant qui explique pourquoi les hommes et les femmes présentent des problèmes de santé différents.
C'est une séance absolument fascinante. Je remercie toutes les témoins.
Je voudrais commencer par quelque chose qu'a soulevé Christine Wood lors de la dernière séance. Elle a fortement conseillé d'examiner de haut en bas la table des invalidités.
J'aimerais connaître vos opinions à ce sujet. Je m'attends à ce que vous soyez la mieux placée pour traiter de la question, docteure Breeck. Je commencerai donc par vous, puis je demanderai aux autres témoins d'intervenir si elles ont quelque chose à ajouter.
Je ne prétends pas être experte de la table des invalidités. Je sais toutefois que quand Lisa Campbell travaillait à Anciens Combattants Canada, elle laissait certainement sa porte ouverte pour permettre aux femmes de lui parler et de signaler divers problèmes. Je sais que pendant son mandat au sein du ministère, une intervenante — la Dre Barbara Clow, je pense — a réalisé plusieurs examens à ce sujet. Je sais que des démarches ont été prises et que des rapports ont été déposés. Malheureusement, ces documents n'ont jamais été rendus publics et je sais que la communauté des vétérans aimerait voir ce que cette experte en la matière a découvert dans le cadre de ces examens.
Je crois comprendre que le ministère donne suite à ces examens. Il met peut-être en œuvre un éventail de ses recommandations, mais ici encore, nous ne le savons pas. C'est donc un problème de transparence. Je pense que des mesures sont prises et que les choses changent, mais tout ce qui touche expressément les femmes s'inscrit dans une nouvelle catégorie.
C'est facile de s'attaquer à un problème qui touche les hommes, mais quand il s'agit de problèmes qui concernent les femmes, comme l'infertilité liée au service, c'était le néant. Il a fallu de nombreuses années pour que ces problèmes soient ajoutés aux livres. Je pense que quand on veut apporter des modifications... En prothétique, les femmes ont besoin de prothèses légèrement différentes de celles des hommes, mais les prothèses figurent déjà dans la table, car cela fait partie des problèmes des hommes. Pour tout ce qui touche les femmes, il existe encore des manques qui doivent faire l'objet d'un examen. Pour être juste, cet examen est peut-être en cours, mais nous ne le savons pas.
Je vous remercie, docteure Breeck. J'ai eu le plaisir de rencontrer Lisa Campbell quand elle occupait ce poste, et je conviens avec vous qu'elle a fait des contributions substantielles. Celles que j'ai remarquées le plus sont celles qui touchent le moral au sein du ministère. Elle était vraiment une excellente dirigeante, et il est bon de voir qu'elle a fait autant de bien.
Madame Eichler, madame Montague et docteure Breeck, je veux vous remercier beaucoup, pas seulement pour vos témoignages d'aujourd'hui, mais également pour les nombreuses années au cours desquelles vous avez défendu les droits des femmes, déployé votre d'expertise et tenté d'être entendues. Sachez que vous êtes entendues aujourd'hui, et je vous remercie de témoigner.
Je voudrais poser mes questions à la docteure Breeck.
Je sais que vous êtes vétérane, femme et médecin; vous êtes donc dans une position sans pareille pour évaluer les besoins et les lacunes sur le plan de la santé des femmes quand elles font partie des Forces armées canadiennes et certainement après. Un grand nombre de problèmes ne se manifestent peut-être que plus tard, quand les femmes sont vétéranes.
Notre comité présentera des recommandations. S'il y a des choses ou des lacunes particulières auxquelles vous considérez vraiment que nous devrions nous attaquer, quelles seraient-elles?
Je vous remercie. Une fois encore, c'est une question facile.
Avant d'oublier, comme je veux m'assurer que cette information soit là quelque part, je soulignerai que les vétéranes peuvent aussi avoir été membres de la GRC. Les femmes de la GRC ont considérablement aidé les femmes militaires et leur ont rendu de fiers services, particulièrement sur le plan des allégations d'inconduite sexuelle. Nous avons beaucoup appris d'elles et de leurs allégations. Bien entendu, ce sont maintenant plus des femmes de la GRC que des femmes des Forces armées canadiennes qui participent aux déploiements des Nations unies, et elles éprouvent un certain nombre de problèmes également.
