Passer au contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 075 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 octobre 2023

[Enregistrement électronique]

(1700)

[Traduction]

    Bienvenue à tous. La séance est maintenant publique.
    Nous sommes très heureux de recevoir le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l'honorable Arif Virani, qui témoigne devant le Comité pour la première fois.
    Bienvenue, monsieur le ministre.
    Nous recevons également les représentants du ministère de la Justice: la sous-ministre et sous-procureure générale du Canada, Shalene Curtis-Micallef; l'avocat général et directeur de la Section de la politique en matière de droit pénal, Matthew Taylor, qui a témoigné devant nous à maintes reprises; et l'avocate-conseil par intérim Joanna Wells, également de la Section de la politique en matière de droit pénal.

[Français]

     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Encore une fois, bienvenue.
    Monsieur le ministre, vous serez avec nous pendant une heure aujourd'hui. Vous disposez de 10 minutes pour votre déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des membres du Comité.
    Allez‑y.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente. Je voudrais commencer par vous féliciter pour votre élection à la présidence de ce comité.
     C'est ma première visite comme ministre, mais ce n'est pas ma première visite au Comité. Je suis un habitué. Je remercie le Comité de me donner l'occasion de comparaître pour parler du projet de loi S‑12, qui propose une série de réformes au régime national d'enregistrement des délinquants sexuels et aux dispositions du Code criminel relatives aux interdictions de publication.
    Les réformes concernant les interdictions de publication donneraient aux victimes d'actes criminels plus d'autonomie quant aux interdictions de publication et amélioreraient leur droit continuel à l'information. Les réformes concernant les délinquants sexuels renforceraient le Registre national des délinquants sexuels et répondraient à l'arrêt de la Cour suprême du Canada rendu en 2022 dans l'affaire R. c Ndhlovu.

[Traduction]

    Je suis très heureux de savoir que le Comité reconnaît l'urgence de la situation et qu'il entreprend une étude préliminaire sur cette mesure législative. Je vous remercie sincèrement d'avoir pris cette initiative. Comme vous le savez, le tribunal nous a imposé un délai. Si la loi ne reçoit pas la sanction royale d'ici le 28 octobre, il sera impossible d'ajouter les délinquants sexuels au Registre. Je crois que personne ne souhaite un tel résultat.
    Pour commencer, je vais vous parler des réformes que contient la loi et qui ont été proposées par les victimes et les survivants d'agressions sexuelles, et aussi par leurs défenseurs. Je leur suis très reconnaissant d'avoir partagé leur histoire avec les membres de mon équipe alors que nous rédigions le projet de loi S‑12. Grâce à leur leadership, le projet de loi S‑12 nous permettra d'avoir en place un système de justice qui répond mieux aux besoins des victimes au Canada.

[Français]

    Le projet de loi S‑12 propose une approche axée sur la victime, qui vise à donner plus de pouvoir aux victimes. Pour ce faire, il exige que les tribunaux et les procureurs vérifient si les victimes souhaitent être protégées par une ordonnance de non-publication et, le cas échéant, qu'ils les informent des effets d'une ordonnance de non-publication et de leur droit de demander sa révocation ou sa modification.

[Traduction]

    Le projet de loi S‑12 vise à éviter que les personnes qui transmettent des renseignements d'identification personnels ne fassent l'objet de poursuites. Les victimes et les survivants ne devraient pas être poursuivis en justice parce qu'ils ont raconté leur histoire. C'est le fondement même du projet de loi.
    Je tiens à remercier les membres du Comité d'avoir fait preuve de leadership en ce qui a trait aux ordonnances de non-publication. Je sais que le Comité a examiné la question dans le cadre de son étude sur les victimes d'actes criminels l'année dernière, et que bon nombre des députés qui se trouvent dans la salle aujourd'hui y ont participé. Je sais aussi que bon nombre d'entre vous ont rencontré et entendu les membres du groupe My Voice, My Choice et d'autres défenseurs des droits des victimes. Heureusement, l'appui à l'égard de ces réformes transcende les allégeances partisanes. Nous avons maintenant l'occasion de franchir la ligne d'arrivée avec la présente mesure législative selon les délais qui ont été imposés par la Cour suprême.
    Après un examen approfondi du projet de loi S‑12, le Sénat a apporté des modifications aux réformes sur les ordonnances de non-publication afin de répondre aux préoccupations exprimées par les témoins dans le cadre de l'étude sur le projet de loi. Bien que les modifications du Sénat aient renforcé le projet de loi de façon générale, je me préoccupe de certaines d'entre elles. De façon particulière, j'aimerais attirer votre attention sur deux modifications.
    La première vise à exiger du procureur qu'il informe les victimes et les témoins visés par une ordonnance de non-publication des circonstances selon lesquelles ils pourraient communiquer l'information sans être exposés à des conséquences juridiques. Bien que je comprenne l'objectif d'une modification de cette nature, elle soulève de sérieuses questions au sujet de l'indépendance du procureur et en matière de conflits d'intérêts.
    Les procureurs de la Couronne qui feraient ces recommandations seraient les mêmes qui se chargeraient de la poursuite. Je sais très bien que le Comité compte parmi ses membres non moins de trois anciens procureurs de la Couronne et je suis certain qu'ils partagent certaines de mes préoccupations à cet égard. En fait, j'ai déjà reçu les lettres de certains procureurs généraux provinciaux qui ont exprimé la même préoccupation.
    La deuxième vise à préciser ce qui est visé ou non par une ordonnance de non-publication. Tel qu'il a été modifié par le Sénat, le projet de loi S‑12 précise que les personnes qui sont protégées par une ordonnance de non-publication peuvent communiquer des renseignements à leur sujet si elles n'identifient pas une autre personne également protégée par l'ordonnance. Le problème ici, c'est que certaines victimes ou certains témoins sont visés par une autre ordonnance de non-publication et souhaitent que leur identité demeure confidentielle.
    J'aimerais maintenant m'éloigner des modifications du Sénat et passer à d'autres composantes du projet de loi S‑12.
    Un autre élément du projet de loi S‑12 qui se centre sur les victimes et les survivants a trait aux renseignements obtenus des tribunaux. En vertu de la Charte des droits des victimes, celles‑ci peuvent décider d'être tenues au courant des développements dans une affaire, comme les demandes d'appel ou les libérations conditionnelles. Elles peuvent aussi décider qu'elles ne veulent pas que l'on communique avec elles au sujet de l'affaire. Elles ont le droit de passer à autre chose et ne plus jamais en entendre parler.
    Le projet de loi S‑12 simplifie et rationalise grandement le processus d'inscription en vue d'obtenir de l'information puisqu'il exige des juges qu'ils demandent aux victimes d'exprimer leur préférence en cochant simplement une case dans un formulaire. Je suis très reconnaissant envers les personnes qui ont soulevé cette question et je souligne que cette mesure représente une priorité clé pour l'ombudsman des victimes d'actes criminels.
    J'aimerais maintenant vous parler des mesures du projet de loi S‑12 qui portent sur le Registre national des délinquants sexuels.
    En réponse à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Ndhlovu, le projet de loi S‑12 propose de remplacer l'inscription automatique par une présomption d'inscription, ce qui signifie qu'il faut imposer une ordonnance de se conformer au Registre dans tous les cas impliquant une infraction à caractère sexuel, à moins que le délinquant puisse démontrer que l'inscription serait exagérément disproportionnée ou excessive. Toutefois, le projet de loi conserve l'inscription automatique pour deux catégories: les délinquants sexuels récidivistes et les auteurs d'infractions sexuelles contre les enfants qui sont condamnés à deux ans d'emprisonnement ou plus, même s'il s'agit d'une première infraction.
    La restriction de l'inscription automatique à ces types de situations se fonde sur les données probantes en matière de sciences sociales voulant que les délinquants de ces catégories présentent un risque plus élevé de récidive. Une telle mesure répond directement à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Ndhlovu voulant que l'inscription automatique ne soit justifiée que pour les personnes qui présentent un risque élevé de récidive. Le tribunal a demandé la modification de cette disposition, et c'est ce que nous avons fait.
    À mon avis, l'inscription de ces personnes doit toujours correspondre aux objectifs du Registre et être proportionnelle à ceux‑ci. Les infractions d'ordre sexuel envers les enfants sont des crimes odieux que je condamne avec la plus grande fermeté, comme tous les parlementaires. Je vous en parle non seulement en tant que ministre de la Justice et député de Toronto, mais aussi en tant que père de deux jeunes garçons.
    De plus, nous savons que les délinquants sexuels récidivistes — qui font partie des deux catégories de délinquants qui seraient automatiquement inscrits — sont cinq à huit fois plus susceptibles de récidiver que les personnes dont les crimes précédents n'étaient par d'ordre sexuel.
    Un autre volet de la décision dans l'affaire Ndhlovu porte sur l'inscription obligatoire à vie. Le projet de loi S‑12 propose de permettre à un tribunal d'ordonner l'inscription à vie de certaines personnes. On parle ici de personnes qui ont été reconnues coupables de plus d'une infraction désignée dans le cadre de la même procédure, dont le type comportement est associé à un risque accru d'agressions sexuelles en série. Ainsi, on répond aux préoccupations de la Cour suprême, tout en permettant l'inscription à vie dans les cas appropriés.
(1705)

