:
Bonjour. Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à la 84
e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes.
[Français]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
Bien que cette salle soit équipée d'un système audio performant, il est possible que des retours de son se produisent. Ceux-ci peuvent être extrêmement nocifs pour les interprètes et leur causer de graves blessures. Je vous invite donc à ne pas approcher votre écouteur du microphone, afin d'éviter ce genre d'interférence.
Je rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
Enfin, je rappelle aux membres du Comité de ne pas oublier d'envoyer au greffier du Comité leur liste de recommandations pour l'ébauche du rapport sur les expériences vécues par les vétéranes au plus tard mercredi prochain, soit le 6 mars.
[Traduction]
Avant de vous présenter nos témoins, j'ai reçu une demande de Mme Blaney, qui aimerait dire quelque chose.
Madame Blaney, vous avez la parole.
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Monsieur le président, avant de commencer, j'aimerais mentionner que M. Richards a agi ainsi à quelques reprises. Il prend le temps des témoins pour débattre de ses propres préoccupations.
Cela étant dit, je vous souhaite à tous le bonjour et je vous remercie de m'accueillir.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter mes recommandations dans le cadre de cette étude parlementaire sur la transition à la vie civile. Je suis vétérane et ancienne sergente de la Force aérienne des Forces armées canadiennes, femme de militaire et mère de trois enfants, et je souhaite mettre mes expériences personnelles à profit pour aider d'autres personnes à affronter les difficultés qui accompagnent cette transition.
En 1996, je me suis enrôlée dans les Forces armées canadiennes à titre de technicienne en structure d'aéronef. Peu après le début de mon cours de recrues en 1997, j'ai subi une agression sexuelle traumatisante commise par une autre recrue. Malgré ces sévices et l'adversité, j'ai persévéré, mue par un amour profond pour mon travail et par mon engagement à servir mon pays.
Au cours de mes années de service, j'ai subi harcèlement, agression sexuelle et discrimination. Même si j'ai été blessée durant un incident impliquant un aéronef sur la piste en 2003 et que j'ai ensuite reçu un diagnostic de TSPT et de fibromyalgie, je suis restée fidèle à mon devoir.
C'est seulement après l'annonce de l'opération Honour en 2015 que j'ai enfin trouvé la force de me manifester et de signaler les incidents que j'avais subis. Après avoir signalé quatre cas, au lieu de recevoir un soutien personnalisé pour mon rétablissement, j'ai été abruptement poussée vers la transition hors de la vie militaire, tandis que tous mes agresseurs demeuraient impunis. En fin de compte, l'unité de transition m'a fourni un soutien inadéquat et m'a mal préparée à la vie civile. Elle a exacerbé mes difficultés physiques et mentales, ainsi que celles de ma famille.
Malgré mes efforts dans le but de sensibiliser les gens au manque de soutien pour les victimes d'inconduite sexuelle, j'ai été confrontée à la résistance des officiers supérieurs, y compris du général Jonathan Vance. Sa signature sur mon certificat symbolisait l'échec de l'institution à régler les problèmes systémiques en son sein. Cela m'a rendue malade, parce qu'il avait déjà été congédié et accusé.
Après ma libération en 2020, mon bien‑être physique et mental a beaucoup décliné. Le fardeau financier pour accéder à des services de santé privés a aggravé la situation. L'absence de services de soutien adaptés aux vétérans et à leur famille a aussi ajouté à nos peines.
À la lumière de ces difficultés, je propose les recommandations suivantes pour améliorer la réintégration des militaires à la vie civile.
Un, établir des services et des mesures de soutien consacrés aux victimes d'inconduite sexuelle et à leur famille dans les centres de transition.
Deux, fournir de l'aide juridique et des services de santé mentale complets, surtout aux personnes qui sont aux prises avec des poursuites juridiques en instance et ont des troubles de santé mentale.
Trois, allouer des fonds à des programmes d'éducation et de formation axés sur les compétences visant à répondre aux besoins divers des vétérans, y compris dans des domaines non traditionnels comme le théâtre et l'improvisation.
Quatre, élargir les services de soutien offerts par Anciens Combattants Canada et s'assurer qu'ils correspondent à ceux fournis par des organisations internationales comparables, comme le Département américain des anciens combattants.
Cinq, mettre en œuvre des programmes d'aide à long terme qui traitent des divers aspects de la vie après les forces et comprennent un suivi médical pour garantir leur sécurité et leur efficacité.
Six, rehausser l'accès aux ressources essentielles durant la transition, comme des ordinateurs du Réseau étendu de la Défense, des avocats civils, des spécialistes des finances et des ressources de préparation à l'emploi pour les vétéranes.
Sept, établir des programmes de mentorat pour orienter les militaires en transition et leur famille qui cherchent à surmonter les difficultés de la vie civile.
Ces recommandations visent à corriger les lacunes systémiques dans le soutien offert aux militaires et à leur famille, à rendre la transition vers la vie civile plus harmonieuse et à atténuer les effets délétères du service militaire. En mettant en priorité le bien‑être des vétérans et en reconnaissant leurs contributions, nous pourrons honorer leur service et défendre les valeurs d'équité, de dignité et de respect dans les forces armées.
J'aimerais souligner l'importance des programmes axés sur le soutien aux enfants et au conjoint dans cette transition.
Le programme Couples qui surmontent le TSPT au quotidien, le COPE, a été extrêmement utile pour mon mari, mes enfants et moi. Après le programme, un suivi de six mois auprès du couple a jeté les fondements nécessaires pour que mon mari et moi commencions à nous rétablir.
Le camp Maple Leaf pour les enfants de héros est un autre excellent programme. Il a été extrêmement bénéfique pour ma famille.
J'ai également participé à un programme du Project Trauma Support, dirigé par Manuela Joannou, et à un atelier de vie du Pepper Pod, dirigé par Sandra Perron, mais ces deux activités sont potentiellement dangereuses, et je les déconseille.
Sinon, je tiens à signaler que je travaille avec un de vos témoins précédents, Marie‑Ève Doucet. Je me souviens que nous avons démonté des moteurs et travaillé ensemble dans l'aire de trafic.
J'insiste pour dire qu'il faut mener une étude sur les matières dangereuses et leurs effets sur les enfants à naître, surtout sur les effets des microparticules sur le cerveau. J'ai plusieurs amis qui en sont morts, qui sont mourants ou qui vont mourir à cause de cela. D'autres pays reconnaissent le risque que les matières dangereuses présentent. J'attends simplement que mon tour vienne, et cela me déchire de penser qu'après avoir été malade si longtemps, il se peut que je ne m'en sorte pas.
Merci.
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Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de contribuer à votre mandat dans le cadre de votre étude sur la transition à la vie civile.
La Fondation Les Fleurons glorieux est la fondation nationale de la communauté militaire au Canada. Elle soutient de diverses manières la transition des militaires et des vétérans. Ma déclaration portera sur quatre catégories de soutien, soit l'emploi, le rétablissement à la suite d'une blessure, le maintien d'un objectif et la transmission d'informations.
Je vais commencer par le soutien à l'emploi. La Fondation Les Fleurons glorieux a lu le récent rapport du Comité intitulé Stratégie nationale pour l'emploi des vétérans. Nous étions particulièrement ravis de voir — dans la recommandation 18 — que le Comité recommande au gouvernement du Canada de mettre en œuvre les conclusions du rapport de 2017 du Conseil consultatif sur la transition des vétérans dirigé par la Fondation La patrie gravée sur le cœur.
Nous sommes fiers de notre collaboration stratégique avec le Groupe de transition des Forces armées canadiennes, Anciens Combattants Canada, les services aux familles de militaires et notre relation avec le chef des réserves et du programme d'appui des employeurs.
Les organismes qui forment en quelque sorte un écosystème doivent trouver le moyen de travailler en collaboration. C'est ce que nous voulons favoriser au moyen de notre partenariat continu avec le gouvernement de l'Ontario. Par exemple, l'événement récent Ecosystem Connect a permis aux organismes de rencontrer des employeurs du secteur privé pour examiner ensemble comment améliorer les pratiques exemplaires et promouvoir l'embauche de vétérans dans les grandes organisations et les petites et moyennes entreprises, et ce en mettant l'accent sur le recrutement de vétérans qualifiés dans le secteur de la santé.
Il faut aussi reconnaître l'importance des besoins des familles des vétérans, comme les témoins ont souligné avec éloquence aujourd'hui, dans toute discussion sur la transition à la vie civile. Nous savons tous que lorsqu'une personne se joint aux forces, c'est toute sa famille qui s'enrôle avec elle, et que ce lien de la famille avec l'armée ne se brise pas lorsque le militaire délaisse son uniforme. La transition et l'état de santé ont des répercussions sur toute la famille.
La deuxième forme de soutien est le rétablissement après une blessure. La majorité des militaires quittent les forces armées en santé et en forme. La seule chose dont ils ont besoin est une forme de soutien qui les aidera à trouver leur voie dans la vie civile. D'autres, par contre, sont libérés des forces pour des raisons médicales ou des problèmes dont les effets se mesurent dans le long terme. Pour les personnes blessées ou malades, la transition sera réussie si le processus comporte un programme de réadaptation. Pour les appuyer, la Fondation Les Fleurons glorieux finance des programmes comprenant des activités telles que des sports adaptés, des expéditions et de la création artistique.
Tout récemment, en compagnie de quelques personnes présentes dans la salle, j'ai eu la chance d'assister, à Vancouver et à Whistler, aux événements inaugurant le décompte d'un an avant les jeux d'hiver Invictus 2025 auxquels nous conviait la Fondation La patrie gravée sur le cœur. J'ai été impressionné de voir la camaraderie internationale qui régnait au sein de ce rassemblement de vétérans provenant d'une vingtaine de pays. La transition de la vie militaire à la vie civile tient une grande place aux jeux Invictus. Les athlètes en incarnent diverses facettes telles que le rétablissement après une blessure, le rôle des familles et le resserrement des liens avec la communauté. Je tiens à remercier le gouvernement du Canada et la province de la Colombie-Britannique de leur important soutien à ces jeux uniques.
Ensuite, la troisième forme de soutien est le maintien d'un but précis. Nous entendons souvent dire que les vétérans se sentent déconnectés de la société civile après leur départ des forces. Ils ne ressentent plus la raison d'être qui les habitait pendant leur service. Grâce au soutien d'Anciens Combattants, la fondation mène avec sept partenaires de programme la première étude canadienne sur la relation entre le service et le bien-être. Cette initiative est directement liée à la recommandation 30 du rapport Stratégie nationale pour l'emploi des vétérans. Une fois cette étude terminée, nous comptons établir un plan d'action national qui comprendra des outils et des stratégies de communication pour trouver, recruter, sélectionner et mettre à contribution des volontaires parmi les vétérans.
Finalement, la quatrième forme de soutien est la collecte d'informations et la transmission de celles‑ci aux vétérans. En tant que bailleur de fonds national, nous savons que les organismes sont nombreux à essayer d'aplanir les difficultés liées à la transition de la vie militaire à la vie civile. L'intérêt croissant pour ce domaine augmente les risques de duplications et de chevauchements.
Les connaissances que nous avons acquises en écoutant la communauté ont conduit à la mise sur pied d'un nouveau centre pour les vétérans. Cette plateforme nationale en ligne lancée à l'automne dernier aide les vétérans, les militaires encore en service et les familles à créer des liens au moyen de programmes, de possibilités de bénévolat et d'événements locaux. Une carte interactive permet aux utilisateurs de savoir ce qui se passe dans leur localité.
Nous sommes vraiment heureux de voir que presque 400 organismes se sont inscrits au site parce que cela renforcera l'écosystème de soutien aux vétérans et aux familles. Nous espérons que les membres du Comité feront de la publicité dans leurs réseaux respectifs.
Dans le même ordre d'idées, de nombreux organismes fournissent différents soutiens aux vétérans sans-abri. Il faudrait par contre produire des données concises sur le nombre de vétérans sans-abri, de même que des résultats mesurables du maigre financement alloué à cette cause. Nous appuyons fermement la mise en place d'une méthode axée sur les données qui permettrait de trouver des solutions aux besoins locaux à l'intérieur d'un cadre national.
Nous sommes heureux de voir que la recommandation récente du Comité soulignant l'importance d'accorder aux vétérans le contrôle de leur dossier médical et de leur permettre de communiquer ce dossier aux médecins civils, aux fournisseurs de services et à Anciens Combattants. Nous poursuivons la discussion à ce sujet dans le cadre de notre initiative visant à créer un conseil consultatif sur la technologie en santé mentale pour les vétérans. Nous croyons que cet élément facilitera grandement la transition à la vie civile.
En conclusion, je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à témoigner. Je vais répondre avec plaisir aux questions du Comité.
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Beaucoup de choses peuvent être dites sur le Pepper Pod.
Je suis une personne handicapée, mais on ne m'a pas autorisée à apporter mon chien d'assistance. Je suis restée réveillée jusqu'à 2 heures du matin. Les escaliers menant au sous-sol n'avaient pas de rampe. J'ai été obligée de descendre sur les fesses. Il a fallu que je cuisine mon souper et que je fasse la vaisselle, après être restée assise pendant des heures. J'ai interrompu une réunion parce que la femme assise à côté de moi avait subi une hystérectomie seulement deux semaines auparavant. Ils ont quand même suivi le programme.
Je ne pense pas que le but était de mettre sur pied un centre pour les femmes, surtout après avoir vu sur Internet pas mal d'hommes de la Légion participer aux activités. Je ne me sens plus en sécurité à cet endroit. C'est comme si vous invitiez des talibans à un club d'anciens élèves de Valcartier. Comprenez-vous ce que je veux dire?
Certaines activités ne sont pas considérées comme sécuritaires. Prenons l'atelier de 24 heures sur les inconduites sexuelles. Je ne m'inscrirais surtout pas à ce programme en raison des risques de rouvrir un trouble de stress post-traumatique aussi complexe. Les participantes retournent chez elle sans suivi. Elles sont encore plongées dans leur traumatisme. Leurs souvenirs remontent à la surface.
Ce programme peut s'avérer extrêmement dangereux pour la santé des vétéranes, peu importe où elles en sont dans leur cheminement.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins d'être venus comparaître et de nous avoir fait part de leur expérience, particulièrement Mme Cox.
Mme Cox, merci de votre service. Merci également de nous avoir raconté ce que vous avez vécu. Je sais que vous revivez votre traumatisme chaque fois que vous en parlez, mais il est capital que nous l'entendions et que nous l'inscrivions au compte rendu afin d'en tirer des leçons et d'avancer.
Je suis désolée que vous ayez eu à écouter nos échanges acrimonieux au début de la réunion. Vous méritez tout notre respect et notre attention lorsque vous venez témoigner.
J'aimerais revenir à vos derniers commentaires. Je veux m'assurer de bien comprendre. Vous avez travaillé sur des aéronefs — des CF‑18, je crois — et vous avez été en contact avec un grand nombre de matières dangereuses dans le cadre de ce travail.
Vous avez découvert depuis que les conditions associées aux substances avec lesquelles vous avez travaillé ont pu affecter votre santé, mais vous avez de la difficulté à obtenir une reconnaissance. Pourriez-vous aller un peu plus en détail sur cette absence de reconnaissance et nous dire d'où l'aide devrait provenir? Comment modifier le système pour que les personnes comme vous obtiennent du soutien?
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Ma recommandation, étant donné que les femmes militaires ont une idée générale du moment où elles aimeraient fonder une famille, c'est qu'elles soient affectées à d'autres tâches trois mois avant même de commencer à essayer de concevoir.
J'étais dans une clinique de fertilité avec mon mari... et j'ai dû me battre bec et ongles pour ne pas être en contact avec du PRC, qui est la substance la plus dommageable pour les cellules à l'étape du développement embryonnaire. Quand le bâtonnet devient bleu, c'est déjà fait. J'ai été obligée d'aller voir le médecin et d'insister pour avoir un retrait préventif de six mois, car on allait me faire faire des travaux de peinture. Il a fallu, au risque de sonner comme un disque rayé, que je le demande et que je me plaigne. Je voulais protéger le bébé et faire ce qu'il y avait de mieux pour lui. Je ne plaisantais pas; j'étais enceinte.
J'ai trois enfants. J'ai eu le premier avant d'être vraiment exposée; les deux autres ont été exposés. Un des enfants n'a rien. Un autre souffre d'asthme, de dyslexie et d'anxiété, et l'autre a un TDA avec anxiété et colère.
Je ne pense pas avoir une génétique différente. La seule chose qui a changé dans mon environnement, c'est mon milieu de travail. On m'a mise dans un bureau, mais j'étais toujours dans l'immeuble. Je ne pouvais pas être dans l'aire de trafic. Je devais être loin de possibles explosions, de travaux de peinture et des vapeurs d'échappement, qui sont cancérogènes, et qui étaient transportés par le vent vers les logements familiaux, exposant ainsi les enfants et les femmes. Le problème est beaucoup plus vaste.
Le cas de Marie-Ève Doucet devrait faire partie intégrante de cette étude, et le Comité devrait vraiment l'examiner attentivement. Il devrait y avoir un processus de réclamation présomptive pour les personnes exposées aux matières dangereuses, en particulier les femmes.
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Merci. C'est un point très important.
Beaucoup de nos anciens combattants sont isolés géographiquement ou socialement, et nous savons que, très souvent, ce sont eux qui sont à risque. Aujourd'hui, nous avons entendu des témoignages très percutants au sujet des répercussions à long terme sur les familles.
La Fondation Les Fleurons glorieux finance des programmes de soutien en ligne, notamment le programme COPE. Nous finançons divers programmes, dont JEUNESFAC, administré par la ligne d'aide téléphonique pour les jeunes, et le Camp Feuille d'érable. Divers programmes sont offerts.
Comme je l'ai mentionné plus tôt dans mon témoignage au sujet du carrefour, les gens ont souvent beaucoup de difficulté à savoir quels services leur sont offerts dans leur région. Nous cherchons notamment à améliorer l'offre de renseignements locaux adaptés à la situation personnelle, la langue ou la culture d'une personne, quel que soit l'endroit où elle habite.
Il existe des programmes. Ils tendent à être localisés et sont probablement difficiles d'accès pour les familles, en particulier pour les personnes qui peuvent avoir des difficultés, comme les personnes monoparentales ou les personnes isolées socialement.
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Non. Durant ma période de transition, ma famille n'a pas été tenue de faire elle-même la transition.
À mon avis, le militaire est en transition, mais la famille l'est aussi. Il peut y avoir de l'incertitude financière. Une militaire était probablement célibataire lorsqu'elle est entrée dans les Forces, mais à sa libération, elle a habituellement une famille — un mari et des enfants. Ils ont un rôle à jouer, dans la mesure où ils peuvent comprendre pourquoi maman est si malade. On ne leur a pas dit.
Mes enfants pensent que je ne travaille pas; je suis une femme au foyer, mais j'ai déjà travaillé. Cela n'a pas été expliqué. On n'a pas expliqué à mon mari en quoi consistait le processus, exactement. Pendant ma transition, il a dû aller au collège d'état-major. Je suis en transition, maintenant, et il est au collège d'état-major.
Les enfants n'allaient pas bien. Ma fille a des marques d'automutilation de la cuisse à la cheville. Tout ce chaos en faisait partie. J'étais incapable de trouver un thérapeute pour elle parce qu'au ministère des Anciens Combattants, on disait simplement de téléphoner à tel numéro, et à tel autre numéro. On me disait simplement de téléphoner. Je n'ai pas réussi à joindre qui que ce soit jusqu'à ce qu'une infirmière en soins intensifs vienne à la maison et utilise son titre d'infirmière autorisée pour faire entrer Sydney. Il était encore extrêmement difficile de trouver du soutien pour les enfants.
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Nous reprenons la séance.
Nous poursuivons notre étude sur la transition à la vie civile. Pour cette deuxième heure de réunion, nous avons le plaisir d'accueillir quatre témoins. Dans la salle, nous avons Mme Carolyn Hughes, directrice des services aux vétérans à la Légion royale canadienne, et M. John Senior, vétéran, qui comparaît à titre personnel. En vidéoconférence, nous avons Mme Susan Pollard, et M. Steve Turpin que je salue de nouveau.
[Traduction]
Cinq minutes sont accordées pour les déclarations préliminaires. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du Comité.
J'invite les membres du Comité à réfléchir à la personne qui posera les questions. Pour le premier tour, les interventions seront de six minutes.
Nous entendrons d'abord Mme Hughes.
[Français]
Vous êtes une habituée de la maison.
[Traduction]
Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des anciens combattants, au nom du président national, le camarade Bruce Julian, et de nos plus de 256 000 membres, je vous remercie d'avoir invité la Légion royale canadienne à vous parler aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur la transition.
La Légion compte plus de 1 300 filiales — je pense qu'il y en a maintenant 1 350 — d'un océan à l'autre. Chaque filiale dispose d'un officier d'entraide bénévole. Ce sont nos troupes sur le terrain. Nous avons aussi, à l'échelle du pays, 35 officiers d’entraide et officiers d'entraide adjoints au sein des directions provinciales. Ils aident les anciens combattants tous les jours, notamment pour la présentation de demandes de prestations d'invalidité à Anciens Combattants Canada, les appels auprès du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), l'accès à d'autres programmes et prestations d'ACC et, bien sûr, l'obtention de l'aide financière par l'intermédiaire du Fonds du coquelicot. Je le mentionne, car nous entendons d'anciens combattants de partout au pays. Ce sera la prémisse sur laquelle mon témoignage sera en grande partie fondé.
Je suis directrice des services aux vétérans au bureau national de la Légion royale canadienne. Je suis aussi une ancienne combattante et je suis honorée d'aider mes camarades au quotidien. Mon dernier poste dans l'armée, il y a plus de 10 ans, consistait à aider les malades et les blessés pendant leur transition de la vie militaire à la vie civile, dans ce qu'on appelait à l'époque les centres intégrés de soutien du personnel. C'était avant la création des centres de transition.
Mes propos refléteront ce que j'entends d'un bout à l'autre du pays.
J'aimerais d'abord établir un cadre qui, selon nous, est essentiel pour comprendre la période d'adaptation lors de l'enrôlement, ainsi qu'avant et pendant la transition.
L'expérience de transition et de libération est différente et unique d'un ancien combattant à l'autre, parce que certains quittent volontairement le service après une courte période. Ils peuvent avoir terminé de rembourser leurs prêts étudiants et veulent passer à un autre emploi. Certains ont de jeunes familles; certains ont servi pendant 30 ans. D'autres ont des maladies et des blessures — qu'elles soient attribuables au service ou non —, d'autres sont célibataires et d'autres encore sont mariés. C'est très varié. Quoi qu'il en soit, il peut être terrifiant de cesser de porter l'uniforme et de changer de mode de vie. Beaucoup de choses changent à ce moment‑là.
Quand on s'enrôle dans l'armée, on est endoctriné dans un système structuré. On croit que le système s'occupera toujours de nous et qu'on peut compter sur lui. Nous acceptons la culture militaire du travail d'équipe et nous comptons beaucoup sur le soutien de cette équipe dans tous les aspects de notre carrière. Les périodes de conflit en sont l'exemple le plus probant, mais cela existe dans tous les aspects du service militaire.
Les militaires et leur famille grandissent avec la culture militaire et ont une vie relativement confortable. Essentiellement, les collègues militaires font partie de leur famille élargie et, dans bien des cas, ce lien peut être puissant et indéfectible. Cela fait partie intégrante de leur identité profonde, de sorte que pour certains, laisser derrière ce mode de vie ou cette culture est une période extrêmement difficile, pour eux et leur famille.
Pendant leur service, les militaires avaient accès à du soutien. Ils savaient où aller pour poser des questions et demander de l'aide. Ils ont eu accès à des programmes de perfectionnement professionnel durant leur instruction militaire, les déploiements et les affectations. Un calendrier était établi pour eux. On leur disait où se rendre et à quel moment, comment s'y rendre, quoi porter, comment se coiffer, etc.
Pendant la transition et la libération du service, après une carrière dans un milieu très structuré, il y a beaucoup d'inconnues pour un membre et sa famille. C'est une expérience unique pour tout le monde. Comme je l'ai indiqué dans de nombreux témoignages précédents, il n'y a pas de solution unique. Dans tous les aspects du processus de transition, l'identité de genre, l'origine ethnique, l'appartenance religieuse, l'âge, la durée du service, le grade, la situation familiale et bien plus encore doivent être pris en considération pour la personne. Parmi les autres facteurs pouvant nuire à une transition harmonieuse de la vie militaire à la vie civile, soulignons le logement, les questions financières, l'emploi et les études après le service, ainsi que la perte de sentiment d'appartenance et d'utilité.
Les invalidités graves et complexes compliquent la transition et peuvent entraîner une instabilité accrue après la libération. Il arrive que certains problèmes de santé ne soient pas pleinement reconnus par le militaire ou son équipe de soins de santé pendant le service. Certains peuvent prendre des années à se développer, comme les traumatismes articulaires répétitifs, les problèmes de dos et de genoux dus aux mouvements répétés, etc. En outre, certains militaires ne signalent pas les blessures par crainte de répercussions sur leur carrière. Ils endurent simplement leur mal et continuent.
Il y a les personnes qui ont des problèmes de santé mentale qui peuvent découler de déploiements, de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle dans l'armée, ou de tout autre facteur de stress dans leur vie. Il est fréquent qu'une personne ne reconnaisse pas vraiment qu'elle a un problème de santé mentale tant qu'on ne lui a pas fait remarquer ou qu'on ne lui dit pas d'aller chercher de l'aide. Elle cherche alors à obtenir un traitement et un diagnostic, ce qui peut être long. Il est possible que le diagnostic ne soit pas fait pendant le service, avant le départ.
La stigmatisation demeure un facteur important malgré les importants progrès à cet égard. Que la personne suive un traitement ou non, la maladie mentale constitue un obstacle important à une transition réussie lorsqu'aucun soutien n'est disponible.
En raison de la grave pénurie de personnel dans le secteur de la santé au Canada, bon nombre d'anciens combattants ne reçoivent pas les soins nécessaires après leur service, puisqu'il leur faut des années pour trouver un médecin de famille. Un traitement immédiat et continu est requis pour qu'une personne atteigne une nouvelle normalité. Les retards indus dans l'accès aux soins de santé — en santé mentale et en santé physique — ne font qu'exacerber les symptômes et mettre en danger les soins à long terme offerts aux anciens combattants et à leur famille.
Puisque mon temps est presque écoulé, le point principal que je vous invite à retenir est qu'aucune personne qui est gravement blessée ou malade ne devrait être libérée des Forces tant que les mesures de soutien appropriées ne sont pas en place. Cela comprend l'accès à un médecin et à d'autres services de soutien.
Merci, monsieur le président.
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D'accord. C'est très bien.
Nous pouvons également, comme je l'ai été, être chargés de faire monter les aéronefs sur la rampe pour les missions en Afghanistan, où le simple facteur déterminant était de savoir si un aéronef avait 15 chevaux-vapeur de plus qu'un autre. Le succès ou l'échec d'une mission, ou la vie ou la mort d'un équipage, en dépendait. En tant que soldats, nous sommes entraînés à porter des armes et à utiliser de l'équipement très complexe. Nous avons une formation et des talents extraordinaires qui ne se comparent à rien dans le marché du travail civil.
Dans le cadre de nos fonctions, la plupart d'entre nous ont vécu des situations traumatiques ou en ont entendu parler. Nous avons même vu des effets directs lors de combats, de missions de maintien de la paix ou d'autres situations extrêmes. Certaines de ces expériences ont eu d'énormes conséquences émotionnelles ou mentales qui ont causé d'importantes blessures de stress opérationnel. Nous savons que si nous ne nous ressaisissons pas, nos vies prendront fin abruptement au sein de la communauté militaire.
Les militaires et les membres de la GRC développent des identités qui leur sont bénéfiques pendant leur service. Ces identités nous permettent de nous dissocier pour notre propre survie et pour nous acquitter efficacement de notre travail. Nous devons prendre des décisions très claires et défendables qui, après coup, peuvent être examinées de très près pendant des décennies. Bon nombre de personnes qui ne sont pas dans le service semblent oublier que c'est vers nous qu'on se tourne pour obtenir de l'aide, pour assurer la sécurité nationale, pour offrir de l'aide d'urgence et pour apporter de l'aide humanitaire dans des pays lointains. Parfois, nous ne pouvons pas simplement mettre nos identités défensives en veilleuse.
Pendant la transition à la vie civile, les anciens combattants sont confrontés à l'intégration au monde civil. Ceux qui peuvent s'y adapter trouveront une nouvelle identité et seront en mesure de trouver un très bon bien-être. Cependant, pour environ le tiers des anciens combattants, ce n'est pas possible.
Vous, en tant que gouvernement, avez déjà mené des études et recueilli les renseignements, alors une autre étude n'est pas nécessaire. La plupart des réponses ont déjà été données. Par exemple, dans l'Enquête sur la vie après le service militaire menée en 2019, on apprend que 39 % des répondants ont de la difficulté à s'adapter à la vie civile, que 49 % ont été libérés pour des raisons médicales, que 33 % souffraient de dépression et que 43 % n'avaient pas trouvé d'emploi dans la société civile. Comparativement à l'Enquête sur la vie après le service militaire de 2016, celle de 2019 faisait état d'une augmentation marquée des départs à la retraite, du chômage dans le marché du travail civil et des conditions chroniques comme le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT. La participation aux programmes d'Anciens Combattants Canada, ou ACC, a grandement augmenté. Comparativement aux personnes du même âge et du même sexe dans le monde civil, les anciens combattants ont des problèmes de douleur chronique dans une bien plus grande proportion — deux fois plus — et ils sont 26 fois plus susceptibles de souffrir de TSPT. Dans ce groupe, la dépression est presque deux fois plus fréquente, et l'anxiété et les contraintes dans les activités quotidiennes, trois fois plus.
Nos difficultés sont balayées du revers de la main. Les politiciens, les médecins et les employés à l'autre bout du fil à Anciens Combattants — presque tous les intervenants avec qui nous avons affaire — semblent complètement nous déprécier, ainsi que notre niveau de professionnalisme, notre formation et les responsabilités qu'on nous confiait. Ce rejet nous cause beaucoup de tort. Le fait de ne plus être en service ne signifie pas que nous oublions immédiatement notre loyauté et nos connaissances, puis que nous oublions du jour au lendemain qui nous étions. Le traumatisme du sanctuaire est réel et il est causé par l'endroit qui est censé prendre soin de nous. Ainsi, les efforts pour économiser de l'argent et refuser les prestations causent en fait plus de tort que de bien.
Nous, les vétérans des forces armées et de la GRC, en avons assez de voir nos prestations diminuer alors qu'on se sert de nous pour des séances de photos et qu'on nous dénigre pour demander plus que ce que nous pouvons donner. Permettez-moi de vous rappeler que nous sommes nombreux à avoir tout donné. Nous avons monté la garde de notre plein gré, pour ensuite être laissés en plan.
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Bonjour à tous. Merci de m'avoir invitée à la séance d'aujourd'hui.
Je suis ici pour parler de la capacité de tendre la main aux anciens combattants qui le sont depuis peu, depuis longtemps ainsi qu'à tous les autres. J'aimerais vous parler un peu de mon travail.
Je compte environ neuf ans d'expérience auprès des anciens combattants, des vétérans de la GRC, des membres des Forces armées canadiennes et des membres de leurs familles. J'ai été coordonnatrice du Programme pour les familles des vétérans au Centre de ressources pour les familles des militaires de l'Île‑du‑Prince‑Édouard pendant environ cinq ans. Auparavant, j'ai beaucoup travaillé avec l'organisation, et je travaille actuellement pour le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
Je suis ici aujourd'hui à titre personnel. Je ne représente pas le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
J'aimerais aborder quelques sujets clés aujourd'hui en me fondant sur l'expérience que j'ai acquise auprès de mes clients. Le plus important est de savoir ce qu'est un ancien combattant. D'après mon expérience, la définition d'un ancien combattant varie grandement selon l'organisation ou l'organisme de soutien communautaire. Je pense que nous réussissons à simplifier les définitions au sein des organismes gouvernementaux et des organismes non gouvernementaux, mais même dans la population, la définition d'un ancien combattant change et continue d'être au premier plan. C'est le sujet brûlant qui détermine à qui nous offrons du soutien et des services.
Les anciens combattants ont changé au fil des ans. Ils sont de plus en plus jeunes. Oui, certains anciens combattants qui ont servi il y a de nombreuses années vieillissent, mais nous constatons aussi qu'il y a beaucoup de jeunes anciens combattants qui ne s'identifient peut-être pas comme tels, même s'ils ont droit aux mesures de soutien et aux services qui existent pour tous les anciens combattants. Je pense qu'une grande partie de l'éducation et de la transmission d'informations doit venir de la mobilisation communautaire et de la sensibilisation du public que nous faisons.
À titre de coordonnatrice du Programme pour les familles des vétérans, mon rôle consistait exclusivement à sensibiliser le grand public, les vétérans et leurs familles que les vétérans font partie de notre communauté.
Le prochain sujet clé dont j'aimerais parler est la réduction des obstacles et de la stigmatisation pour l'accès au soutien. Pour faire écho à certains des commentaires qui ont été faits, je vais prendre l'Île‑du‑Prince‑Édouard comme exemple. Dans la province, nous comptons un grand nombre d'anciens combattants et de membres actifs de la Force régulière et des Forces de réserve — principalement des réservistes. Il y a des membres de la GRC et aussi des anciens membres de la GRC.
Souvent, pour obtenir le soutien dont ils ont besoin, en particulier le soutien médical, ils doivent quitter l'île. On les envoie souvent aux bases, soit aux deux plus grandes bases les plus proches de l'Île‑du‑Prince‑Édouard: à Gagetown et à Halifax. D'après ce que me confient les anciens combattants, c'est tout à fait bouleversant. Il est inacceptable de retourner à un endroit où ils se sentent lésés. De plus, ils doivent prendre le temps de sortir de l'île pour avoir accès à ce service. Des contraintes financières en découlent parce que les frais de déplacement ne sont pas nécessairement couverts. Certains déplacements sont couverts par diverses mesures de soutien, mais pas tous. Ces démarches aggravent aussi la dynamique familiale. Parfois, les anciens combattants ne peuvent pas amener d'être cher avec eux, comme ils l'auraient peut-être voulu. Par conséquent, ils doivent vivre ce processus seuls, ce qui peut certainement les traumatiser de nouveau.
Les dates de libération, les conditions médicales et les types de libération sont tous des facteurs qui influencent le soutien et les services que les anciens combattants reçoivent après leur service. Il est essentiel que les renseignements soient à jour dans les dossiers médicaux et les dossiers de libération. Je pense que, dans l'ensemble, nous nous sommes améliorés pour conserver la documentation appropriée, mais il y a encore des progrès à faire. On a le droit de ne pas bien aller. Je m'efforce de le dire parce que je pense que nous devons nous faire les champions de cette cause et dire qu'il est acceptable de demander de l'aide. Le gouvernement et le grand public, dans ce contexte, doivent simplement militer davantage pour que les anciens combattants aient accès au soutien dont ils ont vraiment besoin.
Il est important d'inclure les familles dans ces démarches. Mon expérience à titre de coordonnatrice du Programme pour les familles des vétérans au Centre de ressources pour les familles des militaires de l'Île‑du‑Prince‑Édouard m'a appris qu'il est essentiel d'inclure les familles dans le processus de libération. Si je me fie à mon expérience, il arrive souvent que les familles soient exclues du processus de libération, alors qu'il faut absolument les inclure. Il est essentiel qu'elles soient au courant de la transition et du soutien qu'elles peuvent recevoir.
Un exemple est le counselling offert par le Centre de ressources pour les familles des militaires. Peu de gens savent que ce service est gratuit. Souvent, il y a très peu d'attente. Les conseillers sont habituellement des travailleurs sociaux, mais ils offrent une ressource entièrement accessible de laquelle nos familles, les membres de la GRC et les anciens combattants doivent se prévaloir.
Je vais aborder le dernier point: l'accès à l'information. C'est un élément très important. D'après mon expérience, les anciens combattants ont du mal à accéder aux ressources auxquelles ils ont droit. Dans bien des cas, les anciens combattants avec qui je travaille peuvent avoir du mal à accéder à des ressources en ligne. Cela devient un obstacle. C'est une épreuve pour eux de se connecter à un ordinateur, d'essayer de trouver de l'information, de l'interpréter et de la comprendre, puis de confirmer qu'elle s'applique à eux.
J'ai travaillé très fort pour aider ces anciens combattants, mais dans mes fonctions et mes rôles, bien souvent, je n'avais pas le droit de le faire en raison de l'accès à l'information. Il faut par exemple accéder à Mon dossier ACC, mais je n'ai jamais eu accès à ces dossiers. Comme je m'y connais bien en technologie et en accès aux ressources en ligne, je pense que j'aurais pu être une excellente ressource pour aider mes clients à réduire le stress qu'entraîne le simple fait de se connecter à un ordinateur et d'essayer d'accéder à son dossier.
L'autre point clé que je veux mentionner est l'incidence des états de service. Il est absolument essentiel que les états de service soient documentés avant la libération. Je veux aussi mentionner qu'il ne faut pas oublier les membres de la GRC. En tant que fille d'un agent de la GRC, je dirai que, souvent, il n'y a pas de ressources pour eux, alors qu'il doit y en avoir.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
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Je vous remercie tous d'être présents et de m'avoir invité à ce comité.
Je suis Steve Turpin et j'ai été membre des Forces canadiennes pendant presque 25 ans. J'ai commencé ma carrière dans la Force de réserve, au Québec. J'ai fait partie de ceux qui ont été déployés. À l'époque, aucun soutien n'était offert à ceux qui revenaient d'une mission et qui auraient eu besoin de cette aide. Ce soutien n'existait pas. On nous remerciait d'avoir servi pendant six mois, on nous disait que c'était fini et on nous renvoyait chez nous.
J'ai été chanceux de pouvoir intégrer la Force régulière un an plus tard et de poursuivre le reste de ma carrière dans l'aviation. À cette époque, on n'a pas reconnu les six mois où j'avais servi dans la Force de réserve. Je n'ai jamais reçu le soutien ou le traitement dont j'avais besoin. Encore aujourd'hui, certaines odeurs me causent des difficultés. Personne ne le reconnaît. Même dans la Force régulière, on ne l'a pas reconnu quand j'ai demandé qu'on le fasse.
Avant d'être libéré de la Force régulière pour une autre raison médicale, un sujet encore difficile à raconter pour moi, j'ai été assez bien préparé par les gestionnaires de cas. À ce sujet, je n'ai rien à redire. Le problème est qu'on nous laisse seuls par la suite. Une fois sorti du système, on est seul. J'ai appelé à Anciens Combattants Canada pour demander de l'aide, pour rencontrer des psychologues, afin d'éviter des problèmes au sein de notre famille. Heureusement, j'ai une famille forte, qui m'a suivi tout au long de ma carrière. Elle m'a soutenu et continue à le faire aujourd'hui.
Quand nous avons besoin de rencontrer un spécialiste en santé mentale et qu'on nous envoie voir un peu n'importe qui, parce qu'on n'a pas les ressources nécessaires dans la région où nous habitons, ça n'aide pas. Pour ma part, c'était vraiment un psychologue que j'avais besoin de voir, mais on m'a envoyé chez un sexologue, parce que les services dont j'avais besoin n'étaient pas disponibles dans ma région. Les gens du domaine de la santé veulent faire correctement les choses en région, mais ils ne sont pas formés pour traiter des vétérans. Ils ne connaissent pas et ne comprennent pas notre situation, c'est-à-dire ce que nous avons vécu pendant toutes ces années.
De plus, je viens de la région de Trois‑Rivières, au Québec, et il n'y a pas de base militaire à proximité où je peux aller chercher du soutien. En ce moment, c'est une bataille de tous les jours pour continuer. Comme on le dit en anglais,
[Traduction]
« Fais avec, petit. »
[Français]
Je dois avancer, et le faire avec le soutien de mes amis et de ma famille.
Ce serait bien qu'Anciens Combattants Canada puisse faire une vérification. Je sais que le ministère a une liste de professionnels de la santé par région. Par contre, il faut s'assurer que ces professionnels sont réellement en mesure de répondre à nos besoins. Les deux spécialistes que je suis allé voir ne pouvaient pas répondre à mes questions. Ils ne pouvaient rien faire pour moi, même après trois, quatre ou cinq questions que je leur posais. Ils me demandaient plutôt ce qu'ils pouvaient faire pour moi. J'aurais pu leur demander de me déclarer invalide, ils l'auraient fait. Or, ce n'est pas ce que je veux, et ça ne m'aurait pas aidé. Il faut donc qu'Anciens Combattants Canada trouve une façon d'aider les gens, surtout ceux qui, dans certaines villes, n'ont pas accès à des ressources. Il faut trouver les ressources adéquates pour eux.
Pour ce qui est des formations, c'est un aspect très difficile. Vous avez une très grosse tâche devant vous. Je vous remercie encore une fois de travailler là-dessus. Chaque individu est différent. Chacun a sa propre raison de vouloir quitter les Forces canadiennes. Je crois qu'il faudrait se pencher sur le fait que notre situation nous empêche de poursuivre une carrière que nous aimerions faire au civil. Il y a plusieurs domaines dans lesquels j'aurais aimé pouvoir me réaliser.
Je sais que travailler dans ces domaines m'aurait aidé, mais, étant donné ma situation, on m'en a empêché. On ne voulait pas payer ma formation. On m'a dirigé vers des formations pour lesquelles je n'avais aucun intérêt. En tant que vétérans, ça ne nous aide pas.
En ce sens, je veux absolument aider tous les vétérans qui ont servi dans les Forces armées ou la Gendarmerie royale du Canada. C'est vraiment ma volonté et la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui.
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Merci beaucoup de ce commentaire.
J'ai commencé à Gagetown, au Nouveau-Brunswick, dans le Corps blindé. Ma toute première expérience réelle était pendant mon entraînement, lorsque nous étions en état d'alerte pour être prêts à réagir à la crise d'Oka et, essentiellement, à tout ce qui a suivi.
Ensuite, je suis allé en Allemagne pour des missions liées à la guerre froide. Nous étions toujours en service — 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours par année — dans le théâtre des opérations. C'était très différent à l'époque. Nous savions que nous étions sacrifiés. L'ennemi avait 36 fois plus de chars que nous. Nous savions que nous étions un obstacle. Nous avions littéralement une durée de vie de 15 secondes.
Puis, je suis revenu au Canada et je suis allé en Bosnie en 1994 avec les Nations unies. J'ai vu beaucoup d'événements là‑bas. Mon premier déploiement avec l'OTAN a eu lieu en 1997. Nous sommes allés en Bosnie. Puis, en 2000, je faisais partie de la force aérienne.
Ensuite, j'ai travaillé au sommet du G8 et pendant la crise du verglas au Québec. Puis, j'ai passé beaucoup de temps aux États-Unis à m'entraîner avec les hélicoptères Chinook. Je suis allé en Afghanistan. J'y ai fait beaucoup de travail international. J'ai fait beaucoup de travail international.
Je suis désolé de prendre un peu plus de temps.
La coopération avec beaucoup d'autres pays nous fait constater les différences dans le traitement des soldats et ce genre de divergences. À bien des égards, nous sommes laissés pour compte.
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Le monument est important pour les anciens combattants. Le retard accumulé est en train de devenir un point sensible.
Quand nous voyons ce qui se passe à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas vraiment en être fiers, car il y a de nombreuses choses qui ne se sont pas produites lorsque nous sommes rentrés d'Afghanistan. C'était comme si nous disons, « Bon, c'est fini. Tout est terminé. » Nous ne demandions pas un défilé. Cela n'est jamais arrivé. C'était littéralement, « Bon, on s'en va discrètement ».
Ensuite, pour tourner le fer dans la plaie, ils ont abandonné tous les interprètes qui étaient là aussi. Cela a vraiment laissé des traces. Ce monument est maintenant entaché et ce retard ne s'arrête pas là.
J'ai fait des recherches avant de venir ici. J'ai envoyé cette question à 18 000 anciens combattants sur 12 pages différentes, et cette affaire suscite beaucoup de colère. Cela ne devrait pas être une question politique. C'est ce que j'essaie de faire comprendre. Cela devrait représenter le Canada en tant que pays et ce n'est pas le cas.
Lorsque vous allez dans d'autres pays, cela ne se produit pas. Je me rends souvent aux États-Unis où je travaille avec le ministère des Anciens Combattants. Ils n'ont pas ce genre de problèmes parce qu'il s'agit d'une reconnaissance nationale.
Les anciens combattants de la guerre du Golfe n'ont rien obtenu. Ils sont ignorés. Nous commençons vraiment à ressentir la même chose dans cette affaire. J'espère vraiment que vous comprenez ce que j'essaie de dire, à savoir que cette question ne devrait pas être un enjeu politique. C'est tout ce que j'essaie de dire.
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Merci de poser cette question. Je suis très heureux que vous l'ayez posée.
Nous avons un revenu fixe lorsque nous touchons des prestations d'invalidité. Le coût de la vie augmente et nous voyons nos frères et sœurs en uniforme avoir du mal à joindre les deux bouts en ce moment. Nous éprouvons exactement les mêmes problèmes parce que l'indice du coût de la vie augmente, mais l'argent que nous recevons ne change pas. Nous subissons une réduction de salaire tous les jours. C'est ce qui se passe actuellement. Encore une fois, il y a un problème d'abandon parce que nous ne sommes pas soutenus.
La seule raison pour laquelle je dis cela, c'est que nous passons par là et que nous demandons. Ce sont des organisations comme la Légion, les banques alimentaires et d'autres organisations qui prennent le relais. En ce moment, je travaille avec la banque alimentaire de l'Association des vétérans à Calgary et je dirige des programmes avec elle.
Là encore, les traumatismes sexuels en milieu militaire ne sont pas couverts. Les traumatismes sexuels en milieu militaire en Afghanistan sont différents de ce qu'ils étaient au Canada. Tout cela est très odieux. Beaucoup de ces problèmes ne sont pas reconnus.
Anciens Combattants est en retard sur beaucoup de choses. Les coûts sont élevés et les Canadiens quittent le pays. Ce dont on ne parle pas, c'est que les anciens combattants partent au Mexique, en Thaïlande et aux Philippines parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer les coûts ici. Cette question n'a pas été abordée.
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Merci, monsieur le président.
Je ne siège normalement pas à ce comité, mais c'est un privilège pour moi d'être ici pour discuter avec chacun d'entre vous.
Je vais adresser mes questions à la directrice Hugues.
Au Cap-Breton, nous avons plusieurs légions qui font un travail remarquable pour les anciens combattants. Dans bien des cas, elle travaillent pour la GRC et la police régionale. Les gens oublient qu'un grand nombre de policiers régionaux sont partis à l'étranger, que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo. Les gens qui travaillent dans les légions au nom des anciens combattants m'ont fait part d'une chose qui, je crois, a été entendue à ce comité: les formalités administratives d'Anciens Combattants Canada.
J'aimerais que vous me donniez rapidement un exemple de la façon dont nous pouvons réduire les formalités administratives dans un domaine particulier qui est important pour les anciens combattants et vous, car nous voulons accroître l'efficacité, au lieu de fermer les bureaux d'Anciens Combattants Canada comme l'a fait le gouvernement conservateur précédent à Sydney. Nous avons dû les ouvrir. Je veux savoir où nous pouvons améliorer l'efficacité, d'après vous.
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Simplement pour clarifier les choses, ce que je voulais dire, c'est que tous les anciens combattants sont confrontés au fardeau du soutien technologique, pas seulement les plus jeunes.
L'expérience que j'ai acquise en travaillant avec de jeunes anciens combattants m'a appris l'importance de la question de l'identité. Certains des jeunes anciens combattants avec lesquels j'ai travaillé ont servi pendant cinq ou six ans, par exemple, avant d'être libérés et d'embrasser d'autres carrières. Certains sont devenus enseignants ou électriciens, par exemple. Souvent, ce service est oublié, mais son impact se ressent toujours. Je pense qu'il est important d'en parler.
Je reviens à l'essentiel. Les dossiers de service sont essentiels, tout comme les examens préalables à la libération. Ces conditions n'existent peut-être pas le jour de la libération, mais elles peuvent apparaître un an ou deux plus tard, et il est donc important d'assurer un suivi adéquat.
Peu importe le temps qu'ils ont passé dans la GRC ou dans les Forces armées canadiennes, ils ont servi notre pays et les effets se ressentent même après leur départ. Il est important de le reconnaître.
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Je vous remercie de votre question. Elle est excellente.
J'ai discuté avec l'ombudsman des anciens combattants, et je lui ai entre autres recommandé de mettre des anciens combattants capables d'être en première ligne et au téléphone en premier lieu. Cela leur permettrait de travailler aux côtés des intervenants et du GESC.
Lorsque j'ai quitté l'armée, j'ai heureusement pu travailler avec le SSBSO par l'entremise du conseil national mixte d'ACC et du MDN. J'ai travaillé au sein d'ACC pendant trois ans dans le domaine de la défense nationale. C'était un poste sans pareil, et j'ai vu bien des choses se produire.
Le fait de recommander que des anciens combattants répondent au téléphone et parlent aux personnes à l'autre bout du fil — parce que nous comprenons ce qu'ils vivent — et de travailler plus étroitement avec la Légion m'a très bien réussi. À l'heure actuelle, les personnes en poste ne comprennent pas les besoins de certains anciens combattants. Si un ancien combattant hurle à l'autre bout du fil, on ne devrait pas lui raccrocher au nez. Cette personne a des besoins et il faut y répondre.
J'ai réussi à offrir un soutien par les pairs et à prendre le pouls de la communauté des anciens combattants, parce que j'ai tendu l'oreille. Les gens se mettent en colère et il m'arrive régulièrement d'avoir affaire à des personnes qui parlent de suicide. Plutôt que d'appeler immédiatement le 911, j'essaie d'abord de comprendre ce qui se passe avec la personne. Je lui demande si elle pense au suicide, si elle a des idées suicidaires ou si elle ne fait qu'évoquer le sujet.
L'ajout de l'aide médicale à mourir à tout cela était une très mauvaise idée. Cela a envoyé beaucoup de mauvais messages dans la communauté des anciens combattants. Nous sommes essentiellement vus comme des parias ou des gens qui coûtent trop cher.
Cela répond‑il à votre question, monsieur?
J'aimerais remercier tous les témoins d'être des nôtres.
J'aimerais également remercier ceux qui ont servi notre pays de leur service.
J'ai une première question pour tous les témoins, parce que je pense que vous avez tous parlé du sujet que je souhaite soulever. Je vais commencer par M. Turpin parce qu'il n'a pas encore parlé.
De nombreux anciens combattants m'ont dit que les services ne sont pas axés sur eux et sur leurs besoins. Je comprends que c'est très complexe, car leurs expériences varient fortement.
Je m'inquiète particulièrement du fait que les services d'ACC ne semblent pas tenir compte des traumatismes. Ce que je veux dire par là, c'est que j'ai entendu et lu beaucoup de choses émanant d'ACC. On dit essentiellement: « vous ne vous comportez pas bien, et si vous ne faites pas ce que nous vous demandons de faire d'ici telle date, vous aurez des conséquences et nous vous enlèverons tout ». Cela m'inquiète. Il est évident que les gens hurlent souvent au téléphone s'ils ont de tels besoins de soins. La situation est souvent très difficile pour eux. J'aimerais que ceux qui les côtoient soient mieux formés à cet égard.
Monsieur Turpin, pensez-vous que les employés d'ACC devraient avoir une meilleure compréhension des services tenant compte des traumatismes? On espère que plus d'anciens combattants pourraient y travailler pour fournir des services à leurs pairs.
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Je suis la fille d'un vétéran de la GRC, et j'en suis fière. Je suis fière de faire partie de cette communauté. Je n'avais pas réalisé que mes expériences au sein de ma propre famille auraient un tel impact sur mon travail avec les anciens combattants avec lesquels j'ai travaillé et avec lesquels je travaille présentement.
J'ai été formée au programme d'aide dans le cadre de mes fonctions. Cela s'est avéré essentiel pour soutenir ceux qui ont des idéations suicidaires. L'autre cours important que j'ai suivi était un cours de premiers soins en santé mentale. J'ai eu l'occasion de coanimer ce cours. Cette matière est très importante. Je crois fermement que ce type de cours — et ces deux‑là en particulier — est extrêmement bénéfique pour toute personne travaillant avec ces clients, collègues ou camarades, peu importe comment vous voulez les appeler.
Récemment, j'ai parlé au téléphone avec un ancien combattant qui était très contrarié par son expérience, par sa libération et par d'autres choses dont nous discutions. J'ai utilisé mon expérience personnelle pour l'aider à réaliser que je peux comprendre ce qu'il vit. Je ne suis pas une ancienne combattante. Je n'ai pas cette expérience. Cela dit, en tant que fille d'un agent de la GRC qui n'a peut-être jamais admis qu'il avait des difficultés, je peux reconnaître qu'il en a, désormais. Il a des difficultés et il doit les surmonter avec un soutien limité, qu'il ait reçu un diagnostic ou non. Ce n'est pas facile.
Comme je l'ai dit, je suis fière du travail que j'ai accompli... et d'avoir réussi à accéder aux mesures de soutien que j'ai pu obtenir.