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Merci. Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner.
Je m'appelle Carole Dahan, et je suis directrice du Bureau du droit des réfugiés d'Aide juridique Ontario. Voici mon collègue, Andrew Brouwer, avocat de service du BDR.
Comme je l'ai déjà dit, nous représentons un bureau de service d'Aide juridique Ontario, un très petit bureau composé de cinq avocats et de cinq employés de soutien. Près de la moitié de notre travail touche des personnes en détention. J'ai visité le centre de surveillance de l'immigration, le CSI, dont il a été question ce matin à de nombreuses reprises, et je suis d'accord avec l'évaluation de Janet Cleveland selon laquelle il s'agit d'une prison, et non pas d'un hôtel, comme le prétend le ministre Kenney.
Je ne passerai pas mes précieuses minutes à parler du CSI, mais si des membres du comité ont des questions à ce sujet ou à propos des prisons provinciales où des réfugiés sont détenus, nous connaissons très bien ces établissements et je serais ravie de répondre aux questions.
Auprès des réfugiés détenus, nous sommes souvent le dernier recours, la dernière chance de représentation des clients les plus vulnérables. Bon nombre de nos clients, pour une raison ou une autre, ont vu leur demande d'asile refusée et font face à un renvoi imminent. Parce que nous sommes très occupés et que nous avons peu de ressources, nous n'acceptons que les cas de personnes où il est prouvé qu'elles risquent réellement la persécution.
Par exemple, un homme qui a appris notre existence pendant qu'il était au CSI est arrivé au Canada de la Tchétchénie ravagée par la guerre et a immédiatement présenté une demande d'asile à l'aéroport. Il fait partie des chanceux qui ont eu la présence d'esprit d'apporter un certain nombre de documents prouvant leur identité avant de prendre la fuite. Ses documents ont été transmis à la CISR et ont ensuite fait l'objet d'un contrôle judiciaire en raison du nombre de faux documents en provenance de cette partie du monde. La CISR a perdu les documents avant qu'ils soient vérifiés. Même si elle a reconnu sa citoyenneté russe, elle a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la convention, parce qu'il n'a pas réussi à prouver son identité en tant que Tchétchène.
Peu après, il a tenté d'obtenir un nouveau document, un nouveau certificat de naissance. Il a communiqué avec sa soeur, mais, en raison de la guerre qui faisait rage au pays à ce moment-là, sa maison avait été bombardée et brûlée, et sa soeur a dû se rendre à une autre ville, au greffe des naissances, pour obtenir un nouveau certificat de naissance. Entre-temps, il a fait l'objet d'un examen des risques avant renvoi, l'ERAR, dont il a rempli la demande, mais, en l'absence du nouveau document, sa demande a été rejetée.
Il a obtenu le nouveau document 17 jours après le rejet de la demande d'ERAR. C'est à ce moment-là qu'il a appris notre existence, durant sa détention, et nous l'avons aidé à demander un deuxième ERAR avec le nouveau certificat de naissance prouvant hors de tout doute qu'il était effectivement tchétchène. Grâce à cet élément de preuve, il a été jugé réfugié au sens de la convention et a enfin obtenu la protection qu'il recherchait pendant tout ce temps.
Pourquoi vous ai-je présenté ce cas? Parce qu'il illustre plusieurs problèmes du projet de loi .
Premièrement, le cas montre qu'il peut y avoir des erreurs humaines.
Deuxièmement, il montre aussi que les délais très serrés — 15 jours pour fournir le fondement de la demande et 30 et 60 jours pour l'audience — ne sont tout simplement pas suffisants pour obtenir les documents à l'appui appropriés qui se trouvent au pays d'origine, sans parler des évaluations psychologiques que Cécile Rousseau et Janet Cleveland ont abordées ce matin, ou même les examens médicaux nécessaires pour étayer une demande.
Troisièmement, le cas montre le besoin d'une mesure de protection. Même dans le cas d'une décision négative récente, s'il existe de nouveaux éléments de preuve convaincants touchant l'essence même de l'allégation de persécution de la personne, un mécanisme doit être mis en place pour que ces éléments soient examinés et évalués. Sans cela, il y a un risque de refoulement.
Le projet de loi aurait empêché mon client de présenter une nouvelle demande d'ERAR pendant un an à partir de la date de réception de la décision de la CISR, et il serait retourné chez lui, où il aurait été victime de persécution.
Comprenez-moi bien, je ne suggère pas que tout le monde ait l'occasion de présenter une autre demande d'ERAR après que la CISR a rendu sa décision, mais, dans le cas de circonstances exceptionnelles et de nouveaux éléments de preuve, il ne devrait pas y avoir de délai. Il faut mettre en place un mécanisme qui permettrait d'examiner les nouveaux éléments de preuve avant que la personne soit renvoyée.
Le temps file, alors j'ajouterais aussi que, dans les circonstances, il n'y aurait aucun sursis automatique à la mesure de renvoi. Mon collègue abordera cela dans un contexte différent. Actuellement, nous devrions convaincre un agent de renvoi de reporter la mesure de renvoi en attendant le résultat du nouvel ERAR ou nous devrions convaincre un juge de la Cour fédérale de reporter la mesure de renvoi en attendant le résultat d'un nouvel ERAR. Ainsi, nous n'ajoutons rien au processus, mais nous demandons de revoir le délai de un an.
J'ai aussi d'autres recommandations que j'aimerais partager avec vous plus tard.
Une erreur dans le système de détermination du statut de réfugié peut coûter une vie ou exposer une personne à la torture, à la persécution, à la détention arbitraire ou même à la mort, et c'est pourquoi une mesure de protection efficace est absolument nécessaire. Aux termes du projet de loi , certains réfugiés seront protégés par le truchement d'un appel devant la Section d'appel des réfugiés et d'un sursis administratif pendant qu'ils demandent une autorisation du contrôle judiciaire à la Cour fédérale, mais d'autres, non.
Même si l'on se pose des questions sur le fonctionnement de la SAR et les conséquences des délais impossibles et d'une détention accrue, le fait qu'il existe au moins un mécanisme d'appel est absolument essentiel, et c'est ce dont nous avons besoin au Canada, compte tenu de nos obligations aux termes du droit international et de la Charte.
Un appel efficace concernant le bien-fondé d'une revendication constitue une exigence fondamentale du droit international. Cela a été recommandé à maintes reprises par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la Commission interaméricaine des droits de l'homme et de nombreuses autres organisations. Même s'il maintient en place la SAR, le projet de loi empêchera toutefois certains groupes de réfugiés d'y avoir accès, notamment les ressortissants de pays désignés comme sûrs par le ministre, toutes les personnes désignées par le ministre comme arrivées irrégulières, les personnes admises au Canada dans le cadre d'une exception à l'entente sur les tiers pays sûrs et celles dont les revendications sont considérées comme manifestement non fondées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En plus de cela, ces mêmes demandeurs d'asile se verront refuser l'accès réel à un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. En fait, même s'ils ont toujours, en principe, le droit de demander une autorisation de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, ils ne pourront pas bénéficier d'un sursis administratif pendant que le tribunal détermine d'examiner ou non leur cas, contrairement au système actuel.
Dans la plupart des cas, si le ministre réussit à accélérer le processus, comme il a l'intention de le faire, les réfugiés obtenant une réponse défavorable de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié seront expulsés bien avant qu'un juge de la Cour fédérale ait pu jeter un œil sur leur demande d'autorisation. De plus, il est établi clairement dans la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d'appel que, lorsqu'une personne est expulsée, la demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale concernant l'évaluation des risques devient non pertinente. Il n'y a aucune raison de l'examiner puisque la personne a déjà été expulsée.
Cela est essentiel — cette information et cette relation entre l'accès à la SAR et à la Cour fédérale — parce que l'on constate que, contrairement à l'information fournie par le ministre, et je m'excuse d'entrer dans la politique, en réalité, certains groupes de réfugiés n'auront plus accès à un examen de la première décision concernant leur demande d'asile.
Compte tenu du délai de un an de l'ERAR et du délai pour l'accès à l'examen des circonstances d'ordre humanitaire, il n'y aura aucun mécanisme de droit efficace pour corriger les erreurs du premier décideur de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Selon moi, cela est contraire aux droits fondamentaux de la personne à l'échelle internationale. C'est inconcevable. Je crois que, en tant que Canadiens, nous sommes tous d'accord sur le fait que nous ne voulons pas commettre d'erreurs au moment de déterminer un statut de réfugié. Nous devons prendre la bonne décision.
Juste pour être certain, combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
L'été dernier, la Chambre des communes a dû faire face à la réalité des conséquences d'une erreur.
Il est important de savoir exactement comment sont faites les expulsions du Canada. Les personnes expulsées du Canada, particulièrement si elles ont été détenues avant leur renvoi, ne peuvent pas tout simplement retourner discrètement dans leur pays d'origine et trouver un autre endroit sûr où vivre. Au contraire, dans de nombreux cas, elles sont confiées directement aux autorités du gouvernement de leur pays d'origine. Dans un tel cas, si c'est le gouvernement qui est l'agent de persécution que l'on a tenté de fuir, les conséquences sont évidentes.
Comme j'avais commencé à le dire, les Communes ont été confrontées à cette réalité l'été dernier, lorsque le cas pers Benhmuda a été présenté au ministre à la Chambre. M. Benhmuda et sa famille avaient fui la Libye pour se rendre au Canada. Ils ont présenté une demande d'asile, qui a été rejetée, et ensuite une demande d'examen des risques avant renvoi, rejetée aussi. Les parents ont eu des enfants, et toute la famille a ensuite été expulsée en Libye. Cela était avant le récent changement de régime en Libye.
Une fois rendus dans l'avion, les membres de la famille ont vu leurs passeports remis à l'équipage. C'est une procédure normale au Canada. Je ne connais pas le processus des autres pays. Alors, leurs passeports ont été remis, et ils ont été expulsés à Tripoli. À leur arrivée à Tripoli, leurs passeports ont été remis dans une enveloppe au service de sécurité de la Libye.
Évidemment, et c'était prévisible, la famille a été détenue. L'épouse et les enfants ont été libérés, mais Adel est demeuré en détention et a été torturé et interrogé pendant des mois, seulement parce qu'il a été expulsé du Canada et parce que l'on présumait qu'il devait avoir présenté une demande d'asile. On présumait, par conséquent, qu'il s'opposait au régime. Son cas a été vérifié par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés après de longues entrevues.
Il n'est pas le seul. Certains membres du comité se souviennent peut-être du cas de Kevin Yourdkhani et de sa famille, survenu il y a quelques années. Ils étaient iraniens. Ils ont aussi quitté l'Iran pour présenter une demande d'asile. Leur demande a été rejetée, ils ont été expulsés, et leurs documents ont aussi été remis à l'équipage.
À leur arrivée à Téhéran, en Iran, leurs documents ont été remis aux autorités. Majid et Mosomeh, l'époux et l'épouse, ont été détenus, torturés et agressés pendant des mois — ils ont eux aussi été interrogés parce qu'ils avaient demandé asile au Canada.
Les problèmes dont il est question ici... Je suis certain que la Chambre est au courant, mais je crois qu'il est important que vous ayez des exemples de cas réels afin que vous puissiez connaître les conséquences d'une erreur.
Tout d'abord, je tiens à m'excuser, car je n'ai pas eu le temps de préparer une exposé approprié. Notre bureau était fermé hier, alors nous avons reçu l'invitation aujourd'hui. C'était un avis très court.
Néanmoins, d'une part, notre ambassade considère cette invitation comme un honneur. D'autre part, c'est une obligation et une responsabilité d'assister à une réunion à laquelle nous sommes invités, et nous adoptons la même approche responsable que notre gouvernement et notre ambassade à Ottawa au chapitre de la question et de la situation qui assombrissent les relations bilatérales entre nos deux pays, le Canada et la Hongrie.
Pourquoi assombrissent? D'une part, parce que le nombre élevé de demandes d'asile provenant de la Hongrie et présentées au Canada semble étrange. D'autre part, il est évident qu'une telle situation crée une tension sur le plan des questions d'immigration et toutes sortes de circonstances qui n'améliorent pas du tout les bonnes relations que nous voulons entretenir, fondées sur des valeurs et des objectifs communs, afin que nos citoyens puissent être libres de communiquer entre eux et de mieux se connaître, facilitant ainsi l'établissement d'une meilleure relation globale entre les deux pays et la société transatlantique.
De ce point de vue, le gouvernement hongrois a envisagé de prendre la responsabilité de cette situation sur deux fronts: dans notre pays, là où la responsabilité est plus grande et où le travail est le plus important, mais aussi au Canada, pour collaborer et aider le gouvernement canadien à régler les situations et à atténuer les tensions qui pourraient en découler.
C'est cette responsabilité commune dans une telle situation qui m'a mené ici à titre de représentant de l'ambassade de Hongrie, et je suis à votre disposition. Si vous avez des questions, je ferai mon possible pour y répondre.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de votre question. Ce sera très difficile d'y répondre rapidement. Il s'agit d'un problème très complexe, et une approche aussi complexe doit être adoptée pour l'examiner et ensuite le résoudre.
Tout d'abord, comme je l'ai mentionné dans mon très bref témoignage, il y a deux éléments à prendre en considération: comment s'explique ce phénomène de la Hongrie? Et, en ce qui concerne les Hongrois qui quittent leur pays, pourquoi viennent-ils au Canada?
Il y a des facteurs d'incitation et des facteurs d'attirance. Quels sont ces facteurs? Sur le plan des facteurs d'incitation, il est intéressant de mentionner que, en général, ce phénomène n'est pas observé en lien avec tout autre pays. Cela ne touche que le Canada. Il est évident qu'il existe des facteurs d'incitation. C'est la situation socioéconomique. Un nombre considérable de Hongrois vivent une situation économique difficile en raison non pas seulement des problèmes récents liés à la crise financière et économique internationale, mais aussi des conséquences prolongées des changements économiques ayant eu lieu après les changements politiques des années 1990.
Mis ensemble, ces éléments rendent la vie de nombreuses personnes difficile. Il est évident que certaines d'entre elles cherchent une meilleure vie, et je crois que c'est un objectif tout à fait acceptable pour quiconque. Comme au Canada, les Hongrois sont libres de quitter leur pays pour quelque motif que ce soit. C'est une affaire privée. Il n'est pas nécessaire de l'expliquer, et si quelqu'un veut vivre une meilleure vie et s'établir ailleurs, il peut le faire, il n'y a pas de problème.
Je crois que, si l'on veut de meilleures conditions de vie, c'est une façon acceptable d'améliorer sa vie et celle de sa famille. Ainsi, plusieurs personnes voulaient quitter la Hongrie et elles l'ont fait de la bonne façon. Par « bonne façon » je veux dire immigrer au Canada: attendre son tour, demander le visa nécessaire ou présenter la demande appropriée et s'installer ici pour construire une nouvelle vie. Il nous semble — par « nous » j'entends l'ambassade — d'après les éléments de preuve et les faits que l'ambassade a recueillis au cours des trois ou quatre dernières années, puisque nous avons entretenu des communications avec de nombreuses personnes, que la grande majorité des Hongrois qui viennent ici à titre de réfugiés semblent vouloir améliorer leurs conditions de vie et leurs possibilités pour l'avenir.
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Merci. C'est une très bonne question que l'aide juridique n'arrive toujours pas à résoudre.
Je suis ici aujourd'hui à titre personnel et non pas en tant que représentante de l'aide juridique, mais je peux vous dire que le gouvernement fédéral vient tout juste d'annoncer que le financement de l'ensemble des régimes d'aide juridique du Canada demeurera au même niveau que l'an dernier, soit un peu plus de 11 millions de dollars. Nous attendons toutefois pour Aide juridique Ontario... L'Ontario reçoit 60 p. 100 de toutes les demandes d'asile au Canada, alors nous effectuons une vérification du bien-fondé des revendications ainsi que des finances.
Juste pour vous donner une idée, pour avoir droit à l'aide financière juridique, une personne célibataire ne doit toucher au plus 10 800 $ par année. Si vous touchez 12 000 $ par année, donc 1 000 $ par mois, vous seriez considéré comme un travailleur pauvre, mais vous n'auriez pas accès à nos services.
Dans le cas d'un couple, je crois que c'est 13 450 $, juste en dessous de 13 500 $ pour deux personnes, si l'époux et l'épouse viennent ici et présentent une demande d'asile. Pour bénéficier de l'aide, il faut toucher moins que cela, ce qui est le premier critère d'admissibilité sur le plan de la situation financière.
Il faut ensuite passer à la vérification du bien-fondé des revendications pour obtenir une aide juridique. L'aide juridique doit déterminer si la dépense de fonds publics est justifiée, car nous avons aussi des obligations envers les contribuables canadiens et la responsabilité d'utiliser de manière efficace et efficiente les fonds du gouvernement. Pour ce faire, il faut d'abord vérifier le bien-fondé des revendications.
Maintenant, même si l'on nous a dit que notre budget restera le même, nous allons devoir en faire plus. Comme vous l'avez déjà mentionné, une autre étape s'est ajoutée au processus, la Section d'appel des réfugiés, qui n'existait pas avant et pour laquelle nous n'avons obtenu aucun financement supplémentaire. Autrement dit, l'aide juridique devra en faire beaucoup plus et trouver de nouvelles façons de fournir les services avec le même montant d'argent.
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Merci de cette question.
Nous avons certaines préoccupations à l'égard de la désignation des pays sûrs. Nous croyons tout d'abord qu'il n'est jamais approprié de désigner un pays particulier comme sûr. Les réfugiés peuvent provenir de n'importe quel pays du monde, et les conditions changent rapidement aux quatre coins de la planète; c'est pourquoi un pays qui était sûr peut devenir très dangereux du jour au lendemain. Cette désignation fait que, dans un tel cas, les personnes se verraient refuser l'accès à la protection que le Canada devrait leur donner.
Quant à certaines modifications proposées dans le projet de loi , comparativement au projet de loi antérieur ... au moins, dans celui-ci, on prévoyait mettre sur pied un comité consultatif incluant des conseillers indépendants dont l'objectif aurait été de déterminer les pays sûrs ou dangereux et lesquels devraient être désignés ou non. Le ministre a retiré tout accès aux conseillers indépendants et en a fait une décision exclusivement gouvernementale, et cela nous préoccupe beaucoup.
En plus de cela, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a commenté la désignation des pays. Si j'ai bien compris, il estime que, dans certaines circonstances, il peut être approprié d'accélérer le traitement des demandes d'asile de certains pays, mais même le Haut Commissariat a répété à maintes reprises qu'il doit y avoir un processus d'appel, même dans le cas d'un pays désigné. Le projet de loi élimine ce processus d'appel, et comme je l'ai déjà mentionné, en plus, ne prévoit aucun accès concret à la Cour fédérale pour les personnes de pays désignés.
Nous nous préoccupons aussi des changements à la CISR, dont le fait que les décideurs de la Section de la protection des réfugiés seront non pas des personnes nommées pour une période déterminée jouissant d'une certaine indépendance, mais des fonctionnaires. Ce seront maintenant les seules personnes qui entendront les revendications de personnes provenant de pays que leur patron considère comme sûrs. Nous craignons que cela influe sur leur capacité de rendre des décisions impartiales quant aux demandes d'asile qu'elles traitent.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très reconnaissant de l'invitation du comité et de l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Même si le projet de loi toucherait le système national d'octroi de l'asile du Canada, mon exposé d'aujourd'hui concerne plutôt les conséquences du projet de loi C-31 sur la politique internationale en matière de protection des réfugiés du Canada.
Selon l'architecture des activités de programme et les résultats stratégiques actuels de Citoyenneté et Immigration Canada, le ministère et ses partenaires au sein du gouvernement canadien visent à influencer le programme de la politique internationale en matière de protection des réfugiés en participant à un éventail de forums multilatéraux, régionaux et bilatéraux. En fait, en collaboration avec l'ACDI et le MAECI, CIC a bien atteint cet objectif et a particulièrement réussi à faire preuve de leadership à l'échelle internationale et à influencer l'approche internationale en ce qui a trait à la situation prolongée des réfugiés, sujet que j'aborderai dans quelques instants.
Ce qui me préoccupe du projet de loi C-31, c'est qu'il contient trois éléments qui empêcheraient probablement le Canada d'atteindre cet objectif, car ils pourraient avoir un effet négatif sur la capacité du pays d'influencer le régime mondial d'aide aux réfugiés. Ces trois éléments sont le pouvoir ministériel et la désignation des pays d'origine sûrs, le recours à la détention dans le cas d'arrivées irrégulières et les dispositions prévoyant la révocation du statut de résident permanent, particulièrement dans le cas des réfugiés qui se sont réinstallés au Canada.
Mes commentaires d'aujourd'hui sur le projet de loi C-31 sont fondés sur les conclusions d'un projet de recherche que j'ai codirigé à l'Université d'Oxford pendant plus de 10 ans. Le projet consistait à examiner la politique dans le cadre du régime mondial d'aide aux réfugiés et la façon dont certains États, dont le Canada, réussissent à promouvoir un programme axé sur les solutions de rechange pour les réfugiés. La recherche a révélé que le Canada a assez bien réussi à influencer la politique à l'égard des réfugiés à l'échelle internationale et régionale. Je serais ravi de donner quelques exemples de ces réalisations durant la période de questions. Je ne m'y attacherai pas maintenant, compte tenu du temps.
Notre recherche indique que la capacité du Canada de jouer ce rôle de chef de file découle principalement de son autorité morale, de son engagement concret envers la coopération multilatérale et du fait qu'il a la réputation d'avoir un système national d'octroi de l'asile juste et impartial. Nous avons remarqué que, au contraire, les pays qui adoptent des lois restrictives prévoyant notamment la détention obligatoire et des mesures visant clairement à empêcher l'arrivée de demandeurs d'asile, n'arrivent pas à influencer le régime mondial d'aide aux réfugiés, particulièrement au moment de négocier avec les États du Sud qui accueillent des réfugiés.
Compte tenu du temps, j'aimerais brosser brièvement le portrait du contexte mondial avant de me concentrer sur les trois éléments préoccupants et de suggérer des modifications que le comité pourra prendre en considération.
Les 20 dernières années ont été le théâtre d'un changement important au sein du système mondial d'aide aux réfugiés. Ce changement s'est manifesté notamment par l'augmentation du nombre de soi-disant situations prolongées de réfugiés. Il s'agit de réfugiés qui demeurent en exil pendant plus de cinq ans sans aucune perspective d'avoir accès à une solution durable. Aujourd'hui, environ les deux tiers des réfugiés du monde entier — soit 7,2 millions de réfugiés — sont en situation d'exil prolongé, et 80 p. 100 d'entre eux demeurent dans leur région d'origine. En fait, on compte parmi les principaux États qui accueillent des réfugiés aujourd'hui le Pakistan et le Kenya. Ce sont des pays qui font eux-mêmes face à de nombreux problèmes liés à la stabilité et à la croissance.
En cas d'arrivée massive et de présence prolongée de réfugiés, bon nombre de ces pays hôtes exigent qu'ils demeurent dans des camps. Ces camps sont souvent très isolés et très dangereux, et les réfugiés qui s'y trouvent se voient privés de leurs droits et de leurs libertés garantis en vertu de la Convention de 1951, dont la liberté de circulation et le droit de chercher du travail.
Même si la condition précaire des réfugiés est problématique dans ces camps, le plus alarmant, c'est peut-être notre incapacité manifeste de trouver une solution aux situations prolongées des réfugiés. En 1993, il fallait environ neuf ans pour régler une situation de réfugiés. Aujourd'hui, il s'agit plutôt de 20 ans.
Le Canada a fait de la résolution des situations prolongées de réfugiés une priorité internationale. Dans le cadre de ses déclarations devant le Comité exécutif du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l'Assemblée générale de l'ONU, le Canada a réclamé une intervention internationale pour régler ces situations et faire en sorte que les solutions pour les réfugiés soient plus prévisibles. Il est question de cette priorité dans les résultats stratégiques et l'architecture des activités de programme du CIC, particulièrement le résultat stratégique 2 et l'activité de programme 4.
Le Canada a principalement eu recours à des mécanismes pour mettre de l'avant la priorité qui consiste à contribuer au règlement des situations de réfugiés.
Parlons d'abord de la réinstallation des réfugiés. Le gouvernement devrait être félicité pour avoir annoncé que le Canada assurera la réinstallation de près de 14 500 réfugiés par année. Cela confirmerait le deuxième rang du Canada au chapitre des activités mondiales de réinstallation.
Toutefois, on aurait tort de conclure que les situations prolongées de réfugiés peuvent être réglées simplement avec la réinstallation. À l'échelle mondiale, on compte près de 80 000 possibilités de réinstallation par année. Comme 7,2 millions de réfugiés sont admissibles à la réinstallation, il faudrait 98 ans pour régler les situations prolongées de réfugiés uniquement de cette façon. Voilà pourquoi le Canada a recours à l'action diplomatique et à la réinstallation pour exercer son leadership dans le règlement des situations prolongées de réfugiés.