[Français]

     Pour compléter les propositions qui donnent suite à l'arrêt dans l'affaire R. c Ndhlovu, il y a aussi des modifications qui visent à renforcer le régime d'enregistrement des délinquants sexuels dans son ensemble et à le rendre plus efficace. Ces modifications comprennent l'obligation, pour les délinquants sexuels inscrits, de donner un préavis d'au moins 14 jours de tout voyage ainsi que l'adresse précise de leur destination. Cela donnera à la police plus de temps et d'information pour évaluer les risques et, au besoin, pour alerter leurs partenaires internationaux chargés de l'application de la loi des plans de voyage prévus d'une personne.

[Traduction]

    Parmi les autres modifications clés se trouve l'ajout d'autres infractions donnant lieu à l'inscription au Registre, notamment la distribution non consensuelle d'images intimes et la sextorsion, et l'ajout d'un nouveau mandat d'arrestation dans les cas de non-respect des obligations relatives à l'inscription d'un délinquant.
    Ainsi, nous avons non seulement revu le Registre des délinquants sexuels afin qu'il corresponde aux lignes directrices de la Cour suprême — à mon avis —, mais nous y apportons aussi des améliorations, notamment en ce qui a trait au nombre d'infractions visées.
    Le nouveau mandat d'arrestation est essentiel du point de vue de l'exécution de la loi. Encore une fois, il ne s'agit pas d'un enjeu partisan, mais bien d'un enjeu que nous prenons tous très au sérieux. Je souligne que de nombreux intervenants ont parlé aux membres de mon équipe de ce projet de loi, notamment des intervenants des forces de l'ordre comme la GRC et l'Association canadienne des chefs de police.
    Ils ont dit qu'ils aimeraient que le Registre soit maintenu. À leur avis, il s'agit d'un outil précieux qui nous permet de lutter contre le crime, notamment contre les délinquants sexuels récidivistes. Ils m'ont dit — et j'ai trouvé cela choquant — qu'entre 46 et 75 noms étaient inscrits au Registre national des délinquants sexuels chaque semaine. Ces chiffres varient d'une semaine à l'autre, mais c'est quand même ahurissant. Ce qui serait encore plus ahurissant, ce serait de perdre la capacité d'inscrire ces délinquants au Registre et de préserver la sécurité des Canadiens.

[Français]

     Je vais conclure en disant que je suis persuadé que toutes les réformes proposées dans le projet de loi renforceront le Registre national des délinquants sexuels, respecteront la Charte canadienne des droits et libertés et rendront le système de justice pénale plus sensible aux besoins des victimes d'actes criminels.

[Traduction]

