Passer au contenu

ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 045 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 avril 2023

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la quarante-cinquième réunion du Comité permanent des anciens combattants.
    L'étude d'aujourd'hui porte sur les expériences vécues par les femmes vétérans.

[Traduction]

    La réunion d'aujourd'hui se tient en format hybride. Tous nos témoins sont ici en personne et nous avons un membre qui est en ligne.
    Pour la gouverne de nos témoins, il se peut que certaines questions vous soient adressées par l'un de nos membres en ligne. Sinon, la plupart des personnes sont présentes dans la salle.
    Avant de commencer, je tiens à ce que tout le monde sache que nous allons probablement aborder des sujets un peu difficiles, en particulier pour nos témoins. Je voudrais rappeler à tout le monde de faire preuve de compassion à l'égard de nos témoins. Certaines d'entre elles vont nous faire part d'expériences très éprouvantes qu'elles ont vécues. S'il vous plaît, faites preuve de compassion à leur égard.
    Je tiens à rappeler à tout le monde, c'est‑à‑dire aux témoins, aux députés, à toutes les personnes présentes dans la salle et à celles qui sont avec nous en ligne, que le Comité dispose de ressources pour aider tous ceux qui seront incommodés par ce qu'ils entendront aujourd'hui — et j'inclus là‑dedans nos témoins pour les choses dont elles vont nous parler. Si vous pensez avoir besoin de ces ressources, adressez-vous à notre greffière. Elle s'assurera de faire le nécessaire pour que vous puissiez obtenir celles dont vous avez besoin.
    Une autre chose que je tiens à préciser avant de commencer, c'est qu'étant donné le sujet dont nous traitons, les témoins ont demandé à ce que nous fassions une courte pause après les déclarations liminaires et le premier tour de questions. Si les députés sont d'accord, c'est ce que nous allons faire. La pause sera assez brève, mais je pense que nous avons assez de temps pour cela.
    Madame Blaney, vous avez levé la main.
    Merci beaucoup, monsieur Richards. C'est un plaisir de vous voir présider aujourd'hui.
    Je sais que vous et moi avons discuté plus tôt aujourd'hui de la possibilité d'accorder quelques minutes supplémentaires à nos témoins si le sujet qu'elles abordent est délicat et qu'elles ont besoin d'un peu plus de temps. J'aimerais simplement savoir où vous vous situez à cet égard.
    Comme vous l'avez dit, il peut être difficile de parler des expériences dont certaines de nos témoins vont nous parler. La séance d'aujourd'hui dure deux heures et nous avons le temps pour faire ce que vous dites. Habituellement, chaque groupe d'experts dispose d'une heure, et chaque témoin dispose de cinq minutes pour livrer son témoignage. Dans le cas qui nous occupe... Disons les choses comme elles sont: je ferai preuve de souplesse et de compréhension si vous avez besoin d'un peu plus de temps pour nous faire part d'expériences très personnelles. Je ne pense pas que vous allez me trouver particulièrement strict à cet égard aujourd'hui. Je pense que c'est probablement une bonne référence pour nous, au sein de ce comité et dans le cadre de cette étude. D'autant plus que nous avons une séance de deux heures.
    Merci d'avoir soulevé cette question, madame Blaney.
    Oui, je serai assez indulgent avec nos témoins, mais probablement un peu moins avec vous, les membres du Comité. Toutefois, je tiens également à faire savoir aux témoins qu'au moment de répondre à une question qu'un membre du Comité vous aura posée, je ferai de mon mieux pour vous donner le temps nécessaire pour y répondre, tout en étant conscient que nous devons respecter le fait que chaque parti doit avoir une chance égale de s'exprimer. Si je signale que le temps imparti est presque écoulé, je vous demanderai simplement d'essayer de conclure aussi rapidement que possible.
    Je vous remercie. Permettez-moi maintenant de présenter nos témoins.
    Nous avons avec nous, à titre personnel, Donna Riguidel, majore à la retraite et Christine Wood, qui défend les intérêts des anciens combattants.
    Pour le Fonds Purge LGBT, nous avons Michelle Douglas, directrice exécutive.
    Nous avons également avec nous la fondatrice de l'organisme Hommage aux Femmes Militaires Canada, Mme Rosemary Park, capitaine de corvette à la retraite.
    Nous allons procéder à peu près dans cet ordre, si ce n'est que je vais permettre à Mme Wood de conclure.
    Nous allons commencer par vous, madame Riguidel. Vous avez environ cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire.
    J’ai longuement réfléchi à ce que j’allais dire aujourd’hui, car une telle occasion ne se présente pas souvent. Je sais que beaucoup d'entre vous, que ce soit dans le cadre d'autres témoignages ou dans les médias, ont entendu parler d’agressions, de violences et d’autres mauvais traitements infligés par un système qui n’était pas prêt à accueillir les femmes en 1988 et qui ne l’est toujours pas en 2023. Dois‑je parler de mes premières années — je me suis engagée à 17 ans — durant lesquelles j'ai été agressée et harcelée, et du point culminant atteint lorsque l’un de mes instructeurs, qui a fini par accéder au grade de colonel, m’a ordonné de lui faire une fellation? Dois‑je parler de la façon dont les hommes ont brisé les luminaires de la chambre d’hôtel où nous avions organisé une fête pour célébrer notre formation afin que nous ne sachions pas qui nous touchait et que nous soyons prisonnières dans le noir, ou du fait qu'à ma première nuit dans mon unité, hésitante et inquiète, on m'a mise à l'écart pour me remettre une lettre d'amour que m'avait écrite l'officier responsable du cours, ou de la façon dont j’ai essayé de tout oublier parce que l’armée pouvait assurer mon avenir financier, et ce, même après avoir reçu mon premier diagnostic de trouble de stress post-traumatique, après avoir commencé à prendre des médicaments pour m’aider à dormir et après avoir été violée par mon petit ami de l’époque, un membre de rang supérieur de l’unité?
    Je vais raconter une histoire qui, jusqu'à il y a quelques mois, faisait l'objet d'une interdiction de publication.
    À l’âge de 21 ans, j’ai suivi mon dernier cours en tant que militaire du rang. C’était à Kingston, et on venait de mettre en place des casernes mixtes. Le premier matin, lors de l'entraînement physique, mon sergent, le responsable du cours, m'a ordonné de courir à l'avant avec lui.
    La nuit, pendant que nous dormions, les poseurs de lignes escaladaient l'extérieur du bâtiment pour entrer dans notre chambre. Au milieu de la première semaine, j'ai dû acheter de nouveaux sous-vêtements, car quelqu'un m'avait volé tous ceux que j'avais pendant qu'ils étaient dans le sèche-linge.
    J’éprouvais des difficultés. L'année précédente, j’avais eu un accident de voiture et un ami de mes amis était mort dans mes bras. La première fois que mon nouveau petit ami et moi avons eu une relation sexuelle, j’étais tellement ivre que je ne pouvais pas tenir debout, encore moins donner mon consentement.
    Je suis allée à la salle d'examen médical et j’ai demandé à être renvoyée à la maison. Ils m'ont donné une journée de repos et m'ont dit de revenir le lendemain. Mon sergent est venu dans ma chambre pour me parler de mon désir de rentrer à la maison. Je lui ai tout raconté. Je lui ai parlé de toutes les difficultés que j'avais, de mon trouble de stress post-traumatique, des médicaments que je détestais prendre, tout. Il s'est montré gentil et compatissant, et il m'a encouragé à terminer ma formation. Il m'a dit que c'était important pour ma carrière. J'étais rassurée de savoir qu'il se souciait de moi.
    Après son départ, mes colocataires sont arrivés, tout excités, et m'ont dit que le sergent leur avait ordonné de « me sortir » ce soir‑là pour m'aider à me détendre. Je me suis dit: « Où est le mal? » Tous les participants du cours étaient de la partie et nous avons tous beaucoup bu. Nous passions un bon moment. Mon sergent s'est même présenté à la fin de la soirée et a dit à tout le monde qu'il allait veiller à ce que je rentre en toute sécurité. Je ne me souviens pas de la raison qu'il m'a donnée pour justifier le fait que nous devions d'abord passer par sa chambre. Je me souviens juste que j'avais seulement envie de dormir lorsqu'il a commencé à m'enlever certains de mes vêtements. J'étais tellement fatiguée que je n'arrêtais pas de fermer les yeux. J'ai dit que je voulais m'en aller et il m'a retenue.
    Encore une fois, il s'agissait de quelqu'un qui avait ma carrière entre ses mains, mais aussi, à plusieurs reprises, ma vie. J'étais extrêmement fatiguée et j'ai dit que je voulais m'en aller. J'étais à moitié nue quand je lui ai dit que je ne pouvais pas faire ça de toute façon parce que j'avais mes règles. Il m'a dit qu'il ne me croyait pas, mais qu'il allait vérifier, et que si c'était le cas, il allait me laisser partir. J'ai fermé les yeux pour qu'il puisse mettre ses doigts dans moi — le tampon, le sang. Il m'a laissée partir.
    Le lendemain, j'ai réalisé qu'à partir de là, je ne pouvais pas prétendre d'être trop stressée pour justifier mon départ. J'étais piégée. J'ai dû expliquer à ce même sergent que je restais. Il m'a souri, m'a dit que je n'avais pas l'air dans mon assiette, m'a rappelé de prendre un petit déjeuner équilibré et m'a fait un clin d'œil. J'avais encore trois semaines de cours à passer avec lui.
    Lorsque je suis rentrée à la maison, j'ai demandé un congé. J'avais besoin de digérer tout cela. Je savais que je ne pouvais plus venir au travail et voir tout le monde en uniforme: c'était trop difficile. Ma commis-cheffe, une femme, m'a dit de venir signer les papiers. Elle m'a prise à part et m'a dit que j'étais une salope, une pute et un fardeau administratif, et que je devais partir avant que l'on me mette à la porte. J'ai quitté les Forces armées canadiennes en janvier 1997.
    Je suis revenue en avril 2006. J'ai connu quelques années formidables, puis encore plus d'agressions, de harcèlements et de violences. Pas un jour ne passe sans que je voie les visages d’hommes et de femmes qui ont utilisé ma gentillesse, ma compassion et, souvent, ma propre douleur pour me maltraiter et me faire du mal.
    Que pouvons-nous changer? Depuis 2014, je me concentre sur la formation et l'éducation en matière de soutien aux personnes qui survivent à des agressions sexuelles.
    Le principal facteur qui fait qu'une personne aura ou n'aura pas d'effets à long terme est le soutien qu’elle reçoit quand elle dénonce l'incident pour la première fois. Ce qui compte, ce n'est ni le coupable ni les blessures subies. Ce qui compte, c'est ce qui se passera la première fois qu'elle aura le courage de dire que quelque chose de terrible lui est arrivé. La façon dont on réagit à ces révélations est déterminante pour le rétablissement de cette personne.
    En 2014, il n'existait pas de formation obligatoire sur la façon de soutenir une personne qui divulgue un traumatisme sexuel en milieu militaire, et il n'y en a toujours pas. Être victime d'un viol ne devrait pas vous coûter votre carrière.
    Ma fille et moi avons enfin quitté son père violent en 2017. Son âme porte des cicatrices que j'aurais pu prévenir si je n'avais pas été aussi accablée par ma propre douleur. L'une des dernières fois que j'ai vu cet homme, il m'a dit que j'aurais dû lui dire que j'avais été violée, alléguant qu'il ne m'aurait jamais épousée s'il avait su que j'étais brisée.
    Au printemps 2021, quatre survivantes se sont réunies pour créer cette entité que nous appelons le Survivor Perspectives Consulting Group. Au cours de ma dernière année en uniforme, j'ai formé près de 2 000 membres des Forces armées canadiennes sur la façon de soutenir les victimes et de reconnaître les signes avant-coureurs du comportement.
    Nous avons formé des militaires fraîchement recrutés et jusqu'à des généraux trois étoiles, et d'après le sondage que nous effectuons après la formation, 83 % des personnes formées ont dit qu'elles savaient dorénavant comment soutenir quelqu'un. À ce jour, 98 % des personnes formées affirment que cette formation devrait être donnée à l'échelle des Forces armées canadiennes.
    Au cours de ma dernière année en uniforme, j'ai reçu une mention élogieuse du chef d'état-major de la défense pour avoir créé ce programme et j'ai reçu une lettre de la lieutenante-générale Carignan m'informant que les dirigeants des Forces armées canadiennes ne voyaient aucun intérêt à institutionnaliser cette formation. Aucun des dirigeants du groupe Chef – Conduite professionnelle et culture ou du bureau du chef d'état-major de la défense n'a suivi cette formation.
(1545)
    Le 30 mars 2022, j'ai été libérée pour des raisons médicales, plus précisément pour un trouble de stress post-traumatique découlant d'un traumatisme sexuel en milieu militaire.
    Notre groupe s'est agrandi et continue d'offrir cette trousse de formation à tous ceux que nous pouvons atteindre. Nous cherchons à utiliser ce que nous savons, nos compétences et, oui, notre douleur pour, espérons‑le, apporter des changements aux Forces armées canadiennes. Or, nous nous butons sans arrêt à des obstacles. Nous ne comprenons pas pourquoi les dirigeants ne s'intéressent pas à une solution qui, de toute évidence, atteint sa cible. À ce jour, nous avons formé plus de 3 000 membres et nous continuons à nous développer. Pour ce qui est de l'avenir, nous avons déposé une demande de subvention pour le mieux-être des vétérans et nous avons bon espoir de l'obtenir.
    Quelle est la demande? Nous avons besoin de plus de programmes axés sur les femmes. Le programme Soutien social pour les blessures de stress opérationnel, le programme Sans limites et le programme Wounded Warriors ne sont pas conçus pour nous. Ils essaient de temps en temps d'organiser des programmes d'appoint, mais ils n'ont pas de retraites ou de traitements dédiés aux anciennes combattantes. Même de petites choses comme l'accès à un établissement qui offre des zones réservées où les femmes pourraient faire de la musculation seraient un grand pas en avant. Les instances dirigeantes de tous les domaines doivent cesser de travailler avec des prestataires de services qui n'ont pas les qualifications ou l'expertise nécessaires pour travailler dans ces domaines, car cela occasionne des maux et des blessures.
    En tant que prestataire de services, je dirais également que la procédure d'appel d'offres devrait donner la priorité aux entreprises appartenant à d'anciens combattants. À l'heure actuelle, lorsque vous êtes libérée pour des raisons médicales, vous êtes encouragée à suivre deux voies. La première consiste à trouver un emploi dès que possible. Lorsqu'on m'a libérée, on m'a carrément dit que j'étais tout à fait « employable ». J'ai 16 ans d'expérience comme officier des affaires publiques au sein des Forces armées canadiennes, mais je ne veux pas retourner à cette carrière au cours de laquelle j'ai été agressée et maltraitée. Ma seule autre option est de suivre des études et une formation pendant environ deux ans, ce qui, je l'espère, me permettra de faire autre chose.
    J'aimerais qu'une partie de l'argent destiné à la formation soit également accessible aux personnes qui ont créé leur propre entreprise. L'argent est déjà là. Il s'agit simplement de changer la manière dont nous pouvons y accéder. Aux États-Unis, un certain pourcentage de contrats doit être attribué chaque année à des entreprises appartenant à d'anciens combattants.
    Notre groupe fait tout en son possible pour permettre aux gens d'avoir une carrière valorisante au sortir de l'armée. Nous avons mis au point un outil puissant. Notre formation change les mentalités. Nous l'avons constaté plus de 3 000 fois. Nous sommes résolues à faire en sorte que les Forces armées canadiennes, la GRC, le gouvernement et le Canada soient plus forts et plus inclusifs. Nous ne comprenons pas pourquoi les Forces armées canadiennes semblent si déterminées à réduire nos efforts à néant, mais nous persistons, car leur tenir tête, ce n'est pas nouveau pour nous. Nous avons regardé dans les yeux des hommes et des femmes qui nous ont violées, harcelées et battues. Nous sommes blessées, mais pas brisées, et nous ne partirons pas.
    Je vous remercie.
(1550)
    Merci, madame Riguidel, de nous avoir fait part de votre expérience personnelle et de vos recommandations. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Douglas, du Fonds Purge LGBT.
    Madame Douglas, vous avez la parole.
    Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie sincèrement de votre invitation à témoigner aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par vous donner un peu de contexte.
    Je suis une femme vétéran. Je suis aussi une survivante de la purge LGBT du Canada.
    Le Musée canadien des droits de la personne parle de la purge LGBT comme de l'une des violations des droits de la personne les plus longues et les plus vastes contre un segment de la main-d'œuvre de l'histoire du Canada, et j'ajouterais la plus méconnue.
    Nous estimons qu'entre les années 1950 et 1990, environ 9 000 personnes — des membres de la communauté 2SLGBTQ dans l'armée canadienne, la GRC et la fonction publique fédérale — ont vu leur carrière freinée ou interrompue parce que leur orientation sexuelle ou leur identité de genre était considérée comme une menace pour le pays qu'elles avaient choisi de servir. Pendant la guerre froide et bien au‑delà, ce processus discriminatoire était souvent justifié par le risque pour la sécurité nationale, compte tenu de leur — de notre, de ma — prétendue faiblesse de caractère et de leur susceptibilité au chantage d'agents étrangers, malgré l'absence de toute preuve qu'une telle coercition n’a jamais eu lieu.
    La purge a brisé des vies et des carrières en causant des traumatismes psychologiques, des difficultés matérielles, des ruines financières, des actes d'automutilation et des suicides. Je comprends très bien cette période honteuse de l'histoire canadienne, car j'ai été victime de la purge dans l'armée en 1989.
    Je me suis enrôlée dans les Forces armées canadiennes en 1986. J'étais très honorée et fière de servir. Je voulais devenir policière militaire, et c'est ce que j'ai fait, en terminant première de ma classe dans la Branche de la police militaire. J'avais mon insigne et ma commission en tant que jeune sous-lieutenante, mais un jour, j'ai été affectée à l'Unité des enquêtes spéciales, l'unité même de la police militaire où j'avais été affectée lors de ma première affectation parce que j'étais sortie première de ma promotion et qu'ils voulaient me faire cet honneur. Cette unité était chargée de mener les enquêtes criminelles les plus graves, y compris le sabotage, la subversion, l'espionnage et les allégations d'homosexualité.