Grâce à son autorité morale au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés, le Canada a réussi à mener les négociations à l'échelle internationale et régionale en vue de résoudre les situations prolongées de réfugiés au moyen de la réinstallation, du rapatriement et de l'intégration locale. J'alléguerais que cela est une façon très rentable de renforcer le régime mondial des demandes d'asile et de trouver des solutions pour les situations de réfugiés précises.
Comme je l'ai déjà mentionné, le Canada a pu jouer ce rôle en raison de son autorité morale au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés. Il a pris un engagement concret en matière de coopération multilatérale et a la réputation d'avoir un processus national d'octroi de l'asile qui est juste et impartial. Il est surprenant de constater que, au contraire, d'autres États industrialisés du Nord, particulièrement certains États européens, et l'Australie perdent leur influence et leur autorité morale au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés en raison des politiques plus restrictives en matière d'asile qu'ils ont adoptées. Encore une fois, compte tenu du temps qui passe, je ne donnerai pas d'exemples, mais je serai ravi d'en parler durant la période de questions.
Compte tenu de l'importance de l'autorité morale du Canada au regard de ses intérêts au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés et compte tenu des conséquences des changements de politiques et de pratiques nationales sur l'autorité morale d'autres États au sein du régime, je soutiens qu'il est important de prendre en considération les conséquences internationales du projet de loi . Trois éléments du projet de loi C-31 risquent de compromettre l'autorité morale du Canada au sein du régime mondial d'aide aux réfugiés.
Ma première préoccupation touche le pouvoir ministériel de désigner des pays d'origine sûrs. Les négociations avec les États d’accueil du Sud au sujet des politiques concernant les réfugiés entraînent souvent des discussions sur l’importance de dépolitiser la question des réfugiés et celle de disposer de mécanismes décisionnels transparents et administratifs pour répondre à l’arrivée des demandeurs d’asile, qu’ils arrivent isolément ou en groupe. Le Canada éprouverait de la difficulté à présenter cet argument aux pays d’accueil du Sud en raison des dispositions du projet de loi qui accordent au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration le pouvoir discrétionnaire de qualifier de « sûrs » certains pays d’origine.
Je recommande donc de modifier le projet de loi pour confier à un groupe consultatif d'experts indépendant la tâche d'établir et de mettre à jour une liste de pays d'origine sûrs.
Ma deuxième préoccupation concerne le recours à la détention dans le cas d'arrivées irrégulières et d'étrangers désignés. Le recours à la détention obligatoire pour dissuader les futurs demandeurs d’asile de venir au Canada est non seulement une mesure inefficace et extrêmement coûteuse, comme cela a été démontré, en particulier dans le cas de l’Australie, mais cette mesure est un élément central des politiques restrictives en matière d’asile adoptées par les pays du Nord dont se sont emparés les pays du Sud pour justifier les limites apportées aux divers droits accordés aux demandeurs d’asile et aux réfugiés sur leur territoire. Les dispositions en matière de détention figurant au projet de loi compromettent les efforts que déploie le Canada pour inciter les États d’accueil du Sud à abandonner la pratique consistant à interner les demandeurs d’asile et les réfugiés dans des camps, et à leur accorder une plus grande liberté de mouvement.
Par conséquent, je recommanderais de modifier le projet de loi pour supprimer l'allusion à la détention obligatoire pour les arrivées irrégulières et les étrangers désignés.
Ma troisième et dernière préoccupation, et je conclus ici, touche les dispositions relatives à la révocation du statut de résident permanent. Le Canada s’est donné comme priorité dans son action au sein du régime mondial d’aide aux réfugiés de favoriser l’élaboration de solutions durables et permanentes susceptibles de mettre fin à la situation très dure des réfugiés. Le Canada éprouverait de la difficulté à présenter ce genre d’argument sur le plan international si le projet de loi contenait des dispositions aux termes desquelles les réfugiés qui se sont réinstallés au Canada et qui ont obtenu la résidence permanente pourraient voir leur statut révoqué, sauf dans les cas où il a été démontré que la réinstallation a été obtenue au moyen d’une déclaration frauduleuse. Je ferais allusion ici au témoignage antérieur de Mme Audrey Macklin portant sur l’annulation par rapport à la perte du statut…
Je suis avocate spécialisée en droit de l'immigration et en droit des réfugiés. Depuis environ 13 ans, je pratique le droit exclusivement dans ces deux domaines.
Je suis spécialiste agréée en droit de l'immigration et en droit des réfugiés. Nous ne sommes qu'une dizaine de personnes à avoir reçu l'agrément de spécialiste dans ces deux domaines par le Barreau du Haut-Canada.
Je vous dis cela non seulement pour que vous sachiez que je sais de quoi je parle, mais aussi pour insister sur le fait que je suis, en quelque sorte, une espèce rare, en ce sens que je comprends tant notre politique en matière de réfugiés que les aspects économiques de l'immigration, et je crois d'ailleurs pouvoir ajouter de la valeur aux travaux du comité en ce qui touche ces aspects.
Je suis d'abord Canadienne, et ensuite avocate, dans cet ordre.
Je crois que les politiques d'immigration canadiennes doivent avant tout servir l'intérêt des Canadiens, pas celui du reste du monde. Cela dit, j'estime effectivement qu'il est avantageux pour le Canada de défendre des valeurs humanitaires et de remplir les obligations qui découlent du droit international, mais dans les limites du raisonnable.
Je crois que, à trop vouloir être ouvert d'esprit, on peut risquer de perdre son cerveau.
J'appuie sans réserve nombre des mesures que le gouvernement actuel a adoptées au cours des dernières années pour réformer les politiques en matière d'immigration; je ne les appuie pas nécessairement toutes, mais je souscris à la majorité d'entre elles. Toutefois, il vient un temps où il faut se montrer un peu plus ferme, lorsqu'on constate que, en son âme et conscience, on ne pourrait approuver certaines initiatives. Considérez-moi comme l'amie qui vous ramène sur le trottoir au moment où vous alliez vous aventurer dans la circulation. Voilà comment je vois les choses.
Je ne dispose que de 10 minutes, et je sais que nombre de mes confrères et consoeurs beaucoup plus érudits dans le domaine ont témoigné avant moi. Je vais aborder très brièvement quatre aspects, puis le reste du temps pourra être consacré aux questions.
J'ai préparé une présentation PowerPoint, qui se veut un complément à mon exposé; il n'est pas censé le remplacer. Je ne vais pas lire les diapositives, alors vous allez devoir travailler un peu: vous allez devoir lire les diapositives et m'écouter en même temps.
Le premier aspect est l'utilisation de la liste des pays d'origine désignés.
Je tiens à préciser que je suis en désaccord avec nombre de mes confrères et consoeurs spécialisés en droit des réfugiés qui s'opposent unilatéralement à l'utilisation d'une liste de pays d'origine désignés. Je crois qu'une telle liste peut être utile si on l'emploie de la bonne façon.
N'oubliez pas que, même si une liste semblable existe, des personnes pourront encore demander l'asile. Leur demande pourra encore être entendue par un tribunal, mais ces personnes auront un accès restreint à certains des autres freins et contrepoids, comme le droit d'appel et d'autres recours semblables. Je crois qu'un tel système serait probablement constitutionnel s'il était appliqué correctement.
Bien honnêtement, je crois que nous aurions l'air un peu ridicule si tous les demandeurs d'asile, y compris, par exemple, ceux des États-Unis, avaient accès à tous les freins et contrepoids qui sont en place. Je crois que cela minerait notre crédibilité.
J'ai néanmoins des réserves au sujet de la procédure de sélection des pays qui figureraient sur la liste. Cela me préoccupe énormément. Je dois dire que... Je crois que tous ici présents savent pertinemment que la liste des pays d'origine désignés a été créée pour qu'on puisse régler une situation bien précise qui touche uniquement deux pays, alors soyons honnêtes et nommons-les: la Hongrie et le Mexique. Tout le monde le sait. Peut-être que les gens ne le disent pas de façon aussi explicite, mais c'est un fait bien connu. Je crois que le fait de réagir de la sorte à une situation isolée n'est pas la meilleure façon d'élaborer des politiques. On risque de jeter le bébé avec l'eau du bain.