Je sais qu'il existe un conseil des vétéranes de la GRC, dont j'espère certainement qu'il fera partie de votre liste de témoins pour que vous l'entendiez vous parler de certains problèmes. Nous avons appris de lui et je sais qu'il espère apprendre de nous. Je voulais simplement mentionner les femmes de la GRC également.
Revenons à nos moutons. Comme je l'ai indiqué dans mon témoignage, il ne fait aucun doute qu'il existe de nombreux problèmes. Je ne veux pas les hiérarchiser, mais en ce qui vous concerne, ceux que nous peinons le plus à corriger à partir de la base sont ceux qui n'existent pas encore dans les livres. Il s'agira, par définition, de problèmes qui ne concernent pas les hommes et qui sont totalement différents. Ils concernent donc l'infertilité liée au service.
Avec la permission de la personne qui, je l'espère ici encore, sera invitée ultérieurement dans le cadre de votre étude, j'ai rencontré une vétérane qui, à ce moment‑là, avait abandonné. Elle avait fait tout ce qu'elle pouvait. Elle ne pouvait pas en faire plus et elle déclarait forfait. Elle avait passé plus de quatre ans à tenter de faire admettre son infertilité liée au service, sans comprendre que cela ne s'était jamais fait auparavant. C'était un précédent, mais elle l'ignorait. Ici encore, elle avait besoin d'aide pour porter l'affaire à l'attention de la sphère politique, car elle ne pouvait le faire elle-même. C'est en portant l'affaire à l'échelon politique et en faisant intervenir des personnes comme Lisa Campbell que sa demande a été approuvée.
Nous avons réussi à faire approuver le premier dossier d'infertilité liée au service, seulement pour ne découvrir aucune prestation prévue à cet égard. Nous avons dû repartir à zéro pour déterminer des prestations. Ce sont des mondes différents. Même si cette femme avait tenté pendant quatre ans de régler son dossier, il n'y avait pas d'activité concurrente, aucune admission préalable et proactive que ce problème pouvait survenir. Enfin, après deux ans de lutte, elle a reçu des prestations.
Comme chaque femme le saura, les années comptent particulièrement pour les problèmes d'infertilité. On ne peut pas obtenir d'aide et de soutien si on est trop vieille. Les années comptent. Cette femme s'est fait répéter encore et encore que le temps n'était pas considéré comme un facteur important à cet égard et que ce n'était pas un problème pour lequel elle pouvait se faufiler en avant de la file. Nous avons réussi à faire accepter sa demande.
Ce qui nous préoccupe toutes, cependant, c'est qu'il n’a été question de cette affaire nulle part. Comment les autres femmes seront-elles informées? Comment saurons-nous quand ces précédents se produisent? Comment saurons-nous quand de nouvelles politiques sont instaurées? Comment saurons-nous quand de nouvelles prestations sont offertes? Aucun mécanisme ne permet de diffuser ces informations, pas seulement aux vétéranes, mais également aux fournisseurs de soins de santé, aux décideurs et aux gestionnaires de cas.
Certaines personnes qui connaissaient cette femme ont indiqué à leur gestionnaire de cas qu'elles pensaient être dans la même situation qu'elle. Leur gestionnaire de cas leur a ri au nez, affirmant que pareille chose n'existait pas et que le problème ne pouvait pas être lié au service militaire des femmes.
Comment peut‑on diffuser l'information? Le problème revient encore et encore. Quand nous découvrons quelque chose de problématique... Dans cette affaire, c'est son spécialiste qui a établi le lien avec la perméthrine avec laquelle elle avait été en contact lors de combats — et je ne dis pas que c'est la cause. Comment transmettre cette information aux Forces armées canadiennes? Si c'est vrai, en espérant que ce n'est pas le cas, le problème se pose encore. Comment prévenir les conséquences? Comment mettre fin au problème? Comment informer les instances supérieures? Il n'existe pas de mécanisme pour le faire.
Je suis fort impressionnée et extrêmement reconnaissante de vous entendre ce soir, mesdames. Je dois dire que je suis quelque peu frustrée, car j'aime que les choses bougent et se fassent, et quand j'entends dire que cela fait 30 ans... Nous nous trouvons à une importante croisée des chemins. J'ai donc une question pour vous trois, et je pense particulièrement à Mme Eichler.
