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Mesdames et messieurs, nous allons commencer. Soyez les bienvenus à la 39
e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, en ce jeudi 2 mai 2012. Tel qu'il est inscrit à l'ordre du jour, nous nous réunissons aujourd'hui en séance télévisée, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012, pour poursuivre notre étude du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.
Puisque nous avons trois témoins dans ce groupe, la séance durera une heure 15 minutes.
Nous accueillons Sharalyn Jordan, membre du conseil d'administration du Rainbow Refugee Committee, et Christine Morrissey, fondatrice et membre du conseil d'administration. Bonjour. Vous êtes déjà venues dans le cadre de l'examen de l'arriéré, et je vous remercie d'être à nouveau ici.
Nous accueillons également Michael Deakin-Macey, l'ancien président du conseil d'administration de la Victoria Immigrant and Refugee Centre Society. Bonjour. Nous avons dû repousser votre témoignage ce matin parce que nous devions voter, et je vous remercie d'être venu cet après-midi.
Nous avons John Amble, de Londres, en Angleterre, par vidéoconférence.
Vous avez témoigné dans le cadre de notre étude sur la sécurité. Je vous remercie, monsieur, de nous aider dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.
Chaque groupe disposera de 10 minutes pour présenter un exposé. Nous allons commencer par Mme Jordan ou Mme Morrissey, ou les deux.
[Français]
Au nom de tous mes collègues du Rainbow Refugee Committee, je veux vous remercier de nous donner l'occasion de vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi .
[Traduction]
Le Rainbow Refugee Committee appuie les efforts déployés pour rendre le système de protection des réfugiés juste, efficace et abordable. Nous partageons les objectifs visant à veiller à l'intégrité de la détermination du statut de réfugié. En 2010, nous étions reconnaissants de pouvoir témoigner devant le comité au sujet du projet de loi et nous avons pris acte du travail concerté accompli par les parlementaires, qui ont écouté ceux d'entre nous qui travaillent avec les réfugiés afin de réviser ce qui est maintenant devenu la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés.
Le Rainbow Refugee Committee est inquiet de constater que le projet de loi C-31 reprend des mesures que nous avons désignées comme problématiques et qu'il inclut de nouvelles mesures qui nuisent de façon disproportionnée aux personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres qui demandent le statut de réfugié. Ces inquiétudes sont fondées sur une décennie d'expérience relative à ce travail.
Le Canada a été le premier pays à englober, dans la protection des réfugiés, les personnes faisant l'objet de persécutions pour des motifs d'orientation et d'identité sexuelles. Nous avons été le premier pays à reconnaître que la transphobie et l'homophobie peuvent engendrer la persécution; 21 pays ont maintenant emboîté le pas. Cette protection est essentielle dans le paysage international actuel, où 76 pays continuent de criminaliser l'homosexualité et la variance de genre.
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Nous avons de profondes préoccupations par rapport à l'injustice et aux torts que subissent les réfugiés LGBT provenant de pays désignés dont l'arrivée est jugée irrégulière en vertu du projet de loi . Les agents représentent souvent le seul moyen pour les demandeurs d'asile de fuir la persécution, étant donné que les pays voisins sont souvent aussi peu sécuritaires. Dans certaines régions du monde, il n'y a aucun refuge sûr pour les demandeurs d'asile LGBT; la protection des réfugiés à l'étranger n'est donc pas une option.
Je vais vous parler de l'un de nos membres, Adil, un homosexuel d'un pays de l'Afrique de l'Est où l'on criminalise l'homosexualité. S'il avait fui au Kenya, un pays voisin, il aurait dû attendre au moins huit ans pour se réinstaller, en tentant de survivre dans un pays où il risquait une peine de 10 ans de prison pour homosexualité, et en se cachant dans des camps ou en vivant dans le dénuement à l'intérieur d'une ville. On ne fait pas confiance aux représentants du HCR, généralement des gens de la région; souvent, ils ne sont pas formés pour prendre des décisions liées à l'orientation ou à l'identité sexuelle. Nous travaillons avec des réfugiés provenant de pays où l'on exécute publiquement les homosexuels. Le HCR a accepté leur homosexualité, mais il a pourtant refusé leurs demandes de protection.
Pour en revenir à Adil, un agent a accepté de l'emmener en Europe, mais Adil s'est plutôt retrouvé en Amérique du Sud, où il a été forcé de travailler comme ouvrier agricole. Sur une période de plusieurs mois, son groupe de travailleurs a été déplacé plus au nord. On les a finalement laissés tout près de la frontière canadienne, avec chacun 20 $ en poche. Ils sont partis chacun de leur côté. Ce n'est pas le moyen par lequel les réfugiés arrivent qui détermine s'ils sont de véritables réfugiés ou non.
Adil s'est rendu dans une église, et le pasteur l'a aidé à revendiquer le statut de réfugié. Toutefois, Adil n'a pas pu énoncer les raisons pour lesquelles il craignait d'être persécuté. Ce n'est qu'après plusieurs rencontres avec son avocat qu'il s'est senti suffisamment en confiance pour avouer qu'il était homosexuel.
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Nous sommes profondément inquiets de l’effet qu’aura l’interdiction de 12 mois, pendant et après, visant les demandes fondées sur des motifs humanitaires.
Les considérations humanitaires constituent un important moyen de protéger les personnes LGBT qui sont en danger dans leur pays. Il est difficile de déterminer à quel moment l'homophobie et la transphobie deviennent de la persécution. Des avocats et des arbitres qualifiés éprouvent eux-mêmes de la difficulté à trancher. Il est difficile de bien s'informer, et l'écart est grand entre les lois sur papier et ce qui se passe sur le terrain.
Marta, originaire du Mexique, s'est présentée à une rencontre de Rainbow Refugee il y a deux ans. Avec le temps, elle a fini par se confier à nous. Elle a été rejetée par sa famille en raison de son orientation sexuelle alors qu'elle était encore une jeune femme. Laissée à elle-même dès l'âge de 16 ans, elle a été victime de harcèlement, encaissant les sobriquets de lesbienne aux allures masculines et de Mexicaine au sang-mêlé.
En 2008, elle a été sauvagement attaquée par un groupe d'hommes affiliés à la police. Ils l'ont battue et brûlée, lui ont écrasé les mains et menacé de la tuer. Marta et sa petite amie se sont cachées, mais les menaces ont continué. Marta a déposé des plaintes à la police, qui lui exigeait des paiements quotidiens pour sa protection.
Les deux femmes ont tenté de déménager, mais les menaces les ont suivies dans chaque ville où elles se sont installées. Après avoir échappé de peu à ses agresseurs encore une fois, elle a acheté un billet d'avion pour Vancouver. Conseilleriez-vous à Marta de revendiquer le statut de réfugié ou de présenter une demande à l'agence?
Je salue les membres du comité, de même que tous ceux qui assistent à ces délibérations.
Ma tendre moitié et moi sommes allés en Europe dernièrement pour nous recueillir sur la tombe d'un membre de sa famille qui a perdu la vie à Passchendaele, en Belgique. C'est très touchant de voir le nom d'un de ses proches sur une pierre tombale, surtout si loin de la maison. Il y en a aussi beaucoup d'autres là-bas, et bon nombre d'entre eux étaient des travailleurs chinois engagés pour creuser les tombes des soldats morts au combat. Leur travail s'est poursuivi pendant une bonne partie de l'année 1919.
J’ai choisi d’en faire mon introduction parce qu’à cette époque, le Canada ne traitait pas particulièrement bien les travailleurs chinois, surtout si on compare les conditions du temps aux normes d’aujourd’hui. Malgré tout, les Chinois sont enterrés dans le même cimetière. Malgré toutes les erreurs qu’a pu commettre cette génération selon les standards actuels, elle a su faire la chose la plus honorable qui soit: permettre à ses travailleurs de reposer auprès des siens.
Je me considère comme un Canadien tranquille. Je veux dire par là que je travaille pour subvenir aux besoins de ma famille, je fais du bénévolat dans ma collectivité, je dirige une petite entreprise avec l’espoir de pouvoir plus tard offrir du travail à plus de gens. Ce sont mes activités bénévoles qui m’ont mené devant vous aujourd’hui, car je suis l’ancien président du conseil d’administration de la Victoria Immigrant and Refugee Centre Society, à Victoria, en Colombie-Britannique.
Il s’agit d’une petite organisation employant environ 30 personnes à temps plein, fonctionnant avec un budget de 2 millions de dollars par année. J’étais un président très engagé. Je connais le domaine de l’immigration et du statut de réfugié au Canada, et je sais comment les choses se passent dans la rue, et ce n'est pas toujours très clair. C'est un système qui a ses défauts. Notre financement nous provenait de plus d’une dizaine de sources, et notre personnel passait entre 20 et 30 p. 100 de son temps à préparer des demandes et à administrer tous ces programmes. Autrement dit, il y a place à l’amélioration.
C’est en tant que citoyen tranquille d’une ville tranquille que je suis le débat. Le Canada est un pays à ce point généreux que certains, convaincus de notre naïveté, essaient souvent d'en abuser. Être naïf, c’est prendre soin de tout le monde, qu’ils soient Canadiens ou non.
La Loi canadienne sur la santé de 1984 garantit à tous l’accès à des soins médicaux d’urgence, sans égard à la nationalité. Beaucoup de visiteurs malades se retrouvent dans les salles d’urgence canadiennes. Nous les soignons sans poser de question. C’est après qu’on essaie de récupérer les coûts des traitements. La générosité coûte cher.
Nous voilà donc ici aujourd’hui pour discuter de la situation des réfugiés. Du moins, c’est pour cette raison que j’ai été invité. Le Sun Sea a accosté chez moi, à Victoria. Le Canada s’est d’abord et avant tout assuré de la sécurité physique des passagers, puis leur a fourni les soins médicaux dont ils avaient besoin, de même que des vêtements, de la nourriture et un endroit propre pour dormir. Oui, ils ont été détenus, mais on ne leur a pas refusé l’entrée au pays. Notre pays s’est occupé d’eux.
Comme le rapportait Petti Fong dans l’édition du 21 août 2010 du Toronto Star, trois Canadiens sur cinq pensent qu'on aurait dû forcer le navire à rebrousser chemin. Le gouvernement a tout de même fait la chose honorable à faire, malgré l'opinion publique à ce moment-là.
Le projet de loi vise d'un côté à peaufiner les détails de notre système de détermination du statut de réfugié, et de l'autre à rassurer le public qui en a assez de voir des groupes de réfugiés illégaux abuser de notre générosité. Comme d'habitude, le diable se cache dans les détails. Il faut se rappeler que personne, à mon avis, ne veut empêcher la venue de réfugiés au Canada. Toutes proportions gardées, nous en accueillons plus que la plupart des autres pays.
