:
Nous reprenons la séance.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 29 janvier 2024, le Comité entreprend son étude sur l'expérience vécue par les vétérans autochtones et par les vétérans noirs.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Au cours de la prochaine heure, nous entendrons M. Todd Ross, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis le Nouveau-Brunswick et qui témoigne à titre personnel; et Mme Danielle Teillet, historienne du Musée canadien de la guerre, qui est avec nous dans la salle.
Je tiens à vous remercier d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant notre comité.
[Français]
Je voudrais tout d'abord inviter M. Ross à faire sa déclaration d'ouverture.
Monsieur Ross, vous disposez de cinq minutes, puis nous allons céder la parole à Mme Teillet avant de passer à la période des questions.
[Traduction]
Monsieur Ross, la parole est à vous pour cinq minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
:
Merci, monsieur le président. Bonjour.
[Le témoin s'exprime en michif et fournit le texte suivant:]
Taanshi kiyawaaw. Wabinaquot d-ishinihkaason—Aeñ Michif niya.
[Traduction]
Je m'appelle Todd Ross. Je me suis présenté avec mon nom spirituel en michif. Je me joins à vous aujourd'hui depuis les terres non cédées des Wolastoqiyik, à Menahquesk, maintenant connu sous le nom de Saint John. Je suis un Métis de la rivière Rouge, un vétéran, une personne à deux esprits et un citoyen de la Nation métisse de l'Ontario.
Je tiens à remercier le Comité et les députés de me donner l'occasion de parler de l'expérience des vétérans autochtones. J'apporte un point de vue unique en tant que vétéran métis à deux esprits qui a été touché par la purge LGBT.
J'aimerais vous parler aujourd'hui de mes observations sur le financement de services destinés aux Autochtones.
J'ai servi de décembre 1987 à juin 1990. Du début de 1989 au milieu de 1990, j'ai fait l'objet d'une enquête relative à des préoccupations en matière de sécurité. J'ai été touché par ce que l'on appelle aujourd'hui la purge LGBT. On m'a offert une libération honorable en indiquant que je n'étais pas avantageusement apte au travail en raison de mon homosexualité. Lorsque j'ai été libéré en 1990, on m'a dit que je n'étais pas un vétéran et que je ne recevrais jamais de services aux vétérans. Je n'ai donc pas eu recours à ces services pendant les 25 années qui ont suivi.
C'est mon lien avec les Métis qui m'a ramené à la famille des vétérans. Quand je vivais à Toronto, j'ai commencé à être actif au sein de la Nation métisse de l'Ontario et j'ai été président du conseil des Métis de Toronto et de la région de York. Au début de cette période, j'ai reçu un appel de feu Joe Paquette. Joe était un aîné métis. Il a été président du conseil des vétérans de la Nation métisse de l'Ontario. Un jour, il m'a appelé et nous avons eu une longue conversation. Il m'a demandé pourquoi je ne travaillais pas avec les vétérans métis.
Je lui ai raconté mon expérience de la purge LGBT et je lui a expliqué qu'en tant que personne queer, j'avais peur de communiquer avec des vétérans. À ma libération, on m'a dit que je n'étais pas un vétéran. Je ne me sentais pas comme un vétéran et je ne me sentirais pas le bienvenu au sein d'une communauté de vétérans en tant que personne queer. Il m'a répondu — il m'a fait la leçon, en fait — qu'un vétéran est un vétéran. On m'a accueilli à bras ouverts au sein du conseil des vétérans métis. Il m'a invité à défiler avec les vétérans métis lors de la cérémonie du Jour de Louis Riel, à Queen's Park.
Pour la première fois en 25 ans, j'ai mis mon béret et j'ai participé à un défilé. J'étais mal à l'aise au début et j'éprouve encore de l'appréhension lorsque je rencontre d'autres vétérans, mais le conseil des vétérans métis m'a apporté un soutien incroyable. Depuis, j'ai eu quelques occasions d'entrer en contact avec d'autres vétérans autochtones et je vois combien ces occasions sont importantes pour la mobilisation, les cérémonies et la guérison.
En 2017, j'ai pu assister au 100e anniversaire de la bataille de Vimy, à Ottawa, aux côtés d'autres vétérans métis. Ce rassemblement a été l'occasion de nous rencontrer, de raconter nos expériences et d'en apprendre davantage sur la participation du peuple métis à la Première Guerre mondiale. Une partie du voyage comprenait même une visite au Musée canadien de la guerre, où les contributions des Autochtones étaient présentées.
En 2013, j'ai été invité à me rendre à Winnipeg pour participer aux activités organisées dans le cadre de la Journée nationale des peuples autochtones, avec Wendy Jocko, vétérane de la Première Nation des Algonquins de Pikwakanagan, pour représenter les vétérans lors de l'événement diffusé en direct sur APTN. Nous avons échangé avec de nombreux vétérans autochtones au cours des deux jours et nous avons même pu amener certains d'entre eux à la table des services d'Anciens Combattants Canada pour nous assurer qu'ils étaient en contact.
Au début de l'année, j'ai assisté au 80e anniversaire du débarquement du jour J sur la plage Juno. J'y étais au nom des Vétérans Arc‑en‑ciel du Canada, mais j'ai eu le plaisir d'être aux côtés de représentants d'autres groupes de vétérans autochtones. Ces contacts ont été, une fois de plus, inestimables, et l'inclusion n'a pas seulement mis en lumière la contribution des peuples autochtones à ces conflits, mais elle a également offert un espace de cérémonie, de guérison et de reconnaissance.
En août de cette année, Anciens Combattants Canada a soutenu un forum des vétérans 2ELGBTQI+ à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. À cette occasion, nous avons pu inviter le grand chef de la Première Nation Wolastoqey, Ron Tremblay, à animer un cercle de la parole avec des vétérans à deux esprits et d'autres vétérans LGBTQI+. Ce fut une expérience formidable pour tous les participants et je crois que c'était la première fois que je me trouvais dans un lieu de cérémonie avec d'autres vétérans autochtones queers.
Chacun de ces exemples met en évidence les possibilités de nouer des liens avec les vétérans inuits, métis et des Premières Nations et les possibilités de mobilisation, de cérémonies et de guérison. Il est essentiel d'avoir des liens avec la communauté pour créer des possibilités de guérison holistique.
Bien que je ne fasse pas directement partie de la gouvernance des vétérans métis, je sais que le manque de fonds disponibles pour soutenir les groupes de vétérans autochtones constitue un obstacle à une plus grande inclusion. Des fonds pourraient être utilisés pour réduire les obstacles en réunissant les vétérans métis au sein de la communauté et en réduisant les obstacles à l'établissement de liens avec d'autres organisations de vétérans autochtones.
Je tiens à souligner que les relations avec l'équipe de direction d'Anciens Combattants Canada, ou d'ACC, ont été remarquables. Dans le cadre du travail bénévole que je fais en tant que vétéran, j'ai toujours senti qu'il existait un partenariat solide.
Je suis très reconnaissant à ACC pour les occasions qu'il a offertes aux vétérans 2ELGBTQI+ et aux vétéranes de se réunir et de parler de leurs expériences. Je ne connais pas d'occasions similaires pour les vétérans autochtones ou, plus précisément, pour les vétérans inuits, métis ou des Premières Nations de se réunir en tant que communautés distinctes, mais c'est quelque chose que je recommanderais.
Monsieur le président, je vais m'arrêter ici afin de pouvoir parler, pendant la période qui sera réservée aux questions, de mon expérience personnelle en ce qui concerne l'accès aux services destinés aux vétérans. Compte tenu du temps dont nous disposons, je vous redonne la parole.
:
Taanshi kiyawaaw. Bonjour.
Je m'appelle Danielle Teillet. Je suis une Métisse de la rivière Rouge et une occupante, originaire du territoire du Traité no 1. Je vis maintenant ici, sur le territoire algonquin anishinabe non cédé. Je suis également la première historienne spécialisée en histoire militaire des Autochtones au Musée canadien de la guerre.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui à prendre la parole et à contribuer à votre importante étude.
À titre d'historienne, je peux donner un aperçu de ce qu'ont vécu les vétérans autochtones au cours des deux guerres mondiales — c'est mon domaine d'expertise —, mais je ne suis pas bien placée pour parler de questions contemporaines, comme Todd Ross vient de le faire.
Comprendre le contexte historique du service militaire des Autochtones peut nous apporter un éclairage essentiel sur les problèmes d'aujourd'hui. Comme vous pouvez l'imaginer, cinq minutes ne permettent que d'effleurer cette histoire complexe, qui est déjà bien expliquée dans votre rapport de 2019 sur les vétérans autochtones et dans d'autres rapports.
Pour comprendre les difficultés auxquelles les militaires autochtones ont fait face, il est essentiel de tenir compte du contexte plus vaste dans lequel les Autochtones ont subi de la discrimination systémique et les répercussions de politiques et de mesures législatives coloniales. La façon dont le gouvernement et la société traitaient les vétérans autochtones est indissociable de la façon dont on traitait les Autochtones en général.
Le nombre d'Autochtones qui ont servi dans les conflits du XXe siècle est difficile à évaluer. Environ 4 000 Indiens inscrits ont servi pour le Canada lors de la Première Guerre mondiale et on estime que 4 200 ont servi lors de la Seconde Guerre mondiale. Des milliers de membres des Premières Nations, d'Inuits et de Métis non inscrits se sont enrôlés sans que leur appartenance autochtone soit officiellement reconnue.
Certains obstacles ont façonné l'enrôlement et le service des Autochtones à l'époque. Par exemple, pendant la Première Guerre mondiale, initialement, le gouvernement dissuadait les membres des Premières Nations de s'enrôler. Cela s'explique en partie par les représentations défavorables et racistes qui étaient véhiculées dans les publications grand public, ce qui a conduit à un raisonnement paternaliste selon lequel « les Allemands pourraient refuser d'accorder [...] les [soi-disant] privilèges de la guerre civilisée » aux soldats des Premières Nations.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, initialement, seules les personnes « de pure ascendance européenne et de race blanche » pouvaient être recrutées dans la marine et dans l'armée de l'air. Les politiques restrictives de ce type n'étaient pas appliquées de façon universelle et, au fur et à mesure que le nombre de victimes augmentait pendant les deux guerres, ces types de barrières ont été abandonnées dans le but de stimuler le recrutement.
Pour de nombreux Autochtones qui ont servi à l'époque, le service en temps de guerre a été la première expérience où ils ont senti qu'ils étaient sur un pied d'égalité avec leurs pairs colons blancs. Toutefois, ils sont rentrés au Canada après leur service pour subir la même discrimination qu'ils avaient connue avant de s'enrôler. Les vétérans autochtones n'étaient généralement pas traités de la même façon après leur retour à la vie civile. Les vétérans qui étaient des Indiens inscrits, en particulier, rentraient chez eux en tant que pupilles de l'État.
Des restrictions telles que l'interdiction de vendre de l'alcool aux Indiens inscrits faisaient en sorte que de nombreux vétérans des Premières Nations ne pouvaient pas participer aux activités de la Légion, étant donné que de l'alcool était servi lors de nombreux événements. De plus, les Indiens inscrits n'ont obtenu le droit de vote à l'échelle fédérale qu'en 1960. Ils ne bénéficiaient pas de tous les droits et avantages de la citoyenneté en vertu de la Loi sur les Indiens du Canada, mais ils s'étaient tout de même enrôlés pour aller à la guerre pour le Canada.
De nombreux vétérans autochtones avaient le sentiment qu'il y avait un décalage entre l'importance de leur service et de leurs sacrifices en temps de guerre et les réalités politiques, économiques et sociales dans le contexte desquelles ils étaient rentrés chez eux. Cela s'explique en grande partie par le fait qu'ils n'avaient souvent pas accès à l'aide destinée aux vétérans. Les pensions et les avantages tels que les concessions de terres et les subventions financières mises en place pour soutenir les vétérans après les deux guerres étaient, en théorie, accessibles à tous les vétérans. Cependant, la plupart des demandes des Autochtones ont été rejetées.