Au cours de notre dernière séance, nous avons appris qu'une organisation appelée Survivor Perspectives Consulting Group travaille déjà dans le domaine du traumatisme sexuel auprès d'hommes et de femmes de l'armée. Cette organisation propose d'instaurer un « mécanisme permanent et indépendant de surveillance externe » informé par ceux et celles qui ont de l'expérience vécue. Considérez-vous également que ce soit absolument essentiel? C'est ma première question, car j'ai été frappée par l'enthousiasme suscité par ce programme.
De plus, nous avons appris qu'il manque de recherches au Canada. Si on part à zéro, combien de temps faudra‑t‑il pour les effectuer? Je me demande si vous, à titre de chercheuses, seriez en position de dire au gouvernement que les États-Unis disposent de solides recherches auxquelles ils travaillent. Ne serait‑il pas avisé d'informer le gouvernement en recommandant que nos chercheurs trouvent ces informations afin de pouvoir les étudier, pendant que les survivants et les survivantes révèlent ce qu'ils ont vécu et commencent à guérir au sein de l'armée?
Les chercheurs ont-ils utilisé tout cet éventail de recherches? Qu'ont-ils découvert? Que pouvons-nous utiliser ou exploiter dans les pratiques exemplaires — du moins dans une certaine mesure — pendant que nous examinons les lacunes qui existent encore au sujet des femmes qui servent dans l'armée au Canada? Où en est‑on à cet égard?
Envisage‑t‑on de repartir à zéro au lieu d'exploiter les recherches qui existent déjà sur les femmes militaires? C'est ma question.
Nous ne partons certainement pas de zéro. Il est absolument crucial d'exploiter les recherches qui existent à l'échelle internationale, mais il importe également d'effectuer des recherches sur le contexte canadien, les conditions institutionnelles, les cycles de déploiement et le système médical n'étant pas exactement les mêmes. Quand les vétérans effectuent la transition, le système de soins de santé est évidemment différent au Canada. Les conclusions des recherches ne sont pas transférables d'un pays à l'autre, mais nous devrions faire fond sur ces recherches.
Je vous interromprai très brièvement pour dire que nous devrions pouvoir nous appuyer sur ces recherches. En ce qui concerne le problème d'infertilité, si les spécialistes se sont penchés sur la question, il me semble qu'il devrait exister une mine d'or de recherches que nous pourrions explorer.
L'observation de Mme Eichler sur la recherche exploitable est très importante. Je reviendrai aux recherches canadiennes, soulignant qu'il faut veiller à suivre les lignes directrices sur le sexe et le genre dans la recherche et l'analyse comparative entre les sexes plus, et assurer la transparence et la reddition de comptes sur la question. Les recherches financées par le gouvernement effectuées pour le compte d'ACC et des Forces armées canadiennes devraient respecter ces principes. Comme Mme Eichler l'a indiqué, il faudrait établir un plan pancanadien en la matière afin d'assurer une meilleure coordination entre les ministères, mais aussi une feuille de route indiquant ce qu’il est nécessaire de faire.
Je me souviens qu'à l'occasion d'une conférence en matière de politique, une aînée autochtone a dit que tout le monde excellait à faire des pièces de courtepointe, mais qu'elle ne voyait pas qui était le maître d'œuvre. Je pense que c'est ce que nous constatons encore et encore. Il ne manque pas d'excellentes personnes qui fabriquent des pièces de courtepointe, mais il n'y a pas de coordination. On fait des choses en double, alors qu'on omet certains problèmes.
Quand on effectue des recherches actuellement, on compare toujours les femmes et les hommes, alors que par définition, tout ce qui est propre aux femmes ne ressortira jamais dans un format comparant les femmes et les hommes. Il y a encore très rarement des comparaisons entre les femmes militaires et les civiles dans les recherches, alors que c'est plus intéressant. Cependant, un grand nombre de choses qui existent dans l'armée n'ont pas d'équivalent dans la vie civile. Ici encore, une bonne partie des recherches portant expressément sur les femmes militaires doivent idéalement se faire avec le Groupe des cinq et nos alliés afin d'examiner ensemble un certain nombre de choses militaires, comme les aéronefs et les sous-marins de types militaires, qui n'ont pas d'équivalent civil. Nous pourrions les étudier dans le cadre de cette relation.