    Peu après mon entrée dans cette unité d'enquête spéciale, mon chef m'a convoquée dans son bureau. Il m'a dit que nous allions participer à une enquête à Ottawa en partant de la Base des Forces canadiennes de Toronto. Je l'ai suivi dans une voiture banalisée, un modèle K. J'étais habillée en civil. En arrivant près de l'aéroport, il s'est arrêté dans un hôtel, et j'ai été interrogée là sur mon orientation sexuelle pendant les deux jours qui ont suivi. Ce n'était que le début de mon interrogatoire sur mon orientation sexuelle.
    Plus tard, la police m'a emmenée en avion à Ottawa pour me faire passer un polygraphe sur mon orientation sexuelle. Alors que j'étais assise, attachée à la chaise du polygraphe, j'ai admis que j'étais tombée amoureuse d'une femme. J'ai découvert plus tard que les questions qu'on avait l'intention de me poser si j'avais continué le processus comprenaient cette première question très offensante: « Avais‑je déjà léché les parties intimes d'une autre femme? » Je suis tellement reconnaissante aujourd'hui qu'on ne m'ait pas posé cette question. Je suis sortie de cette expérience humiliée et honteuse. D'autres se sont fait poser des questions similaires, de nature très sexuelle.
    J'ai également été forcée de faire ma sortie du placard auprès de ma famille. On m'a donné 24 heures pour le faire, faute de quoi la police serait envoyée pour le faire à ma place. En fin de compte, malgré le fait d'avoir terminé première dans tous les cours que j'ai suivis dans l'armée, j'ai été licenciée.
    Ces expériences m'ont marquée à vie et ont marqué à vie les milliers d'autres personnes qui les ont vécues. Sur mon dossier de licenciement, il est mentionné « ne peut être employée avantageusement en raison de son homosexualité ». J'ai poursuivi l'armée pour ce traitement et, en 1992, c'est mon action en justice qui a officiellement mis fin à la politique de discrimination à l'encontre des personnes 2SLGBTQI qui servaient leur pays dans les Forces armées canadiennes.
    J'ai servi pendant trois ans seulement, mais je suis aujourd'hui une femme vétéran, et cela fait 30 ans que j'essaie, avec beaucoup d'autres, de rendre justice à ces survivants et vétérans oubliés. En 2018, un recours collectif a abouti à un règlement pour plus de 700 personnes qu'il a été possible de retracer et qui ont pu obtenir un peu de justice. Une justice différée est quand même parfois une justice.
(1555)
    Aujourd'hui, je travaille à plein temps aux efforts de réconciliation et de commémoration relatifs à cette période de l'histoire. Je travaille de près avec la communauté et je vois les répercussions sur elle, en particulier sur les femmes qui ont survécu à la purge. Ces femmes vétérans souffrent. En fait, la plupart des personnes que nous rencontrons ont des besoins très particuliers comme vétérans.
    Le lien de confiance avec leur employeur et leur pays a été brisé. Beaucoup de ces personnes ont été victimes de violences sexuelles. Nous savons également que beaucoup de celles qui font partie du recours collectif pour la purge faisaient également partie du recours collectif pour les traumatismes sexuels dans l'armée.
    Pensez à la honte et aux traumatismes profonds que ces personnes ont subis par la faute du gouvernement. Nous avons envers ce groupe de vétérans particulier un devoir de diligence, qui va au‑delà des règlements juridiques. La création du Bureau de la condition féminine et des vétérans LGBTQ2 au sein du ministère des Anciens Combattants est un très bon début.
    Nous avons besoin d'aide pour retrouver ces vétérans. Parfois, la honte les a poussés à retourner dans le placard. Nous savons que certains se sont suicidés. Nous savons que la honte était si profonde que beaucoup ne s'en sont jamais remis, mais nous voulons essayer de les retrouver parce que nous pensons pouvoir les aider. Les besoins qui ne peuvent être satisfaits par d'autres organismes de services sociaux — parce qu'ils ne savent tout simplement pas ce qui s'est passé — peuvent l'être par des organismes adaptés, notamment le Bureau de la condition féminine et des vétérans LGBTQ2.
    L'éducation joue un rôle crucial. Il ne faut pas qu'une personne qui appelle enfin pour la première fois afin d'obtenir de l'aide d'Anciens Combattants Canada se fasse dire qu'il est impossible de penser qu'une telle histoire puisse s'être produite au Canada. La personne est alors rejetée à nouveau, et c'est la dernière fois que nous la voyons.
    Les femmes vétérans transgenres sont particulièrement vulnérables. Nous devons être là pour elles. Nous ne pouvons pas les ignorer et nous devons — comme nous le faisons pour tous les vétérans — les honorer, les soutenir et les respecter. Le groupe de survivants vieillit. Certains sont en colère. Ils ne savent plus à qui faire confiance.
    Nous constatons également une augmentation de la toxicomanie, du nombre de sans-abri, de la précarité de la vie familiale et de la misère chez les personnes âgées. Il s'agit là, bien sûr, des conséquences des traumatismes, de la souffrance et de la trahison du gouvernement.
    Je suis ici pour parler, je l'espère, de l'élimination des obstacles et des barrières afin de permettre à ce groupe de vétérans d'accéder aux services dont ils ont besoin, car nous ne leur devons rien de moins. Je serais heureuse de vous parler plus en détail des femmes extraordinaires et de tous ceux qui ont survécu à la purge, et de la façon dont le Comité pourrait répondre à leurs besoins.
    En terminant, je veux rendre hommage à ces femmes, ces survivantes extraordinaires qui ont servi leur pays de manière si héroïque, et à ma collègue, la lieutenante-colonelle Cathy Potts, qui s'est jointe à moi aujourd'hui.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre témoignage et du courage dont vous faites preuve en nous parlant de votre expérience personnelle.
    Nous passons maintenant à Mme Rosemary Park, fondatrice de l'organisme Hommage aux Femmes Militaires Canada.
    Vous avez la parole.
(1600)
    Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité et à mes collègues.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant ce comité dans le cadre de son étude sur les expériences vécues par les femmes vétérans. Je crois comprendre qu'il s'agit de la première étude sur le sujet menée par le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes, toutes législations confondues. Si c'est bien le cas, je vous en félicite et vous remercie.
    Je salue l'imposant travail que vous entreprenez. Je crois que l'on pourrait difficilement inclure davantage dans les questions et expériences que cette étude tente d'approfondir afin de comprendre ce que représente le choix de servir le Canada pour les femmes.
    Dans le cadre de ma déclaration liminaire, j'aimerais en tout respect soumettre une question parallèle au thème de la journée, soit le recrutement et la vie dans les forces armées: que signifie pour le pays le choix que font les femmes de servir le Canada?
    Quelle source de talents extraordinaire représentent les femmes militaires et qu'offrent-elles à titre de cohorte unique au service de la démocratie, de la défense et de la sécurité, de la société civile et du développement économique du Canada, et maintenant de ses exigences stratégiques en matière d'adaptation à l'environnement?
    Inversement, quelles sont les conséquences de l'incapacité des Forces armées canadiennes d'évaluer cette occasion et de la saisir en 55 ans, et de leur choix répété de ne pas adopter de plan stratégique visant expressément l'optimisation et la valorisation de l'inclusion des femmes militaires en 55 ans?
    Tout cela est éloquent. À mon avis, c'est illustré par les témoignages que vous entendez.
    Le 13 décembre 2021, les excuses officielles de la ministre de la Défense nationale, de la sous-ministre et du chef d'état-major de la défense dans la foulée du recours collectif de 850 millions de dollars contre les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale pour inconduite sexuelle ne comportaient aucune mention des femmes militaires, des hommes ou des femmes. Pas une. On a bien mentionné la communauté LGBTQ, mais pas une seule fois les femmes.
    Sur quoi dépensent-ils 850 millions de dollars? Pardonnez-moi. Il y a 50 millions de dollars là‑dessus destinés aux hommes.
    Nous sommes une force invisible. Quel gâchis! Quelle occasion ratée par le Canada!
    Les quatre diapositives PowerPoint que j'ai remises à la greffière du Comité à votre intention représentent ma brève illustration des difficultés et des résultats clés, que je signale depuis 51 ans maintenant, en matière de compréhension de l'inclusion des femmes militaires aux Forces armées canadiennes et des femmes vétérans dans la société canadienne en général, puis des mesures à prendre en ce sens.
    La notice biographique d'une page que j'ai soumise à la greffière du Comité décrit une partie de ces efforts à titre de chercheuse militaire dans le cadre de mes activités nationales, provinciales et communautaires comme fondatrice d’Hommage aux Femmes Militaires, aujourd'hui une association militaire par procuration visant à connaître, à honorer, à soigner les femmes militaires au Canada et à renforcer leur contribution, puisqu'il n'y en a pas d'autres. Depuis cinq ans, je suis également gestionnaire du projet du portail Hommage aux Femmes Militaires du Centre de politique internationale et de défense de l’Université Queen’s.
    Un autre des documents que j'ai remis à la greffière décrit les 34 projets entrepris par Hommage aux Femmes Militaires et l'Université Queen's depuis 2017, projets qui visent la résolution de problèmes précis. Globalement, ces projets décrivent les lacunes que nous avons cernées et les mesures correctives que nous avons mises en œuvre relativement aux moyens scientifiques, à la tenue de dossiers des FAC, à l'inclusion et à la valorisation des femmes militaires, à la commémoration et à la célébration du service militaire des femmes, et à la réponse des services communautaires.
    Je ne serais pas surprise que les quatre thèmes choisis par le Comité, qui vont de la santé physique et mentale des femmes aux initiatives développées dans les pays alliés, mettent l'accent sur la mise en œuvre des meilleures mesures de soutien possible pour les femmes vétérans et mènent à des recommandations à cet effet. Je m'attends à ce que les recommandations visent à soutenir les femmes vétérans en tant que personnes, mais aussi à assurer le bien-être de chacune. Ce sont des visées louables. Je ne peux qu'exhorter les membres du Comité, en tant que représentants élus, à réfléchir à la façon dont leurs recommandations peuvent avoir une plus grande valeur stratégique et un plus grand impact.
    Il s'agit d'un problème canadien. Il faut agir pour le Canada. Quel gâchis!
(1605)
    Merci.
    La dernière déclaration liminaire est celle de Mme Wood.
    Vous avez environ cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président, et bonjour à tous.
    Je souhaite d'abord remercier le Comité de reconnaître les différences propres au sexe ou au genre qui peuvent entraîner des effets inéquitables sur la santé des femmes militaires et vétérans, qui forment un groupe unique, puis de s'y pencher. On a déjà souligné que cette étude s'est longtemps fait attendre, et je suis emballée d'être des vôtres aujourd'hui.
    Monsieur le président, j'ai joint les forces armées à 31 ans. J'étais au sommet de ma forme, tant physique que mentale. Même si j'étais la plus petite membre de mon peloton, j'ai porté le même sac à dos contenant le même équipement qu'un homme de grande taille. Après 15 semaines éreintantes, je suis partie de Saint-Jean avec ma commission d'officière, ainsi qu'avec des fractures de fatigue et une fasciite plantaire aux deux pieds. J'ai eu besoin de cinq mois de physiothérapie pour m'en remettre. Je crois que la majorité des Canadiens, et peut-être vous aussi, seraient choqués d'apprendre que, à ce jour, mes pieds ont coûté à eux seuls près de 50 000 $ en traitements et compensations à Anciens Combattants Canada. J'estime que c'est un montant ridicule pour un problème qui peut être prévenu.
    Plus grave que les dommages à mes pieds, l'équipement mal ajusté a aussi, au mieux, aggravé ou, au pire, causé l'affaiblissement de mon plancher pelvien, ce qui a mené à de graves problèmes de reproduction. J'ai eu des grossesses à haut risque, une fausse-couche, un accouchement prématuré, une descente de vessie, sans compter le stress constant et l'incontinence fécale. J'ai 44 ans, et je dois souvent porter un sous-vêtement jetable pour adultes, car une crise de panique ou un cauchemar peuvent provoquer des fuites accidentelles.
    Vous dire tout cela peut être extrêmement humiliant pour moi. C'est dur, mais je crois qu'il est important que tout le monde comprenne quels sont les coûts réels pour des gens comme moi quand notre système continue de rendre les questions propres aux femmes invisibles. Le mot « invisible » sonne juste pour beaucoup d'entre nous, je crois. J'estime que mon expérience est invisible pour Anciens Combattants Canada. Mes blessures sont invisibles.
    Nous savons que les femmes militaires sont disproportionnellement visées par l'inconduite sexuelle, le harcèlement sexuel, la violence sexuelle, la discrimination fondée sur le genre et l'abus de pouvoir. J'ai vécu toute la gamme des inconduites sexuelles au cours des 18 premiers mois de mon service. L'agression sexuelle que j'ai subie 18 mois après mon arrivée a été de loin la plus dommageable de ces expériences, et j'ai depuis développé des troubles de stress post-traumatique.
    Dans mon cas, les troubles de stress post-traumatique se manifestent physiquement. C'est somatique. Je crois que c'est quelque chose qui est particulièrement vrai chez les femmes, comparativement aux hommes. C'est quelque chose qui ne figure pas dans ce document si important qu'est la Table des invalidités d'Anciens Combattants Canada. La souffrance mentale cause de la souffrance physique. Pensez par exemple à quelqu'un atteint d'arthrite lombaire. Il est sédentaire. Il peut devenir isolé, puis peut-être déprimé ou anxieux. C'est logique pour nous tous. L'inverse est également vrai. Si quelqu'un de déprimé ou d'anxieux devient sédentaire et isolé, son corps se déglingue. C'est exactement ce qui m'est arrivé.
(1610)
    Bref, on m'a diagnostiqué 10, plus de 10, maladies physiques distinctes depuis mon agression, maladies qui vont demander un suivi et un traitement jusqu'à la fin de mes jours. Il y a entre autres le syndrome des jambes sans repos, le diabète de type 1, qui est sorti de nulle part à 36 ans, les migraines chroniques, la fibromyalgie, l'infection transmise sexuellement, des problèmes de plancher pelvien et de reproduction, la dysfonction sexuelle, des douleurs dans le bas du dos, l'arthrite au niveau du cou, la sensibilité extrême aux sons et à la lumière, l'apnée du sommeil et l'acouphène. Ce ne sont là que les répercussions physiques, toutes directement liées au fait que je suis en état d'hypervigilance depuis 12 ans.
    Je n'ai pas fait de réclamations à Anciens Combattants Canada pour tous ces troubles parce que, comme je l'ai dit, j'ai l'impression que le ministère ne peut pas me voir, ni moi ni mes déficiences. Il ne les admet pas comme liées à mon service. C'est une perte de temps et d'énergie pour moi, mais ma santé continue de se dégrader parce que ces troubles ne sont pas traités. Chaque demande de prestation que j'ai faite pour un trouble physique, outre pour mes pieds, ce qui était évident, a été rejetée d'emblée et j'ai dû interjeter appel.
    J'ai conscience que le temps file, monsieur le président. J'aimerais parler au Comité de diverses façons d'aller de l'avant. J'aimerais parler de la création de comités consultatifs externes. Je souhaite joindre ma voix au nombre croissant d'appels pour qu'Anciens Combattants Canada publie son rapport sur l'analyse comparative entre les sexes, que nous attendons toujours. J'aimerais que le ministère rende public l'accès à ses recherches financées par les Canadiens. J'aimerais que ce comité recommande la création d'un système global de soins médicaux qui répond aux besoins des femmes. Je fais ici référence tant aux soins ambulatoires qu'aux hospitalisations. Je parle de cela depuis sept ans, mais je serai heureuse de continuer à le faire, car, un jour, nous en ferons une réalité.
    Je pourrais vous en dire tellement plus, mais je vais m'arrêter ici. Je suis ouverte à vos questions, même si vous n'êtes pas à l'aise de les poser. Nous ne pouvons pas changer ce que nous ne pouvons pas nommer. Nous ne pouvons pas être timides à cet égard, donc je vous exhorte à faire des recommandations musclées à Anciens Combattants Canada en vous fondant sur nos témoignages et sur ceux qui suivront afin que le ministère fasse désormais preuve de transparence et d'ouverture, puis qu'il puisse répondre aux besoins propres aux femmes militaires et vétérans comme moi, car je ne veux pas que qui que ce soit d'autre vive ce que j'ai vécu.
    Merci de me recevoir.
    Merci. Je ne peux qu'imaginer à quel point cela a été difficile pour vous de nous communiquer certaines de vos expériences personnelles.
    Comme nous venons de conclure les déclarations liminaires, je souhaite toutes vous remercier une fois de plus pour le courage dont vous faites preuve en nous communiquant vos expériences. Je sais que tout cela nous sera extrêmement utile dans le cadre du travail que nous faisons.
    Merci d'accepter de nous faire part de vos expériences et d'avoir le courage de le faire.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour d'interventions. J'informe les témoins qu'il s'agit d'interventions préalablement convenues.
    Commençons par Mme Blaney.
(1615)
    Il me semble que vous avez dit que nous prendrions une brève pause après cela, donc j'aimerais confirmer.
    J'avais l'intention de tenir le premier tour d'interventions, puis de donner l'occasion à tout le monde de prendre une petite pause, à moins que nos témoins... Êtes-vous à l'aise avec un premier tour d'interventions? Est‑ce que cela vous convient?
    Nous pouvons prendre la pause maintenant. C'est bon. Je peux le comprendre.
    Ne vous excusez pas, je vous en prie. Nous comprenons que c'est nécessaire, donc nous allons prendre une pause de trois à cinq minutes, puis nous reprendrons avec les questions des membres.
    La séance est suspendue.
(1615)