De plus, je crois qu'il est inadmissible de confier au seul ministère le pouvoir de dresser la liste de pays d'origine désignés et de ne pas consulter un groupe d'experts pour la sélection des pays, car le système pourrait ainsi être soumis à de fortes pressions politiques.
Dans la mouture précédente du projet de loi, les pays de la liste étaient sélectionnés par un groupe d'experts, et, à titre de professionnelle, je serais à l'aise avec cette idée. Toutefois, le fait de laisser la sélection à l'entière discrétion du ministère n'est pas une bonne idée.
Le deuxième aspect est la révocation du statut de résident permanent de personnes qui perdent leur statut de réfugié. Mon point de vue diffère quelque peu de celui de mon ami, qui vient tout juste d'aborder cet aspect. En effet, contrairement à lui, je crois que cette mesure est défendable. D'abord, elle nous permettra d'offrir la protection lorsqu'elle est nécessaire tout en continuant de respecter nos engagements dans les domaines du droit humanitaire international et du droit international. En même temps, il s'agit d'un moyen supplémentaire de se débarrasser de personnes qui peuvent être indésirables et qui n'ont plus besoin de protection. J'estime qu'il s'agit là d'un compromis raisonnable.
Je crois qu'il faut penser à long terme et garder à l'esprit que quiconque se voit accorder le statut de réfugié pourra aussi demander la citoyenneté après quelques années et, dans ce cas, avoir le droit de demeurer au Canada de façon permanente.
Toutefois, le ministre devra encore démontrer à la commission du statut de réfugié que cette personne n'a pas qualité de personne à protéger. Je crois qu'il s'agit d'une exigence raisonnable qui nous permet de veiller à ce qu'on n'utilise pas abusivement ce processus contre des personnes qui ont vraiment besoin d'une protection. Étant donné que le processus de demande de constat de perte d'asile est complexe et exige beaucoup de temps et d'effort, je ne crois pas qu'on l'emploierait à la légère. Je ne crois pas qu'on y recourrait très souvent. Par conséquent, je ne partage pas vraiment l'avis des personnes qui ont déclaré que, en raison d'une telle mesure, les réfugiés craindraient de perdre l'asile à tout moment advenant un changement de la situation dans leur pays d'origine. Je crois simplement que, sur le plan pratique, ce n'est pas de cette façon que les choses se passeraient.
Le troisième aspect est la réduction du délai accordé au demandeur d'asile pour qu'il fournisse les documents liés au fondement de sa demande et pour que sa demande soit entendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et la Section d'appel des réfugiés. J'appuie fermement toute disposition visant à accélérer le traitement des demandes d'asile. À peu près tout le monde serait d'accord avec moi. À mon avis, aucun de mes confrères ne désapprouverait l'idée d'accélérer les choses. Toutefois, les délais qui sont prévus — 15, 30, 60 jours, etc. — sont tout simplement irréalistes. En tant qu'experte ayant évolué longtemps dans le système, je peux affirmer que cette idée est vouée à l'échec. Il est impossible de respecter des délais semblables. Et le problème ne touchera pas seulement le demandeur d'asile et l'avocat: je n'arrive même pas à imaginer le cauchemar dans lequel sera plongée la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui devra rendre des décisions sous ce genre de contraintes. J'ignore qui au ministère a cru que cela fonctionnerait, mais je peux vous assurer qu'on frappera un mur. C'est décidément une bonne idée de raccourcir les délais, mais il est exagéré de le faire à ce point-là. Ça ne peut pas fonctionner.
À ma connaissance, le gouvernement n'alloue aucun financement supplémentaire à la Commission. Les commissaires ont déjà du mal à rendre des décisions dans les délais actuellement prescrits. Je ne peux imaginer comment ils réussiront à le faire 10 fois plus rapidement sans l'entrée de nouveaux fonds dans le système. Je crois que toute cette entreprise est vouée à l'échec, et je serais étonnée que quiconque à la Commission soutienne le contraire.
En outre, en fixant des délais semblables, on ne tient pas compte des réalités du processus de demande d'asile. Je compte des années d'expérience dans le domaine. Une personne n'a pas le temps en 15 jours de venir au pays, de retenir les services d'un conseil compétent, de rédiger sa demande et de la soumettre. Ce n'est tout simplement pas réaliste. Ce qui finira par arriver, c'est que des gens se présenteront devant la Commission sans représentant ou se tourneront vers des consultants véreux ou tout simplement médiocres, car c'est tout ce qu'ils pourront trouver en si peu de temps.
Cette situation causera bien des maux de tête aux décideurs, car la représentation du demandeur par un conseil compétent procure une valeur ajoutée au système. En effet, un conseil compétent verra à ce que les règles de preuve soient respectées, à ce que les formulaires soient remplis à temps et à ce que les éléments de preuve adéquats soient réunis afin d'améliorer la qualité du processus décisionnel. Toutefois, si on impose des délais aussi courts, les décideurs seront contraints de rendre leurs décisions dans les pires conditions possibles, et cela ne fonctionnera pas.
Je vous garantis que les choses n'iront pas plus vite si on met en oeuvre une telle mesure, et je vais vous dire pourquoi. Un nombre sans précédent de gens seront forcés de demander un report d'audience. Et si les demandes de report ne sont pas accueillies, on interjettera appel à la Cour fédérale, et les demandeurs auront gain de cause, car le tribunal conclura qu'il y a déni de justice naturelle parce que la personne n'a pas eu la possibilité raisonnable d'être représentée par un conseil.
Enfin, pour ce qui est de l'interdiction de un an dans le cas d'une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, vous avez mes commentaires dans la présentation PowerPoint. Je crois que vous l'avez reçue. Voici des exemples montrant pourquoi il s'agit d'une mauvaise idée. Les gens ne devraient pas être obligés de choisir entre une demande d'asile et une demande reposant sur des motifs d'ordre humanitaire. L'interdiction de un an est une mesure arbitraire. Pourquoi une année? Pourquoi ne pas prévoir une interdiction de six mois? Pourquoi pas deux ans? Cela n'a tout simplement aucun sens. Je ne vois pas pourquoi les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire ne pourraient pas être traitées rapidement. Actuellement, certains de mes cas sont traités en moins de quatre mois. Ce n'est pas ce genre de cas qui entraînera des retards excessifs dans le système. Et, même en ce moment, cela ne fait aucunement obstacle à l'expulsion. Donc, si on craint que cela nous empêche de renvoyer des personnes du Canada, dites-vous que ce n'est pas le cas. Il n'en est rien actuellement, et il n'en sera rien dans l'avenir. Pour empêcher un renvoi, il faudrait s'adresser à la Cour fédérale et convaincre le juge selon un critère très strict. À mon avis, ce changement n'est tout simplement pas nécessaire. Il n'ajoute aucune valeur au système.
Je souhaite conclure en disant que je félicite le gouvernement de prendre des mesures pour simplifier le système. Il faut beaucoup de cran, beaucoup de courage, pour s'attaquer à ce dossier. C'est beaucoup de travail. Je le félicite pour cela, mais je l'encourage à faire les choses comme il faut.
Je serais ravie de répondre à vos questions, et j'espère sincèrement que vous ferez les choses comme il se doit.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion de vous parler.
J'ai passé du temps au Canada. À vrai dire, j'étais au Canada le 11 septembre 2001, époque à laquelle l'Australie a saisi l'occasion d'apporter des changements assez draconiens à ses lois pour qu'elles soient beaucoup plus punitives à l'endroit des personnes qui arrivent par bateau.
J'aimerais aborder en particulier, dans le cadre de ma déclaration préliminaire, les changements proposés dans le projet de loi qui concernent le traitement des arrivées irrégulières et prévoient l'introduction de la détention obligatoire de un an et des visas de protection temporaires.
Nous sommes d'avis que les modifications exposent le Canada au risque de contrevenir aux engagements qu'il a pris en vertu du droit international. Je vois qu'un certain nombre de personnes vous ont déjà parlé de ce problème.
Toutefois, j'aimerais aussi vous parler de l'expérience de l'Australie et de la mesure dans laquelle les lois que vous songez aujourd'hui à adopter au Canada ont eu des effets très négatifs en Australie. Je vais laisser mes collègues canadiens vous expliquer comment — à mon avis — les dispositions proposées contreviendraient à la Charte canadienne des droits et libertés.
Je suis certaine que vous avez entendu bien des gens exprimer leur déception à l'égard du fait que le Canada, autrefois reconnu pour sa compassion semble maintenant vouloir se faire le champion de la médiocrité. Je crois que, en plus d'abandonner ostensiblement le rôle de modèle qu'il a joué au chapitre des pratiques exemplaires internationales en matière de droits de la personne, il s'efforce de reprendre toutes les pratiques rétrogrades conçues par ses deux principaux pays analogues, l'Australie et les États-Unis.
Ce qui est regrettable, à mes yeux, c'est que, ce faisant, le Canada s'engage sur un terrain glissant et aura beaucoup de mal à faire marche arrière. C'est ce qu'a vécu l'Australie. Autrement dit, en termes simples, je ne crois pas que les mesures que vous proposez d'introduire auront bel et bien pour effet de dissuader la migration irrégulière. Elles entraîneront probablement d'énormes coûts financiers et, plus important encore, sociaux.
Je reconnais toutefois que les mesures que vous cherchez à introduire sont de puissants outils électoraux. Elles ont effectivement pour conséquence de cultiver et de favoriser un malaise envers les personnes visiblement différentes dans la société. Pour cette raison, dans des sociétés fortement multiculturelles comme les nôtres, ces mesures peuvent être très nuisibles sur le plan social. À cet égard, de fait, ces dispositions incarnent les initiatives les plus cyniques que puisse entreprendre un gouvernement pour courtiser l'élément sectaire de la société.
Notre ancien premier ministre, Paul Keating, a d'ailleurs assimilé la version australienne de ces lois au fait de « lever la pierre ». Il aurait pu ajouter « agiter les scorpions », « un véritable nœud de vipère ».
Si vous le permettez, je vais parler brièvement des deux mesures sur lesquelles nous voulons insister. La première est l'introduction de la détention obligatoire de un an. En Australie — peut-être que cela va vous intéresser —, les premières dispositions législatives sur la détention obligatoire prévoyaient, en fait, une détention de neuf mois. Plus précisément, elles prescrivaient une période de 273 jours et ont été appliquées à un groupe d'environ 400 demandeurs d'asile du Cambodge, qui étaient aussi qualifiées — il est intéressant de le noter — de « personnes désignées ». Je devrais vous dire que, finalement, ces personnes ont été détenues pendant quatre ans avant d'être renvoyées au Cambodge, puis ramenées en Australie, où elles ont toutes obtenu la résidence permanente.
Je crois que les changements que vous proposez revêtent une importance cruciale, parce que, comme je dis, il s'agit à mes yeux de la pointe de l'iceberg, et on verra probablement le Canada introduire des dispositions législatives de plus en plus radicales qui vont bafouer de plus en plus les droits de la personne. Je partage les préoccupations du dernier témoin quant au libellé du texte législatif et au fait que le simple doute sur le statut d'une personne arrivée de façon irrégulière suffise à imposer la détention.
Je suis moins préoccupée par la remise en liberté une fois que la qualité de réfugié a été reconnue. Ma préoccupation tient au fait que, une fois la détention obligatoire introduite, la probabilité que les délais de traitement se prolongent s'accroît; elle ne diminue pas.
L'une de mes préoccupations en ce qui concerne le projet de loi et le fait de conférer à un fonctionnaire le pouvoir de détenir obligatoirement quelqu'un, touche l'élimination du contrôle judiciaire dans ce processus — le fait que quelqu'un doive être détenu pendant un an et que le contrôle judiciaire n'aura lieu qu'aux six mois.
Lorsque nous avons fait cela en Australie, nous avons utilisé un libellé très semblable. À vrai dire, on semble avoir emprunté dans une très large mesure le libellé de notre loi ici. L'une des conséquences, c'est que nous avons fini par voir un grand nombre de résidents permanents légitimes — et même un citoyen —, être arrêtés et renvoyés du pays sans contrôle judiciaire parce que la loi prévoyait la détention obligatoire. Nos dispositions législatives parlaient de « motifs raisonnables de croire », mais, faute d'un contrôle judiciaire au processus, les gens étaient tout de même détenus à tort.
Nous pouvons vous préciser les coûts financiers de la détention obligatoire en Australie. Au fil des ans, ces coûts ont connu une croissance exponentielle. Dans le cadre du budget de 2011-2012, nous avons consacré plus de 700 millions de dollars au fonctionnement de nos centres de détention outre-mer, et ces centres ont coûté près de 100 millions de dollars. Ces sommes ne sont pas négligeables, et elles se sont accrues de façon exponentielle au fil des ans. Vous finirez par dépenser des sommes faramineuses pour construire de nouveaux centres de détention au fil du temps. Les montants que nous avons versés aux gens détenus à tort à cause des lois que nous avons mises en place... Selon un rapport publié en 2011, le gouvernement australien a versé plus de 16 millions de dollars en dédommagement aux demandeurs d'asile et aux personnes qui ont été détenues à tort.
Je vous invite aussi, toutefois, à songer aux coûts sociaux de ces mesures. En Australie, nous avons constaté que la détention obligatoire n'avait jamais dissuadé un seul demandeur d'asile. Malheureusement, des pays comme les nôtres ont tendance à attirer des demandeurs d'asile authentiques. Je sais qu'on est aussi préoccupé par le phénomène des demandes d'asile non authentiques, mais, en fait, vu la situation mondiale, nos pays attirent des personnes qui présentent une demande d'asile authentique. L'introduction de dispositions législatives punitives comme celles-ci risque de nuire au tissu même de la société.
Je dirais seulement pour conclure que les mesures visant à introduire le visas de protection temporaire sont aussi extrêmement rétrogrades. En Australie, en plus de n'avoir dissuadé personne, elles ont changé la composition de la population de demandeurs d'asile qui venaient en Australie, parce que les gens ne pouvaient plus amener leur famille par des moyens légaux; ils étaient contraints de recourir à la migration irrégulière pour que leur famille puisse les suivre. Pour cette raison, en très peu de temps, nous avons assisté à une augmentation énorme du nombre d'enfants et de femmes non accompagnés qui arrivaient irrégulièrement par voie maritime.
Ces questions sont très complexes. Nous vivons dans des démocraties occidentales attrayantes pour les personnes qui ont été persécutées de par le monde. Nous vivons aussi dans des démocraties qui reposent sur un système de justice et d'égalité qui devrait faire la fierté de ceux d'entre nous qui en sommes citoyens. L'introduction de lois qui menacent cela et qui favorisent ces tendances est très rétrograde.
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Ces lois ont une incidence sur les enfants à bien des égards. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné très brièvement que l'introduction de visas de protection temporaires bouleversera les moyens habituels que choisissent les demandeurs d'asile pour immigrer.
Je veux dire par cela que, selon la structure habituelle des mouvements migratoires des réfugiés, le père ou le fils aîné est souvent celui qui prend l'avion ou embarque sur un bateau pour échapper à la persécution dans son pays. Il en est ainsi, premièrement, parce que ce sont habituellement les principales cibles de la persécution et, deuxièmement, parce que, très souvent, ils veulent trouver un endroit sûr pour leur famille dans un pays tiers.
Si elles peuvent le faire par elles-mêmes, puis faire venir leur famille par des moyens légaux — en vertu du regroupement familial —, alors le processus profite directement aux enfants et aux familles. Si vous introduisez des visas de protection temporaires, ce seront toujours les hommes adultes ou les fils aînés qui partiront en premier, mais ils ne pourront pas faire venir leur famille. Ces personnes seront alors contraintes d'exposer leurs enfants et leur épouse au risque lié à la migration irrégulière, tout particulièrement la migration maritime irrégulière, probablement le moyen le plus dangereux d'entrer dans un pays. Et j'ai brossé un portrait des plus général.
En Australie, nous avons constaté que, sur une période d'environ six à huit semaines, le nombre d'enfants à bord des navires servant à l'arrivée irrégulière a bondi; de 5 p. 100, il a atteint des pourcentages allant jusqu'à 60 ou 70 p. 100. C'était complètement catastrophique. On se retrouve alors avec des enfants qui, dans notre cas, ont été placés en détention. Jusqu'en 2005, nos dispositions législatives prévoyant la détention obligatoire n'établissaient aucune distinction entre les hommes, les femmes et les enfants sur le plan de l'âge.
Je peux voir que ce n'est pas le cas de vos dispositions législatives. Néanmoins, lorsqu'il est question d'enfants très jeunes qui sont dans cette situation et que vous n'avez rien prévu pour permettre à leurs parents de s'en occuper, vous créez tout simplement d'énormes problèmes pour le pays en ce qui concerne ces enfants, qui seront placés sur des bateaux. Je peux vous promettre que cela va arriver; il n'y a aucun doute.