S'il y avait de l'intérêt et de la volonté politiques dans ce domaine, il y a suffisamment de femmes parmi les autres alliés pour recueillir des données réellement pertinentes sur les questions qui devraient maintenant être simples, comme les problèmes reproductifs quand on voyage en avion, la grossesse en contexte militaire ou être en mer quand on est enceinte.
Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie tout le monde, y compris les témoins qui se joignent à nous aujourd'hui dans le cadre de cette étude très importante.
Je dois dire qu'ayant été principalement été élevé par des femmes, j'éprouve le plus profond respect à leur égard. Je dois admettre qu'il y a bien des choses qu'elles peuvent faire beaucoup mieux que les hommes, et je pense qu'il n'existe pas de différence où que ce soit, y compris chez nos vétérans.
Je veux également souligner que je viens d'apprendre le décès d'une vétérane de longue date de ma circonscription, Rene Orris, qui est morte l'an dernier à 98 ans. Son anniversaire était à Noël, et elle est décédée le 26 décembre. Il est très triste de savoir que nous ne pouvons pas relater son histoire et expliquer comment elle a fait une contribution et a servi son pays dans les forces aériennes.
C'est très important dans le cadre des échanges que nous avons aujourd'hui, car nous devons reconnaître la valeur des femmes qui ont servi pour nous dans l'armée, protégeant notre pays et permettant aux Canadiens des quatre coins du pays de profiter de ce que nous avons aujourd'hui. Nous devons admettre leur contribution. Il est triste que des gens aient des idées préconçues et pensent que la médaille que porte une vétérane est celle de son mari ou de son grand-père qui ont servi dans l'armée. Je pense qu'il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire.
Je voudrais poser la question suivante. C'est une question fort simple: comment pouvons-nous changer cette culture de genre dans les forces armées et chez les vétérans?
Cette question s'adresse à vous toutes. Je vous remercie.
Votre comité peut changer cette culture en devenant lui-même un agent de changement et en devenant la voix qui rend les vétéranes plus visibles. Vous commencez à le faire dans cette étude, mais je vous encouragerais vraiment à réfléchir à la manière dont le Comité lui-même a peut-être reproduit la norme de l'homme vétéran par le passé et contribué à ce problème de culture, et penser à ce qu'il peut faire dans l'avenir. Je serais réellement désolée si cette excellente étude que vous effectuez maintenant n'était qu'un effort passager et que les choses revenaient ensuite comment avant.
Pour moi, il serait très pertinent que vous réfléchissiez à la manière dont nous changerons la façon dont nous faisons les choses dans l'avenir. Vous êtes un agent clé pour changer la culture, tout comme le sont l'Association nationale des retraités fédéraux qui devient active, l'ombudsman des vétérans qui a pris un rôle actif en parlant des questions relatives aux vétéranes et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), ou TACRA, qui a commencé à agir. Je pense que chacun de ces agents a un rôle très important à jouer. Ce serait ma réponse.
Il est encore important aujourd'hui, bien que nous ayons tous grandi en quelque sorte avec la conception binaire homme-femme, de nous rappeler qu'il y a en fait plus de variations à l'intérieur des sexes qu'entre les sexes, et qu'il n'y a pas un seul type de femme et un seul type d'homme, mais bien un large spectre d'êtres humains.
Quand on commence à penser au spectre, pour moi, il s'agit de savoir comment inclure tout ce qu'il y a le long de ce spectre. Encore une fois, les questions de santé propres aux femmes font partie du spectre; elles se situent dans les trois écarts types. Nous n'avons pas examiné cela. Ce n'est pas facile à régler. Comprenez-moi bien. Ce n'est pas facile à régler, et c'est la raison notamment pourquoi cela existe encore. C'est difficile et compliqué.
Le reste se résout de lui-même, mais nous savons que la représentation est importante. Nous savons que plus les gens peuvent se voir à des niveaux élevés — qu'il s'agisse de personnes racisées, d'Autochtones, de femmes à différents niveaux —, plus nous inspirons la prochaine génération. La représentation est également importante au sein de la fonction publique et d'Anciens Combattants. Il faut avoir plus de vétéranes dans des activités comme celles liées aux commémorations à Anciens Combattants. Je pense que ce genre de changement lors des commémorations entraînerait tout naturellement une amélioration de la représentation des femmes dans divers domaines.