(1620)
    Commençons par un premier tour d'interventions des membres.
    J'avise les témoins que nous allons procéder comme suit: chaque membre aura l'occasion de poser des questions en fonction de l'ordre préétabli des partis. À des fins d'équité, les membres sont limités à un laps de temps bien précis. Au cours du premier tour, chaque membre a droit à six minutes.
    Évidemment, je les incite à bien utiliser leur temps afin de vous permettre de répondre à leurs questions. Je vais tenter de faire preuve d'un peu de souplesse si vous avez besoin de quelques secondes supplémentaires pour fournir le reste de l'information nécessaire à une réponse complète, mais nous allons faire de notre mieux pour respecter le temps prévu.
    Lançons le premier tour avec Karen Vecchio, pendant six minutes.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier Mmes Riguidel, Park, Douglas et Wood d'être des nôtres aujourd'hui et de partager leurs histoires avec nous.
    J'ai beaucoup de chance, car je siège au comité de la condition féminine, où nous avons publié des rapports sur le sujet, dans le cadre de notre étude sur les Forces armées canadiennes.
    C'est ainsi que je vous ai rencontrée, madame Douglas. Il était question du Fonds Purge LGBT, de son importance, de l'expérience dans les forces armées et des questions de sexualité au sein de celles‑ci.
    Madame Wood, je vais commencer par vous, si vous le voulez bien.
    Je ne peux qu'imaginer à quel point c'est difficile. Quand nous parlons de choses simples comme un obstétricien-gynécologue qui pourrait être là à titre de médecin pour vous, quels types de médecins reçoivent les gens, plus particulièrement les femmes, dans les Forces armées canadiennes? Y a‑t‑il des obstétriciens-gynécologues? Y a‑t‑il des gens qui connaissent le corps des femmes, de même que d'autres médecins?
(1625)
    Je présume que non. Je n'ai jamais vu d'obstétricien-gynécologue après l'agression, et je n'ai qu'un médecin de famille depuis que j'ai été libérée. En fait, je viens de perdre mon médecin de famille. Son cabinet est maintenant fermé. C'est une grave préoccupation pour moi. Je ne sais pas comment obtenir une recommandation pour une consultation. Mon état de santé est si complexe. Je dois consulter beaucoup de spécialistes. J'ai besoin d'un médecin de famille pour que tout soit centralisé.
    Peut-être qu'une des autres... Madame Riguidel, avez-vous une meilleure idée de la dotation des forces armées?
    Oui, simplement parce que j'ai été libérée il y a environ un an.
    Je peux vous dire que, à mon dernier examen gynécologique, on m'a recommandé à un gynécologue à l'extérieur de l'armée. Non, il n'y a pas de spécialiste au sein de l'armée, du moins pas là où j'ai séjourné. Je suis passée par Winnipeg, Edmonton, puis Ottawa. Nous étions aiguillées vers des praticiens de l'extérieur.
    Je suis dans la même situation que Mme Wood depuis que j'ai été libérée, cela dit. Je n'ai pas de médecin de famille, donc je dois me présenter aux cliniques éphémères pour un test Pap, ce genre de choses, simplement pour remédier à ce manque.
    Quand nous nous penchons sur le bien-être global de la femme qui oeuvre au sein des Forces armées canadiennes, c'est très important.
    Vous avez parlé d'endométriose et de toutes ces autres choses qui se produisent, donc il est important que les femmes reçoivent les soins d'un obstétricien-gynécologue.
    Je souhaite rapidement ajouter quelque chose: la dernière fois que j'ai vérifié, la majorité des bases, y compris les plus isolées, n'avaient pas d'examen consécutif à une agression sexuelle. C'est à la survivante de se rendre dans un grand centre pour en obtenir un.
    Il n'y a pas de trousse de prélèvement en cas de viol. Rien du genre.
    Non, et personne n'est formé pour les administrer. Là encore, cela incluait, la dernière fois que j'ai vérifié, les navires et les déploiements en milieu isolé.
    L'une des recommandations faites après notre dernière étude était de veiller à ce qu'il n'y ait pas de conséquences négatives pour les personnes qui se manifestent.
    Avez-vous entendu parler de tout changement apporté au sein des Forces armées canadiennes pour protéger les victimes?
    Il n'y a pas de norme générale. Il y a encore tant de lacunes à cet égard et tant de personnes qui subissent des répercussions négatives après s'être manifestées, que ce soit officiellement ou, le plus souvent, officieusement. Certaines personnes sont désemparées, ne sachant pas ce qui adviendra de leur dossier ou de renseignements de ce genre. Oui, c'est vraiment toutes sortes de situations.
    Quelqu'un d'autre a‑t‑il...?
    Oui. Je me souviens — à la suite de la lecture d'un article datant de 2018 — qu'une équipe s'est rendue en Lettonie pour effectuer une analyse comparative entre les sexes par rapport à la région. Elle a constaté qu'une seule personne était en mesure d'utiliser une trousse de prélèvement en cas de viol, et c'était un homme.
    Ma question est la suivante. Que se passe‑t‑il si cet homme est le violeur? Que faites-vous à ce moment‑là?
    Merci beaucoup. Je pense que cela va tellement dans le sens de ce dont Mme Riguidel a parlé — quand la personne dont vous relevez est aux commandes et que c'est la personne qui vous a agressée sexuellement, harcelée, etc.
    Lorsque vous déposez une plainte pour inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes et qu'il s'agit de généraux ou de personnes portant le drapeau, prennent-ils des mesures de suspension au cours de l'enquête? Y a‑t‑il eu des suspensions de ces agresseurs potentiels ou présumés?
    Compte tenu de ce qui est arrivé au général Fortin, je sais que nous pouvons dire qu'ils les retirent assurément de certains endroits, mais, bien sûr, ils sont maintenant poursuivis en justice pour l'avoir fait.
    Il y a tellement de choses à décortiquer en ce moment, n'est‑ce pas? À partir du moment où vous êtes dans les Forces armées canadiennes, où vous êtes parfois traité comme un être humain, nous savons qu'on vous dit tout le temps ce que vous devez faire. Ensuite, si nous ne faisons pas la distinction entre les hommes et les femmes, si vous ne recevez pas les soins appropriés, si vous ne bénéficiez pas de toutes ces choses, personne n'est là pour assurer vos arrières, alors quand vous êtes...
    Je suis désolée. Je suis sidérée, parce que quand je vous regarde, madame Wood, je suis tellement désolée que vous ayez été traitée de cette façon. Il m'est même difficile de poser des questions.
    Comment, nous les membres du Comité, avons-nous pu nous fourvoyer? Comment avons-nous pu vous laisser finir là où vous en êtes? Vous n'avez que quelques années de moins que moi. Comment est‑ce arrivé? Vraiment, je n'ai pas de question à vous poser. J'ai plutôt une observation à formuler.
    Nous pouvons faire mieux. Je crois que les recommandations que vous présentez sont extrêmement importantes. Nous savons quel traumatisme les femmes subissent lorsqu'elles sont agressées sexuellement. Nous savons que la guérison exige des décennies. Si nous ne nous attaquons pas immédiatement au problème, nous ferons face à la situation que vous définissez aujourd'hui.
    Je vous remercie infiniment.
    Je vais céder le temps qu'il me reste. Merci.
(1630)
    Puis‑je aborder brièvement un sujet? Comme je l'ai indiqué précédemment, je peux vous dire que la première intervention et le soutien revêtent une grande importance au cours de la divulgation. À la suite de l'une de mes agressions sexuelles, ma chaîne de commandement a demandé à mon aumônier de venir me parler. Les aumôniers sont considérés comme des fournisseurs de services, et ils sont en mesure de fournir des conseils.
    En ce qui concerne sa réaction lorsque je lui ai annoncé la nouvelle, il m'a demandé comment les choses se passaient. Je participais à un exercice quand c'est arrivé, et l'exercice n'était toujours pas terminé à ce moment‑là. Je lui ai dit que je faisais de très mauvais rêves. Il m'a demandé si j'étais sûre de ne pas avoir été sexuellement excitée par toute cette expérience.
    Voilà l'expert qu'on m'avait envoyé.
    Souhaitiez-vous ajouter quelque chose, madame Park? Si vous le voulez, vous pouvez le faire brièvement.
    Merci, monsieur le président.
    Dans les exemples que nous citons, je sais qu'il y a deux aspects caractéristiques. Le premier, c'est que, en tant que femmes vétérans, nous ne savons pas ce qui se passe. En ce qui concerne la communication d'information, il y a beaucoup de travail réalisé, mais nous ne sommes pas informées des changements qu'ils tentent d'apporter.
    Je vous remercie de votre réponse. Nous allons maintenant passer à notre prochaine série de questions.
    Madame Rechie Valdez, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur courage et de leur honnêteté. En fin de compte, j'estime que vos témoignages auront un effet bénéfique dans le cadre de cette importante étude. Je vous remercie sincèrement de votre service. Je vous en suis reconnaissante.
    Par votre intermédiaire, monsieur le président, j'adresserai mes questions à Christine Wood.
    Madame Vecchio, je vais tenter de décortiquer les choses. Allons‑y.
    Madame Wood, au cours de votre témoignage, vous avez donné plusieurs exemples de cas qui ont nui à votre santé physique. Lorsque vous avez cherché à obtenir une aide médicale auprès d'ACC, pourriez-vous nous expliquer comment s'est déroulée cette expérience?
    Voulez-vous dire l'aide que j'ai reçue d'ACC?
    Mme Rechie Valdez: Oui.
    Mme Christine Wood: La tâche de faire approuver quoi que ce soit est un combat. Le principal problème de santé qu'ACC reconnaît est le trouble de stress post-traumatique, et parce qu'il ne reconnaît pas les maladies physiques qui découlent de ce trouble, en particulier chez les femmes, on m'a refusé les services d'un physiothérapeute ou d'un chiropraticien, ou... Ils sont autorisés à soigner mes pieds, mais ils n'ont pas le droit de toucher à d'autres parties de mon corps. Ma demande d'indemnisation pour mes pieds a été acceptée.
    Cela fait des mois que je n'ai pas de nouvelles de mon gestionnaire de cas, alors qu'il m'avait dit qu'il me rappellerait. Je n'ai pas reçu beaucoup d'aide. Je dirais que la plupart de mes ressources proviennent de l'aide de mon médecin de famille ou d'amis qui ont été en mesure de me recommander des endroits où obtenir des soins. Si vous consultez mon dossier d'ACC en ligne, vous constaterez que mes demandes de réadaptation et d'assistance professionnelle pour des lésions musculo-squelettiques, des douleurs ou d'autres problèmes ont été refusées à répétition. Elles sont tout simplement rejetées.
    Je ne sais pas exactement à quoi ressemble le portail, mais lorsque vous soumettez une demande d'indemnisation, je suis sûre que vous joignez des radiographies ou d'autres documents pertinents, mais même après cela, vos demandes seront refusées. Je veux juste confirmer que c'est bien le cas.
    Oui, c'est tout à fait vrai.
    Prenons l'exemple de mes migraines. Une migraine a provoqué une petite tache aveugle dans mon œil gauche. J'ai les documents que m'ont donnés les ophtalmologues que j'ai dû consulter par la suite pour m'assurer que la tache ne grandissait pas ou qu'elle n'avait pas disparu. Cette tache est toujours là. Elle est permanente. Ils refuseraient ces demandes même si elles étaient accompagnées de ces renseignements ou des dossiers de visites à l'hôpital en vue d'obtenir un traitement pour soigner une migraine qui a duré trois jours aux urgences.
    Je pense presque que c'est leur pratique. Je ne veux pas être trop sceptique, mais après tant d'années, je ne peux pas m'en empêcher. Est‑ce qu'ils refusent purement et simplement la plupart des demandes en espérant que vous ne ferez pas appel? La plupart des femmes et des hommes vétérans que je connais considèrent ACC comme la compagnie d'assurance la plus mesquine du Canada.
(1635)
    Vous mentionnez la création de comités consultatifs externes comme l'une de vos recommandations. J'espérais que vous pourriez développer cette idée et expliquer en quoi ces comités seraient utiles.
    Je serais heureuse de le faire, car je siège au conseil consultatif externe du Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle, avec des experts en la matière tels que des juges et des professeurs. Ce sont des experts dans le domaine des traumatismes sexuels. J'ai pu constater par moi-même les avantages de ce type de conseils consultatifs et les conseils qu'il peut donner à une organisation. J'aimerais qu'un conseil consultatif externe, semblable aux CSRIS, soit créé pour ACC, afin que nous puissions faire appel à des experts en la matière externes et à des personnes ayant une expérience vécue pour contribuer à guider ACC dans sa politique.
    J'aimerais voir la création d'un conseil consultatif externe pour les femmes vétéranes, un conseil qui est composé principalement de femmes vétéranes et a la possibilité de dialoguer avec ACC à ce niveau afin de formuler des commentaires et de faire en sorte que les programmes, les ressources et les services qu'ils conçoivent répondent réellement à nos besoins. Lorsque des programmes et d'autres éléments sont conçus sans cela, c'est un gaspillage d'argent et ce n'est qu'une solution de fortune.
    Le fait d'intégrer cette participation externe fonctionne. J'en ai été témoin.
    ACC est très insulaire. Le ministère ne discute pas vraiment avec les Forces. C'est un autre groupe. J'aimerais que des femmes militaires et des femmes vétéranes se réunissent, et que des employés des deux camps soient invités à participer aux discussions. Nous agissons comme si les Forces et ACC étaient deux entités distinctes, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un seul et même système, qui fonctionne dans les deux sens.
    Oui, ces conseils externes sont inestimables. Il existe des personnes très intelligentes qui ont beaucoup à apporter, et elles veulent le faire, parce qu'elles se sentent concernées.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Desilets, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames, vos témoignages sont très touchants et vous faites preuve d'un courage extraordinaire. Je ne m'attendais pas à cela, aujourd'hui. Je suis l'une des deux personnes qui ont proposé ce thème comme sujet d'étude, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi touchant. En vous écoutant, tantôt, j'avais un sentiment de honte, en tant qu’homme. C'est bête, n'est-ce pas? Cela va sûrement passer, mais c'est le sentiment que j'ai.
    Certaines d'entre vous connaissent bien le fonctionnement d'un tel comité, mais vous avez un grand pouvoir, qui réside surtout dans les recommandations qui seront faites. Je vous demanderai bientôt de nous dire, à tour de rôle, quelles seraient les deux recommandations que vous souhaiteriez inclure dans notre rapport, si vous étiez à notre place. Vous êtes toutes les quatre des agents de changement, en quelque sorte, tandis que nous ne sommes que de pauvres députés à ce comité. Nous venons ici avec beaucoup de joie et d'espoir pour changer les choses, peu importe notre allégeance politique.
    Madame Park, vous avez rédigé de nombreux articles et votre CV...
(1640)
     Excusez-moi.
    Entendez-vous l'interprétation?

