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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de venir vous parler.
L'exposé que nous vous présentons aujourd'hui est fondé sur nos activités au Centre of Excellence for Security, Resiliency, and Intelligence de la Schulich School of Business de l'Université York, à Toronto. Toutefois, pour le compte rendu, nos remarques sont faites à titre personnel.
De toute évidence, notre politique actuelle en matière d'immigration présente d'importants problèmes. Selon les données officielles, les deux tiers des demandeurs d'asile actuels sont jugés, selon les normes canadiennes, interdits de territoire au Canada. Toutefois, le délai entre l'arrivée et la détermination est un exercice non seulement coûteux pour les Canadiens, mais aussi inefficient dans une large mesure, car les intérêts nationaux sont compromis et les demandeurs d'asile légitimes subissent un préjudice en raison de cette situation.
L'essentiel du dossier tient au fait que la majorité des personnes qui arrivent au Canada — sans compter la majorité des personnes qui voyagent des États-Unis —, soit à titre de visiteur légitime ou de réfugié, sont actuellement le produit d'un système fondé sur la discrétion, l'intuition et, bien souvent, les décisions d'étrangers qui travaillent pour nos ambassades ailleurs. Elles ne sont pas — comme l'a observé le vérificateur général — soumises à une vérification fondée sur de bons renseignements de sécurité canadiens partagés, qui permettraient de détecter d'emblée toutes les personnes qui représentent potentiellement une menace criminelle ou liée à la sécurité pour le pays.
En termes simples, nous n'avons pas d'interface de collecte de renseignements soignée qui nous permettrait, à l'ère de l'information, d'accéder à des données issues de multiples sources contrôlées mises à la disposition de nos fonctionnaires qui en ont besoin pour prendre des décisions éclairées.
De plus, les fonctionnaires qui comprennent les différentes sources de renseignements et la meilleure façon d'en tirer profit, pas seulement pour le bien d'une saine politique en matière d'immigration, mais aussi dans notre intérêt national collectif, sont souvent empêchés d'élaborer et de mettre en oeuvre les politiques et les initiatives nécessaires. Ainsi, la politique actuelle est réactive plutôt que proactive.
Par conséquent, les personnes qui menacent à différents degrés notre intérêt national causent un fardeau accru pour les Canadiens. De plus, certaines de ces personnes compromettent parfois un autre intérêt crucial: notre relation avec nos voisins et amis au sud. J'aimerais rappeler aux membres du comité le dommage à notre intérêt national causé par la simple perception aux États-Unis, après le 11 septembre, selon laquelle un certain nombre de terroristes étaient arrivés par le Canada. Qu'adviendra-t-il si nos politiques actuelles sont la source d'une véritable menace pour nos amis et voisins au sud? Ne pouvons-nous pas nous attendre à un resserrement important de ce qui est effectivement un élément crucial de nos intérêts économiques nationaux? Ne pouvons-nous pas nous attendre aussi à d'autres mesures se rattachant à ce que nous considérons fièrement comme la plus vaste et la plus ancienne frontière non défendue?
Au XXIe siècle, à l'ère de l'information, nous devons prendre des mesures pour multiplier et protéger nos intérêts nationaux grâce à un mécanisme de renseignements de sécurité dynamique et efficace. À une époque où une seule personne peut amorcer une guerre contre toute la planète, cela est essentiel à la préservation de nos intérêts nationaux. Mais, encore une fois, nos intérêts ne se limitent pas à nous-mêmes. Comme nous partageons un continent avec un pays qui a été ciblé par beaucoup et a énormément souffert, nous devons aussi songer à nos responsabilités à l'égard du continent.
Dans cette perspective, j'aimerais accorder le reste de notre temps à un grand ami du Canada, l'amiral Donald Loren. Nous lui avons demandé de partager ses idées sur ces questions d'un point de vue américain.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invité ici aujourd'hui.
C'est pour moi un honneur d'être un grand ami du Canada et professeur auxiliaire principal au centre d'excellence.
C'est à la demande de mes collègues que je les ai joints aujourd'hui pour venir vous parler. À leur avis, mon travail au département américain de la Défense, à titre de secrétaire adjoint délégué à la défense pour l'intégration de la sécurité intérieure, et auprès du directeur du renseignement national, à titre de directeur des opérations au Centre national de lutte contre le terrorisme, est pertinent à votre discussion. Les fonctions que j'exerce me donnent un point de vue susceptible de profiter à votre réflexion dans le cadre de votre cheminement.
Je ne suis pas ici pour parler des dispositions particulières du droit canadien. En ma qualité d'Américain, je ne suis pas bien placé pour le faire. Je suis plutôt ici pour vous donner mon point de vue, sous forme de témoignage, quant aux questions sur la façon dont vous définissez vos propres intérêts dans la loi. Certes, le sujet nous tient tous à cœur, dans la mesure où nous partageons le continent, et un problème dans l'un ou l'autre des pays peut rapidement toucher les deux pays.
De toute évidence, un acte terroriste important ne sera pas prévenu par la plus vaste frontière non défendue dans le monde. Un attentat majeur ne serait pas — comme le passé nous l'a démontré — contenu dans des frontières, comme l'illustre la mort de 24 Canadiens dans la foulée des atrocités du 11 septembre. Et il ne serait pas inapproprié d'examiner des événements uniques lourds de conséquences lorsqu'on discute d'un pareil sujet. Ce qu'il faut aussi prendre en considération, ce sont les politiques et les lois qui régissent les enjeux internationaux continuellement en transformation, surtout lorsque l'éventail de menaces s'accroît de façon exponentielle.
Vous vous rappellerez comment, dans la foulée des événements du 11 septembre, vous avez aidé un grand nombre de mes compatriotes américains en prenant des dispositions pour l'atterrissage d'aéronefs dans votre pays. Cet événement unique a démontré que nous partageons les conséquences d'être voisins. Par conséquent, dans un tel contexte, c'est non pas le voyageur ou l'immigrant légitime qui nous préoccupe, mais plutôt les personnes qui représentent une menace pour l'un ou l'autre de nos pays, qui menacent nos citoyens, nos valeurs et nos intérêts.
Au XXIe siècle, à une époque où la criminalité transnationale et le terrorisme posent des menaces et des risques substantiels et croissants, nous ne pouvons pas sous-estimer l'impact que peut avoir une seule personne. Il y a lieu de s'inquiéter pour nos deux pays du fait que le lien grandissant entre la criminalité et le terrorisme multiplie les menaces auxquelles nous sommes actuellement exposés.
La mesure dans laquelle nous pouvons être proactifs reflétera la mesure dans laquelle nous réussirons ou non à relever les défis qui nous attendent. Par conséquent, dans un tel contexte, les défis qui attendent le Canada et les États-Unis au chapitre de la sécurité frontalière et de l'immigration peuvent seulement être relevés si les deux pays collaborent, comme nous l'avons fait pour la défense aérienne et antimissile en Amérique du Nord à l'aide du NORAD.
