Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour. Bienvenue à la 114e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité, le 29 janvier 2024, le Comité reprend son étude de l'expérience vécue par les vétérans autochtones et par les vétérans noirs.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride et je vous rappelle que toutes les observations doivent être dirigées vers la présidence.
[Traduction]
J'aimerais accueillir les témoins qui vont comparaître aujourd'hui.
Nous avons M. Richard Blackwolf, président national, Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones. Bienvenue au Comité.
De la Banque alimentaire de l'Association des anciens combattants, nous recevons Mme Marie Blackburn, directrice exécutive, et M. Tommy Wayne Benjamin, commis de magasin. Bienvenue au Comité.
Vous aurez chacun cinq minutes pour vos déclarations liminaires. Vous serez ensuite invités à répondre aux questions des membres du Comité.
Je vais commencer avec vous, monsieur Blackwolf. Vous avez la parole pour cinq minutes.
Bonjour. Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité à comparaître devant le Comité et à soumettre un mémoire sur les expériences vécues par les vétérans autochtones.
Je m'appelle Richard Blackwolf et je suis le président national de l'Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones. Je suis un vétéran métis de l'époque de la guerre froide. Je me suis joint à la Marine royale canadienne en 1959. J'ai servi dans la Marine et au ministère de la Défense nationale pendant 38 ans au total.
L'Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones est un organisme constitué en personne morale qui défend les intérêts des vétérans autochtones à l'échelle du pays depuis 54 ans. L'année 2024 marque le 212e anniversaire du début de l'enrôlement volontaire des hommes et des femmes autochtones dans les Forces armées du Canada.
Étant donné les contraintes de temps, je vais sauter quelques passages.
Dans nos recherches sur les expériences vécues par les vétérans pendant leur service dans les Forces armées et après leur retour dans la vie civile, nous avons envoyé 2 000 demandes d'information auprès de vétérans et de membres actifs autochtones.
Au sujet de la transition à a vie civile, ceux pour qui ce passage est le plus facile sont les membres autochtones qui prennent leur retraite avec une pension et en bonne santé après une carrière complète dans les Forces. Pour eux, tout se déroule comme prévu. En revanche, les membres autochtones qui ont été contraints de quitter la vie militaire tôt dans leur carrière, pour la plupart en raison de problèmes médicaux, sont ceux qui connaissent le plus de problèmes pendant leur transition à la vie civile. Je vous expose le sommaire des centaines de réponses que nous avons reçues.
Une militaire a mentionné qu'elle avait été forcée de quitter l'armée en raison du syndrome de stress post-traumatique. Elle avait reçu des soins en santé mentale pendant son service militaire, mais elle n'a obtenu aucun soutien d'Anciens Combattants Canada une fois dans la vie civile. Avec deux jeunes enfants à charge, il était vital pour elle de soigner sa santé mentale pour conserver son emploi. Elle avait besoin de façon urgente d'un traitement approprié. Nous lui avons conseillé de communiquer avec l'ombud des vétérans pour obteir de l'assistance d'Anciens Combattants.
Sur le plan du logement, les vétérans autochtones qui retournent dans la réserve de leur Première Nation sont ceux qui connaissent le moins de problèmes de logement. Ceux qui sont forcés de quitter l'armée en raison pour la plupart de problèmes de santé, et qui n'ont pas de réserve d'attache et aucune possibilité d'emploi courent les risques les plus élevés de se retrouver aux prises avec l'itinérance ou la toxicomanie dans un grand centre urbain.
En ce qui touche les refuges et les banques alimentaires, notre site Web national est en reconstruction après 11 ans d'existence et 1,3 million de visiteurs. La version renouvelée du site renfermera une page sur les services offerts aux vétérans qui fournira aux vétérans autochtones et à leur famille une liste complète des refuges, des cliniques de santé et des banques alimentaires dans chaque province et territoire.
Quant à Anciens Combattants Canada, les plaintes les plus fréquentes que nous recevons proviennent des vétérans autochtones qui dénoncent la déconnexion entre, d'une part, l'invitation figurant sur le site Web d'Anciens Combattants d'ouvrir un compte et de présenter une demande de prestations d'invalidité, et d'autre part, les tactiques de dissuasion consistant à refuser les demandes ou à en retarder le traitement. En lisant la lettre de refus d'Anciens Combattants, les vétérans autochtones aux prises avec des problèmes de santé mentale ou physique ont le sentiment de ne pas être crus ou d'être pris pour des menteurs, ce qui peut porter durement atteinte à leur intégrité personnelle.
(1110)
Nous considérons la pratique courante de refuser l'admissibilité aux prestations d'invalidité après une première demande comme une atteinte délibérée au droit d'être traité avec respect, dignité et équité inscrit dans la Déclaration des droits des anciens combattants.
La lettre que j'ai reçue à la suite de ma première demande de prestations d'invalidité à Anciens Combattants Canada pour perte auditive et acouphène renfermait la réponse classique. Le ministère regrettait de m'informer que ma demande de prestations d'invalidité pour perte auditive et acouphène n'était pas admissible.
Deux ans plus tard, je recevais une décision à l'opposé. Après deux ans d'efforts, j'obtenais les cinq cinquièmes de mon droit aux prestations pour perte auditive et acouphène.
En résumé, la réunion des parties prenantes de 2015 à la Citadelle de Québec, considérée comme la plus fructueuse, nous portait à croire que des changements satisfaisants seraient apportés à Anciens Combattants Canada.
Les retards dans le traitement des demandes de prestations d'invalidité provenaient principalement, selon Anciens Combattants Canada, de la transition des documents entre les systèmes de la Défense nationale et ceux d'Anciens Combattants. La pierre d'achoppement était la Loi sur la protection des renseignements personnels. Pour accélérer le transfert des dossiers de la Défense nationale à Anciens Combattants, notre association a proposé, d'une part, d'apporter un amendement à la loi, et d'autre part, de confier à un seul titulaire les fonctions de ministre d'Anciens Combattants Canada et de sous-ministre de la Défense nationale.
Je ne pense pas utiliser mes cinq minutes, mais on ne sait jamais.
Je m'appelle Marie Blackburn et je suis la directrice exécutive de la Banque alimentaire de l'Association des anciens combattants, à Calgary. J'aimerais remercier le Comité de nous avoir invités à témoigner. Cette étude est vraiment importante. C'est toujours une bonne idée de travailler ensemble pour améliorer la qualité de vie des vétérans.
J'ai fondé l'Association des anciens combattants pour répondre aux besoins des nombreux vétérans qui n'ont pas accès au soutien d'Anciens Combattants Canada parce qu'ils ne se sont pas blessés pendant leurs années de service. Notre mission est de combler ce vide en prévenant l'itinérance, la faim, l'isolement et le suicide dans la population des vétérans. Le fait de remédier aux trois premières situations insuffle suffisamment d'espoir pour éviter le pire.