    J'espère que tous les partis représentés au Comité et à la Chambre pourront travailler ensemble pour adopter ce projet de loi au cours des prochaines semaines, puisque le temps presse.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Monsieur Moore, vous avez maintenant la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Virani, je vous félicite pour votre nomination à titre de ministre. Il s'agit sans aucun doute de la première d'une série de comparutions que vous ferez devant le comité de la justice. Nous vous souhaitons la bienvenue.
    Monsieur le ministre, j'aimerais aborder un sujet avec vous en comité. Depuis 2015, le nombre de crimes violents a augmenté de 39 % au Canada; le nombre d'homicides a augmenté de 43 %; le nombre d'homicides liés aux gangs a augmenté de 108 %; le nombre de voies de faits graves a augmenté de 24 %; le nombre d'agressions armées a augmenté de 64 %; le nombre d'agressions sexuelles — qui sont au cœur de la question dont nous sommes saisis aujourd'hui — a augmenté de 71 % et les crimes sexuels contre des enfants ont augmenté de 126 %.
    Vous êtes nouvellement ministre, mais vous connaissez bien ce dossier, puisque vous avez été secrétaire parlementaire du ministre de la Justice pendant un bon moment. Vous avez dit une chose dont j'aimerais que nous discutions. Je viens de vous donner les données de Statistique Canada. Vous avez dit que selon vous, sur le plan empirique, il était peu probable que le Canada soit moins sécuritaire.
    À la lumière de ces renseignements fournis par un organisme non partisan et des commentaires que vous recevez sûrement de la part des électeurs de votre circonscription — comme tous les députés du Parlement —, qui ont l'impression que le Canada est moins sécuritaire, est‑ce que vous maintenez que le Canada n'est pas moins sécuritaire aujourd'hui?
(1710)
    Je vous remercie pour votre question, monsieur Moore. Je vous remercie aussi pour le travail que vous faites au sein du Comité depuis de nombreuses années.
    Ce que je vous dirais, c'est qu'il y a un problème évident en matière de sécurité et de crime au Canada à l'heure actuelle. Les statistiques que vous venez d'évoquer m'ont été transmises. Je les ai vues et j'ai aussi vu l'indice de gravité des crimes et je suis d'accord avec vous: nous avons un problème de criminalité au pays, surtout depuis la pandémie.
    Je vous dirais que mon premier rôle consiste à veiller à ce que les Canadiens se sentent en sécurité à la maison, dans leur communauté, au travail, dans leurs loisirs et à l'école. C'est pourquoi j'étais très heureux de voir deux projets de loi sur la justice faire l'objet de débats au cours des deux premières semaines de travaux du Parlement. L'un d'eux porte sur la réforme de la mise en liberté sous caution. Il a obtenu le consentement unanime de tous les partis et permettra d'assurer la sécurité des Canadiens. Le deuxième rétablit le Registre des délinquants sexuels. Il nous permettrait notamment de protéger les Canadiens contre les agressions sexuelles et les agressions sexuelles contre les enfants, que vous avez évoquées dans vos statistiques.
    Est‑ce qu'il y a un problème? Oui. Est‑ce que le projet de loi permettra de l'aborder? Tout à fait.
    Merci, monsieur le ministre.
    Ce qui me pose problème... Et je le dis parce que parmi tous les témoins que nous avons reçus en comité pour parler de la sécurité et du rétablissement de la justice dans le cadre de nos études, aucun n'a évoqué la pandémie pour justifier la hausse stratosphérique du nombre de crimes au Canada comme vous venez de le faire.
    Ce qu'on dit, c'est que le problème vient des politiques qui ont été mises en place par votre gouvernement, comme le projet de loi C‑75, qui a entraîné un phénomène de porte tournante avec notre système de cautionnement et qui donne lieu à la libération des délinquants, et le projet de loi C‑5, qui permet aux auteurs d'agressions sexuelles de purger leur peine à la maison plutôt qu'en prison, comme ils le devraient.
    Monsieur le ministre, reconnaissez-vous que les mesures qui ont été prises par votre gouvernement — comme le projet de loi C‑5 et le projet de loi C‑75 — pourraient aussi avoir une incidence sur l'augmentation du nombre de crimes au Canada?
    Monsieur Moore, vous et moi n'avons pas la même perception de ce sujet.
    Je crois que le projet de loi C‑5 — et j'étais secrétaire parlementaire au moment de sa mise en œuvre — avait plusieurs objectifs, notamment celui de régler le problème de retards au sein du système judiciaire, qui avait été soulevé par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Jordan. Il abordait certains éléments comme le renversement du fardeau de la preuve pour la mise en liberté sous caution dans les cas de violence conjugale. C'est une chose qui nous tient à cœur et nous avons élargi la portée des dispositions sur le renversement du fardeau de la preuve dans l'actuel projet de loi sur la réforme de la mise en liberté sous caution, le projet de loi C‑48. Nous avons aussi enchâssé certains principes relatifs à la mise en liberté sous caution, qui ont codifié la jurisprudence de la Cour suprême.
    En ce qui a trait au projet de loi C‑5, monsieur Moore, je suis une fois de plus tout à fait en désaccord avec vous. Ce projet de loi visait à réduire la surreprésentation des personnes noires et autochtones au sein du système de justice pénale du Canada. Certaines peines minimales obligatoires imposées par le gouvernement de Stephen Harper ont donné lieu à la multiplication du taux d'incarcération des Autochtones par six et à celui des Noirs par deux.
    En ce jour où nous venons d'élire le tout premier Président noir de la Chambre des communes, je vais défendre les efforts déployés par le gouvernement pour réduire le racisme et la surreprésentation de certains groupes de personnes au sein de notre système.
    Merci, monsieur le ministre.
    La décision dont il est question ici... La Cour suprême a indiqué que les délinquants inscrits au registre sont huit fois plus susceptibles que la population générale de commettre une infraction de nature sexuelle. C'est pourquoi il est essentiel que les délinquants déclarés coupables d'infractions sexuelles soient automatiquement inscrits au registre et que cette inscription soit obligatoirement à perpétuité pour ceux qui ont commis de multiples infractions.
    Il s'agit d'une décision de 5 contre 4. Dans les motifs dissidents, il est indiqué ce qui suit:
il est clair qu'on ne peut prédire de manière fiable, au moment de la détermination de la peine, quels délinquants récidiveront. Compte tenu de ce risque incertain, le Parlement était en droit de ratisser large.
    Avez-vous envisagé de ratisser plus large? Certaines dispositions prévues dans le projet de loi S‑12 ont une portée assez restreinte et rendraient obligatoire l'inscription au Registre national des délinquants sexuels, alors qu'auparavant, tout contrevenant déclaré coupable d'une infraction sexuelle y était inscrit.
    Avez-vous considéré la possibilité de ratisser plus large?
(1715)
    Nous en sommes à six minutes. Le temps est écoulé, je le crains.
     Voudriez-vous que je réponde à cette question?
    Je vais demander à Mme Dhillon de commencer et la laisserai décider si elle veut vous laisser y répondre.
    Je vous remercie, madame la présidente. Je voudrais vous féliciter pour votre nouveau rôle. C'est la première fois que je prends la parole au sein du Comité au cours de la présente session.
    Je veux également remercier profondément le ministre de témoigner. Bienvenue devant le Comité. Vous pourriez vouloir répondre brièvement à la question précédente ou je peux poser la mienne.
    Je répondrai avec plaisir. Merci, madame Dhillon.
    Sachez tout d'abord, monsieur Moore, qu'il importe de retenir du projet de loi S‑12 que la vaste majorité des personnes figurant dans le registre y resteront inscrites. C'est le premier point.
    Je le souligne, car l'inscription automatique est prévue dans deux catégories, et toute autre personne sera inscrite à moins qu'elle ne puisse démontrer, en vertu du principe de présomption réfutable, qu'elle ne devrait pas l'être parce que ce serait excessif ou complètement disproportionné. C'est important.
    Avons-nous soigneusement réfléchi à la question? Certainement, nous l'avons fait, mais ce à quoi j'ai accordé le plus de réflexion dans ce projet de loi, c'est le fait que la Cour suprême a majoritairement statué que l'absence de pouvoir discrétionnaire des juges constitue une violation de l'article 7, car cela est excessif et ne respecte pas le critère relatif à l'atteinte minimale en vertu de l'article 1. Par conséquent, nous avons dû apporter des modifications, que nous avons soigneusement rédigées de manière à ce qu'elles soient conformes à la Charte, selon moi.
    Je vous remercie, madame Dhillon.
    Merci, monsieur le ministre.
    Vous avez parlé d'un problème extrêmement important qui attend depuis trop longtemps d'être réglé.
    Il s'agit de la sextorsion, qui détruit des vies pas seulement sur le moment, mais pour toujours. Elle sème le chaos dans la vie d'une personne et la rend souvent sombre et misérable. Je voudrais que vous nous disiez si ces crimes ont eu des conséquences sur les Canadiens ces dernières années et comment cette réforme les aidera dans les affaires de sextorsion.