En fin de compte, il s'agit aussi de participation et de permettre aux vétéranes de s'exprimer, et de nous donner un moyen de nous exprimer et d'être incluses dans tout cela. Nous voulons jouer un rôle, mais nous devons pouvoir nous exprimer.
Pour ajouter à ce que Mme Eichler et Dre Breeck viennent de dire, je pense qu'il s'agit de continuer à s'attaquer aux problèmes recensés par le Bureau du Chef du personnel militaire et d'autres, à ceux révélés dans le rapport de la juge Arbour et à ceux mentionnés dans d'autres études. Je reviens encore une fois au plan pancanadien, et j'ajouterais la recherche, la reddition de comptes, la transparence, l'amélioration de la coordination entre les ministères et le financement.
Madame Eichler, croyez-vous que les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada perçoivent et abordent de façon différente les problèmes de santé propres aux femmes dans l'armée? Ont-ils des positions différentes?
Je ne vois pas une grande différence. Les deux ministères ont la même culture institutionnelle qui ne tient pas compte des genres, alors la culture qui prévaut en grande partie au sein de l'armée et du ministère de la Défense est la même qu'à Anciens Combattants.
Si on remonte un peu dans le temps, nous constatons que, pendant une grande partie de l'histoire du Canada, le ministère de la Défense, les Forces canadiennes et Anciens Combattants ont considéré les femmes comme des « soldats de second rang ». Nous l'avons constaté dès le début de la mise en place des programmes de soutien aux vétérans, et même dans la façon dont les premiers architectes de ces programmes en parlaient. Les femmes n'étaient pas considérées comme des soldats à part entière. Puis, dans les années 1990, les institutions ont décidé d'adopter une approche qui ne tient pas compte des genres, et c'est ce que l'on constate au ministère de la Défense, dans les Forces canadiennes et à Anciens Combattants. Ce qui me préoccupe le plus aujourd'hui, et je tiens à le souligner ici, c'est la tendance que j'observe dans toutes les institutions qui commencent à donner une voix aux femmes et qui consiste à mettre dans le même sac toutes les personnes qui ne sont pas des militaires ou des vétérans blancs hétérosexuels de sexe masculin. Un nouveau problème émerge, dans la mesure où toutes les personnes qui ne répondent pas à cette norme sont mises dans le même sac, ce qui va aussi poser d'énormes problèmes à l'avenir.
Je constate cette nouvelle tendance dans toutes les institutions, alors ce dont nous avons vraiment besoin, c'est d'une approche fondée sur le genre et le sexe qui tient compte de l'intersectionnalité — par exemple, les expériences de femmes issues de la diversité ou la manière dont une femme autochtone vit le service dans l'armée différemment d'une femme blanche —, et qui ne met pas tout le monde dans le même sac.
Le temps qui m'a été accordé achève. J'ai une question à laquelle vous n'aurez pas le temps de répondre, mais j'ai un devoir à vous proposer.
Vous avez dit qu'un plan stratégique de recherche s'imposait. Plus les choses avancent, plus cela semble clair. Les études sont éparpillées. Il y a du double emploi et de la redondance ainsi qu'un ménage à faire dans tout cela.
Comme vous n'aurez pas le temps de répondre à ma question, vous serait-il possible de fournir au Comité un semblant de plan stratégique?
Qu'impliquerait un tel plan? Pourrait-il prévoir la participation de chaires de recherche, d'Anciens Combattants Canada peut-être, des Forces armées canadiennes ainsi que de différents groupes de recherche qui travaillent aux dossiers des femmes?
Cela serait-il possible? Il ne s'agirait pas de produire une thèse de doctorat, mais de jeter sur papier quelques idées qui pourraient être pertinentes pour le Comité. Nous pourrions alors en prendre connaissance et les utiliser comme recommandations dans notre rapport.
Je vais dire brièvement que j'ai une longue liste de recommandations qui font partie de deux rapports que j'ai publiés récemment sur le sujet. Je vais les faire parvenir au Comité, et j'espère que beaucoup d'entre elles trouveront place dans votre étude.