Certains vétérans sont même rentrés chez eux après la Première Guerre mondiale pour constater que les terres de réserve de leurs communautés avaient été réduites ou avaient complètement disparu. Après la guerre, le gouvernement fédéral a acquis plus de 85 000 acres de terres de réserve dans l'Ouest du Canada pour permettre à des vétérans non autochtones de s'y installer.
Ces injustices ont eu des répercussions durables sur de nombreux vétérans autochtones, dont certains ont ensuite participé à la vie politique et ont milité pour le respect des droits des Autochtones et des vétérans après leur service. Ces expériences sont bien représentées dans les publications et dans les entretiens qui ont été menés avec des vétérans autochtones, notamment dans le cadre du projet « Leur histoire » du Musée canadien de la guerre, qui comprend des dizaines d'entretiens avec des vétérans autochtones.
J'espère que ce très bref survol historique aura permis de situer le contexte dans lequel s'inscrivent les questions plus contemporaines que vous examinerez dans le cadre de cette étude. Les difficultés que les vétérans autochtones ont rencontrées dans les structures sociales, législatives et politiques discriminatoires de l'après-guerre ont persisté pendant longtemps, tout comme le manque de reconnaissance à leur égard.
Je vous remercie de m'avoir accordé du temps.
:
Je vous remercie tous les deux pour vos témoignages.
Je vais commencer par vous, madame Teillet.
Certains des faits historiques que vous nous avez racontés sont choquants. Lorsque nous entendons parler de pareille discrimination, nous avons du mal à imaginer, à notre époque, certaines des formes de discrimination dont vous avez parlé, en particulier lorsqu'il s'agit de personnes qui ont servi leur pays en dépit de leurs origines et du fait que leur pays ne leur était peut-être pas vraiment reconnaissant.
J'aimerais cependant me tourner un peu plus vers le présent. Notre comité s'est déjà penché sur l'expérience des vétérans autochtones par le passé. Malheureusement, comme le gouvernement actuel le fait souvent, il a accepté un certain nombre des recommandations que notre comité avait formulées, mais il n'y a jamais donné suite. Cette pratique consistant à ne pas tenir ses promesses est, je pense, un élément central de la discussion sur la réconciliation.
J'aimerais que vous me disiez à quel point c'est dommageable, à quel point c'est démoralisant pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis de voir un gouvernement prendre acte de leurs problèmes, promettre de les régler et ne jamais prendre la peine d'y donner suite.
:
J'entends beaucoup parler ces jours‑ci des anciens combattants sans abri. De plus en plus d'organismes voient le jour pour répondre aux besoins en matière de logement des anciens combattants qui se retrouvent mal logés ou sans abri.
L'une des choses que j'entends parfois, assez fréquemment en fait, c'est qu'il y a des anciens combattants qui pourraient, dans certains cas, avoir accès à des avantages sociaux d'une valeur de plusieurs milliers de dollars par l'entremise du ministère des Anciens Combattants, mais ils ne sont pas en mesure de profiter de cet accès soit parce qu'ils ne sont pas au courant de ces avantages, soit parce qu'ils n'ont pas d'adresse ou de moyen d'accéder à l'application Mon dossier ACC. Ils ne sont pas en mesure d'accéder à ces types d'outils.
Pourriez-vous nous parler, en vous fondant sur votre expérience, des façons de faire face aux problèmes en matière de logement? Par exemple, dans le cas d'un ancien combattant qui souffre de troubles de santé mentale ou de problèmes de santé physique, la lourdeur des processus bureaucratiques et des formalités administratives peut-elle représenter un obstacle à l'accès à l'aide dont il a besoin?
:
Oui. Je vous remercie de votre question.
Le documentaire, comme vous l'avez dit, s'intitule Indian Braves. Je crois qu'il a été diffusé à l'échelle nationale sur CBC le jour du Souvenir l'année dernière, ce qui était très stimulant pour nous, au Musée de la guerre. Je pense que ces projets sont essentiels pour sensibiliser la société dans son ensemble.
Pour ma part, je mène des recherches dans ce domaine. C'est mon quotidien. Je travaille dans ce milieu tous les jours. C'est un peu comme vous, les membres du Comité permanent des anciens combattants, qui vous penchez toujours, j'en suis sûre, sur des questions liées aux anciens combattants. C'est une grande partie de votre programme. Cependant, je pense que le grand public ne connaît pas ce sujet de manière aussi approfondie.