Lorsque vous introduisez des dispositions législatives punitives comme celles-là, vous exercez aussi une énorme pression sur les personnes chargées de l'octroi de l'asile.
Je suis reconnue pour mes activités de défense des droits des réfugiés, mais j'ai travaillé dans le domaine pendant de nombreuses années. J'ai mis sur pied une des premières organisations australiennes à réellement aider les gens à préparer leur demande d'asile ou, de façon plus générale, leur dossier d'immigration. J'ai travaillé sur le terrain, je demeure une praticienne, et je traîne encore mes étudiants sur le terrain... Je suis consciente de la difficulté que cela représente pour les décideurs et pour les fonctionnaires qui doivent faire ce travail.
Laissez-moi vous dire que de telles dispositions législatives ont des répercussions énormes sur tous les plans. Elles ont une incidence sur les personnes chargées de la détention, qui sont témoins au quotidien des souffrances qu'entraînent ce type de détention obligatoire. À mon avis, ces dispositions ne font rien pour rendre le traitement plus juste ou plus rapide.
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Merci, madame la présidente.
Je me réjouis de voir nos invités spéciaux comparaître par vidéoconférence. J'apprécie beaucoup vos commentaires. Je pense que nous sommes à peu près sur la même longueur d'onde. Plus tôt ce soir, j'ai laissé entendre que nous devrions nous préoccuper de l'image du Canada et du rôle que nous pouvons jouer concernant la question globale des réfugiés, qui va bien au-delà des considérations propres à un pays donné.
Je dois dire que le gouvernement actuel semble beaucoup s'inspirer des mesures prises en Australie et croit qu'il faut aller dans cette direction. Or, nous sommes un certain nombre à penser que ce serait faire fausse route.
Concernant la détention, je pense qu'il importe de noter que nous avons bel et bien un processus de détention à l'heure actuelle. Ce processus est assorti d'un mécanisme de contrôle judiciaire qui nous permet d'assurer une certaine équité. La détention obligatoire proposée par le ministre est une mesure très nouvelle au Canada. Nous espérons démontrer au ministre non seulement qu'il s'agit d'une mauvaise idée, mais aussi que cela va à l'encontre de notre Constitution.
Je crois vous avoir entendu dire dans votre exposé que la détention obligatoire n'a eu aucun effet dissuasif pour ce qui est d'empêcher les bateaux de se rendre en Australie. Le seul effet réel de cette mesure a été l'accroissement du budget annuel relatif à la détention — chose qui, selon moi, devrait nous préoccuper tous.
Nos services frontaliers ont comparu l'autre jour et déclaré que le système actuel fonctionne plutôt bien.
Madame Crock, je pense que vous connaissez assez bien le sujet. À coup sûr, vous avez examiné les systèmes d'autres administrations, et vous avez dit que celui du Canada était le meilleur. Quelle serait votre opinion si on n'apportait au projet de loi aucun amendement visant à atténuer certaines de vos préoccupations concernant le rôle de leader du Canada?
Comment cette initiative est-elle perçue par vos pairs?
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Je trouve regrettable que les États conservateurs semblent percevoir l'approche humanitaire d'autres pays comme un manque de discernement. J'ai l'impression que le Canada souhaite se départir de son rôle de leader sur ce plan. On se dit peut-être que le pays est en train de devenir un pôle d'attraction en raison de cela et qu'il doit donc s'aligner sur des pays dont le système est plus punitif.
C'est fort dommage, selon moi. La même chose s'est produite avec nos partis politiques. Quand j'ai dit plus tôt qu'on s'aventure en terrain glissant avec l'adoption de telles lois, c'est que, quand un parti affirme qu'il est naïf d'avoir une approche équitable, humanitaire, il devient très difficile pour l'opposition de faire comprendre que ce n'est pas le cas. Nous devrions être des leaders mondiaux à ce chapitre.
Le point de vue populaire sera toujours de punir l'étranger, de punir la personne différente. C'est pourquoi je pense que le système canadien est très précieux et fragile et qu'il peut très facilement anéanti, et je crois que bien des gens de partout dans le monde observent ce que vous faites actuellement, non seulement à cet égard, mais aussi à l'égard de projets de loi concernant, par exemple, les armes à sous-munitions. Il est très regrettable de voir le Canada choisir cette approche.
Pourrais-je parler des répercussions sociales de la détention? Vous devriez faire des recherches... Un très grand nombre d'études ont été rédigées à propos du recours à la détention et de ses effets. Les conséquences personnelles de la détention prolongées chez les personnes détenues... Croyez-moi, même si vos lois prévoient une période de détention maximale de un an, il finira par y avoir des gens qui seront détenus bien plus longtemps. Une fois qu'on se lance dans cette voie, il est très difficile de faire marche arrière.
Nous sommes encore aux prises avec une pandémie de maladies mentales, d'automutilations et de morts sous garde, et ce, même si nous avons...
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En fait, l'objectif de la détention est de s'assurer, avant que les personnes intègrent la société canadienne, que nous savons à qui nous avons affaire et qu'il s'agit bel et bien de réfugiés. Comme nous l'avons constaté avec le
Sun Sea et l'
Ocean Lady, certains passagers de ces bateaux étaient en fait des criminels de guerre ou des terroristes.
Selon nous, la démarche reflète toute l'importance d'identifier les gens qui présentent une demande d'asile et de comprendre qui sont ces personnes et quels antécédents ils ont. C'est une question de sécurité.
Je vais être clair. Au cours des 10 dernières années, ces personnes ont compté pour moins de 0,5 p. 100 de tous les réfugiés accueillis au Canada. Pour ce qui est du système global de détermination du statut de réfugié... Vous avez souligné — et je suis fier de l'entendre — que, d'aussi loin que l'Australie, on considère le système d'immigration et d'octroi de l'asile du Canada comme étant l'un des meilleurs au monde, mais cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas le modifier ni que nous ne devrions pas l'améliorer.
Le problème tient en partie au fait que moins de 40 p. 100 des personnes qui présentent une demande d'asile au Canada obtiennent le statut de réfugié. Le système est tellement inefficace qu'elles doivent attendre en moyenne plus de deux ans et demi pour obtenir une réponse initiale à leur demande d'asile.
Certaines personnes à qui on a refusé le statut de réfugié interjettent appel devant trois ou quatre instances avant d'être déboutées pour de bon. Elles ont passé sept ou huit ans au pays. Elles se sont mariées ici, elles ont eu des enfants, elles ont acheté une maison, elles ont trouvé un emploi, et voilà qu'elles sont contraintes de retourner dans leur pays d'origine, car elles n'ont pas obtenu le statut de réfugié. Notre système a besoin d'être corrigé.
Nous venons d'entendre la déclaration d'un témoin travaillant pour l'ambassade qui a reconnu que des milliers de Hongrois venaient au Canada parce qu'il était facile d'abuser de notre système. Sur la liste énonçant ce qu'il faut faire pour adopter une approche humanitaire, on ne mentionne pas que le système doit être une proie facile et que le Canada doit être perçu dans le reste du monde comme une cible facile.
Dans le cadre du projet de loi — et vous allez entendre des députés de l'opposition dire qu'on le remplace par le projet de loi ... Quoi qu'il en soit, il est clair que de 70 à 85 p. 100 du projet de loi C-31 est en fait repris de ce projet de loi. Le projet de loi C-11 prévoyait l'admission au pays de 2 500 réfugiés additionnels, dont 2 000 sont parrainés par le secteur privé, et 500, par le gouvernement. Cela nous place au deuxième ou au troisième rang à l'échelle mondiale pour ce qui est nombre de réfugiés accueillis au pays par habitant.
Il faut corriger notre système. Il faut le redresser; on ne l'a pas fait depuis de nombreuses années, depuis bientôt des décennies. Mais nous voulons tout de même préserver — et j'espère que, d'aussi loin que l'Australie, vous comprenez cette intention du gouvernement — l'intégrité de ce système et, d'ailleurs, veiller à ce qu'il demeure l'un des meilleurs au monde.
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Merci, madame la présidente.
Madame Crock, monsieur Ghezelbash, je vous souhaite la bienvenue.
Madame Crock, j'ai une série de questions pour vous, mais avant, je veux faire quelques commentaires. J'ai été un peu déconcerté par certaines de vos observations concernant les raisons pour lesquelles le gouvernement propose le projet de loi, d'autant plus que vous vivez très loin de notre beau pays, le Canada, et que vous vous trouvez dans votre beau pays à vous, l'Australie. Assurément, je pense que vous avez besoin de plus de renseignements afin d'être mieux informée.
Vous avez affirmé que nous proposons le projet de loi simplement pour montrer à la population canadienne que nous faisons quelque chose. En tant que gouvernement, nous sommes confrontés à certaines réalités qui, j'en suis sûr, ne sont pas différentes de celles auxquelles vous faites face en Australie.
À l'heure actuelle, le délai de traitement de demandes d'asile est de 1 038 jours. Il est question de gens qui arrivent ici — je parle des demandeurs d'asile légitimes — après avoir fui la persécution, la torture et peut-être la mort leur pays, et ils doivent attendre 1 038 jours pour que leur demande d'asile soit traitée. Grâce aux mesures proposées dans le projet de loi, ce délai peut être réduit à aussi peu que 45 jours pour les citoyens de pays désignés ou que 216 jours pour toutes les autres personnes. Certes, vous conviendrez — comme nous tous — qu'il est bien préférable de passer 20 p. 100 du délai de traitement à l'intérieur du système avant de voir sa demande acceptée et d'être admis au pays que d'attendre 1 038 jours. Cette question nous préoccupe beaucoup.
Par ailleurs, environ 95 p. 100 des personnes qui présentent une demande d'asile au Canada sont originaires d'un pays de l'Union européenne. Il est question de pays dotés d'un gouvernement démocratiquement élu; il y en a 27. Si une personne éprouve un problème dans son pays, on pourrait croire que son premier choix serait d'aller dans un des 26 pays environnants. Mais les gens viennent plutôt au Canada, et pourtant, 95 p. 100 d'entre eux abandonnent leur demande d'asile après l'avoir présentée et avoir touché toutes les très généreuses prestations que notre pays leur offre. Ces abandons et cet engorgement du système coûtent 170 millions de dollars par année aux contribuables.
J'ajouterais — si nous souhaitons nous interroger sur la question de la compassion et sur l'aspect humanitaire, qui sont vraiment les raisons pour lesquelles nous menons cette étude — qu'il y a peut-être un coût plus élevé en cela que les demandeurs d'asile légitimes qui ont une bonne raison de fuir leur pays d'origine subissent de longs délais parce qu'il est énoncé dans la loi que chaque demande d'asile doit être examinée individuellement. Cela congestionne notre système.
Le secrétaire parlementaire du ministre de l'Immigration, monsieur Dykstra, a fait allusion à deux bateaux — le Sun Sea et l'Ocean Lady — qui sont arrivés illégalement au pays. Une enquête menée en bonne et due forme a révélé que 23 des passagers de ces bateaux représentaient un risque pour la sécurité nationale et que 18 autres passagers avaient commis des crimes de guerre dans leur pays d'origine. Ces renseignements émanent des autorités juridiques de notre pays. Il a été déterminé que ces gens représentaient un risque. Il s'agit au total de 41 personnes. Je suis sûr que vous, citoyens respectueux de la loi en Australie, ne voudriez certainement pas que des personnes qui posent un risque pour la sécurité ou qui ont commis des crimes de guerre vivent dans votre voisinage, près de vos enfants, de votre famille.
La raison d'être du projet de loi est un peu plus large et est peut-être directement liée à la responsabilité première de chaque gouvernement, qui est d'assurer la sécurité de ses citoyens. Assurément, nous ne pouvons pas permettre aux gens d'entrer au pays sans les avoir détenus et sans même avoir eu l'occasion de vérifier si leur demande d'asile est légitime et s'ils représentent un risque pour la sécurité des Canadiens respectueux de la loi.
Voilà en réalité pourquoi nous proposons ce projet de loi, et il...
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Merci, madame la présidente.
En fait, je vais continuer sur la lancée de M. Menegakis. Je dois dire, madame — bien que je vous souhaite la bienvenue et que je vous remercie de comparaître — que vos commentaires me paraissent terriblement cyniques. Ils me laissent avec une vision apocalyptique de l'Australie, mais je ne crois pas que les choses aillent si mal là-bas. Je ne pense certainement pas que nous posons ce geste pour satisfaire nos électeurs; il est certain que, pour ma part, ce n'est pas le cas. C'est la bonne décision à prendre pour notre pays.
Je suis moi-même fils d'immigrants qui se sont établis ici après la Seconde Guerre mondiale. J'ai grandi dans un quartier d'immigrants. J'ai une excellente compréhension de ces enjeux. Nombre de personnes dans le quartier étaient des réfugiés, à l'époque.
Tout d'abord, nous avons le droit de défendre nos frontières et de nous assurer que les personnes qui entrent au pays sont celles que nous avons choisies. Nous sommes un pays compatissant. Nous accueillons les réfugiés, surtout si ce sont des réfugiés véritables. Mais nous avons un certain nombre — un nombre extrêmement élevé — de faux réfugiés. Comme l'a mentionné M. Menegagis, je crois, environ 95 p. 100 des demandes d'asile sont abandonnées. Et, plus tôt aujourd'hui, un représentant du gouvernement de la Hongrie a parlé avec nous de ce problème. Il a livré des observations intéressantes.
Il y a beaucoup de risques pour la sécurité — domaine que je connais bien —, et des personnes à bord de ces bateaux représentaient un tel risque. Nous avons eu affaire à des criminels de guerre. Bien souvent, dans ce genre d'événements, ces gens-là tendent à se dissimuler au sein de groupes et à essayer d'entrer au pays ainsi. Mais ce scénario peut également se prêter à des situations liées à la traite de personnes et au passage de clandestins. Parfois, ces deux types d'infractions vont de pair. Les migrants clandestins sont souvent contraints de rembourser d'une façon ou d'une autre leur dette aux passeurs une fois qu'ils arrivent en sol canadien. Ils portent des chaînes invisibles, tout comme les personnes qui font l'objet d'un trafic pour des raisons plus viles, comme la prostitution et la revente de drogues, entre autres choses. Nous avons aussi envers les personnes qui débarquent sur nos rives de nous assurer qu'elles sont protégées, si nous pouvons les identifier.
Il nous incombe de détenir certaines personnes pour être certains de leur identité avant de les autoriser à intégrer la société canadienne. Vous ne laisseriez pas quelqu'un franchir votre porte, entrer dans votre domicile et s'approcher de votre famille sans savoir exactement de qui il s'agit. Le même principe s'applique à nos concitoyens. Nous n'allons pas autoriser des gens à entrer au Canada et à intégrer la société avant d'être tout à fait certains de leur identité et convaincus qu'ils ne représentent pas une menace ni un risque pour la population canadienne. En tant que gouvernement responsable, nous avons le devoir de veiller à la sécurité de nos citoyens.
Une fois que leur identité a été établie et que leur demande d'asile a été approuvée, ces gens finissent bel et bien par entrer au pays. Ils peuvent s'établir au sein d'une collectivité. Ils peuvent s'intégrer à la société et y mener leur vie. Et c'est crucial pour nous. Nous parlons beaucoup des réfugiés, mais l'immigration fait partie intégrante du Canada. Nous en avons besoin. Nous disposons d'un énorme territoire et nous avons besoin de gens. Nous avons des postes à pourvoir et des régions à peupler.
Nous mettons en oeuvre des programmes très importants avec nos partenaires provinciaux — les programmes des candidats des provinces — et avec d'autres intervenants — y compris des employeurs — qui nous aident à trouver des façons de mieux gérer le système d'immigration pour faire venir des gens et les admettre au pays et leur trouver un emploi très rapidement, de sorte qu'ils ne seront pas oisifs et qu'ils pourront très vite devenir productifs. C'est très apprécié des nouveaux arrivants.
Nous améliorons le système dans son ensemble, y compris au chapitre de la reconnaissance des titres de compétence acquis à l'étranger. Nous ne voulons pas que des médecins, des ingénieurs et des physiciens nucléaires deviennent chauffeurs de taxi. Nous voulons nous assurer que ces gens, quand ils s'établiront au pays, fourniront un très bon apport à leur profession. Nous voulons rendre le processus équitable afin qu'ils puissent obtenir une reconnaissance professionnelle et avoir accès à des emplois et à des métiers ici.
C'est en grande partie...
M. Kevin Lamoureux: J'invoque le Règlement...