Quelques témoins nous ont dit vouloir que l'analyse comparative entre les sexes faite à Anciens Combattants soit transparente. Je me demande simplement si vous êtes du même avis et si vous pouvez nous expliquer les raisons.
Madame Eichler, si vous pouviez répondre en premier, ce serait bien.
Je dirais que l'analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+, s'applique à tous les ministères et, pour être honnête, elle est plutôt mal effectuée. Dans la plupart des cas, elle est menée de façon superficielle et pas de manière très transparente.
Toutefois, c'est un outil très important dont dispose le gouvernement, et tout ce que nous pouvons faire pour que les ministères diffusent ces analyses de manière transparente permettrait à des voix et à une expertise externes de les évaluer et de contribuer à les améliorer. Ces analyses ne sont pas faciles à réaliser, et je pense que tout le monde le sait. Nous apprenons tous ensemble à mieux le faire. Le fait de les diffuser de manière transparente permettrait d'obtenir de la rétroaction, ce qui serait vraiment important.
Anciens Combattants a une stratégie ACS+, mais je n'ai pas vu beaucoup d'analyses qui ont été diffusées, alors je vous encourage vraiment à les demander.
Je m'adresse à vous, docteure Breeck. J'ai cru comprendre qu'une politique avait été appliquée avec succès pendant l'Initiative Elsie. Il serait très utile pour le Comité que vous nous en parliez, et que vous nous expliquiez les problèmes auxquels font face les femmes.
Je vous remercie. Je ne m'attendais pas à cette question.
Le Women, Peace and Security Network fait partie du réseau avec lequel nous collaborons. J'espère que cette approche sera adoptée aussi dans cette future étude.
Grâce au Women, Peace and Security Network, nous avons eu accès notamment à l'Initiative Elsie, dirigée par Affaires mondiales. Comme j'ai de l'expérience en tant qu'ancienne gardienne de la paix, nous avons pu travailler avec le personnel sur place, qui a eu l'occasion de revoir les documents avant une grande réunion sur les pièces d'équipement obligatoires pour toutes les missions de l'ONU.
Évidemment, compte tenu de mon expérience, j'ai remarqué notamment que des instruments comme les spéculums n'étaient disponibles que dans les hôpitaux, le niveau élevé. Nous avons été en mesure de formuler diverses recommandations simples, sexospécifiques, pour que ces appareils soient aussi disponibles à un niveau plus bas. De cette façon, il n'est pas nécessaire d'envoyer une femme à l'extérieur de la mission, de passer une journée sur la route — les femmes courent souvent de grands dangers lorsqu'elles voyagent — pour se procurer un spéculum. Si j'en crois Affaires mondiales, la plupart des recommandations ont été acceptées par l'ONU.
Il est vraiment rassurant de pouvoir avoir voix au chapitre, en tant que vétérane, et de trouver des moyens de collaborer avec le gouvernement sur des questions dont nous avons l'expérience. J'aimerais beaucoup, à un moment donné, que nous ayons l'équivalent du Women, Peace and Security Network et de sa relation avec Affaires mondiales. Imaginez ce qu'un groupe de vétéranes comme ce réseau pourrait faire pour aider les Forces canadiennes et Anciens Combattants à résoudre les divers problèmes auxquels nous faisons encore face. Nous voulons faire partie de la solution, mais nous avons besoin d'avoir voix au chapitre.
Au nom des membres du Comité et en mon nom, je tiens à remercier toutes les témoins de votre participation et de vos témoignages extraordinaires aujourd'hui.
J'aimerais vous nommer chacune.
[Français]
Pour cette étude d'expériences vécues par les vétéranes, nous recevions, ce soir, plusieurs témoins, soit, à titre personnel, la Dre Maya Eichler, de la Chaire de recherche du Canada en innovation sociale et engagement communautaire, par vidéoconférence; de l'Association nationale des retraités fédéraux, Mme Sayward Montague, directrice, Défense des intérêts; et la Dre Karen Breeck, coprésidente du Réseau de recherche et d'engagement des vétéranes.
Je veux toutes vous remercier ainsi que toute l'équipe technique qui nous a accompagnés ce soir, notre analyste, notre greffière et nos interprètes.
La semaine prochaine, nous allons poursuivre cette étude, et nous avons une liste impressionnante de témoins qui souhaitent venir y participer.