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Tant mieux. Je vous en suis reconnaissant.
Nos témoins sont prêts. Il est 8 h 15 et nous avons le quorum.
Je considère généralement qu'il est désavantageux de comparaître virtuellement, mais si Marta Kepe est prête à commencer, je vais lui donner la parole en premier.
Je souhaite également la bienvenue à Dominique Arel, titulaire de la chaire d'études ukrainiennes à l'Université d'Ottawa, et à Stephen Saideman, titulaire de la chaire Paterson en affaires internationales à la Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton.
J'ai passé du bon temps hier soir avec votre collègue, Stephanie Carvin.
Chers collègues, nous accueillons ces témoins pendant deux heures, et j'espère que nous aurons le temps de faire trois tours pour les questions. Je propose que nous fassions d'abord deux tours complets selon les règles habituelles, puis que nous donnions la parole aux autres intervenants à la deuxième heure. Ainsi, tout le monde devrait pouvoir poser toutes les questions qu'il veut à ces excellents témoins.
Sur ce, nous accueillons Marta Kepe, analyste principale de la défense à la RAND Corporation.
Vous avez cinq minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
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Merci beaucoup de m'avoir invitée à m'adresser au Comité au sujet de la sécurité dans la région baltique.
L'environnement de sécurité dans la région baltique s'est dégradé depuis l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie en février 2022. Depuis, les forces militaires russes se sont concentrées sur les combats en Ukraine, ce qui a décimé ses capacités terrestres auparavant situées près des frontières avec les pays baltes.
Cela dit, la Russie a annoncé son intention de restructurer ses districts militaires aux frontières des pays baltes et de la Finlande, des plans qui peuvent être indicateurs d'une tendance à long terme à la confrontation entre la Russie et l'Occident.
La Russie maintient également un arsenal de défense aérienne dense et puissant et à Kaliningrad et à Saint-Pétersbourg, en plus d'avoir des missiles de défense côtière à Kaliningrad, qui pourraient constituer une menace potentielle, car ils pourraient atteindre les territoires des États baltes, de la Finlande et de la Pologne et empêcher les activités commerciales maritimes dans toute la zone maritime.
De même, les activités hybrides de la Russie dans la région se sont intensifiées. C'est ce que le premier ministre estonien Kaja Kallas a appelé une « guerre fantôme » contre l'Occident. Cette guerre est principalement menée par des moyens non militaires comme la désinformation, les cyberattaques, les actes de sabotage, les pressions psychologiques, la migration stratégique et l'augmentation des activités de renseignement.
Ces activités ne sont pas nécessairement nouvelles. Elles prennent toutefois de l'ampleur. Elles comprennent des cyberattaques et des campagnes de mésinformation et de désinformation. Certaines activités sont plus nouvelles — disons‑le ainsi — comme les attaques contre des infrastructures essentielles sous-marines et terrestres, qui ont révélé une très grande vulnérabilité, à savoir que les infrastructures situées sur les fonds marins sont d'une importance vitale pour les économies modernes, mais qu'elles sont également très mal surveillées et protégées.
Nous constatons également une augmentation des activités de sabotage et de vandalisme de faible envergure dans les États baltes et ailleurs, ce que les dirigeants lituaniens ont qualifié de « terrorisme politique ». Ces actes apparemment aléatoires de vandalisme ou de sabotage visent probablement à créer un sentiment d'incertitude quant à la suite des choses et créent probablement aussi l'apparence d'une opposition croissante au soutien à l'Ukraine.
De même, le brouillage par la Russie du système mondial de localisation ou des signaux GPS dans la région balte s'est également intensifié, perturbant la navigation aérienne et maritime et affectant de nombreux vols commerciaux. Ici, je dois admettre que certains des exemples les plus récents de brouillage des signaux GPS dans la région baltique pourraient en réalité être attribuables au fait que la Russie a simplement intensifié ses activités de défense anti-drones autour des centres névralgiques pour la population de la Russie occidentale.
Il y a aussi les violations par la Russie de l'espace aérien de la région baltique, qui ont non seulement augmenté, mais qui se sont diversifiées depuis le 7 septembre dernier. Vous avez peut-être eu vent du fait que le 7 septembre, un drone russe Shahed est tombé dans l'Est de la Lettonie.
À la lumière de ces événements, les pays baltes et l'OTAN ont fait beaucoup de changements. Les pays baltes membres de l'OTAN sont parmi les pays de l'OTAN qui dépensent le plus dans la défense, en proportion de leur PIB. Ils investissent également dans leurs forces armées en organisant des exercices et en donnant de la formation. L'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN a été un développement très important quant à la façon dont nous pouvons concevoir la défense et la sécurité dans la région. L'OTAN a désormais une perspective plus globale et plus conjointe de la région.
Pour ce qui est des opérations militaires et de la préparation militaire, je tiens également à souligner que nous avons fait beaucoup pour améliorer la mobilité militaire. Tout n'est pas complètement réglé, mais c'est devenu plus facile et plus rapide. Les pays baltes renforcent leurs capacités grâce à l'acquisition d'équipement et, comme je l'ai dit, à la formation, mais aussi, dans le cas de la Lettonie, grâce à un retour à la conscription.
Dorénavant, la présence assidue des alliés — y compris de l'armée canadienne — sera essentielle pour la défense de la région et comme mesure de dissuasion. L'OTAN et les pays baltes doivent demeurer vigilants et continuer de développer leurs capacités de défense dans la région. Avec le temps, les mesures prises par la Russie dans la région, envers les divers pays de l'OTAN, s'adapteront probablement aux nouvelles vulnérabilités. Cela signifie que le Canada, l'Alliance et les pays baltes devront surveiller de près les tentatives des Russes de transgresser les limites et d'exploiter nos vulnérabilités et nos frontières.
Pour aider les pays baltes à renforcer leurs capacités de défense, le soutien des alliés sera crucial à bien des égards, notamment pour la défense aérienne. Pour contrer les menaces hybrides et les menaces dans les zones grises, les pays baltes ont beaucoup de responsabilités nationales à assumer. Cependant, le soutien externe demeurera important.