Nous ne voulons pas que le trafic organisé de réfugiés de cible le Canada pour mener ses activités parce que nous avons la réputation internationale d'être un pays qui se laisse facilement berner. Ces activités minent les rares ressources du Canada, qui seraient utilisées à meilleur escient pour traiter le nombre faramineux de demandes d'immigration légitimes en attente — plus de 800 000, je crois — et donner une réponse à ces pauvres gens tranquilles qui attendent patiemment dans leur pays d'avoir le feu vert pour s'installer au Canada.
À l'image de nos ancêtres qui ont veillé à ce que les travailleurs chinois aient une place aux côtés des soldats canadiens, nous voulons continuer à faire preuve de générosité et à prendre soin des réfugiés qui s'échouent sur nos rives. Mais il faut imposer des restrictions raisonnables à l'égard de la naturalisation des réfugiés en fonction de leur mode d'arrivée. Nous devons à l'ensemble des Canadiens, à nos ancêtres et à nos concitoyens actuels, de continuer à bâtir ce simple pays qui est le nôtre dans la tranquillité.
Merci.
Monsieur le président, honorables membres du comité, c’est un privilège pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui. Merci de m’avoir invité encore une fois et de me permettre de vous faire part de mes commentaires sur le projet de loi à l’étude, c’est-à-dire le projet de loi .
J’ai beaucoup étudié le phénomène du terrorisme intérieur en Occident. Dans le cadre de mes recherches, j’ai examiné de près le rapport entre la menace terroriste et la législation en matière d’asile régissant les programmes de traitement des demandes du statut de réfugié. Je ne suis pas un expert des subtilités de ce genre de loi dans quelque pays que ce soit, pas plus au Canada, mais je suis heureux de pouvoir vous parler des répercussions des systèmes que j’ai étudiés sur la sécurité.
Je limiterai donc mes commentaires aux répercussions sur la sécurité. J’espère que vous comprendrez que je ne suis peut-être pas assez qualifié pour commenter les aspects du projet de loi qui vont au-delà des considérations de sécurité, et particulièrement des dangers du terrorisme. J’insiste pour préciser que le risque de terrorisme n’est pas proportionnel au nombre d’immigrants, légaux ou illégaux, qu’accueille un pays, pas plus qu’au nombre de demandes d’asile approuvées, ni au nombre de personnes qui demeurent au pays malgré le rejet de leur demande d’asile.
Cependant, les recherches montrent que les risques augmentent lorsque les structures de traitement des demandes du statut de réfugié et des demandes d’asile ne sont pas adéquates ou que les lois ne sont pas bien exécutées.
Il est de la plus pure des traditions des valeurs démocratiques occidentales d’accueillir des immigrants de toutes les origines. Nulle part ailleurs n’a-t-on constaté un plus grand respect de ces valeurs qu’en Amérique du Nord, particulièrement au Canada. Il est toutefois aussi important pour nos gouvernements de remplir leur devoir en veillant à la responsabilisation et à la sécurité.
En tant qu’Américain, je peux affirmer sans équivoque qu'il est bien connu aux États-Unis que le Canada a la réputation d’être un pays qui accueille les immigrants à bras ouverts. Je vis au Royaume-Uni et je voyage un peu partout en Europe et ailleurs, et je peux vous dire que le Canada est perçu aux quatre coins du globe comme un modèle d'espoir et de possibilités. Cependant, cette réputation de nation accueillante s'accompagne d'une connaissance certaine, et parfois même d'une appréciation cynique, des très généreux programmes canadiens d'aide sociale et de leur grande accessibilité aux nouveaux immigrants.
C'est une chose que d'autres pays ont en commun avec le Canada, notamment les pays de l'Europe de l'Ouest. Trop souvent, des gens abusent de cette générosité, comme c'est souvent le cas ici, au Royaume-Uni, de même que dans les pays scandinaves, entre autres. Si je ne m'abuse, un des nombreux objectifs du projet de loi à l'étude aujourd'hui est de mettre fin à l'exploitation de ces programmes, de la manipulation qui s'étire parfois sur de nombreuses années.
De mon point de vue, j'ajouterais que cela implique aussi des considérations relatives à la sécurité. Les récents événements survenus en Europe montrent clairement que les structures juridiques byzantines entourant la détermination du statut de réfugié sont parfois exploitées par des gens qui représentent une menace pour la sécurité du pays hôte. Ainsi, des prédicateurs radicaux et des terroristes convaincus ont demandé l'asile et subséquemment obtenu des sommes étonnamment élevées grâce à ces très généreux programmes d'aide sociale. Ils sont nombreux aujourd'hui à être derrière les barreaux.
Pour prendre un exemple concernant le Canada, le « Millenium Bomber », un dénommé Ahmed Ressam, avait planifié un attentat à la bombe à l'aéroport international de Los Angeles. Mais comme vous le savez sans doute, il a été appréhendé à la frontière du Canada et des États-Unis en décembre 1999. C'est muni d'un faux passeport que Ressam entre au Canada en 1994. Il est alors arrêté et demande le statut de réfugié. Il retrouve sa liberté en attendant la tenue de son audience et bénéficie plus tard de plusieurs années de prestations d'aide sociale. Quand sa demande est rejetée, il fait appel de la décision et essuie un deuxième refus en 1998. Cependant, il est impossible à ce moment-là d'exécuter une mesure de renvoi, car Ressam se trouve dans un camp d'entraînement en Afghanistan. Il revient par la suite au pays grâce à un faux passeport canadien.
Incidemment, un autre complot du millénaire a été déjoué quelques jours plus tard à l'autre bout du monde, à Francfort, en Allemagne. On a arrêté quatre hommes soupçonnés de planifier l'explosion du marché de Noël de Strasbourg, en France, juste de l'autre côté de la frontière. Deux des hommes appréhendés s'étaient vu refuser l'asile en Grande-Bretagne, mais le gouvernement britannique négligeait de mettre à exécution leur déportation depuis plusieurs années.
Les anecdotes ne peuvent pas remplacer les données globales qui sont un reflet fidèle des réalités sur lesquelles se fondent des politiques efficaces. Mais ce sont les incidents de ce genre qui mettent en lumière l'incidence sur la sécurité des politiques en matière d'asile et du statut de réfugié, et il est utile de s'en servir dans les discussions entourant ces politiques.
D'un point de vue pratique, j'aimerais souligner deux facteurs concernant les lois sur l'immigration qui peuvent affaiblir les mesures de sécurité d'un pays contre la menace terroriste. Premièrement, lorsque les systèmes sont surchargés et que le processus de demande d'asile est retardé par un volume trop grand, on risque de laisser entrer sous de faux prétextes une personne aux intentions terroristes, et de lui permettre d'agir librement au pays pendant une longue période.
Deuxièmement, une application inadéquate des lois d'immigration permet aux demandeurs d'asile déchus de demeurer au pays. C'est un problème qui semble avoir de graves répercussions au Royaume-Uni.
Pour se prémunir contre ces dangers, il faut pouvoir compter sur des mécanismes permettant de suivre les demandeurs d'asile, de façon à pouvoir mettre à exécution les mesures de renvoi dont font l'objet les demandeurs déchus.
En plus de savoir où se trouvent les demandeurs d'asile qui arrivent en sol Canadien, il est aussi important de savoir précisément qui ils sont. Pour différentes raisons, cette tâche peut s'avérer beaucoup plus difficile qu'elle en a l'air.
Il faut savoir qui entre au pays, pas seulement les réfugiés, mais aussi ceux qui participent à un programme donnant accès à un visa ou à un permis. Les données biométriques constituent un outil très utile. Si j'ai bien compris, le projet de loi que vous étudiez propose de les utiliser davantage.
Je vais terminer avec trois recommandations fondées sur ma recherche pour renforcer la loi sur les réfugiés au Canada.
Il faut s'employer à accélérer le processus pour accorder le statut de réfugié ou l'asile durant la courte période où il est possible de mener une enquête complète. Non seulement une telle mesure permet en général de réduire l'arriéré, mais elle peut selon moi améliorer grandement la sécurité. En effet, le demandeur d'asile mal intentionné a parfois beaucoup de temps pour planifier et commettre une attaque.
Le système doit savoir que certains pays d'origine sont la source d'un nombre disproportionné de terroristes internationaux. Il convient donc d'établir quels sont les pays dits sûrs, comme le veut le projet de loi. Cette mesure peut avoir un effet indirect très positif. Elle met l'accent sur les demandes venant de pays connus pour bafouer les droits de la personne. Certains de ces pays sont plus susceptibles de produire une proportion inquiétante de terroristes internationaux. Cependant, il faut rester très critique et se dire qu'en tout temps, des terroristes peuvent venir de pays qui ne sont pas concernés en général.
Je répète que les processus utilisés par les organismes doivent mettre à profit les nouvelles technologies pour recueillir les données sur les réfugiés, les conserver et y avoir accès. Le Canada doit consolider ses liens avec les gouvernements et les pays qui emploient de tels outils et avec lesquels il partage de l'information depuis longtemps.
Les États-Unis et le Canada bénéficiaient d'une sécurité accrue grâce aux vastes océans à l'est et à l'ouest, mais les menaces à la sécurité nationale évoluent. Les obstacles naturels sont moins efficaces contre bon nombre d'entre elles. Les mouvements de population partout dans le monde sont plus simples, plus rapides et plus abordables. On peut s'attendre à ce que le partage d'informations avec davantage de partenaires de toutes sortes donne d'excellents résultats.
Cela met fin à mon exposé, monsieur le président.
Merci encore de l'invitation à témoigner aujourd'hui. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Monsieur Amble, merci de votre présence.
Nous avons entendu bien des témoins. Je me souviens bien de votre témoignage ici il y a quelques mois, sans doute à cause de la rigueur et du contenu de votre étude. Je présume qu'il en va de même pour plusieurs de mes collègues.
Vous aviez parlé des cellules dormantes au Royaume-Uni et des gens nés et élevés au pays qui se radicalisaient.
Ça permet en quelque sorte de situer le contexte, car nous examinons aujourd'hui aussi la politique sur les réfugiés. Les exemples que Sharalyn nous a donnés ce matin feraient trembler tout bon Canadien. Nous voulons tous que le Canada reste un pays reconnu pour sa compassion et un refuge pour les gens de partout dans le monde.
Merci à tous de votre présence.
La Charte des droits vise à l'équilibre, et vous avez parlé d'équilibre à quelques reprises aujourd'hui, monsieur Amble. En gros, la charte fait état de certains droits indéniables qui peuvent être restreints dans des limites qui peuvent se justifier dans une société libre et démocratique.
