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Merci, monsieur le président. Je vais essayer de respecter cette fois-ci le délai de 10 minutes.
Le Canada présente de nombreuses et impressionnantes réalisations au chapitre de la protection des réfugiés. Si on regarde les chiffres par habitant, le Canada figure parmi les chefs de file mondiaux en ce qui concerne le nombre de réfugiés que nous accueillons et le nombre et le pourcentage de demandeurs d'asile à qui on accorde le statut de réfugié ainsi que la gamme des avantages que nous leur offrons.
De manière générale, le public est tout à fait d'accord pour que l'on accepte un nombre raisonnable de réfugiés véritables, mais de nombreux Canadiens croient également que le système actuel présente de sérieux problèmes et que l'on abuse largement de la générosité du Canada.
Je crois qu'il est important de ne pas oublier que, lorsque le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, personne ne s'attendait à ce qu'il devienne un pays de premier asile pour un nombre important de demandeurs d'asile.
Après la Seconde Guerre mondiale, nous avons rétabli plus de 180 000 personnes déplacées originaires d'Europe; par la suite, nous avons accueilli des milliers de personnes qui avaient fui la Hongrie, en 1956, et la Tchécoslovaquie, en 1968, puis des Asiatiques expulsés de l'Ouganda au début des années 1970, et les réfugiés de la mer Indochinois, plus tard au cours de cette décennie, y compris, en passant, des membres de la famille de mon épouse.
Si le Canada ne s'attendait pas à devenir un pays de premier asile, c'est en grande partie en raison de sa situation géographique. Pour arriver ici, la très grande majorité des demandeurs d'asile doivent passer par des pays où, selon les règles internationales généralement acceptées, ils pouvaient et — de fait — auraient dû demander l'asile si leur objectif véritable était de s'établir dans un pays sûr.
Je pourrais ajouter à ce propos que j'ai commencé à me préoccuper des lacunes de notre système de protection des réfugiés en 1986, lorsque 150 réfugiés de la mer, prétendant fuir le Sri Lanka, ont débarqué sur les côtes de Terre-Neuve. On a appris plus tard qu'ils avaient vécu plusieurs années en Allemagne et que certains d'entre eux avaient déjà obtenu le statut de réfugié. Ils avaient décidé de s'établir plutôt au Canada, espérant avoir droit ici à des avantages plus généreux.
Nous avons eu l'occasion de reprendre la situation en main quelques années plus tard, lorsqu'on a rédigé la loi visant la création de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous avions l'intention de dresser une liste de tiers pays sûrs, c'est-à-dire des pays où les demandeurs d'asile auraient dû soumettre leur demande d'asile avant de venir au Canada à la recherche d'avantages plus généreux, pratique qu'on appelle la « quête du meilleur pays d'asile ».
La création d'une liste des tiers pays sûrs nous aurait évité d'être envahis par des demandeurs d'asile qui n'avaient pas le droit de présenter une demande au Canada parce qu'ils avaient eu l'occasion de le faire dans les pays sûrs où ils avaient transité pour venir ici. Malheureusement, un influent et tenace groupe de défense des droits des réfugiés avait réussi à convaincre le ministre de l'Immigration de l'époque qu'il n'existait dans le monde aucun pays sûr, exception faite du Canada. C'est pourquoi notre système de détermination du statut de réfugié, conçu de manière à pouvoir traiter un nombre plutôt limité de demandes, est, dans une large mesure, débordé depuis ce temps. Cela n'a pas seulement ralenti le traitement des demandes de personnes qui ont véritablement besoin de notre protection, cela a également eu un coût financier énorme.
John Manion, ex-sous-ministre de l'Immigration et secrétaire du Conseil du Trésor, qui a comparu devant un comité du Sénat en 2001, estimait que le système de protection des réfugiés du Canada coûte chaque année des milliards de dollars. On estime que les coûts associés à chaque demandeur avoisinent les 50 000 $. Par comparaison, notre contribution annuelle au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés n'est que de 2 à 3 $ environ, par réfugié et personne déplacée à l'intérieur de son pays dont l'ONU s'occupe dans ses camps de réfugiés du monde entier.
La raison pour laquelle nous dépensons beaucoup plus d'argent pour traiter les demandes d'asile que pour nous occuper des réfugiés des camps de l'ONU, c'est que, au fil des ans, des groupes bien organisés d'avocats spécialistes du droit des réfugiés et de groupes de défense des réfugiés ont très efficacement réussi à influencer les gouvernements successifs en ce qui concerne les politiques relatives à la protection des réfugiés. Nous pouvons nous attendre à ce que ces groupes fassent des pieds et des mains pour empêcher l'adoption de cette loi, car, si elle était adoptée, cela aurait d'importantes répercussions sur le revenu de nombre de leurs membres. Il est évident que le comité se fera exposer toutes sortes d'arguments, parfois très détaillés, par des avocats spécialistes du droit des réfugiés et des groupes de défense qui voudront mettre en relief pourquoi les diverses dispositions de la loi sont injustes ou ne nous permettent pas de respecter nos obligations internationales.
Je crois que les dispositions du projet de loi C-31 vont en réalité rendre le système beaucoup plus juste qu'auparavant, par exemple en réduisant de manière substantielle le délai de traitement des demandes fondées. Le système ne sera plus engorgé par des gens dont la demande est manifestement infondée.
Le système ne sera pas parfait; il se peut très bien que certains cas fondés passent entre les mailles du filet. Mais, à ce sujet, gardez à l'esprit le fait que le Canada n'est d'aucune façon le seul pays du monde où les gens peuvent demander l'asile. Il existe de nombreuses autres options pour le cas où le Canada rejette leur demande.
En ce qui concerne nos obligations internationales, par ailleurs, je crois que le projet de loi C-31 nous permet de les respecter. Cependant, j'aimerais également souligner à ce sujet que la Convention des Nations Unies pour les réfugiés a été rédigée il y a 60 ans et mise à jour, grâce à son protocole, en 1967. Un grand nombre des aspects qui caractérisent les mouvements des demandeurs d'asile aujourd'hui — comme le trafic de migrants à grande échelle par des organisations criminelles, le transit de demandeurs d'asile par des pays sûrs à la recherche de cieux plus cléments et les demandes présentées par des ressortissants de pays sûrs comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne — et bon nombre des défis connexes n'avaient pas été envisagés par les gens qui ont rédigé la convention et le protocole.
Même si je crois que la loi nous permettra effectivement de respecter nos obligations en vertu de la convention, j'estime que cette dernière doit être mise à jour et revue de façon à être mieux adaptée à la réalité du monde d'aujourd'hui.
Plus d'un dirigeant politique ou État accueillant des réfugiés a suggéré que son pays se retire de la convention sous sa forme actuelle. Je ne vais mentionner qu'un seul de ces commentaires. Tony Blair, l'ex-premier ministre travailliste du Royaume-Uni, a dit dans ses mémoires, en 2009, que la convention avait été rédigée en réaction aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale et qu'elle avait permis de créer un système qui est tout à fait irréaliste dans le monde actuel, complètement incapable de composer avec le nombre imposant de demandes d'asile maintenant présentées. Et je pourrais citer d'autres dirigeants qui ont dit d'autres choses.
Si jamais les gens qui s'opposent au projet de loi C-31 viennent vous faire la morale en disant que cet instrument ne nous permettra pas de respecter nos obligations internationales, j'aimerais souligner qu'il nous permet probablement de le faire. J'ajouterais que, de toute façon, il y a lieu de se demander si nous devrions nous sentir liés par une convention qui à certains égards est très désuète.
Monsieur le président, en ce qui concerne les diverses dispositions du projet de loi C-31, je dirais qu'elles ont été bien mûries. Elles visent un grand nombre des problèmes qui affectent le système actuel. Il est sensé, par exemple, de mettre en place une procédure efficace pour désigner les pays d'origine sûrs et accélérer le traitement des demandes de ressortissants de ces pays. En revanche, il est insensé de permettre que notre système soit engorgé, année après année, par des centaines de demandeurs d'asile des États-Unis et des nombres plus modestes de ressortissants d'autres pays comme la Grande-Bretagne, l'Australie, la France ou même l'Allemagne, etc. Pratiquement aucun autre pays du monde ne prête attention aux ressortissants de pays qui, clairement, ne persécutent pas leurs citoyens.
Si j'ai une critique à formuler au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il ne va pas assez loin, à certains égards. En plus de dresser une liste des pays d'origine sûrs, par exemple, nous devrions dresser une liste des tiers pays sûrs. Jusqu'ici, nous ne reconnaissons que les États-Unis comme tiers pays sûr, alors qu'il n'existe aucune raison de considérer comme tels d'autres pays, comme le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne.
Je n'ai pas assez de temps pour me permettre de commenter chacun des grands changements proposés dans le projet de loi, mais j'estime qu'ils sont tous essentiellement judicieux. J'aimerais souligner que, bien que le Centre pour une Réforme des Politiques d'Immigration soutienne ces changements, cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord avec le gouvernement sur toutes les questions stratégiques qui nous préoccupent. En fait, nous sommes fermement en désaccord avec le gouvernement en ce qui concerne plusieurs enjeux clés liés aux politiques d'immigration.
De façon générale, j'aimerais dire également que le Canada devrait se conformer le plus possible à son intention initiale d'être un pays de réétablissement plutôt qu'un pays de premier asile. Nous accueillons chaque année bien au-delà de 10 000 réfugiés, dont la plupart ont été présélectionnés par les Nations Unies et sont considérés comme étant d'authentiques réfugiés au sens de la convention. La plupart des demandeurs d'asile qui viennent ici pour présenter une demande auraient pu le faire dans un autre pays, mais, comme leur dossier n'est pas bon, ils savent qu'ils feraient mieux de venir ici d'abord, puisque, comme tout le monde le sait, il est fort probable qu'ils pourront rester ici des années et bénéficier d'une assistance publique généreuse, même si, au bout du compte, on détermine que leur demande n'est pas fondée.
Pour terminer, monsieur le président, j'aimerais souligner que, même si on critique le projet de loi C-31 en soutenant que son adoption ternirait l'image du Canada à titre de pays compatissant et accueillant, je ne crois pas que cela soit du tout le cas. Nous sommes toujours l'un des pays les plus généreux, voire le plus généreux, parmi les pays qui accueillent des réfugiés. Je crois que nous aurons fait des progrès importants pour ce qui est de rassurer les Canadiens sur le fait que nous pouvons créer un système efficace, juste et efficient, qui ne prête pas le flanc à une utilisation abusive à grande échelle.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Je vous ai soumis deux mémoires. Le premier concerne les modifications du processus de traitement des demandes d'asile proposées par le projet de loi. Le second porte sur les politiques qui sous-tendent les dispositions du projet de loi relatives à la lutte contre l'organisation de l'entrée illégale de personnes. Le premier document comprend une biographie détaillée.
Vous verrez que j'ai déjà travaillé comme avocat représentant des réfugiés. J'ai siégé pendant plus de six ans à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, où je statuais sur des demandes d'asile. J'ai également présidé la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pendant trois ans, et, à ce titre, j'étais chargé d'assurer la bonne gestion des ressources du système de traitement des demandes d'asile. Enfin, j'ai étudié les systèmes de protection des réfugiés et les mécanismes internationaux de protection des réfugiés dans le milieu universitaire.
Au moment de vous soumettre une recommandation, je tiens à ce que vous sachiez que j'envisage le système de protection des réfugiés de ces quatre points de vue. De toute évidence, je ne me considère pas comme membre d'un groupe de pression particulier. Mon allégeance fondamentale est à l'endroit du système canadien de protection des réfugiés, lequel rend des décisions conformes au droit, équitables, rapides et efficientes.
Le temps qui m'est alloué me permet de traiter de seulement trois aspects du projet de loi: les délais serrés fixés à l'égard du processus de traitement des demandes d'asile, le fait que certains demandeurs n'ont pas droit d'interjeter appel et la stratégie mise de l'avant par le gouvernement pour décourager les arrivées massives. Mon premier mémoire comprend une analyse sommaire du système canadien de protection des réfugiés. Il décrit brièvement le système actuel, quelques-uns de ses défauts et certaines des réformes recommandées par le projet de loi et contient quatre recommandations découlant de l'analyse.
En ce qui concerne le processus de traitement des demandes d'asile en soi, je dois dire en toute franchise que les délais sont tout simplement trop serrés et qu'ils vont nuire à son caractère équitable et à son efficience. Les réfugiés n'ont pas réellement l'occasion de raconter leur histoire. Les demandeurs n'ont tout simplement pas le temps, en 15 jours, de remplir le formulaire relatif au fondement de la demande d'asile. Dans mon mémoire, aux pages 4 et 5, j'explique toutes les étapes que doit suivre un demandeur d'asile pour remplir ce formulaire.
Imaginez s'il vous plaît un demandeur d'asile qui arrive à l'aéroport Pearson et présente une demande. Il ne parle pas anglais. Il ne connaît rien de la ville ni de la culture du Canada. Il ne sait pas où il va vivre. Il ignore comment utiliser les transports publics ou un téléphone cellulaire, même s'il peut en posséder un. Il a très peu d'argent, et il ne comprend pas le système de protection des réfugiés. On s'attend à ce que, en 15 jours, il trouve un avocat compétent, s'assure qu'il peut accéder à l'aide juridique, renseigne l'avocat de façon appropriée de façon que ce dernier puisse coucher cette information par écrit, avec l'aide d'un interprète, et présente le formulaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
L'imposition d'un délai de 15 jours fera en sorte, à mon avis, que les demandeurs non représentés seront plus nombreux et qu'il y aura plus d'erreurs dans la documentation écrite. Des déclarations incomplètes ou mal rédigées représentent pour un commissaire une charge de travail supplémentaire. En effet, il a besoin de renseignements exacts afin de se préparer à l'audience. Or, une audience mal préparée est un gaspillage de temps d'audience et occasionne des erreurs. Je recommande que vous accordiez un délai de 30 jours pour la présentation à la commission des déclarations écrites. C'est une mesure bien modeste, mais elle a des conséquences énormes.
En ce qui concerne les demandes présentées dans un bureau de CIC au Canada, la procédure est différente. J'y fait allusion dans mon mémoire, et vous pouvez me poser des questions à ce sujet si vous le voulez. Pour les appels interjetés devant la Section d'appel des réfugiés, on prévoit un délai de 15 jours ouvrables pour la préparation et le dépôt d'un avis d'appel. Encore une fois, ce délai n'est tout simplement pas suffisant. Nous ne pouvons pas présumer que le demandeur sera représenté par le même avocat au moment de l'appel. Certains demandeurs sont toujours sans avocat, et, bien franchement, certaines demandes sont rejetées en premier lieu en raison d'une représentation juridique déficiente.
Sous le régime actuel, le délai de présentation d'une demande de contrôle judiciaire est de 45 jours. Les conseils constatent depuis de nombreuses années que cela n'est pas suffisant. Par comparaison, les commissaires de la Section d'appel des réfugiés disposent de 90 jours pour rendre leur décision. Je le répète: un délai de 15 jours c'est beaucoup trop court. Je recommande un délai de 45 jours pour la préparation et la présentation de l'avis d'appel. Encore une fois, vous pouvez me poser des questions sur ce sujet.
Quant aux demandeurs d'asile en provenance de pays d'origine désignés, l'audience doit se tenir 30 jours après la remise du formulaire de demande. Le demandeur et son conseil n'ont pas suffisamment de temps pour recueillir et produire tous les éléments de preuve. Les éléments les plus importants varient d'une demande à une autre. Ils se trouvent habituellement dans le pays d'origine, et il est souvent difficile de les obtenir. En outre, les rapports d'examen médical ou psychologique sont souvent — et de loin — les éléments de preuve les plus pertinents que les commissaires de la section doivent examiner. Je crois que vous comprendrez tous qu'il est impossible d'obtenir ces documents, en particulier des rapports d'examen psychologique, en 30 jours. Si les éléments de preuve ne sont pas fournis, soit l'audience sera ajournée — ce qui n'est pas efficient —, soit une décision injuste sera rendue à la lumière d'une preuve incomplète. Je recommande un retour à la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, qui prévoyait 60 jours pour les audiences portant sur les demandeurs d'asile en provenance de pays d'origine désignés et 90 jours pour les audiences ordinaires.