La pierre angulaire de notre collaboration consistera à nous assurer non seulement de l'harmonie entre les politiques et les programmes mis en oeuvre par les deux pays, mais aussi de l'aisance de chaque pays à l'égard des mesures en place visant à relever les défis liés aux douanes et à l'immigration. À la lumière de mon expérience professionnelle, je peux dire que relever ces défis n'est pas seulement une question de s'assurer que l'équipement et les ressources nécessaires sont en place; ce qui est d'importance égale, voire supérieure, c'est de s'assurer que les renseignements et les données relatives à l'application de la loi sur lesquelles se fondent les décisions sont de bonne qualité.
Par exemple, la biométrie est souvent présentée comme une solution potentielle aux nombreux problèmes en matière d'immigration que nous éprouvons tous les deux, mais on serait naïf de croire que la mise en oeuvre de solutions techniques coûteuses sans les renseignements nécessaires pour appuyer la technologie suffira en soi. C'est un peu comme se procurer l'ordinateur le plus coûteux sur le marché, mais omettre d'acheter un système d'exploitation compatible.
L'appartenance du Canada au groupe Five Eyes lui donne accès à d'importants volumes de renseignements susceptibles d'aider à évaluer les risques potentiels que présentent des personnes qui tentent d'entrer au pays, mais ces renseignements doivent être à la disposition des décideurs concernés et partagés entre les organismes, chose que nos deux pays pourraient faire beaucoup mieux.
Mais, même si les renseignements étaient accessibles et bien utilisés, il y a des préoccupations secondaires et indirectes qu'il faut écarter avant d'entreprendre un plan d'action. Par exemple, il faut, bien entendu, protéger la sécurité et l'assurance de l'information.
Cela signifie qu'il est essentiel que l'infrastructure et l'architecture du mécanisme de collecte de renseignements de sécurité employé suscitent la confiance chez les alliés canadiens, afin que l'information circule de façon plus ouverte.
La solide relation entre le Canada et les États-Unis doit toujours tenir compte de la dynamique politique dans l'un ou l'autre des pays, car celle-ci pourrait avoir une incidence importante sur la mise en place d'une initiative frontalière particulière. Un respect et une compréhension mutuels des tendances politiques dans les deux pays doivent être au rendez-vous au moment de l'adoption d'un cours d'action particulier, afin que l'on s'assure qu'il n'y a pas de fausses idées ou de malentendus entre les deux pays.
Les États-Unis travaillent dur pour s'assurer que leurs politiques sur le plan des frontières, de l'immigration et de la sécurité sont correctes, tout comme le fait le Canada. Nos pays ont noué une relation axée sur la confiance et la coopération mutuelle, et cette relation devrait se poursuivre.
Pour conclure, les États-Unis et le Canada disposent de talentueux professionnels de la sécurité et du renseignement qui accompliront le travail qui nous attend. Ces personnes évoluent au sein de nos gouvernements et à l'extérieur de ceux-ci, et le gouvernement devrait avoir pour priorité de mobiliser ces professionnels et de tirer entièrement profit de leurs solides connaissances et des bonnes solutions pratiques qu'ils proposent pour régler les problèmes de sécurité qui se présentent à nos deux pays.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, je remercie tout le monde d'être ici aujourd'hui. Je sais que vous êtes tous des experts dans votre domaine, et nous sommes ravis d'avoir la possibilité de vous poser des questions en ce qui concerne le projet de loi C-31 et des sujets connexes.
Amiral, j'aimerais commencer par vous; je vais parler un peu de la biométrie et de la détention et du partage d'information que vous avez mentionné.
Ensuite, je vais me tourner vers M. Elcock et parler un peu du passage de clandestins et de la traite de personnes, monsieur, si vous n'y voyez pas d'objection.
Amiral, vous avez parlé du partage de données entre alliés, particulièrement dans le cas des États-Unis et du Canada. Comme l'a fait valoir le colonel Perchal plus tôt, de toute évidence, il importe que nous nous assurions de la sécurité des frontières que nous partageons.
J'aimerais que vous décriviez en plus de détail, monsieur, certaines des choses que vous avez décrites concernant le partage d'information, peut-être dans le contexte des protocoles d'entrée et de sortie.
Tout d'abord, permettez-moi de dire que le partage d'information entre nos pays s'améliore continuellement et se porte actuellement très bien. Je sais que, dans mon cas, j'ai collaboré très étroitement avec le CIEM lorsque j'étais au NCTC, j'ai collaboré très étroitement avec les Forces armées canadiennes lorsque j'étais au département de la Défense.
Mais ce à quoi je faisais allusion, monsieur, est beaucoup plus général que la partage d'information entre les pays. Je crois que nous nous en tirons assez bien; il y a encore beaucoup de place à l'amélioration, mais des mécanismes ont été établis. Et on a tendance, sans aucun doute, à traiter les membres du groupe Five Eyes, et, assurément, notre relation avec le Canada comme étant un bien très important et très spécial qui suppose le partage d'information.
À vrai dire, je parle non pas seulement de nos pays, mais, à l'interne, entre nos propres organismes dans notre pays et d'un organisme à l'autre. Pour nous, aux États-Unis, le partage d'information est allé beaucoup plus loin que le renseignement étranger du passé et va maintenant jusqu'au renseignement lié à l'application de la loi.
Bien sûr, comme vous le savez, car vous êtes très sensibilisé à cette question, aux États-Unis, nous sommes très sensibilisés à l'importance de la distinction entre le renseignement étranger et les renseignements et l'information liées à l'application de la loi, car nous ne voulons jamais nous trouver dans une situation où le gouvernement fédéral, l'armée et notre mécanisme de défense intérieure utilisent des renseignements au détriment des citoyens américains. Nous tentons de protéger ces droits et travaillons très dur à ce chapitre. Cet élément en soi est à l'origine d'un système très complexe de partage d'information entre les organismes et entre les services de renseignement et les organismes d'application de la loi.
Cas de figure: lorsque nous parlons d'immigration, l'une des choses à prendre en considération, bien sûr, est la santé et les soins médicaux. Je ne peux pas parler pour le Canada, mais j'avancerais que nous avons beaucoup de place à l'amélioration aux États-Unis au chapitre de la capacité d'harmoniser nos services d'immigration avec nos services de santé et sociaux et nos centres de lutte contre la maladie, bien des secteurs qui doivent interagir, afin de nous assurer que nous protégeons le pays contre... Que ce soit un phénomène naturel de personnes atteintes de différentes maladies transmises internationalement, dans un monde beaucoup plus petit qu'aujourd'hui ou, à vrai dire, si vous voulez imaginer un portrait plus axé sur la science-fiction, peut-être une menace particulière de propagation d'une maladie dans le monde, dans l'hémisphère ou dans le continent nord-américain.
Ce que j'essaie de dire, c'est que nous devons collaborer en tant que pays, et nous avons établi nombre des mécanismes nécessaires. Nous devons travailler à l'interne dans notre pays respectif et nous devons nous assurer que l'information et les renseignements sont bien partagés dans toutes ces interfaces, tout en protégeant les sources d'information, bien sûr.
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Merci beaucoup, à tous les trois, d'être venus passer du temps de qualité avec nous.
Je crois que vous savez tous que, il y a tout juste un an, nous avons adopté le projet de loi et toutes ses dispositions législatives. De plus, je crois qu'il est toujours ressorti très clairement, lorsque nous avons questionné des membres du personnel et d'autres représentants, que les dispositions clés du projet de loi C-11 n'ont pas encore été appliquées, alors nous ne savons même pas si nous avons vraiment un problème.
Le projet de loi est appelé le grand compromis. Le ministre et notre critique de l'époque, Olivia Chow — et je suis certaine que M. Dykstra participait lui aussi au processus —, ont remarqué qu'il s'agissait d'un grand texte législatif, car il rassemblait tous les éléments et il y avait une grande part de consensus. Il semblait tenir compte des principaux enjeux qui viennent avec l'arrivée massive de personnes à bord de navires sur les rives de la Colombie-Britannique — les deux bateaux.
Je dois dire que la plupart des gens — comme nous le savons, même avant le projet de loi — ont obtenu l'asile. Il est très rare qu'un réfugié s'arrête pour penser — surtout si sa vie est en danger et qu'il est exposé à la persécution — aux dangers de la mer, car il est acculé au pied du mur et il doit se sauver. Il craint pour sa vie, pour son corps et pour sa famille et tout cela. Ces personnes sont arrivées sur nos rives et, comme nous le savons, une grande majorité d'entre elles s'est vu reconnaître la qualité de réfugié légitime.
Le projet de loi donne au Canada, je dirais, le pouvoir d'imposer les peines les plus sévères aux passeurs de clandestins. À vrai dire, au Canada, l'emprisonnement à perpétuité est la peine la plus sévère, car la peine de mort n'est pas en vigueur au Canada, et je n'entends personne, d'un côté ou de l'autre, dire que nous voulons prendre cette orientation. Alors nous avons déjà le moyen de dissuasion le plus fort possible pour les passeurs de clandestins: l'emprisonnement à perpétuité et une amende de 1 million de dollars.
Mais, comme vous le savez, les passeurs de clandestins sont raffinés. Je dis souvent que, alors que nous pourchassons les victimes, il sont probablement attablés — et je ne veux pas dire du mal de New-York — dans un café d'une petite rue new-yorkaise et boivent des cafés au lait en complets Armani, pour autant que nous le sachions.
Or, je veux porter mon attention sur les victimes ici, car je crois que le projet prévoit déjà des mesures très punitives à l'égard des passeurs de clandestins. Je reconnais aussi le fait — et beaucoup d'experts en font autant, à mon avis — que le passage de clandestins est un problème international, une plaie qui afflige la planète entière, et les gouvernements doivent collaborer pour enrayer le problème de façon à cibler les passeurs de clandestins et non pas à nouveau les victimes.
L'autre aspect du projet de loi tient à la détention. Le projet de loi C-11 permet la détention, mais pas seulement pour un an; la personne peut être détenue plus longtemps, pour des vérifications de l'identité et de sécurité. Or, la différence du projet de loi C-11 tient au fait que, périodiquement, vous devez revenir justifier la prolongation.
Alors, pour ce qui est de la détention, je crois que le nécessaire est déjà prévu, car le ministre, même sous le régime actuel, a pu détenir certaines personnes beaucoup plus longtemps que cela; au contraire, selon le nouveau texte législatif, toutes les arrivées irrégulières aboutiraient à la détention. Remarquez une différence marquée par rapport à la situation de l'Allemagne, comme nous l'avons entendu dans le cadre d'un témoignage antérieur.
L'autre problème, lorsque je regarde tout cela, tient à la détention. Mes collègues de l'autre côté ont dit, en quelque sorte: « Oui, mais le ministre... » Voilà une autre de nos préoccupations: on place beaucoup trop de pouvoir entre les mains d'un ministre.
Ce n'est pas parce qu'il s'agit du présent ministre; j'aurais un problème à l'égard d'un ministre de toute allégeance jouissant individuellement d'un tel pouvoir. Nous assistons à une tendance à centraliser le pouvoir et, par conséquent, à perdre une certaine part d'objectivité sur laquelle on peut compter lorsqu'on s'en remet à un groupe d'experts, par exemple, ou à une autre entité.
L'une des autres choses dont nous entendons beaucoup parler, c'est le coût. Eh bien, je peux vous dire que le coût de la détention est très, très élevé. J'ai souvent dit que, si nous étions prêts à consacrer aux jeunes même le dixième de la somme que nous sommes prêts à consacrer à la détention... dans ma vie antérieure. Nous n'aurions pas besoin d'autant de cellules si nous étions prêts à consacrer le dixième de la somme à l'éducation, aux programmes de prévention et à ce genre de choses.
Or, dans le cas qui nous occupe, le coût de la détention pendant un an... La mesure s'applique à quiconque arrive ici de façon irrégulière, avec un groupe de plus de deux personnes — à l'exception des familles, et je suis reconnaissante d'avoir obtenu cette clarification ce matin. Nous devons réellement songer à cet aspect aussi. Je ne saurais croire que la conception de notre politique de protection des réfugiés va déboucher sur un autre programme de construction de prisons.
Une autre préoccupation que j'ai entendue chez un certain nombre de témoins de toute allégeance tient aux échéanciers et aux éventuelles contestations fondées sur la Charte du fait que les gens ne profitent pas de l'application régulière de la loi.
D'autres pays ayant adopté des mesures de détention obligatoire de la sorte essaient actuellement de s'en éloigner. Ici, nous sommes au Canada, un pays progressiste; plutôt que d'apprendre des erreurs des autres, nous avons tendance, depuis un petit moment, à vouloir reproduire les erreurs au chapitre de la détention.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci, cher collègue.
Je souhaite particulièrement la bienvenue à Ward Elcock, lui aussi diplômé d'Osgoode. Je vous remercie de nous avoir aidés à maintenir la paix durant les Jeux olympiques d'hiver de 2010, dont la plupart des événements ont eu lieu dans la circonscription que j'ai l'honneur de représenter.
Cet après-midi, par l'entremise de ma collègue, Mme Sims, le NPD a soulevé la question bidon du « programme de construction de prisons » comme elle l'a mentionné. Je crois que cela est à l'image des nombreuses questions qui ont été soulevées. Nous avons entendu cela à maintes reprises à la Chambre, et, en fait, aucune prison n'a été construite sous ce gouvernement, et cela n'est pas prévu.
Selon mon évaluation, la plupart des éléments contestés tombent dans la même catégorie. Vous avez soulevé de graves problèmes liés au renseignement.
Amiral Loren, vous avez parlé du regroupement de diverses directions des États-Unis afin de faire face à une situation de plus en plus complexe. Notre propre ministre est venu ici et a dit, franchement, nous ne sommes pas prêts à gérer des arrivées massives comme nous en avons vu ces derniers temps.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur Perchal. Associons-nous nos renseignements sur les comportements de gangs et les activités criminelles au renseignement étranger sur le terrorisme afin que nous puissions établir un certain lien — le mot « lien » a été utilisé à plusieurs reprises — par exemple, dans le cas d'un pays comme l'Iran?
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J'ai déjà comparu devant votre comité, mais je ne suis pas certain qu'il avait la composition actuelle. J'ai comparu devant des comités quand les libéraux étaient au pouvoir et quand Mulroney était au pouvoir. J'ai travaillé avec Jim Hawkes quand il tentait d'élaborer un nouveau processus de détermination du statut de réfugié au milieu des années 1980 après l'affaire
Baker.
Je faisais mes études en droit et j'aidais les groupes opposés à la loi mise en oeuvre par les libéraux en 1976. J'ai comparu devant le comité qui a débattu de la mise sur pied de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en 1989. J'ai comparu à nouveau au milieu des années 1990 quand des changements ont été apportés et encore une fois devant votre comité au moment où les libéraux étaient au pouvoir, lorsqu'on a mis en oeuvre à la suite d'un vote la LIPR, soit en 2002.
Je dois mentionner que j'ai un point de vue historique par rapport à cette question. Je suis toujours content de me présenter pour discuter de la procédure de détermination du statut de réfugié, car je représente des réfugiés depuis 1974 — c'était mon premier cas — et, depuis, j'ai représenté des milliers de personnes devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ou son prédécesseur, la Commission d'appel de l'immigration.
Je crois comprendre que le comité a entendu beaucoup de témoins ayant des opinions divergentes sur la question. Je ne crois pas que mes commentaires feront changer d'avis quiconque, mais je suis content d'avoir l'occasion de présenter quelques-unes de mes préoccupations.
Le premier point que je souhaite aborder est la rapidité du processus. Je me demande s'il y a des membres ici présents qui ont déjà pris part à une audience sur les demandes d'asile. Comme je l'ai mentionné, j'ai participé à des milliers d'audiences. Je peux vous dire que c'est un processus rempli d'obstacles qui peuvent piéger des réfugiés véritables.
J'ai entendu les membres ici présents insister sur la nécessité d'avoir un processus efficient, et je suis d'accord. Je reçois des clients dans mon bureau qui ont été très frustrés par les retards du processus actuel, je veux dire des réfugiés véritables qui veulent que l'on règle leur cas afin de pouvoir commencer le processus de réunification de la famille, ce qui sera miné par certaines des dispositions du projet de loi que j'aborderai dans une minute.
Je conviens qu'il est essentiel de rendre ce processus plus efficient, mais l'efficience ne peut l'emporter sur l'équité. Avec respect pour les personnes qui pensent le contraire, je peux vous assurer que ce processus, dans sa forme actuelle, et compte tenu de la rapidité avec laquelle il est censé être appliqué, ne permettra pas de rendre une décision équitable pour bon nombre de personnes.
Voyez les conséquences. La première conséquence la plus évidente est que bon nombre de demandeurs d'asile ne pourront compter sur l'aide d'un avocat, soit tout au long du processus, soit du moins à l'étape initiale quand ils présentent le premier formulaire, qui porte sur le fondement de la demande d'asile.
Quelles en sont les conséquences? Il y aura des omissions dans le formulaire relatif au fondement de la demande d'asile et, comme nous le savons tous, la présentation initiale est essentielle, et bon nombre de cas de jurisprudence de la Cour fédérale montrent qu'un tribunal peut tirer des conclusions négatives s'il y a des omissions dans ce formulaire initial.
Il ne fait aucun doute que, comme certains réfugiés ne compteront pas sur l'aide d'un avocat pour préparer le formulaire, il y aura bon nombre de cas où il y aura des omissions essentielles qui feront que des conclusions négatives seront tirées contre des réfugiés véritables.
Bon nombre de demandeurs d'asile ne seront pas représentés par un avocat dans le cadre des audiences. J'ai participé aux réunions de l'Association du Barreau canadien à Kelowna, et certains commissaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié y étaient également. J'ai parlé avec des personnes ayant bon nombre d'années de service qui m'ont dit qu'elles s'attendaient sans aucun doute à ce que le nombre de demandeurs d'asile non représentés augmente grandement dans le cadre du nouveau processus.
Je crois qu'il faut examiner les répercussions de cet état de choses. La jurisprudence de la Cour fédérale montre déjà que, dans les cas où les demandeurs d'asile ne sont pas représentés, les commissaires qui rendent les décisions sur les cas devront prendre plus de temps pour veiller à ce que les audiences soient équitables. Il incombera au commissaire de trouver tous les détails qui pourraient être pertinents à la demande d'asile, et, si ce dernier ne réussit pas, les décisions prises dans le cadre d'audiences seront annulées par les instances supérieures.
Les procédures seront donc plus longues dans les cas où un avocat n'est pas présent. Cela augmentera également de beaucoup le nombre de décisions défavorables, car les demandeurs d'asile ne sauront pas exactement ce qui est pertinent. Il y aura beaucoup plus de révisions judiciaires par l'entremise desquelles les demandeurs d'asile remettront en question l'équité de la procédure, car ils n'auront pu compter sur un avocat pour les orienter convenablement au début.
La rapidité envisagée dans le projet de loi placera une énorme pression sur les décideurs, qui devront rendre rapidement leurs décisions. Nous savons que quand on fait pression sur les décideurs, cela entraîne une détérioration de la qualité des décisions, et une plus grande pression sera exercée sur le processus d'appel. La rapidité escomptée du processus d'appel n'est pas possible.
C'est impossible pour quiconque de mettre un appel en état de façon significative dans les délais établis dans la loi, compte tenu de la complexité des questions. Dans la proposition initiale, des transcriptions étaient accessibles, mais ce ne sera pas le cas, et cela signifie qu'il sera encore plus ardu pour les gens de mettre leur appel en état.
Une autre répercussion importante est le fait que les réfugiés eux-mêmes n'auront pas le temps d'obtenir des documents corroborants. On voit de plus en plus souvent que, dans leurs décisions, les commissaires de la commission tirent des conclusions négatives quand les demandeurs d'asile ne peuvent présenter de documents corroborants. Ainsi, quand un demandeur d'asile dit qu'on l'a arrêté et torturé, le commissaire lui demandera pourquoi il n'a pas de rapport médical. Eh bien, souvent, les demandeurs d'asile n'ont pas ces rapports, car ils se sauvent de leur pays et ne peuvent apporter les documents avec eux; ils ont donc besoin de temps pour obtenir les documents corroborants.
Ce processus, et la rapidité avec laquelle il est censé se dérouler, fera qu'il sera impossible d'obtenir les documents corroborants. Les commissaires continueront de tirer des conclusions négatives, et le nombre de décisions injustes ira croissant.
Un autre facteur très important est que les réfugiés qui viennent de pays désignés ne pourront tirer profit d'un sursis légal ou d'un appel. Cela augmentera grandement le nombre de demandes de sursis présentées à la Cour fédérale.
Je peux affirmer, car j'ai pris part à une réunion la fin de semaine passée avec des juges de la Cour fédérale et avec le Comité de liaison entre la magistrature de la Cour fédérale et le Barreau sur les questions d'immigration, que la Cour fédérale est déjà débordée et ne dispose pas d'assez de ressources. Il manque trois juges, et quatre juges sont en congé de maladie. Elle ne peut se permettre une augmentation de la charge de travail qui découlera certainement de ce processus.
Il y aura encore plus de décisions injustes, et donc de plus en plus de cas où les demandeurs d'asile devront s'adresser aux tribunaux, au ministre et aux médias.
Le deuxième point que je voulais aborder est la question de la détention. J'ai représenté bon nombre de personnes sur le bateau et je peux vous dire que les conditions — je me suis rendu à la prison de Maple Ridge où elles étaient détenues — sont scandaleuses. J'ai été scandalisé pendant ma visite. Je suis entré dans les cellules et je ne pouvais croire que deux personnes, voire trois, y étaient incarcérées. Je suis sûr que d'autres personnes vous en ont déjà parlé. Les conditions y étaient étonnamment déplorables.
Les personnes qui laissent croire que les réfugiés sont détenus dans des hôtels essaient de tromper le comité. Il est vrai que, à Toronto, un hôtel ayant environ 70 places a été converti, et je crois qu'il sera agrandi. Cependant, la vaste majorité des réfugiés en détention sont incarcérés dans des prisons provinciales où les conditions sont déplorables, voire extrêmement déplorables. Bon nombre de mes clients ont été traumatisés par l'expérience.
J'ai entendu les questions que le comité a posées auparavant sur les besoins en matière de sécurité. Ayant représenté bon nombre des demandeurs d'asile arrivés par bateau, je peux affirmer que la loi actuelle était plus qu'adéquate. Les personnes étaient détenues à leur arrivée jusqu'à ce qu'elles puissent prouver leur identité. Certains de mes clients ont été détenus trois ou quatre mois en vertu de la loi actuelle jusqu'à ce qu'ils puissent obtenir des pièces d'identité à la satisfaction du ministre. Par la suite, les personnes pouvaient continuer d'être détenues s'il y avait un doute raisonnable. La Cour fédérale a indiqué que le doute raisonnable est un seuil extrêmement bas. Les personnes qui constituaient un danger étaient détenues jusqu'à ce que l'on détermine qu'elles n'étaient pas un danger après tout. En effet, il y a encore des personnes qui sont arrivées par bateau qui sont en détention.
Il est inutile d'exiger une détention obligatoire d'un an. Cela va également à l'encontre de la Constitution, et on vous l'a dit à maintes reprises. La Cour suprême du Canada a indiqué clairement dans Charkaoui que les autorités judiciaires doivent procéder régulièrement au contrôle des motifs de détention, faute de quoi il s'agit d'une violation de l'article 7.
Pour être parfaitement clair, et j'ai passé en revue la loi encore aujourd'hui et j'ai le grand plaisir de vous présenter les sections, la loi, dans sa forme actuelle, ne fournit pas de mécanisme judiciaire prévoyant le contrôle des motifs de détention dans un délai d'un an. Il est vrai que, selon la loi, une personne sera détenue jusqu'à ce que l'on détermine qu'il s'agit d'un réfugié au sens de la Convention ou qu'il y a d'autres conditions. La difficulté est que la disposition suivante indique qu'il ne peut y avoir un contrôle des motifs de détention pendant un an.
Le problème du réfugié est qu'il ne peut demander sa mise en liberté après qu'il a été admis. La seule façon dont il peut être mis en liberté, c'est que le ou la ministre exerce son pouvoir discrétionnaire afin d'ordonner la mise en liberté. C'est la difficulté du projet de loi. Cela va à l'encontre de la Constitution, car le réfugié ne dispose pas d'un mécanisme pour demander le contrôle des motifs de sa détention dans la période d'un an. C'est la disposition qui va à l'encontre de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Charkaoui.
Il y a bon nombre d'autres questions, mais la dernière que je souhaite personnellement aborder, car j'y ai souvent affaire dans mon bureau, est l'effet de la désignation. Ce sont les dispositions que je trouve particulièrement dures à accepter.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui. Il a été intéressant de prendre connaissance de vos commentaires.
Comme vous le savez peut-être, nous avons rencontré plusieurs groupes ces derniers temps et écouté les préoccupations de personnes en faveur de certaines dispositions du projet de loi . Nous suivons ce processus, car, ultimement, nous examinerons ligne par ligne le projet de loi et tiendrons compte de cette rétroaction démocratique que nos témoins nous ont fournie, et votre témoignage est donc très important pour nous. Voilà, merci encore d'être ici.
Je veux aborder le cas d'un réfugié légitime qui a réellement besoin d'aide, car je crois qu'il s'agit d'un élément commun pour chacun d'entre nous. C'est ce que nous voulons tous. Nous voulons tous être en mesure de servir le plus rapidement possible la personne qui se présente ici, qui a été persécutée, dont la vie était en danger et qui pourrait faire l'objet de torture ou se faire tuer dans son propre pays. Nous constatons que bon nombre des gens qui ont besoin d'aide font partie d'un système géré par un groupe qui n'est souvent pas un groupe de réfugiés légitimes, ce qui entrave le système.
À l'heure actuelle, le traitement d'une demande d'asile peut durer aussi longtemps que 1 038 jours. Grâce aux mesures comprises dans le projet de loi proposé, nous pouvons faire en sorte que cette durée ne soit que de 45 jours pour les demandeurs d'asile de pays désignés et de 216 jours pour tous les autres.
Voici un phénomène que nous constatons: d'une partie du monde en particulier, 95 p. 100 des demandeurs d'asile se désistent ou renoncent à leur demande, ou cette dernière est tout simplement rejetée.
Cette proportion, 95 p. 100, outre le fait qu'elle représente des coûts d'environ 170 millions de dollars par année — n'établissons pas une valeur, nous parlons de vies humaines ici — entrave vraiment les gens qui peuvent légitimement venir au pays.
Pouvez-vous me dire pourquoi des gens se désisteraient ou renonceraient volontairement à leur demande d'asile pour retourner dans un pays où, comme ils l'ont initialement affirmé, ils ont été persécutés?
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La seule chose que je dirai au sujet du parti pris, c'est que je suis l'auteur de plusieurs livres sur la loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, lesquels sont souvent mentionnés par la Cour fédérale. Les juges de la Cour fédérale m'ont appelé un chercheur, alors je crois qu'il s'agit d'une réponse assez complète aux suggestions de parti pris. Je ne répondrai pas à l'autre aspect de cette question.
Qu'est-ce qui constituerait un processus équitable? Un processus équitable requerrait une décision rapide. Je n'ai aucun problème avec les délais, mais ces derniers doivent être raisonnables peu importe si la personne est désignée ou non. La chose avec le processus actuel est non pas qu'il est problématique; c'est plutôt qu'on n'a pas affecté suffisamment de ressources pour que le travail se fasse dans les délais établis.
Je vais vous donner un exemple, si vous voulez de l'ironie. La LIPR actuelle indique qu'un juge de la Cour fédérale doit examiner une demande d'autorisation pour toute décision liée à l'immigration, rendre une décision, et l'audience doit être tenue dans les 90 jours.
Comme il n'y a pas suffisamment de juges de la Cour fédérale pour rendre une telle décision, un juge se penchera sur la décision, mais, afin d'être conforme à la loi, il attendra, et la mesure officielle ne sera pas prise jusqu'à ce qu'il y ait une période libre. Il n'y a pas suffisamment de juges à la Cour fédérale pour tenir une audience sur la demande d'autorisation.
Ils contournent donc la loi en rendant une décision sur le cas, mais en ne prenant pas officiellement de mesure. On peut prévoir que des scénarios semblables pourraient commencer à survenir dans le processus de détermination du statut de réfugié.
Selon le volume de demandes d'asile, s'il y a suffisamment de personnes pour rendre une décision, cela se fera en temps opportun, peu importe les délais. Les réfugiés aimeraient que leur audience soit tenue dans les deux ou trois mois, car cela leur permettrait d'obtenir les services d'un avocat. Mes clients éprouvent énormément de difficultés parce qu'ils doivent attendre des années avant d'obtenir une décision favorable. Cela ne fait aucun doute. Cette situation est survenue parce qu'on n'a pas affecté suffisamment de ressources au système.
Si on affecte suffisamment de ressources, le système actuel ne présente aucun problème. Essentiellement, il n'y a pas de changements importants. Le gros changement est que, plutôt que d'avoir des personnes nommées par décret, nous avons des fonctionnaires. Ce sont encore les mêmes décideurs et les mêmes sections qui rendront les décisions. Il y aura les mêmes formulaires de base. Plutôt que d'avoir un délai de 28 jours, le formulaire devra être rempli dans les 15 jours.
La question, vraiment, peu importe ce qui est établi par la loi, consistera à déterminer s'il y a suffisamment de ressources pour permettre de rendre une décision en temps opportun. En effet, que ce soit 30 jours, 60 jours, 90 jours ou 120 jours, cela ne fera aucune différence; s'il n'y a pas suffisamment de ressources, la commission devra trouver des façons de faire le travail...
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C'est probablement deux minutes de trop, monsieur le président.
Blague à part, je suis ici en tant qu'invité aujourd'hui. C'est la première fois que je remplace quelqu'un au comité. Évidemment, la question m'intéresse, et je suis content que vous soyez parmi nous.
Révérend Prentice et révérende Gauthier Glasgow, je tiens à vous dire à quel point j'ai aimé votre témoignage. Ma grand-mère était une chrétienne très pratiquante de confession anglicane, et j'ai souvent eu l'occasion d'aller à l'église dans ma ville natale, Lacombe. C'était une femme très intéressante et, à sa manière, pleine de compassion, mais elle était résolument conservatrice. Je suis sûr qu'elle aurait eu autant de difficulté que nous à concilier certains des éléments dont nous parlons aujourd'hui.
J'aimerais vous demander où nous pouvons faire le plus de bien. D'un point de vue planétaire, est-ce dans notre intérêt, compte tenu des ressources limitées dont nous disposons — et j'aborderai le thème des ressources avec M. Waldman dans un moment — , et j'ai entendu les exposés de représentants des deux côtés — , de consacrer notre temps et nos ressources à la création d'un processus bureaucratique en vertu duquel on fera entrer un nombre limité de personnes — et, avouons-le, ça fait beaucoup de personnes, mais c'est un très petit nombre de personnes qui ont besoin d'aide sur la planète. Ne devrait-on pas plutôt utiliser ces ressources pour faire plus de bien, que ce soit pour renforcer les capacités, améliorer la gouvernance, améliorer la démocratie ou toute autre activité du genre ailleurs sur la planète? Est-ce possible pour vous de répondre à cette question en adoptant un point de vue planétaire, parce que nous voulons tous la même chose. Nous voulons ce qu'il y a de mieux pour l'humanité. Nous voulons faire ce qu'il faut pour améliorer le niveau de vie de tous les habitants de la planète.
Pouvez-vous nous aider à y arriver? S'agit-il de questions que vous vous posez en cours de route? Nous consacrons beaucoup de temps et d'efforts pour parler d'un très petit nombre de personnes qui viennent ici pour présenter des demandes d'asile et nous dépensons beaucoup d'argent pour essayer de définir le processus à adopter. Est-ce la bonne chose à faire d'un point de vue mondial?
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés apprécie cette occasion de présenter devant ce comité ses commentaires sur le projet de loi , Loi visant à protéger le système d'immigration au Canada.
Les commentaires du haut commissariat sur la législation nationale dérivent du mandat qu'il lui a été conféré par l'Assemblée générale des Nations Unies, à savoir de conduire et de coordonner l'action internationale pour la protection des réfugiés à travers le monde et de rechercher des solutions à leurs problèmes.
Le haut commissariat reconnaît l'importance de l'engagement du Canada à l'égard de la protection des réfugiés à travers le monde et les défis qu'il doit relever pour assurer la viabilité de son système, ainsi que les normes élevées qu'il garantit en protégeant les personnes déplacées qui demandent asile et des solutions durables sur son territoire.
[Traduction]
La déclaration écrite du HCR, dont une copie a été fournie au comité, contient l'ensemble de nos commentaires et de nos recommandations concernant le projet de loi .
Je parlerai aujourd'hui des dispositions du projet de loi qui auront l'impact le plus important sur les procédures de demande d'asile au Canada. Mes commentaires portent sur deux thèmes généraux: les dispositions qui créent différentes catégories de demandeurs d'asile et les dispositions qui limitent l'accès au processus de demande d'asile.
En ce qui a trait à la désignation de groupes d'étrangers dans la catégorie arrivées irrégulières, le HCR comprend et partage les préoccupations du gouvernement du Canada visant à combattre le trafic illicite de migrants. Toutefois, des demandeurs d'asile doivent souvent avoir recours à des passeurs pour atteindre un endroit sûr où ils pourront demander l'asile. La désignation proposée d'arrivées irrégulières peut mener à une pénalisation injustifiée des personnes ayant besoin de la protection internationale, ce qui dans les faits équivaudrait à blâmer les victimes des passeurs ou des trafiquants pour avoir tenté d'échapper à la persécution.
Concernant les motifs pour la désignation d'une arrivée irrégulière, le projet de loi créera deux catégories de demandeurs d'asile et de réfugiés au Canada, en raison de la disposition sur la désignation. La désignation pour des raisons opérationnelles est particulièrement inquiétante.
Parmi les conséquences de la désignation qui préoccupent le HCR, on retrouve la détention obligatoire sans contrôle avant 12 mois, le fait qu'il n'y a pas de droit d'appel, l'impossibilité d'obtenir des titres de voyage selon la Convention — qui est peut-être en contradiction avec l'article 28 de la Convention de 1951 —, le fait d'avoir à se rapporter aux autorités malgré l'obtention du statut de réfugié au sens de la Convention et l'impossibilité de régulariser son statut pendant cinq ans et les répercussions connexes sur l'unité familiale.
Le HCR rappelle que le principe de l'unité familiale est enchâssé dans le droit international. Le Comité exécutif du HCR, dont le Canada est un membre fondateur, a souligné à plusieurs reprises la nécessité de protéger l'unité familiale des réfugiés. D'un point de vue non discriminatoire, le HCR ne croit pas que les raisons invoquées pour la désignation d'arrivées irrégulières constituent une justification légitime pour un traitement substantiellement différent. La législation pourrait déroger aux garanties de non-discrimination selon l'approche des droits de la personne contenues dans les instruments internationaux de protection des droits de la personne.
Depuis longtemps, le HCR considère que la détention des demandeurs d'asile est essentiellement indésirable. La situation des demandeurs d'asile diffère fondamentalement de celle des immigrants ordinaires du fait que les premiers peuvent ne pas être en mesure de respecter les formalités légales exigées à l'entrée, notamment à cause de l'urgence de leur fuite ou leur incapacité de s'adresser aux autorités. L'article 31 de la Convention de 1951 traite de cette situation et interdit que des sanctions pénales soient imposées à des réfugiés du fait de leur entrée ou de leur séjour illégal.
Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a déclaré que, pour rendre une détention légale, cette mesure doit poursuivre un objectif gouvernemental légitime qui est estimé nécessaire, raisonnable dans toutes circonstances et proportionnel à chaque cas individuel; et que la détention peut être justifiée uniquement là où d'autres mesures moins invasives ou coercitives ont été considérées. Il a aussi déclaré que la détention obligatoire et non révisable est illégale dans le contexte du droit international.
Du point de vue du HCR, les dispositions pertinentes du projet de loi , telles qu'elles sont actuellement rédigées, seraient dérogatoires à plusieurs normes internationales. Pour ces motifs, le HCR recommande fortement que le gouvernement s'abstienne d'introduire un régime de détention obligatoire pour les arrivées irrégulières concernant les réfugiés et les demandeurs d'asile et que d'autres solutions à la détention soient envisagées.
En ce qui a trait aux pays d'origine désignés, le HCR ne s'oppose pas à la création d'une liste de pays désignés ou de pays d'origine sûrs, tant que cette liste reste un outil procédural permettant d'établir l'Ordre de priorité des demandes ou d'en accélérer le traitement dans des situations bien précises.
La désignation d'un pays comme pays d'origine sûr ne peut pas offrir une garantie absolue de sécurité aux ressortissants de ce pays. Il est possible que, malgré des conditions générales de sécurité dans le pays d'origine, pour certaines personnes, le pays demeure peu sûr.
Il est important que l'évaluation des pays d'origine désignés comme étant sûrs s'appuie sur des renseignements objectifs, dignes de foi et actualisés émanant de sources diverses. Ces exigences de transparence et de qualité pourraient être respectées plus facilement si la désignation était faite par un groupe d'experts.
Je vais maintenant parler de mesures que le HCR croit susceptibles de limiter l'accès au processus de demande d'asile.
En ce qui a trait à l'irrecevabilité en raison de motifs de criminalité, selon le HCR, les demandes d'asile ne doivent pas être considérées comme irrecevables à moins que la personne concernée ait déjà trouvé une protection efficace ou ait eu accès à une autre procédure de demande d'asile dans un autre pays.
Le HCR a déjà exprimé son point de vue sur l'examen de l'exclusion sous la rubrique d'irrecevabilité ou d'inadmissibilité aux procédures d'asile. Nos commentaires au présent comité le 5 mars 2001 qui font état des commentaires du HCR sur la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, demeurent valides. Selon le HCR, l'exclusion du statut de réfugié pour motifs de criminalité devrait être évaluée conformément à l'article 1F de la Convention de 1951, dans le cadre de l'évaluation pour déterminer le bien-fondé de la demande, plutôt qu'au stade de l'admissibilité ou de la recevabilité.
En ce qui a trait aux délais réduits en vertu des nouvelles procédures d'asile, le HCR appuie les efforts déployés par les autorités gouvernementales pour rendre des décisions sur les demandes d'asile dans des délais raisonnables. Cependant, les États doivent équilibrer l'efficacité avec l'équité de la procédure. Des délais excessivement restrictifs dans le contexte d'un processus d'asile complexe peuvent mener à un taux accru de désistement des demandes et un accroissement du nombre de demandeurs non représentés. Généralement, les demandeurs d'asile ne possèdent pas les connaissances leur permettant de naviguer dans le système juridique. Même lorsqu'un demandeur retient les services d'un conseil, il faut lui donner assez de temps pour lui permettre de faire une demande d'aide juridique et de trouver un conseil. Les conséquences du désistement sont une décision finale négative, puisqu'il n'y a pas de droit d'appel ni d'accès à l'examen des risques avant renvoi pour une période d'un an après la décision négative. À ce sujet, des ressources appropriées devraient être affectées afin de créer, maintenir et renforcer les services juridiques à l'intention des demandeurs d'asile.
En ce qui a trait à la Section d'appel des réfugiés, le HCR se réjouit de la mise en application de la SAR. Cependant, il recommande qu'un appel soit possible pour tous les demandeurs d'asile. Le droit d'appel est une exigence fondamentale de toute procédure d'asile équitable et efficace, et cela sans aucune exception. Le principe du non-refoulement est au coeur du principe de la Convention de 1951. Selon ce principe, les personnes ayant besoin de protection ne peuvent pas être renvoyées à un endroit où elles seront exposées à un risque de persécution. Le but d'une deuxième révision par le truchement d'un mécanisme d'appel est de faire en sorte que les erreurs de fait ou de droit commises par le décideur de première instance puissent être corrigées, afin d'éviter une injustice et de garantir le respect du principe de non-refoulement.
En ce qui a trait à l'accès limité à l'examen des risques avant renvoi et aux demandes fondées sur des considérations d'ordre humanitaire, les examens des risques avant renvoi et les demandes fondées sur des considérations d'ordre humanitaire sont un outil de protection important pour empêcher l'expulsion de personnes qui ne sont pas reconnues comme des réfugiés au sens de la loi, mais qui ont tout de même besoin d'une protection internationale. Plus précisément, vu les nombreuses catégories de demandeurs d'asile qui n'auront pas accès à un appel devant la SAR, la disponibilité de tels mécanismes devient doublement importante pour assurer une protection procédurale.
En ce qui a trait à la réouverture d'une demande d'asile, le HCR maintient que les demandes d'asile doivent être rouvertes lorsque de nouveaux éléments de preuve entrent en ligne de compte, y compris des situations où il y aurait eu manquement à la justice naturelle, afin de permettre que la demande soit réexaminée dans son intégralité. Il recommande de confirmer la compétence de la SPR et de la SAR en ce qui a trait à la réouverture de demandes.
En ce qui a trait à la perte du statut de réfugié, les modifications proposées dans le projet de loi en vue d'éliminer le droit d'interjeter appel d'une décision négative sur la perte du statut de réfugié, ce qui peut mener à la révocation subséquente du statut de résident permanent, entraîneront un état d'incertitude pour un grand nombre de réfugiés, incluant les réfugiés réinstallés, ce qui viendrait pas conséquent affaiblir la nature durable de la solution de la réinstallation. Le HCR recommande que la déclaration de cessation puisse faire l'objet d'appels et n'empêche pas de façon automatique l'accès au statut de résident permanent ou sa révocation.
Enfin, concernant la communication de renseignements, en ce qui a trait aux réfugiés ou demandeurs d'asile, le HCR recommande que des garanties adéquates soient introduites dans le texte du projet de loi afin d'éviter la transmission de données biométriques et d'autres renseignements, soit directement soit indirectement aux pays de persécution alléguée.
Monsieur le président Tilson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, je vous remercie.
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Je peux très bien comprendre cela. Je ne fais que présenter des exemples pour montrer que nos dispositions du projet de loi sur la détention ne sont pas aussi strictes qu'elles peuvent l'être dans d'autres pays.
Vous comprenez bien, je crois, que, quand nous avons élaboré la politique, nous avons regardé ce que font les autres pays qu'on n'accuse pas de violer la Convention de l'ONU sur les réfugiés.
Je vais vous donner un autre exemple. Je reviens des Pays-Bas, et, dans le cadre de mes réunions avec des représentants, j'ai été étonné par un aspect de leur processus de détention des personnes qui détruisent leurs documents après leur arrivée à l'aéroport. Quand des personnes se présentent devant des agents des visas, des agents d'immigration, et disent arriver aux Pays-Bas sans pièce d'identité, elles sont détenues à l'aéroport jusqu'à ce que leurs renseignements... ou à tout le moins jusqu'à ce qu'on obtienne des renseignements pour déterminer qui elles sont.
À l'aéroport, si on constate d'emblée qu'elles n'ont aucune raison de présenter une demande d'asile, c'est le transporteur aérien qui est en fait responsable de les ramener dans leur pays d'origine.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je tiens bien sûr compte de votre recommandation selon laquelle il y a d'autres solutions, mais j'aimerais aussi vous faire remarquer que, premièrement, il y a d'autres pays qui sont beaucoup plus stricts que le Canada en matière de détention.
Deuxièmement, nous sommes moins stricts qu'un certain nombre d'autres pays avec lesquels nous avons créé des partenariats dans beaucoup d'autres domaines. Par conséquent, je vous inviterais à en tenir compte lorsque vous examinez tout ça, parce que c'est exactement ce que nous avons fait, et à examiner les dispositions législatives d'autres pays en matière de détention à la lumière de ce que nous proposons ici.
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Permettez-moi, madame, de vous répondre en anglais.
[Traduction]
Il est très clair que le HCR ne s'oppose pas à une liste des pays d'origine désignés. Cependant, il faut comprendre que cette liste est un outil procédural. Ce n'est pas un processus, seulement un outil procédural. Nous mettons trop l'accent sur cela. C'est un outil procédural qui pourra nous aider dans certaines situations à faciliter le traitement des demandes d'asile.
Ce qui est vraiment important, c'est le processus. Afin de définir un bon processus d'évaluation des demandes d'asile, il faut mettre en place certaines choses. Une fois que le processus est solide, une liste des pays désignés devient un outil. C'est un outil qui peut être utile si on l'utilise d'une certaine façon.
Le processus nécessaire pour créer un bon système d'évaluation des demandes d'asile inclut une période adéquate pour la présentation d'une demande — il faut avoir suffisamment de temps pour trouver un conseil et recueillir les renseignements nécessaires. Il doit y avoir une audience de premier niveau solide et efficace tenue par un tribunal indépendant comme la CISR. Bien sûr, les commissaires de la CISR doivent être des décideurs bien formés. Il doit y avoir suffisamment de ressources consacrées aux recherches sur les pays d'origine, parce que la détermination du statut de réfugié est un art difficile qui exige une formation continue.
Il faut aussi prévoir une phase de contrôle, la capacité d'examiner les erreurs, de fait comme de droit. C'est très important de déceler les erreurs, car elles peuvent mener à de mauvaises décisions et, par conséquent, au refoulement.
Enfin, au terme du processus, il doit y avoir un renvoi rapide. La rapidité du renvoi en fin de processus est le vrai facteur dissuasif. On en parle beaucoup dans le contexte du projet de loi . Si vous avez un solide processus et une procédure rapide de renvoi au bout du compte, vous créerez un facteur de dissuasion, qui, espérons-le, découragera les gens qui veulent abuser du système.
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Traduiriez-vous faux réfugiés par
bogus refugeesen anglais?
C'est un terme qui, en fait, n'existe pas, ne veux rien dire. C'est une contradiction. Si vous êtes un réfugié, cela signifie que vous avez été reconnu comme tel après un processus et donc que, par définition, vous êtes un réfugié authentique.
Si une personne n'est pas un réfugié, alors elle reste demandeur d'asile. Les demandeurs d'asile sont ceux qui, justement, demandent l'asile. Ils peuvent devenir des réfugiés ou voir leur demande d'asile rejetée. Mais les demandes d'asile rejetées ne sont pas toutes de nature frauduleuse. La demande de demandeurs d'asile de bonne foi et authentiques peut être rejetée. Permettez-moi de vous donner un exemple.
Prenons une personne qui fuit de la violence familiale — possiblement une femme, mais pas nécessairement — et qui veut s'éloigner le plus possible de la famille au sein de laquelle elle est victime de violence. Elle arrive au Canada parce qu'elle a été mal conseillée par des amis, et sa demande d'asile est rejetée parce qu'elle n'a pas tenté d'obtenir une protection nationale dans le pays qu'elle a fui. En effet, pour être considéré comme un réfugié, il faut prouver qu'on a tenté en vain d'obtenir une protection nationale. C'est très important pour être reconnu comme un réfugié.
Cette personne échouera, et elle deviendra une demandeure d'asile déboutée, mais je ne dirais pas qu'elle a agi de façon frauduleuse. Elle ne savait pas. Elle a été mal conseillée.
Donc, la notion de « demandeur d'asile débouté » peut inclure des demandeurs d'asile frauduleux, j'en conviens, mais aussi ceux qui ont présenté des demandes de bonne foi qui ont été rejetées.