Nous devons atteindre un équilibre. Les dispositions sur la détention que nous examinons ne s'appliquent qu'à moins d'un pour cent des réfugiés dans le cadre des arrivées dites irrégulières.
Pouvons-nous atteindre un équilibre? Pour accueillir au pays les gens persécutés en raison de leur orientation sexuelle, de leurs convictions politiques, etc., comment pouvons-nous atteindre un équilibre et garder à distance ceux qui menacent notre démocratie et la sécurité des enfants et des familles?
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Merci beaucoup de cette belle occasion.
Comme je viens du Comité de l'agriculture, vous m'excuserez si je comprends parfois mal le projet de loi, même si je l'examine depuis assez longtemps. Les questions d'immigration, notamment celles concernant les réfugiés, sont très complexes. Elles le seront d'autant plus, compte tenu de la mondialisation et des populations déplacées en raison du réchauffement climatique. Nous recevrons bien d'autres demandes.
Le projet de loi me paraît plutôt simpliste concernant des questions assez complexes, surtout pour ce qui est de dresser une liste de pays sûrs et de déclarer des arrivées irrégulières pour en tirer certaines conclusions qui vont entraîner toutes sortes de conséquences. Mes questions portent sur ces deux problèmes.
Pour avoir voyagé à l'étranger, je sais pertinemment que bien des gens — surtout des réfugiés — préfèrent passer un an en détention au Canada, plutôt que de rester dans un camp de réfugiés ou de subir des menaces dans leurs pays. Ça m'amène à remettre en question le bien-fondé de la détention.
Selon vous, s'agit-il bel et bien d'un facteur dissuasif, ou la mesure vise-t-elle à satisfaire certaines personnes au Canada en leur donnant l'impression que nous mettons des bâtons dans les roues des réfugiés, surtout si nous imposons une peine de cinq ans à défaut d'accorder le statut d'immigrant admis?
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Merci, monsieur le président.
Certains aspects sont mal saisis. Les changements proposés dans le projet de loi s'appuient sur le régime d'asile modifié dans le cadre de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. Le projet de loi ne change pas les protections dont bénéficie la communauté GLBT. En fait, il aide ces gens à obtenir plus rapidement l'asile au Canada et protège ces réfugiés.
Au Canada, nous avons de la compassion et nous protégeons les gens vulnérables. Nous respectons scrupuleusement la Convention de Genève et bien d'autres accords internationaux que nous avons signés.
Je souligne que le défend fermement les gais et lesbiennes. Il encourage les membres de cette communauté au Canada à parrainer les réfugiés GLBT; cette démarche est possible. Cette communauté doit prendre le ministre au mot et présenter des demandes de parrainage.
Je veux parler avec M. Amble des questions de sécurité. Il faut comprendre que 99 p. 100 des demandeurs d'asile au Canada travaillent et contribuent à la société pendant que leurs demandes sont traitées. Seulement 1 p. 100 d'entre eux sont en détention et présentent des risques de sécurité. Il importe de vérifier leur identité.
Monsieur Amble, veuillez parler brièvement de la détention, car je n'ai que quelques minutes.
Bien des demandeurs, surtout les clandestins, viennent de pays où pullulent les groupes terroristes et les autres organisations criminelles.
Si vous étiez dans leur situation et que vous vouliez immigrer ici, accepteriez-vous d'être clandestin et de dissimuler votre identité à votre arrivée?
Comprenez-vous bien ma question?
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Cela se résume à deux types d'incitatif.
Tout d'abord, en effet, il y a l'incitatif monétaire, mais ce n'est pas nécessairement direct. Ils peuvent avoir de l'argent ou quelque chose à échanger, comme de l'or, et ils paient leur passage. C'est fait très ouvertement et de façon transparente.
L'autre chose qui inquiète énormément bon nombre de gens, c'est le fait qu'ils se réduisent à une forme d'esclavage à long terme lorsqu'ils arrivent ici afin de payer le passage. Par exemple, s'ils viennent d'une région où l'on ne parle pas anglais, une fois arrivés au Canada, ils doivent entrer dans leur communauté ethnique. Cela veut dire qu'automatiquement, même si le gouvernement canadien intervient à un moment donné, ils risquent d'être suivis par les passeurs qui leur diront « vous avez une dette; vous devez vous en acquitter ».
Les montants pour des années probablement de... Nous avons entendu parler d'un montant de 50 000 $ de droits de passage à payer au fil des ans. S'ils refusent ou s'ils ne paient pas, cela constitue un risque pour eux ici au Canada ou pour les membres de leur famille qui vivent toujours dans le pays d'origine.
Je pense que c'est une grande partie de la difficulté. Je dirais que la majorité d'entre eux n'ont pas l'argent et qu'à mon avis, la majorité doit « s'arranger pour s'acquitter de la dette », si je peux m'exprimer ainsi.
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Je n'ai pas beaucoup de temps. Mon objectif n'était pas de me lancer dans un débat avec vous. Je voulais dire que vos préoccupations avaient peu à voir ou n'avaient rien à voir avec le projet de loi, et étaient plutôt liées au processus actuel — un processus que nous avons besoin de corriger.
Vous avez aussi soulevé que le processus est beaucoup trop long et que l'unique solution est d'embaucher plus de représentants de la CISR pour régler les problèmes, car vous appelez cela un processus.
En fait, ce n'est pas le cas. Notre problème, c'est le nombre de demandes que reçoit le pays qui sont fausses. C'est en partie pourquoi nous tentons de régler le problème par un projet de loi. La Hongrie, le Mexique, avant que le visa soit imposé — ce sont les problèmes auxquels nous faisons face.
Il y a le problème lié au volume, lié à la défaillance actuelle de notre système, qui a des répercussions. Le projet de loi changera la situation.
Ensuite, nous allons éliminer tous les obstacles au processus d'appel de sorte que les gens dont les demandes sont vraiment refusées, et qui doivent l'être, ne congestionnent pas un système d'appel et n'empêchent pas ainsi les vrais réfugiés d'utiliser le système.
Je ne doute pas que vous ayez des questions à régler, mais en réalité, le projet de loi vous aidera beaucoup plus que notre système actuel. Je pense qu'en l'examinant de nouveau, vous comprendrez qu'il est extrêmement bon pour ce que vous avez avancé.
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Je vous remercie de m'accorder ce temps.
Il est important de comprendre la complexité des persécutions homophobes et transphobiques qui se produisent dans le monde de nos jours. Un très grand nombre de pays — à l'heure actuelle, 76 appliquent des sanctions criminelles, même si ces sanctions n'existent pas. Des lois de la santé publique, des lois morales, religieuses touchent de manière disproportionnée les personnes transgenres, lesbiennes, homosexuelles et bisexuelles.
Nous observons aussi une augmentation de ce que j'appellerais faire des membres de notre communauté qui sont liés à des mouvements nationalistes dans des pays des « boucs émissaires ». La situation en Ouganda en est un très bon exemple. C'est essentiellement une chasse aux sorcières. Les gens ne peuvent pas sortir de chez eux. Votre exemple des crimes d'honneur, monsieur, est un autre bon exemple.
Ce sont souvent des membres de la famille, avec la complicité de l'État, qui sont responsables des persécutions transphobiques et homophobes. L'État laisse aller les choses et ne met pas en place les mesures de sécurité voulues, ou les gens ne peuvent pas profiter de mesures de sécurité dans leur propre pays, et pour cette raison, ils sont forcés de partir.
Je pense à l'exemple d'une femme qui vient d'un pays du Moyen-Orient. Je ne dirai pas lequel afin de protéger sa confidentialité, mais elle a été vue avec une amie de coeur. Ce sont ses compagnons de classe qui l'ont livrée à la police religieuse, qui l'a emprisonnée. On l'a gardée en prison, torturée, agressée sexuellement, et préparée pour son exécution une fois par mois pendant six mois jusqu'à ce qu'on la libère parce que ses parents ont pu payer un pot-de-vin. Elle a été capable de sortir de son pays seulement parce que ses parents avaient les ressources pour l'aider à partir. Le Canada est devenu un refuge pour elle.
Je vous cède la parole.
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Bonjour. Je m'appelle Glynis Williams. Au nom d'Action Réfugiés Montréal, dont je suis directrice, je vous remercie de nous permettre de vous présenter nos préoccupations au sujet du projet de loi .
[Traduction]
Action Réfugiés Montréal a été créé en 1994 par les Églises anglicane et presbytérienne de Montréal. Notre mandat comprend trois programmes. Tout d'abord, nous aidons les demandeurs d'asile qui sont détenus au Centre de surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, à Laval; ma collègue Jenny vous en parlera sous peu. De plus, nous mettons en rapport des demandeuses d'asile avec des bénévoles, et nous parrainons des réfugiés qui se trouvent à l'étranger. Nous pensons qu'une de nos forces est que nous travaillons à la fois avec des demandeurs d'asile au pays et avec des réfugiés qui se trouvent à l'étranger. C'est une situation quelque peu unique au Canada.
Je travaille depuis 24 ans auprès des demandeurs d'asile qui sont détenus à Montréal. En tant que directrice fondatrice de l'organisation, j'ai décidé d'accorder la priorité à ce programme. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, l'article 19 du projet de loi nous inquiète, car il permet au ministre d'enclencher un processus qui mettrait fin à l'asile et entraînerait l'expulsion du pays. De plus, le demandeur d'asile et sa famille n'auraient aucun recours une fois que la décision serait prise. En raison de cette disposition, la résidence permanente deviendrait un oxymoron pour la plupart des réfugiés réinstallés et acceptés.
Permettez-moi d'illustrer mes propos à l'aide d'un exemple. Il y a 16 ans, l'Église presbytérienne de Montréal a accepté de parrainer une jeune Iraquienne victime du régime de Saddam Hussein. À la demande du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, un agent des visas du Canada l'a interrogée dans une prison de la Jordanie, une situation inhabituelle qui met à jour la persécution que peuvent subir les réfugiés même dans les premiers pays d'asile. La jeune femme a habité chez moi quelque temps, et nous devions communiquer à l'aide de gestes puisque je ne parle pas arabe. Plusieurs bénévoles sont devenus ses bons amis. Nous avons pu réunir les 8 000 $ nécessaires pour en prendre soin durant la première année. Or, je viens d'apprendre qu'elle est encore résidente permanente, et pas citoyenne canadienne, malgré les trois enfants auxquels elle a donné naissance au Canada, sa maison, sa voiture et son travail dans une garderie. Elle parle aussi très bien français.
La disposition en question pourrait sans doute la toucher, mais pourquoi? Son mari et elle travaillent tous les deux, paient des impôts, et ont des filles canadiennes qui en savent très peu sur l'Irak. Les réfugiés cherchent une solution durable, pour reprendre les termes du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, mais ils sont trop peu nombreux à l'obtenir. Cette disposition doit être abrogée, car elle ridiculise l'aspect humanitaire des programmes canadiens pour les réfugiés, qu'ils soient parrainés par le gouvernement, par des organismes du secteur privé ou que leur demande d'asile ait été acceptée.
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Bonjour. Je m'appelle Jenny Jeanes, et je suis responsable du programme d'Action Réfugiés Montréal sur les demandeurs d'asile qui sont détenus. Depuis mon arrivée au sein de l'équipe en 2005, je visite chaque semaine le Centre de surveillance de l'ASFC situé à Laval, au Québec.
Puisque je suis le seul membre du personnel qui visite l'établissement de détention, je reçois l'aide de stagiaires en droit qui m'accompagnent au centre. Nous rencontrons chaque semaine des demandeurs d'asile qui viennent d'arriver au pays et qui, pour la plupart, sont détenus pendant qu'on vérifie leur identité. Nous essayons de les aider à comprendre les formalités d'immigration complexes, et plus particulièrement les exigences en matière de revendication du statut de réfugié.
Nous les aidons à trouver un conseiller juridique. Nous remettons des cartes d'appel à ceux qui doivent communiquer avec des membres de leur famille pour leur demander des documents d'identification. Nous repérons également les détenus plus vulnérables, comme les femmes enceintes et les familles ayant des enfants en bas âge, afin de leur apporter une aide supplémentaire.
Avant de quitter le bureau hier, j'ai discuté avec deux jeunes détenus qui avaient besoin de cartes d'appel pour contacter leur famille. Ces jeunes hommes de 17 et de 18 ans viennent de Sierra Leone, un pays d'Afrique occidentale qui, il n'y a pas si longtemps, a été déchiré par une guerre civile de 10 ans, et qui connaît de nouvelles agitations en raison des prochaines élections.
Ils sont arrivés au Canada par bateau et ont aussitôt été placés en détention. Demain, ils auront passé un mois au centre. Ils ont déjà contacté des membres de leur famille dans leur pays, mais ils ne peuvent pas leur parler plus de neuf minutes avec une seule carte d'appel. Ils attendent toujours leurs documents et espèrent que leur famille pourra les aider.
La famille de l'un d'eux a déjà envoyé une télécopie du seul document officiel qu'il possède, mais elle n'a pas pu réunir la somme nécessaire pour envoyer l'original par la poste. Puisque ces jeunes ne connaissent personne au Canada, ils appellent « Tante Jenny » à notre bureau lorsqu'ils ont besoin de cartes d'appel.
Ce ne sont que deux des centaines de détenus que nous aidons chaque année, mais leur situation m'amène à vous faire part de deux de nos principales préoccupations à l'égard du projet de loi : la détention obligatoire de 12 mois dans le cas d'arrivées irrégulières, et le traitement fortement accéléré des demandes d'asile.
En vertu du projet de loi, ces deux jeunes hommes pourraient être considérés comme étant arrivés au pays de façon irrégulière et pourraient être détenus un an sans examen. Même si l'un d'entre eux a 17 ans et qu'il est encore un enfant aux yeux de la loi, il n'échapperait pas à la détention obligatoire.
Et si leur arrivée n'était pas désignée comme irrégulière, le délai de 60 jours accordé avant l'audition, qui est prévu dans le projet de loi , serait déjà écoulé de moitié. Or, il leur manque encore des documents d'identification, sans compter les exigences qu'ils doivent respecter afin de revendiquer le statut de réfugié. Ils viennent de commencer à raconter leur histoire à leur avocat. Ils parlent peu anglais et ont besoin de l'aide d'un interprète. Leur avocat devra saisir toute la complexité de la situation qui prévaut dans leur pays, établir une distinction entre leurs craintes personnelles et la violence généralisée ou l'instabilité, puis évaluer les répercussions du changement de régime sur leur vie.
Au fil des ans, j'ai vu des demandeuses d'asile être détenues en fin de grossesse, et même certaines qui ont donné naissance pendant leur détention, puis qui sont retournées au centre de surveillance avec leur nouveau-né. J'ai rencontré des demandeurs d'asile détenus qui étaient âgés ou qui souffraient de diabète ou d'autres maladies. J'ai vu des demandeurs qui ont été victimes d'agression sexuelle ou soumis à la torture, ou qui sont hantés de cauchemars après avoir vu des membres de leur famille se faire tuer.
J'ai rencontré bien des jeunes enfants de moins de cinq ans qui accompagnaient leurs parents en détention, et parfois même pendant plus d'un mois. Une très jeune femme, elle-même mineure non accompagnée, a passé près d'un mois en détention avec son enfant avant de réussir à prouver son identité aux autorités. Elle ne parlait ni français ni anglais, et a été séparée des membres de sa famille qui se trouvaient au Canada puisqu'ils ont été remis en liberté avant elle grâce à leurs documents d'identification.
J'ai appris que l'histoire des réfugiés n'est jamais simple et qu'il faut du temps au demandeur avant d'être capable de raconter ce qu'il a vécu. Dans notre mémoire, nous racontons l'histoire d'un jeune Algérien homosexuel qui a été détenu trois mois pendant que l'on vérifiait son identité. Il était accablé de peur et de honte à l'idée de révéler son orientation sexuelle, et est demeuré mal à l'aise en présence de ses codétenus pendant tout son séjour au centre. Il était tellement fragile sur le plan psychologique qu'il n'a pas pu témoigner lorsque son audience a finalement eu lieu, même après avoir passé plusieurs mois au Canada. Avec l'aide d'un thérapeute, il a enfin réussi à expliquer clairement son besoin de protection, puis il a été accepté en qualité de réfugié. J'aimerais simplement ajouter que le thérapeute n'a pas pu intervenir pendant sa détention au centre.
J'aimerais également vous raconter l'histoire d'une Nigérienne que nous avons rencontrée pour la première fois alors qu'elle était détenue en 2008. Elle a par la suite été acceptée comme réfugiée et est aujourd'hui résidente permanente du Canada, mais elle a dû emprunter un chemin tortueux pour y arriver. À son arrivée, elle était enceinte de huit mois, et elle a pratiquement passé la fin de sa grossesse au Centre de surveillance, où des règles régissent l'heure des repas, les choix alimentaires, l'horaire du repos, et le droit de sortir prendre un peu d'air. Il lui a fallu 40 jours avant d'obtenir ses documents d'identification et d'être remise en liberté; elle a donné naissance à son enfant moins de deux semaines plus tard.
La détention est une expérience difficile pour la plupart des demandeurs d'asile que nous rencontrons. Ils nous parlent sans cesse de la honte d'avoir des menottes aux poignets et d'être constamment surveillés; de leur crainte d'expulsion exacerbée par le départ courant de codétenus; et de l'inconfort physique chronique dont ils souffrent, comme la constipation et la fatigue. Nous rencontrons couramment des détenus qui ne parlent ni anglais ni français, et qui sont extrêmement isolés par le mur des langues. Les demandeurs disent peiner à devoir commencer à préparer les documents écrits nécessaires à leur revendication pendant leur détention, car ils ne peuvent pas s'isoler, ils ont du mal à communiquer avec leur famille et ils ont peu de contacts avec leur conseiller juridique. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, les détenus ne peuvent pas s'isoler pour passer un coup de fil, et si les avocats sont autorisés à visiter le centre, le temps et l'espace alloués à la consultation sont limités.
Nous avons un point de vue unique puisque les détenus nous racontent leurs histoires semaine après semaine. Les demandeurs d'asile qui sont détenus nous parlent souvent des grandes difficultés qu'ils doivent surmonter pendant des jours, des semaines ou des mois de détention. C'est pourquoi il est difficile d'imaginer 12 mois de détention obligatoire. Compte tenu du nombre d'obstacles qui se présentent à ceux qui commencent le processus de revendication pendant leur détention, nous craignons qu'un court délai de 60 jours ou moins se traduise par le refus de personnes qui ont réellement besoin de protection. Selon les dispositions du projet de loi , bon nombre d'entre eux n'auraient même pas le droit de porter la décision en appel afin que les erreurs soient rectifiées.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je suis le Dr Richard Stanwick, pédiatre et spécialiste en santé publique. Mon expérience est probablement unique, car le 13 août 2010, j'ai accompagné la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada sur le quai lors de l'arrivée des 492 réfugiés du Sun Sea. J'ai participé à l'organisation de l'intervention sanitaire, et j'ai procédé à des consultations sur place en matière de santé publique et de pédiatrie.
Je m'adresse à vous aujourd'hui au nom de la Société canadienne de pédiatrie, une organisation professionnelle qui représente plus de 3 000 professionnels de la santé spécialisés dans la santé des enfants et des adolescents.
Mon exposé d'aujourd'hui portera essentiellement sur la santé des enfants et des adolescents, et sur ce que nous pouvons tous faire en matière de politique gouvernementale pour veiller à ce qu'ils contribuent un jour activement à la société canadienne.
En tant que pédiatres, nous sommes désireux de collaborer avec toutes les instances gouvernementales à la prise de décisions et à la création de programmes, et surtout — j'insiste — des programmes fondés sur les nouvelles données scientifiques, qui expliquent clairement le développement des jeunes et ce que la collectivité doit leur offrir pour qu'ils jouissent d'une bonne santé à long terme et d'un développement optimal.
Désormais, les professionnels de la santé infantile comprennent mieux le rôle important de la famille dans le développement de l'enfant. Nous savons que l'hygiène préventive, la sensibilisation en bas âge, l'activité physique et l'équilibre alimentaire établissent les bases de la productivité et de la santé à l'âge adulte, et qu'une enfance heureuse favorise le développement harmonieux de l'individu dans toutes les sphères de sa vie, que ce soit sur le plan de la santé mentale, de la santé physique, de l'achèvement des études secondaires, et même l'employabilité. Inversement, nous savons qu'un niveau de stress supérieur à la norme contribue à une mauvaise santé.
Les anciens prisonniers de guerre japonais de la Seconde Guerre mondiale couraient deux fois plus de risque d'être atteints d'une maladie cardiovasculaire et de mourir prématurément que les autres. Selon une étude épidémiologique, les prisonniers de guerre vivent 1,6 an de moins que les membres du groupe n'ayant pas été détenu. Ce qu'on appelle le « stress toxique » est particulièrement nocif s'il survient durant l'enfance et qu'il n'est pas atténué par la protection d'adultes qui comptent aux yeux de l'enfant.