Le ministre a dit qu'un processus plus rapide était nécessaire pour décourager les demandeurs aux intentions frauduleuses. Dans le système actuel, pour traiter une demande, il faut de quatre à cinq ans, de la date de présentation de la demande à la date du renvoi, ce qui est de toute évidence bien trop court. Toutefois, cela ne justifie pas l'imposition de délais d'une brièveté irréaliste. Un délai de six à neuf mois pour statuer sur une demande d'asile est plus qu'adéquat pour décourager les demandes manifestement infondées. Dans le cas des demandes régulières, un délai de 12 mois serait adéquat.
J'ai 25 ans d'expérience dans le domaine, et je peux vous dire que les demandeurs, qu'ils soient de bonne foi ou non, investissent souvent tout ce qu'ils ont pour venir au Canada. Ils hypothèquent leur maison. Ils empruntent de l'argent. S'ils retournent dans leur pays après cinq, six ou sept mois, je puis vous assurer qu'on ne verra pas une seconde vague de demandes frauduleuses en provenance de ce pays. Des délais de traitement extrêmement rapides, de 45 ou 75 jours, sont tout simplement inutiles, et, à mon avis, ils sont injustes, car ils ouvrent la voie à des décisions entachées d'erreurs.
En ce qui concerne l'article 36, qui définit les six catégories de demandeurs qui n'ont pas le droit d'interjeter appel, j'aimerais tout d'abord féliciter le gouvernement d'avoir créé la Section d'appel des réfugiés, qui est prévue dans la loi depuis 2002, mais qui n'avait jamais été mise sur pied. L'absence d'une instance d'appel est l'un des grands défauts du système de protection des réfugiés du Canada. Cela nous aidera certainement à nous assurer que les décisions de la section sont réfléchies et qu'elles sont fiables.
Il n'est pas facile de statuer sur une demande d'asile. Des éléments de preuve ne sont pas accessibles. Les demandeurs d'asile sont des témoins fragiles. Inévitablement, même le meilleur des commissaires commettra une erreur, et, honnêtement, je dois dire que certains commissaires ne sont pas à la hauteur.
Je crois que vous avez entendu, ce matin, M. Rehaag vous parler de quelques-uns de ses rapports. Il s'agit de rapports finaux qui montrent que les écarts dans les taux d'acceptation des commissaires de la CISR sont trop larges pour être acceptables. On ne peut pas taire le fait que, dans certains cas, les décisions ne sont tout simplement pas fiables. La solution serait de soumettre chacune de ces décisions à la Section d'appel des réfugiés.
Dans mon mémoire, j'explique pourquoi, pour certaines catégories de demandeurs d'asile, il est encore plus important d'avoir la possibilité d'interjeter appel. Vous pouvez me poser des questions à ce sujet si vous le désirez.
Pour terminer, en ce qui concerne la possibilité d'un processus accéléré, je m'en tiendrai à trois observations: d'abord, il faut prévoir des délais un peu plus long, pour donner aux demandeurs d'asile une possibilité juste et raisonnable d'étayer leur demande; ensuite, il faut permettre à chaque demandeur d'asile d'interjeter appel pour qu'on puisse réparer les erreurs, lesquelles sont inévitables, surtout si on utilise un processus accéléré de traitement des demandes; il faut procéder rapidement au renvoi des demandeurs d'asile déboutés. Ces délais sont amplement suffisants pour écarter les demandeurs d'asile de mauvaise foi tout en veillant à ce que les décisions rendues soient justes et fiables.
Mon deuxième mémoire porte sur la tentative de décourager l'arrivée de groupes de personnes par l'imposition d'une détention obligatoire de un an — ou pouvant durer jusqu'à un an — et la séparation à long terme des membres d'une famille. Je vais laisser les autres intervenants présenter les arguments touchant la légalité et la constitutionnalité de ces dispositions.
M. Kenney a déclaré que ces dispositions avaient pour objectif de dissuader les demandeurs d'asile d'utiliser des moyens irréguliers pour demander la protection du Canada. Or, le postulat selon lequel la détention obligatoire découragera les demandeurs d'asile de venir en groupes au Canada n'est malheureusement pas fondé. L'Australie a imposé la détention obligatoire à tous les réfugiés de la mer en 1994. Pendant plusieurs années, le nombre d'arrivées a augmenté plutôt que diminué.
Vous trouverez également dans mon mémoire un graphique qui fournit les statistiques sur le nombre de demandes. Il traite également du travail des chercheurs du HCNUR, qui montre que la détention obligatoire ne décourage aucunement les demandeurs d'asile.
Il y a des raisons pourquoi la détention obligatoire ne fonctionne pas, et je vais vous parler des quatre principales raisons. Premièrement, l'Australie a mené des études sur les détenus. La majorité des personnes détenues n'étaient même pas au courant de l'existence de politiques touchant la détention, car leur principale source d'information était le passeur. Même les rares personnes qui étaient au courant de ces politiques en matière de détention n'y croyaient pas. Elles se disaient que l'Australie est fondée sur la primauté du droit et la démocratie. Elles ne pensaient pas que la réalité pouvait être aussi éprouvante...
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Je peux vous parler de mon expérience ainsi que des recherches mentionnées dans le mémoire, le deuxième mémoire, que je vous ai soumis.
Essentiellement, nous savons qu'il n'y a que 299 places disponibles, à l'échelle du Canada, pour les personnes détenues en vertu du programme fédéral. La plupart de ces places sont toujours occupées. La principale préoccupation, donc, c'est que, si un groupe important débarque au pays, comme on l'a vu sur la côte Ouest, quand deux bateaux sont arrivés, les passagers seront envoyés dans un établissement pénitentiaire provincial — et il s'agit non pas d'un centre de détention, mais bien d'un établissement pénitentiaire. D'autres témoins vont comparaître devant vous, mais vous aurez entre les mains ces mémoires, qui indiquent que ces gens sont placés dans des établissements pénitentiaires, où le personnel a l'habitude de traiter avec des criminels. Ces gens seront donc mêlés à la population carcérale.
On a fait une exception pour les mères, les parents accompagnés d'enfants, qui ont été placés au centre de détention de Burnaby.
Mais, encore une fois, ce qui me préoccupe en tant que Canadien, c'est ceci: ces gens sont des demandeurs d'asile. Ce sont peut-être des réfugiés. Mais nous savons qu'un nombre important d'entre eux pourraient avoir été victimes de torture. Ils ont peut-être déjà vécu l'enfer de la guerre civile, comme celle qui sévit au Sri Lanka. Et le problème, c'est que si des gens comme eux, qui ne parlent pas anglais et qui sont facilement isolés de la population, sont placés dans des établissements pénitentiaires, je crois que cela représente un enjeu politique important. Il faut en tenir compte.
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Je ne veux pas m'attarder sur ça. Je vais me contenter de dire que j'ai déjà été commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et que je me consacre au droit de l'immigration et des réfugiés exclusivement depuis 2001; j'exerce à Ottawa. Avant cela, je siégeais à la Section des réfugiés.
Je crois qu'il est important de parler très brièvement de mes antécédents personnels, de façon que vous compreniez bien que ma connaissance de la situation des réfugiés n'est pas uniquement professionnelle, elle est aussi personnelle et intime. Ma soeur est une survivante de l'Holocauste, et mes parents — aujourd'hui disparus — étaient aussi des survivants de l'Holocauste, et je sais donc ce que c'est d'être un réfugié.
Ma défunte mère et ma soeur, qui est beaucoup plus vieille que moi et qui vit toujours, ont survécu au camp de concentration de Ravensbrück. Mon défunt père s'est échappé d'un camp de travail en Allemagne et est retourné en Tchécoslovaquie; il s'est caché dans les montagnes des Tatras pendant la guerre. Il a réussi à sauver ses vieux parents et s'est caché pendant un certain temps avec les partisans, c'est-à-dire les groupes de résistants, et pour finir s'est caché dans un trou de bombe; il a été sauvé par l'armée soviétique.
C'est à la lumière de cette expérience que je désire m'adresser aux membres du comité aujourd'hui.
Je suis venue ici pour donner mon appui au projet de loi . Je pourrais ajouter que j'ai représenté des centaines de demandeurs d'asile. Depuis 2001, j'ai aidé des demandeurs d'asile de nombreux pays: du Soudan, du Nigeria, de la République démocratique du Congo, de l'Érythrée, de Djibouti, de la Somalie, de l'Éthiopie, de l'Ouganda, du Liban, de la Syrie, de l'Égypte, du Maroc, de l'Algérie, de la Colombie, du Venezuela, d'Haïti, de Cuba et même du Mexique. La liste n'est peut-être pas complète. Je n'ai vraiment pas eu le temps de revenir sur tous les clients que j'ai eus au cours des 11 dernières années.
Récemment, en janvier et février, j'ai participé aux audiences de clients de l'Érythrée dont les demandes remontaient à la fin de 2009 et à 2010. Je m'occupe d'au moins une douzaine de demandeurs d'asile dont la demande remonte à 2010 et dont l'audience n'a toujours pas été mise au rôle.
Je suis en faveur du processus accéléré que le ministre a proposé, car il est tout simplement ridicule d'attendre une audience pendant deux ou trois ans.
Comme nous le savons tous, j'en suis convaincue, c'est l'Holocauste qui a inspiré la convention internationale de 1951 et les protocoles qui ont été mis à jour en 1967. La convention n'a pas été rédigée au profit d'une industrie criminelle — celle des passeurs de clandestins — ou de personnes qui peuvent être de véritables réfugiés ou pas, ni pour faciliter la quête du meilleur pays d'asile, c'est-à-dire de permettre aux gens de chercher à savoir dans quel pays ils peuvent obtenir les avantages les plus généreux et où le taux d'acceptation est le plus élevé.
La convention n'a pas non plus été rédigée pour qu'on tienne compte des demandes d'asile de citoyens de démocratie reconnues. Je ne parle pas des pays pour lesquels les critères qualitatifs et quantitatifs établis par le ministre peuvent varier d'une année à l'autre. Je parle des démocraties établies qui évoluent depuis des siècles, comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, les pays de l'Union européenne et même le Japon, depuis la Seconde Guerre mondiale.
Je ne crois pas que la convention et les personnes qui l'ont rédigée avaient l'intention d'aider des personnes comme les citoyens des États-Unis à demander l'asile.
Notre système actuel, en ce qui me concerne, du moins, salit la mémoire des survivants de l'Holocauste. La seule pensée qu'on puisse assimiler un citoyen des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou de la Suède aux réfugiés du Darfour ou du Rwanda, aux femmes qui fuient la loi musulmane ou les mutilations génitales — j'ai représenté toutes ces catégories de clients — est tout simplement révoltante, à mon avis. Il y a aussi la situation des chrétiens qui, aujourd'hui, fuient les massacres dans certaines théocraties islamiques. Ce sont eux, les véritables réfugiés.
Les quelque 100 000 Karens et plus qui vivent dans les camps de réfugiés du HCNUR du district de Mae Sot, en Thaïlande, sont aussi de vrais réfugiés. Je connais personnellement le camp de réfugiés de Mae La, car ma fille — qui est maintenant médecin — a fait du bénévolat au cours de sa quatrième année de médecine dans une clinique médicale de Mae Sot, dans le nord de la Thaïlande. Cette clinique médicale soigne les Karens qui vivent dans cet horrible camp de réfugiés qui s'étend à perte de vue et où s'entassent plus de 100 000 personnes. Grâce à l'intervention de ma fille et à la mienne, nous avons pu faire venir au Canada une Karen — Eh Hso Gay — dont la demande avait d'abord été refusée; sa tante et son oncle vivaient à Ottawa. La seule façon pour une personne de fuir le camp de réfugiés était d'avoir un rendez-vous à la clinique. Ma fille a amené Eh Hso Gay deux fois à la clinique. Je lui ai envoyé les questions pour qu'elle les lui pose, puis elle a fait une entrevue avec la CBC et, bien sûr, Immigration Canada en a entendu parler; le ministère est donc revenu sur sa décision, et Eh Hso Gay est venue au Canada.
Par ailleurs, certains critiquent le fait qu'il y a des pays d'origine désignés, mais je dois avouer que je n'y vois aucun inconvénient. Et je ne vois pas non plus d'inconvénient à ce qu'il y ait des ententes sur les pays tiers sûrs, car, croyez-moi, les réfugiés juifs qui essayaient de fuir l'Europe n'auraient pas magasiné un pays d'asile. Ils auraient été heureux d'être acceptés dans n'importe quel pays, le premier où ils auraient pu mettre le pied et y demander l'asile. Ils ne se seraient pas trimbalés partout dans le monde pour trouver le pays qui procurerait les avantages les plus généreux.
À l'heure actuelle, on assiste à une montée de l'antisémitisme en Hongrie. Et comme je suis née du côté hongrois de la frontière entre la République tchèque et la Hongrie à l'époque, j'ai des amis en Hongrie, dont Peter Feldmajer, qui est à la tête de la communauté juive de la Hongrie. Là-bas, l'antisémitisme est presque sanctionné par le nouveau gouvernement de droite. Peter m'a dit que les jeunes Juifs, y compris ses enfants, quittent le pays. Toutefois, ils ne demandent pas l'asile; ils s'établissent dans l'un des 26 autres pays de l'Union européenne, ils ne viennent pas au Canada. Ils prennent la route d'un des autres pays ou d'Israël. Il n'y a pas plein de Juifs qui arrivent de France — où ils sont chaque jour victimes d'agressions — et qui demandent l'asile. Ils vont dans d'autres pays de l'UE.
On dit que le délai de 45 ou de 90 jours que le ministre prévoit fixer pour accélérer le traitement des demandes d'asile n'est pas suffisant. Toutefois, sous le régime actuel, les demandeurs disposent de 28 jours pour soumettre le formulaire de renseignements personnels. Et les centaines de demandeurs que j'ai représentés n'ont jamais eu de mal à transmettre ce formulaire — qui constitue le fondement de la demande — à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans le délai prescrit. Le problème, c'est le fait d'avoir à attendre deux ans avant d'avoir une audience. Voilà où est le problème.
De plus, le fait de prévoir un traitement accéléré pour les demandeurs qui viennent de pays d'origine désignés n'est pas un problème; nous ne faisons qu'adopter des mesures semblables à celles appliquées dans nombre de pays de l'UE. Par exemple, certains pays d'Europe procèdent de la façon suivante — et j'ai toute une liste de pays qui font la même chose. Le Royaume-Uni traite en 10 à 14 jours la demande des personnes qui viennent de pays considérés comme sûrs. En France, le traitement accéléré prend 15 jours. En Allemagne, la demande est traitée en deux jours si les personnes viennent de pays comme le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L'Allemagne n'accepte même pas de demandes d'asile de personnes venant d'autres pays de l'UE, car, comme vous le savez très bien, tout citoyen d'un pays de l'UE a le droit absolu de vivre et de travailler dans tout autre pays de l'UE. Vous pourriez dire que, dans le cas des Roms, il pourrait y avoir un obstacle en raison de la langue. Eh bien, lorsqu'ils viennent au Canada, ils rencontrent le même obstacle. Ils parlent hongrois ou slovaque, selon leur pays d'origine.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
L'Association canadienne des libertés civiles existe depuis 1964 et se préoccupe toujours de la protection des libertés civiles au Canada. C'est dans ce contexte que l'association se présente devant vous aujourd'hui. Elle apprécie évidemment l'occasion qui lui est donnée de partager ses préoccupations avec le comité.
Ma présentation est divisée en deux parties. Tout d'abord, je vais souligner certains des problèmes de nature constitutionnelle du projet de loi et je vais faire valoir trois points à ce sujet. Évidemment, l'association soutient l'idée d'améliorer le processus de définition des réfugiés. Elle est vraiment favorable à cette approche ainsi qu'au recours au droit criminel dans le cas des passeurs de clandestins. À notre avis, si on tente de faire cela dans le cadre du projet de loi, celui-ci va aller trop loin et causer des problèmes constitutionnels importants pour le Canada. Il doit donc être révisé dans cette optique.
Dans ma deuxième partie, je vais vous inviter à réfléchir à votre rôle de parlementaires dans le cadre de l'étude de ce projet de ce loi.
[Traduction]
D'abord, il y a trois choses que je veux soulever, et je m'exprime évidemment ici en ma qualité de défenseure des libertés civiles. Il y a trois aspects dans le projet de loi qui transforment certains concepts du droit constitutionnel. Je vous inviterais à vous préoccuper un peu de ces aspects, car, même si on tente ainsi de réaliser des objectifs louables, cela pourrait comporter des désavantages qui auront une incidence sur tous les Canadiens.
Le premier aspect est ce que j'appelle la détention obligatoire d'un groupe désigné. Les trois choses que je veux souligner sont les suivantes: d'abord, il s'agit de la détention d'un groupe; il est question de l'évaluation d'un groupe. Au Canada, nous avons tendance à désapprouver l'évaluation d'un groupe. Il est inadmissible de procéder à des arrestations de masse. Il est inadmissible de mettre un groupe de personnes en détention. Je crois qu'il est important de comprendre que cela va à l'encontre de certains des droits fondamentaux que nous avons au Canada, en ce sens que, lorsqu'on est pour prendre une décision qui privera une personne de sa liberté — et je reviendrai sur l'argument avancé par M. Collacott —, on doit faire une évaluation individuelle pour déterminer s'il y a une bonne raison de mettre cette personne en détention et si cette personne présente bel et bien un risque. Si vous avez lu dans notre mémoire ce que dit la loi au sujet de la détention arbitraire, vous verrez qu'il faut soumettre la personne à une évaluation pour déterminer si elle a commis un crime ou si elle est impliquée dans des activités criminelles. Or, le projet de loi ne prévoit pas une telle obligation.
Le ministre pourra désigner un groupe pour des raisons de commodité ou à la suite de demandes de nature administrative, ou s'il soupçonne de possibles activités de passage de clandestins. Mais ces soupçons ne se portent jamais sur des membres en particulier du groupe. Par conséquent, la détention arbitraire de ce groupe causera donc un problème d'ordre constitutionnel. C'est la détention d'un groupe et l'évaluation de la responsabilité d'un groupe qui sont inappropriées.
Le deuxième aspect se rapporte au fait que cette détention n'est assortie d'aucune surveillance judiciaire. Il n'est pas possible de demander une validation ou un contrôle judiciaire de la détention avant une période de 12 mois. Cela revient à priver un groupe du droit d'habeas corpus. On ne peut faire cela. C'est dangereux. C'est dangereux, car, si nous commençons à dire qu'un tel groupe n'a pas droit à l'habeas corpus et qu'il se voit refuser la possibilité de faire examiner la légalité de sa détention par un juge, je crois que nous courrons le risque — je ne dis pas que le gouvernement agira de cette façon — que d'autres gouvernements décident de désigner un groupe et de lui refuser le droit d'habeas corpus et le droit de faire examiner la légalité de sa détention.
Comme vous pourrez le lire dans notre mémoire, dans l'arrêt Charkaoui, la Cour a établi que la détention d'une personne pendant 120 jours sans contrôle judiciaire est inadmissible et inconstitutionnelle. Il ne fait aucun doute que, dans le cas des demandeurs d'asile, lorsqu'on ne pourra prouver qu'ils sont impliqués dans des activités criminelles, leur détention sera jugée inconstitutionnelle.
Je veux également inviter le comité à réfléchir à ce qui suit. S'il y a des problèmes administratifs — et il y en aura —, voici ce que la loi prévoit actuellement. Je crois qu'il est important de préciser que tout ça pourrait déjà se produire maintenant. Actuellement, la loi sur l'immigration ne prévoit pas de détention obligatoire, mais une personne doit être vue par un décideur indépendant dans les 48 heures suivant sa mise en détention pour qu'il décide s'il faut laisser cette personne en détention. Et je crois que, de cette façon, nous avons la certitude que cette personne se présentera à l'audience, car elle peut être gardée en détention s'il y a un risque qu'elle ne se présente pas, si elle constitue un risque pour la sécurité nationale ou si son identité ne peut être confirmée. Donc, les dispositions actuelles prévoient déjà des mesures en cas de nécessités administratives.
Mon deuxième point, c'est que je vous demande instamment de réfléchir — en votre qualité de parlementaires — au projet de loi. Juste pour compléter mon idée, je dirais que cette mesure présente aussi un aspect discriminatoire. Les personnes appartenant à un groupe désigné non seulement seront détenues pendant 12 mois sans contrôle judiciaire, mais, par la suite, elles devront attendre plus longtemps avant de pouvoir demander la résidence permanente, même si elles sont considérées comme des réfugiés légitimes.
À mon avis, il n'y a pas lieu au Canada de faire une distinction entre certains réfugiés et d'autres. Une fois qu'ils se sont vu accorder l'asile, les réfugiés devraient tous être traités de la même façon; ils devraient tous avoir la possibilité d'obtenir la résidence permanente, pour la simple raison que cela est l'une des étapes de l'intégration au Canada. Dès qu'ils sont réputés avoir qualité de réfugié, ils devraient être traités équitablement.
Selon moi, cela pourrait être interprété comme une violation de l'article 15 de la Charte, et je crois que vous devriez aussi vous préoccuper de cet aspect.
Je m'adresse à vous en votre qualité de parlementaires. Pourquoi croyez-vous que les parlementaires devraient être préoccupés par le projet de loi? Parce que ce projet de loi élargit considérablement les pouvoirs exécutifs du ministre.
Je crois qu'il incombe aux parlementaires de reconnaître qu'ils ont un rôle à jouer dans ce dossier. En effet, ils doivent veiller à ce que le projet de loi n'aille pas trop loin pour ce qui est de dispenser le pouvoir exécutif de s'acquitter de certaines de ses obligations. D'une certaine façon, le pouvoir exécutif peut maintenant décider qu'il n'y aura pas de contrôle judiciaire, et, aux termes du projet de loi, il serait soumis à très peu de surveillance de la part du Parlement. Je vous prie de réfléchir au rôle que vous avez à jouer à titre de parlementaires dans l'évaluation du projet de loi.
Le deuxième point que je veux soulever concernant le rôle des parlementaires, c'est que nous savons tous que les sentiments xénophobes peuvent parfois être facilement attisés. Je suis persuadée qu'aucun ministre actuel n'ordonnerait la détention obligatoire des pauvres personnes qui arrivent de pays où la situation est désespérante, mais le projet de loi ne serait pas adopté temporairement; il le serait pour toujours. De fait, dès qu'on accorde un certain pouvoir... Le ministre peut bien dire: « Je pourrais ne pas appliquer le projet de loi, mais je veux qu'il soit là juste au cas où ». Toutefois, le pouvoir de désigner un groupe pourrait être utilisé à mauvais escient dans l'avenir.
J'allais dire que, à certains moments, le Canada a fait des choses horribles, des choses dont nous ne sommes pas fiers. Je voudrais conclure sur ces propos: lorsque nous avons imposé une taxe d'entrée aux immigrants chinois; lorsque nous avons refusé d'accueillir les passagers du navire Komagata Maru en 1914 et que 376 Indiens sont décédés; lorsque nous avons refusé l'accès à des agriculteurs afro-américains pendant la récession; lorsque nous avons incarcéré les Japonais et les Ukrainiens; et lorsque nous avons refusé l'entrée du St. Louis en 1939 et que 900 personnes juives ont été renvoyées en Europe, ces décisions étaient populaires. Je crains que, dans des dizaines d'années, nous ne dévoilions des plaques commémoratives et présentions des excuses, et, parfois, nous payions des indemnités et nous essayions d'atténuer la douleur, mais il est trop tard: des personnes sont mortes.
Je vous demande instamment de réfléchir à la possibilité qu'on décidera peut-être dans l'avenir d'incarcérer des personnes pendant 12 mois et de les expulser du pays, mais que, plus tard, nous aurons très honte de ce que nous avons fait.
Il n'est pas approprié que ce genre de décisions relèvent toutes d'un ministre. Il y a un trop grand risque qu'il abuse de ce pouvoir. Je vous prie de réfléchir à cette possibilité.
Je vous remercie.
:
Au chapitre de la détention obligatoire et des groupes désignés, je crois qu'il y a une confusion, car les gens qui viennent de pays désignés ne sont pas les mêmes que ceux qui arrivent de façon irrégulière, à savoir par l'entremise d'un passeur de clandestins. Alors si on ne connaît pas le projet de loi en détail, on peut croire à tort que quelqu'un provenant des États-Unis serait susceptible d'être détenu. Ce n'est pas le cas.
La détention obligatoire n'a absolument rien à voir avec les ressortissants de pays désignés. La détention obligatoire touche les gens qui ont été introduits illégalement. C'est une tout autre chose. Je voulais seulement clarifier cet aspect pour que personne ne croie à tort qu'un arrivant de la Hongrie, de la France, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie ou de la Norvège est susceptible de se retrouver en détention obligatoire. Il s'agit de pays désignés comme étant sûrs ou de pays d'origine désignés.
Quant à la détention obligatoire pour un an, je ne vois pas comment cela pourrait même arriver. Il dit qu'il va accélérer le traitement des cas, qui doit être terminé après une période maximale de 216 jours. Alors il n'y aura même pas de détention obligatoire de 365 jours. À moins que je sois complètement dans l'erreur, je ne crois pas que le libellé du projet de loi signifie que chaque personne sera emprisonnée pendant un an. Je crois qu'on se penchera probablement surtout sur le cas de passeurs de clandestins eux-mêmes. Si les gens ne détruisent pas leurs documents à leur arrivée ou en route, la commission pourra facilement déterminer qui sont les passeurs et qui présente des demandes d'asile authentiques. Ce n'est pas facile lorsque tout le monde détruit ses documents. Je crois que, à ce moment-là, la détention est peut-être nécessaire, lorsque la personne arrive sans documents. Comment pourriez-vous autrement déterminer qui est arrivé à vos frontières?
Qu'est-ce qui est constitutionnel et qu'est-ce qui ne l'est pas? Je ne suis pas spécialiste du droit constitutionnel. Toutefois, à un certain point, le Canada doit déterminer qui dirige le pays: des juges nommés, pas élus et pas redevables devant les gens, ou le Parlement? Je crains que nous nous soyons éloignés d'une véritable démocratie, car nos lois sont créées par le Parlement, mais interprétées par la Cour suprême ou une cour fédérale, qui déterminent si elles devraient s'appliquer. Ces gens ne sont pas élus. Ils sont nommés et peuvent exercer leurs fonctions judiciaires jusqu'à l'âge de 75 ans et ne sont redevables et responsables devant personne.
Excusez-moi, m'avez-vous posé une autre question que j'ai oubliée?
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Je vais commencer, pour l'OCASI.
Merci de nous accueillir.
L'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, mieux connu sous le sigle OCASI, est l'organisme provincial cadre pour les organisations qui travaillent auprès des communautés d'immigrants et de réfugiés ici en Ontario.
L'OCASI et nos organisations membres entretiennent de grandes préoccupations à l'égard du projet de loi . Permettez-moi de commencer par dire que nous demandons en fait au comité de recommander le retrait du projet de loi et la poursuite du processus entourant le projet de loi , qui doit entrer en vigueur à la fin de juin prochain.
Très rapidement, nous craignons que le projet de loi crée au Canada, en matière de protection des réfugiés, un régime à paliers multiples qui, à notre avis, pourrait entraîner le rejet du droit d'interjeter appel de certains demandeurs d'asile. Cela rend la protection des réfugiés au Canada dangereusement vulnérable aux caprices politiques, au lieu de veiller à ce que les décisions déterminant la qualité de réfugié soient prises de façon équitable et indépendante. L'effet du projet de loi est que certains réfugiés sont traités de façons différentes et sévères d'après leur pays d'origine, le mode d'arrivée et selon que la personne a ou non la citoyenneté au Canada, car il est question de révoquer la résidence permanente.
Je veux seulement préparer le terrain en expliquant comment nous gérons les enjeux des réfugiés et des demandeurs d'asile avant de donner la parole à Francisco.
En 2010, le Canada n'a accepté qu'environ 24 000 réfugiés, toutes catégories confondues, soit environ 11 000 de moins que les 35 000 réfugiés acceptés en 2005. En 2005, les réfugiés acceptés au Canada dans toutes les catégories représentaient environ 13 p. 100 de l'ensemble des arrivées de résidents permanents. En 2010, cette proportion était passée à 8 p. 100 des arrivées, une chute de près de 5 p. 100.
En 2005, le nombre de demandeurs d'asile présents au pays représentait environ 0,3 p. 100 de la population canadienne. En 2010, cinq ans plus tard, le pourcentage de réfugiés comparativement à la population canadienne était légèrement inférieur, à 0,28 p. 100. En 2010, nous avons accueilli 3 400 demandeurs d'asile de moins que cinq ans plus tôt, en 2005. Pendant ce temps, le nombre de personnes déplacées de force dans les pays de par le monde augmente.
Nous croyons... Nous craignons vivement que le projet de loi réduise encore davantage le nombre de personnes qui désirent entrer au Canada pour obtenir l'asile.
Le a dit que le Canada accueille davantage de réfugiés réétablis par habitant que tout autre pays. Selon le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés intitulé Tendances mondiales 2010 paru l'année dernière, 80 p. 100 des réfugiés du monde se trouvent dans le Sud de la planète, dans les pays les plus pauvres du monde, par exemple le Pakistan et le Congo. D'après ce rapport, il y a approximativement 43,7 millions de personnes déplacées de par le monde. De ce nombre, 27,5 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays à cause d'un conflit.
Dans ce contexte mondial, la participation du Canada au réétablissement des réfugiés, même si elle est admirable — et je ne crois pas qu'il y en ait parmi nous ici qui remettent cela en cause —, n'est pas à la hauteur de l'engagement d'autres pays du monde. Selon le HCNUR, en 2010, le Canada recevait 4,2 réfugiés pour chaque dollar américain de son PIB par habitant, comparativement à 709 pour le Pakistan, à 475 pour le Congo, à 247 pour le Kenya et à 224 pour le Tchad. La comparaison est encore plus frappante si l'on songe que le PIB du Canada par habitant est considérablement plus élevé que celui des pays nommés.
Nous sommes également très inquiets à propos du sentiment antiréfugiés croissant au Canada et de la mesure dans laquelle ce sentiment serait amplifié par les messages du gouvernement à propos du projet de loi. J'ai entendu certains termes utilisés ici plus tôt pendant que j'écoutais des témoins présenter leur exposé et durant les questions et réponses. Les messages qui assimilent les demandeurs d'asile à des stéréotypes blessants, qui laissent entendre qu'ils sont de faux revendicateurs et qu'ils drainent les ressources de la société canadienne, peuvent avoir un effet nocif. Nous sommes également profondément troublés par l'idée, erronée, selon laquelle ces mesures sont nécessaires parce que le Canada ferait supposément face à des arrivées massives de réfugiés. Ces messages sont loin d'atténuer le sentiment croissant d'intolérance à l'égard des réfugiés et ont un effet néfaste sur les perspectives de réétablissement de ces personnes au Canada.
Nous croyons que la plupart des mesures sont assez problématiques, mais je vais seulement me concentrer sur deux aspects, puis je vous promets de me taire.
Tout d'abord, les délais plus courts. Je sais que les témoins avant moi ont consacré du temps à ce sujet, mais nous sommes particulièrement préoccupés par le risque que les délais plus courts posent de nouvelles difficultés dans le cas de demandeurs d'asile particuliers. Notre organisation est particulièrement préoccupée par le cas des lesbiennes, des gais et des transsexuels ainsi que des femmes qui cherchent à échapper à la violence familiale; ces personnes doivent souvent créer un certain lien de confiance avant de déclarer leur orientation sexuelle ou leur recherche portant sur leur identité sexuelle ou « sortir du placard », comme on dit ici en Amérique du Nord. À notre avis, cela présentera des difficultés croissantes pour eux, car ils devront formuler leur demande d'asile dans les 15 jours prévus dans le projet de loi.
À mes yeux, ce problème se rattache à la liste des pays sûrs. Je ne veux pas m'attarder sur la liste des pays sûrs. Vous avez entendu de nombreux arguments exposant les préoccupations existantes. Mais nous savons sans aucun doute que, dans les pays jugés démocratiques par le Canada et les pays avec lesquels nous avons conclu des ententes commerciales et les pays avec lesquels nous collaborons étroitement à l'extérieur de l'UE — et vous savez tous à quel point l'UE est un lieu sûr pour certains groupes —, divers groupes sont toujours victimes de discrimination grave. Cette discrimination est parfois la source de violence physique grave, et peut aussi causer la mort. Même ici, dans les Amériques, nous en avons des exemples.
L'une des histoires que je voulais seulement mentionner brièvement, qui date d'environ quatre ans, est celle d'une jeune demandeuse d'asile mexicaine déboutée. Elle a été renvoyée et a été tuée. Malheureusement, il y a un cas plus récent, celui de Veronica Castro, aussi ressortissante du Mexique. Sa demande d'asile a été rejetée. Un an avant son expulsion, elle disait à des amis que la décision serait pour elle fatale si elle devait retourner dans son pays et elle leur demandait de prier. Elle a écrit à un de ses amis que son expulsion était une question de vie ou de mort et a dit: « Je tremble et je suis terrifiée chaque fois que je pense à mon expulsion. J'ai vraiment peur. » Trente-trois jours plus tard, après avoir été expulsée au Mexique, le 12 janvier 2012, elle a été assassinée.
Alors voilà le genre d'histoires que nous entendons et qui nous préoccupent à l'égard de la progression du pays vers l'adoption du projet de loi.
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Selon le tableau, il y a cinq personnes dont les noms sont surlignés en jaune. Il s'agit de la première vague. Lorsqu'elles sont arrivées ici en 1998, on n'exigeait pas de visa pour les réfugiés hongrois. Ces personnes ont demandé l'asile. Elles avaient été mises en accusation, neuf mois avant leur arrivée, pour extorsion et fraude. Si vous voulez parler de traite de personnes, quels sont les mots à utiliser? Extorsion et fraude. Elles sont venues ici et, neuf mois plus tard, on a lancé des mandats d'arrestation contre elles.
Elles ont présenté des demandes d'asile. Dans une demande d'asile, il faut déclarer: « Aucune accusation en instance ne pèse sur moi ». Eh bien, pour une raison ou une autre, personne ne s'est jamais aperçu de cela. Elles ont présenté leur demande d'asile. L'ASFC doit vérifier s'il y a des accusations en instance — on vérifie les accusations en instance et les casiers judiciaires. Il n'a jamais été question de rien.
Elles ont acquis le statut de réfugié au sens de la Convention; elles ont acquis le statut de résident permanent; l'une d'entre elles a acquis le statut de citoyen canadien. De fait, dans l'autre document que vous avez, à l'onglet 10, en 2005 — je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais vous pouvez le regarder plus tard —, vous verrez que les autorités canadiennes et hongroises savaient que des accusations contre Ferenc Domotor, le chef de clan, étaient en suspens, et on n'a rien fait. Un an plus tard, les accusations ont été abandonnées en Hongrie pour des raisons de prescription.
Donc nous avions deux grands criminels dans notre pays qui avaient obtenu la résidence permanente, et l'un d'entre eux était citoyen canadien. Durant tout ce processus, ils se cachaient au grand jour. Personne n'a jamais semblé s'apercevoir qu'il s'agissait en fait de criminels recherchés de la Hongrie.
Une fois qu'ils ont obtenu leur statut, la deuxième vague est arrivée — et il s'agit de tous les autres dans la partie supérieure du tableau que je vous montre. Toutes les autres personnes dans la partie supérieure du tableau sont des membres de leur parenté, et dans tous les cas, à l'exception de un, des accusations en instance pesaient sur ces personnes lorsqu'elles sont arrivées au pays ou très peu de temps après. Certains avaient des casiers judiciaires, et des accusations en instance pesaient sur certains d'eux à l'époque ou peu de temps après. Ils ont cliqué sur la petite case pour dire qu'il n'y avait pas d'accusations contre eux. Ils sont tous venus ici; personne n'a jamais semblé se rendre compte qu'il y avait toutes ces accusations en instance.
Lorsque tous les membres de la famille sont arrivés, ils ont loué des résidences et ont commencé à recruter des victimes en Hongrie. Ils sont tous là, les 19 personnes — et il y en a beaucoup plus, mais nous en connaissons 19 en toute certitude — et ils ont commencé à faire beaucoup d'argent. Si vous regardez ces photos, vers 2009, ils vivaient dans des résidences de 600 000 $ à Ancaster. Voici une photo du chef de clan. Ils vivaient dans le grand luxe. Pendant ce temps, leurs esclaves vivaient au sous-sol, dans les lits qu'on peut voir sur la photo. Voici une photo du bras droit et une photo de sa maison à 600 000 $. Voilà les deux personnes qui sont arrivées en premier.
Comment est-ce que tout cela a pu se produire? Le lieutenant — pour vous donner un exemple, un homme appelé Ferenc Karadi — a plaidé coupable pour une peine de six ans moins les crédits.
Combien de temps me reste-t-il? Cinq minutes?
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Ferenc Karadi a plaidé coupable pour une peine de six ans moins les crédits.
Il est arrivé tout comme les deux autres. Il a déclaré ne pas avoir d'accusations qui pesaient contre lui. Il est entré au Canada. L'ASFC a mené une vérification de ses antécédents et elle a déterminé qu'il n'avait pas de casier judiciaire.
Après son accusation, je voulais savoir quels étaient ses antécédents en Hongrie. Si vous prenez le document blanc — l'affidavit de Leap Jankovic, la pièce 37 — il y avait un mandat d'arrestation international contre lui et aussi contre sa femme. Mais, lorsque nous avons procédé à la vérification de son casier judiciaire — on n'a pas le temps d'entrer dans les détails, mais faites-moi confiance ici —, on a déterminé que Ferenc Karadi n'avait pas de casier judiciaire.
Un mois plus tard, le Hamilton Spectator est allé en Hongrie et a dit: « Comment se fait-il que cet homme n'a pas de casier judiciaire? Non seulement il a été mis en accusation, mais il a été déclaré coupable. Il doit purger une peine de cinq ans. »
Il y a une petite procédure très commode en Hongrie selon laquelle on ne vous met pas tout de suite en prison. On vous dit de revenir dans un mois pour aller en prison. Et devinez quoi? Ils sont venus ici. Et lorsqu'ils sont venus ici, ils ont déclaré ne pas avoir de casier judiciaire. Ils ont coché « non ». Et, je ne sais comment, lorsque nous vérifions, nous ne voyons pas de casier judiciaire.
Trois ans et demi plus tard, lorsqu'il a plaidé coupable — trois ans et demi —, j'ignorais toujours son statut criminel. Ce document résume son histoire. Le 6 novembre 2008, il est arrivé à Pearson. Il était un visiteur de mauvaise foi, et on lui a dit de s'en aller. Il est revenu deux semaines plus tard, à l'Aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau et est entré au pays. Ensuite, il a dit qu'il était un réfugié. Ferenc Domotor, le chef, a dit qu'il en serait responsable. Selon la vérification des antécédents criminels datant du 18 mars 2009, il n'y avait aucun casier judiciaire étranger. Mais, coup de théâtre, le 10 septembre 2009, l'ASFC a déclaré qu'il était recherché en Hongrie. Pourquoi? Eh bien, elle l'ignorait. Le 24 septembre 2009, elle a déclaré qu'il était recherché aux termes d'un mandat d'arrestation européen. Ensuite, deux ans plus tard, on me dit qu'il n'a pas de casier judiciaire.
Eh bien, qu'est-ce que ce casier judiciaire? Son casier judiciaire est là. Il s'agit du document à l'onglet G. En 1996, pour avoir obtenu des biens volés, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de un an. En 2003, pour voies de fait, il a écopé d'une peine de neuf mois. Pour fraude, il a été condamné à payer une amende. En 2009, l'accusation était le chantage et la fraude. Cela signifie traite de personnes. Quelle était sa peine? Il a été condamné à l'emprisonnement pendant presque cinq ans. Il est venu ici et il touchait des prestations d'aide sociale. Sa femme est dans le même bateau.
Combien de temps me reste-t-il?
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Quant à sa femme, elle aussi est recherchée. Elle a fait la même chose que lui. Elle est partie, et, lorsqu'elle est arrivée ici, il y avait des mandats d'arrestation internationaux et tout le bataclan. Vous pouvez parcourir les documents. Les autorités canadiennes ont fini par apprendre, de la Hongrie, en mai 2010, en août 2010 et en octobre 2010 que des mandats d'arrestation internationaux avaient été lancés contre elle. Qu'est-ce qu'on a fait? Rien.
Enfin, en 2011, nous procédons à un examen de la caution de son mari, et je la vois se promener dans la salle d'audience en tant que spectatrice. Je suis allé voir l'agent et j'ai dit: « Qu'est-ce qui se passe? Je croyais qu'un mandat d'arrestation international avait été lancé contre cette personne. » Il a répondu que, à vrai dire, c'était le cas. Je lui ai demandé pourquoi nous ne l'arrêtions pas. Il a répondu: « Nous ne le pouvons pas. Nous avons besoin d'une demande d'extradition de la Hongrie. » Nous n'en avons jamais eu pour aucune de ces personnes.
Je suis allé voir Deb Kerr, de l'ASFC. Je lui ai demandé comment sa femme pouvait se promener dans notre pays alors qu'il y avait des mandats d'arrestation internationaux? Elle avait été déclarée coupable de crimes — nous le croyons, mais nous ne le savons pas. Alors Deb Kerr a procédé à la vérification, et si vous allez voir ce document, c'est là. Oui, elle avait été déclarée coupable. Elle devait purger une peine de deux ans et demi. La procédure était la même: « Revenez dans un mois pour aller en prison. » Eh bien, elle est venue ici.
Quelle est la date inscrite sur ce document? C'est le 21 novembre 2011. Elle a été dans notre pays pendant trois ans, et nous ignorions quelle était la teneur de son casier judiciaire.
Ce n'est pas rien. Nous les avons aussi accusés de fraude de l'aide sociale.
Soit dit en passant, elle a été arrêtée peu après. J'ai dit à Deb Kerr qu'il fallait que nous fassions quelque chose, et elle a enfin découvert que la femme avait effectivement été déclarée coupable. Elle avait coché la case pour dire qu'elle n'avait jamais été déclarée coupable de quoi que ce soit, mais elle a ensuite été arrêtée aux termes d'un mandat de l'immigration. De plus, elle et son mari ont été déclarés coupables de fraude de l'aide sociale. Il devait rembourser 12 000 $. Nous ne verrons jamais la couleur de cet argent. Elle devait rembourser 36 000 $. Nous n'en reverrons jamais la couleur.
Mais, en fait, ce n'est rien. Récemment, nous avons déclaré coupables deux autres personnes. Ces gens sont des criminels et ils touchent de l'aide sociale depuis qu'ils sont arrivés ici; on leur a versé 100 000 $. J'avais entendu toutes sortes de témoignages anecdotiques selon lesquels ces gens avaient un tas d'argent. Ils avaient des liquidités et tout cela. Alors quand cet homme s'est échappé du pays — un homme et sa mère —, nous avions versé 100 000 $ en prestations d'aide sociale — j'ignore comment ils y parviennent, mais ces personnes sont au Canada et elles obtiennent des passeports hongrois authentiques — et sa valise était pleine de vêtements griffés. Les étiquettes étaient toujours en place. Cent dollars par-ci et cent dollars par-là. Ils nous ont coûté 100 000 $.
Nous avons appelé des témoins. Essentiellement, ces réfugiés hongrois sont déboutés dans une proportion de 98 p. 100. Au bout du compte, selon cette proportion, ils nous coûtent 500 millions de dollars à eux seuls. Cinq cents millions de dollars à un moment où il n'y a pas d'argent pour payer les médecins dans les hôpitaux ni les infirmières et tout cela.
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Laissez-moi répondre à cette question, car l'homme qui se trouve à côté de vous et les fonctions qu'il a mentionnées représentent exactement les raisons pour lesquelles il fallait proposer le projet de loi C-31. Dans le cadre de l'étude du projet de loi , j'étais secrétaire parlementaire. J'ai assisté à chacune des réunions; j'ai été témoin de tout le processus et de toutes les négociations.
Je suis fier des résultats du projet de loi , et bien des aspects de ce projet de loi seront mis en oeuvre grâce au projet de loi . Donc, même si vous aimez le projet de loi C-11 et que vous n'aimez pas le projet de loi C-31, une grande partie du projet de loi C-11 se retrouve dans le projet de loi C-31. Il doit donc en fait comporter certaines dispositions qui vous plaisent.
Ce que je veux dire, c'est que vous avez entendu les propos de M. Skarica. Vous l'avez entendu parler des 15 déclarations de culpabilité qui ont été prononcées grâce à lui. Vous l'avez entendu dire — et il sait de quoi il parle, c'est son métier — que nous n'avons pas réussi et que notre système ne fonctionne pas.
Nous n'allons pas régler le problème auquel nous sommes confrontés — le problème juste ici — avec le projet de loi . Ce projet de loi ne réglera pas le problème. Savez-vous ce qui finira par arriver si nous mettons en oeuvre seulement les mesures prévues dans le projet de loi C-11? Nous allons simplement exiger qu'un visa soit délivré aux citoyens hongrois et espérer contourner ainsi le problème, comme nous avons dû le faire avec le Mexique et la République tchèque.
Ce n'est pas le processus que nous voulons utiliser. Si nous voulons signer d'autres ententes avec l'Union européenne et nous assurer que nos économies sont sur la même longueur d'onde et conclure des accords de libre-échange avec elle, nous devons nous doter d'un système que les autres pays du monde croiront à toute épreuve — du moins, au chapitre des efforts déployés.
Comme l'a dit M. Skarica, le système canadien ne fonctionne pas. Le fait de seulement rejeter le projet de loi et d'accepter le fait que la majeure partie du contenu du projet de loi est bénéfique, mais ne règle pas tout à fait notre problème... Je dois souligner que je ne suis pas du tout d'accord avec votre point de vue. Je respecte le fait que vous êtes ici comme témoin. J'aurais simplement préféré que vous ne déclariez pas d'emblée que le projet de loi C-31 dans son ensemble était mauvais et qu'on devrait l'abandonner.
En outre, nous devons être plus sévères afin d'identifier les personnes dont M. Skarica a parlé, et le projet de loi prévoit l'utilisation de la biométrie, et vous avez déclaré qu'il ne vaut pas la peine de poursuivre...