Je viens d'ailleurs de prononcer une allocution, vendredi dernier, devant un groupe à Ottawa. Nous avons parlé de la raison d'être de la Journée nationale des vétérans autochtones, par exemple, qui aura lieu le 8 novembre, soit vendredi prochain. Il y a un manque de sensibilisation à cet égard. Je pense que de nombreuses personnes se demandent pourquoi nous avons une journée distincte pour les anciens combattants autochtones. C'est une question intéressante, mais je pense qu'il s'agit de connaître les fondements historiques. Certaines questions que j'ai soulevées et que j'ai approfondies dans le documentaire concernent l'absence complète de reconnaissance des contributions des militaires autochtones, soit essentiellement les sacrifices qu'ils ont faits, l'absence de soutien, l'absence de reconnaissance du statut d'Indien et l'absence de droits à la pleine citoyenneté jusqu'après la Deuxième Guerre mondiale, soit jusqu'en 1960.
Je pense qu'avec une plus grande sensibilisation... Comme on dit, mieux on est informé, mieux on peut agir. Je pense également que plus la population comprendra ces fondements historiques, plus nous pourrons créer une volonté d'améliorer la vie des anciens combattants actuels et contemporains.
Pendant la fin de semaine, j'ai assisté à une cérémonie sikhe du jour du Souvenir à Kitchener. Cela me rappelle ce que vous avez dit. De nombreuses personnes n'étaient pas autorisées à s'enrôler dans l'armée. Certaines d'entre elles ont fini par s'enrôler, après avoir reçu un passe-droit, je présume, car l'armée avait besoin de monde. Ces personnes pensaient que, de cette façon, elles seraient mieux intégrées et respectées. Comme vous l'avez dit, lorsqu'elles revenaient, ce n'était pas toujours... Dans ce cas‑ci, je pense que 10 personnes de la communauté indienne sikhe se sont enrôlées au nom du Canada, à l'époque.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de la participation historique des populations autochtones dans l'armée, y compris les principaux conflits et les principales contributions, afin que nous puissions nous faire une idée du contexte? À quelles batailles et guerres ces gens ont‑ils participé, et quel était leur nombre?
Comme j'y ai fait allusion dans ma déclaration préliminaire, les chiffres sont difficiles à obtenir. Des autochtones ont servi aux côtés des forces coloniales lors de la guerre de Sept Ans et lors de la guerre de 1812. Des Autochtones ont participé à l'Expédition du Nil. Il y avait donc un précédent bien avant la Première Guerre mondiale. C'est ce qui a motivé de nombreux Autochtones à s'enrôler. Ils considéraient que cela s'inscrivait dans le cadre de leur relation avec la Couronne par l'entremise d'éléments tels que les traités et les alliances militaires antérieures. Même la Proclamation royale de 1763 reconnaît le statut souverain des Premières Nations.
Je pense que le ministère des Anciens Combattants estime aujourd'hui qu'environ 12 000 Autochtones ont servi dans les conflits du XXe siècle. Là encore, en raison de la non-reconnaissance de l'identité autochtone des Métis, par exemple, je ne sais pas si nous disposerons un jour de données réelles sur le nombre précis de personnes qui ont servi dans des conflits. En fait, j'ai lu le récit d'un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale qui disait que son appartenance à la nation métisse n'avait pas été reconnue lorsqu'il s'était enrôlé. On lui a demandé de quelle partie de l'Europe il était originaire et quel type d'Européen il était. Il a répondu qu'il était Français, et on a donc écrit « Français » sur son formulaire. À l'époque, on disait que les Métis n'existaient pas. C'était une véritable frustration pour lui, et il en a parlé à titre d'ancien combattant.
Ce sont des enjeux historiques, mais ce sont des enjeux bien réels.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins d'être ici. Monsieur Ross, je tiens à vous remercier de votre service.
J'aimerais d'abord m'adresser à vous, madame Teillet. Je vous suis très reconnaissante de votre témoignage aujourd'hui, et je pense qu'il est très important.