Puisque l'importance de la famille et d'une enfance heureuse a été démontrée, nous demandons avec respect au gouvernement de changer d'avis et d'abroger le projet de loi . S'il ne le fait pas, nous lui recommandons fortement d'amender tout spécialement les articles pouvant entraîner la détention des enfants réfugiés de moins de 16 ans pendant un an avec leurs parents ou non. Si le projet de loi devait entrer en vigueur, nous vous enjoignons d'y inclure des dispositions qui éviteraient de séparer les membres d'une même famille. Ces dispositions devraient permettre aux réfugiés de véritablement intégrer la collectivité le plus tôt possible, et devraient leur garantir un accès immédiat et continu à des services de santé, y compris des soins préventifs comme l'immunisation, et un accès continu à l'éducation et à d'autres valeurs et associations sociales et communautaires — je pense que c'est presque aussi important.
Les deux options qu'offre actuellement le projet de loi inquiètent grandement les pédiatres, car elles placent les parents devant un choix impossible. Si un enfant de moins de 16 ans accompagne ses parents en détention, rien ne garantit qu'il aura accès à l'éducation ou aux services de santé dont il a besoin. De plus, l'enfant doit essentiellement bénéficier de temps de récréation dans un cadre sécuritaire, mais nous craignons que les établissements de détention ne disposent pas d'installations adaptées à leur âge qui leur permettent de jouer et de faire de l'exercice — tous ces éléments sont essentiels à un développement normal.
En octobre dernier, le périodique Paediatrics & Child Health a publié un article de Rachel Kronick et de Cécile Rousseau, qui a été évalué par un comité de lecture, et qui attestait explicitement les incidences graves de la détention sur les enfants demandeurs d'asile en Australie et en Angleterre. Voici ce qu'on a découvert. Presque tous les enfants à l'étude souffraient d'un trouble mental. Certains éprouvaient des troubles du sommeil et de l'anxiété de séparation. D'autres présentaient des problèmes encore plus graves, comme le trouble de stress post-traumatique, de l'automutilation et des idées suicidaires. Les retards du développement étaient courants. Des cas de mutisme et de troubles du comportement ont été signalés. Des nourrissons refusaient de s'allaiter et des enfants plus âgés, de se nourrir. De nombreux enfants ont régressé, ce qui démontre que la détention elle-même a eu une incidence négative sur leur développement, et que les problèmes ne pouvaient pas être attribuables uniquement à l'expérience qu'ils avaient vécue avant d'arriver au pays d'asile.
L'autre choix qui s'offre aux parents, c'est d'abandonner leur enfant aux mains de la protection de la jeunesse, qui est déjà surchargée et qui a du mal à répondre aux besoins des enfants et des adolescents qui vivent actuellement au Canada.
Imaginez à quoi cela pourrait ressembler d'être séparé de sa famille juste après son arrivée dans un nouveau pays, peut-être après avoir vécu un conflit, une séparation, la guerre ou la famine. Même un adulte trouverait ce genre de situation traumatisante. Pour un enfant, c'est inimaginable. Ce qui est inquiétant, c'est que ce genre de séparation causera un stress et un traumatisme tant chez l'enfant que chez l'adulte, ce qui nuira grandement à leur intégration ultérieure au Canada.
Mis à part la séparation de la famille, il arrive souvent que les responsables de la protection de la jeunesse aient beaucoup de mal à trouver un foyer d'accueil où l'on comprend la culture d'origine de l'enfant, ou peut-être même où les adultes parlent sa langue. Le système de soins de santé sera probablement beaucoup plus sollicité si les enfants de demandeurs d'asile sont gardés en détention ou placés en famille d'accueil en attendant la remise en liberté de leurs parents, que si la famille s'installe au sein de la vie canadienne, où elle aura accès à des soins de santé, des services communautaires et des écoles.
En Colombie-Britannique, Mary Ellen Turpel-Lafond, notre représentante pour les enfants et les adolescents, et le Dr Perry Kendall, notre agent de santé provincial, ont mené une étude auprès de 50 000 enfants nés en 1986 et qui, 10 ans plus tard, fréquentaient l'école dans la province. Autant que nous sachions, cette étude est la plus importante ayant été menée au Canada, ou du moins une des plus importantes, et elle a démontré que parmi les enfants qui vivaient sous la supervision du ministère dans une famille d'accueil ou avec des proches parents, 41 p. 100 avaient eu des démêlés avec la justice avant l'âge de 21 ans. Chez les enfants qui vivaient avec leurs parents, seuls 6,6 p. 100 avaient connu de tels problèmes, une proportion bien moins importante.
La Société canadienne de pédiatrie demande instamment au gouvernement d'amender le projet de loi de façon à éviter la séparation ou la détention, à leur arrivée au Canada, des membres des familles qui ont des enfants et qui en attendent un. Nous vous demandons de garantir à ces familles un accès immédiat et continu aux services de santé, aux services communautaires et à l'éducation dont elles ont besoin. Les enfants pourront ainsi s'intégrer plus doucement à la vie canadienne et jouir rapidement d'une bonne santé.
Ces dernières années, le gouvernement a présenté des excuses à des groupes de personnes qui ont été détenues ou séparées de leur famille simplement en raison de leur origine — c'est notamment le cas des Canadiens d'origine autochtone qui ont été forcés de fréquenter les pensionnats indiens. Lorsqu'il a exprimé son regret à des générations de Premières nations et d'Inuits, le premier ministre Harper comprenait et reconnaissait le tort considérable qu'avaient subi ces gens, et surtout les enfants qu'on a séparés de leur famille et de leur culture. Malheureusement, les victimes ne s'en sont pas remises, dans bien des cas. Les répercussions négatives persistent encore aujourd'hui, des années après le démantèlement du système de pensionnat indien, et parfois même des générations plus tard.
Je trouve un peu ironique que la Commission de vérité et de réconciliation parcourt le Canada pendant que votre comité tient ce genre d'audiences.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Canada a procédé à l'expulsion de la population japonaise de la côte Ouest en séparant les hommes de leur famille pour les placer dans des camps de prisonniers. Les femmes et les enfants ont été transférés dans des villes d'arrière-pays. En 1988, le premier ministre Brian Mulroney a présenté des excuses officielles aux Canadiens d'origine japonaise et a offert un dédommagement aux survivants de la détention en temps de guerre. Ottawa a souligné le 20e anniversaire de cette reconnaissance sous le gouvernement de Stephen Harper. Puisque notre pays a déjà admis les conséquences désastreuses de ce genre de traitement sur la santé, pourquoi envisage-t-on encore d'ordonner la détention?
Voilà des exemples d'échecs répétés dans notre rapport aux autres cultures. Or, on devrait reconnaître les Canadiens comme une nation capable de faire les choses dans les règles, et non pas comme une nation toujours prête à s'excuser de ses erreurs répétées.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous de comparaître aujourd'hui pour nous donner votre point de vue et, bien franchement, de nous avoir raconté très passionnément certaines des histoires que vous connaissez bien.
J'aimerais commencer par préciser deux ou trois choses. Je crois véritablement que nous cherchons tous à atteindre le même résultat. Notre objectif est de permettre aux demandeurs d'asile légitimes, qui ont besoin de notre aide, d'entrer au pays le plus rapidement possible. Pour ce faire, il nous faut donc un mécanisme. Visiblement, le système actuel est déficient et ne fonctionne pas.
Je pense que les Canadiens sont fiers de la générosité et de la compassion dont font preuve nos programmes d'immigration et de protection des réfugiés. Or, ils n'ont aucune tolérance pour ceux qui abusent de notre générosité et qui cherchent à profiter indûment de notre pays. Le Canada compte parmi les pays les plus ouverts aux réfugiés dans le monde. En fait, nous accueillons plus de réfugiés par habitant que tout autre pays du G20. Le Canada protège un dixième des réfugiés réinstallés partout dans le monde. Cette proportion par habitant est supérieure à celle de presque tous les autres pays. En fait, le gouvernement conservateur accueille 2 500 réfugiés réinstallés de plus par année.
Les modifications proposées dans le projet de loi s'inspirent de la réforme du régime de l'asile qui est entrée en vigueur en juin 2010 avec l'adoption de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, que vous connaissez bien. Les mesures proposées permettraient d'expédier la protection de ceux qui ont véritablement besoin d'asile et l'expulsion des autres. Pour l'instant, il faut en moyenne 1 038 jours pour rendre une décision en réponse à une demande d'asile. Les nouvelles dispositions du projet de loi C-31 permettraient de le faire en aussi peu que 45 jours pour les demandeurs provenant des pays désignés, et en 216 jours pour tous les autres demandeurs, et certainement ceux qui ont besoin d'aide.
Parlons maintenant de la réunification des familles. Les demandeurs d'asile arrivent de pays où ils étaient menacés de persécution, de torture et même de mort, dans bien des cas. À leur arrivée au pays, ils doivent tout de même être soumis à la procédure d'attente un certain temps pendant leur identification et le traitement de leur demande... C'est essentiel. Pour des raisons évidentes, nous voulons identifier les gens avant de leur donner accès à la société canadienne.
On a découvert que 41 demandeurs d'asile arrivés à bord du Sun Sea et du Ocean Lady représentaient finalement un danger pour la sécurité ou avaient commis des crimes de guerre dans leur pays. Nous ne pouvons tout simplement pas laisser entrer tout le monde. Je sais que nous voulons faire preuve de compassion, mais nous avons une responsabilité envers les Canadiens, et je suis certain que vous le comprenez. Vous ne voudriez pas de ces réfugiés dans votre voisinage. Vous refuseriez qu'ils fréquentent les mêmes écoles que vos enfants. Vous ne voudriez pas d'eux à proximité de votre famille. Personne ne le voudrait.
Convenez-vous qu'il faut régler ce problème? C'est ma question. Tous les témoins peuvent répondre...
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Je vous remercie de vos remarques. Elles m'ont fait penser à quelques éléments.
Oui, nous convenons que bien des gens ont besoin que leur demande soit traitée plus rapidement. Comme ma collègue l'a mentionné, un de nos programmes met en rapport des demandeuses d’asile avec des bénévoles dans le but de faciliter leur intégration. Certaines participantes ont attendu jusqu'à deux ans et demi ou trois ans avant leur audition, et elles en ont souffert.
Dernièrement, j'ai parlé des modifications proposées à une femme qui a attendu environ deux ans et demi avant de recevoir sa réponse, et elle m'a dit qu'elle n'aurait jamais été prête psychologiquement et physiquement à se présenter en audition après 60 jours. Elle souffrait énormément de la torture qu'elle avait subie en détention dans son pays. Elle a dû voir un physiothérapeute pour l'aider à reprendre le dessus sur le plan psychologique.
Pour ce qui est des preuves complexes à présenter... Je suis certaine que vous savez que la revendication du statut de réfugié n'a rien de simple. Les demandeurs doivent parfois obtenir des documents très précis, des certificats de décès, des preuves d'affiliation à un parti politique et d'autres documents qui se trouvent chez eux. Ils dépendent de ceux qui sont demeurés là-bas pour obtenir ces documents, ce qui prend du temps.
À bien des égards, 60 jours ne suffiraient pas à la plupart des demandeurs d'asile que nous rencontrons.
J'aimerais répondre aux inquiétudes que vous avez soulevées au sujet du danger pour la sécurité et de l'identification des demandeurs. Je ne suis pas avocate, mais dans le cadre de notre programme, j'accompagne régulièrement des demandeurs d'asile lors du contrôle des motifs de la détention — par exemple, s'il s'agit de raisons d'identification ou de sécurité. Dans certains des cas que je vous ai donnés en exemple, le contrôle a déterminé que la personne était détenue parce que son identité n'avait toujours pas été confirmée, mais la loi actuelle ne prévoit rien dans ce genre de situation.
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Merci, monsieur le président. Bienvenue à nos invités.
Je veux clarifier une chose et donner un peu de contexte. Il y a eu certains échanges ici. Tous les invités ou les témoins ont parlé de la détention, ont dit que c'était injuste et ont parlé d'autres cas. J'aimerais simplement préciser que le projet de loi ne prévoit pas de détention obligatoire pour toutes les personnes pendant un an. Je tiens à le préciser. Cette question a été soulevée à maintes reprises, pas seulement au cours de la dernière heure.
Par ailleurs, lorsque la CISR accueille une demande, le réfugié véritable et légitime qui est arrivé ici à la recherche d'une meilleure vie sortira de sa détention. Aussi, j'aimerais vous donner un chiffre. Vous parlez tous les trois du même enjeu, mais ce sont moins de 1 p. 100 des gens qui arrivent au Canada à titre de réfugiés. Je tiens aussi à faire cette précision. Encore une fois, jusqu'à ce que leur demande soit entendue et qu'ils reçoivent le statut de réfugié, ce ne sont que des demandeurs d'asile. Ce ne sont pas des réfugiés véritables et légitimes.
De plus, seuls les demandeurs d'asile dont l'identité ne peut être établie, qui constituent un risque pour la sécurité du Canada — vous reconnaîtrez qu'il est important pour le gouvernement de pouvoir détenir les gens qui peuvent présenter un risque pour la sécurité des Canadiens — ou que l'on soupçonne être les maîtres d'oeuvre d'une activité criminelle, peuvent être détenus plus longtemps en vertu de ce projet de loi.
Cela étant dit, j'aimerais adresser ma première question au Dr Stanwick. Je vous félicite pour votre travail. C'est intéressant de s'entretenir avec une personne qui était au Sun Sea, qui a traité les demandes, qui s'est occupée de quelques-uns de ces enfants.
J'ai quelque chose ici. Il y avait 46 personnes de moins de 16 ans, dont six étaient des mineurs non accompagnés, et donc sans parents.
Je ne veux pas paraître dure, mais vous avez dit dans votre déclaration que 10 p. 100 des gens qui font partie des « arrivées irrégulières » pourraient présenter des risques pour la sécurité. Vous avez dit ensuite que les 90 p. 100 restants ne constituent probablement aucun risque. Puis-je vous poser cette question avant que vous essayiez d'y répondre? Vous avez présenté deux options. Premièrement, les enfants ne devraient pas être en détention. En vertu de ce projet de loi, ils ne le seront pas. Deuxièmement, au lieu de confier l'enfant à un service de garde ou à un tuteur, le parent devrait pouvoir être avec cet enfant dans une communauté, où il serait intégré, etc.
Permettez-moi de vous poser une question. S'il est possible que 10 p. 100 des gens qui sont sur ce bateau ou qui arrivent par des moyens irréguliers soient des personnes que nous ne pouvons pas identifier, et qu'ils prétendent être les parents d'un enfant ou qu'ils sont effectivement les parents légitimes d'un enfant, doivent-ils être relâchés parmi la population sans être dûment identifiés? Vous pouvez certes dire que c'est une situation improbable, mais en ne sachant pas qui sont ces gens, quels sont les risques qu'ils représentent ou ne représentent pas pour les Canadiens, en général, ou pour notre pays, un gouvernement responsable doit identifier ces personnes.
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Je vais me lancer le premier, pour mettre encore une fois en relief l'article publié dans
Paediatrics & Child Health. L'une des conséquences probablement les plus graves sont les éventuelles idées suicidaires, à cause des séquelles de la perturbation du sommeil. Des enfants ont été frappés de mutisme. Autrement dit, ils ont perdu l'usage de la parole.
Je pense que nous l'avons souligné à nouveau, ces enfants ont perdu certains de leurs repères. Le développement de l'enfant est un processus à sens unique. S'il saute des étapes, impossible de revenir en arrière et de réparer les dégâts. En Colombie-Britannique, le spécialiste Clyde Hertzman, probablement d'envergure mondiale, parle de l'importance, pour l'enfant, de suivre les étapes normales du développement.
D'où notre si grande appréhension de l'adoption possible du projet de loi. Il faut savoir que les enfants n'ont qu'une chance d'être des enfants, qu'ils ont besoin d'exercice, de jeu et d'éducation.
Encore une fois, nous essayons de faire comprendre, particulièrement pour éviter le placement en famille d'accueil, qu'on peut prévenir la criminalité grâce aux mesures appropriées, si le projet de loi est adopté. C'est l'exhortation que nous faisons. Nous savons qu'il y aura des conséquences pour la santé et que toute maladresse de notre part mettra essentiellement en danger toute cette population qui nous arrive de l'étranger.
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Merci, monsieur le président.
Je dois d'abord dire que j'applaudis à tout ce que vous faites. Vous êtes des personnes pleines de compassion, manifestement intelligentes, réfléchies. Vous tenez à la sécurité des enfants, comme nous tous, et je pense que c'est très important que nous le fassions. Notre pays a de la compassion. Il a été construit par de nombreuses générations d'immigrants venus de partout.
Pour vous donner un certain éclairage historique, puisque vous avez évoqué la Seconde Guerre mondiale, mon père a connu le goulag, et ma mère a été déportée en Allemagne nazie pour le travail obligatoire. Ces expériences ont certainement laissé des cicatrices. Bien sûr, ils sont arrivés ici en qualité de réfugiés, essentiellement, étant hors de question pour eux de retourner dans leur patrie. Ils ont dû refaire leur vie. Je comprends cela. Quand j'étais soldat, j'ai été affecté à une zone de guerre et j'ai constaté les séquelles psychologiques que subissent non seulement les populations que nous essayons de protéger, mais également mes propres camarades, qui, en ce moment même, sont aux prises avec une foule de difficultés et de traumatismes psychologiques consécutifs à toutes sortes d'incidents, pas seulement en Afghanistan, en Bosnie ou ailleurs. Tout cela, je le comprends.
Quand vous faites allusion au traumatisme psychologique subi par les enfants en détention, la cause première n'est pas nécessairement cette détention. Je ne conteste pas les facteurs que vous avez évoqués, mais beaucoup de séquelles proviennent du lieu de départ, du traumatisme, de la tyrannie, de l'oppression et, peut-être, des massacres et des autres horreurs dont ils ont été les témoins.
Je vous dirais que c'est probablement plus traumatisant que la détention ici. Quelqu'un a dit que nous devions essayer de rendre « ces conditions » plus vivables. Eh bien, ces conditions sont parmi les meilleures au monde. Notre pays a le droit de se défendre. Je comprends que, parfois, c'est seulement...
Mesdames et messieurs, distingués membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, bonsoir. Je me nomme Gina Csanyi-Robah. Je suis directrice du Roma Community Centre de Toronto, le seul organisme au Canada qui représente les besoins de la communauté rom et qui l'aide. Ce centre est uniquement constitué de bénévoles. Inauguré en 1997, il est devenu une association à but non lucratif en 1998. Jusqu'en octobre 2011, il logeait à l'intérieur d'un très important organisme voué à l'établissement des immigrants, CultureLink. En octobre 2011, nous avons enfin été en mesure d'ouvrir notre propre bureau indépendant. Ce bureau aide à répondre quotidiennement aux besoins en service d'établissement, il fait de l'éducation et il inculque la fierté de la culture rom.
C'est avec beaucoup de reconnaissance que je saisis l'occasion importante de m'adresser à vous. Autant que je sache, je suis la première Rom du Canada à avoir le privilège de faire un exposé devant des membres de notre gouvernement canadien. Je suis née au Canada. Ma famille est arrivée ici en 1956, réfugiés roms de la révolution hongroise. J'ai toujours vécu au Canada. Je suis enseignante pour le conseil scolaire du district de Toronto et je consacre le temps qui me reste au poste de directrice de l'organisation. Actuellement, donc, je travaille de 80 à 90 heures par semaine pour aider cette communauté.
Mon témoignage vise, du mieux que je peux, à encourager le comité à ne pas dresser une liste des pays désignés comme sûrs, qui fera que les citoyens roms des pays de l'Union européenne n'auront aucune chance équitable de trouver la sécurité au Canada, et à ne pas fermer involontairement les yeux sur l'inapplication des lois sur les droits de la personne, pour les minorités roms, dans beaucoup de pays du Centre et de l'Est de l'Europe.
Je tiens à vous lire un petit passage d'une publication du Conseil de l'Europe qui date de février 2012. L'auteur est le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg. D'après lui, pour comprendre les Roms, il faut comprendre leur histoire.
L'histoire de la répression des Roms en Europe précède l'aire nazie et fasciste...
... quand environ deux millions de Roms ont été exterminés durant l'Holocauste.
En fait, elle remonte à plusieurs centaines d'années, au moment où les Roms ont quitté le sous-continent indien...
... le Rajasthan, au 10e siècle.
Les Roms étaient les étrangers qui servaient de boucs émissaires quand les choses tournaient mal et que les gens du pays ne voulaient pas en assumer la responsabilité. Les méthodes de répression qui ont changé au fil du temps comprenaient l'esclavage, l'assimilation forcée, l'expulsion, l'internement et les massacres.
Telle est l'histoire des Roms en Europe. Rien n'a changé depuis le 13e siècle, au moment de leur arrivée sur le continent européen. Ce n'est pas une jolie histoire.
Les Roms arrivent, laissant derrière eux des conditions d'éducation, de logement, de soins de santé qui ressemblent à celles de l'apartheid, y compris dans tous les segments et secteurs de la société que vous pouvez imaginer. La haine est organisée, endémique, elle dure depuis longtemps. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Quand je rencontre des membres du gouvernement hongrois qui s'arrêtent au centre, ils croient entendre une langue étrangère quand je leur parle de la haine qui empoisonne notre communauté. La seule réponse que m'ont donnée Zoltan Balog, ministre de l'Inclusion sociale, Zsuzsanna Repas, Attila Kocsis et l'ambassadeur de Hongrie au Canada, c'est qu'il existe un problème économique. C'est un mensonge.
Mensonge également que les Roms sont de faux réfugiés. En 2011, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a répondu favorablement à 167 demandes. Cela signifie que si les Roms sont de faux réfugiés, les arbitres de la Commission sont des menteurs, contrairement à ce que je crois. Ils ne méritent pas d'être congédiés. Il serait absolument illogique d'assimiler les Roms à de faux demandeurs d'asile, même si on n'agréait qu'une seule revendication du statut de réfugié.
Les Roms ne vivent pas aux crochets du système de protection sociale. Tous les jours, ils s'arrêtent au centre, nous suppliant de leur trouver des emplois. Nous avons créé un cours intensif du vendredi pour la rédaction de curriculum vitae. Une partie de notre clientèle fréquente maintenant l'école, le collège, elle travaille et elle fait de son mieux pour se prendre en main et s'exprimer le plus fort possible. Un grand nombre de revendications du statut de réfugié ont été retirées, parce que l'accueil des Roms au Canada a été incroyablement froid.
En 2009, le taux d'acceptation des réfugiés roms de la République tchèque, avant l'imposition des visas et les allégations, dans l'espace public, que de faux réfugiés revendiquaient le statut de réfugié, était de 85 p .100.
Est-ce que mes cinq minutes sont écoulées?
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Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité aujourd'hui. Je vous parle à titre de représentante du Centre communautaire rom, mais je suis également avocate en pratique privée depuis 1988. J'ai aussi siégé pendant cinq ans comme membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR). Je représente actuellement de nombreux réfugiés roms.
Je vais m'intéresser principalement au cas des réfugiés roms de Hongrie, car c'est celui qui apparaît le plus préoccupant. J'aimerais débuter en répondant à une question. Comme la Hongrie est un pays de l'Union européenne (UE), pourquoi les Roms ne vont-ils pas s'installer ailleurs en Europe? C'est une solution qui n'est pas réaliste, car de nombreux obstacles les en empêchent.
Le premier obstacle, c'est que les citoyens de l'UE ne peuvent pas présenter de demandes d'asile dans un autre pays membre. Les Roms de Hongrie ne peuvent donc pas revendiquer le statut de réfugié en Italie, par exemple.
Deuxièmement, le droit de s'établir en Europe fait l'objet d'une restriction. Il est possible pour une personne de rester trois mois dans un pays de l'UE, mais elle doit ensuite soit trouver un emploi soit prouver qu'elle est autonome financièrement. Les Roms, qui sont victimes d'une grande discrimination dans les pays de l'UE, ont beaucoup de difficulté à trouver un emploi. Lorsque la France a procédé à la déportation massive de Roms à l'été 2010, elle a clairement envoyé le message que ceux-ci ne peuvent tout simplement pas s'établir en Europe.
Que fait la CISR avec ces revendications? Selon les Nations Unies, les Roms sont de plus confrontés, dans tous les aspects de leur existence, à la violence des extrémistes et aux préjugés de la police. Ils arrivent au Canada avec des dents en moins, gracieuseté des bottes des néonazis, et avec des cicatrices témoignant des agressions fascistes. Ils ne sont donc pas différents des réfugiés qui nous viennent d'Afrique ou d'Asie.
La CISR est au courant. Elle reconnaît l'existence de crimes haineux, mais rejette les revendications en invoquant des technicalités juridiques. La Cour fédérale a d'ailleurs commencé à renverser certaines de ces décisions en soulignant les erreurs commises par la CISR.
La question de la liste des pays d'origine désignés est également inquiétante. Les critères s'appliquent sans égard au niveau de sécurité dans le pays en question. Plutôt que de s'en remettre au dossier des droits de la personne, on considère les statistiques concernant le nombre de revendications rejetées, retirées ou abandonnées pour déterminer si un pays sera désigné. Ces critères statistiques semblent avoir été établis expressément pour faire obstacle aux Roms de Hongrie.
Nous sommes tous au fait du grand nombre de cas où les revendications des Roms hongrois sont rejetées. Parmi toutes celles dont la commission a été saisie en 2011, le statut de réfugié n'a été reconnu que dans moins d'un cas sur cinq. Autrement dit, moins d'un revendicateur rom de Hongrie sur cinq a eu gain de cause lors de sa comparution devant un membre de la commission. Le taux d'acceptation pour l'ensemble des pays est d'environ 39 p. 100. C'est un élément très important à considérer.
Il a beaucoup été question également de la criminalité des Roms. Celle-ci ne représente pourtant qu'une goutte d'eau dans l'océan. Un pays comme le Canada ne devrait certes pas se livrer à ce genre de profilage racial.
Le ministre a exprimé ses préoccupations au sujet des demandeurs provenant des pays de l'Union européenne qui, à son avis, n'ont pas besoin de la protection du Canada car leurs revendications sont « bidon ». Les gens qui travaillent auprès des réfugiés roms se demandent vraiment comment on peut qualifier ainsi leurs revendications. Pourquoi le ministre ne s'est-il pas dit préoccupé de la montée du fascisme et du racisme, plutôt que de condamner les réfugiés roms?
Le premier ministre a récemment exprimé son soutien à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme à l'occasion du Jour commémoratif de l'Holocauste. Nous l'appuyons en ce sens. En Hongrie, le parti extrémiste qui a obtenu 20 p. 100 des suffrages est anti-Roms et ouvertement antisémitique. Il a même forgé une alliance avec l'Iran. L'antisémitisme est très répandu en Hongrie. Nous devrions condamner les violations des droits de la personne à l'endroit des juifs et des Roms en Hongrie.
La situation hongroise est en train de s'envenimer. Une nouvelle constitution témoignant d'un éloignement à l'égard des principes démocratiques est entrée en vigueur en janvier. L'Union européenne a entrepris des recours légaux contre la Hongrie parce que ce pays n'est plus une véritable démocratie.
Comment pouvons-nous donc prétendre que les revendications des Roms sont bidon? Pourquoi la liste des pays d'origine désignés est-elle désormais établie de manière à dissuader les Roms de présenter une demande? Est-ce que les revendications formulées par des Roms posent un problème dans le contexte des négociations avec l'Europe sur le libre-échange? Je vous exhorte à tenir compte du fait que la détermination du statut de réfugié est une question de droits de la personne, que nous avons l'obligation de protéger les victimes de persécution et que les considérations politiques ne doivent pas entrer en ligne de compte.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous témoigner toute mon empathie. Vous nous avez certes présenté un exposé empreint de passion, et il faut souligner le travail que vous accomplissez pour votre communauté. Nous avons chacun nos propres origines qui nous incitent à préconiser certains points de vue. Mes deux parents sont venus s'installer ici en provenance des Pays-Bas et il m'arrive certes de me montrer surprotecteur à l'endroit des Néerlandais en les défendant toutes les fois que j'en ai l'occasion. Je veux donc vous dire que nous comprenons bien ce que vous souhaitez faire valoir et que nous vous sommes reconnaissants pour vos suggestions et la vigueur de votre engagement.
J'aurais quelques questions au sujet des problèmes avec lesquels nous devons composer en tant que gouvernement. Bien que nous essayions de faire montre d'un maximum d'empathie dans nos décisions, nous sommes tenus d'adopter des lois et de les faire appliquer. À ce titre, c'est le libellé de nos lois qui doit nous guider, plutôt que nos émotions.
Avant 2008, un visa était exigé dans le cas de la Hongrie. Nous recevions alors de 20 à 30 demandes d'asile par année en provenance de ce pays. En 2009, il y en a eu 2 500, et en 2010, 2 300. Le nombre de revendications a grimpé de façon incroyable. De 95 à 98 p. 100 de ces individus viennent au Canada pendant une période pouvant atteindre de 10 à 12 mois pour finalement ne pas se présenter à leur audience devant la CISR. C'est ce qui pose problème. On constate parfois qu'ils sont déjà retournés en Hongrie. Je pense que vous conviendrez avec moi qu'un certain nombre de ces personnes n'étaient pas venues au Canada pour revendiquer le statut de réfugié. Elles sont venues pour différents motifs. Je ne vais pas essayer de vous dire quels sont ces motifs, mais ils n'ont rien à voir avec une demande d'asile.
Comment régler ce problème autrement que par les mesures prévues dans le projet de loi ? Il ne s'agit pas seulement de la Hongrie. Nous avons des difficultés semblables avec tous les pays. Avant l'imposition d'un visa obligatoire pour le Mexique, le nombre de demandes en provenance de ce pays atteignait des proportions astronomiques. En 2008, il y en a eu plus de 10 000 dont 400 ont eu gain de cause. Le statut de réfugié a été refusé dans tous les autres cas.
Nous avons donc besoin d'une solution. Nous devons régler ce problème, car il est bien évident que des gens peuvent tirer avantage du système canadien.
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Oui, tout à fait. Il ne s'agit pas ici de chercher un meilleur endroit pour vivre ou un milieu de vie plus confortable. C'est une question de droits de la personne et de persécution. Il s'agit de citoyens qui cherchent la protection de l'État. C'est ça qui est en cause.
Ce n'est pas que les Roms viennent au Canada parce que le panorama y est plus joli ou parce qu'ils décident d'y immigrer... Ils se présentent ici à titre de réfugiés. Il n'y a personne qui veut se retrouver dans cette situation; ce n'est pas comme l'immigration. Ces gens viennent ici en croyant que le Canada est un pays où l'on défend les droits de la personne.
Le week-end dernier, il y a eu un ralliement en faveur des Roms et contre le projet de loi C-31. Certains ont senti pour la première fois qu'ils pouvaient faire quelque chose. Il se sont présentés avec des affiches demandant au Canada de ne pas les abandonner.
Ne croyez pas aux stéréotypes qui nous présentent comme des criminels. Nous ne sommes pas une communauté de criminels organisés. Il y a eu un cas à Hamilton où 20 personnes étaient en cause. On vient tout juste de vous dire qu'il y a des milliers de revendications du statut de réfugié chaque année. J'ai moi-même effectué des recherches aux fins d'un rapport sur les migrations forcées pour le compte du Musée canadien pour les droits de la personne. Au moins 9 000 demandes d'asile ont été présentées au cours des dernières années. On parle d'un cas impliquant 20 personnes, alors que ces 9 000 demandes peuvent chacune concerner une famille de quatre. Ce sont donc des milliers de réfugiés qui arrivent au pays.
Voilà plus de 100 ans qu'il y a des Roms qui vivent au Canada. Nous sommes plus de 80 000. Vous n'entendez jamais parler de notre implication dans le crime organisé ou dans des activités criminelles. Un seul cas ne peut pas être représentatif de toute une famille ou de l'ensemble d'une communauté. C'est du racisme. Ce sont des préjugés. C'est inacceptable au Canada.
Les gens croient que ce pays est le paradis des droits de la personne. Nous devons assurer le maintien de ces valeurs. J'ai toujours parlé à mes étudiants des droits de la personne, des valeurs de pluralisme de la société canadienne et de l'importance de donner l'exemple au reste du monde.
La Commission d'Helsinki des États-Unis se réunit aujourd'hui à Washington en présence d'Hillary Clinton pour essayer de déterminer comment on pourra venir en aide aux Roms européens. Pendant ce temps-là au Canada, nous parlons toujours de demandes bidon, de criminels et de bénéficiaires de l'aide sociale.
Lorsque des gens demandent légitimement de l'aide au Canada, on les victimise à deux titres. On leur dit de partir de Hongrie. On leur dit que la Hongrie est pour les Hongrois, les Magyars de souche. Après avoir été présents dans ce pays depuis plus longtemps que le Canada existe, ils se voient indiquer la sortie. Ils arrivent ici et des gens les traitent de criminels. C'est toujours le même discours que l'on entend dans les pays européens, et nous permettons que cela se perpétue au Canada.
J'enseigne à mes étudiants que nous ne permettons pas que la haine soit importée au Canada. Les gens viennent ici pour différentes raisons. Nous sommes tous des immigrants à un degré ou à un autre. Souvent, nous sommes venus ici parce que nous n'aimions pas la façon dont les choses se déroulaient dans notre pays d'origine. Nous étions à la recherche d'une vie meilleure. C'est également ce qui incite les Roms à venir au Canada. Ils veulent une vie meilleure. Ils ont des familles. Ils veulent s'intégrer. Ils veulent que leurs enfants fréquentent l'école.
J'ai des lettres du chef de la police régionale de York qui traitent des visites de Roms à la station de police dans le cadre d'un projet que nous avons organisé. Je vous ai remis les affiches de ce projet qui nous dit que la haine peut tuer. C'est un projet de prévention des crimes haineux réalisé en partenariat avec le service de police de Toronto et la police régionale de York.
Le 31 mars 2012, pour la première fois de notre histoire au Canada, une quarantaine de familles roms ont visité les quartiers généraux de la police au 40, College Street à Toronto. Ces gens ont pu discuter avec des agents de police pour essayer de rebâtir la confiance. Voici d'ailleurs ce qu'écrivait à ce sujet le chef Jolliffe de la police régionale de York.
Alors que nos initiatives ont jusqu'à maintenant mis l'accent sur les facteurs de risque associés à l'intolérance, à la discrimination, aux crimes haineux et à la violence, tout en s'efforçant d'abattre les barrières historiques, le projet d'engagement policier communautaire permet de restaurer la confiance de la population envers les services policiers.
Nous essayons de faire en sorte que les Roms qui auront la chance de s'installer ici sachent bien qu'il s'agit d'une société différente. Nous avons des services policiers qui vont les protéger. Nous avons des politiciens qui ne vont pas permettre que des discours haineux continuent de les affliger. Ils arrivent ici dans un pays différent, et ils le croient de tout leur coeur. Lorsqu'ils retirent leur revendication du statut de réfugié et retournent dans leur pays en croyant qu'on ne veut pas d'eux ici parce qu'ils ne possèdent pas les connaissances linguistiques nécessaires ou qu'ils n'arrivent pas à s'y retrouver... Ils sont encore marginalisés, et ce, non seulement depuis des décennies, mais depuis des siècles. Ils ne peuvent pas se débrouiller...
Désolée.
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D’accord. Je vais vous donner un exemple.
Dans la plupart des pays de l’Union européenne, il y a des émeutes anti-roms au cours desquelles des maisons sont incendiées. En Italie, il y a quelques mois, 200 maisons ont été détruites de cette façon. De telles émeutes sont déclenchées régulièrement en Bulgarie, et il y a même des gens qui y perdent la vie. On procède à des expulsions massives en Italie et en France. Il y a des camps d’intégration.
En novembre 2010, à l’Université de Toronto, j’ai organisé une activité de sensibilisation publique à laquelle a participé Ujjal Dosanjh, ancien premier ministre de la Colombie-Britannique et ancien ministre dans le dernier gouvernement libéral. Selon ce dernier, ces camps d’intégration ressemblaient davantage à des camps d’internement. Il a même rapporté des photos.
Je vais vous donner un autre exemple d’une situation survenue l’an dernier, à Pâques, dans le petit village de Gyöngyöspata, en Hongrie. Le parti politique Jobbik, un parti d’extrême droite et ouvertement anti-roms, dispose d’une milice paramilitaire qui a adopté l’uniforme du Parti des croix fléchées de l’époque nazie.
Des témoins de cet événement ont raconté leur histoire à lors de sa visite à notre centre communautaire rom.
Un jour, 2 500 de ces néo-nazis sont arrivés à Gyöngyöspata alors qu’une manifestation et un grand rassemblement politique avaient été organisés. Une fois ces activités terminées, ces voyous sont restés pendant trois semaines au cours desquelles ils ont terrorisé les gens du village. Il a fallu l’intervention d’organismes internationaux — notamment Amnistie Internationale et la Croix-Rouge — pour les expulser.
Aujourd’hui même…
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Je fais beaucoup de sensibilisation sur la fiction tzigane et la réalité rom. Beaucoup de gens, même s'ils sont très instruits, ignorent encore qui sont les Roms. Ils ont entendu parler des Tziganes et connaissent tous les stéréotypes véhiculés à leur sujet et toutes les expressions péjoratives utilisées pour les décrire.
J’ai grandi au Canada. Mes amis m’ont toujours trouvée branchée, mais ils me demandaient des choses étranges, comme si j’avais une boule de cristal à la maison ou si nous avions une roulotte. À l’Halloween, certains se déguisaient en Tziganes. Parfois, j’avais de la difficulté à comprendre ces gestes, mais ça ne me blessait pas.
Quand je rencontrais, disons, des Hongrois de souche et que je leur parlais de mes origines, ils me disaient — pas toujours, mais souvent — de ne pas en parler, parce que c'était honteux.
Les gens pensent que les Tziganes aiment se déplacer d'un endroit à l'autre, qu’ils sont incapables de s’établir quelque part et d’être sédentaires. C’est faux. Lorsqu'on vous expulse continuellement et qu'on vous empêche de vous installer dans un endroit, vous n’avez pas d’autre choix.
Un autre mythe concerne la criminalité. Ces hordes de criminels en Europe dont on parle n’existent pas. Oui, il y a des criminels, comme dans toute autre collectivité.
Le cycle de la pauvreté — le manque d’instruction et les crimes liés à la pauvreté — est un des principaux problèmes avec lesquels la collectivité rom doit composer. On entend ces grandes déclarations en Hongrie sur la terreur et les délinquants tziganes. C’est déshumanisant. À Gyöngyöspata, les citoyens manifestaient contre les terroristes tziganes. Mais lorsqu’on fouille un peu, on s’aperçoit que les terroristes en question volaient du bois dans une forêt privée de la région pour chauffer leur maison, parce qu'ils sont si pauvres qu'ils n'ont pas les moyens de s'en acheter.
La réalité est bien différente de ce que l’on s’imagine, mais, malheureusement, c’est cette fiction qui influence les gens, même dans les écoles. Certains membres du personnel des écoles que fréquentent nos enfants nous disent que bon nombre de leurs collègues entretiennent des stéréotypes très négatifs à l'endroit des Tziganes. Lorsque les enfants prennent connaissance de ce qui se dit dans les médias, cela ne fait qu'accentuer le problème.
Ces gens ont l'impression que les enfants ne veulent pas aller à l'école. Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que les enfants passent trois épouvantables années à ne pas savoir s'ils vont encore devoir déménager ou ce qui les attend s'ils retournent d'où ils viennent.
Il y a tellement de problèmes complexes, qu'il est important de faire la différence entre la réalité rom et la fiction tzigane.
En Europe, il est très facile de savoir qui sont les Roms, puisque les sociétés européennes sont homogènes. Si vous demandez à un Grec, à un Italien ou à un Hongrois qui sont les Roms, bien souvent ils pointeront vers ceux qui ne font pas partie de la majorité ethnique. Par contre, dans les grandes villes européennes, la population est diversifiée, mais dès que vous sortez de Budapest, par exemple, vous trouvez une société homogène, c'est-à-dire, composée majoritairement d'une seule ethnie.
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Merci pour cette question.
Avant de parler de ceux qui retirent leur demande, j'aimerais aborder la question des statistiques.
En 2011, environ 4 500 demandes ont été présentées. De ce nombre, environ 800 ont été retirées, 250 ont été abandonnées, 160 ont été acceptées et 738 ont été refusées. La moitié n'a pas encore été traitée.
Le nombre de demandes retirées par rapport au nombre de demandes en attente n'est pas très élevé. Tout dépend de la façon dont on analyse les chiffres. On ne parle pas d'un taux de 98 p. 100 de refus, d'abandon ou de retrait de demandes.
Un cas sur cinq porté devant la commission est approuvé.
Maintenant, pourquoi les demandeurs retirent-ils leur demande? C'est un peu complexe. Il y a certains facteurs dont il faut tenir compte.
Premièrement, comme l'a souligné Gina, une personne peu instruite peut difficilement s'y retrouver dans un système judiciaire complexe. Jusqu'à récemment, ces demandeurs recevaient très peu d'appui de la part de la collectivité. Certains réfugiés ont souffert des injustices commises par des avocats et des experts-conseils sans scrupules. De nombreuses plaintes ont été déposées au barreau contre les avocats concernés. Je suis moi-même en train de régler des douzaines de ces cas. Les demandeurs perdent espoir, parce que les avocats ne se présentent pas aux rendez-vous et ne répondent pas à leurs appels. Parfois, ils baissent les bras et retirent leur demande.
J'aimerais souligner un autre point. Ceux qui veulent venir ici pour profiter de l'aide sociale ne retirent pas leur demande. Ils restent ici et prennent tout l'argent que le gouvernement leur donne. Ceux qui retirent leur demande n'avaient pas l'intention de profiter du système.