Je vais m'arrêter ici et resterai prête à répondre à vos questions.
La dévastation croissante qui découle de la guerre en Ukraine a apporté un certain degré de clarté sur trois choses.
Premièrement, l'Ukraine ne peut pas se défendre contre les bombes planantes sur les lignes de front ou à proximité, ni contre les missiles balistiques visant ses villes. Il lui faudrait 25 systèmes de défense aérienne de type Patriot pour cela. On lui en avait promis sept, qu'elle n'a même pas encore tous reçus jusqu'à maintenant, bien que nous ne sachions pas combien elle en a officiellement. C'est secret.
Deuxièmement, les sanctions contre l'importation de microprocesseurs, dont dépendent les missiles et les bombes guidés, ne fonctionnent pas, en grande partie parce que la Chine refuse de les appliquer.
Troisièmement, l'Ukraine ne peut pas gagner la guerre d'usure dans le Donbass parce que tous les membres de l'OTAN réunis ne peuvent pas égaler la production annuelle d'artillerie de la Russie et que les énormes pertes russes n'influent pas sur la stabilité du régime russe.
Ce grave désavantage militaire a amené l'Ukraine à conclure que l'offensive est la meilleure défense. La meilleure protection contre les attaques quotidiennes est de frapper à la source. L'Ukraine utilise déjà cette tactique au moyen de drones d'attaque rapides contre des dépôts de munitions — nous en avons vu un exemple hier —, des raffineries de pétrole et des aéroports militaires sur le territoire russe.
Cependant, elle pourrait avoir beaucoup plus d'impact si elle obtenait la permission des États-Unis d'utiliser les missiles à longue portée qu'elle possède déjà, mais qu'elle ne peut utiliser en toute légitimité que sur le territoire ukrainien reconnu. Les États-Unis refusent de lui accorder par crainte d'une escalade du conflit, nous a‑t‑on dit à maintes reprises. Cependant, il semble que cette escalade soit déjà à nos portes. La Russie a intensifié ses attaques avant même qu'une décision ne soit prise concernant l'utilisation de missiles à longue portée. On craint une escalade en raison de la menace que la Russie ait recours à l'arme nucléaire. Mais cette menace est stérile. L'Ukraine a envahi une partie de l'oblast de Koursk, et la Russie a réagi militairement par des moyens conventionnels et politiques, en prétendant que rien de grave ne s'était produit.
Une menace plus crédible serait que la Russie mette fin au tabou de la prolifération des armes nucléaires en aidant l'Iran et la Corée du Nord. Il y a des signes inquiétants que le processus soit peut-être déjà enclenché, et j'insiste sur le mot « peut-être ».
La deuxième menace serait que la Russie aide l'Iran à cibler les actifs américains au Moyen-Orient. L'Iran vient d'envoyer des missiles balistiques à la Russie dans le cadre d'une « escalade dramatique », pour reprendre les mots du secrétaire d'État américain, Antony Blinken. La question est de savoir ce que l'Iran obtiendra réellement en retour. Encore une fois, cette escalade semble précéder la décision américaine concernant les missiles à longue portée. La semaine dernière, Poutine a affirmé que comme les Ukrainiens ne peuvent pas utiliser ces missiles par leurs propres moyens et qu'ils doivent se fier aux données satellitaires des États-Unis, en particulier, cela ferait de l'OTAN une partie directe à la guerre. Pourtant, ces missiles frappent depuis longtemps la Crimée et les territoires environnants, que Poutine considère non seulement comme un territoire légitime, mais aussi comme un éternel territoire de la Russie. La réponse a été strictement conventionnelle.
Un troisième élément de menace — et ma collègue Marta Kepe en a parlé en long et en large dans son exposé —, c'est la menace d'attaquer les infrastructures énergétiques et militaires et les infrastructures de communications en Occident, ainsi que la provocation par l'empiètement d'espaces aériens, comme celui de la Roumanie l'autre jour.
On a fait valoir que ces missiles à longue portée ne changeront pas la donne. Là n'est pas la question. Ce que ces missiles pourraient faire, c'est d'augmenter considérablement le coût militaire de l'attaque contre l'Ukraine pour la Russie. La dissuasion est en fin de compte la seule façon de fournir des garanties de sécurité à l'Ukraine.
Merci.
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Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître.
Je dois commencer par quelques mises en garde et un appel à l'humilité.
Mes premiers travaux portaient sur les relations internationales en contexte de conflits ethniques, alors je connais un peu l'irrédentisme, qui est, en partie, à l'origine de ce que fait la Russie ces jours‑ci. Je m'intéresse maintenant davantage aux alliances et aux relations civilo-militaires. Je ne suis pas un expert de la Russie, de l'Ukraine ou des pays baltes. Je suis allé à Riga à quelques reprises au cours des dernières années. Je suis plutôt un spécialiste de la défense canadienne.
Lorsqu'on m'a demandé, en 2022, combien de temps durerait la guerre en Ukraine, j'ai sous-estimé sa détermination, sa préparation et son leadership. J'ai aussi surestimé l'armée russe. Je dois maintenant me concentrer sur nos bons et nos mauvais coups, sur les éléments où nous sommes constants, fluides et là où c'est plus incertain.
La plus grande incertitude à laquelle nous sommes confrontés en Ukraine, en Russie et dans les pays baltes vient vraiment de Washington, de la Pennsylvanie, du Wisconsin et d'autres endroits du genre. Les choses vont changer de façon assez remarquable selon le résultat des élections. Si Harris gagne, on peut s'attendre au statu quo, surtout si les démocrates reprennent la Chambre et conservent le Sénat. Si Trump gagne, l'avenir sera sombre partout, surtout en Ukraine, car rien ne peut remplacer le soutien des États-Unis. De même, si Trump gagne, l'OTAN cessera d'exister ou n'existera qu'officiellement. L'engagement pris en vertu de l'article 5 ne s'appliquerait plus. L'OTAN n'est pas à l'épreuve de Trump. Je pourrai en parler davantage pendant la période de questions.
Cela crée une dynamique très importante qui, à mon avis, est sous-estimée pour juger de la sécurité dans les pays baltes et en Europe de l'Est, à savoir que la Russie, sous le règne de Poutine, s'adonne à toutes sortes de comportements agressifs, comme on l'a déjà mentionné, mais qu'il n'y a pas eu une seule attaque conventionnelle au‑delà de la limite magique et claire qui sépare l'OTAN des pays non membres de l'OTAN. Cela compte beaucoup pour Poutine. Tant que les États-Unis continueront d'être dirigés par des gens qui appuient l'alliance, la sécurité des pays baltes restera assez bonne, même si les gens de la région ne seront pas d'accord.
Le Canada, comme la plupart des pays de l'OTAN, investit considérablement dans une perspective à long terme. On a longtemps esquivé l'idée d'une base permanente dans la région, mais on ne respecte plus la loi fondatrice OTAN-Russie, tombée en désuétude depuis longtemps. Nous n'en sommes plus à maintenir juste assez de troupes dans la région pour dissuader les Russes d'attaquer les pays baltes. La guerre en Ukraine nous a beaucoup appris sur nos limites — nous sommes loin d'avoir assez d'artillerie ou de munitions, par exemple — et sur les limites de la Russie. De plus, l'armée russe est très appauvrie, comme l'a fait remarquer la première intervenante. Nous pourrions débattre de la rapidité avec laquelle la Russie peut reconstituer son armée, mais pour l'instant, il y a beaucoup moins de chars d'assaut, d'artillerie et d'infanterie de l'autre côté de la frontière. Il est certain que la puissance aérienne et maritime russe, outre sa flotte en mer Noire, est beaucoup moins affaiblie par la guerre, par contre.
Où se situe le Canada dans tout cela? Le Canada a énormément contribué à la formation des militaires ukrainiens avant la deuxième invasion. Les efforts déployés en Lettonie sont exceptionnels, car le Canada a eu la tâche la plus difficile parce que nous avons été les derniers à intervenir, de sorte que nous avons reçu les plus petites contributions de nombreux pays qui n'avaient pas les meilleures armées de l'alliance. Les FAC ont très bien géré la situation. L'élargissement des troupes, de groupes tactiques à des brigades a exercé encore plus de pression sur le Canada, car cela signifie un engagement beaucoup plus grand, et donc, un plus grand nombre de militaires déployés plus fréquemment en rotation en Lettonie.
Cependant, l'adhésion de la Suède à l'OTAN signifie qu'il pourrait y avoir beaucoup plus de troupes de grande qualité en Lettonie. Le pays a promis d'y déployer des troupes. La question demeure de savoir combien de soldats le Canada peut maintenir en Lettonie. Comme je l'ai dit, j'ai visité le quartier général du groupement tactique à quelques reprises. Il est clair que les rotations fréquentes mettent nos forces à rude épreuve. Il pourrait être logique de prévoir des déploiements plus longs afin de réduire les déplacements entre les deux pays, et d'y construire de l'infrastructure pour nos militaires afin que le temps y passe plus facilement.
On pourrait reproduire le modèle de la guerre froide, de sorte que les familles des militaires aillent vivre avec leurs proches déployés en Lettonie. Cela coûterait cher. Il faudrait des écoles, des garderies et des solutions créatives pour maintenir les conjoints au travail, mais il n'est pas évident qu'il soit viable à long terme que 1 500 soldats fassent la navette entre les deux pays tous les six mois. Le Canada et les autres démocraties devront faire preuve de plus de prudence à l'avenir quant au nombre de soldats qu'ils peuvent promettre. Notre armée n'est vraiment pas si grande.
Parlant de limites, notre petite armée n'a tout simplement pas grand-chose à offrir à l'Ukraine. Nous pourrions nous inspirer de ce que d'autres pays ont fait, c'est‑à‑dire lui céder des pans entiers de leurs ressources militaires. Nous nous sommes demandé à maintes reprises au cours des 20 ou 30 dernières années si nous devions garder des chars d'assaut. Nous pourrions, par exemple, lui donner tous nos chars d'assaut, les fonctionnels comme les brisés, et la laisser s'en occuper, puis restructurer nos forces. À l'heure actuelle, sur le terrain, c'est essentiellement ce que j'ai observé au sein du groupement tactique que j'ai visité en 2023, en Lettonie, où l'on utilisait non pas des chars d'assaut canadiens, mais ceux de nos partenaires. Cependant, compte tenu de la crise du recrutement et du maintien en poste que nous connaissons ici, et de la lenteur de nos processus d'approvisionnement, il est peu probable que le Canada prenne cette grande décision.
L'un des principaux changements sous-estimés dans la région, c'est que nous ne participons plus aux patrouilles aériennes rotatives. Auparavant, nous avions six groupes de six CF‑18 qui survolaient la région en alternance, à partir de la Roumanie. C'était une contribution majeure à la défense aérienne, mais nous ne le faisons plus.
La chose que je tiens à souligner et qui n'a pas encore été mentionnée, ce sont les relations civilo-militaires dans la région, c'est‑à‑dire que nous devons surveiller ce que Zelensky fait avec ses officiers, s'il maintient un bon contrôle civil de l'armée ou s'il y nomme des personnes avec qui il a des affinités pour obtenir des faveurs politiques. Ce n'est là qu'un des défis.
Une autre question qui se pose est celle du moment où l'armée russe se rebellera. C'est ainsi que la participation russe à la Première Guerre mondiale a pris fin. Compte tenu de tout le sang versé jusqu'ici, la mutinerie reste une possibilité, surtout à la lumière des mauvais traitements subis par les soldats russes.
Je vais m'arrêter là.
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Ce sont des questions très difficiles, je dois dire.
Premièrement, en ce qui concerne les cybermenaces, le principal problème, c'est que nous voyons... Nous, de la perspective générale de l'Occident, avons déjà beaucoup d'expérience des cybermenaces, non seulement de la Russie, mais d'autres acteurs aussi, de sorte que les capacités, les compétences et la compréhension de la façon de travailler ainsi que les procédures et les processus nécessaires sont là. Cependant, les processus et les procédures peuvent toujours être améliorés, surtout en ce qui concerne l'information et l'échange de renseignements, afin que nous puissions aider nos amis et voisins de l'Occident à mieux faire face aux menaces qui se présentent. L'OTAN a créé de nouveaux canaux pour s'assurer que chacun peut recevoir de l'aide au besoin. Je crois que c'est un pays occidental des Balkans qui a été le premier à utiliser ce nouveau cadre d'aide.
L'autre chose, c'est la capacité de répondre aux cyberattaques et aux menaces à grande échelle. À quoi servent vraiment les nouvelles technologies, l'automatisation, l'intelligence artificielle? Elles aident l'adversaire à créer beaucoup d'attaques en même temps. Ce serait probablement ma principale préoccupation. Ce n'est certainement pas la seule préoccupation à l'heure actuelle, mais je tiens à le souligner.
Je suis désolée, mais l'autre aspect est la principale vulnérabilité en général?
:
Il s'agit d'une excellente question.
En fait, le mieux serait de ne rien dire.
[Traduction]
On craint l'escalade.
[Français]
Selon la partie américaine, 90 % des bombardiers qui larguent des bombes flottantes ou des missiles supersoniques sont hors de portée de toute façon des missiles ATACMS. Cela ne changerait rien. C'est un plus empirique.
Pour le reste, dans le débat public à l'OTAN, les États-Unis manquent de transparence sur les risques d'escalade, et ce n'est pas tellement mieux en Europe. De quoi parle-t-on exactement?
L'Europe, le Canada et les État‑Unis étant des démocraties, ces informations finissent par couler. Il faut suivre cela de près. Le public en général ayant peur du nucléaire et d'une troisième guerre mondiale, on en reste là.
Ce qui me semble clair depuis le début, c'est qu'il y a eu des menaces à peine voilées depuis le premier jour de l'invasion, le 24 février 2022. La réalité est toujours une riposte conventionnelle et de plus en plus conventionnelle contre des civils. On s'en prend aux civils ukrainiens. C'est cela, la riposte ukrainienne. Vous parlez de dissuasion, mais d'un point de vue stratégique; or l'énorme danger, c'est de céder à la peur de l'escalade dans un contexte où, pour la première fois, une puissance nucléaire menace d'utiliser sa force nucléaire à des fins d'agression et non pas à des fins de défense.
Si l'OTAN, dont le Canada et les États‑Unis, cède à cette peur, à mon avis, ce sera un peu la fin d'une norme fondamentale à l'échelle internationale. Cela aura des conséquences. En Europe, je pense que la perception générale est que cela ne s'arrêtera pas à l'Ukraine si celle-ci tombe, justement parce qu'on craint l'escalade. Le cas échéant, l'Ukraine ne peut pas se défendre.
Je pense que c'est la question qui est au coeur de nos préoccupations actuelles. Dans un contexte politique comme le nôtre, n'importe quel parti est tenté de critiquer les autres partis pour leurs prises de position, quelles qu'elles soient. Le problème avec notre régime politique, c'est qu'il est antagoniste, si bien qu'il est très difficile d'amener tous les partis à se mettre d'accord sur le fait qu'il y a des acteurs malveillants qui essaient d'utiliser nos différends à notre détriment. Il faudrait que le gouvernement soit plus transparent au sujet de ce qui se passe, et que les partis de l'opposition posent les bonnes questions, notamment sur l'efficacité des actions du gouvernement dans ce contexte, mais aussi qu'ils ne s'en prennent pas, par exemple, aux organismes de surveillance existants. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement sont censés renforcer la confiance à l'égard de la surveillance de notre appareil de renseignement. Il faut donc faire bien attention de ne pas mettre à mal ces organisations en nous livrant à des jeux politiques.
Il s'agit de savoir dans quelle mesure nos politiciens peuvent se coaliser pour traiter de ces enjeux. Nous en avons eu une assez bonne idée en 2021 avec cette élection et la question de l'ingérence étrangère. Il s'agit donc de voir si nous pouvons faire en sorte que les partis s'entendent d'ici les prochaines élections sur les règles à suivre quant à la façon de composer avec les forces externes qui essaient d'influer sur le cours des choses.
Il y a des acteurs étrangers qui appuient des candidats conservateurs; il y en a d'autres qui appuient des candidats libéraux. Ce n'est pas comme si un seul parti en profitait ou était affecté par l'ingérence étrangère dans les élections — ils en souffrent tous. Cela nuit à notre système en plus de miner la confiance envers le régime, ce qui fait que les partis d'extrême droite finissent par obtenir plus de soutien. Heureusement, cela ne s'est pas encore vraiment produit ici, mais il faut que chaque parti fasse montre de vigilance.
Nous devons également nous attendre à de meilleurs efforts de la part des médias pour ne pas légitimer les nouvelles qui proviennent d’acteurs d'extrême droite. Nous ne pouvons pas établir une fausse équivalence entre ce que dit True North et ce que dit le New York Times en concluant que la vérité se situe quelque part entre les deux. Ce n'est pas le cas. Nous devons être plus prudents quant aux messages que nous répercutons et que nous mettons en vitrine.
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Deuxièmement, je n'en parlerai pas maintenant, mais j'aimerais avoir l'occasion, à un moment donné, de vous dire certaines choses au sujet de Trump, de l'OTAN et de l'extrême droite en Russie, parce que j'ai peut-être une piste de solution, disons, même en ce qui concerne les drones.
Pour répondre à la dernière question — qui est d'ailleurs excellente —, il y a eu la guerre dans le Donbass en 2014 qui a été perçue comme mauvaise, déstabilisante, en violation du droit international, etc., mais le consensus non déclaré en Occident, et donc au Canada, aux États-Unis et au sein de l'alliance de l'OTAN, était qu'il s'agissait d'un conflit régional. On disait que la Crimée avait été annexée illégalement, mais on ne craignait pas un débordement. Il fallait contenir ce conflit. Le corollaire était que nous n'envoyions pas d'armes, par crainte d'une escalade. Ensuite, il y a eu le Protocole de Minsk. Il fallait trouver une solution diplomatique, et cela n'a pas fonctionné.
En 2022, il était très clair que les membres de l'OTAN voyaient les choses d'un autre œil et considéraient que l'invasion massive constituait une menace à la sécurité internationale. C'est la sécurité européenne qui est menacée. Le Canada fait partie de l'alliance. Ce que cela signifie en termes simples pour le public, c'est que Poutine ne s'arrêtera pas à l'Ukraine. Comme il ne s'arrêtera pas, il nous faut trouver un moyen de faire cesser les hostilités. Mettons simplement fin à la guerre. La guerre ne s'arrêtera pas d'elle-même. Peut-être que les tirs vont s'interrompre pendant un certain temps et qu'ils vont reprendre par la suite.
Nous pourrions dire qu'il suffit de poser la question aux Polonais. Ils étaient partie au Pacte de Varsovie. La Pologne a été occupée pendant 40 ans. On pourrait aussi poser la question aux Estoniens. Ce pays faisait partie de l'Union soviétique. C'est une conjoncture émotive pour eux. Pourquoi ne pas poser la question aux Suédois, aux Finlandais, aux Danois, aux Hollandais et aux autres? Ils se rendent bien compte de la situation. Pour leur part, la Finlande et la Suède ont essentiellement mis fin du jour au lendemain à 75 et 200 ans de neutralité, parce qu'elles craignent vraiment l'agression russe. Voilà ma réponse.
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Évidemment, le retour de Donald Trump serait très inquiétant, à la fois pour la démocratie américaine et, donc, pour nous tous, certainement au Canada, et pour l'OTAN, soit l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Je ne vais pas m'étendre sur la question.
Cependant, je veux tout de même dire qu'au débat de la semaine dernière, on lui a demandé deux fois, directement, s'il allait défendre l'Ukraine, s'il était pour la défense de l'Ukraine. Il a refusé de répondre à cette question. C'est assez clair. Autrement dit, il faut mettre fin à la guerre selon les conditions russes. C'est clair. J. D. Vance en rajoute une couche avec son plan de paix, qui est essentiellement le plan russe. Encore une fois, il s'agit d'une espèce de capitulation de l'Ukraine, qui serait démilitarisée.
Ce que je veux dire, c'est que, actuellement, au sein du Parti républicain, Donald Trump semble avoir une espèce d'impunité sur ce qu'il peut dire, du moins, sur ce qu'il désire faire sur à peu près toutes les questions, sans aucune critique de la part des républicains eux-mêmes, sauf sur une question. Là, c'est empirique. Au cours de la dernière année, la seule question importante qui a divisé le Parti républicain est l'aide à l'Ukraine. L'aide a été suspendue pendant six mois. Il y a eu une petite révolte politique à l'intérieur du Parti républicain. Toutefois, ce qui est remarquable, c'est que ce sont les républicains qui ont finalement fait renverser la vapeur, sans que Donald Trump, publiquement, dénonce l'accord.
Sur la question même des missiles, à savoir si les États-Unis devraient permettre l'utilisation des missiles, les républicains sont divisés, et les responsables, les présidents des comités en matière de défense, de sécurité, d'affaires étrangères à la Chambre des représentants sont tous en faveur de permettre à l'Ukraine de mener des frappes. Si Donald Trump revient au pouvoir, ce sera évidemment le chaos, et l'incertitude. Il n'est pas improbable que la politique change sur cette question. C'est là-dessus que les Ukrainiens misent. M. Zelensky va rencontrer Kamala Harris la semaine prochaine, mais il va aussi rencontrer Donald Trump pour la première fois en personne. Ils ne se sont jamais rencontrés, sinon sur un coin de table, une fois, lors d'une rencontre de l'Organisation des Nations unies, il y a quelques années.
C'est ma vision un petit peu alternative, basée sur la dynamique politique américaine.
Là, je manque de temps pour parler de l'extrême droite. J'en parlerai peut-être une autre fois.
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S'il y a des preuves que la Russie menace d'aider l'Iran et la Corée du Nord à acquérir la bombe nucléaire d'un point de vue technologique, est‑ce suffisant pour que les États-Unis se disent qu'ils ne peuvent pas « provoquer » la Russie maintenant de peur qu'elle ne le fasse? Est‑ce là votre question?
Bien entendu, je n'ai pas accès à des renseignements classifiés et je ne sais donc pas dans quelle mesure c'est déjà le cas — sauf que nous savons qu'au printemps dernier, la Russie a opposé son veto au renouvellement du comité de surveillance dirigé par le Conseil de sécurité pour appliquer des sanctions à l'égard de la Corée du Nord. Tout peut entrer et tout peut sortir, comme le montre l'envoi par la Corée du Nord de missiles balistiques à la Russie — ce qui constitue, bien entendu, une énorme violation des sanctions. Cependant, la Russie n'est plus là.
Si l'escalade a déjà été provoquée, une réaction telle que « nous devons reculer » peut en fait entraîner une nouvelle escalade. Tel serait le contre-argument, soit que la Russie continuera à faire ce qu'elle fait déjà et, voyant une faiblesse, elle avancera. Encore une fois, elle utilise la menace du nucléaire à des fins d'agression, tandis que, tout au long de la guerre froide, la théorie de la dissuasion reposait essentiellement sur une approche défensive — c'était considéré comme une mesure de dernier recours: « si la sécurité de l'État est en jeu, nous pouvons recourir aux armes nucléaires ».
Bien sûr, la Russie prétend que la guerre d'agression en Ukraine est une guerre d'autodéfense, ce que personne ne croit — certainement pas l'OTAN. C'est pourtant ce qu'elle affirme en reprenant la doctrine officielle de l'époque de l'OTAN, mais en la renversant.
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Je vais essayer d'être très brève cette fois‑ci.
En ce qui concerne la menace nucléaire, pour être honnête, je ne suis pas une spécialiste du concept de dissuasion nucléaire. J'examine la question dans une perspective plus large d'analyse de la défense.
Je ne vois pas de risque nucléaire très important à l'heure actuelle. Je pense qu'il y a beaucoup de discussions. La Russie aime utiliser la menace nucléaire de temps en temps pour influer sur les conversations, les opinions et les décisions, et nous en sommes à nouveau là.
Je voudrais également mettre en garde... Il faut vraiment discuter de ce que c'est... On parle parfois de l'utilisation d'une arme nucléaire tactique comme moyen de dissuasion, mais il faut en fait réfléchir à ce que signifie l'utilisation d'une arme nucléaire tactique. Où serait-elle utilisée, comment la ferait‑on exploser, quel type de répercussions cela aurait‑il et à quel endroit?
C'est alors que l'on comprend réellement s'il s'agit de dissuader, de provoquer une escalade ou non. Je pense que l'aspect que nous perdons de vue parfois, c'est ce que cela signifie concrètement.
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C'est sur l'utilisation d'armes tactiques? D'accord.
Il y a ici une composante militaire et une composante qui concerne l'alliance. En ce qui a trait à l'aspect militaire, on ne voit pas très bien ce que la Russie gagnerait sur le plan militaire en utilisant une arme nucléaire tactique dans le contexte de la situation sur le champ de bataille.
Briser le tabou pour la première fois depuis 1945 aurait d'énormes répercussions sur le plan politique. Elles seraient énormes dans la mesure où la réaction de l'OTAN... Radoslaw Sikorski a très clairement indiqué ce que l'OTAN ferait. Pour l'essentiel, elle mènerait une attaque conventionnelle massive contre toute position russe sur le territoire ukrainien. Par ailleurs, il n'y a pas beaucoup d'alliances russes. La Russie est relativement isolée.
Depuis le début de la guerre, s'il y a une chose que la Chine a dite qui n'est pas favorable à la Russie, c'est « ne le faites pas ». Elle l'a dit publiquement et cela figure dans son plan de paix qui date de février 2023. Il s'agit de ne pas utiliser d'armes nucléaires. Bien sûr, le langage diplomatique employé est différent, mais le message était très clair.
On peut se demander quel est le gain militaire. Le coût militaire pourrait être énorme en ce qui concerne l'OTAN. Le coût diplomatique pour cette alliance et, par conséquent, pour les chaînes d'approvisionnement — beaucoup d'éléments à double usage proviennent de Chine —, pourrait être trop élevé pour les Russes.
C'est ce que je crois comprendre.
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Je pense que le groupe Wagner est un bon exemple. Le défi que posent les relations entre les civils et les militaires est que nous savons très rarement, juste avant qu'un événement ne se produise, qu'il va se produire. Lorsqu'il y a une tentative de coup d'État, on ne sait pas vraiment qui va gagner parce qu'on ne sait pas qui va tirer et qui ne veut pas tirer. En ce qui concerne les mutineries, le problème est que l'armée russe est consciente de la menace et qu'elle a donc mis en place toutes sortes de systèmes pour s'assurer que cela ne se produise pas.
Encore une fois, comme vous l'avez souligné, les Russes mènent cette guerre d'une manière incroyablement brutale pour leur propre camp. Ils ne fournissent pas à leurs soldats des soins médicaux adéquats, de sorte que les ratios qu'on a l'habitude de voir entre les morts et les blessés au combat sont bien différents dans ce cas, parce que les Russes ne prennent pas soin de leurs blessés. Lorsqu'on envoie des dizaines de milliers, des centaines de milliers de personnes dans cet environnement, il arrive un moment où l'armée craque.
Dans quelle mesure? Ce n'est pas clair. Plus la situation dure, plus c'est probable, simplement à cause des tensions qui s'accumulent. Plus les gens comprennent qu'on les induit en erreur, qu'on les mène mal au combat, que leurs risques... Pour certains, la question est de savoir s'il vaut mieux courir vers les Ukrainiens ou retourner son fusil contre ses compagnons d'armes. On a déjà rapporté bien des cas où des chars russes sont passés sur des commandants russes — des choses de cette nature — et il y a donc eu des actes de moindre envergure. Le problème, dans toute mutinerie, c'est la mobilisation collective. Comment faire pour que tout le monde agisse en même temps? Nous l'avons vu dans d'autres guerres.
Je ne peux pas vous dire que cela va se produire le 15 mars ou que je suis tout à fait sûr que cela se produira au cours de l'année à venir. C'est juste qu'il s'agit d'une menace avec laquelle les Russes doivent composer et cela les distrait des lignes de front s'ils doivent envoyer des troupes derrière les lignes de front pour menacer de tirer sur les troupes devant. Cela complique la conduite de la guerre.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Saideman, vous avez parlé de prendre ce que nous avons, comme les chars et les véhicules blindés, et de les donner à l'Ukraine. En mars 2022, après l'éclatement de la guerre ouverte et l'invasion à grande échelle, les conservateurs ont demandé au gouvernement de faire don de nos véhicules blindés légers excédentaires. Nous avons alors inscrit une question au Feuilleton. Le gouvernement a déclaré qu'il en avait 62 qui étaient réparables, et qu'il faudrait 220 jours pour les passer en revue et les expédier là‑bas. Rien de cela n'est arrivé. Maintenant, si je ne m'abuse, il annonce l'envoi de 60 véhicules blindés légers qui serviront à fournir des pièces de rechange.
N'aurait‑il pas été préférable de les envoyer il y a deux ans, lorsqu'ils étaient encore opérationnels, plutôt que de les laisser s'étioler jusqu'à ce qu'ils soient complètement inutilisables en situation de combat? N'aurait‑il pas été préférable de faire cela que de se résigner à les envoyer seulement pour fournir des pièces de rechange pour l'équipement que les Ukrainiens ont déjà? Cela aurait sauvé des vies, non?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Saideman, je voudrais reprendre là où Mme Mathyssen s'est arrêtée lorsqu'elle soulevait certaines questions concernant la désinformation.
J'ai été fasciné par vos observations au sujet de Trump, et je regarde avec une certaine fascination ce qui se passe dans le monde du côté de la désinformation.
Lors de ses apparitions ici — assis dans le même fauteuil que vous, monsieur —, le général à la retraite Eyre a maintes fois mis notre comité en garde contre la désinformation et l'effet qu'elle a sur nos institutions. Cela touche bien sûr les Forces armées canadiennes, mais aussi nos institutions démocratiques et celles de nos alliés.
La Russie s'est fait entendre et s'est vantée publiquement de ses activités à ce chapitre. Margarita Simonyan, du réseau de télévision RT, a parlé du succès de ces campagnes. Bien sûr, le ministère de la Justice a révélé la semaine dernière que trois personnalités de droite très influentes sur les médias sociaux avaient reçu 10 millions de dollars de la Russie.
Cela dit, et compte tenu de tout ce que vous avez mentionné sur les propos soutenus par le vice-président désigné Vance et l'ancien président Trump, cette désinformation et ces campagnes de désinformation ont un impact. Elles ont une incidence sur l'opinion publique, et l'opinion publique pousse les personnages politiques à prendre des décisions différentes en conséquence. C'est ce que nous voyons avec MAGA. Nous le voyons avec le mouvement « Make Canada Great Again » — redonnons sa grandeur au Canada — du officielle, qui a retiré son soutien à l'Ukraine, et nous l'avons vu lors des élections européennes.
Par conséquent, si l'ancien président Trump est élu et que l'OTAN retire son soutien à cause, en partie, de ces campagnes de désinformation, qu'allons-nous faire pour continuer à lutter contre ce que nous savons être en train de se produire?
Nous n'avons pas beaucoup parlé de cela, même si les renseignements que le ministère de la Justice a divulgués la semaine dernière étaient très révélateurs. Comment, en tant que société et en tant que gouvernement, gérons-nous ces efforts visant à tromper, sachant qu'ils ont une incidence sur l'opinion publique et qu'ils influencent les représentants politiques et leur font prendre des décisions insensées?
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C'est un problème très complexe. Nous le savons, non pas depuis une semaine, mais depuis huit ans, depuis l'enquête sur la campagne de Trump en 2016. Nous le savons maintenant à propos du Brexit: les Russes ont exercé une influence.
Encore une fois, comme je l'ai dit, il faut que les médias soient plus clairs sur l'origine de l'information qu'ils diffusent et qu'ils fassent plus attention à ne pas répéter des faussetés. Je suis aussi coupable que n'importe qui lorsque je partage quelque chose que j'ai vu sur les médias sociaux sans vraiment prendre le temps de l'examiner. Nous devons faire preuve d'une meilleure discipline pour cerner la nature de ces renseignements et la manière dont nous les rapportons.
Pour vous donner un exemple, l'histoire des immigrants haïtiens est absolument sans fondement. Pourtant, le simple fait d'en parler contribue à nourrir le mensonge. Comment pouvons-nous parler de ce qui se passe et sensibiliser le public à ce sujet afin de faire déraper ces campagnes de désinformation?
Le Canada a investi dans des universitaires qui étudient cette question. De bons amis à moi sont des experts en matière de désinformation. Ils ont fait l'objet de poursuites judiciaires de la part de l'extrême droite, qui cherchait à les faire taire. La bonne nouvelle à propos de ce qui s'est passé la semaine dernière, c'est que ces poursuites seront plus difficiles à gagner pour les personnes qui les ont initiées, parce qu'elles peuvent dire que les personnes exactes qui ont été identifiées dans l'analyse réseau de Twitter...
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D'abord, l'accession de l'Ukraine à l'OTAN et à l'Union européenne se fait en parallèle. Ensuite, la faiblesse de l'État de droit est le talon d'Achille de l'Ukraine; c'est le manque d'indépendance institutionnelle de la cour de justice.
Pour ce qui est de la question de la corruption, avant la guerre de 2022, les alliés ont travaillé très fort pour aider les Ukrainiens à mettre en place des systèmes anticorruption. On disait que comme le système judiciaire était corrompu, il fallait créer un système judiciaire parallèle anticorruption pour empêcher que tout soit couvert.
Il y a eu des progrès. Il faut dire que le système politique est un peu en suspension depuis deux ou trois ans en Ukraine, à cause de la guerre. Or, ce qui est assez remarquable, c'est que les oligarques, ces gens très puissants qui corrodaient un peu le système, ont perdu la plupart de leurs pouvoirs. Quelque chose de fondamental a donc été transformé.
Cela dit, ultimement, c'est une décision politique qui doit être prise. Ce n'est pas une décision où il suffit de cocher toutes les cases.
Ce n'est pas tellement différent de ce qu'a dit Stephen Saideman.
Le défi n'est cependant pas lié à l'adhésion à l'OTAN, mais que cette dernière soit capable de défendre l'Ukraine. Il s'agit des fameuses garanties de sécurité. Il faut d'abord en arriver à une situation où la Russie ne pourra plus attaquer l'Ukraine.
Dans les négociations, qui sont toujours dans l'air, cela achoppe toujours sur cette question. C'était la même question en mars 2022, à Istanbul.
Quand on parle de garanties de sécurité, qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie qu'on ne peut plus être attaqué par la Russie. Elle ne peut plus attaquer non pas parce qu'on sera défendu par les soldats américains, mais parce qu'on sera soi-même déjà équipé par l'OTAN, entre autres, et par sa propre industrie, faisant ainsi en sorte que les conséquences d'une attaque sont trop périlleuses pour la Russie. C'est l'étape la plus difficile à franchir.
Une fois que ce sera fait, la question qui suivra, à savoir si l'Ukraine pourra se joindre à l'OTAN, deviendra, selon moi, moins difficile à régler.
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La raison pour laquelle nous voulons que le comparaisse pendant deux heures, c'est que nous parlons des priorités de son leadership en tant que ministre. Je ne crois pas que la présence des représentants du gouvernement reflète les priorités politiques du ministre et du gouvernement, alors il faut que ce soit pendant deux heures.
Je suis certain que le sera ici lorsque nous parlerons du projet de loi , mais il sera question du projet de loi. Notre comité sera saisi de ce projet de loi lorsque nous l'aurons reçu. Il sera traité en priorité conformément aux exigences du Bosc et Gagnon en matière de procédure et d'affaires de la Chambre. Nous devons nous en occuper. Nous aurons amplement le temps de parler du projet de loi C‑66 lorsque nous l'aurons reçu de la Chambre.
Je dirais simplement que nous avons besoin de la présence du pendant deux heures parce que nous avons beaucoup de questions au sujet de l'Ukraine. Nous avons beaucoup de questions au sujet de l'approvisionnement. Nous avons beaucoup de questions sur le logement. Nous avons beaucoup de questions sur le recrutement et le maintien en poste. Il a annoncé les sous-marins. Pourquoi faut‑il autant de temps pour les obtenir?
Nous avons également entendu dire qu'un certain nombre de questions inscrites au Feuilleton ont reçu une réponse, et nous constatons maintenant que le radar transhorizon a été repoussé jusqu'en 2040. Pourtant, d'ici un an ou deux, la constellation radar que nous avons dans le Nord et le Système d'alerte du Nord sera désuète.
Ce que nous avons besoin d'entendre de la part du , c'est comment il va protéger le Canada. Comment pourra-t‑il être un allié fiable? Que fait‑il pour combler les lacunes dans les forces armées? Cela prend au moins deux heures.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
La motion a été lue mardi, après un avis de motion. Je ne la relirai pas puisqu'elle a été distribuée à l'ensemble des députés.
Elle vise à faire témoigner, entre autres, celui qui était le à l'époque de l'évacuation de Kaboul, en 2021. Nous avons appris par le Globe and Mail que le ministre aurait donné ce qu'il a appelé des directives qui ne semblaient pas coercitives, selon lui, donnant la priorité, à l'évacuation de ressortissants de la communauté afghane de confession sikhe, au détriment de Canadiens et d'alliés des militaires canadiens, notamment des interprètes, laissant ces derniers derrière puisque les ressources pour pouvoir les évacuer étaient extrêmement limitées. Cela provoque, au mieux, des questionnements, mais surtout de l'indignation.
Nous avons suggéré une liste de témoins pour discuter de ce dossier. Elle comprend l'actuel , car nous aimerions comprendre comment les directives adressées aux forces spéciales dans des situations similaires sont envoyées et comment le ministre considère qu'elles sont perçues. Nous avons aussi inclus la , puisque, à l'époque, des listes d'autres possibilités d'évacuation prioritaire avaient été rédigées et soumises. Nous aimerions savoir quels étaient les autres groupes dont l'évacuation était prioritaire et, ultimement, connaître de quelle façon l'ancien ministre les a analysées, le cas échéant.
Nous aimerions évidemment recevoir l'ancien ministre de la Défense pendant deux heures pour qu'il puisse s'expliquer sur les considérations prises en compte pour aboutir à cette décision par rapport à d'autres considérations concernant des groupes prioritaires, mais aussi relativement aux Canadiens et aux alliés des militaires canadiens en Afghanistan. Nous aimerions savoir quelle était sa lecture de la limitation des ressources pour évacuer tout le monde.
Le chef d'état-major au moment des faits, soit Jonathan Vance, fait aussi partie de la liste; nous voulons savoir, entre autres, de quelle façon la directive a été reçue. Évidemment, d'autres questions suivront.
Il s'agit donc de l'ensemble des témoins jugés nécessaires pour procéder à l'étude adéquate de ce dossier. Voilà donc l'essence de la motion.
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Je réitère mes commentaires avec un ajout.
Les conservateurs, généralement, n'ont pas la réputation d'être très frileux en ce qui concerne la redondance, d'une part; d'autre part, et ils ne se gênent pas pour reprendre des pans complets d'articles de journaux dans leurs motions, et ce, d'une façon parfois assez acerbe. Je les trouve particulièrement frileux, curieusement, en ce qui concerne cette motion-ci.
Comme je le mentionnais, le cœur du problème, c'est qu'on savait qu'on évacuait en priorité un groupe plutôt qu'un autre, qui figurait pourtant sur la liste des priorités. C'est vraiment au cœur de la question. Je crois que ce groupe doit être nommé dans la motion si on veut vraiment régler le problème et éviter qu'à l'avenir, on donne la priorité à certains groupes pour les mauvaises raisons. On savait qu'une autre liste existait déjà.
Je ne vois pas comment on peut balayer cela du revers de la main en disant que, de toute façon, on y a fait allusion dans un article.
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Je serais partante pour accepter la proposition à titre d'amendement favorable, dans la mesure où le point d. est maintenu, soit celui qui propose d'inviter tous les autres témoins que le Comité jugera nécessaires. Nous aurons peut-être des informations supplémentaires en entendant d'autres témoins que l'on jugera plus adéquats.
Pour ce qui est du ministre Blair, comme je le mentionnais, à titre de ministre actuel, il peut nous éclairer sur la façon dont les ordres sont transmis aux forces spéciales dans le cadre d'une opération, par exemple, ou sur la façon dont il considère qu'ils sont perçus. Toutefois, ce sont des questions que je pourrai lui poser lors d'une autre de ses comparutions devant le Comité.
Pour ce qui est d'Affaires mondiales Canada, peut-être qu'en fin de compte, nous jugerons qu'il est plus important de recevoir des fonctionnaires de ce ministère, ou encore des fonctionnaires d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, mais nous le saurons au fur et à mesure que nous entendrons des témoignages.
Alors, dans la mesure où le point d. demeure, afin que nous puissions convoquer d'autres témoins en cours d'étude, je suis prête à laisser tomber le point a.
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Nous n'apporterons aucune modification.
D'accord. Votons sur la motion.
(La motion est rejetée. [Voir le Procès-verbal ])
Le président: Voilà qui met fin à notre séance.
Merci beaucoup d'avoir fait un trou dans notre ordre du jour.
Il est prévu que nous fassions un examen de la mise à jour de la politique de la défense mardi, et nous accueillerons le chef d'état-major de la Défense jeudi, ainsi que le représentant Singh pour la région indo-pacifique. En supposant que le projet de loi ne soit pas renvoyé au Comité d'ici là, à la même heure la semaine prochaine, nous devrons revoir notre calendrier et, espérons‑le, en arriver à une sorte d'entente sur la façon d'aller de l'avant. Il se peut que je réserve du temps pour une réunion du sous-comité à ce moment‑là.
Sur ce, je vous remercie. La séance est levée.