Lorsqu'on m'a demandé de participer à l'étude, j'étais heureuse à l'idée de peut-être fournir à certaines des personnes impliquées une occasion d'apprentissage.
Au cours des six dernières années, que j'ai consacrées au soutien des vétérans, j'ai entendu des histoires de vétérans autochtones qui m'ont troublée et profondément attristée.
Une vétérane à la recherche d'un refuge après l'incendie de sa maison a fait appel à nous. Dans ces situations, nous appelons habituellement d'abord Anciens Combattants pour voir s'ils peuvent fournir une partie du soutien. L'employée du ministère m'a dit qu'elle ne pouvait pas verser directement les fonds à la vétérane parce que, disait-elle, les gens boivent tout l'argent qu'on leur donne. Je lui ai demandé si le fait que la personne était autochtone entrait en jeu. Elle m'a répondu par l'affirmative et m'a dit que c'était comme cela. Je lui ai dit que j'étais autochtone moi aussi et que je n'avais pas le même point de vue.
Lorsque j'ai encouragé la vétérane à communiquer avec Anciens Combattants, elle était terrifiée à l'idée de déclarer quoi que ce soit de crainte de perdre ses prestations. Pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas en dévoiler plus, mais des choses comme celle‑là arrivent fréquemment autant aux Autochtones qu'aux non-Autochtones. Lorsqu'un problème survient entre un travailleur et un client, les vétérans ne veulent pas le déclarer parce qu'ils ont peur de perdre des avantages.
Mon autre histoire est un peu plus difficile à entendre. Elle m'a été racontée par une autre vétérane, qui a servi en Afghanistan et qui est hautement décorée. Cette femme avait besoin d'aide pour présenter une demande de prestations en raison d'une blessure au dos. Un employé d'Anciens Combattants a mis en doute la validité de sa demande, puisque, disait‑il, elle avait pu se coucher sur le dos pour tomber enceinte.
Certains vétérans autochtones n'ont jamais eu la chance de faire traiter leur demande parce qu'on leur a dit qu'ils n'étaient pas admissibles même si en fait ils l'étaient. Des vétérans de retour à la vie civile m'ont dit qu'ils n'avaient pas de soutien d'Anciens Combattants, peu importe la raison.
Notre organisme entretient des relations solides et productives avec Anciens Combattants. Nous présentons désormais des demandes pour les vétérans autochtones. Cela peut sembler peu, mais nous avons aidé 8 à 10 vétérans qui s'étaient fait dire pendant 15 ou 20 ans qu'ils n'étaient pas admissibles aux prestations ou qui n'osaient pas revenir à la charge après avoir essuyé un premier refus.
Nous savons que nous allons aider un nombre croissant de vétérans, puisque ces derniers savent à présent qu'ils ont un lieu sûr où aller. Ils sentent qu'ils peuvent nous faire confiance et que nous allons au minimum défendre leur dossier dans l'espoir d'obtenir les prestations auxquelles ils ont droit.
À mon avis, la sensibilisation d'une grande part du public au principe de vérité et de réconciliation a généré beaucoup de gentillesse et d'empathie. En leur ouvrant la porte — M. Benjamin appuie fermement ce que nous faisons —, nous permettons aux vétérans d'avoir accès aux prestations auxquelles ils ont droit depuis des années, mais qui leur ont été refusées.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Tommy Benjamin. Je suis originaire d'Old Crow, au Yukon, et j'habite à Calgary, en Alberta. Je suis un ancien combattant Gwich'in.
En 1982, je me suis engagé dans les Forces armées canadiennes. J'ai fait ma formation de base à la base des Forces canadiennes Cornwallis, en Nouvelle-Écosse, avec un grand nombre de recrues des quatre coins de l'Arctique et du Haut-Arctique. À l'époque, on nous appelait des « Indiens » et des « Esquimaux ». Aujourd'hui, nous sommes connus sous le nom de « Premières Nations »; c'est le terme que je vais employer durant ma déclaration.
Dès le début, les responsables de la formation ont commencé à s'en prendre aux recrues des Premières Nations. Aujourd'hui, je pense qu'on utilise le terme « racisme systématique ». Ils m'ont attaqué à 2 h 30 du matin. Ils m'ont saisi par la cheville et lancé au sol depuis le lit superposé qu'on m'avait assigné. J'étais en train de dormir.
Aujourd'hui, j'ai des problèmes de dos. À l'époque, je souffrais de commotion cérébrale. Malgré tout, j'ai réussi à faire mon service.
Les recrues des Premières Nations tombaient les unes après les autres. Des gens pleuraient parce qu'on s'en prenait injustement à eux. Les responsables de la formation se moquaient des noms de famille des recrues inuites.
J'ai continué à subir du racisme et de la discrimination durant toute ma carrière militaire. J'ai quitté les Forces armées canadiennes prématurément à cause des mauvais traitements que moi et les autres recrues et membres des Premières Nations subissions.
J'ai eu beaucoup de difficulté à faire la transition vers la vie civile. J'éprouve toujours des difficultés aujourd'hui. J'ai souffert de problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, sans parler de mes problèmes d'anxiété, d'anxiété sociale, d'itinérance, de chômage et de pauvreté — la liste est encore longue. J'ai vécu tout cela.
En 2007, une clinique fréquentée par les personnes des Premières Nations de Calgary a pris les mesures nécessaires pour que je reçoive un diagnostic. En une demi-heure, les résultats ont montré que je souffrais d'un trouble de stress post-traumatique complexe chronique causé par l'expérience que j'ai vécue dans les forces armées.
Durant mon service, on ne parlait pas de la « transition vers la vie civile ». J'ai eu beaucoup de difficulté à faire cette transition. Je dis toujours que le fils que ma mère a envoyé dans les forces armées n'est pas le même que celui qui en est revenu.
Aujourd'hui, je dois dire que c'est la cinquième fois que je dépose une demande de prestations auprès de la Banque alimentaire de l'Association des anciens combattants de Calgary, avec l'appui de M. David J. Thompson, l'agent de liaison avec les Autochtones. Après avoir examiné mon dossier, il a déclaré que je devrais recevoir des prestations depuis 2015.
(1120)
Je suis toujours dans le processus de demande de prestations. J'espère de tout cœur que ma demande sera acceptée parce qu'en ce moment, je reçois des prestations du programme AISH de l'Alberta. Il s'agit d'un programme de revenu garanti pour les personnes gravement handicapées. Mon médecin m'y a inscrit.
Voilà qui conclut ma déclaration. Je vous remercie pour votre attention.
Ottawa est une ville magnifique. C'est ma première fois ici. Je vous remercie de nous recevoir.
Tout d'abord, monsieur Blackwolf, monsieur Benjamin, je vous remercie pour les services que vous avez rendus au Canada. Je vous remercie aussi tous les trois pour les services que vous rendez aux anciens combattants.
M. Blackwolf a mentionné la politique des trois « D »; les anciens combattants nous en parlent souvent.
Ma question s'adresse à Mme Blackburn. M. Blackwolf a mentionné la politique des trois « D » dont les anciens combattants nous parlent souvent. Il a utilisé les mots « délai, déni, découragement ». J'aime cette version; normalement, on entend « délai, déni, décès ».
Monsieur Benjamin, vous connaissez les délais, évidemment. Je dois dire que les histoires que vous nous avez racontées et les choses que vous avez vécues sont tout à fait inacceptables.
Madame Blackburn, les histoires que vous avez entendues et les choses que les gestionnaires de cas d'ACC ont dites aux gens sont aussi tout à fait inacceptables. Merci de nous en avoir parlé parce que nous devons être au courant.
Madame Blackburn, quand je vous ai rendu visite récemment, vous m'avez raconté une histoire qui illustre très bien la politique des trois « D ».
Auriez-vous l'obligeance de la raconter ici pour que tout le monde l'entende?
C'est arrivé l'été dernier. La journée était chaude, et le système de climatisation du bâtiment est tombé en panne. J'ai donc décidé de partir tôt, de rentrer chez moi et de boire des gin-tonics sur mon patio pour me rafraîchir.
J'avais remarqué une voiture qui rôdait dans le stationnement depuis le début de la journée. Elle partait, puis revenait. Elle était partie, elle était revenue et elle était maintenant garée. J'allais partir quand le conducteur m'a tapée sur l'épaule et m'a demandé si je pouvais l'aider. Je lui ai demandé de quoi il avait besoin. Il était manifestement très stressé et nerveux. Il a répondu qu'il avait juste besoin d'aide pour payer les factures de sa famille. Nous sommes rentrés dans la chaleur accablante du bâtiment et nous avons procédé à son inscription. Il devait payer son hypothèque. Il n'avait rien pour nourrir sa famille. Tous ces paiements de factures étaient en retard. Je lui ai dit: « Il n'y a pas de problème. Nous pouvons payer toutes ces factures pour vous. » Puis, il est parti, et moi aussi.
Environ deux mois plus tard, il m'a appelée pour me remercier. Sa famille était à nouveau réunie. Sa femme et lui avaient réglé leurs différends. Ses enfants avaient recommencé à jouer au soccer ou avaient repris leurs activités. Il m'a dit: « Je tiens à ce que vous sachiez que si vous ne m'aviez pas aidé, j'aurais mis fin à ma vie ce jour‑là. Il y avait un revolver sous mon siège, et si vous m'aviez dit non, je me serais tiré une balle dans la tête dans votre stationnement. »
Voilà un autre exemple qui montre combien de temps les gens doivent attendre avant de recevoir les prestations auxquelles ils sont admissibles. C'est vraiment ridicule. C'est la raison pour laquelle nous disons qu'en fin de compte, notre mandat est de prévenir le suicide chez les anciens combattants. Nous nous situons en quelque sorte entre Anciens combattants Canada et les anciens combattants. Nous les aidons à payer leurs factures, à prendre soin de leurs enfants et à se nourrir. Je ne sais pas comment on peut réduire les longs délais d'attente que les anciens combattants doivent parfois subir avant de recevoir leurs prestations, mais cet exemple vous aidera peut-être à comprendre ce que nous vivons sur le terrain.
Heureusement que vous êtes là, vous et la Banque alimentaire de l'Association des anciens combattants — non seulement dans cette situation‑là, mais dans nombre d'autres situations pareilles. Certes, nous vous sommes tous reconnaissants de votre présence, mais votre présence ne devrait pas être nécessaire. Aucun ancien combattant ne devrait en venir à avoir de telles pensées et à être obligé de se tourner vers vous parce qu'il ne reçoit pas le soutien dont il a besoin.
M. Benjamin nous a parlé de sa situation. C'est très semblable. Il attend quelque chose qui lui est dû. Ce problème ne devrait jamais se produire et il doit être réglé. Je vous remercie d'en avoir parlé au Comité.
Je vais élargir un peu la discussion.
Madame Blackburn, ma prochaine question s'adresse aussi à vous.
Les banques alimentaires qui viennent en aide aux anciens combattants partout au pays rapportent des augmentations massives depuis les dernières années. Ces augmentations sont attribuables entre autres à la crise du coût de la vie. J'ai entendu dire que dans certaines banques alimentaires, la demande était quatre ou cinq fois plus grande.
Pouvez-vous nous parler brièvement de la situation que vous vivez à Calgary? Vos services sont-ils en grande demande?
C'est littéralement astronomique. Les augmentations de loyer à Calgary sont tout simplement ridicules. Les loyers sont, disons, de 1 500 $ par mois, avec des augmentations allant de 600 à 1 000 $ par mois.
Au cours de l'année, nous avons logé 38 anciens combattants dans des hôtels jusqu'à ce que nous puissions leur trouver un autre endroit. Ce n'est pas toujours facile, parce que s'ils payaient 1 500 $ par mois et qu'ils sont expulsés parce que le propriétaire a augmenté le loyer de 500 $, on ne trouvera pas d'autre endroit à 1 500 $. Il n'y en a pas.
Nous avons calculé qu'un séjour de trois mois dans un hôtel pour un ancien combattant, ce qui est à peu près la moyenne jusqu'à ce que nous trouvions un logement, est d'environ 10 000 $. De plus, lorsqu'il déménage, il a besoin de meubles, de vêtements, de nourriture et tout le reste. Voilà le genre de personnes qui viennent à la banque alimentaire. À Edmonton, par exemple, plus de 200 anciens combattants ont recours à la banque alimentaire des anciens combattants chaque mois. Chez nous, c'est environ 100. Nous avons des bureaux à Grande Prairie et à Lethbridge, et il y a environ 50 utilisateurs dans ces petites collectivités.
Tout coûte cher. Nous payons le loyer des gens s'ils ne sont pas en mesure de le faire. Nous subventionnons maintenant les loyers, car il en coûte presque moins cher de subventionner un loyer que de loger quelqu'un dans un hôtel quelque part. Sur une période de six mois, les sommes que nous dépensons pour loger, vêtir, nourrir et loger les anciens combattants ont littéralement triplé.
C'est comme cela partout. Chaque jour, des gens de la collectivité nous demandent de les aider parce qu'ils ont besoin de nourriture, mais nous ne pouvons pas parce que nous ne servons que les anciens combattants.
Monsieur Richards, ce qui arrive aux anciens combattants est tout simplement triste.
Quelqu'un m'a posé cette question il y a quelque temps. J'ai dit que le succès serait de pouvoir fermer boutique, mais nous n'en sommes pas là. Il faut que nos portes soient ouvertes et nous sommes sur appel 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Des anciens combattants nous appellent lorsqu'ils traversent une période difficile et qu'ils pensent que la seule façon de s'en sortir est de se suicider. Nous les accompagnons jusqu'au matin où nous allons nous asseoir avec eux jusqu'à 6 heures du matin, selon le cas.
J'ai lancé ce projet sur un coup de tête et je n'avais aucune idée des proportions qu'il prendrait.
J'espère simplement que la même tendance ne continuera pas. Nous aimerions stabiliser la situation, mais le succès consisterait à pouvoir fermer les portes pour toujours.
Merci, monsieur le président. Oui, je tiens également à remercier tous nos témoins de leurs témoignages d'aujourd'hui.
Monsieur Benjamin, je veux me faire l'écho de mon collègue en vous remerciant du courage dont vous avez fait preuve en venant ici pour nous raconter votre histoire. C'est vraiment difficile à entendre. Je ne peux pas m'imaginer devoir passer par là, mais il est important que cela figure au compte rendu ici, au Parlement, aujourd'hui. Cela ne serait pas possible si vous n'aviez pas eu la force de venir ici et de décrire votre situation. Encore une fois, merci.
Madame Blackburn, je vous remercie du travail que vous faites.
Ce sont des choses difficiles à entendre. Elles sont vraiment difficiles à entendre. Notre comité essaie d'élaborer de bonnes recommandations et de cerner des façons d'aller de l'avant.
Vous avez parlé un peu de la façon dont vous avez pu combler certaines des lacunes et aider à orienter les anciens combattants vers les services auxquels ils ont droit. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et peut-être nous faire des suggestions sur la façon dont nous pouvons mieux aider les anciens combattants à accéder aux prestations auxquelles ils ont droit dès qu'ils quittent les forces armées?
Dans le cas des anciens combattants qui quittent maintenant les forces armées, des anciens combattants nous ont dit que certaines des personnes qui les aident sont fantastiques pour ce qui est de leur fournir tous les services dont ils ont besoin. Par exemple, il y en a un qui a servi pendant 38 ans et qui a recours à ma banque alimentaire. Pourquoi une telle situation existe‑t‑elle?
Nous agissons en tant qu'intermédiaires pour les défendre lorsqu'ils demandent, à leur libération des forces armées, s'ils ont droit à des prestations et qu'on leur répond: « Non, ce n'est pas nécessaire. Vous avez votre pension. »
Nous nous assurons que pour chaque ancien combattant qui vient nous voir, que ce soit pour les services alimentaires, le programme d'animal de compagnie ou le programme du fonds d'urgence, la première chose que nous faisons, c'est de remplir les documents d'Anciens Combattants Canada. Nous avons obtenu de bons résultats dernièrement grâce aux relations que nous avons établies avec le ministère. C'est la première chose que nous faisons.
Je pense qu'il faut plus de sensibilisation. Il ne faut pas faire de discrimination. Peu importe qu'on soit autochtone, vert ou jaune. Cela ne fait pas de différence. Je pense qu'il faut en faire plus pour enseigner aux gens que ces hommes et ces femmes se sont engagés pour nous sauver et nous protéger. On a un travail grâce à eux. Je crois que le ministère des Anciens Combattants pourrait vraiment insister sur le fait que leur service a été à ce point précieux pour qu'on puisse mener la vie qu'on mène.
Récemment, notre gouvernement a créé un fonds de soutien d'urgence de 20 millions de dollars pour les organisations d'anciens combattants, et je crois que votre organisation a reçu de cet argent.
Pouvez-vous nous parler de l'effet de ce financement? Devrait‑il être élargi? Souhaiteriez-vous qu'il se poursuive? Comment tout cela a‑t‑il fonctionné? Comment l'avez-vous utilisé?
Nous avons reçu le financement d'urgence en juillet, et nous n'avons pas fait de publicité. Nous pouvons maintenant être actifs au Manitoba, en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et en Alberta.
J'ai fait un voyage en Colombie-Britannique et, en l'espace d'une heure, j'ai eu 17 nouveaux clients sans même faire de publicité. Ce sont de jeunes anciens combattants. Ils servent dans les forces armées et ils vont perdre leur maison parce qu'ils n'ont pas assez d'argent.
Il est certain que nous allons manquer de fonds avant le 1er mars. Nous avons demandé au gouvernement ce qui se passerait. Je ne peux pas recueillir… Nous nous débrouillons assez bien en matière de campagne de financement, mais je ne serais pas en mesure de recueillir suffisamment de fonds pour soutenir les activités dans toutes ces provinces.
Nous avons demandé ce qui allait se passer, et le gouvernement a répondu que si le programme connaissait vraiment du succès, le financement serait maintenu, ce qui serait formidable. Un jour, au Manitoba, on nous a recommandés à sept personnes parce que les agents d'Anciens Combattants Canada savaient que nous avions maintenant de l'argent pour aider les anciens combattants, alors c'est une bénédiction, c'est certain.
Je crois savoir que vous avez également participé au programme Emplois d'été Canada. Nous en parlions justement ce matin. Il s'agit du programme d'été dans le cadre duquel le gouvernement offre du financement pour que certains étudiants viennent travailler dans votre organisation en été.
Faites-vous cela depuis de nombreuses années? Quel est l'effet de ce programme?
Nous y avons recours depuis trois ans. Cette année, j'ai dû me battre avec la paperasse, ce qui n'a pas été très amusant, mais nous y sommes arrivés. C'est formidable d'avoir des étudiants d'été — ce ne sont pas des étudiants; c'est juste des emplois d'été — qui viennent ici pour apprendre et apprécier ce que les anciens combattants ont fait pour eux, leur famille et tout le pays.
Le programme Emplois d'été Canada a été extrêmement bénéfique. Il permet à ces personnes de recevoir beaucoup de formation et d'acquérir de nouvelles compétences pour l'avenir, et nous en sommes donc très satisfaits.
Il ne me reste qu'environ 30 secondes, alors si vous ou M. Benjamin avez des réflexions ou des recommandations finales sur la façon dont votre situation pourrait être améliorée grâce à des recommandations de notre comité…
J'aime le fait qu'Anciens Combattants Canada ait des agents de liaison et de mobilisation autochtones. J'aime cela parce que cela élimine — je tiens à le dire — la paperasse. Plus ou moins, cela enlève le stress de devoir faire une demande et la déception qu'elle soit refusée parce qu'on a fait ou oublié quelque chose, ou peut-être parce qu'on ne sait pas comment fonctionne le processus.
Je suis un ardent défenseur des agents de liaison et de mobilisation, et je félicite le ministère et Anciens Combattants Canada d'avoir créé ces postes. Je suis tout à fait favorable à l'aide qu'ils offrent. Sans ces agents de liaison, je n'aurais pas pu accéder à certains des programmes qui sont offerts, alors je les en remercie.
Je vous remercie de votre service, monsieur Benjamin. Vous avez fait un témoignage vraiment très touchant et très troublant, et j'ai l'impression que ce n'est pas terminé.
Avant que j'entame mes questions, monsieur le président, je veux déposer une motion. Le moment est peut-être un peu particulier. En fait, j'avais l'intention de la présenter au cours des prochains jours, toutefois, j'ai l'impression que le contexte s'y prête à merveille.
Voici la motion:
Que le Comité entreprenne une étude portant sur la prévention du suicide chez les vétérans, cette étude devant comprendre quatre rencontres d'une durée de deux heures chacune.
Que le Comité fasse rapport à la Chambre de ses conclusions.
Que, conformément à l’article 109 du Règlement, il demande au gouvernement de déposer une réponse exhaustive à son rapport.
Que le Comité entame cette étude aussitôt que l’étude sur l’Expérience vécue par les vétérans autochtones et par les vétérans noirs sera complétée
Je m'explique très rapidement. Je ne veux pas qu'on prenne…
Encore une fois, je n'ai que quelques arguments à présenter.
Entre 2017 et 2023, il y a eu 54 suicides. Sans trop entrer trop dans les détails, il y a une augmentation de 50 % de suicides chez les hommes vétérans. Chez les jeunes vétérans, on parle d'un taux de suicide de 250 % plus élevé que dans la population générale.
Chez les femmes vétéranes, on parle de taux de suicide de 150 % plus élevé que dans la population générale. Ce sont des chiffres sur lesquels j'ai mis la main, il n'y a pas longtemps. Je vais donner une entrevue sur ce sujet.
Je suis prêt à répondre aux questions, mais je dépose cette motion, madame la greffière.
Nous avons des témoins devant nous. Nous aurons du temps plus tard pour parler longuement de l'ordre des différentes réunions ou du contenu d'une motion. Ma recommandation, et j'espère que tout le monde sera d'accord, est que nous revenions aux témoins et que nous reparlions de la motion au cours de la deuxième heure.
Tout d'abord, M. Desilets avait la parole, j'ai donc arrêté le chronomètre. Nous avons dit que nous avions une heure avec les témoins, alors j'aimerais que nous nous en tenions à une heure.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, à savoir que la motion devrait être discutée lorsque nous parlerons des travaux du Comité, nous devrions demander aux membres du Comité s'ils sont d'accord.
Je suis d'accord pour dire que c'est ainsi que nous devrions procéder. Je propose que nous ayons deux séries de questions avec les témoins, puis que nous passions à la motion. Je souscrirais à un tel plan.
Je pense que le plus gros problème est le refus d'accorder les prestations.
La chose la plus courante que nous voyons pour les anciens combattants autochtones, c'est, tout d'abord, la difficulté d'être acceptés comme anciens combattants, parce que beaucoup d'entre eux se sont fait dire: « Vous n'êtes pas vraiment comme nous ». La deuxième étape consiste à leur faire franchir la porte pour que les formulaires soient remplis. Nous avons eu l'aide de Blake pour essayer d'accélérer certaines de ces choses, et l'aide de personnes au sein du ministère des Anciens Combattants qui comprennent que ces gens ont passé assez de temps sans rien obtenir. Voilà le principal obstacle qu'ils doivent surmonter.
Nous avons reçu de nombreux anciens combattants autochtones qui, lorsqu'ils ont présenté une demande de service, se sont fait dire qu'il n'y avait pas de dossier de blessures ou quoi que ce soit d'autre, ou que leurs maladies mentales n'étaient pas attribuées au service militaire. Vous pouvez clairement voir… M. Benjamin peut vous donner beaucoup d'exemples, et les anciens combattants nous en parlent. C'est ce que je veux dire par refus. Ils se font essentiellement dire: « Nous ne sommes même pas certains que vous nous disiez la vérité. Est‑ce des fabulations? »
C'est ce qui arrive à tous les anciens combattants — je ne devrais pas dire tous les anciens combattants, mais bon nombre d'entre eux se sont fait dire une telle chose. On leur dit: « Nous ne croyons pas votre histoire. Êtes-vous certain que c'est vraiment ainsi que les choses se sont passées? » Il y a toutefois des documents à cet effet. Voilà les difficultés que nous vivons, en plus de tous les retards.
Si vous me permettez d'intervenir, je suis de nouveau en train de demander des prestations. C'est la cinquième fois.
Lors de ma quatrième tentative de demande de prestations auprès d'Anciens Combattants Canada, on m'a dit qu'on n'avait aucune trace de mon service dans les Forces armées canadiennes. Mon dossier est maintenant aux archives nationales. En gros, ils ne pouvaient plus m'aider et m'ont dit de partir. Voilà quelques‑uns des obstacles auxquels je fais face.
Cinq, c'est beaucoup de demandes de prestations. C'est un processus frustrant. Comment puis‑je expliquer à quelqu'un que j'ai servi dans les Forces armées canadiennes alors qu'Anciens Combattants Canada me dit que ce n'est pas le cas? Qui suis‑je? Est‑ce que j'existe? Ai‑je servi dans l'armée? Bien sûr que oui, et j'en suis très fier. Je servirais de nouveau mon pays dans des circonstances différentes. J'aime mon pays.
Je devrais probablement dire qu'en 2005, je crois, le trouble de stress post-traumatique était la priorité dans ma demande de prestations. Les cinq fois où j'ai présenté une demande, c'était pour le trouble de stress post-traumatique et les blessures que j'ai subies dans les forces armées. Fondamentalement, les raisons étaient à peu près les mêmes pour chaque demande. Je ne peux pas dire qu'il n'y a pas eu de variations en ce qui concerne les blessures et l'état de santé. Mais oui, je dirais que chaque demande était à peu près la même.
Je vais devoir être franc et dire que je n'ai pas été victime de racisme par rapport à ma demande, pas en comparaison de ce que j'ai vécu dans les Forces armées canadiennes, qui sont deux choses différentes. S'il y a du racisme, je ne l'ai peut-être pas subi, ou je ne m'en rends peut-être pas compte.
Je tiens à remercier les témoins ici présents. Je vous remercie des services que vous avez rendus à notre pays et à nos anciens combattants. Je vous en suis très reconnaissante.
Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Benjamin, parce que votre histoire me touche vraiment. Malheureusement, j'ai entendu des réalités semblables de la part de personnes de différentes origines ethniques et d'origine autochtone qui ont fait face à une discrimination et à un racisme importants pendant leur service militaire, et j'ai entendu parler de la lenteur pour y réagir.
Je me demande si vous pourriez m'expliquer certaines choses.
Je tiens également à présenter mes excuses, car j'ai l'impression que l'un des aspects les plus difficiles de notre travail, c'est que nous demandons aux gens de venir ici pour raconter leurs histoires personnelles et, essentiellement, de se mettre à nu devant nous afin d'avoir des preuves de ce qui se passe. Je tiens à m'excuser du fait que nous en soyons là et que c'est ce que le système exige. Je tiens également à vous dire que si vous vous sentez mal à l'aise, veuillez nous le faire savoir.
Vous avez dit que vous avez commencé votre service militaire en 1982. Je me demande si vous pourriez dire au Comité pendant combien de temps vous avez servi.
J'ai eu l'impression que vous avez quitté le service en partie à cause de ce que vous voyiez. Vous avez dit avoir vu des membres inuits dont on se moquait de leurs noms de famille, et une grande partie des mauvais traitements étaient vraiment profonds.
Je me demande si vous pourriez nous donner un exemple de racisme que vous avez vu ou vécu pendant votre service et qui a été vraiment douloureux.
Un incident me hante encore aujourd'hui. J'ai employé l'expression « s'en prendre à » parce que c'est un terme militaire qui, je crois, est utilisé pour décrire de mettre des personnes à l'écart de toute force armée dans le monde.
Il y a une personne qui me hante encore aujourd'hui. J'utilise ce mot avec compassion, car les collègues s'en sont pris à lui. Je me souviens qu'il s'appelait Thomas et qu'il venait de Kuujjuaq, je crois; ils étaient tout simplement impitoyables envers lui et envers nous tous qui, à l'époque, nous faisions appeler « Indiens » et « Eskimaux ». Ce pauvre homme est venu me voir en pleurant, et je ne pouvais pas l'aider parce que j'étais complètement dérouté par ce qui se passait. Chaque vétéran autochtone et inuit en service, un à la fois, a vécu de mauvais traitements.
Je dis toujours que 1982 est l'année où la Constitution du Canada a été rapatriée au Canada. J'avais un sens du devoir de servir mon pays. On ne peut pas servir son pays si on a un casier judiciaire. Je n'avais pas de casier judiciaire lorsque je suis entré dans l'armée, mais j'en ai certainement eu un lorsque j'en suis sorti.
Je n'étais pas la même personne que lorsque je me suis enrôlé et, dans une certaine mesure, je n'étais pas la même personne qu'aujourd'hui, mais je ne vais pas baisser les bras et abandonner pour autant. J'éprouve parfois des difficultés. Je me resaisis tout le temps.
C'est notamment grâce à cette personne ici présente et à son organisation que je peux dire que je m'en tire mieux. Elle nous a beaucoup aidés, d'innombrables vétérans et moi, y compris des vétérans non autochtones. C'est une fraternité et une sororité où nous réunir après le service. Je pense qu'on pardonne beaucoup, mais qu'on n'oublie probablement jamais.
C'est ce que j'ai vécu, et je ne peux pas le nier.
Je vous remercie. Je pense que c'est vraiment important.
Nous avons récemment mené une étude sur les vétéranes et nous avons reçu beaucoup de femmes qui ont quitté les forces armées. Elles sont parties parce qu'elles ne recevaient pas de soutien. Ce que vous me dites, c'est que lorsque les vétérans autochtones essaient d'obtenir cette prestation, ils font souvent face à de multiples défis qui ne sont pas documentés. Vous avez vécu un service différent. Dans votre service, vous avez également dû faire face à un racisme extrême, qui était traumatisant. Vous vouliez servir votre pays, pas être traumatisé.
Un autre vétéran autochtone qui a comparu ici plus tôt a expliqué qu'ACC n'offre pas de forum où réunir des vétérans autochtones pour discuter, se regrouper et expliquer leurs expériences. ACC n'a donc pas de système pour entendre ces commentaires et vraiment examiner ses services.
Je me demande si vous pensez que ce serait une bonne décision pour ACC.
Je suis sûr qu'il y aura des aspects positifs et négatifs, comme dans tout. J'appuierais à 101 % l'idée de réunir les vétérans autochtones, qu'il s'agisse de vétérans inuits, métis ou de Premières Nations. Il y a toujours des progrès à faire. Rien n'est parfait. Nous pouvons toujours faire des percées et peut-être même faire changer des personnes d'idée.
Chaque parti aura maintenant droit à un autre tour, pour un total de 15 minutes. Je demande aux membres du Comité d'essayer de respecter le temps imparti.
M. Richards va débuter et dispose de cinq minutes.
Monsieur Blackwolf, vous n'avez pas eu beaucoup l'occasion de répondre à des questions. Je veux vous donner l'occasion de vous exprimer.
Je crois comprendre que votre organisation ne fait pas partie des organisations de vétérans figurant sur la liste des partenaires de la Médaille du couronnement du Roi Charles.
Je me demande si vous pouvez nous dire pourquoi, selon vous, votre organisation n'a pas été choisie, et comment vous vous êtes senti à la suite de cette décision.
Nous en avons pris conscience parce que des gens téléphonaient au bureau pour demander pourquoi nous ne figurions pas sur la liste des organisations participantes. Lorsque j'ai consulté la liste, j'ai constaté que notre organisation n'était pas mentionnée.
Tout d'abord, nous estimons que cette exclusion constitue une humiliation publique. Lorsque nous avons demandé qui était responsable de cette omission et pourquoi elle avait eu lieu, on nous a donné la réponse habituelle selon laquelle la liste avait été dressée par le gouvernement fédéral. À notre avis, le gouvernement fédéral nous a publiquement exclus du programme de la Médaille du couronnement du roi Charles III.
Nos vétérans estiment que la décision d'exclure l'Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones était sans fondement ni raison. Ils estiment également qu'elle va à l'encontre du droit d'être traité équitablement et avec respect et dignité.
L'exclusion de l'Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones rompt également le long lien qui unit les vétérans autochtones à la Couronne. À notre avis, ce lien avec la Couronne existe depuis 212 ans. Nous sommes très sensibles à tout ce qui constitue une atteinte à ce lien, qui revêt une grande importance pour nous. Voilà ce que je voulais dire.
J'ai communiqué avec un certain nombre de personnes, et nous avons échangé des lettres à ce sujet. La réponse était toujours la même: le gouvernement fédéral avait établi la liste, et elle comportait 30 000 médailles à distribuer. Nous avons suggéré, tout d'abord, de respecter cette liste et de ne modifier aucun de ces mandats. Nous avons demandé qu'une lettre de présentation soit envoyée à la Monnaie royale d'Ottawa. Nous allions payer pour nos propres médailles des vétérans, afin d'apaiser le mouvement qui se développait et qui poussait les gens à vouloir savoir ce qui se passait. Nous ne voulons pas faire face à l'érection d'obstacles. Nous essayons d'éviter ce genre de problèmes.
De toute manière, nous n'avons rien reçu, si ce n'est l'information selon laquelle le programme est en cours pendant un an.
Vous m'avez indiqué que vous aviez communiqué avec de nombreuses personnes, notamment la gouverneure générale, certains ministres du gouvernement Trudeau, la Monnaie royale et le Cabinet du premier ministre. Quel est votre sentiment final à cet égard? Selon vous, qui a pris la décision en la matière? Que pourrait-on faire pour y remédier?
Dans chaque demande, nous avons demandé à savoir qui avait pris cette décision et pourquoi elle avait été prise, et nous n'avons toujours pas reçu de réponse à ces questions. Nous savons que la décision a été prise par le Cabinet du premier ministre, évidemment, mais personne n'a jamais répondu à nos demandes.
Le gouvernement actuel parle beaucoup de réconciliation, mais les gestes qu'il pose ne sont pas toujours à la hauteur de cette aspiration. Il me semble qu'il s'agit là d'un autre exemple où les gestes ne correspondent pas aux paroles.
Je ne crois pas à la réconciliation. On ne peut pas réparer ce qui s'est passé. Pour nous, le passé est le passé. Nous ne nous y attardons pas. En tant que vétérans, nous nous tournons vers l'avenir. Cependant, nous sommes les gardiens du passé, et c'est la raison pour laquelle nous sommes sensibles à notre lien avec la Couronne...
Nous devrions au moins avoir l'honneur de savoir qui a pris cette décision et pourquoi elle a été prise. Nous n'avons tout simplement pas joué un rôle dans le processus. Pour une raison quelconque, les quatre principales organisations de vétérans au Canada — c'est-à-dire l'Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones, l'Organisation canadienne des vétérans de l'OTAN et les deux groupes de gardiens de la paix — ont toutes été écartées de la course aux médailles. Tous les présidents de ces organisations ont envoyé des lettres et, dans bien des cas, ils n'ont même pas reçu de réponse.
Je vais adresser mes questions à la banque alimentaire, mais en premier, j'estime qu'il est important de parler du dernier échange.
Je sais que mon collègue d'en face aime bien tout mettre sur le dos du Cabinet du premier ministre, mais — et je veux bien qu'on me corrige à ce sujet — j'ai l'impression que le bureau de la gouverneure générale est responsable de l'attribution de ces médailles. Je ne veux pas me lancer dans un débat, mais je pense qu'il est important de rétablir les faits, en ce sens que, pour autant que je sache, le Cabinet du premier ministre n'a pas déterminé ces emplacements. Je crois qu'il est important de le préciser.
Très rapidement, parce que je dispose de très peu de temps et que la plupart de mes questions sont...
[Inaudible] j'ai reçu des lettres des dirigeants de ces ministères et de Peter Mills, qui est le secrétaire de la gouverneure générale. Ils administrent le programme, mais ils ne prennent pas les décisions. Les lettres de M. Mills indiquent clairement que le gouvernement fédéral a pris les décisions. La liste est telle qu'elle est. Elle est définitive et close. Nos demandes visaient à savoir qui avait pris cette décision et pourquoi elle avait été prise.
Je vais creuser la question, car je pense qu'il s'agit là d'une distinction importante, et j'estime que vous devriez obtenir une réponse. Je pense que c'est approprié, mais compte tenu de tout ce que j'ai fait pour organiser ces médailles pour le compte des électeurs de ma circonscription, je peux vous affirmer que tout s'est fait par l'intermédiaire de la gouverneure générale, et non par l'intermédiaire du Cabinet du premier ministre.
Je dois maintenant interroger Mme Blackburn.
Je vous remercie tous infiniment d'être présents aujourd'hui. Je peux sentir la frustration et les difficultés que vous décrivez tous au cours de vos interventions.
Madame Blackburn, je sais que vous avez reçu la Mention élogieuse du ministre des Anciens Combattants en 2019 pour le travail que vous réalisez pour aider les vétérans. La raison pour laquelle vous avez reçu cette mention est devenue très évidente aujourd'hui, non seulement grâce à votre témoignage, mais aussi grâce au témoignage de M. Benjamin. Je vous remercie encore une fois de votre présence et de tout ce que vous faites pour la communauté des vétérans.
En tant que personne qui, avant de faire de la politique, travaillait dans le monde des organismes sans but lucratif, j'ai eu de nombreux contacts avec des gens qui travaillent dans votre domaine. Je sais qu'au cours de la pandémie de COVID-19, un grand nombre d'organisations sans but lucratif et d'organismes de bienfaisance ont subi une perte incroyablement importante et soudaine de revenus provenant de leurs collectes de fonds. Je me demandais si vous pouviez nous en parler. Cela décrit-il exactement l'expérience que votre organisation a vécue à cette époque?
Nous n'avons pas vraiment souffert d'une perte importante de revenus parce que, de l'autre côté, un très grand nombre de vétérans étaient admissibles à l'aide financière offerte en raison de la COVID-19. Si vous receviez cet argent, vous n'aviez pas vraiment besoin de visiter la banque alimentaire, alors nous avons été un peu stupéfaits de constater cela quand tout cela a commencé à se produire. Nous pensions qu'il y aurait des files d'attente à la porte, mais la situation était en fait différente: en réalité, personne ne venait nous visiter. Nous n'étions pas à court d'argent, car nous n'en donnions pas beaucoup non plus.
La partie la plus difficile de la COVID-19 pour nos vétérans a été l'isolement qu'il a créé. Je précise encore une fois que nous avions travaillé très dur pour les faire sortir des quatre coins où ils se terraient et que, tout à coup, nous les avons renvoyés dans ces quatre coins. Il y a eu quatre suicides pendant cette période, ce qui était déchirant, parce que nous avions travaillé très dur pour aider ces personnes, mais il n'y avait tout simplement pas de ressources disponibles pour qui que ce soit à cette époque.
Espérons que nous ne vivrons plus jamais d'incident comme la COVID-19, car c'est...
Je mentionne très rapidement que nous savons que l'établissement de partenariats au sein de la communauté peut contribuer à faire avancer les choses et que, lorsque nous travaillons ensemble, nous pouvons accomplir plus de travail que lorsque nous travaillons chacun de notre côté.
Pouvez-vous nous dire si votre organisation travaille avec d'autres organismes, tels que la Légion, afin d'entrer en contact avec les intervenants que vous soutenez? Comment ce processus fonctionne-t-il? Le gouvernement fédéral peut-il contribuer à faciliter ce processus?
Nos relations avec les filiales de la Légion sont extraordinaires. Nous travaillons tous sur la même longueur d'onde. Le bureau de notre direction n'est pas très agréable, mais ce n'est pas grave.
Nous travaillons avec un grand nombre de centres de rétablissement, de centres de traitement et d'établissements de santé mentale. Au cours d'une étude que nous avons réalisée un jour, nous avons constaté que 86 % de nos fonds provenaient de donateurs individuels, mais nous travaillons désormais avec des entreprises plus importantes afin de mettre en place ce type de modèles de financement au profit de nos vétérans.
La plupart de ces activités se déroulent au sein de la communauté des vétérans, et nous bénéficions donc d'établissements de santé mentale et de centres de traitement. Nous les soutenons, et ils nous soutiennent, ce qui est très gratifiant de ce point de vue, et les filiales de la Légion sont extraordinaires. Elles collectent beaucoup d'argent et de nourriture pour nous. Nous ne les remercierons jamais assez pour tout le travail qu'elles accomplissent.
Madame Blackburn, étant donné tout ce qu'on entend et compte tenu de votre expérience, vous, personnellement, croyez-vous qu'il y a deux types de reconnaissance des vétérans de la part du ministère?
À certains égards, oui, il y a deux types de reconnaissance. Un autre vétéran, qui est un homme de race noire, a eu beaucoup de difficultés à s'en sortir. Mais même s'il n'y avait qu'un vétéran dans cette situation, ce serait un vétéran de trop.
Je sais par expérience que M. Benjamin et quelques autres vétérans ont été clairement ciblés parce que, selon eux, ils sont différents du reste d'entre nous. Ce n'est pas radical, mais cela existe, et tant que ce sera le cas, il faudra que cela cesse.
D'un bout à l'autre du Canada, il y a très précisément 23 075 vétérans.
Croyez-vous que la situation que vous avez décrite est la même partout au Canada? Pourrait-il y avoir des problèmes particuliers dans la province où vous travaillez? Je sais que vous travaillez ailleurs, mais je pense à M. Benjamin.
Je sais pertinemment que cela se produit dans toutes les provinces, parce que d'autres personnes nous ont raconté leur histoire. Lorsqu'il y a un groupe d'Autochtones, ils parlent tous ensemble, et ces histoires finissent par remonter à la surface. Nous recevons des appels de personnes établies partout au Canada et qui nous demandent si nous pouvons les aider. Ces gens vivent à Terre-Neuve ou ailleurs, et nous font part des problèmes qu'ils ont rencontrés en traitant avec le ministère des Anciens Combattants et de leur incapacité à faire avancer leurs formalités administratives. Le problème n'est pas généralisé, mais il existe.
Je dois dire que les vétérans autochtones rencontrent des problèmes partout au Canada; je ne suis pas un cas isolé. On entend ce genre d'histoires dans tout le pays.
Je tiens également à dire que pour les membres de la communauté autochtone, quels qu'ils soient, c'est un honneur de servir leur pays; c'est presque comme porter un insigne, mais en même temps, les vétérans de l'ensemble du Canada éprouvent des difficultés.
Je propose que le Comité rédige une lettre pour attirer l'attention de la ministre sur l'urgence du cas de M. Benjamin et pour qu'elle examine ses prestations.
J'espère que tout le monde me soutiendra dans cette démarche.
Je peux le faire. Je m'y emploierai pour vous, monsieur.
Monsieur Benjamin, je tiens à dire que je n'oublierai jamais deux commentaires que vous avez faits aujourd'hui. Vous avez dit « le fils que ma mère a envoyé dans les forces armées n'est pas le même que celui qui en est revenu » et « je ne pouvais pas l'aider parce que j'étais complètement dérouté ». Je vous en remercie. C'est avec honneur que je me rappellerai ces mots.
J'aimerais maintenant me tourner vers vous, madame Blackburn, et vous poser une question. Vous avez déclaré tout à l'heure que, lorsque vous avez parlé à un employé d'ACC, il a indiqué que les Autochtones étaient plus susceptibles d'être alcooliques — je veux juste m'assurer que j'ai bien compris vos paroles et que je ne me suis pas fourvoyée —, et que vous avez entendu d'autres commentaires semblables liés au racisme à l'égard des Autochtones.
Lorsque vous entendez des commentaires de ce genre, y a-t-il une marche à suivre pour vous permettre de déposer une plainte? Un employé d'ACC a-t-il déjà communiqué avec vous pour mieux comprendre ce qui s'était passé, afin de pouvoir revoir les pratiques du ministère en matière de prestation de services?
Comme je l'ai dit, dans le cas de la première dame dont j'ai parlé, elle ne voulait absolument pas déposer une plainte parce qu'elle craignait trop de perdre ses prestations. Je lui ai recommandé de demander un nouveau gestionnaire de cas qui pourrait expliquer lui-même la situation au ministère des Anciens Combattants.
Dans le cas de la deuxième, la même chose s'est produite. Ces femmes ne veulent pas créer des problèmes entre eux et leurs gestionnaires de cas, parce qu'elles ont des enfants. Elles ont besoin de ces revenus et ne veulent en aucun cas perdre leurs prestations.
Je sais que nous avons dénoncé nos deux gestionnaires de cas. Comme je l'ai dit plus tôt, nous venons de rencontrer un homme qui a passé 32 ans sans recevoir aucune prestation après avoir quitté l'armée. Nous avons dénoncé sa gestionnaire de cas pour ces erreurs de communication. Nous appelons cela des erreurs de communication, mais il s'agissait d'un comportement inapproprié à l'égard de ce vétéran. Il nous a donné la permission de déposer une plainte, laquelle qui est en cours de traitement.
La plupart d'entre eux ne veulent rien dire parce qu'ils craignent de perdre leurs prestations. C'est là le plus gros problème que nous rencontrons.
Est-ce qu'ACC vous a informé de l'existence de systèmes qui vous permettraient, en votre qualité de défenseure, de dire « Je ne vais pas identifier les personnes qui nous ont signalé ces problèmes, mais nous avons entendu des plaintes similaires à cet égard, et nous aimerions que vous régliez ces problèmes »?
Un de nos contacts travaille pour le ministère des Anciens Combattants et nous lui expliquons la situation. Je précise une fois de plus que le client nous fait confiance lorsque nous lui assurons que nous ne signalerons pas son problème particulier.
Il est conscient des problèmes que nous rencontrons parfois, et il nous fait des recommandations en disant: « Vous devez absolument signaler ce problème, que le client le veuille ou non ». Cependant, nous ne le faisons jamais parce que, fondamentalement le client est toujours notre première préoccupation.
Je vous suis reconnaissante de me céder la parole, monsieur le président, et je vous en remercie.
Mon intervention ne durera que 30 secondes.
Étant donné que nous n'avons passé qu'une heure à interroger ces personnes et à écouter leurs excellents commentaires, au lieu d'une période plus longue, je voudrais poser une question à M. Blackwolf.
Vous avez parlé d'un groupe consultatif dont vous avez fait partie et de deux recommandations que vous avez formulées. La première concernait la modification de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour permettre à ACC d'avoir plus facilement accès aux dossiers des vétérans, et la seconde concernait la nomination de la ministre des Anciens Combattants à titre de ministre associée du ministère de la Défense.
Nous ne pouvons pas en parler maintenant, mais pourriez-vous faire parvenir au Comité des commentaires écrits concernant la manière dont ces deux recommandations ont été traitées?
Pourriez-vous nous envoyer ces commentaires? Malheureusement, je ne suis pas autorisée à obtenir une réponse en ce moment, mais si vous pouviez envoyer cette information, je pense que cela nous aiderait à mener notre étude.
Nous allons passer à la deuxième partie de la séance, mais il est maintenant temps de remercier nos témoins.
[Français]
Nous recevions, cet avant-midi, M. Richard Blackwolf, le président national de l'Association canadienne des vétérans et membres actifs autochtones; Mme Marie Blackburn, directrice générale de la Banque alimentaire de l'Association des anciens combattants; et M. Tommy Wayne Benjamin, commis de magasin au Veteran Association Thrift Store.
Nous allons faire une pause, le temps de passer à huis clos pour les affaires du Comité.