Je pense aux membres des Premières Nations qui ont perdu leur statut en raison de leur service. J'ai une expérience très personnelle à cet égard, car ma grand-mère était au pensionnat indien de Lejac et on l'a mariée à 16 ans sans son consentement. Bien entendu, dans un tel cas, la personne perd immédiatement son statut. Pour ma grand-mère, cela signifiait que lorsque son père était mourant, elle ne pouvait pas aller le voir sans la permission de l'agent des Indiens.
J'aimerais que vous nous parliez un peu des répercussions vécues par les anciens combattants qui sont rentrés chez eux et qui ont appris qu'ils ne pouvaient plus participer à la vie de leur communauté comme avant s'ils avaient renoncé à leur statut.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux de votre présence. Monsieur Ross, je vous remercie également de votre service.
Madame Teillet, ma première question s'adresse à vous.
En 2019, nous avons mené cette étude et nous avons eu l'occasion de voyager. C'était formidable. Nous avons sillonné le pays et nous nous sommes rendus dans le Nord où travaillent les Rangers. L'une de nos recommandations était la suivante:
Qu'Anciens Combattants Canada dépose au Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes une explication des raisons empêchant la conclusion d'une entente concernant les revendications des vétérans métis de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée, ainsi que leurs familles.
L'explication était que dans le budget de 2019 — l'année lors de laquelle nous avons effectué cette étude —, le gouvernement du Canada avait prévu « 30 millions de dollars pour reconnaître la contribution des vétérans métis aux efforts déployés par le Canada lors de la Seconde Guerre mondiale, et pour commémorer les sacrifices et les réalisations de tous les vétérans métis. »
Je me demande si vous pouvez répondre à cette question. J'ai demandé par le passé comment les 30 millions de dollars mis de l'avant pour reconnaître cette contribution avaient été dépensés. En fait, les fonds n'ont été versés qu'à une seule organisation, et les Métis qui n'avaient pas de liens avec ce groupe en ont été extrêmement déçus, avec raison. Étant donné votre expérience, savez-vous quelle organisation a reçu cet argent?
:
C'est très utile. Merci. Je suis désolée de vous interrompre. Je ferai un suivi de cette question, car il faut veiller à ce que tous ceux qui ont servi notre pays soient reconnus et que leurs familles bénéficient de ce soutien.
J'ai une autre question. Le 28 novembre 2023, j'ai eu l'occasion de rencontrer des représentantes de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, qui représente l'organisme Logement Coopératif National Autochtone Inc. Deux jeunes femmes très impressionnantes sont venues à mon bureau: Alma Arguello, qui travaille pour Brantford Native Housing, et Sarah McBain, qui se concentre sur le logement dans le Nord. Elles m'ont parlé des défis auxquels elles sont confrontées relativement au logement en milieu urbain — et non dans les réserves — pour les Autochtones.
En 2019, je crois, le gouvernement fédéral leur avait promis 4 milliards de dollars. Lorsque je les ai rencontrées, en 2023, elles attendaient toujours cet argent. Elles étaient très inquiètes parce que le parc de logements se détériorait. Elles ont indiqué que le gouvernement semblait essayer de faire un amalgame entre le financement des Premières Nations et les questions de logement en milieu urbain. C'était comme si le gouvernement laissait entendre qu'elles avaient déjà de l'argent pour le logement. Or, cet argent devait être dépensé dans les réserves des Premières Nations. Elles étaient très perplexes.
Elles ont dit que la SCHL faisait obstacle aux communautés des Premières Nations. Elles ont continué à réclamer cet argent. Elles avaient la signature de 60 organisations autochtones du logement au sein de Logement Coopératif National Autochtone Inc. Elles avaient l'impression que le ne cessait de tergiverser, et elles étaient déçues par le discours qu'il avait prononcé ce jour‑là. À l'époque, elles trouvaient qu'il y avait beaucoup de surveillance bureaucratique.
Elles ont fini par obtenir des fonds de la SCHL, qui leur a suggéré de commencer par l'Ontario. Or, nous connaissons la situation du logement en Ontario. Elles ont reçu entre 150 000 et 200 000 $. Elles m'ont dit qu'elles ne pouvaient même pas payer les permis, et encore moins couvrir le coût des logements, qui s'élevait à 445 $ le pied carré. Il s'élève maintenant à 550 $ le pied carré. Il n'y avait pas d'argent. Je ne crois pas que les choses aient changé.
Que faisons-nous lorsque nous n'obtenons pas les fonds nécessaires pour aider les Autochtones qui habitent en milieu urbain? Bien sûr, vous nous avez parlé, monsieur Ross, de l'importance de ces logements et de cette fondation.
Mon temps est écoulé.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Teillet, je n'ai pas de question à vous poser, mais je voudrais vous raconter ce qui suit. À l'époque où la Chambre des communes siégeait dans l'édifice du Centre... L'une des choses les plus agréables que l'on puisse faire en notre qualité de député, c'est de faire visiter le Parlement aux gens qui viennent à Ottawa. C'était encore plus agréable lorsque tout se trouvait dans l'édifice du Centre. Lors de chacune de ces visites, j'emmenais les gens au Sénat, où le buste de James Gladstone était exposé, et je leur expliquais que cet homme avait été sénateur avant d'avoir le droit de vote. Ils étaient tous consternés d'apprendre cela.
Voici ce que j'aimerais vous dire. Nous avons entendu votre déclaration préliminaire et vous nous avez parlé de l'histoire, qui rejoint tout à fait cet exemple, et qui fait ressortir l'importance de votre travail.
Je vais peut-être ajouter une question. Que peut faire le gouvernement pour vous aider dans votre travail? Y a‑t‑il des domaines de l'histoire militaire autochtone qui nécessitent un soutien plus important? C'est votre occasion de nous en faire part.
:
Je vous remercie de la question. Je dirais que c'est un domaine en croissance, mais il y a beaucoup de lacunes à combler dans les recherches universitaires. Je ne pense même pas pouvoir vous dire combien de questions il reste à explorer. À l'heure actuelle, le Musée canadien de la guerre se concentre, entre autres, sur un projet de revitalisation. Cela fera bientôt 20 ans que le Musée canadien de la guerre est installé sur son nouveau site. Je suis relativement nouvelle. Je suis en poste depuis deux ans.
Nous voulons trouver des moyens d'accroître la diversité dans nos expositions permanentes. Nous le faisons déjà dans nos expositions temporaires, mais dans nos expositions permanentes, nous voulons voir — bien sûr, c'est ce que je veux; c'est pourquoi je suis là — plus d'histoire sur les contributions des Canadiens autochtones et noirs, ce qui, je le sais, fait partie de votre étude. Nous sommes en train d'examiner nos expositions pour voir ce qui nécessite une réinterprétation et ce qui a peut-être été complètement omis: des choses qui ne sont pas incluses et qui ne sont pas exposées, des choses dont nous ne parlons pas assez, par exemple. J'imagine qu'il faut obtenir un budget pour ce projet plutôt ambitieux.
Si le gouvernement souhaite y contribuer, bien sûr... je sais qu'au musée, nous aimerions certainement améliorer les outils éducatifs, améliorer nos expositions et raconter à tous les Canadiens et tous les visiteurs cette histoire absolument essentielle et importante.
:
Je vous remercie. N'hésitez pas à envoyer tout renseignement supplémentaire à la greffière; vous pouvez également le faire, monsieur Ross.
Je vous remercie de votre participation.
Aujourd'hui, notre auditoire comptait quelques jeunes. Je suis certain qu'ils en savent un peu plus sur les anciens combattants autochtones parce qu'ils sont restés avec nous pendant une heure. N'oubliez pas qu'avant de partir, vous devrez passer l'examen.
Des députés: Ha, ha!
Le président: Au nom de tous les membres du Comité, j'aimerais remercier les deux témoins.
[Français]
Il s'agit de M. Todd Ross, à titre personnel, et de Mme Danielle Teillet, historienne, du Musée canadien de la guerre.
J'en profite pour remercier l'équipe technique, les interprètes, la greffière et les analystes.
La séance est levée.