[Traduction]

    J'entends seulement les interventions en anglais.

[Français]

    Voilà. Vous avez trouvé le bon bouton.
    J'ai suivi un cours intensif, mais c'était il y a 36 ans.
    Nous avons l'interprétation, maintenant. Nous sommes dans un pays supposément bilingue.
    Madame Park, vous avez rédigé beaucoup d'articles et votre CV est vraiment impressionnant. Selon les études et les lectures que vous avez faites, y a-t-il des pays exemplaires qui ont des pratiques dont nous pourrions nous inspirer lorsqu'il est question d'inconduite sexuelle?
    Sans vouloir minimiser cette réalité, loin de là, j'imagine que le problème existe dans les armées de tous les pays. Il y a du machisme dans ce type d'organisations. Y a-t-il des pays qui se sont attardés à ce problème et qui se sont dit que l'inconduite sexuelle était inacceptable?
    Depuis un an ou deux, on a l'impression de voir émerger un certain mouvement, ici au Canada, depuis l'arrivée de la nouvelle ministre. Elle voudrait prendre un peu plus de place.
    Selon vous, où, dans le monde, fait-on quelque chose d'intelligent?
    C'est une bonne question.
    Vous pouvez répondre en anglais, si c'est votre langue, madame Park.

[Traduction]

    Si je puis me permettre, ce que nous voyons dans d'autres pays, ce sont des femmes vétérans qui agissent et s'organisent pour s'affirmer non pas en tant que personnes et voix morales qui existent ici, mais en tant que contre-attaquantes coordonnées. Donc, dans d'autres pays, nous observons la participation des femmes elles-mêmes. Nous avions mobilisé des femmes dans le cadre du recours collectif, mais elles sont beaucoup plus impliquées là‑bas, et je dirais que c'est particulièrement le cas aux États-Unis.
    Demandez aux militaires...

[Français]

    Y a-t-il des ministères de la défense, ailleurs, qui sont proactifs à cet égard?
    Puis-je prendre la parole un petit moment?
    Je vous laisse la parole, madame Riguidel.
    Ce n'est pas un problème propre au monde militaire, c'est un problème propre aux humains. Chaque solution que les gouvernements et les militaires essaient de fournir...