    Je vous remercie.
     Je vous remercie, madame Dhillon. C'est une question vraiment importante, car elle nous montre que les parlementaires que nous sommes sont suffisamment souples pour réagir aux besoins qui existent actuellement. La sextorsion est une situation très problématique qui touche des enfants, des jeunes, ainsi que des adultes de toutes les régions du pays.
    Les statistiques du Centre canadien de protection de l'enfance qu'on m'a montrées, madame Dhillon, indiquent que le Centre a reçu 3 400 signalements de sextorsion au cours de la dernière année seulement. Ce sont donc 65 enfants par semaine qui ont été victimes de ce crime. C'est inacceptable. Ici encore, c'est à titre de père, de parlementaire et de ministre de la Justice que je vous dis qu'avec l'avènement d'Internet et des téléphones intelligents, il se passe bien des choses, parfois à notre insu. Il est problématique que des gens soient rendus vulnérables de cette manière.
    En vertu de la mesure rigoureuse prise dans le projet de loi en réaction au problème, les délinquants déclarés coupables de sextorsion feront partie des personnes qui doivent être inscrites au registre. C'est vraiment essentiel. Comme il existe une présomption réfutable, le délinquant sera inclus à moins qu'il ne démontre pourquoi il ne devrait pas l'être. Cette mesure contribuera à protéger les enfants.
    Parlez-nous brièvement de la raison pour laquelle il serait préjudiciable que la date limite du 28 octobre ne soit pas respectée.
    Je dirai simplement, madame Dhillon, que ce délai approche à grands pas. C'est à la fin du mois. Ce serait préjudiciable, parce que les organismes d'application de la loi ont communiqué avec moi au sujet de la mise en liberté sous caution, et nous avons réagi avec le plan de mise en liberté sous caution. Ils ont communiqué avec moi à propos du registre des délinquants sexuels, disant qu'il leur fournit des renseignements qui leur permettent de protéger les Canadiens, en particulier contre les prédateurs sexuels.
    Si ce projet de loi ne reçoit pas la sanction royale d'ici le 28 octobre, nous perdrons la capacité d'ajouter des noms au registre. C'est préjudiciable, surtout si on tient compte de la statistique stupéfiante que je vous ai présentée, à savoir qu'entre 40 et 70 personnes sont ajoutées au registre chaque semaine. Cela témoigne du nombre d'infractions sexuelles commises au Canada et montre également la nécessité d'avoir une base de données pour aider les organismes d'application de la loi à protéger les gens contre les récidivistes.
(1720)
    Merci beaucoup.
    Pouvez-vous nous parler rapidement du mandat visant à assurer la conformité? Qu'est‑ce que cela permettrait de faire? Comment les forces de l'ordre ont-elles réagi à cette mesure?
    Je vous remercie
    Ce mandat est intéressant. Les organismes d'application de la loi ont communiqué avec moi et dit qu'ils voulaient non seulement le registre, mais aussi la capacité d'agir sur ce registre, affirmant qu'il est parfois difficile d'amener les délinquants à fournir des renseignements ou à mettre leurs renseignements à jour dans le registre.
    Le projet de loi S‑12 créera une situation qui autorisera la police à demander un mandat pour arrêter un délinquant qui ne respecte pas ses obligations à l'égard du registre et à l'amener à un centre de déclaration pour faciliter la conformité. C'est une démarche importante. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où les gens croient qu'ils peuvent carrément faire fi de la loi. Cette mesure relative aux mandats visant à assurer la conformité nous permet de fournir aux organismes d'application de la loi un outil supplémentaire pour maintenir l'intégrité du registre lui-même.
    Merci.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Fortin.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Monsieur le ministre, bonjour. À mon tour, je vous félicite pour votre nomination à titre de ministre de la Justice. Comme toujours, c'est avec plaisir que les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne vont travailler avec vous.
    Comme vous l'avez mentionné, nous sommes à l'étape de l'étude préalable du projet de loi S‑12, puisque celui-ci ne nous a pas encore été renvoyé. Je suis de ceux qui pensent que c'est une bonne idée de procéder ainsi. Vous avez eu raison de mentionner que le délai imposé par la Cour suprême du Canada et prenant fin à la fin du mois fera que l'inscription au Registre national des délinquants sexuels ne sera plus obligatoire, ce qui serait un drame. Nous sommes d'accord sur cela.
    Cependant, comment expliquez-vous que le projet de loi n'ait été déposé au Sénat que le 26 avril 2023, alors que l'arrêt de la Cour suprême remonte au 28 octobre 2022, soit il y a presque un an? Six mois se sont donc écoulés entre le moment où la Cour suprême a statué qu'on devrait modifier la loi et le moment où le projet de loi a été déposé. Comment expliquez-vous ce délai, monsieur le ministre?
    Monsieur Fortin, je vous remercie de vos bons mots et de votre question très importante.
    Pour préparer le projet de loi et répondre à la Cour suprême du Canada, il a fallu consulter plusieurs groupes et organisations. En fait, nous en avons consulté 31, dont des regroupements de policiers et d'avocats de la Couronne, des représentants de groupes des victimes, de groupes de femmes, de groupes d'avocats de la défense, de groupes pour la protection des enfants et de groupes représentant les communautés LGBTQ2, entre autres. Mener toutes ces consultations a pris du temps.
    Il a aussi fallu ce temps pour rédiger un projet de loi qui ne vise pas qu'à répondre à la Cour suprême, mais aussi qui élargit l'application des lois actuelles, comme celles en lien avec la sextorsion ou le partage non consensuel de photos d'une personne. C'est un ajout que nous avons fait après avoir consulté les gens.
     Je comprends ce que vous dites, et je trouve que cela a du sens. Je suis convaincu qu'il faut faire de nombreuses consultations avant de rédiger un projet de loi comme celui-là. Toutefois, tout le monde autour de la table s'entend pour dire que c'était urgent, mais on a quand même pris six mois pour y penser, avant de déposer le projet de loi. Le Sénat a fait un travail quand même relativement rapide puisque le projet de loi a été adopté à l'étape de la troisième lecture le 22 juin, juste avant l'ajournement estival. On aurait pu convoquer le Comité permanent de la justice et des droits de la personne au cours de l'été et accélérer les choses, mais cela n'a pas été fait. Je comprends que cela devait d'abord passer par la Chambre et que c'était compliqué.
    Personnellement, ce que je déplore, c'est surtout le délai entre le moment où tout le monde, partout au Canada, a constaté qu'il y avait urgence et le moment où on a déposé le projet de loi. La Cour suprême nous a dit qu'il fallait changer cela, mais on a mené des consultations pendant six mois. Votre explication m'apparaît crédible, mais je ne suis pas certain qu'elle soit suffisante. Sur le plan de la crédibilité, je pense qu'il y a eu du laxisme de la part du gouvernement durant les six premiers mois. Aujourd'hui, on bouscule les travaux du Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour corriger ce laxisme. Je déplore cela et je voulais vous le mentionner.
    Cela dit, comme il me reste environ deux minutes, j'aimerais que vous me parliez de ce qui suit. Vous avez mentionné dans votre allocution d'ouverture qu'il y aurait possiblement un conflit d'intérêts si les procureurs de la Couronne étaient obligés, comme précisé dans le projet de loi, d'informer les victimes des conséquences d'une ordonnance de non-publication et des contraventions à l'ordonnance. Ce conflit d'intérêts m'apparaît un peu étonnant et j'aimerais que vous preniez une minute pour m'expliquer en quoi il y a un conflit d'intérêts. N'est-ce pas le travail du procureur de la Couronne de s'assurer que tout le monde comprend bien ce qui se passe? Personnellement, j'ai toujours cru comprendre que le procureur de la Couronne n'avait pas de cause à gagner. À partir de là, je vois donc mal pourquoi il y aurait un conflit d'intérêts. Je vous laisse vous expliquer sur cette question et, peut-être, proposer une solution de rechange, le cas échéant.
(1725)
     D'accord. Il y a plusieurs éléments de réponse, monsieur Fortin.
    Effectivement, lorsqu'on parle de conflit d'intérêts, c'est une chose d'expliquer ce qu'est une ordonnance de non-publication à une victime ou à une personne qui se présente devant la cour, mais c'en est une autre d'expliquer que, si on fait ceci ou cela, on peut se retrouver coupable d'avoir violé l'ordonnance. Dans ce contexte, le procureur ou la procureure n'est pas seulement là pour donner l'information de façon objective et neutre, mais aussi pour donner des conseils à la victime. C'est le même bureau, et possiblement le même procureur, qui sera là lors du procès, le cas échéant, avec les mêmes personnes. Peut-être que MM. Caputo, Brock ou Mendicino, qui ont de l'expérience en la matière, peuvent ajouter des détails à ma réponse.
    Pour répondre à votre premier point, je dirai ceci: dans les cas où on veut lever une ordonnance de non-publication dans un contexte quelconque, par exemple pour faciliter l'autonomie ou l'indépendance d'une victime, la situation est assez délicate. On utilise l'ordonnance de non-publication à plusieurs reprises pour protéger les intérêts des victimes, tout en s'assurant que celles-ci ont l'indépendance, l'habileté et l'autonomie nécessaires pour prendre leurs propres décisions. Dans ce contexte, il fallait prendre un peu plus de temps pour rédiger ce projet de loi.
    Merci beaucoup, monsieur Fortin.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue dans votre rôle de présidente dans le cadre de notre première séance publique.
    Bien entendu, je me ferai l'écho des mots de bienvenue présentés au ministre ici aujourd'hui. Compte tenu de son expérience antérieure au sein du Comité, je suis certain qu'il sera disposé à revenir nous parler à de nombreuses autres reprises. Comme il est nouvellement ministre, il y a plusieurs choses dont j'aimerais lui parler, comme la décriminalisation de la non-divulgation de la séropositivité, la décriminalisation du travail du sexe, la réforme de nos lois sur l'extradition et le projet de loi dont la Chambre est saisie, soit le projet de loi C‑40 sur les erreurs judiciaires. Cependant, acceptant l'urgence avec laquelle nous traitons le projet de loi S‑12, je limiterai mes commentaires et mes questions à ce projet de loi aujourd'hui.
    J'admets entièrement qu'il est urgent de maintenir le registre des délinquants sexuels, mais je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir souligné que le projet de loi S‑12 le préserve et l'améliore. Dans ma circonscription, il est arrivé que des personnes soient inscrites au registre des délinquants sexuels alors que personne dans la communauté ne pouvait raisonnablement croire qu'elles auraient dû l'être. Parfois, il s'agit de personnes neuroatypique ou ayant des déficiences intellectuelles et qui se sont retrouvées dans le registre des délinquants sexuels. J'ai parlé à des défenseurs des droits et à ces personnes. Ce projet de loi donnera à un juge la possibilité — du moins, c'est ainsi que je le vois — de décider si toutes ces personnes devraient être automatiquement inscrites au registre.
    Je me demandais simplement si vous étiez au courant de ce genre de cas.
    Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de vos bons mots, monsieur Garrison, et de vous remercier, vous et votre collègue Laurel Collins, de tout le travail que vous avez accompli pour régler la question de l'interdiction de publication.
    J'ai certainement entendu parler de ces cas, et je pense que c'est la raison pour laquelle c'est important. Cela rejoint un peu la question précédente de M. Moore et l'idée que le pouvoir discrétionnaire des juges constitue un filet de sécurité important. J'ai trouvé un peu troublant que l'étude menée par le Comité de la sécurité publique au cours de la présente législature, en 2010, laisse entendre qu'il y avait deux types de pouvoir discrétionnaire à l'époque — celui de la poursuite et celui des juges — et propose de se débarrasser du pouvoir de la poursuite, tout en maintenant le pouvoir des juges.
    À l'époque, le gouvernement de Stephen Harper a décidé d'éliminer tout pouvoir discrétionnaire, et nous voyons maintenant la réaction de la Cour suprême à cette décision. Il est très important de protéger le pouvoir discrétionnaire, mais aussi de prévoir des garde-fous et des critères pour encadrer ce pouvoir, et l'âge et les caractéristiques personnelles de la victime sont l'un des garde-fous prévus dans le projet de loi.
    C'est exactement à ce genre de critère qu'un juge doit porter attention pour déterminer si la présomption devrait être réfutée et si une personne ne devrait pas être inscrite dans un contexte donné.
(1730)
    Parmi les résultats, nous avons constaté que les ressources limitées dont nous disposons et les ressources limitées des organismes d'application de la loi sont parfois gaspillées lorsqu'elles sont appliquées de façon universelle, plutôt que de cibler les personnes qui risquent le plus de récidiver.
    Je tiens également à souligner que le deuxième aspect de ce projet de loi est également urgent. Il est certain que, dans le cadre de l'étude sur les victimes, le Comité a entendu des victimes d'agression sexuelle au sujet de ce à quoi, je pense, les gens ne pensent pas vraiment, c'est‑à‑dire les personnes poursuivies pour avoir parlé de leurs propres affaires d'agression sexuelle.
    Parfois, c'est une question de liberté d'action pour les victimes. Elles estiment qu'elles n'ont pas à avoir honte ce qui leur est arrivé et voudraient pouvoir en parler. Certaines d'entre elles jugent que c'est une question de sécurité publique et que d'autres membres de leur famille ou de leur communauté avaient besoin de connaître l'affaire. Par « interdiction de publication », nous pensons à la diffusion à la télévision ou dans la presse, mais l'interdiction de publication signifiait que les victimes ne pouvaient pas en parler avec d'autres personnes.
    Je me demande si vous êtes au fait de ces poursuites et de ces restrictions imposées aux victimes.
    Oui, absolument, et je m'inspire d'une partie du travail qui a été fait par votre comité.
    Vous étiez peut-être ici quand Morrell Andrews a témoigné devant le Comité en octobre, l'an dernier. Voici ce qu'elle a dit:
Il était humiliant d'avoir à supplier qu'on me redonne mon droit de parole. Que le tribunal accorde au contrevenant l'honneur d'expliquer pourquoi je devrais être réduite au silence à jamais était choquant, déshumanisant et traumatisant. Alors, je me suis dit que je devais me souvenir du sentiment qu'on éprouve lorsqu'on est écrasé par un système de justice et qu'un jour — pour moi, pour celles que j'ai rencontrées et pour celles qui viendraient après nous —, j'essaierais de changer les choses.
    Je pense que ce projet de loi fait quelque chose à ce sujet.
    Être victime n'est jamais facile. Nous n'avons pas besoin de victimiser à nouveau les victimes. Ce que nous faisons avec ce projet de loi, je crois, c'est permettre aux victimes de prendre le contrôle de leur propre récit. Il y a des garde-fous entourant cette question, et ils sont nécessaires lorsque la levée d'une ordonnance de non-publication peut avoir une incidence sur une autre personne, mais fondamentalement, il s'agit de conférer du pouvoir aux victimes et aux autres témoins qui ont déjà été traumatisés et de veiller à ce que nous ne les traumatisions plus.
    Ici encore, les gens sont quelque peu surpris par le nombre de cas. Je me demande si vous avez des chiffres sur le nombre de fois où des interdictions de publication ont été imposées au Canada.
    Je n'en ai pas, et M. Taylor me chuchote à l'oreille qu'il n'en a pas non plus.
    Je connaissais un peu la réponse à cette question. C'est quelque chose que j'aimerais que nous ayons. Nous avons déjà essayé de connaître ce chiffre. Je ne sais pas exactement pourquoi c'est un problème si difficile, mais je suppose que si nous avons plus de temps avec les fonctionnaires, nous poserons à nouveau des questions à ce sujet.
    Il est certain que le nombre de personnes à qui j'ai parlé et que le Comté a entendues est assez élevé en ce qui concerne les interdictions de publication. La plupart de ces personnes soutiennent que les interdictions de publication découlent d'une vision archaïque voulant que l'agression sexuelle constitue une honte pour la victime. Par conséquent, il est urgent que ces interdictions ne soient pas imposées à l'avenir.
    Je me demande si vous partagez le sentiment que non seulement la question des délinquants sexuels est urgente, mais qu'il est également urgent que nous apportions l'autre moitié des changements prévus dans ce projet de loi.
    Je suis d'accord avec vous, monsieur Garrison, en ce qui concerne l'urgence de régler la question des interdictions de publication.
    Comme je l'ai indiqué à M. Fortin, si on adopte un point de vue nuancé sur la manière dont les interdictions de publication s'appliquent, il s'agit parfois d'un instrument trop contraignant qui enlève du pouvoir à la victime. Ce que nous essayons de faire, c'est de nous assurer que dans le cadre d'une thérapie ou d'une discussion avec des amis, par exemple, la victime puisse contrevenir à l'interdiction de publication sans s'exposer à des poursuites potentielles. Je pense que c'est ce que fait fondamentalement ce projet de loi, et c'est vraiment important dans les dispositions.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Je vous remercie également, monsieur le ministre.
    Nous allons maintenant passer à notre deuxième série de questions de cinq minutes. J'accorderai la parole à M. Caputo.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue dans votre nouveau rôle, pour lequel je vous félicite.
    Monsieur le ministre, vous avez dit d'entrée de jeu que les infractions sexuelles contre les enfants sont ignobles et vous les condamnez avec la plus grande fermeté. Je pense que nous le ferions tous à ce moment‑ci. Vous avez également parlé du projet de loi S‑12 et de son rôle dans la protection des enfants.
    Je suppose que vous appuieriez l'élimination de la détention à domicile comme option dans le cadre de la détermination de la peine pour les personnes reconnues coupables d'infractions sexuelles contre des enfants.
    Je vous remercie de la question, monsieur Caputo.
    Ce que je dirais, c'est qu'il est vraiment important que nous ayons différents outils à notre disposition pour nous assurer que les juges ont la capacité d'imposer des peines qui correspondent au crime, pour ainsi dire, ou qui lui sont proportionnelles. Je pense que ce qui est important, c'est que dans les cas de...
    Je crois que là où vous voulez en venir, c'est à la notion d'ordonnance de sursis. Les ordonnances de sursis ne sont possibles que dans de très rares cas. Il faudrait être condamné à une peine d'emprisonnement de moins de deux ans. Plus important encore, elles ne s'appliquent qu'aux délinquants qui ne constituent pas une menace pour la sécurité publique. Dans le cas d'un agresseur sexuel d'enfants, si un juge croit que la personne constitue une menace pour la sécurité publique, la notion de détention à domicile n'est pas envisageable en vertu d'une loi qui a été adoptée par le Canada.
(1735)
    Monsieur le ministre, je veux revenir là‑dessus. Vous avez parlé de dénonciation et d'exemplarité, et vous parlez de sécurité publique. Il y a là aussi un élément de justice. Vous parlez de sécurité publique. Nous pourrions parler longuement des ordonnances de sursis au cours des prochaines minutes, mais strictement du point de vue de la justice, la personne qui est victime de l'infraction sexuelle, l'enfant, souffre et est littéralement emprisonnée psychologiquement pour la vie.
    Êtes-vous en train de dire que la personne qui a commis une infraction contre l'enfant — l'enfant qui est emprisonné à vie psychologiquement — devrait purger une peine de détention à domicile de moins de deux ans? Est‑ce là votre position?
    Ce n'est pas ma position et je veux que ce soit clair sur le compte rendu. Une personne qui a été reconnue coupable d'une infraction sexuelle contre un enfant est en fait assujettie à une peine minimale obligatoire. Elle ne peut donc pas faire l'objet d'une ordonnance de sursis. La possibilité de détention à domicile n'existe pas. C'est ce que mes fonctionnaires m'indiquent.
    Si j'ai bien compris votre position, vous êtes d'avis qu'une personne ne peut pas obtenir une peine avec sursis pour une infraction sexuelle contre un enfant. Ai‑je bien compris?
    Les infractions sexuelles concernant expressément les enfants sont assujetties à une peine minimale obligatoire, ce qui rend les auteurs inadmissibles à une ordonnance de sursis. C'est ma position.
    Je vois. Ces dispositions n'ont pas été abrogées.
    Prenons l'article 151 du Code criminel. Je pense à une affaire dont je vous ai parlé, où une mère a agressé un enfant de sept ou huit ans. Le juge a estimé que c'était la première fois. Il a donc imposé une ordonnance de sursis après le procès, de sorte qu'il n'y avait pas de circonstance atténuante. La décision a été infirmée en appel. Je crois que l'accusation était portée en vertu de l'article 151. Je ne pense pas que l'appel se fondait sur l'illégalité de la peine, mais plutôt sur sa disproportion. Le représentant du ministère peut me corriger — je m'en remets à M. Brock —, mais je crois comprendre qu'un certain nombre de ces peines minimales obligatoires ont été abrogées.
    Croyez-vous qu'un contrevenant qui s'attaque à un enfant ne peut pas obtenir une ordonnance de sursis en vertu, disons, de l'article 151 du Code, ou de l'article 271 portant sur les agressions sexuelles? Est‑ce votre avis?
    Je vais laisser M. Taylor parler des deux dispositions que vous venez de citer.
    Ce que j'ai dit de façon générale au sujet des agresseurs sexuels d'enfants, c'est que les personnes déclarées coupables d'une infraction sexuelle contre un enfant sont passibles d'une peine minimale obligatoire. Or, quiconque fait l'objet d'une peine minimale obligatoire n'est pas admissible à une ordonnance de sursis, comme l'assignation à domicile.
    Pour répondre à votre question, monsieur Caputo, je partage votre inquiétude au sujet de quiconque commettrait une infraction sexuelle contre un enfant. C'est pourquoi je demande le rétablissement du registre des délinquants sexuels. C'est aussi pourquoi nous avons redoublé d'efforts pour qu'un contrevenant à l'égard d'un enfant y soit inscrit automatiquement plutôt que d'être assujetti au pouvoir judiciaire discrétionnaire.
    Je suis désolé, mais il ne me reste que 30 secondes, monsieur le ministre.
    S'il y a une marge de manoeuvre à cet égard, et que l'auteur d'une infraction sexuelle contre un enfant, y compris le leurre par Internet à l'article 172.1, les contacts sexuels ou toute infraction sexuelle, pouvait écoper d'une ordonnance de sursis, seriez-vous prêt à l'éliminer — oui ou non?
    Je pense qu'il est important de... et si vous faites une allusion indirecte à votre projet de loi d'initiative parlementaire, je serais...
    Ce n'est pas le cas. Je pose la question de façon générale.
    L'hon. Arif Virani: Très bien, monsieur Caputo.
    M. Frank Caputo: Il nous reste cinq secondes. Répondez-vous oui ou non?
    Je serais disposé à examiner tout ce qui contribue à assurer la sécurité des enfants dans notre pays, oui.
    J'invite M. Taylor à peut-être aborder les dispositions précises que M. Caputo a mentionnées.
    D'accord, allez‑y, je vous prie. C'est une importante question. Si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui, je crois savoir que vous reviendrez jeudi.
    C'est comme vous voulez. Je pourrais confirmer très rapidement ce que le ministre a dit.
    Aux termes de l'alinéa 742.1b), une infraction passible d'une peine minimale obligatoire n'est pas admissible à l'ordonnance de sursis. Or, une infraction en vertu de l'article 151, dont M. Caputo a parlé, est assujettie à une peine minimale obligatoire.
    Merci beaucoup.
    Monsieur, est‑ce que cette infraction...
    Non, non, non.
    Des voix: Oh, oh!
    La présidente: Je cède maintenant la parole à Mme Brière, qui a cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente. Je vous félicite pour votre élection.
    Bonjour, monsieur le ministre. Je vous remercie de vous joindre à nous et je vous félicite pour votre nouveau poste.
    Il semble que, en pratique, ce peut être long avant qu'une victime puisse rencontrer un juge ou un juge de paix et obtenir toutes les informations pertinentes sur son droit de demander la levée d'une ordonnance de non-publication. De plus, ni le tribunal ni le procureur n'est tenu d'informer la victime qu'une interdiction de publication a été imposée. Il est donc difficile pour la victime de respecter l'ordonnance si elle ne sait même pas que cette interdiction a été imposée.
    Vous avez brièvement abordé ce qui suit dans vos remarques liminaires: la peine qui découle du non-respect de l'interdiction est parfois plus élevée que celle infligée au délinquant. Qui informe la victime de son droit de demander une interdiction de non-publication, et quand le fait-on?
(1740)
    Plusieurs éléments du projet de loi ont trait à cette situation, madame Brière.
    Comme je l'ai déjà mentionné, la première des choses, c'est qu'il faut cocher une case sur le formulaire pour donner aux victimes la possibilité d'être mises au courant de ce qui se passera dans le futur. La deuxième chose, c'est que les victimes ont la possibilité de demander la levée d'une interdiction de publication. Il y a des contextes pour lesquels il faut accepter cette demande, mais, de temps en temps, une audience peut être nécessaire si l'anonymat ou les caractéristiques personnelles d'une autre personne, par exemple un autre témoin, sont touchés par cette demande.
    La chose importante que tout le monde doit garder en tête, c'est que le thème qui est important dans ce projet de loi est le fait qu'on va permettre plus d'autonomie pour les victimes et pour les témoins, afin qu'ils soient maîtres de leur propre information et qu'ils puissent la communiquer lorsque c'est nécessaire, en respectant quelques conditions.
    Madame Wells, voulez-vous ajouter quelque chose à cet égard?
    Merci beaucoup.
    Lors de l'étude sur les droits des victimes, on vous a demandé de rendre le processus beaucoup plus facile en ce qui a trait aux demandes d'interdiction de publication.
    Quand l'interdiction persiste, s'applique-t-elle aussi lorsque la personne est en thérapie ou qu'elle discute avec ses amis, par exemple? Autrement dit, les victimes doivent-elles respecter l'interdiction lorsqu'elles sont en thérapie ou qu'elles ont des discussions personnelles?
    C'est intéressant, madame Brière, parce que cela touche à ce que j'ai mentionné concernant le Sénat. Le Sénat a proposé huit ou neuf choses. Comme je l'ai mentionné dans mon allocution d'ouverture, nous voulons vraiment donner à la personne la liberté de parler avec sa famille, ses proches ou un professionnel de la santé, comme un thérapeute.

[Traduction]

D'après ma compréhension des amendements proposés par le Sénat, le but est d'élargir la divulgation de l'information ou la communication possible. Nous voulons nous assurer que des garde-fous sont en place permettant que l'information soit divulguée à certaines fins, mais pas dans n'importe quel but.
C'est là où je voulais en venir dans ma déclaration. Il est important d'adapter la réponse en conséquence.

[Français]

    Merci.
    La relation entre la personne et son thérapeute est extrêmement importante. Cela peut toucher l'importance de donner à la victime le pouvoir de commencer sa réhabilitation, mais aussi la possibilité d'entamer un procès.

[Traduction]

    Voilà qui peut en fait favoriser les obligations en matière de rapport lorsque les gens comprennent qu'ils ne seront pas soumis à la force brutale d'une ordonnance de non-publication qui ratisse trop large.

[Français]

     Merci.
    La levée de l'interdiction de publication peut-elle être demandée par quelqu'un d'autre que la victime, par exemple par un conjoint, un parent ou, en cas de décès, un enfant de la victime devenu adulte?
    Je suis certain que cela ne peut pas être proposé par l'accusé. Cela s'applique simplement à une victime ou à un témoin.

[Traduction]

    Je vais laisser M. Taylor répondre à la question, car je pense qu'il avait d'autres précisions à apporter.
(1745)

[Français]

     Selon le libellé du projet de loi, il s'agit de la victime ou de la personne bénéficiant de l'interdiction de publication. Ce n'est donc pas l'accusé, comme le ministre l'a expliqué.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Brière.
    Nous allons maintenant écouter M. Fortin, qui a deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur le ministre, dans mes questions, tantôt, j'ai demandé une explication sur le conflit d'intérêts que vous voyez et qui empêcherait un procureur de la Couronne d'expliquer clairement à une victime les tenants et aboutissants d'une ordonnance de non-publication. J'ai aussi demandé, en guise de sous-question, que vous me proposiez des solutions de rechange. J'aimerais donc maintenant vous entendre nous présenter celles-ci.
    Vous vous souvenez qu'à l'époque, lorsque vous étiez membre du Comité, nous avions entendu les victimes se plaindre de ne pas savoir ce qui se passait, de ne pas être au courant de l'existence d'une ordonnance de non-publication et de ne pas en connaître les tenants et aboutissants, ni la façon d'y mettre fin si elles le souhaitaient. Si ce n'est pas le procureur de la Couronne qui explique cela aux victimes étant parties à un procès, qui doit le faire et de quelle façon?
    Merci beaucoup.
    Selon ce projet de loi, le juge doit demander au procureur s'il a déjà consulté la victime pour savoir si elle veut une interdiction de publication ou s'il a fait de son mieux pour contacter la victime. Cette exigence est écrite noir sur blanc dans le projet de loi. Cela donne une...
    Excusez-moi de vous interrompre, je ne veux pas être impoli, mais vous savez comment cela fonctionne. Le temps passe vite.
    Dans ce contexte-là, je comprends que vous êtes d'accord sur l'idée que le procureur de la Couronne explique à la victime qu'elle peut obtenir une ordonnance de non-publication et qu'il lui en explique les tenants et aboutissants, ainsi que la façon d'y mettre fin. Tout cela sera expliqué.
    C'est exact, monsieur Fortin.
    J'aimerais aussi souligner que certains gouvernements provinciaux m'ont déjà averti qu'ils trouvaient le conflit d'intérêts que j'ai mentionné problématique. Selon eux, on peut parler avec une victime, mais lui donner des conseils juridiques sur ce qui dépasse ou non les limites de l'ordonnance soulèverait un conflit d'intérêts.
    Je suis d'accord avec vous sur les avis juridiques, mais le fait d'expliquer ce qui se passe à la victime m'apparaît être le rôle du procureur de la Couronne. Je comprends que vous êtes assez d'accord, puisque c'est déjà dans le projet de loi.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    De rien. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Fortin. Il vous reste 25 secondes.
    Vous m'avez dit que je disposais de deux minutes et demie, et je les ai épuisées. Toutefois, je peux continuer.
    Non, c'est fini, maintenant.
    Des voix: Ha, ha!
    Monsieur Garrison, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Il a été question à quelques reprises aujourd'hui de ce que les victimes désirent obtenir. Je pense que si nous écoutons attentivement ce que nous ont dit les victimes dans le cadre de notre étude, et que nous examinons les écrits sur le sujet, nous constaterons qu'elles ne veulent pas toujours des peines plus lourdes. Chose certaine, lorsque je travaillais dans le domaine de la justice pénale, les victimes voulaient presque toujours éviter que la même chose n'arrive à quelqu'un d'autre.
    Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous parliez des deux volets du projet de loi qui contribuent à la sécurité publique en prévenant la récidive.
    À mes yeux, la prévention de la récidive est essentielle afin de favoriser la capacité d'agir et l'autonomie de la victime qui souhaite dénoncer l'infraction en conformité avec la loi. Voilà qui permettra aux gens, en particulier aux femmes — si nous sommes honnêtes au sujet des chiffres — de raconter leur histoire aux autres femmes et aux enfants, afin que ceux‑ci puissent se protéger. C'est important.
    Je trouve également important que les gens se sentent... Disons que les victimes dénoncent l'infraction, mais qu'elles aboutissent dans un système de justice pénale qui est parfois assez traumatisant d'emblée. Si elles sentent plus d'ouverture à l'égard de leur autonomie, leur dignité et leur capacité de contrôler l'information, ce contexte favorisera la dénonciation, ce qui est déjà une bonne chose. Nous avons ainsi une meilleure emprise sur la situation. En plus de partager les inquiétudes au sujet de la criminalité en général, nous aurons une meilleure idée de la façon d'aborder la question.
    Il y a selon moi toutes sortes de raisons pour lesquelles cette mesure pourrait être bénéfique si elle est mise en œuvre comme il se doit. Au bout du compte, c'est une question de confiance à l'égard du système de justice pénale — avoir la certitude qu'il répondra aux besoins des victimes. C'est une chose dont j'ai beaucoup entendu parler lorsque j'étais membre de ce comité, et à laquelle nous devons porter attention.
    C'est très bien.
    Je vous remercie, madame la présidente. Je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Nous allons maintenant passer à M. Brock, qui a quatre minutes.
(1750)
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins présents.
    J'aimerais profiter brièvement de l'occasion pour vous féliciter publiquement de votre nouveau rôle, monsieur le ministre. Je me réjouis à l'idée de vous accueillir à maintes reprises.
    Monsieur, j'aimerais d'abord parler du discours de votre gouvernement et de certains arguments que vous et votre prédécesseur, David Lametti, avez invoqués pour justifier le projet de loi C‑48. Vous dites qu'il s'agit d'une mesure législative importante non seulement pour rétablir la confiance du public dans l'administration de la justice, mais aussi pour rendre nos collectivités plus sûres.
    J'ai entendu à maintes reprises à la Chambre que ce qui distingue le projet de loi C‑48, c'est que vous avez tendu l'oreille. Vous avez écouté les intervenants, les premiers ministres, les chefs de police et les présidents d'associations de corps policiers afin d'élaborer un libellé précis visant à resserrer les dispositions de l'inversion du fardeau de la preuve dans le Code criminel et à y ajouter de telles dispositions. Cependant, vous conviendrez avec moi, monsieur, que ces intervenants ne demandaient pas seulement des dispositions supplémentaires d'inversion du fardeau de la preuve concernant d'autres infractions liées aux armes à feu. Ils réclamaient en fait toute une liste de choses qui ne se retrouvent pas dans le projet de loi C‑48. Je ne connais pas le programme de votre ministère, mais je doute que vous proposiez un projet de loi qui envisagerait même d'inclure les autres demandes.
    Cela dit, les gouvernements provinciaux et les associations de corps policiers ont demandé un examen approfondi et une réforme du système canadien de mise en liberté sous caution. Ils ont réclamé de définir les expressions « multirécidiviste dangereux » ou « récidiviste violent » dans le projet de loi C‑48. Ils ont expressément demandé que les enquêtes sur le cautionnement pour les infractions graves commises avec une arme à feu soient entendues par un juge d'une cour provinciale ou supérieure, plutôt que par un juge de paix, que les obligations soient renforcées au moyen de cautions, et qu'il y ait des conséquences en cas de manquement aux obligations.
    Compte tenu du peu de temps dont je dispose, je vous demande, monsieur, pourquoi le gouvernement, votre ministère et vous-même avez ignoré ces mesures supplémentaires importantes que les intervenants demandent pour améliorer la sécurité des collectivités et rétablir la confiance dans notre système de justice.
    Je vous remercie de votre question, monsieur Brock.
    Je préciserais simplement que mon ministère et moi n'ignorons personne dans la conversation sur la sécurité des collectivités.
    Je tiens à souligner que la discussion sur la réforme de la mise en liberté sous caution a commencé par une lettre que les premiers ministres provinciaux et territoriaux ont adressée au premier ministre après une rencontre fédérale, provinciale et territoriale qui a eu lieu en octobre 2022. Cette lettre contenait une demande très précise, à laquelle nous avons ajouté des éléments pour créer le projet de loi. Nous avons ajouté trois infractions à celle ayant trait aux armes à feu.
    Vous et moi venons tous les deux de l'Ontario. Le gouvernement de Doug Ford et le procureur général Doug Downey ont été très élogieux à l'égard de notre projet de loi et très favorables à notre travail.
    Ce qui était particulier ici, c'est que ce projet de loi a reçu l'appui des 13 dirigeants des provinces et des territoires au pays, ainsi que de l'ensemble des forces de l'ordre. Cet appui n'a pas fléchi même lorsque le projet de loi a été renvoyé au Sénat. Le Sénat en est maintenant saisi. Le gouvernement de David Eby continue de faire pression pour qu'il soit adopté rapidement, même pendant l'examen du Sénat.
    En ce qui concerne la liste que vous mentionnez, il est important de rappeler — comme vous le savez en tant qu'ancien procureur — que la mise en place de la structure et de l'architecture relève du Code criminel et des parlementaires fédéraux. En revanche, ce sont les provinces qui sont responsables de l'administration de la justice et de choses comme la mise en liberté sous caution, conformément à l'administration de la justice selon la répartition constitutionnelle des pouvoirs.
    Nous avons donc investi de l'argent, y compris 330 millions de dollars pour l'application de la loi à l'égard des armes à feu et des gangs, ce qui aide les provinces à faire leur part. C'est complémentaire. Or, pour ce qui est de ma volonté à explorer d'autres options pour assurer la sécurité des collectivités, en tant que représentant d'une circonscription de Toronto marquée par la violence, en particulier au sein de la Commission de transport de Toronto, je suis déterminé à le faire. Il est de mon devoir fondamental d'assurer la sécurité des Canadiens.
    C'est exactement ce que fera le projet de loi C‑48. C'est un texte important qui a reçu l'appui de tous les partis, ce qui est une bonne chose. Je pense qu'il y a plus de domaines où la collaboration est possible, et je suis prêt à mettre l'épaule à la roue.
    Je vous remercie infiniment.
    Je m'attendais à ce que mon temps de parole soit écoulé. Je vous remercie.
    Votre temps est bel et bien écoulé, monsieur Brock.
    Je vais maintenant céder la parole quatre minutes à M. Housefather.

[Français]

     Monsieur le ministre, je vous félicite pour votre nomination.
    Madame la présidente, je vous félicite également, pour votre élection.
     C'est un grand plaisir de revenir au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, un de mes comités préférés à la Chambre des communes.
(1755)

[Traduction]

    Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser une question au sujet d'un amendement que le Sénat a apporté. Vous avez exprimé un certain malaise à l'égard de quelques modifications du Sénat ou mentionné certains problèmes à leur sujet.
    J'ai une préoccupation sur un amendement ayant trait à la modification ou la révocation des demandes dans le paragraphe proposé 486.51(3). Je ne m'attends pas à ce que vous vous souveniez parfaitement du libellé. Je vais vous lire le passage, mentionner ce qui me préoccupe et vous demander d'y réagir, afin que nous orientions nos délibérations en conséquence.
    La disposition dit maintenant ceci:
S’il est d’avis que la révocation ou la modification de l’ordonnance qui fait l’objet de la demande visée au paragraphe (2) pourrait porter atteinte au droit à la vie privée de toute personne autre que l’accusé qui fait l’objet d’une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir son identité, le tribunal tient une audience pour décider si l’ordonnance devrait être révoquée ou modifiée.
    Ma préoccupation concerne l'expression « droit à la vie privée de toute personne autre que l’accusé », qui a été ajoutée par le Sénat. À mes yeux, le passage laisse entendre que l'accusé a en fait des droits à la vie privée qui seraient bafoués par cet article. Or, des accusés et leurs avocats pourraient dire qu'ils ont droit à la vie privée dans d'autres articles de la loi. Je ne pense pas que nous voulions accorder des droits à l'accusé ici.
    Pourriez-vous éclairer notre lanterne et me dire si les gens du ministère et vous partagez cette préoccupation au sujet du nouveau libellé?
    Monsieur Housefather, je vous dirais que j'en prends bonne note. Je trouve important de lire attentivement le projet de loi.
    Je crains moi aussi qu'il y ait une ambiguïté sur la cible du régime aux termes du projet de loi S‑12. Il est censé viser les victimes ou les témoins, mais pas l'accusé. Nous ne nous soucions pas du droit à la vie privée de l'accusé. Tout amendement du Sénat qui viserait à soulever cette question serait inutilement ambigu et ne serait pas conforme aux objectifs du projet de loi.
    C'est simplement l'impression que j'ai eue après l'avoir lu. Je pense que le passage maintient une ambiguïté et des doutes puisque le reste du projet de loi n'aborde pas le droit à la vie privée de l'accusé. Or, le passage dit que nous n'en tenons pas compte, ce qui semble sous-entendre qu'un tel droit existe.
    Je vous remercie. Je suis persuadé que mes collègues et moi pourrons en discuter entre nous.
    J'ai bien aimé la question précédente de M. Garrison, qui voulait connaître des chiffres. Vous n'avez probablement pas la réponse, mais je me demandais combien de personnes, en moyenne, sont transférées au Canada en vertu de la Loi sur le transfèrement international des délinquants afin de purger leur peine pour une infraction criminelle commise à l'étranger.
    C'est mentionné dans la loi. Avons-nous une idée du nombre de personnes qui sont touchées, qui ont commis une infraction désignée, y compris celles visées à l'article 490.011 du Code?
    Mes accompagnateurs m'informent que nous n'avons pas ces données. Nous pourrions demander au ministre de la Sécurité publique si son ministère ou lui pourraient nous fournir l'information, après quoi nous vous la ferions parvenir, le cas échéant.
    Soit dit en passant, les dispositions relatives aux délinquants sexuels inscrits au registre et aux voyages possibles de 14 jours vers une autre destination ont été très bien accueillies par nos homologues américains. Le procureur général Garland et le secrétaire Mayorkas ont indiqué être très reconnaissants de cet effort visant à protéger notre continent contre les prédateurs sexuels.
    Je suis tout à fait d'accord.
    J'aimerais terminer en disant que j'ai beaucoup aimé la réponse que vous avez donnée à M. Brock au sujet de votre détermination à assurer la sécurité des gens, des enfants et des victimes, car je pense que c'est le souhait de tous les partis. Je suis ravi de vos propos.
    Je vous remercie tous.
    C'est tout le temps que nous avions avec vous, monsieur le ministre. Je vous remercie infiniment de nous avoir fait part de vos données, vos connaissances et votre expertise au sujet du projet de loi.
    Nous allons lever la séance, mais avant, je veux dire qu'à la prochaine réunion, les fonctionnaires reviendront pour la première heure, tandis que la deuxième heure sera consacrée aux témoins.
    Merci beaucoup. Bonne soirée à tous.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU