:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent des anciens combattants.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le 9 mars 2023 et le 5 décembre 2023, le Comité reprend son étude sur la reconnaissance des anciens combattants du golfe Persique et sur le service en temps de guerre.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. J'invite les témoins et les collègues à adresser leurs questions à la présidence.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous passerons deux heures complètes avec deux témoins. J'aimerais les accueillir.
Accueillons, à titre personnel, M. Sean Bruyea.
[Français]
Il est un habitué de notre comité.
[Traduction]
Il est capitaine à la retraite, officier de renseignement dans la force aérienne.
Accueillons aussi Mme Louise Richard, lieutenante de vaisseau à la retraite, qui était infirmière autorisée.
Comme nous avons deux heures complètes, nous pouvons prendre plus que cinq minutes pour chaque déclaration préliminaire. Si vous devez arrêter, je m'adresse surtout à la lieutenante Richard, durant les deux heures, dites‑le moi. Nous pouvons prendre une pause et reprendre plus tard.
Je vais commencer par vous, monsieur Bruyea, vous pouvez faire votre déclaration liminaire. Vous avez la parole.
:
Je tiens à remercier de tout cœur les membres du Comité de m'avoir permis de revenir, surtout en compagnie de la lieutenante Louise Richard.
Lieutenante Richard a sensibilisé le pays et pavé la voie au monde politique et médiatique du Canada pour ce qui est de réaliser que les vétérans de combats modernes sont traités moins bien que les anciens combattants. C'est pour cette raison que je l'appelle « la mère de la défense des droits des vétérans modernes ». Ensemble, nous avons poussé divers ministères fédéraux et avons négocié avec eux pour permettre la distribution de 5 000 médailles pour la Libération du Koweït qui avaient été fondues pour remplacer les 2 000 qu'avait égarées Ottawa. Nous avons personnellement distribué plus de 2 000 de ces médailles au cours des deux années suivantes.
Il y a exactement 25 ans et deux jours, au cours de notre première présence médiatique ensemble, la lieutenante Richard et moi avons demandé que les anciens combattants de la guerre du Golfe obtiennent le statut d'anciens combattants et que nos zones de service spécial, les ZSS, soient qualifiées de théâtres de guerre. Le jour du 10e anniversaire de la guerre du Golfe, Louise Richard, Robert Clarke et moi‑même avons, au dire des médias « tendu une embuscade » au et le à l'extérieur de la Chambre des communes pour exiger le statut d'ancien combattant et la reconnaissance que la guerre du Golfe était bien une guerre. Le 29 mars 2001, ACC a déclaré que nous avions le droit d'être qualifiés d'anciens combattants. Le nous a dit dans son bureau que cela s'était produit grâce à nous.
La lieutenante Richard et moi avons vu les Forces canadiennes subir nombreux changements. Les rapports de Stowe et McLellan ont formulé 93 recommandations. Le Comité permanent de la défense nationale et d'Anciens Combattants Canada a tenu des audiences partout au Canada et en Allemagne. Avant que le rapport de 1998 ne soit parachevé et que les 89 recommandations ne soient formulées, les Forces canadiennes ont commencé la mise en œuvre. Pendant ce temps, Anciens Combattants Canada se traînait les pieds.
En 2005, la nouvelle Charte régressive des anciens combattants a été adoptée au Parlement sans qu'aucun débat ne se tienne à la Chambre. Des règlements devaient être publiés dans la Gazette au cours des vacances de Noël et durant des élections, et tous deux ont été interdits par le Conseil du Trésor.
Notre témoignage de 2005 présenté au Sénat visant à s'opposer au remplacement des pensions à vie et notre demande de mettre en œuvre une procédure équitable concernant toute loi touchant les anciens combattants et de créer un ombudsman a entraîné la création de deux nouveaux groupes consultatifs. Le ministre, durant ce témoignage, a promis à contrecœur de revoir la loi tous les trois ou quatre mois, pendant que la création du Bureau de l'ombudsman des vétérans serait étroitement contrôlée par Anciens Combattants Canada.
La première modification législative a eu lieu six ans après la publication du rapport de votre comité; il était intitulé « À l'heure de la mise au point ». Quatorze ans plus tard, on fait toujours fi de recommandations clés qui amélioreraient grandement la vie des anciens combattants les plus invalides et leur famille; ces recommandations touchaient entre autres la perte de salaire qui devait être établie à 100 % de la solde militaire, que l'indemnité soit libre d'impôt et qu'elle soit rajustée non seulement en fonction de l'inflation, mais qu'elle reflète aussi les augmentations de salaire qui accompagneraient un avancement professionnel au sein des FAC. Ces dernières recommandations ont été renforcées par les deux groupes consultatifs ainsi que le Bureau de l'ombudsman en 2020.
Ce qui a été le plus démoralisant, et qui entache notre sacrifice, c'est de voir le gouvernement tout simplement écarter du revers de la main ses propres recommandations qui auraient constitué une composante clé de la reconnaissance: une indemnisation équitable.
Encore une fois, j'aimerais remercier ACC d'avoir fourni des statistiques supplémentaires qui aideront à préciser la situation en comparant les blessures invalidantes subies dans de nombreuses zones de service spécial. Je promets au Comité de lui fournir bientôt un tableau à jour.
Le tableau que j'ai présenté au Comité dans le cadre de mon témoignage du 10 octobre montre que jusqu'à 32 % des anciens combattants qui ont servi dans sept ZSS ne peuvent pas occuper un emploi convenable et rémunérateur. Jusqu'à 49 % d'entre eux ont des blessures psychologiques découlant de leur service, et jusqu'à 90 % ont une blessure invalidante à vie. Ce sont des victimes du service militaire, des victimes de la guerre, mais on ne commémore leur service qu'après-coup, voire pas du tout.
Pendant 70 ans, nous ne leur avons pas versé les prestations transitoires versées aux anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, qui étaient couverts par le principe d'assurance, qu'ils aient servi outre-mer ou ici, au Canada. Comment pouvons-nous indemniser des gens qui ont vécu et vivent encore aujourd'hui les conséquences tragiques et néfastes d'une transition médiocre? Comment pouvons-nous reconnaître la souffrance découlant de troubles familiaux, des dépendances, de l'isolement social, des pertes d'emploi possibles et du suicide? Comment pouvons-nous améliorer, grâce à une indemnité, la réalité crève-cœur que ressentent encore presque la moitié de nos anciens combattants des FAC qui sont en transition, soit qu'ils n'appartiennent pas aux collectivités ou même au pays pour lequel ils se sont sacrifiés?
J'ai communiqué au Comité une proposition pour aider à répondre à ces questions difficiles.
La politique d'ACC soumet depuis longtemps les personnes les plus invalides à une discrimination; ce qui est ironique, quand on pense que les personnes les plus invalides n'ont souvent pas accès au ministère qui consacre l'essentiel de ses ressources à prendre soin des personnes invalides.
Les avocats du gouvernement ont récemment déclaré que « les anciens combattants ont la responsabilité de rester informés » et que « l'on encourage les vétérans à être proactifs au moment d'accéder aux prestations et aux services qui leur sont offerts ».
N'est‑ce pas insensible de s'attendre à ce qu'un ancien combattant qui est aux prises avec un TSPT et des idées suicidaires, dont le mariage est en train d'éclater ou qui ressent de la honte et de la douleur en raison d'un handicap physique grave reste informé?
Il y a trois jours, j'ai découvert, les larmes aux yeux, que la Loi sur les pensions avait été amendée en 1971 afin que les gens blessés dans une ZSS puissent toucher une pension d'invalidité tout en étant toujours en service. J'ai communiqué avec la lieutenante Richard, mais elle était tout aussi consternée. Comment pouvons-nous compenser les années de pensions d'invalidité perdues?
La reconnaissance au moyen de prestations ne concerne pas seulement ce que le gouvernement appelle « les produits livrables »; c'est aussi une question de reconnaître nos restrictions au moment d'accéder aux prestations... franchement, il faut trouver des mesures d'adaptation en ce qui concerne les restrictions. Il faut au moins légiférer et prévoir une obligation d'informer comme il se doit les anciens combattants et en tenant compte de leur invalidité.
Je remercie le Comité, et l'excellent personnel qui y travaille de son hospitalité quand il a accueilli les gens de l'école de mon fils. Mon épouse, Carolina, et mon fils, Wilfred, sont les raisons pour lesquelles je suis encore en vie aujourd'hui.
Or, après 25 ans à réclamer l'identification indépendante des membres de la famille, ma famille ne peut toujours pas accéder directement aux prestations d'Anciens Combattants. Ce qui est le plus troublant, c'est que la Loi sur le bien-être des vétérans ne tient pas compte de ce qui est clairement indiqué dans la Loi sur les pensions, soit une obligation envers mon fils.
La profession de militaire est axée sur la bienveillance. Nous avons notre mission très à cœur. Nous prenons soin de nos frères d'armes, de notre unité et de l'armée. Nous prenons grandement soin de notre nation et de ses institutions, mais on nous décourage de prendre soin de nous. Tout le gouvernement doit avoir à cœur de nous offrir ce dont beaucoup d'entre nous ne peuvent pas nous battre: la reconnaissance et l'indemnisation. Ce sont des choses que l'on ne peut pas dissocier d'une nation qui souligne vraiment nos sacrifices.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci au Comité de m'avoir invitée.
Merci, monsieur Bruyea, de cette incroyable déclaration liminaire.
Je m'appelle Louise Richard. Je suis une officière médicale à la retraite et une lieutenante de vaisseau qui était infirmière autorisée. J'ai servi au cours de la première guerre du Golfe, la guerre du golfe Persique en 1991.
Comme l'a dit M. Bruyea, je suis une militante depuis bien plus longtemps que je ne l'aurais pensé, et le dernier endroit où j'aurais pensé être aujourd'hui, c'est ici. Ça m'a ébranlée plus que vous ne pourriez le comprendre.
Aujourd'hui, même avec toute la défense des droits que j'ai faite au fil des ans, mes maladies, mon épuisement face à notre pays... le Comité de la défense nationale et des anciens combattants, et tous les ordres de gouvernement avec lesquels nous devons traiter m'ont épuisée, et quand je parle de moi, je veux dire nous.
Je porte du rouge aujourd'hui, mais pas pour afficher une quelconque affiliation politique ou en l'honneur d'un parti politique canadien. Je porte la couleur du sang que nos Canadiens et nos Canadiennes ont versé au nom de chaque Canadien... Pas juste du sang: ils ont perdu des membres, se sont fait blesser, ont été exposés, ont été victimes de blessures invisibles et de traumatismes; cela va au‑delà de ce que je peux dire aujourd'hui.
Je n'ai même pas pu écrire la déclaration liminaire que j'allais faire aujourd'hui parce que j'ai eu la COVID deux fois. La dernière fois, j'ai eu un test positif pendant plus de deux mois et demi, et j'ai dû composer avec la COVID longue en plus de tout ce que je vivais, qui était déjà très difficile. Donc juste le fait d'être ici aujourd'hui a exigé d'énormes efforts, et je dois remercier M. Bruyea pour cela.
Vous êtes incroyable. Merci.
Lorsque j'ai été déployée au cours de la guerre du golfe Persique, j'avais 29 ans. J'en ai 63 maintenant. J'étais une jeune officière et une triathlète passionnée. Je venais de terminer mes études de deuxième cycle en santé mentale. Je venais d'être affectée ici à Ottawa à l'hôpital du Centre médical de la Défense nationale qui était là à l'époque, et j'étais l'une des rares infirmières qui ont été choisies. J'étais très fière de cela, mais cette fierté s'est rapidement dissipée, au point où je n'en suis plus fière du tout. Je suis fière de ce que j'ai accompli et de chaque personne qui est assez brave et assez courageuse pour s'enrôler dans l'armée et porter l'uniforme. Dans mon cas, cette fierté a disparu.
Je n'ai jamais choisi de défendre quelque cause que ce soit. J'ai fini par le faire parce que je suis tombée malade très rapidement et, en travaillant au Centre médical de la Défense nationale, j'ai directement été témoin des répercussions de la guerre, j'ai vu des victimes entrer à l'hôpital et j'ai été témoin de l'horrible comportement des gens à leur égard.
Je pense que je vais m'arrêter là. Devrais‑je continuer un peu... je ne sais pas de combien de temps je dispose pour faire ma déclaration liminaire.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leurs observations. Je sais qu'au début de chaque séance nous disons toujours: « Merci de votre service. » Je tiens à vous dire que je dis cela en toute sincérité.
Lieutenante Richard, après avoir entendu votre témoignage d'aujourd'hui sur les difficultés que vous avez vécues, je tiens à vous dire que vous avez repris l'avantage sur ceux qui se sont moqués de vous, car vous menez un combat tout autre. Vous vous battez également pour ceux qui ont aussi fait l'objet de moqueries et qui se sont fait ridiculiser et qui, peut-être, ont été rejetés, et vous faites des avancées phénoménales. Votre présence ici est importante pour beaucoup de personnes, et donc je vous en suis reconnaissant. Je vous remercie du plus profond de mon cœur.
Pour continuer — et je m'en excuse, je vais poser quelques questions ici — siéger au Comité n'est pas toujours facile, car nous entendons parler du décalage entre la façon dont nos forces armées — dont j'ai fait partie — perçoivent une mission: la défense de la liberté du Canada, le fait que leur service a un but et une raison d'être... Je crois en cela. Tout le monde, ici présent, peu importe le parti, y croit. Le décalage survient dans notre manière de traiter des vétérans.
On dirait que tout le monde se rassemble pour discuter, et se met d'accord, mais il y a un décalage entre ce que pensent le gouvernement et les politiciens et la façon dont les anciens combattants reçoivent les services. Il y a quelque chose entre les deux qui semble se perdre — et ce ne peut pas être une question de mauvaise traduction. Le fait que vous militez depuis de si nombreuses années témoigne d'un problème, réel et fondamental, au sein de l'organisation, et je crois qu'il a surgi au tout début.
Monsieur Bruyea, je me souviens du moment où j'ai quitté les forces. Il y avait un séminaire d'une demi-journée, où on nous a donné des sandwiches et du café, et où on nous a dit « Si vous avez besoin d'aide, voilà une carte de visite » et c'était tout. Personne ne connaissait ses droits ou ce qui pouvait lui arriver. Selon votre expérience, est‑ce que vous avez également vécu cela et, si oui, comment pouvons-nous améliorer les choses, pour que les vétérans puissent accéder aux services lorsqu'ils quittent l'armée?
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C'est une question extrêmement importante. Je vais parler de mon expérience, et puis, avec un peu de chance, je pourrai formuler des recommandations concernant la façon d'améliorer cela.
En plus du changement fondamental apporté en 1971, nous, les officiers, en particulier les officiers jeunes et ambitieux, essayions de garder en tête les CANFORGEN. C'étaient des messages qui étaient diffusés périodiquement, qui nous informaient des nouvelles qui auraient une incidence sur nous.
Ce que je peux vous dire, c'est que je ne me souviens pas que, lors du changement apporté en 1971, je pouvais présenter une demande de prestations à mon retour de la guerre du Golfe, et en tirer profit pour que mon sacrifice soit tout de suite reconnu, mais je ne crois pas qu'ils ont déjà parlé d'Anciens Combattants Canada. Cela a été l'expérience des anciens combattants, pendant 60 ans. C'est parce que, à la suite de la Deuxième Guerre mondiale, les anciens combattants, pour quelque raison que ce soit, estimaient que toutes les mesures prises après leur retour n'arrivaient pas au niveau de leur sacrifice, même si les personnes basées au Canada étaient admissibles à des avantages très semblables à ceux des personnes qui avaient été déployées à l'étranger.
Je peux vous dire que, selon mon expérience, lorsque je suis revenu... Je vous ai dit, à la dernière réunion du Comité, qu'on m'avait référé à un psychologue lorsque je suis revenu de la guerre, car j'avais reçu un diagnostic de stress de combat. En salle d'opération, avant mon retour, le médecin qui me traitait m'a dit: je vais devoir appeler votre patron au Canada. Il était stationné à Bahreïn, à ce moment‑là. Ce qui a plus ou moins été dit c'est: votre jeune officier du renseignement souffre de stress de combat, et cela pourrait compromettre son habilitation de sécurité. D'accord? C'est ce qu'a dit très clairement le médecin.
Je souffrais déjà de stress de combat. C'est une dépression nerveuse sévère. Avec une aide appropriée, cette affection ne devient pas chronique, mais puisque je savais qu'il n'était pas sécuritaire pour moi de parler de mes souffrances aux autres, j'ai commencé à me refermer sur moi-même et j'ai dû garder cela secret. Cela a suscité toutes sortes de comportements malsains. Je ne suis pas devenu alcoolique, mais je peux vous dire que la fin de semaine, j'ai fait la fête, et j'ai conduit très dangereusement, en état d'ébriété, sur Colonel By, pour me rendre à la maison. Je peux vous dire qu'aucune de mes relations ne durait plus d'un mois environ. Je peux vous dire que j'étais très seul et que ma famille ne me comprenait pas. Leur manque de compréhension m'offusquait, et donc, je me suis davantage isolé. C'était un état sévère. Si j'avais reçu des traitements et si on m'avait fait sentir que j'étais compris... c'est devenu chronique.
Pour ce qui est de la disponibilité des prestations, lorsque j'ai été libéré, cinq ans après la guerre du Golfe, personne ne m'a parlé d'Anciens Combattants. On ne m'a même pas dit que j'avais droit au RARM. C'est pourquoi le RARM m'a, après-coup, accordé les prestations cinq ans plus tard, de façon rétroactive, et non pas dans le délai prévu de 120 jours.
Entretemps, quel a été le coût? Merci pour l'argent...Quelle a été l'ampleur de ma souffrance, pendant ce temps?
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Merci, monsieur le président.
J'ai bien aimé entendre mon collègue, M. Tolmie, vous remercier de votre service avec autant de compassion. J'espère que, lorsque nous remercions les anciens combattants au début de chaque séance, cela ne devient pas quelque chose de machinal. Nous sommes très reconnaissants de vous accueillir ici, en particulier vous, lieutenante Richard, compte tenu de vos problèmes de santé. Votre présence témoigne de votre force. Vos paroles sont extrêmement importantes, et nous sommes très reconnaissants de vous compter parmi nous.
Avant de continuer, je souhaite revenir sur la conversation en lien avec votre déclaration préliminaire, au sujet des services qui sont disponibles et de l'accès aux prestations auxquelles vous avez droit.
Vous avez parlé de votre expérience, mais je me demandais si vous aviez des idées sur ce qui serait l'idéal. À quoi cela ressemblerait‑il, idéalement? Comment pouvons-nous fournir au mieux les services et communiquer aux anciens combattants quels services sont disponibles?
Vous pouvez répondre, tous les deux.
Allez‑y, monsieur Bruyea, puis ce sera au tour de la lieutenante Richard.
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Je tiens à rappeler ce qu'a déclaré le premier ministre d'Anciens Combattants, Ian Mackenzie, qui a dit très clairement pendant la Deuxième Guerre mondiale que nous devrions aider ces gens à faire la transition, que si nous avions assez d'argent pour mener une guerre, nous devions être foutrement certains d'avoir assez d'argent pour les aider en temps de paix. L'élément central semble être le manque d'argent.
Les travailleurs d'Anciens Combattants, si vous les rencontrez individuellement, sont fantastiques, n'est‑ce pas? La majorité de ceux que j'ai rencontrés ont été très coopératifs. Ils sont submergés par les exigences du Conseil du Trésor en matière de formulaires. Les sous-ministres adjoints croulent sous les exigences du Conseil du Trésor. C'est essentiellement une question d'argent. Ils n'ont pas l'argent nécessaire pour effectuer les travaux et ils se font reprocher leur échec, alors que c'est le Parlement qui est responsable.
Le Parlement doit autoriser les crédits, pour permettre aux gens d'éduquer la population. Je peux vous dire que, pendant la Deuxième Guerre mondiale, les travailleurs ont fait des heures supplémentaires et ont travaillé les fins de semaine. Ils se sont déplacés pour aider les gens avec leurs nouvelles fermes. Ils ont retroussé leurs manches et ont aidé à construire les nouvelles maisons provenant des prestations transitoires, qui auraient dû être accordées, après la Deuxième Guerre mondiale, à nos anciens combattants du service actif. Ils ont fait des pieds et des mains pour éduquer les familles au sujet de ce qu'il allait arriver. Ils ont fait tout leur possible pour sensibiliser le public aux sacrifices des combattants.
Je vous ai donné le tableau des statistiques, car c'est extrêmement important. C'est ce qui doit être transmis à la population.
Quel est le coût de la guerre? Faisons participer les gens au débat.
Comme vous le savez, en ayant consulté le rapport, en 1950, nous avons tous été considérés comme en service actif, et nous sommes en état de service actif depuis ce temps, mais on nous a refusé les avantages reliés au service actif pendant la transition. À ce moment‑là, nous aurions dû rendre cela très clair et faire participer le public dans un débat pour chaque mission où des personnes sont déployées. Nous aurions dû nous assurer qu'il y avait assez d'argent, pas seulement pour les chars de combat Leopard et les missiles antiaériens tirés à l'épaule, mais aussi pour que les travailleurs nous guident, nous aident et nous informent des prestations auxquelles nous avions droit, pendant que nous étions encore en vie.
Vous avez également travaillé à changer la culture militaire. Certains de vos membres ont siégé au Comité. À quel point pensez-vous que nous sommes une organisation qui stigmatise toute personne qui n'est pas un homme blanc? À quel point pensez-vous que l'organisation va accepter quelqu'un qui a des difficultés et qui ne peut pas accomplir le travail? C'est de la discrimination pure.
Il y avait une personne avec une cheville endolorie qui a été immédiatement ostracisée. Admettre que vous êtes faible et que vous avez besoin des prestations d'Anciens Combattants... l'armée n'offre pas un environnement sécuritaire pour apprendre là‑dessus. Nous devons créer un environnement sécuritaire où les gens peuvent apprendre l'information et être encouragés à demander les avantages et prestations.
:
C'est une bonne question.
[Traduction]
J'envoie des documents de manière compulsive. J'en suis désolé.
J'espère qu'ils sont utiles. Je l'espère vraiment. Je crois qu'ils sont très importants. Je suis très reconnaissant que vous fassiez cette étude, parce que, comme vous en avez pris conscience, cela a ouvert la porte à un enjeu qui n'a pas été examiné pendant beaucoup trop longtemps et que nous devons examiner. Il est question de la transition de 600 000 vétérans au cours des 75 à 80 dernières années.
Ces vétérans, tout d'abord, auraient dû être couverts 24 heures sur 24, lorsqu'ils étaient au Canada, en vertu du principe d'assurance. Nous l'avons fait pour les vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui résidaient au Canada lorsqu'ils étaient en service actif, et nous aurions dû le faire, parce que ce que nous faisons dans l'armée chaque jour, c'est s'entraîner pour le service spécial.
Le fait est que la date arbitraire du 11 septembre 2001 servait à dire des choses comme: « Lorsque vous suivez un entraînement, nous allons vous couvrir 24 heures sur 24... » Nous sommes toujours en train de suivre un entraînement. Pourquoi cela n'a‑t‑il pas été appliqué de manière rétroactive à partir de 1950? C'est inexcusable, à mon avis.
Tout d'abord, ce qui aiderait à régler le problème, ce serait d'appliquer le principe d'assurance à tout le monde, mais le renversement du fardeau de la preuve est très important. Il reviendrait à Anciens Combattants de prouver que ce que nous affirmons n'est pas vrai. Le ministère devra fournir des preuves. Il devra faire le travail, et je n'aurais pas à produire autant de documents.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier les deux d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de la réalité que vous vivez.
Je dois dire que, tous les deux, vous avez toute une pile de documents devant vous. Je constate que vous avez travaillé fort, mais j'ai également l'impression que vous êtes remplis d'une grande tristesse parce que, durant votre service, on ne vous a pas prévenus que, lorsque vous auriez terminé votre service, vous auriez à travailler très fort seulement pour le prouver. Cela me fait penser à bon nombre de vétérans avec lesquels mon bureau a travaillé et qui n'avaient pas ces compétences et, lorsqu'ils n'ont pas ces compétences, à quel point ils sont complètement réduits au silence, à quel point ils sont frustrés et à quel point c'est douloureux.
Plus je siège au Comité — et je siège au Comité depuis de nombreuses années —, plus je constate que le côté humain du système est défaillant. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de bonnes personnes qui travaillent à Anciens Combattants — je crois que vous en avez parlé tous les deux —, mais le système est véritablement défaillant et dépourvu d'humanité. Voilà mon entrée en matière.
Monsieur Bruyea, nous avons beaucoup discuté ensemble, et je veux vous remercier d'avoir soulevé la question du devoir d'informer. Plus tôt ce mois‑ci, j'ai présenté une motion à la Chambre des communes pour que nous puissions vraiment commencer à insister sur la question et demander à la Chambre de reconnaître que le gouvernement devrait avoir l'obligation de véritablement informer les membres actifs des Forces armées canadiennes, ainsi que les membres libérés et leur famille, et de les aider à comprendre les divers services et prestations auxquels ils auraient peut-être droit, peu importe la gravité de leur invalidité ou de leur perte. Je crois que le manque de soutien fait partie du problème.
J'ai également parlé, tout comme le Comité, avec des fournisseurs de services qui ont l'impression qu'ils doivent informer le personnel d'Anciens Combattants au sujet des services qu'ils fournissent afin qu'il puisse offrir un bon aiguillage. Les gens trouvent le service, mais ne peuvent pas y accéder tant et aussi longtemps qu'ACC ne les aiguille pas vers ce service.
Je vais commencer par vous, monsieur Bruyea. Pouvez-vous nous dire un peu pourquoi le devoir d'informer est si important? Ce qui me serait utile, ce serait de connaître certaines des manières dont cela peut se faire. Vous avez parlé des personnes qui, à l'époque, se présentaient sur les lieux, accrochaient leur manteau et restaient pour offrir de l'aide. Je sais que nous vivons dans un monde différent maintenant. Je connais des vétérans qui mettent parfois deux mois avant d'ouvrir du courrier envoyé par Anciens Combattants, parce qu'ils ont des difficultés. Au moins, ils sont à la maison, et quelqu'un peut, espérons‑le, leur ouvrir ce courrier, mais nous devons trouver une façon de... Avec toute la méfiance qui s'est installée, malheureusement — peut-être pas de manière intentionnelle, mais il y a des répercussions —, lorsqu'il est question du devoir d'informer, à quoi cela pourrait‑il ressembler?
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Je veux que chaque membre du Comité sache que j'ai communiqué avec Mme Blaney. Je travaille seul. J'aimerais avoir l'énergie, le temps et la santé pour discuter avec chacun d'entre vous du devoir d'informer. Je vous prie tous d'écouter ce que Mme Blaney a à dire, parce qu'il s'agit d'une question qui n'est pas du tout partisane.
Avant que je ne donne ma réponse sur la façon de procéder, si nous prenons par exemple l'échelle d'obligation et que nous l'envisageons dans le cadre du service militaire, l'échelle irait de « J'aimerais vraiment que tu fasses cela; ce serait bien que tu fasses cela » à « Au fait, un règlement interdit cela » en passant par « C'est une accusation au civil » et par « C'est une accusation au criminel », et l'échelle irait jusque‑là. Le service militaire va bien au‑delà des accusations criminelles. Si nous faisons quelque chose de mal, notre crime est considéré comme étant beaucoup plus grave, et la peine imposée est beaucoup plus lourde qu'une peine imposée à un civil.
C'est notre obligation envers l'armée. Tout ce que nous devons faire — se mettre en danger, perdre notre vie — ne saurait être remis en question.
Quelle est l'obligation du gouvernement envers les vétérans? On n'atteint même pas le niveau: « Ce serait bien si vous pouviez m'aider avec ma demande de prestations. » Il n'y a aucune obligation mutuelle. Tout ce que je demande, c'est que le gouvernement ait l'obligation de commencer à démontrer qu'il reconnaît vraiment les sacrifices que nous faisons, les exigences du service, la souffrance, les niveaux de scolarité et l'état psychologique. Il a l'obligation de s'assurer de nous informer des prestations auxquelles nous avons droit.
Je suis certain que vous comprenez. Vous vous êtes tous demandé ce que le ministère voulait dire lorsqu'il essayait d'expliquer les prestations. C'est ahurissant. Vous êtes pour la plupart en santé, je présume, et vous travaillez à temps plein. Vous êtes très instruits et vous examinez des politiques tous les jours, et l'enjeu est complexe pour vous. Qu'en est‑il des vétérans qui pour la plupart ont terminé leur dixième année de scolarité et ont été libérés de l'armée dans les années 1990? Qu'en est‑il d'eux? Ils ne vont pas comprendre cette politique. Ils ne vont pas comprendre un bulletin qui provient d'Anciens Combattants et qui dit: « Vous avez peut-être droit à ces prestations, communiquez avec nous. » Puis nous passons un coup de fil au ministère, et on nous donne un numéro 1‑800, et nous ne sommes pas aiguillés vers un agent des services aux vétérans. C'est un employé général qui se trouve au bout de la ligne, et il nous lit un texte qui n'explique toujours rien en détail.
J'avais besoin d'aide pour remplir ces demandes, et j'ai tout de même été capable de faire ce que j'ai fait. Il y a des gens qui ne peuvent même pas prendre la plume. Ils ont besoin qu'une personne remplisse une demande à leur place.
Tout d'abord, il faudrait qu'Anciens Combattants instaure un climat de confiance et cesse ses beaux discours du genre « Nous nous soucions véritablement de vos sacrifices » et « Nous sommes bien intentionnés et nous travaillons tellement fort pour vous. » Ils sont débordés. Il faut les doter d'un personnel qui ira personnellement transmettre l'information, offrir de l'aide et défendre les intérêts. Comme l'a déjà dit l'ombudsman du MDN dans son rapport, chaque personne devrait avoir droit à un conseiller une fois qu'elle a été libérée.
Je dirais que, pour tous ces vétérans qui sont là, ces conseillers devraient être disponibles. Nous avons encore besoin d'être encadrés chaque jour — peut-être pas toutes les semaines, mais durant certaines périodes — et nous devons trouver des conseillers pour aider ces personnes. Il pourrait s'agir d'ergothérapeutes, ou de gestionnaires de cas, mais ils doivent être qualifiés, connaître les programmes et savoir comment traiter une personne handicapée. Nous devrions trouver un terrain d'entente avec ces personnes, et non avec Anciens Combattants, parce que ces agents de district font peur derrière la vitre pare-balles. Cela donne un service très impersonnel, donc trouvons un endroit où les gens se sentent en sécurité. Tout comme dans l'armée, les gens ne peuvent écouter que s'ils se sentent en sécurité.
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Merci. C'est un sujet très pertinent.
On dit au sein des vétérans que si vous n'avez pas de TSPT pendant votre service, le ministère des Anciens combattants en causera un, parce que c'est très traumatisant. C'est très intimidant.
Les soldats sont fiers. Nous respectons les ordres. Nous respectons la mission. Nous ne nous plaignons pas. Nous allons simplement de l'avant, alors lorsque c'est nous qui demandons de l'aide, c'est difficile pour nous.
Une chose que j'ai constatée en traitant personnellement avec le ministère des Anciens combattants, c'est que, premièrement, il n'y a pas de continuité. Il n'y a pas de continuité au téléphone, dans un bureau de district ou un bureau. Vous ne parlez jamais à la même personne. Vous devez répéter chaque fois votre histoire. Vous espérez que la personne à qui vous avez parlé avant celle‑ci a pris des notes et les a bien prises.
Je suis d'accord avec M. Bruyea, à savoir que nous ne recevons pas assez de soutien local. C'était triste lorsque les conservateurs ont fermé tous ces bureaux. Nous sommes reconnaissants de leur réouverture, mais ce n'est pas suffisant.
Je sais que M. Sean Casey est offensé par rapport à Charlottetown, et je comprends que c'est votre domaine, mais il y a des enjeux majeurs pour ce qui est de Charlottetown.
J'ai eu le privilège de servir au SNAG, le Groupe consultatif ad hoc sur les besoins spéciaux créé en 2005, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Charte des anciens combattants le 1er avril 2006, le jour même du poisson d'avril. Nous avons eu l'immense privilège de passer du temps à Charlottetown et avons visité l'Administration centrale à Charlottetown. J'ai été consternée par ce que j'ai vu. L'attitude des gens là‑bas, tout d'abord, était... Ils ne voient jamais de vétérans, ils ne parlent jamais aux vétérans et ils ne comprennent pas les besoins. Ce ne sont que des documents, des dossiers, des politiques, des lois, d'autres lois, des changements et des amendements.
Dans certaines zones de l'Administration centrale, on a l'impression de marcher dans une épicerie. Ce sont des rangées et des rangées de dossiers. Ce n'est pas structuré de manière à dire: « Ce monsieur vient de perdre une jambe. Son état est critique, et il avait besoin de soins et d'aide dès hier. » Il n'y a pas de système où l'on privilégie les soins et les besoins. S'il postule un emploi et que son dossier est arrivé hier, il pourrait attendre huit mois avant qu'on soit rendu à son dossier. Une situation plus mineure — une blessure à la jambe, un problème de genou ou quelque chose — qui est directe, claire et nette sera traitée rapidement. Il semble que les dossiers les plus complexes entraînent des retards plus longs.
L'autre chose que j'ai remarquée à Charlottetown, c'est que les gens n'avaient pas de sentiment d'urgence. C'était simplement un dossier. Je me suis fâchée contre certains d'entre eux. J'ai dit: « Vous rendez-vous compte que ce sont des gens? »
Ces gens ont des familles et des enfants. Ils souffrent et ont besoin de soins. Ils ont besoin d'aide. Ils ont besoin d'argent. Ils ont besoin d'avantages. Ils ont besoin de soins, mais de la manière dont le système est organisé, vous ne recevez pas de soins avant qu'ils aient décidé que, oui, vous avez ce handicap, alors ils vous donneront quelque chose. Vous aurez ensuite droit aux soins.
C'est correct, mais ils sont très détachés de la réalité du monde d'un ancien combattant et des besoins. Il s'agit davantage de politiques et de procédures que de n'importe quoi d'autre.
L'autre chose qui m'a choquée était... Ma mère m'a accompagnée à Charlottetown lors de ce voyage. Elle est restée à l'hôtel un après-midi et prenait un cocktail dans le bain-tourbillon. Formidable. Trois messieurs sont entrés dans le bain-tourbillon et se sont joints à elle. Elle a commencé à parler avec eux et leur a demandé s'ils étaient là pour un voyage ou pour le plaisir. Ils ont répondu qu'ils travaillaient pour le ministère des Anciens combattants.
Ils étaient assis dans le bain-tourbillon à boire un cocktail pendant que nous étions à l'Administration centrale pour examiner tous ces dossiers en attente, ces besoins en attente et ces décisions en attente. Il y a des vies en jeu ici où les gens sont déprimés ou suicidaires. Ils ont perdu leur identité, leur carrière et leur revenu. Nombre d'entre eux ne savent pas ce qui se passe. Ils ne possèdent pas les connaissances médicales. Ils sont pris dans un cauchemar de guerre sur papier qu'ils ne comprennent pas. Il y a très peu de gens pour les guider.
Encore une fois, il faut du courage pour même aller demander de l'aide. Où aller? Vers qui se tourner?
Ce que j'ai constaté, non seulement en 2005 avec le Groupe consultatif ad hoc sur les besoins spéciaux, mais avec la nouvelle Charte des anciens combattants — ou ce qu'on appelle maintenant la Loi sur le bien-être des vétérans — une décision a été prise peu après: un bureau de l'ombudsman serait créé.
Merci, monsieur Bruyea, d'avoir lancé cette initiative. C'est grâce à lui que les choses ont pris leur élan et se sont concrétisées.
J'ai eu le privilège d'être choisie pour siéger avec Pat Stogran au sein du comité de l'ombudsman. Nous sommes retournés à Charlottetown cette fois‑là. Je n'ai vu aucun changement.
Maintenant, depuis la COVID, ce pour quoi on m'aborde et ce pour quoi les anciens combattants communiquent avec moi est que, malheureusement, avec la COVID, beaucoup de gens travaillent de la maison. Qu'arrive‑t‑il avec tous ces dossiers? Qu'arrive‑t‑il dans ce cas‑là?
J'ai moi-même des problèmes quand je vais sur Internet avec Mon dossier ACC. C'est difficile pour moi.
Il y a aussi le facteur de confiance. C'était l'autre chose à Charlottetown: où est la confidentialité?
Nous sommes forcés de trouver des médecins parce que le ministère des Anciens combattants n'a pas d'hôpital pour les anciens combattants. Nous n'avons nulle part où aller et nous dépendons donc des médecins civils qui, Dieu nous en protège, sont disposés à nous accepter. Dès qu'ils entendent dire que vous êtes un client du ministère des Anciens combattants, ils ne veulent pas traiter avec vous. Il y a les évaluations, la paperasserie, les refus, les appels et, misère, le Tribunal des anciens combattants, révision et appel. C'est infini.
Chaque fois que vous passez à travers ces niveaux de cauchemars administratifs, vous avez besoin de nouveaux documents pour justifier leur refus. Qui va payer?
Parce que le vétéran choisit de porter la décision en appel, il lui revient maintenant de trouver un nouveau médecin et de nouveaux documents qu'il doit payer. Les médecins ne rédigent pas les rapports gratuitement. Certains rapports de spécialistes peuvent coûter jusqu'à 5 000 $. J'ai dû emprunter de l'argent pour ma propre bataille avec le ministère des Anciens combattants.
Nous prions ici pour obtenir de l'aide lorsque les politiques, les procédures et les lois priment sur tous les besoins des vétérans. Les vétérans sont laissés à eux-mêmes dans cette bataille. Je m'excuse, mais pour moi, Charlottetown ne peut plus être là. L'Administration centrale du ministère des Anciens combattants ne peut plus se cacher la tête dans le sable et s'en tirer trop facilement, sans être responsable et sans sentiment d'urgence. Cela doit cesser. Près de la moitié des employés du ministère des Anciens combattants de notre pays se trouvent à Charlottetown.
Nous avons besoin d'endroits répartis dans notre pays où nous pouvons nous rendre physiquement, parler à quelqu'un, établir un lien, une confiance, avoir un sentiment de continuité, un sentiment de compréhension. Il ne suffit pas d'appeler le 1‑866‑522‑2122 et de parler à qui que ce soit une fois de plus, de répéter votre histoire encore, d'espérer d'être entendu encore. Comment interprètent-ils toutes ces lois et toutes ces politiques? Ils ne les comprennent pas eux-mêmes.
Lorsque je faisais partie du Groupe consultatif ad hoc sur les besoins spéciaux, on nous a lancé dans ces grands ateliers, avec le personnel du ministère des Anciens combattants, avec des piles de cartables, où on nous disait voici les politiques et comment elles doivent être appliquées. Eh bien, s'il lui manque un doigt, c'est là. S'il lui en manque trois, eh bien, c'est là. Nous devons arrêter de considérer les besoins d'un vétéran comme une part de tarte. Nous sommes un esprit, un corps et une âme. Nous sommes un.
Pour le jeune homme qui a perdu sa jambe dans une explosion, allons-nous simplement le considérer comme une personne à qui il manque un membre? Ne pensez-vous pas qu'il est traumatisé par cela? Qu'en est‑il de ses collègues qui ont été témoins de cette horreur? Qu'en est‑il du soldat qui décharge son arme toute la journée? Qu'en est‑il des traumatismes cérébraux qui se produisent?
Nous étions présents sur le champ de bataille le plus toxique de l'histoire moderne, la guerre du Golfe. Nombre de ces combattants sont maintenant décédés. Ils sont morts de cancers, tumeurs et lésions étranges, et le ministère des Anciens combattants n'a pas de secteur de recherche actif. En fonction de quoi le ministère des Anciens combattants me juge‑t‑il pour refuser de me reconnaître un état que les États-Unis reconnaissent assurément? Tellement de choses doivent changer ici, et la première est Charlottetown.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Bruyea et lieutenante Richard, merci beaucoup de vos témoignages aujourd'hui.
Je suis députée depuis 2015 et j'ai eu l'occasion de servir aux côtés de , que je sais que vous connaissez, en tant que sous-ministre du cabinet fantôme à l'époque. Cela fait près de 10 ans que j'ai siégé au Comité. Je pense que je suis encore plus une matrone du Comité que Mme Blaney. Oui.
Je dois dire que tout ce que j'entends aujourd'hui, toutes les préoccupations liées au fait que vous ne saviez pas ce qui était à votre disposition, le traumatisme du sanctuaire — que, si vous ne le subissez pas sur le terrain, le théâtre, vous le subissez lorsque vous revenez à la maison — les difficultés pour les familles... j'ai entendu parler depuis les 10 dernières années de chaque enjeu que vous avez mentionné aujourd'hui. Une bonne partie tient au travail que vous avez fait, mais je peux aussi dire que le Comité a publié un rapport après l'autre assorti de recommandations qui viennent de gens comme vous, or rien ne semble avoir changé.
Bien sûr, les rapports qui sortent d'ici s'en vont au gouvernement. Le gouvernement donne ses commentaires, puis nous attendons.
Lorsque j'étais membre du Comité la première fois, il a fallu attendre jusqu'en 2017 pour tout recevoir et que le gouvernement travaille à nouveau. Cependant, un rapport sur la transition avait été réalisé en 2014, avant que le gouvernement de Stephen Harper ne soit vaincu, que tout le monde avait accepté.
La première chose que nous avons décidé d'étudier ici était la transition. Comme j'étais nouvelle, à l'époque, j'avais dit: « Mais cela vient d'être fait et il y a eu des recommandations, alors pourquoi ne regardons-nous pas si nous pouvons les mettre en œuvre, où nous en sommes rendus, et ce genre de choses? » La réponse a été: « Non, nous devons l'étudier à nouveau. » Donc, de toute évidence, la machine est brisée.
J'aimerais juste mentionner une chose de plus, puis je vous céderai la parole. Je ne veux pas prendre tout mon temps; je me fâche lorsque les gens font cela.
Je veux mentionner que, en octobre 2017, a présenté le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le ministère des Anciens Combattants, car il souhaitait enchâsser les principes de respect, de dignité et d'équité dans un pacte des forces armées. À l'époque, il a dit que nous avions un devoir de diligence envers nos vétérans. Chaque vétéran et sa famille doit avoir un accès en temps opportun aux soins et aux avantages dont ils ont besoin et qu'ils méritent. La Chambre a de nouveau été saisie de cette question, et le gouvernement libéral s'y est opposé en deuxième lecture.
Ma question est la suivante: pouvez-vous m'expliquer cela davantage? Il s'agit pour moi du cœur de la question.
De plus, concernant le rôle de l'ombudsman, que vous avez contribué à créer, est‑il assez indépendant, de votre point de vue? C'est aussi une question à laquelle j'aimerais une réponse.
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Je ne veux pas faire preuve de partisanerie ici, mais alors que la lieutenante Richard et moi répondions aux questions concernant le déménagement du ministère des Anciens Combattants de Charlottetown, le député Sean Casey nous a lancé un regard très réprobateur, et je pense qu'on doit le dénoncer, parce que ce type de regard n'est que le début de la stigmatisation qui nous a empêchés d'obtenir des soins. C'est le genre de regard qui dit: « Vous n'avez pas le droit de marcher sur mes plates-bandes. » « Il n'existe pas de syndrome de la guerre du Golfe », comme dirait le colonel Ken Scott, mais il a mis sur pied une clinique qui renvoyait des patients, à laquelle on m'a référée et où on m'a dit: « Nous ne croyons pas au syndrome de la guerre du Golfe, mais nous avons mis sur pied une clinique pour le syndrome de la guerre du Golfe. Puis, lorsque vous arriverez là, on vous dira qu'il n'y a pas de syndrome de la guerre du Golfe. » Pourquoi pensez-vous que je ne suis pas allé à la clinique? C'était tellement absurde. Je veux dire que je respecte Sean Casey et que j'ai travaillé avec lui dans le passé, mais ses incitatifs sont aussi pervers.
Ce que nous devons vraiment faire, d'un point de vue non partisan, c'est examiner les priorités. La priorité est que… tout le monde, tous les Canadiens à qui nous demandons de revêtir cet uniforme exercent leur droit et leur choix de se joindre à l'armée, mais une fois que vous en faites partie, les pouvoirs de l'influence sont si forts que nous sommes prêts à faire des choses que les personnes saines d'esprit ne font pas: c'est la définition d'endoctrinement. Oui, l'affront immédiat subi à cause de notre suggestion de déménager Charlottetown…il y a des compromis à faire. Vous êtes tous des politiciens ici: il existe un compromis. Déménagez l'Administration centrale du ministère des Anciens Combattants à l'extérieur de Charlottetown, faites sortir les décideurs, et remplacez-les par des employés équivalents de centres d'appels dont les grandes villes ou les centres n'ont pas besoin.
Nous savons également que, à Charlottetown, il y a de la concurrence pour du personnel médical qualifié, qui est débauché par les agences provinciales, et tout le monde vous dira — c'est le secret le moins bien gardé au monde — que le ministère des Anciens Combattants a du mal à recruter du personnel à cause du maraudage qui se fait entre les secteurs. Déplacer le ministère des Anciens Combattants à l'extérieur de Charlottetown serait une solution — là où se trouvent les décideurs — en le remplaçant par un autre programme fédéral qui permet le même emploi dans la même région, puis Sean Casey ne nous lancerait plus ce regard.
Pour répondre à votre question concernant le fait de savoir où se trouve le grand problème, il est là: c'est la politique. C'est l'argent. Tous les sacrifices que l'on fait — ils sont assis à la table, et vous avez dû les écouter pendant des années — visent à préserver ce système. C'est maintenant au tour du gouvernement et des Canadiens de se sacrifier au nom des anciens combattants. Nous avons respecté notre part du marché. Il faut faire quelques sacrifices.
Dans l'armée — vous avez entendu cela souvent, encore une fois — lorsque nous nous y joignons et qu'on nous ordonne de faire quelque chose, nous ne pouvons pas refuser. Comment se peut‑il que la fonction publique puisse continuer de vous dire non? Je ne le comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi on ne met pas plus de vigueur. Je ne comprends pas pourquoi le Parlement n'appuierait pas à l'unanimité une obligation de diligence ou une obligation d'informer. Cela me dépasse, et je ne sais pas pourquoi, dans ces circonstances et vu ce manque de réciprocité, les gens voudraient se joindre à l'armée.
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J'ai dit ce que je voulais dire, et je voulais dire ce que j'ai dit. Je suis une ancienne combattante. J'en ai été témoin. Je leur ai parlé. J'ai rencontré à maintes reprises Verna Bruce et Suzanne Tining, des ministres et des sous-ministres. Cela fait longtemps que je suis là.
Il est très pratique que Charlottetown soit… Je ne dis pas qu'ils doivent venir à Ottawa. Ils pourraient être à Sudbury. Ils pourraient être ailleurs, mais pas cachés et terrés dans une petite île si éloignée que le vétéran est trop loin pour savoir qu'il est bien servi.
L'autre chose que je voulais mentionner avant la pause, monsieur, concernait le moment où j'y suis allée en 2006 et que le bureau de l'ombudsman a été créé sous Pat Strogran. Je suis restée un jour de plus à Charlottetown pour rencontrer notre département des sciences dirigé par M. Pedlar. J'ai été choquée, parce qu'il n'y a pas de département de sciences.
Non seulement il n'y a pas de département de sciences, mais lorsque nous regardons toutes ces recherches scientifiques magnifiques que l'on réalise dans le monde sur la maladie liée à la guerre du Golfe, la maladie présumée, la maladie du diagnostic, les cancers et les traitements, pas juste pour les vétérans de la guerre du Golfe, mais pour l'uranium appauvri, le Kosovo, la Somalie, l'Afghanistan, etc., nous ne parlons pas seulement des vétérans de la guerre du Golfe. Ce sont les vétérans du combat moderne dans leur ensemble, et j'ai été horrifiée de voir que nous sommes ici jugés, privés, ridiculisés, minimisés et retardés. Vous le savez, un traitement retardé est un traitement refusé, et tout ce qu'ils voulaient essentiellement que l'on fasse, c'était partir et disparaître.
Je dois dire que la seule chose qui fait l'objet d'une procédure accélérée dans le système, c'est, malheureusement, le cannabis. Vous pouvez en avoir autant que vous voulez, essentiellement, parce que cela n'a pas à passer par Charlottetown.
Parfois, quand je parle à certains vétérans… Est‑ce qu'on nous demande de nous taire et de nous terrer, défoncés dans un sous-sol ou simplement de traîner dans des sous-sols, bien cachés? Non, nous voulons une vie. Nous voulons au moins un peu de qualité de vie. Nous voulons faire partie d'une société. Nous voulons faire partie de notre famille. Nous voulons tout ce que vous avez. Nous nous sommes sacrifiés. Nous comprenons, mais pourquoi la véritable guerre se produit-elle, lorsque quelqu'un rentre à la maison, contre le gouvernement et le pays qui nous a envoyés là en premier lieu? Je ne le comprends pas.
Pour revenir à vous, monsieur, à Charlottetown, lorsque j'étais là cette journée de plus avec M. Pedlar et que j'ai vu que nous n'avons pas de département de recherche, l'autre chose que j'ai remarquée qui doit changer, c'est lorsque j'étais seule dans un pub local, à m'occuper de mes propres affaires. À la table à côté de moi, on discutait de différents cas. Où est la confidentialité? En tant qu'infirmière autorisée, je comprends l'importance de mes notes d'infirmière et l'aspect juridique de la documentation médicale, et lorsqu'on en parle dans un pub local, je suis désolée, monsieur, mais cela dépasse les bornes.
Je vais juste revenir à ceci: où est la responsabilité? Je ne manque pas de respect envers les gens qui travaillent là. Le problème est plus grand que les seules personnes qui y travaillent.
Merci.
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Merci, monsieur Desilets.
Ltv Richard dit qu'elle n'est pas au courant. Je pense qu'elle a répondu au premier problème, soit que les intervenants, à savoir les vétérans eux-mêmes, n'ont jamais été consultés à ce sujet. De plus, les groupes consultatifs n'ont jamais été consultés à ce sujet, et les employés de première ligne non plus. Voilà le premier problème.
Le deuxième, c'est que j'ai du mal à valider mon sacrifice et ma valeur pour notre pays lorsqu'une entreprise à but lucratif s'occupe de moi. Cela va vraiment au cœur de ce que signifie être vétéran et m'occuper de mon pays et que, lorsque je reviens, on me confie à une entreprise à but lucratif.
Je peux vous dire, d'après mon expérience personnelle, que j'ai insisté pour que l'on ne m'impose pas ce modèle au ministère des Anciens Combattants, ce qui a été fait jusqu'à présent, mais qu'en est‑il de ceux qui se le sont fait imposer? Je peux vous dire que les personnes qui se voient imposer ce modèle doivent se soumettre à des entrevues de huit heures à cause de ce modèle à but lucratif, et vous avez entendu parler des souffrances liées au traitement de la paperasse et des procédures qu'ils ne peuvent de toute évidence pas gérer. Des vétérans m'appellent en pleurs pour me dire qu'ils ont dû sortir le deuxième jour après 16 heures d'interrogatoire par un psychologue qui ne les connaissait pas et qu'ils n'avaient jamais rencontré. Il est inexcusable que de telles choses se produisent. Nous ne connaissons même pas le prix ou les détails du programme, puisque le contrat est confidentiel. En quoi s'agit‑il d'une valeur démocratique de transparence?
Je peux vous dire que les praticiens que je vois se sont fait harceler de manière agressive pour qu'ils vendent leurs cliniques à cette entreprise. Ils recevraient des sommes d'argent importantes en tant que propriétaires, mais on les a clairement informés que leurs employés subiraient une perte de salaire. Pourquoi ne me donne‑t‑on pas le praticien le plus compétent, qui est payé à sa juste valeur? Je ne le comprends pas.
Pour moi, c'est aux antipodes de mon service et c'est vraiment horrible que ce soit la manière dont le gouvernement a choisi de régler ce problème.
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Le casse-tête commence avec toutes les drogues expérimentales et les vaccins qu'on nous a ordonné de prendre à notre insu ou sans notre consentement. Les protocoles n'ont pas été respectés depuis le moment où nous sommes partis d'ici, au Canada, avec des inoculations de masse qui n'ont pas été documentées dans le carnet jaune — le carnet de vaccination — jusqu'à notre arrivée sur le champ de bataille, où on nous a ordonné de prendre des comprimés d'agents neurotoxiques, et d'autres pour l'anthrax, le botulisme, des anatoxines et la peste. Cela visait à contrer les agents neurotoxiques et la guerre biologique.
Puis il y a tout ce à quoi nous sommes exposés dans l'environnement, peu importe l'endroit où l'on se trouve, dans mon cas comme infirmière m'occupant d'uniformes contaminés des victimes, ou l'endroit où M. Bruyea se trouvait. C'était peut-être très loin de l'endroit où j'étais, mais les vents du désert soufflent et transportent beaucoup de choses, et vous n'avez pas nécessairement besoin de vous trouver immédiatement à proximité pour être exposé ou contaminé par des choses comme des véhicules, des munitions et de l'uranium appauvri.
Lorsque je parle honnêtement de mes quartiers... imaginez un grand bac à sable géant, et au lieu de jouets pour les enfants, il y a des chars et des soldats, puis il y a les Scuds et d'autres missiles, les chars, les avions, les bombes puis les incendies de puits de pétrole. Vous êtes exposé à tout cela. Vous n'avez pas le luxe de prendre un bain moussant à la fin de la journée. Vous passez des jours sans eau, sans vous doucher. Vous portez ces vêtements toxiques et contaminés sans espoir de vous nettoyer. Vous y survivez.
Le Canada — à mon grand étonnement — est l'un des seuls pays que j'ai vus empaqueter tout notre équipement et le rapporter à la maison avec nous. Les Américains laissaient toutes leurs choses là‑bas, et lorsqu'ils choisissaient de rapporter quelque chose, des équipes de décontamination s'occupaient de décontaminer le véhicule, la tente ou quoi que ce soit qu'ils jugeaient assez précieux pour rapporter à la maison avec eux. Mais le Canada…?
Lorsque le destinataire est ici, les pauvres gars qui travaillent dans la logistique ne sont jamais allés là‑bas, mais ils reçoivent toutes ces marchandises contaminées, et ils sont donc exposés de manière secondaire, et le casse-tête devient énorme.
Dans ce contexte, des maladies sont apparues. Certaines sont définies, et d'autres ne le sont pas autant. Certaines sont évidentes, et d'autres, non, et certaines sont immédiates. Certaines personnes sont tombées malades sur-le‑champ. D'autres ont eu des réactions retardées. C'est comme dire: comment se fait‑il que moi, je ne peux pas manger de crevettes parce que cela pourrait me tuer ou que je pourrais avoir une réaction allergique, mais vous, vous pouvez aller vous servir au buffet de fruits de mer, et tout va bien? Nous sommes tous différents. Tout le monde est différent, mais avec l'armée, c'est un modèle universel.
J'ai reçu un vaccin contre l'anthrax, auquel j'ai énormément réagi, et c'était si terrible que j'ai dû subir une intervention à l'épaule, car il a détruit tous mes tissus musculaires et tout ce qui se trouvait dans mon épaule. Pourquoi moi et pas M. Bruyea? L'affaire, c'est que ça ne faisait aucune différence que j'injecte une substance à une femme de 95 livres ou à un gars de 250 livres. C'est la même dose. Quelque chose va mal tourner. Pas besoin d'être un génie pour le comprendre.
On nous envoie partout dans le monde, et croyez-moi et croyez M. Bruyea, on nous envoie dans les pires trous infects du monde. Quelqu'un doit faire le sale boulot d'un pays, et c'est nous qui le faisons.
Tout ce que nous voulons en retour, c'est que lorsque nous rentrons chez nous — si nous avons besoin d'aide —, vous nous aidiez. Ne nous posez pas de question. Ne nous obligez pas à justifier nos besoins. Ne nous obligez pas à quémander pour obtenir des miettes, puis à fournir des justifications et à faire appel de tout cela. Avant même d'être envoyés quelque part, nous subissons un examen médical et dentaire complet, nous voyons un psychologue. Nous sommes examinés de la tête aux pieds. Vous ne pouvez pas avoir de carie. On vous examine partout pour s'assurer que vous ne deviendrez pas un problème pendant cette mission. Comment notre pays ose‑t‑il, lorsque nous rentrons chez nous et que nous sommes dans le besoin — en particulier, alors que vous nous avez envoyés essentiellement comme des rats de laboratoire, pour tout expérimenter — dire que tout n'est peut-être pas noir ou blanc… Il se peut que des choses n'aient pas été diagnostiquées, et puis, oui, finalement... Remercions le ciel pour les Américains, les Britanniques et les Australiens, qui ont des maladies médicalement inexpliquées, des maladies présumées, parce qu'elles ont touché chaque partie du corps. Cela dépend de la toxicité. Cela pourrait être dû à l'injection, au bromure de pyridostigmine, à la pilule norvégienne. Cela pourrait être dû à l'uranium appauvri. Cela pourrait être dû aux fosses de brûlage. Peu importe la mission à laquelle vous participez, les fosses à brûlage sont partout.
Nous disons un homme, une trousse. Lorsque vous partez, vous avez un sac de toile. C'est votre vie. Lorsque vous êtes en mission quelque part, vous devez brûler vos déchets. Vous devez vous en occuper. Eh bien, c'est toxique. Nous brûlons tout, des membres amputés de la salle d'opération aux déchets dans les latrines, en passant par la nourriture. Tout ce qui constitue des déchets est brûlé.
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Merci, monsieur le président.
Comme tout le monde l'a dit, je remercie les témoins d'être ici, de leur service et de leur témoignage aujourd'hui.
Alors que nous approchons de la fin de la réunion, il arrive que l'un des derniers intervenants essaie de résumer et de vous donner l'occasion de formuler des recommandations.
Certaines des notes que j'ai prises m'ont rappelé l'excellent travail accompli par certains organismes sans but lucratif et d'autres organisations. Vous avez mentionné, monsieur, que lorsque vous pouvez communiquer directement avec Anciens Combattants Canada, du travail formidable est accompli et qu'il faut davantage de ressources pour traiter certains problèmes complexes. Je suis d'accord, car c'est aussi ce que j'ai vécu en travaillant avec des vétérans et différentes organisations.
L'une de ces ressources — si le Comité me le permet encore une fois, et que j'ai déjà mentionnées ici — est le Programme d'aide aux anciens combattants, qui a été lancé par les agents Aaron Dale et Jeremy Burns du Service de police de Toronto. Ils ont cerné une lacune très précise dans la capacité de mettre les anciens combattants en contact avec les services. L'un des défis auxquels fait face Anciens Combattants Canada est qu'il n'a pas de personnel sur le terrain qui soit en contact direct avec les vétérans dans le besoin, en particulier ceux qui souffrent d'itinérance et, potentiellement, de toxicomanie et de problèmes de santé mentale. Il y a une indifférence et un manque de soutien. Ces deux messieurs ont relevé ce problème et ont créé ce programme, qui a pris son envol.
Je suis très fier que le programme ait été élargi à la région de Waterloo. Depuis que les agents David Cassidy et Brian Serapiglia s'occupent du programme, ils ont mis en contact directement plus de 80 vétérans de la région de Waterloo, qui avaient besoin de services, avec Anciens Combattants Canada, et ces personnes reçoivent maintenant des services.
Je me demande si vous pouvez nous faire d'autres recommandations sur la façon dont nous pouvons faciliter les choses. Ces services de première ligne ont un rôle à jouer, tout comme les organismes sans but lucratif et d'autres organisations comme la légion et No Soldier Left Behind.
Je me demande, monsieur, si vous pouvez utiliser le reste de mon temps pour nous fournir des recommandations très concrètes que nous pourrions inclure dans ce rapport.
Il est toujours difficile pour les vétérans de reconnaître que le public doit participer. En même temps, nous ne voulons pas que le gouvernement se soustraie à sa responsabilité de s'occuper directement de nous. Oui, je pense que le programme de sensibilisation que les civils et les policiers peuvent… Tout ce qu'ils peuvent faire est bon… parce qu'ils font partie de la solution, n'est‑ce pas?
L'éducation se fait dans la rue, et les services deviennent plus accessibles. Tant que le ministère des Anciens Combattants n'aura pas acquis une meilleure réputation au sein de la communauté des anciens combattants et qu'il n'aura pas plus de ressources, nous aurons besoin de personnes comme celles‑là pour inciter les anciens combattants à participer aux programmes. C'est pourquoi nous recommandons d'embaucher beaucoup plus de personnel, d'augmenter considérablement le budget pour les employés.
Je pense que le ministère des Anciens Combattants doit aussi se pencher sur ce dont la lieutenante Richard a parlé. C'est juste une étape après ce que la lieutenante Richard a dit, à savoir que nous avons vraiment besoin, tout d'abord, d'un véritable département de recherche.
Le ministère des Anciens Combattants fait des recherches. Il s'agit en grande partie de recherches sur papier. Une grande partie de ces recherches est effectuée en collaboration avec Statistique Canada, qui a produit la dernière enquête — qui est un outil très précieux —, mais on fait fi des renseignements.
L'objectif a toujours été de trouver un emploi pour ces vétérans et de les retirer de la liste de paye. Il faut les retirer de la gestion des dossiers parce que nous avons des quotas à remplir n'est‑ce pas? Ce sont les incitatifs pervers auxquels les employés sont soumis. Au lieu de cela, vous savez, nous ne nous intéressons pas à la dimension holistique de l'ancien combattant. Comment pouvons-nous leur donner le sentiment d'appartenir au pays? Comment pouvons-nous inciter les collectivités à faire de la sensibilisation?
Une autre chose est la façon de s'occuper des handicaps complexes dont souffrent de nombreux anciens combattants. La solution que nous recommandons s'appelle « Détruire la stigmatisation ». En fait, j'ai présenté ce rapport au Comité le 14 avril 2021. Vous en avez tous une copie. Il contient des recommandations en plusieurs parties visant à améliorer tous les aspects du ministère des Anciens Combattants. Cela comprend, par exemple, un modèle de soins collaboratifs, qui repose sur une équipe interdisciplinaire, une vraie équipe. Le ministère des Anciens Combattants dit que ce genre de modèle existe: il s'agit d'une équipe interdisciplinaire administrative. Or, nous avons besoin d'une véritable équipe de praticiens qui connaissent le client, qui savent que, si le client souffre du symptôme X et qu'un spécialiste ne peut pas le traiter, un autre spécialiste est là. Ce modèle fonctionne au département des Anciens Combattants des États-Unis depuis plusieurs années maintenant, et il connaît beaucoup de succès.
Cela nous ramène au point de la lieutenante Richard. Si le Canada ne fait pas de recherche scientifique active… Je crois que c'était il y a 10 ans, mais le secteur de recherche du département des Anciens Combattants des États-Unis disposait d'un budget annuel de 270 millions de dollars américains. À ma connaissance, nous ne dépensons même pas 1 % de ce montant au Canada. Si nous ne faisons pas nos propres recherches, alors complétons l'étape suivante du casse-tête; voilà une autre recommandation. Acceptons toutes les maladies présumées que les États-Unis ont reconnues pour toutes les zones de service spécial. C'est facile. Intégrons les recherches menées en Australie et aux États-Unis et, forts de ces recherches, prenons des décisions éclairées en matière d'évaluation de l'invalidité.
Ayons une équipe indépendante de spécialistes qui renseigneront le ministère des Anciens Combattants sur ces données scientifiques et sur la façon de les intégrer dans une évaluation de l'invalidité. Modifions l'ampleur. Embauchons plus d'évaluateurs. Vous pestez contre l'arriéré depuis des années. C'est facile, voilà encore une autre recommandation.
Si vous revenez au rapport que j'ai fourni, vous verrez qu'il contient 53 recommandations. Je pense que vous trouverez de l'information très utile qui porte sur ce dont nous parlons maintenant.
Je tiens à dire que nous apprécions tous vos remerciements et que tout ce que vous nous avez dit est très significatif. Je pense que tous les vétérans craignent que cela se termine par un simple merci. Il doit y avoir une compensation importante derrière tout cela, une obligation importante de prendre soin de nous. Comme je l'ai dit en privé à certains d'entre vous, l'objectif principal est simplement d'obtenir plus d'argent pour ce programme dont bénéficient les vétérans, et l'une des raisons est que cela comble un vide que le pays n'a pas rempli.
Quant à la réciprocité... « Nous nous soucions vraiment de vous, nous allons vous le montrer, nous allons vous aider à vous réinsérer, nous allons avoir des gens là pour vous 24 heures sur 24 lorsque vous êtes en crise »; je ne parle pas d'un numéro 1‑800. Je parle d'un véritable praticien, d'un gestionnaire de soins cliniques qui est là et disponible. Disons que le gestionnaire de cas a 30 personnes, mais il peut aussi communiquer immédiatement avec le spécialiste pour aider cette personne, n'est‑ce pas? C'est un véritable modèle de soins collaboratifs. C'est ce qui nous manque du point de vue des soins individuels. Le budget est le gros élément manquant, globalement.