[Traduction]

    Chaque fois que nous essayons de résoudre ce problème au moyen d'une solution militaire, nous échouons, car il ne s'agit pas d'un problème militaire. Nous ne pouvons pas nous débarrasser de ce problème par la discipline. Nous ne pouvons pas punir les militaires pour le faire disparaître. Toutes les armées intégrées du monde affrontent ce problème. Nous échouons tous à le régler parce que nous ne sommes pas passés à une approche qui est axée sur les survivantes et qui tient compte des traumatismes. Nous ne sommes pas parvenus au point où, au lieu de nous précipiter pour régler la façon d'arrêter et d'inculper l'agresseur à l'aide du système de justice pénale — qui, reconnaissons‑le, échoue et n'est pas conçu pour être vraiment efficace —, nous passons immédiatement à la manière de soutenir la survivante pour la mettre sur la voie de la guérison, pour la mettre sur la voie de la reprise du service en bonne santé mentale — si c'est ce qu'elle veut — ou pour la mettre sur la voie d'un retour à la vie civile avec, là encore, un soutien mental et le sentiment que nous défendons ses intérêts. Comment pouvons-nous parvenir à le faire?
    Lorsque nous nous attellerons à cette tâche, les choses commenceront à bouger. Si nous échouons, c'est parce que nous ne faisons pas cela et que nous lançons également des systèmes de formation qui n'ont pas de sens.
    Celui...

[Français]

    Je suis désolé de vous interrompre.
    Personnellement, ce qui me préoccupe énormément, c'est la question de la culture et du changement de culture. Cette culture existe partout sur la planète. Je le comprends. Or, il me semble qu'au Québec et au Canada, on démontre une certaine sensibilité. Le Canada est un grand pays. Il sait faire preuve de beaucoup d'humanité, et il a l'occasion de le faire.
    Quelles sont vos observations là-dessus, madame Riguidel?
    Le temps de parole de M. Desilets est écoulé, mais vous pouvez répondre quand même, madame Riguidel.

[Traduction]

    D'accord. Je crois qu'en tant que militaires et Canadiens, nous avons l'occasion de devenir les chefs de file dans ce domaine et d'en arriver au point où d'autres militaires dans d'autres pays viendront demander: « Mince, comment les Canadiens ont-ils fait ça? » Pour ce faire, nous devons mettre en place une formation qui a du sens — nous ne pouvons donc pas nous contenter de cliquer sur un site Web. Nous devons participer, discuter et modifier le sens moral des gens, parce que nous devons en arriver au point où, en tant que militaires, nous pouvons continuer de nous employer à être de meilleurs guerriers que nos ennemis — ce qui est, soyons honnêtes, un travail inapproprié —, mais en le faisant avec professionnalisme et respect. C'est à cet égard que nous nous sommes écartés de notre ligne de conduite.
    La seule façon d'y revenir est de s'adresser à l'être humain qui porte l'uniforme, et pas seulement à l'uniforme.
    Merci.
(1645)
    Fort bien. Merci.
    Notre prochaine intervenante sera Mme Blaney qui prendra la parole pendant les six prochaines minutes.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier toutes de votre présence aujourd'hui. Je vous remercie également de votre service.
    Je suis vraiment triste et déçue que nous vivions encore dans un pays et dans un monde où nous devons demander aux gens de venir exposer leurs blessures devant nous. Je tiens à dire qu'une partie de notre travail consiste à écouter, mais qu'une plus grande partie de notre travail consiste à croire. Je tiens donc à dire que je crois fermement aux témoignages que vous avez apportés aujourd'hui, et je suis très honorée que vous ayez occupé ce créneau et que vous soyez avec nous aujourd'hui pour parler de ce sujet.
    Ce qui m'a vraiment marquée, c'est le nombre de fois où j'ai entendu le mot « invisible » dans les témoignages d'aujourd'hui, et le fait que nous ayons un système qui semble rendre constamment invisibles les réalités des femmes. Cette incidence se fait particulièrement sentir dans le service de nos forces armées.
    J'adresse à vous toutes la première question que je vais poser, mais je commencerai par donner la parole à Mme Riguidel. L'un des commentaires que j'ai entendus à maintes reprises, c'est que lorsque vous visitez les bureaux d'ACC, c'est comme si vous deviez prouver tout ce qui vous est arrivé, afin qu'après coup, ils vous accordent des traitements à ACC. S'ils ne vous croient pas, ce qui nous ramène à ce que j'ai déclaré au début, votre tâche est très difficile. La demande est refusée, et vous devez alors faire appel à plusieurs reprises. Je me demandais si vous pouviez nous parler de votre expérience à cet égard, de l'incidence que cela a eue sur vous et de vos recommandations pour changer la situation.
    Je pense que l'un des principaux changements qui ont été apportés — et cela s'est produit après le recours collectif — a été la mise en place d'un personnel plus spécialisé dans la gestion de ces dossiers. Je ne sais pas ce qu'il en est pour tout le monde, mais ma demande d'indemnisation pour trouble de stress post-traumatique est restée en suspens pendant deux ans et demi ou trois ans, jusqu'à ce qu'un système spécialisé soit mis en oeuvre. Le traitement a ensuite été plus rapide, à la fois parce que le recours collectif l'exigeait, mais aussi parce que le personnel était formé à rechercher les éléments requis.
    Parce que les agressions sexuelles restent un sujet dont les gens ont beaucoup de mal à parler, elles ne sont pas suffisamment signalées. Cela vaut tant pour les hommes que pour les femmes. Nous savons qu'un grand nombre d'hommes sont agressés et qu'ils ne se manifestent pas pour des raisons très précises. Sachant qu'ils ne se présentent pas avec des preuves et sachant qu'ils ne se manifestent pas nécessairement après avoir parlé à un médecin ou même après avoir déposé un rapport de police... Là encore, il faut éduquer davantage les gens, leur fournir plus d'information sur les traumatismes... Il faut qu'ACC comprenne que nous n'aurons pas tous les documents que nous pourrions présenter si nous nous cassions une jambe ou si nous souffrions d'une blessure physique au pied ou quelque chose de ce genre. Notre blessure n'en est pas moins valable pour autant.
    Une voix: La parole est à vous, madame Park.
    Je vais orienter la conversation vers les inconnues. À peine 14 % environ des bénéficiaires d'ACC sont des femmes. L'invisibilité, c'est celle des femmes qui ont servi dans l'armée et dont ACC ignore l'existence ou qui pensent qu'en raison de certains problèmes, elles ne méritent pas d'être considérées comme des vétérans. Mme Maya Eichler a traité de la question, soulignant qu'il existe un problème de défaitisme qui fait que les gens pensent qu'ils ne méritent pas quelque chose. ACC tente de joindre ces femmes, mais ses méthodes sont... Il est très difficile pour le gouvernement d'inspirer la confiance et de faire comprendre qu'il se soucie des gens, qu'il veut qu'ils fassent des demandes et qu'il est là pour les écouter.
    Je ne l'envie pas, mais je pense que... Comme vous le dites, 14 % des personnes qui présentent une demande ont de la difficulté à prouver qu'elles méritent des prestations, car il n'existe pas de précédent. Ce sont de nouvelles décisions qui sont rendues. La situation évolue continuellement, mais le problème vient particulièrement du fait que les hommes et les femmes qui ont servi dans l'armée l'ont fait en vertu de certaines politiques. Les décisions relatives à leur libération ont été rendues à un moment précis dans le temps. Quand les politiques changent, cela ne les touche pas. Ils continuent d'adhérer aux anciennes politiques.
(1650)
    Je vous remercie d'avoir soulevé cette question, que je considère excellente. Je vais donner suite aux observations des autres témoins.
    Anciens Combattants Canada doit faire beaucoup plus de sensibilisation et diffuser des publicités à la télévision et sur les médias sociaux. On a beau publier quelque chose toute la journée sur Twitter, cela ne joint pas les survivants et les survivantes de la purge qui ont été congédiés dans les années 1970 et 1980, car ils vieillissent et connaissent mal les médias sociaux. Ils ne savent même pas quels services pourraient leur être offerts.
    Non seulement ils ne pensent pas mériter de soutien, mais ils considèrent probablement, dans bien des cas, qu'ils n'y sont pas admissibles. Un grand nombre de victimes de la purge ont été congédiées, souvent très rapidement, ressentant une honte immense et privées du soutien de la communauté. En fait, l'armée les a repoussées très, très loin. En outre, les gens avaient tellement honte qu'ils n’ont pas cherché le réconfort de leur famille. Cette dernière aurait pu les rejeter également si certains membres de la famille connaissaient le motif du congédiement. Ces personnes sont réellement seules, et la confiance est difficile à établir.
    Les lesbiennes et les femmes trans victimes de la purge ne savent même pas qu'elles sont considérées comme des vétérans ou que la définition a changé; elles ne se manifestent donc pas, mais nous devons les trouver. Je pense que c'est un devoir que nous avons envers ces genres de vétérans. En outre, si elles appellent, il faut être extrêmement bien informés à propos des traumatismes, mettre l'accent sur les survivantes, comme quelqu'un l'a indiqué, pour leur dire qu'elles seront respectées et veiller à ce que les personnes qui les recevront connaissent les faits. Ce n'est pas difficile de connaître cette histoire. Nous entreprenons littéralement des milliers de petites initiatives de sensibilisation.
    J'ajouterais qu'Anciens Combattants Canada pourrait nous aider en assurant respectueusement le lien entre les survivantes de la purge et des organisations externes qui réunissent des pairs et les dirigent vers d'autres ressources qui pourraient s'offrir à elles. Cela fait comprendre aux survivants qu'elles ne sont pas seules, que leur vie privée peut encore être respectée et qu'il existe d'autres personnes qui possèdent une expérience commune.
    La plupart des survivantes ne savent même pas que ce soutien existe. Nous voudrions les trouver et leur dire qu'elles sont aimées, que nous tenons à elles et que nous respectons les services qu'elles ont rendus à la patrie. C'est un autre genre de femmes vétérans qui sont si invisibles qu'elles ont parfois honte de rencontrer d'autres vétérans par crainte de vivre une très mauvaise expérience et d'être rejetées, probablement pour la dernière fois.
    D'accord. Nous avons largement dépassé le temps accordé pour cette intervention, mais j'ai vu que Mme Wood levait la main et voulait avoir l'occasion de répondre.
    Si vous pouvez rester brève, vous pouvez répondre.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Pour être brève, je comprends tellement ce que vous avez toutes dit. Je pense qu'il est difficile de trouver et de joindre nos vétérans de longue date, et il faudrait peut-être adopter une approche moins axée sur la technologie pour les trouver, en visitant plus souvent les petites villes et en diffusant plus de publicité à la télévision.
    Un autre groupe qui, selon moi, peine à s'identifier comme vétéran est celui des personnes qui, comme moi, ont été blessées en début de carrière, pendant leur instruction de base. Certaines personnes, comme moi, ont été gravement blessées après 18 mois dans les forces. Je ne me suis pas qualifiée de vétéran pendant environ cinq ans. J'étais terriblement embarrassée de dire que j'avais servi dans l'armée, car j'étais partie après avoir été agressée. J'avais honte d'être partie, d'avoir baissé les bras. Je n'étais pas restée pendant 20 ans en me battant. J'avais abandonné.
    J'ai entendu Mme Douglas dire ceci auparavant: j'en ai fait plus de l'extérieur pour améliorer l'armée que je n'aurais pu le faire de l'intérieur.
    Je m'arrêterai là, monsieur le président. Je vous remercie.

[Français]

    Je vous remercie.
    Cela met fin au premier tour de questions. Nous passons maintenant au deuxième.
    Madame Wagantall, vous avez la parole pour cinq minutes.
(1655)

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Êtes-vous correctes? D'accord. C'est excellent.
    J'en suis à ma 18e année au sein du Comité. Je dois attirer l'attention sur quelque chose ici: vos témoignages devraient constituer l'élément clé quand nous déterminerons ce que nous recommandons et ce que le gouvernement fera. Je vois que les gens témoignent et s'expriment. Il faut avoir des experts, des conseils consultatifs et tout ce beau monde, mais ils devraient tous tenir compte de ce que nous entendons ici. Or, ce n'est pas ce qui se passe, alors que c'est ainsi que les choses devraient se passer.
    Je vous remercie beaucoup. Vous êtes des femmes extraordinaires.
    Je veux parler à Mme Riguidel à propos du groupe consultatif sur le point de vue des survivantes.
    J'ai lu le document, le parcourant en surlignant... C'est remarquable. Il s'agit d'une approche remarquable qui vise précisément à lutter contre le traumatisme sexuel vécu dans l'armée. Je lirai très brièvement votre énoncé de mission, qui indique que le changement social nécessite un mouvement qui ne peut être induit par des règles et des ordres. Il doit plutôt être le fruit d'un engagement honnête et direct faisant passer l'humanité des membres avant tout. Vos propos montrent que vous comprenez le rôle de l'armée. Elle fonctionne à coup de règles et d'ordres. C'est « saute » ou « ne saute pas ». Et voilà que tout à coup, il y est question d'humanité. Vous êtes tous des actifs, d'une certaine manière.
    J'ai aimé l'observation suivante, à laquelle je voudrais que vous réagissiez. L'adjudante Carolyn Edwards, qui travaille avec vous, a indiqué qu'elle aime la manière dont les ateliers font comprendre qu'on peut être un dur à cuire tout en ayant de l'empathie. Le fait d'écouter avec empathie et de faire preuve de compassion ne nous affaiblit pas à titre de soldats. Cela nous renforce tous et rend les forces meilleures, plus fortes et mieux équilibrées.
    « Allez‑y, les femmes. » C'est cela, n'est‑ce pas? Je pense que cette attitude est diamétralement opposée à celle des... Comme vous l'avez indiqué ici, vous avez reçu des félicitations du chef d'état-major de la défense pour avoir créer ce programme, recevant ensuite une lettre des hauts gradés des Forces armées canadiennes indiquant qu'elles ne voient aucun intérêt à institutionnaliser votre formation.
    Pourriez-vous parler de cela?
    Oui. Cette semaine‑là a été étrange.
    Nous avons continué, évidemment. Depuis que j'ai quitté l'armée — j'ai porté l'uniforme pour la dernière fois le 30 mars 2022 —, nous continuons d'offrir de la formation à ceux et celles qui font appel à nous. Nous l'avons fait contre rémunération et à titre gratuit. Nous sommes simplement heureuses de l'offrir.
    C'est malheureux. On nous a indiqué que puisqu'il existe déjà une formation qui traite d'un grand nombre de ces points dans les Forces armées canadiennes, notre formation n'était pas pertinente. J'ai répondu que la formation était conçue ainsi. Si elle est axée sur les survivantes et s'appuie sur les connaissances relatives aux traumatismes, on envoie le même message. L'avantage de notre formation, c'est qu'elle adopte le point de vue d'une survivante au lieu de celui de l'organisation.
    Je veux vous interrompre un instant; vous pourrez poursuivre ensuite.
    Vous avez dit qu'aucun dirigeant des bureaux du chef — Conduite professionnelle et culture et du chef d'état-major de la défense n'a suivi la formation. Comment ces gens‑là savent-ils de quoi ils parlent?
    Ils ont inscrit des gens, principalement des agents du développement de l'instruction, qui ont fait rapport. Je ne suis pas agente du développement de l'instruction, mais officière des affaires publiques de formation. Nous avons élaboré cette formation dans l'idée de... Ici encore, si le viol ne devait pas vous coûter votre carrière?
    Quand j'ai fait ma formation sur les agressions sexuelles, un des cas abordés était évidemment l'affaire Weinstein qui faisait scandale aux États-Unis à l'époque. S'il est une chose qui m'a vraiment frappée, c'est que les deux journalistes du New York Times interrogés ont indiqué que la vraie tragédie que causent les personnes qui s'en prennent à nos jeunes, ce n'est même pas les agressions sexuelles, aussi terribles soient-elles: c'est le fait que les victimes ont maintenant l'impression d'avoir perdu leur potentiel. L'agression tue leurs rêves.
    C'est ce qui s'est passé dans mon cas. L'agression m'a arraché mon rêve de fréquenter l'université et tout le reste. Et si les agressions sexuelles n'avaient pas à avoir ce prix? Si nous pouvions nous attaquer au problème dans l'espoir de réduire les séquelles le plus possible? Nous savons que les victimes sont là, mais elles sont plus habiles à se cacher que nous le sommes à les trouver. Et si l'agression sexuelle ne nous obligeait pas à abandonner l'uniforme? Et si les gens pouvaient recevoir du soutien, comme c'est le cas pour toute autre blessure? Ils pourraient alors reprendre leurs fonctions.
    Il n'est pas nécessaire de perdre ces personnes. C'est sous cet angle que nous voyons les choses et que nous attaquons au problème.
    Je vous remercie beaucoup d'agir à cet égard, car je lis aussi ici que si on intervient dès le début pour prévenir ou au moins limiter... Quoi qu'il en soit, il y a un tri à faire. C'est une approche très rationnelle et raisonnable.
    En effet, mais l'avantage d'adopter cette approche, c'est qu'on apporte d'abord du soutien. C'est ce qui incite un plus grand nombre de personnes à se manifester, car elles n'ont pas l'impression que tout se passera sans elles. Elles n'ont pas l'impression qu'elles perdront leur poste, leur cours ou autre chose. Si elles sentent qu'elles ont leur mot à dire sur ce qui se passera après, elles sont plus susceptibles de se manifester plus tôt et on ne se retrouve pas avec des cas vieux de 30 ans, car les gens se manifestent rapidement. Nos pouvons donc les aider immédiatement et leur permettre de revenir en pleine possession de leurs moyens.
(1700)
    Vous avez parlé d'un cours offert aux officiers de commandement. Vous avez compris que, selon l'échelon hiérarchique visé, les programmes doivent être offerts différemment.
    Puis‑je vous demander ce que contient cette formation?
    La principale différence entre le cours destiné au commandement et ce que nous appelons la formation de base, ce sont les scénarios. Autrement, la formation est la même.
    C'est un problème auquel je me suis heurtée, car quand j'ai initialement élaboré un programme, je portais encore l'uniforme. Ce programme d'une journée s'adressait précisément à l'armée. On m'a indiqué que je devais maintenant créer un programme différent à l'intention du commandement. Quand j'ai demandé pourquoi, on m'a répondu que le problème ne venait pas des colonels et des officiers des échelons supérieurs, mais des officiers de rangs inférieurs. Les colonels et les hauts gradés peuvent suivre une formation d'une demi-heure ou d'une heure. J'ai alors demandé si on voulait que je dise aux caporaux qu'ils devaient suivre une formation de huit heures, alors que les colonels doivent en suivre une d'une heure seulement.
    Je voudrais dire que cette réponse a disparu environ au moment où le chef d'état-major de la défense a été accusé et neuf autres officiers généraux ont fait l'objet d'allégations. Oui, ces complications se sont dissipées.
    Cela se comprend.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Voilà qui met fin à cette intervention.
    Nous accordons maintenant cinq minutes à Sean Casey.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi d'ajouter quelque chose aux observations que vous avez entendues de la part de mes collègues ici présents. Notre séance est fort touchante et remarquablement empreinte de courage et d'émotion. Vous êtes toutes venues à un forum public afin d'expliquer en profondeur et en détail un traumatisme évident, et j'espère et je m'attends à ce que cela porte fruit dans nos rapports.
    Je vous remercie d'être venues.
    Je veux faire participer un peu plus Mme Douglas à la conversation. J'aimerais vous poser des questions sur une ou deux choses.
    Je peux peut-être commencer par... Je sais que vous avez longtemps travaillé pour le ministère fédéral de la Justice et que vous avez assez récemment réussi à le convaincre de remettre quelque 15 000 pages sur la purge.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Le Fonds Purge LGBT a dû déployer un effort vraiment substantiel et colossal pour travailler avec le gouvernement afin d'obtenir 15 000 pages supplémentaires de documents sur la purge. Un règlement judiciaire nous a donné accès à 10 000 pages, mais nous savions qu'il y en avait beaucoup plus. La tâche s'est avérée difficile, mais nous avons fini par obtenir un règlement, que la cour a maintenant approuvé. Nous sommes en train de trouver les documents en question.
    Il s'agit de documents historiques qui révéleront pourquoi la purge a eu lieu et pourquoi le gouvernement a ciblé les membres de la communauté 2SLGBTQ, nous considérant, en quelque sorte, fondamentalement faibles et incapables ou indignes de servir notre pays. Nous sommes en train d'obtenir ces documents.
    Nous considérons que si nous n'avons pas accès à ces documents afin de les rendre publics, les gens auront de la difficulté à croire que pareille chose puisse se passer au Canada. S'ils ne réalisent pas que cela peut se produire au Canada, alors ils diront probablement que cela n'est jamais arrivé. Nous savons qu'ensuite, l'affaire tombera totalement dans l'oubli.
    Nous pensons réellement que les vétérans, ceux et celles qui ont servi leur pays, méritent qu'on se souvienne d'eux et que toute leur histoire soit connue. Nous publions ces documents.
    Tout récemment, en effectuant des recherches, nous avons découvert l'histoire d'un jeune homme dont le nom figure sur le monument commémoratif de la crête de Vimy. Il était gai. Il repose là, ayant sacrifié sa vie pour son pays.
    Nous devons raconter ces histoires, et c'est ce que nous faisons.
    Je vous remercie.
    Madame Park, vous avez parlé des excuses présentées en 2021 dans la foulée de la poursuite de 850 millions de dollars et de ce qui manquait dans ces excuses. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
    Qu'est‑ce que ces excuses auraient dû comprendre? Comment aurait‑on dû les exprimer? Y a‑t‑il un moyen de rectifier la situation?
(1705)
    Monsieur le président, ce que je trouve intéressant, c'est qu'on n'a par remarqué l'absence des femmes dans ces excuses. Je les ai écoutées il y a plusieurs mois, et j'ai réalisé que nous n'étions pas là.
    Je compare ces excuses à celles que le gouvernement a présentées au sujet de la purge des personnes LGBTQ. Nous n'avons pas été invitées au bureau du premier ministre et nous ne nous sommes pas assises tout en haut de la tribune de la Chambre des communes pour nous entendre dire « Nous sommes désolés. » Ce manque de reconnaissance de notre service militaire... Nous ne sommes pas entrées volontairement dans l'armée pour être blessées. Ces excuses ne se sont que trop fait attendre. Parce que le gouvernement ne les a pas nommées, les femmes ont l'impression qu'elles ne méritent pas d'excuses.
    Comment rectifier la situation? Avec le projet de portail de l'Université Queen's, nous agissons discrètement depuis cinq ans. Nous n'avons pas proposé d'exiger des changements.
    C'est une excellente question. Cela change‑t‑il quelque chose? Certaines femmes qui participent au recours collectif affirment que oui, alors que d'autres conseillent de simplement laisser tomber. Je n'ai pas de bonne réponse à cette question, mais elle fait un bon sujet de discussion.
    Je vous remercie.
    Nous avons considérablement dépassé le temps accordé. Je vous remercie, monsieur Casey.

[Français]

    Monsieur Desilets, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Wood, après avoir quitté la vie militaire, combien de demandes d'indemnité avez-vous présentées au cours du premier mois, dans l'année ayant suivi votre départ?

[Traduction]

    Je n'en ai présenté aucune.

[Français]

    Il n'y en a eu aucune?

[Traduction]

    Aucune. Je suis partie. Je savais que j'étais blessée, mais j'ai fui. J'ai été autorisée à partir avant ma libération. Il a fallu un certain temps avant que les symptômes se manifestent réellement.

[Français]

    Lorsque vous avez présenté une première et une deuxième demande, ont-elles été refusées ou acceptées?

[Traduction]

    J'ai présenté mes trois premières demandes simultanément pour les troubles de stress post-traumatiques et deux autres problèmes, et elles ont toutes été rejetées cette première fois.

[Français]

    Vous avez donc présenté trois demandes, qui ont été refusées.
    Combien de temps par la suite a-t-il fallu pour que vous demandiez une révision et que vous vous présentiez devant le tribunal pour qu'il y en ait au moins une qui soit acceptée?

[Traduction]

    Il m'a fallu deux ans, monsieur.
    Monsieur le président, il a fallu deux ans pour que soit entendu l'appel relatif aux troubles du stress post-traumatique. Je me suis adressée au Bureau de services juridiques des pensions pour recevoir de l'aide. Les agents ont simplement ajouté un document d'une page indiquant que j'étais obligée de dormir dans cette base aux fins d'instruction. C'est ainsi que le lien s'est enfin fait avec mon service militaire, sinon, on considérait simplement que j'avais été violée.

[Français]

    À part ces trois demandes, en avez-vous présenté d'autres?

[Traduction]

    Oui. J'ai déposé plusieurs demandes.

[Français]

    S'agit-il de sept demandes au total ou de sept demandes supplémentaires?
(1710)

[Traduction]

    Je dirais que j'en ai déposé presque 10.

[Français]

    Les demandes ont-elles été toutes réglées?

[Traduction]

    Non. Ma demande d'indemnisation pour la fibromyalgie... La maladie est apparue en 2019. J'ai reçu le diagnostic deux ans plus tard. J'ai présenté une demande d'indemnisation le 15 juin 2021, et j'attends encore la décision.
    Ma priorité, ce n'est pas l'argent, c'est le traitement. C'est du traitement dont j'ai besoin. C'est pourquoi c'est si frustrant. Le temps d'attente n'est pas la fin du monde, mais je souffre de fibromyalgie depuis des années et mes symptômes ne sont pas traités adéquatement.

[Français]

    Madame Wood, le président m'indique que mon temps de parole est écoulé.
    Monsieur Desilets, vous allez avoir la possibilité de discuter avec Mme Wood après la réunion. Je vous remercie de votre compréhension.

[Traduction]

    Nous avons deux minutes et demie pour Mme Blaney.
    Je reviens à Mme Riguidel. Dans un monde qui se soucierait davantage des survivantes, il y aurait davantage de soutien, les situations seraient plus souvent dénoncées et un nombre accru de mesures dissuasives serait en place. Nous devrions tous essayer d'intégrer ces éléments dans nos vies.
    Vous avez beaucoup parlé — quelques personnes l'ont aussi mentionné — de la nécessité d'offrir davantage de formation sur les traumatismes aux employés d'ACC, puisque ces derniers travaillent étroitement avec les vétéranes. Je suis curieuse, car cela me fait penser... Lorsque vous relatez une agression sexuelle ou une forme de harcèlement que vous avez vécue... À l'époque où vous étiez dans les Forces, ces situations n'étaient pas examinées. Le problème était balayé sous le tapis, ou vous ne vous sentiez pas assez en sécurité pour dénoncer. Comment ACC traite‑t‑il ces informations? Existe‑t‑il des mesures d'accompagnement pour les vétéranes qui souhaitent dénoncer une situation? Les vétéranes reçoivent-elles des informations?
    Comment les communications ont-elles lieu entre les Forces et ACC?
    C'est une excellente question. Lorsque des personnes me font part d'une situation, je fais comme si c'était la première fois qu'elles en parlaient, ce qui est parfois le cas. Certaines personnes vont voir les gestionnaires de cas à ACC. Comme pour toute autre chose, les employés ayant reçu une formation savent comment apporter du soutien, mais les employés qui n'ont pas reçu peuvent cafouiller et causer plus de tort.
    C'est difficile, et je le sais. Le système tente de protéger l'identité des personnes pour ne pas leur causer de traumatisme. Les processus devraient toutefois être plus ouverts et permettre aux personnes de s'auto-identifier de manière à ne pas subir de répercussions. Je ne sais pas vraiment quelle est la réponse.
    Merci de votre réponse. Je pense que les lacunes sont grandes.
    Souhaitez-vous ajouter quelque chose, madame Wood? Très bien. Je voulais vérifier.
    Une des choses qui sont ressorties est l'absence de données recueillies par les Forces et ACC. Ce manque de données nous empêche de suivre le cheminement des femmes dans le système. Pourriez-vous parler de cet aspect? Lorsque j'aurai plus de temps, je demanderai aux autres témoins de répondre à la question.
    Notre formation se fonde sur des statistiques provenant pour la plupart des États-Unis, car c'est là où nous pouvons en prélever. Aux États-Unis, deux survivantes sur trois aux prises avec un trouble de choc post-traumatique quittent la vie militaire dans l'année qui suit si elles ne reçoivent pas de soutien adéquat. En extrapolant, nous pouvons dire que c'est probablement la même chose au Canada vu les liens étroits entre les deux pays. À la lumière de ce raisonnement, je dis toujours que, compte tenu des effectifs faméliques des Forces armées canadiennes, nous n'avons pas le luxe de perdre deux militaires sur trois, quels qu'ils soient, d'autant plus que le soutien aux militaires qui dénoncent devrait aller de soi. La solution tombe sous le sens, mais comme je l'ai dit, la formation obligatoire sur les techniques très importantes de premiers soins pour traumatisme sexuel — les premiers soins en santé mentale —, qui permettent de soutenir les personnes qui dénoncent, n'a toujours pas été instaurée.
    Merci de votre réponse.
    Nous passons à la prochaine série de questions de cinq minutes. Monsieur Fraser Tolmie, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui.
    Nous vous remercions sincèrement de votre service aux Canadiens.
    Madame Wood, vous dites que vous êtes partie après avoir vécu une expérience terrible. Or, vous comparaissez aujourd'hui au Comité pour livrer un combat. Nous vous remercions d'être revenue. Nous vous remercions de votre sincérité. Nous savons que vous êtes ici pour provoquer des changements bénéfiques. Nous vivons dans une société civile qui n'est pas toujours civilisée. Merci pour votre temps.
    Majore, j'aimerais vous poser quelques questions. Je vais faire de mon mieux pour aborder toutes celles qui figurent dans ma liste. Pourriez-vous décrire un peu plus la formation donnée par votre groupe? Quel est le contenu de cette formation? Quelles sont les retombées dont vous pourriez faire part au Comité?
(1715)
    Bien sûr.
    La formation s'inspire de formations données par l'Association of Alberta Sexual Assault Services auxquelles j'ai assisté. L'association est un des seuls groupes au Canada qui offre des cours destinés aux premiers répondants, c'est‑à‑dire aux personnes qui soutiennent les personnes qui font une première divulgation. Ces cours offrent un encadrement par des mentors et présentent des stratégies de prévention de la violence. Ils se fondent sur la méthode du conférencier américain, M. Jackson Katz, qui travaille sur l'engagement et l'intervention des témoins.
    J'ai pris la matière assimilée lors de ces formations et je l'ai transposée dans un contexte militaire. Nous utilisons nos expériences pour rendre les formations plus humaines et pour modifier les repères mentaux des participants afin qu'ils nous voient comme de vraies personnes et qu'ils arrêtent de nous objectiver.
    Les résultats que nous avons obtenus sont renversants. Dans un de mes cours, une trentaine de participants ont vécu simultanément une véritable illumination. Le plus possible, j'essaie d'amener avec moi d'autres survivantes pour leur permettre à elles aussi de vivre ce sentiment de validation lorsque, tout à coup, nous nous rendons compte que les gens dans la salle nous comprennent. Des commandants viennent me demander après la séance s'ils peuvent communiquer avec des survivantes qu'ils n'ont pas soutenues adéquatement il y a trois ans. Ils se demandent si cette démarche pourrait faciliter leur guérison. Je les encourage toujours fortement à aller de l'avant.
    Nous recevons énormément de rétroaction positive. Nous faisons un sondage avant et après la formation. Dans le premier sondage, environ 80 % des participants affirment qu'ils assistent à nos séances après avoir suivi une autre formation. Je précise que ces personnes ont suivi la formation donnée par les Forces, mais ne savent pas exactement comment donner du soutien. Cette proportion dépasse les 90 % lors du deuxième sondage. Les participants savent quoi dire, et surtout quoi ne pas dire. À présent, lorsqu'ils ont des conversations difficiles, ils savent qu'ils vont aider les survivantes. Ils ne craignent plus de leur causer du tort.
    Vous vous servez de votre expérience pour mettre sur pied quelque chose de nouveau. Voilà qui dénote un grand esprit entrepreneurial et qui me permet d'enchaîner avec la question suivante.
    Comment Anciens Combattants Canada pourrait‑il mieux soutenir les entrepreneuses comme vous?
    Davantage de programmes doivent être mis sur pied, surtout pour les entrepreneuses. Nous pourrions demander, par exemple, que la priorité soit accordée aux entreprises qui appartiennent à des vétérans ou à des vétéranes dans le cadre des processus de demandes de propositions. Qu'on me comprenne bien: je ne veux pas que quiconque soit laissé en plan. Toutes choses étant égales, ce serait peut-être un autre point à considérer dans l'étude de la rubrique.
    Pour l'heure, il n'existe rien de comparable à ce que nous faisons. Je suis en concurrence directe avec de grands établissements d'enseignement qui comptent beaucoup d'expérience et de ressources. Nous offrons un savoir-faire spécialisé et une composante psychologique. Nous voulons sortir vainqueures de combat.
    Je pense en effet que des programmes pourraient être créés expressément pour des entrepreneuses vétéranes, car c'est une voie que bon nombre d'entre nous voudraient probablement emprunter. Nous ne pouvons pas nécessairement retourner à la carrière où nous avons vécu des agressions et des abus. Ce serait vraiment traumatisant. Même si le statu quo fait mal, toutes n'ont pas la confiance de foncer et de démarrer leur propre entreprise.
    Je ne veux pas exagérer et parler de filet de sécurité, mais s'il y avait plus de soutien pour ce type de projet, je pense que beaucoup plus de femmes choisiraient cette voie.
    Vos propos me permettent d'enchaîner avec ma prochaine question.
    Nous en avons discuté lors de séances précédentes et nous avons également effleuré le sujet ce soir. Si je comprends bien, aux États-Unis, un certain pourcentage des contrats du gouvernement doivent être attribués aux entreprises qui appartiennent à des vétérans.
    Que pensez-vous de cette politique?
    Selon moi, cette politique est excellente. Nous avons inscrit notre entreprise aux États-Unis récemment. Nous allons donner une présentation à Fort Leavenworth cet automne. Nous commençons à étendre nos activités au‑delà de la frontière.
    Il était question un peu plus tôt de ce que font les autres pays. Nous sommes uniques dans le sens que notre entreprise emploie des vétéranes survivantes qui veulent améliorer les choses. La présentation que nous avons donnée aux États-Unis dans le cadre de deux colloques a permis à plusieurs autres pays de connaître notre travail. Certains nous ont même envoyé une invitation permanente.
    Reste‑t‑il du temps pour une autre question?
    Comme il vous reste environ 10 secondes, je pense que ce sera tout pour vous.
    Nous passons au dernier député de la deuxième série de questions. Monsieur Wilson Miao, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci à tous les témoins de votre participation à cette étude importante.
    Vos commentaires suscitent chez moi beaucoup de sympathie, car je pense à ma mère qui m'a élevé et que j'aime tant. Je ne peux pas imaginer qu'un événement de la sorte puisse lui arriver. Vous toutes qui racontez votre histoire aujourd'hui, vous ravivez aussi d'anciennes blessures. Dieu sait combien de fois vous avez relaté votre expérience dans l'espoir d'avoir de l'aide, mais c'est inacceptable.
    En même temps, je comprends. Madame Riguidel, vous avez mentionné que les Forces cherchent constamment de nouvelles recrues. Si elles entendent parler de ces expériences, de possibles recrues vont peut-être se demander pourquoi elles voudraient servir le Canada dans ces conditions.
    Je pose la question à chacune d'entre vous. Quand vous avez joint les Forces, pourquoi vouliez-vous servir le Canada? Vous attendiez-vous à vivre le traumatisme que vous avez vécu?
    À vous la parole.
(1720)
    Le but que je poursuivais en m'enrôlant était de protéger les femmes et les filles. C'était ma motivation. La guerre en Afghanistan faisait encore rage. J'avais vu des vidéos de femmes dans des uniformes de combat porter secours à des femmes et à des enfants. Ces images correspondaient à mes croyances et à mes aspirations.
    Je n'avais pas anticipé les expériences que j'ai vécues, mais je veux m'assurer que le mot « expériences » ne soit pas seulement associé aux traumatismes sexuels dans le cadre du service militaire. Une grande quantité de ressources et beaucoup d'attention leur ont été consacrées — j'ai participé à ces efforts pendant des années —, mais ce ne sont pas seulement ces traumatismes qui affectent les femmes. Le nœud du problème est la Table des invalidités des FAC.
    Si vous le permettez, monsieur le président — je suis désolée, monsieur le député —, j'aimerais seulement réagir au commentaire de M. Desilets, qui disait ressentir de la honte en tant qu'homme. Tout le monde se demandait où étaient les mécanismes de contrôle...
    À mon avis, les membres du Comité peuvent exercer ce contrôle. Nous consentons à mettre notre âme à nu, car c'est vous qui possédez ce pouvoir. Nous pouvons relater notre expérience, mais nous ne pouvons rien changer. Cette tâche revient à nos représentants élus.
    Durant les deux dernières semaines que vous venez de passer dans votre circonscription, j'espère que vous avez pris le temps de rencontrer les vétéranes pour parler de leurs besoins. Vous qui siégez à ce comité, j'espère que vous avez eu ces discussions, car ce dossier dépasse les traumatismes sexuels dans le cadre du service militaire.
    Je vais m'arrêter là. Je sais que tous les témoins veulent répondre, mais je tenais à souligner ce point.
    Madame Douglas, allez‑y.
    C'est une excellente question.
    Je me suis jointe aux Forces armées canadiennes parce que j'aime le Canada. Je crois aux valeurs fondamentales du Canada. Je crois en effet que nous formons une société juste qui poursuit des idéaux d'égalité et de justice. Ces messages avaient pour moi une résonnance.
    Le service est très important pour moi. J'étais honorée et fière de servir les autres.
    Je ne m'attendais pas à vivre autant de misogynie dans les Forces armées canadiennes. La misogynie faisait partie et fait toujours partie de la culture militaire. Cette découverte m'a choquée.
    Je ne pensais pas non plus que j'allais être doublement marginalisée. Comme militaire lesbienne, je me sens encore parfois exclue d'autres organismes qui défendent le droit à l'égalité. Nous devons accorder beaucoup plus d'importance aux différentes facettes de l'intersectionnalité, c'est‑à‑dire aux personnes racisées, âgées, trans, aux Autochtones et aux autres vétéranes. Ces personnes méritent notre respect et ont droit à une dignité fondamentale.
    Voilà ce qui oriente mon travail aujourd'hui. Tout se rapporte au service.
    Nous allons nous arrêter là. Nous avons dépassé le temps alloué pour cette série de questions.
    Nous avons terminé la deuxième série de questions. Nous arriverons bientôt à la fin de la séance, mais vu l'heure à laquelle la séance a commencé, nous avons la salle et les ressources jusqu'à environ 17 h 40.
    Si les témoins sont d'accord, je vais allouer environ 10 autres minutes. Je peux accorder une autre série de questions de deux minutes et demie.
    Si les témoins sont d'accord, je vais procéder ainsi. Je vois que c'est le cas.
    Nous commençons avec Mme Cathay Wagantall pour deux minutes et demie.
(1725)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie encore les témoins de leur présence aujourd'hui. Vous nous aidez à bien nous acquitter de notre travail. Merci.
    J'aimerais souligner, madame Riguidel, un élément qui figurait dans la documentation que vous avez fournie. Il était question des « petites choses comme la possibilité d'avoir accès à un établissement qui offre des zones réservées aux femmes. » Ces choses sont de moins en moins présentes dans la société et dans notre culture... Ils ne comprennent pas que cela détruit notre culture et nos possibilités.
    Pourriez-vous développer un peu cette idée? Vous parlez de la période suivant le service militaire n'est‑ce pas?
    Oui.
    Chaque visite au gym risque fort de me faire revivre mon traumatisme. J'ai été agressée sexuellement dans un gymnase militaire en 2012. L'activité physique est au coeur d'une grande partie des agressions et du harcèlement dont j'ai été victime.
    Je ne suis pas la seule dans mon cas. Un grand nombre de survivantes d'une agression sexuelle éprouvent de la difficulté à poursuivre leur entraînement physique, et ce, pour différentes raisons. Il y a notamment le fait que nous nous refusons le cadeau d'une bonne forme physique, car cela peut nous rendre plus attirantes et faire de nous des proies encore plus intéressantes. Nous avons tort de penser ainsi, mais c'est tout de même la façon dont nous voyons les choses.
    Il va de soi que nous sommes également conscientes des bienfaits mentaux et physiques de l'activité sportive, mais il n'y a pas actuellement de financement disponible pour des gyms réservés aux femmes.
    Je crois qu'une grande partie de ce que doivent vivre les anciennes combattantes est le résultat d'événements survenus pendant qu'elles étaient en service.
    J'ai eu l'occasion de monter à bord du NCMS Fredericton. Ce fut une expérience phénoménale, si ce n'est que j'ai pu noter différents éléments qui m'auraient rendue mal à l'aise en tant que femme si j'avais navigué sur cette frégate. Je ne crois pas que l'on réfléchissait beaucoup à ces choses‑là aux environs des années 1980.
    Les gens ne s'interrogeaient pas au sujet des répercussions de tel ou tel choix, ou renonçaient même carrément à s'en préoccuper.
    En intégrant les rangs des Forces armées canadiennes, on se rend compte que, malgré les efforts intenses de recrutement et toutes ces manchettes quant à l'objectif à atteindre de 25 %, on se retrouve dans une organisation qui n'est d'aucune manière façonnée pour les femmes. L'équipement n'est pas pensé en fonction des femmes; les uniformes ne sont pas conçus pour elles; il est même possible qu'elles n'aient pas droit à une salle de bains séparée, s'il s'agit d'un ancien bâtiment…
    Et il n'y a pas de verrou sur les portes.
    Rien du tout. Vous ne pouvez même pas…
    En servant mon pays, j'ai dû constater — et d'autres femmes m'ont dit la même chose — que les hauts gradés et les pairs avec lesquels je travaillais côte à côte et auxquels je devais confier ma vie n'étaient pas dignes de confiance lorsqu'il s'agissait de mon corps.
    Merci.
    Merci. C'est tout le temps que nous avions.
    Merci, madame Wagantall.
    Nous passons à M. Rogers pour une période de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos invitées.
    Nous disposons malheureusement de très peu de temps. Je vais laisser tomber quelques-unes des questions que j'avais afin que vous puissiez toutes me répondre dans les deux minutes et demie à ma disposition.
    Voici ce que j'aimerais surtout savoir. Nous menons cette étude qui nous permettra en fin de compte de formuler certaines recommandations. Pouvez-vous nous indiquer une ou deux recommandations qui devraient absolument selon vous se retrouver dans notre rapport?
    Peut-être puis‑je poser d'abord la question à Mme Wood.
    Je pense qu'il faudrait d'abord et avant tout revoir de fond en comble la Table des invalidités pour s'assurer qu'elle est exempte de tout préjugé sexiste.
    J'allais justement vous demander ce que vous voudriez que l'on fasse de cette table.
    Merci, madame Wood.
    Écoutons maintenant ce que Mme Douglas a à nous dire.
    La connaissance de l'histoire permet de bien ancrer les changements de culture. J'estime essentiel de faire appel à des tiers pour guider le processus de transformation en cours au sein des Forces armées canadiennes et d'Anciens Combattants Canada. Il est également primordial d'opérer ce changement de culture en s'appuyant sur le respect et la diversité dans toutes les sphères d'activité d'Anciens Combattants Canada, et en évitant les sarcasmes et les jugements à l'égard des expériences des autres, pour plutôt les croire et les accepter. La formation va jouer un rôle clé dans cette transformation.
(1730)
    Merci énormément.
    Madame Park.
    Ma recommandation serait d'ordre plus général.
    Les anciens combattants qui quittent la vie militaire ont tendance à disparaître. Ils représentent au sein de nos communautés une ressource inestimable que nous n'exploitons pas. Je peux vous donner l'exemple de mon travail actuel dans le domaine de la gestion des urgences et des interventions en cas de catastrophe.
    Je demande aux gens où sont les anciens combattants au sein de la communauté. On ne va pas faire appel à la Réserve, pas plus qu'à la Force régulière. Où est cette force de dernier recours dont on a besoin? Elle vit dans la collectivité, mais ne porte pas d'uniforme. Où sont les vétérans? Les anciennes combattantes savent s'organiser, et nous devrions nous prévaloir de cette ressource.
    C'est tout le temps que nous avions, mais je vais permettre à Mme Riguidel de répondre très brièvement.
    À vous la parole.
    Ce sera très court. Il faudrait tout simplement offrir davantage de programmes expressément axés sur les femmes.
    Merci.
    Voilà qui était incroyablement bref. Nous vous remercions.

[Français]

    Monsieur Desilets, je vous cède maintenant la parole.
    Vous pouvez poursuivre votre intervention, mais seulement pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Wood, je crois que vous avez fait allusion à un rapport lié au genre qui aurait en quelque sorte été mis de côté. En fait, il n'aurait pas été publié. J'ai peut-être mal compris.
    De quoi s'agit-il?

[Traduction]

    Je parlais de l'analyse comparative entre les sexes plus qui est effectuée par Anciens Combattants Canada. Je crois que chaque ministère du gouvernement canadien est tenu de réaliser une analyse semblable.
    Est‑ce que vous voyez de quoi il s'agit?

[Français]

    Très bien, mais je ne connais pas ce rapport.
    A-t-il été rendu public?

[Traduction]

    Le rapport d'analyse n'a pas été rendu public, malgré que cela ait été réclamé à maintes reprises, et ce, depuis fort longtemps. Nous devons pouvoir en prendre connaissance.

[Français]

    D'accord, nous allons y voir.

[Traduction]

    Je ne sais pas dans quelle mesure l'analyse a tenu compte des aspects intersectionnels. J'ignore si on est allé vraiment en profondeur ou si on a fait totalement fausse route. Nous devons le savoir.

[Français]

    En principe, il est assez difficile de cacher des choses quand il ne s'agit pas d'un secret d'État. Nous verrons ce qui peut être fait à ce sujet.
    Avez-vous eu à comparaître devant le Tribunal des anciens combattants en ce qui a trait à vos diverses demandes?

[Traduction]

    Non, j'ai toujours interjeté appel moi-même ou avec l'aide du Bureau de services juridiques des pensions. Je n'ai pas toujours eu gain de cause. Je ne me suis jamais rendue jusqu'au Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Je devrais peut-être le faire. Cela exige cependant énormément d'efforts.

[Français]

    Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?

[Traduction]

    C'est un très long processus. Avec les problèmes de santé que j'ai, il m'est difficile de me concentrer. J'arrive plutôt mal à gérer les billets du médecin, les rendez-vous, les dossiers, les reçus et tout le reste.
    Il est de plus extrêmement pénible d'avoir à répéter à chaque occasion l'origine de mes problèmes de santé. Chaque fois que je présente une demande, je dois ainsi préciser que j'ai été agressée sexuellement en 2011. Je dois indiquer comment les choses se sont passées et ce qui est arrivé par la suite pour expliquer que je dois maintenant composer avec un trouble de stress post-traumatique et tous ces problèmes qui s'ensuivent.
    J'attribue le tout aux médicaments que j'ai pris pour mon TSPT ou tout simplement au stress psychologique que je vivais avec toutes ses manifestations physiques. Je dois revivre l'expérience à répétition. C'est ce que je voulais dire en parlant d'un exercice épuisant et déshumanisant. C'est vraiment humiliant.
    Comme je le disais, j'ai honte d'avoir quitté les forces. Je défends aujourd'hui cette cause en compagnie de femmes qui ont vécu la même chose que moi et qui sont demeurées en poste, ce que j'ai été incapable de faire. Comme j'ignorais qui m'avait violée, je savais que je ne pourrais jamais me sentir en sécurité nulle part.
    Je ne devrais pas avoir à inscrire sur chaque formulaire qu'elle a été mon premier diagnostic en fournissant tous les détails pour bien expliquer la chose. C'est comme si j'essayais de simplifier la situation à un point tel qu'ils puissent comprendre et faire le lien qui s'impose. Tout cela m'épuise. Comme je l'indiquais, il y a des demandes que je n'ai pas présentées, mais qu'il faudrait que je soumette. C'est nécessaire, parce que j'ai besoin de soins. Il me faut des traitements qui doivent être pris en charge.
    Je vais m'arrêter ici, car je prends trop de votre temps. Je suis désolée.
(1735)
    Non, nous vous remercions. Ce n'est pas du tout l'impression que nous avons. Les renseignements que vous venez de nous fournir sont extrêmement précieux pour notre comité. Il est primordial que nous comprenions bien la situation. Je crois qu'il s'agit de revendications que nous entendons trop souvent quant à cette obligation de revenir sans cesse sur des événements qu'il est difficile de revivre. Ne croyez surtout pas avoir pris trop de notre temps. Il ne fait aucun doute que nous vous sommes très reconnaissants de ces points de vue que vous venez de nous transmettre.
    Nous allons maintenant terminer notre période de questions pour aujourd'hui avec Mme Blaney qui dispose de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Comme je le disais précédemment, je suis désolée que vous ayez à étaler devant nous toute cette souffrance pour que nous puissions enfin agir concrètement.
    Je vais revenir à la question plutôt terre‑à‑terre, mais très importante, de la collecte de données. J'estime que les enjeux qui ne font pas l'objet d’un suivi finissent par nous échapper complètement et devenir carrément invisibles.
    Il me reste seulement un peu plus de deux minutes, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez toutes les trois.
    Peut-être d'abord Mme Park?
    Comme les Forces armées canadiennes ne collectent pas suffisamment de données, il devient très difficile pour Anciens Combattants Canada de savoir ce qui s'est passé au fil des ans. Je vais vous donner l'exemple d'une situation qui m'a étonnée, même si on a l'habitude de dire au sein de notre organisation que plus rien ne nous surprend. Il n'existe aucune donnée sur les endroits où des femmes ont été envoyées en déploiement et sur les fonctions qui leur étaient assignées. Il nous faut maintenant chercher à nous renseigner auprès des intéressées elles-mêmes. Il va de soi que ces expériences de déploiement, et surtout celles se déroulant dans des conditions difficiles, ont des répercussions sur les soins de santé requis par la suite et sur d'autres problématiques. Si j'avais une demande à formuler… Ils ont essayé de réaliser une étude. Ils ont pu retrouver des femmes en remontant jusqu'à 2000, mais auraient indiqué qu'il n'était pas possible d'aller plus loin en arrière. Il y a eu un total de 399 missions depuis 1945. Des femmes sont déployées à l'étranger depuis 1975. Nous devons nous contenter de faire appel à la contribution du plus grand nombre pour obtenir des informations à ce sujet.
    Nous essayons de communiquer avec les victimes de la purge, ceux et celles qui y ont survécu. Nous aimerions parler à leurs proches, et nous ne savons pas comment les retrouver. Nous ne disposons pas des données nécessaires pour savoir qui elles sont ou comment les rejoindre. Nous estimons que le gouvernement pourrait apporter son aide en intensifiant la diffusion d'information et la sensibilisation. Nous avons besoin de ces données, car nous savons que ces victimes sont vieillissantes et en sont, dans bien des cas, à la dernière étape de leur vie. Nous voudrions que ces personnes sachent à ce moment‑ci qu'elles ont droit à tout notre respect à titre de vétérans et qu'elles peuvent obtenir de l'aide d'Anciens Combattants Canada et d'un gouvernement qui, trop souvent, les a trahies. Sans ces données, nous ne pouvons même pas savoir de quelle quantité de ressources nous avons besoin pour pouvoir aider ces gens‑là.
    Est‑ce que quelqu'un d'autre voudrait répondre brièvement? Nous sommes arrivés à la limite du temps prévu, mais je peux encore permettre une brève réponse.
    J'allais dire que si Anciens Combattants Canada et les Forces armées canadiennes assuraient le suivi des problèmes de santé et des demandes d'indemnisation, que si tous ces chiffres et ces paramètres étaient consignés, nous pourrions savoir quels programmes sont nécessaires. Nous pourrions alors recueillir des données sur l'efficacité de ces programmes. C'est l'objectif principal. Nous devons être transparents et rendre des comptes à la population. Après tout, c'est l'argent des contribuables. Si les programmes ne sont pas conçus en fonction de vos besoins, ils ne produiront pas de résultats pour vous. La collecte de données doit être à la base de tout le travail accompli, car, comme je l'indiquais, un problème qui n'est pas bien défini ne peut pas être traité. Et pour pouvoir bien le définir, il faut faire un suivi et compiler des données.
    Je vous remercie.
(1740)
    Nous devons nous arrêter ici. Je tiens à remercier sincèrement toutes nos invitées d'aujourd'hui de leur témoignage touchant et percutant. Je crois pouvoir parler au nom de tous mes collègues en disant que vous avez été très convaincantes et que votre apport sera très important pour la suite de nos délibérations et pour les recommandations que nous allons formuler. Sachez que vous avez vraiment contribué à changer les choses aujourd'hui. Merci de votre courage et du temps que vous nous avez consacré.
    C'est ce qui va conclure notre réunion d'aujourd'hui.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU