:
Soyez les bienvenus à la 105
e réunion du Comité permanent des anciens combattants.
Aujourd'hui, une témoin participe à l'étude entreprise par le Comité.
[Traduction]
Nous avons une réunion de deux heures et demie aujourd'hui, ce qui est un peu inhabituel, au cas où quelqu'un l'aurait oublié. Nous passerons une heure et demie avec notre témoin, que je présenterai dans un instant, puis nous poursuivrons une heure à huis clos pour les travaux du Comité.
Lors de la portion publique de la réunion, par laquelle nous commençons, nous allons entendre la témoin qui est avec nous ce matin. Il s'agit de Mme Joanne Kimm. Elle est ici pour nous raconter sa situation personnelle, et voir si elle pourrait améliorer les choses pour d'autres à l'avenir, espérons‑le.
Habituellement, nous accordons cinq minutes de parole. Puisque vous êtes notre seule témoin aujourd'hui, nous pouvons probablement être assez indulgents à cet égard. Nous vous donnerons donc le temps dont vous avez besoin, dans les limites du raisonnable, bien sûr.
Je vais vous céder la parole et vous laisser faire votre déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions des députés, dans l'ordre d'intervention des partis.
Madame Kimm, c'est à vous. Allez‑y.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je m'appelle Joanne Kimm. Je suis l'épouse de John Kimm. Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui.
Mon mari a servi dans la Marine des Forces armées canadiennes de 1989 à 2011. Il a été au service du Canada pendant 22,5 ans, dont plus de 11 passées loin de sa famille.
En 2022, mon mari a reçu un diagnostic de cancer colorectal métastatique de stade 4, qu'il a contracté en utilisant des produits chimiques toxiques alors qu'il était en service. Mon mari a reçu l'indemnité maximale pour douleur et souffrance de 334 424,65 $, et il touche actuellement une indemnité mensuelle supplémentaire pour douleur et souffrance, des prestations de remplacement du revenu pour diminution de la capacité de gain. Il a choisi le paiement forfaitaire pour douleur et souffrance en raison de son espérance de vie réduite.
En mai 2022, mon mari est tombé parce qu'il ne pouvait plus respirer. Mon fils et moi avons eu du mal à le monter sur le lit. Après avoir composé le 911, j'ai prié mon fils et mon petit-fils de sortir de la chambre, et je me suis assise avec mon mari. Mesdames et messieurs, j'ai vu mon mari pleurer deux fois au cours de nos 36 années de vie commune. C'était arrivé au décès de ma mère. La deuxième fois, il était au lit en attendant nerveusement l'ambulance et avait du mal à respirer. J'ai été anéantie de le voir crier qu'il ne voulait pas mourir. Je me suis écroulée en sachant que je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre avec lui l'arrivée des ambulanciers. J'ai dû retenir mes peurs, mes larmes et mes émotions et demeurer calme pour lui. Nous avons appris plus tard que le taux d'oxygène de mon mari était si faible en raison des caillots de sang dans ses poumons qu'il aurait pu mourir.
Mon mari a subi des traitements de chimiothérapie incessants, des tomodensitogrammes et des examens par IRM, et il a eu de nombreux rendez-vous en oncologie. Ces traitements ont eu une incidence non seulement sur sa santé physique et mentale, mais aussi sur le moral de notre famille. J'ai dû m'absenter du travail à deux reprises pour souffrance morale et épuisement mental, et je vais maintenant prendre un congé sans solde pour prendre soin d'une personne afin de rester avec lui jusqu'à son décès.
Mon mari a été hospitalisé deux fois, soit en février dernier pour une pneumonie, et de nouveau en juin pour des réactions indésirables à des traitements de chimiothérapie. Son oncologue a déclaré que les traitements de chimiothérapie n'avaient plus d'effet et que le mieux que nous pouvions tous faire était de lui assurer un certain confort. Il ne s'attend pas à ce que mon mari vive jusqu'en 2025.
Monsieur le président, bien que mon mari ait reçu un excellent service du personnel des Anciens Combattants et que nous n'ayons que des éloges à leur égard, ils ont les mains liées par leurs politiques. Nous comprenons que mon mari a reçu l'indemnité maximale pour douleur et souffrance qui est offerte. Cependant, nous avons calculé que c'était l'équivalent de 5,19 ans de salaire — cinq ans pour une maladie qui le prive de sa vie. J'ai vu cet homme autrefois fort rétrécir sous mes yeux. Il dépérit à vue d'œil de cette maladie. Il se traîne les pieds et doit se servir d'une marchette pour franchir les 20 pas qui le séparent de la salle de bain. J'ai presque envie de pleurer quand je vois sa colonne vertébrale et ses omoplates de plus en plus visibles sous sa peau, et ses pieds froids en raison du ralentissement de sa circulation. Je le vois se plier quand il s'assoit parce qu'il lui faut trop d'énergie pour s'asseoir droit. Je l'entends être à bout de souffle après avoir marché les huit pas entre sa salle de bain et notre chambre à coucher.
Excusez-moi un instant.
Comme la santé de mon mari continue de se détériorer, il veut s'assurer que tout ira bien pour nous lorsqu'il décédera. C'est un homme fier. Il a été formé pour suivre les ordres sans poser de questions. Il n'aime pas demander de l'aide. Or, je me présente devant vous aujourd'hui, de la Nouvelle-Écosse, pour demander de l'aide à votre honorable comité. Je demande un examen de l'indemnité pour douleur et souffrance afin de trouver une façon de l'augmenter, et vous demande de décider rapidement des mesures à prendre pour offrir une indemnisation supplémentaire à notre famille.
Monsieur le président, le Comité a longuement discuté de l'indemnité pour douleur et souffrance entre 2007 et 2010. Le 20 octobre 2009, il y a eu une discussion entre M. Peter Stoffer et M. Brian Ferguson, du ministère des Anciens Combattants, qui faisaient une comparaison avec le paiement forfaitaire britannique.
M. Stoffer a dit:
Je possède également ici des données sur ce que les Britanniques font pour le personnel des Forces armées de Sa Majesté. Ils ont fait passer le versement forfaitaire à £570 000 en cas de décès ou de blessures graves. C'est quatre fois plus que ce que nous accordons. C'est une des choses que j'aimerais voir changer. Je sais que nous travaillons côte à côte en Afghanistan. Les gars sont là‑bas et se disent, hé bien, si tu meurs, ta famille aura tant; si c'est moi, ma famille aura ceci. C'est peut-être une chose qu'il faudra examiner plus tard.
Monsieur le président, je pense que l'avenir, c'est maintenant.
À l'heure actuelle, le Royaume-Uni verse 650 000 £, ce qui équivaut à plus d'un million de dollars canadiens. Le paiement forfaitaire maximal de 2024 pour le Canada est de 440 991,96 $.
Le Canada manque cruellement d'indemnités adéquates pour la douleur et la souffrance. En cette période d'instabilité économique, il est essentiel que les anciens combattants sachent que leur pays est vraiment reconnaissant des sacrifices qu'ils font pour les libertés dont nous jouissons aujourd'hui.
Depuis l'exercice 2012, Anciens Combattants Canada a renvoyé des centaines de millions de dollars au Conseil du Trésor. En 2022‑2023, c'était 271 634 711 $, ce qui représente 4,77 % de leur budget. Au cours de l'exercice 2021‑2022, le montant s'élevait à 920 995 685 $. C'est près d'un milliard de dollars.
En terminant, monsieur le président, je tiens à remercier cet honorable comité de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui.
J'implore également le Comité de formuler des recommandations pour aider ma famille maintenant, avant le décès de mon mari. Anciens Combattants indique que sa priorité est d'aider les anciens combattants. Je demande cette aide maintenant.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, madame Kimm.
Tout d'abord, je tiens à remercier votre mari des services qu'il a rendus à notre pays. Je vous remercie de votre service à titre d'épouse et de membre de sa famille. Je vous remercie également de la force dont vous faites preuve en venant ici aujourd'hui pour nous raconter l'expérience de votre famille, évidemment dans l'espoir que les choses changent. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci de nous rappeler l'importance de faire tout ce que nous pouvons afin de soutenir ceux qui ont servi notre pays. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions. Nous procédons dans l'ordre, par parti. Au premier tour, chaque parti disposera de six minutes.
Le premier intervenant est Fraser Tolmie, du Parti conservateur.
J'abonde dans le même sens que mon collègue au sujet de votre présence ici et de votre témoignage, et j'aimerais aussi adresser des remerciements à votre mari pour son service. Vous avez dit que c'était de 1989 à 2011, je crois, ce qui fait 22 ans. De toute évidence, vous avez parcouru une grande partie de ce chemin avec lui. Très souvent, les conjoints et conjointes ne sont pas reconnus pour leur service, leur engagement, leurs sacrifices et, évidemment, leurs efforts de défense des droits, comme vous le faites maintenant devant le Comité.
Il y a deux ou trois choses que j'aimerais aborder.
Vous avez parlé de la période d'instabilité économique que nous traversons actuellement. Vous avez mentionné un paiement forfaitaire. J'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Pensez-vous que l'indemnité que vous recevez couvre les coûts de l'inflation en cette période d'instabilité économique? Recevez-vous une compensation adéquate en ce moment?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Kimm, je vous remercie infiniment d'être ici et de nous avoir fait part de votre histoire et de certains des défis que vous rencontrez. Je suis moi aussi Néo-Écossais. Je suis donc très heureux que vous soyez ici pour nous faire part publiquement de cette information et de certaines de vos difficultés.
Je tiens à remercier votre mari de son service, et vous aussi, comme mon collègue l'a dit. Nous savons très bien que lorsqu'une personne est en service, c'est toute sa famille qui l'est. C'est très difficile sur ce front.
Je crois également savoir que vous avez rencontré la . Est‑ce exact?
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Merci, monsieur le président.
Madame Kimm, je vous remercie d'avoir accepté de venir témoigner. Je sais que ce que vous vivez est très difficile, et je vous exprime toute ma compassion.
Vous avez mentionné que votre mari a reçu un diagnostic de cancer en 2022 et que son espérance de vie, s'il ne recevait pas de traitement, était de 6 à 12 mois. S'il acceptait de recevoir un traitement, ses chances de survie étaient de 75 % et son espérance de vie était de cinq ans.
Madame Kimm, pensez-vous que son cancer a été causé par sa carrière dans les Forces armées canadiennes?
[Traduction]
Oui. Mon mari lorsqu'il était dans la marine, a été exposé à des produits chimiques toxiques. Il a également été exposé à l'amiante à bord de certains des vieux navires sur lesquels il a servi. L'AFFF était l'un des produits chimiques utilisés dans les exercices de lutte contre les incendies. Pour mettre les choses en contexte, mon mari était mécanicien de marine — ou « soutier », comme on les appelait — et il devait très souvent manipuler des produits chimiques toxiques dans l'exercice de ses fonctions. D'après ce que mon mari m'a dit, quand ils ont utilisé, l'AFFF par l'exemple, dont nous savons maintenant qu'il cause le cancer — c'est reconnu —, le produit s'est également infiltré dans les eaux souterraines et les a empoisonnées. Lorsqu'il était en service, ils n'utilisaient pas d'équipement de protection. Ils ont utilisé ces produits à diverses fins dans le cadre de leurs fonctions, comme je l'ai mentionné — pour des exercices de lutte contre les incendies, etc. —, alors il a été exposé à de très nombreux produits chimiques, oui.
De plus, il n'y a pas de cas de cancer dans sa famille, alors c'était tout un choc. Lorsqu'il a reçu son diagnostic, nous étions très surpris. On ne s'y attendait pas. En parlant avec lui et en faisant un peu de recherches... ses collègues ont été nombreux à mourir du cancer. Il a utilisé de nombreux produits chimiques dans le cadre de ses fonctions. Son cancer était donc causé par sa carrière, oui.
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Je vous remercie de cette question.
Lorsque nous avons appris le montant que nous allions recevoir, nous étions, en fait, très reconnaissants. Je ne me suis pas rendu compte à ce moment qu'il ne s'agissait que de cinq années de salaire. Nous étions heureux et nous nous disions qu'enfin quelqu'un reconnaissait que son cancer était lié au travail. Il a fallu un peu de temps pour bien comprendre. Mon mari est le genre de personne qui n'aime pas dépenser, alors il voulait en épargner une partie parce qu'on sait que quand il n'y en a plus, il n'y en a plus. Nous comprenons cela.
Cependant, après avoir fait un peu de recherche dans son dossier, je me suis rendu compte de ce que cela représentait. Je me suis dit: « Bon sang, une personne qui a eu une très longue carrière dans l'armée, qui est en train de mourir à cause de cette carrière, reçoit l'équivalent de cinq ans de salaire. » Cela nous a choqués. Et même si cela a aidé — cet argent a aidé, bien sûr, et aide toujours —, en prenant conscience de ce qu'il vit par rapport au montant d'argent qu'il a reçu... Cela semble tellement injuste. Il est en train de mourir. Je ne minimise pas l'importance de la chose, mais il n'a pas perdu un membre; il ne peut pas obtenir une prothèse. Il va mourir avant la fin de l'année; c'est ce que m'ont dit le médecin en soins palliatifs et son oncologue.
Même si nous sommes très reconnaissants d'avoir reçu cet argent, après avoir parlé à d'autres anciens combattants dans notre famille, ce n'est pas suffisant. Comment peut‑on mettre un signe de dollar sur la vie d'une personne? Évidemment, on ne peut pas le faire — c'est tout simplement impossible —, mais je pense que pour une question d'équité... Après avoir vu ce que le Royaume-Uni offre à ses anciens combattants, il est assez choquant de faire une comparaison.
J'espère avoir répondu à votre question.
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Je vous remercie de votre question.
Je tenais à me présenter devant le Comité aujourd'hui pour m'adresser à vous tous parce que vous êtes l'instance qui peut changer les choses. Beaucoup de gens vous font part de leurs problèmes. Vous exercez une influence sur les politiques, sur les lois.
Il est très important pour moi d'être ici en personne devant vous afin que vous puissiez entendre mon histoire, l'histoire de notre famille, dans l'espoir que vous soyez en mesure, et disposés à apporter ce changement. C'est tellement important. Je lisais le mandat du Comité qui dit: « En vertu du Règlement, le gouvernement est tenu, si le Comité en fait la demande, de répondre aux opinions et aux recommandations contenues dans les rapports d'ACVA. »
Je suis ici aujourd'hui en espérant que vous contribuerez à changer les choses, non seulement pour ma famille, mais aussi pour d'autres anciens combattants qui vivent des situations semblables. Beaucoup ne disent rien. Ils ne savent pas comment demander de l'aide. Je suis de tout cœur avec ceux qui ne le peuvent pas, car les libertés dont nous jouissons aujourd'hui n'existent que grâce à ceux qui se sont battus pour nous dans le passé. Maintenant, nous devons leur rendre la pareille. Nous devons nous battre pour eux, et c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui.
Pour mettre les choses en contexte, j'ai appris récemment que nous pouvions demander une allocation vestimentaire, ce qui m'a surprise, car je n'y aurais jamais pensé. En raison de l'état de mon mari, je fais assez souvent la lessive. Nous recevons une petite allocation pour cela.
Le ministère des Anciens Combattants doit être proactif auprès des anciens combattants. Il doit créer un bureau de liaison qui communique activement avec eux individuellement pour prendre de leurs nouvelles, savoir les services qu'ils obtiennent actuellement et s'ils auraient besoin d'autre chose. Comme je l'ai déjà mentionné, les anciens combattants n'aiment pas demander de l'aide. Ils sont habitués à suivre les ordres et à faire ce qu'on leur dit de faire. Il faut qu'un bureau communique avec eux pour leur demander ce dont ils auraient besoin. Si des systèmes étaient mis en place de façon proactive pour que les anciens combattants puissent obtenir ce dont ils ont besoin sans avoir à quémander auprès d'Anciens Combattants pour en avoir un peu plus, cela ferait une grande différence pour beaucoup de gens.
Mon mari ne demandera pas d'aide. C'est à moi de faire ce que je peux pour l'aider. Si Anciens Combattants avait un bureau de liaison, cela aiderait beaucoup les anciens combattants qui ne sont pas en mesure de demander de l'aide ou qui ne savent pas quoi demander.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Kimm, d'être ici aujourd'hui. Je tiens également à remercier votre mari, John, pour les services qu'il a rendus à notre pays.
Je sais qu'il doit être difficile de prendre du temps que vous consacreriez normalement à votre mari pour venir ici et nous renseigner sur les questions à l'étude. Je dois vous féliciter. Vous aidez les autres. Vous voulez aussi de l'aide maintenant, et vous voulez vous faire la porte-parole des anciens combattants que nous n'entendons pas souvent, très franchement. Je tiens vraiment à vous en remercier. Je pense qu'il est important que le Comité en prenne note.
Ce que j'ai constaté dans les comités — je suis ici depuis 2019, mais pas toujours à ce comité —, c'est que nous menons souvent beaucoup d'études, habituellement à la suite d'enjeux soulevés par les médias, qui sont plus nombreux que les études acceptées. Parfois, cela donne lieu à des changements, et c'est ce qui pourrait se produire aujourd'hui. C'est fantastique de venir nous rencontrer. Il est bon de faire entendre sa voix. Vous semblez rencontrer tous les intervenants. Vous avez dit plus tôt avoir rencontré la .
Quand avez-vous rencontré la ?
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D'accord, ce n'est donc pas imposable.
Le montant est de 300 000 $ pour 20 ans, ce qui représente environ 60 000 $ par année sur cinq ans. Quelle serait votre recommandation? Si quelqu'un se trouvait dans cette situation après quatre ans dans l'armée, devrait‑il recevoir le même montant qu'une personne qui a servi pendant 20 ans?
Je me demande ce que vous disent les anciens combattants. Comment faudrait‑il procéder? Si c'est la cause du cancer de la personne, peu importe le temps qu'elle a servi, est‑ce que cela devrait être la raison...? Je sais que le montant est probablement trop bas, mais je comprends mal la partie sur les années de service. C'est bien d'avoir servi pendant 20 ans, mais si quelqu'un a servi pendant quatre ans et qu'il souffre d'une maladie quelconque à cause de l'armée, devrait‑il recevoir beaucoup moins?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être des nôtres, madame Kimm. Votre témoignage est éloquent. Votre mari serait sans doute extrêmement fier de la manière dont vous le défendez, lui et d'autres dans votre situation.
Madame Kimm, j'aimerais vous demander votre avis sur deux ou trois questions. D'abord, la plupart des anciens combattants que nous recevons témoignent devant le Comité parce qu'ils ont un problème avec Anciens Combattants et que le ministère ne répond pas à leurs attentes. Le nombre d'anciens combattants qui nous le répètent ne correspond pas aux données recueillies par le ministère sur les niveaux de satisfaction. Votre histoire, elle, y correspond. Durant votre témoignage aujourd'hui, vous avez dit que vos échanges avec Anciens Combattants et les services que vous recevez de sa part étaient excellents. Le personnel est formidable. Il vous est d'un grand soutien. Il vous a aiguillés vers d'autres prestations, et vous avez eu beaucoup de chance.
Quand nous recevons des témoins qui ne sont pas satisfaits de leurs services, nous leur demandons des détails. Je vais donc vous demander de nous en dire plus sur les raisons pour lesquelles vous êtes satisfaite du personnel et des services d'Anciens Combattants. Pouvez-vous nous donner des exemples précis?
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Oui, la ministre aussi. Je leur suis très reconnaissante d'être venus chez nous; c'était un gage de leur soutien. En cette ère de la technologie, c'est très facile pour quelqu'un de prendre le téléphone et de demander: « Quel est votre numéro de dossier? » C'est la première chose qu'on nous demande: notre numéro de dossier. Qu'un gestionnaire de cas prenne le temps de venir chez nous, de tout m'expliquer, de me présenter une lettre détaillant ce à quoi nous avons droit maintenant et ce que nous recevrons à sa mort — cela a beaucoup aidé. J'ai ressenti que nous étions vraiment importants aux yeux du personnel.
À d'autres occasions, j'ai reçu des appels de l'autre gestionnaire de cas, celle qui s'occupe des prestations du PAAC et de la Croix Bleue. Par exemple, j'essayais d'obtenir l'approbation pour des soins à domicile. Si je me souviens bien, j'ai dû attendre deux semaines et demie ou trois semaines, et je me suis fait dire que parce que c'était beaucoup d'argent, la demande devait être envoyée à un niveau supérieur pour approbation. J'étais un peu frustrée parce que ce n'est jamais assez d'argent, mais c'est là une tout autre discussion.
Cette femme a pris le temps de m'appeler. C'était un vendredi. Elle m'a dit qu'elle s'apprêtait à partir quand elle a vu que l'approbation avait été donnée; elle voulait me le dire tout de suite pour que je puisse en informer le fournisseur de services. À ce point‑là, nous étions prêts à payer de notre poche en attendant l'approbation parce que nous avions besoin que quelqu'un vienne pendant que j'étais au travail. J'ai été très touchée qu'elle prenne le temps de faire cela pour moi un vendredi; son geste a réduit considérablement mon stress.
Voilà quelques exemples que je peux vous donner.
Dans le peu de temps qu'il me reste, j'aimerais que vous nous parliez des autres indemnités offertes, au‑delà du montant forfaitaire maximal de l'indemnité pour douleur et souffrance. Pour que la comparaison avec les autres pays du Commonwealth soit juste, je trouve pertinent de tenir compte de l'ensemble des indemnités offertes aux anciens combattants blessés ou malades.
Je pense que vous avez dit qu'il y avait une prestation pour les proches aidants, un programme pour l'autonomie des anciens combattants, une pension militaire, une allocation pour la diminution de la capacité de gain et une prestation de remplacement du revenu, en plus du soutien pour l'équipement et de l'allocation vestimentaire. Cette liste est-elle complète?
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C'est une bonne question. En ce moment, notre fils et notre petit-fils habitent avec nous. L'ironie, c'est que mon fils aîné sert dans la Marine sur la côte Ouest; il est là‑bas avec sa famille. Au début, il y aura beaucoup de paperasse. Après, nous devrons nous adapter à notre nouvelle réalité familiale. Autrement dit, quand toute la paperasse aura été remplie et quand nous saurons à quoi nous avons droit, nous pourrons trouver une façon d'aller de l'avant.
Il va sans dire que la disparition de mon mari laissera un trou béant, mais comme nous le savons tous, avec ou sans nous, la vie continue. Il faut trouver moyen de tourner la page. Je pense qu'il sera heureux de savoir que j'aurai tout fait pour améliorer le sort de notre famille. Finalement, c'est tout ce qui compte. Nous voulons tous le meilleur pour notre famille. Nous prenons soin de notre famille.
D'après moi, s'il sait que nous irons bien, que nous aurons les moyens par exemple de payer l'hypothèque et que nous nous en sortirons, il partira l'esprit tranquille. Bien entendu, ce sera difficile de continuer notre vie après son décès, mais nous y arriverons.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie encore une fois pour votre témoignage. Je le trouve fort précieux et éloquent. Certaines questions aussi sont très intéressantes.
Je veux m'assurer de bien comprendre ce que vous nous dites, à savoir que deux choses peuvent être vraies en même temps. D'un côté, vous pouvez être satisfaite du service que vous avez reçu — le fait que le gestionnaire de cas s'est présenté chez vous pour vous aider et que la vous a rendu visite pour connaître votre histoire. En même temps, vous pouvez être très déçue de l'indemnité à laquelle vous avez eu droit parce qu'elle n'est tout simplement pas suffisante.
Je veux m'assurer d'avoir bien compris que vous nous dites que ces deux choses sont vraies en même temps.
Ma prochaine question pour vous concerne le processus. Vous avez appris que votre mari était gravement malade, que ses jours étaient comptés et que sa maladie était due aux services qu'il a rendus à son pays. Je présume que vous avez eu une discussion avec ACC sur les options qui s'offraient à vous pour la suite des choses.
À ce moment‑là, le ministère vous a‑t‑il offert du soutien émotionnel, à vous et à votre mari, pour vous aider à discuter de vos options? J'ai remarqué qu'ACC avait beaucoup de bons employés, mais que ses services ne tenaient pas nécessairement compte des traumatismes. Si vous apprenez soudainement que votre mari est très malade et qu'il risque de mourir beaucoup plus tôt que vous ne l'anticipiez, et si vous examinez vos options sans savoir laquelle est la meilleure, il me semble que...
À ce moment‑là, votre mari et vous avez-vous reçu du soutien pour vous aider à faire face à un tel traumatisme, à votre chagrin et à cette nouvelle réalité?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Kimm, je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Je comprends votre situation. Il y a maintenant neuf ans que je siège au Comité. C'est ma neuvième année. Croyez-moi, parmi les anciens combattants que je connais, beaucoup ont vécu la même chose que vous. J'ai des sentiments profonds à ce sujet. Je connais une femme qui a vécu exactement la même situation que vous. Bien entendu, son mari voulait qu'elle reçoive un soutien adéquat. Il est décédé.
Je trouve très important de reconnaître que de nombreux anciens combattants sont satisfaits du soutien qu'ils reçoivent. Le Canada compte plus de 400 000 anciens combattants, et le ministère s'occupe bien de beaucoup d'entre eux. Toutefois, il y a une cohorte qui semble se heurter constamment à des obstacles. Ces anciens combattants vous écoutent aujourd'hui, et je suis certaine qu'ils applaudissent votre présence et votre mission. Cependant, quand ils entendent qu'un gestionnaire de cas s'est présenté chez vous ou que vous avez passé du temps avec la ... Ce n'est pas la norme pour les anciens combattants de recevoir un tel service et autant de renseignements. Vous avez parlé de la nécessité de créer un poste d'agent de liaison; c'est une recommandation que le Comité a entendue souvent. Je suis tout à fait d'accord avec vous là‑dessus. C'est très important.
Pouvez-vous nous dire à combien s'élève approximativement la différence entre les prestations que votre mari reçoit aujourd'hui par l'intermédiaire des différents programmes et l'indemnité pour douleur et souffrance que vous toucherez à son décès? Quelle sera la différence pour votre revenu familial?
Un ancien combattant a communiqué avec moi hier après s'être rendu au bureau d'ACC. Ce n'était pas dans ma circonscription. Je viens de la Saskatchewan. L'Ontario, bien sûr, c'est à l'autre bout du pays. Il s'est rendu au bureau, mais il n'y avait personne. Il a appelé, et personne n'a répondu. En gros, il y avait un avis qui disait que pour rencontrer quelqu'un, il fallait demander un rendez-vous et attendre une réponse. Il était déconcerté. Quand on pense qu'il y a de nombreux bureaux partout au pays... L'idée, c'est que quelqu'un soit là pour répondre aux questions, aux préoccupations et aux besoins des anciens combattants.
Avez-vous eu le même problème? Comment êtes-vous entrée en contact avec Anciens Combattants? Êtes-vous passée par la Légion ou par un bureau? Comment avez-vous fait?
Je veux m'assurer que vous comprenez le fonctionnement. Nous sommes ravis de vous recevoir aujourd'hui. En même temps, beaucoup d'autres personnes pourraient venir témoigner au même sujet. Le rôle du Comité est d'étudier des affaires ou des politiques données. Nous formulons des recommandations à l'intention de la ministre. C'est la ministre qui répond à nos recommandations et qui choisit celles qu'elle veut prendre en considération.
Le fait que vous ayez rencontré la à deux occasions et qu'elle n'ait rien pu faire me préoccupe. À mes yeux, c'est un signe du déséquilibre entre le rôle de la ministre et celui du sous-ministre et des responsables du programme. Je demanderais à la ministre de recommander qu'une étude soit faite, parce que c'est vrai que c'est très difficile de modifier une situation rapidement. Je comprends que vous demandez des changements à long terme, mais vous cherchez aussi à améliorer la situation de votre famille. J'applaudis vos efforts. Toutefois, je sais qu'il arrive dans certains cas que des modifications soient apportées soudainement. On l'a vu avec l'indemnité pour blessure grave. Il y a des règles et des règlements sur le traitement et l'utilisation. Puis, tout d'un coup, on l'utilise différemment...
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Kimm, d'être ici et de comparaître devant le Comité.
J'aimerais vous donner un peu plus de temps, puisque je serai la dernière personne à vous poser des questions, pour nous faire part de votre point de vue. Vous avez mentionné que beaucoup de programmes de prestations ne sont pas connus et que, par conséquent, on ne sait pas où et comment en faire la demande.
Pouvez-vous nous dire quel genre de système, selon vous, serait utile dans vos circonstances et pour ceux qui nous écoutent et qui vivent la même situation?
:
Mon autre réflexion à ce sujet concerne les membres actifs. Mon père était militaire lui aussi, et ma famille a donc un long passé militaire.
Avant qu'ils ne soient libérés du service militaire, je sais que les militaires peuvent participer à des séminaires pour discuter d'Anciens Combattants, où ils reçoivent des renseignements sur les programmes et les prestations. Je pense qu'il faut aller un peu plus loin. Nous devons reculer dans le temps et demander au ministère de la Défense nationale de fournir plus de renseignements à l'avance à ceux qui... Les militaires n'auront peut-être pas besoin de ces services pendant 20 ans, comme dans le cas de mon mari, mais l'information devrait être fournie à l'avance. Ainsi, si quelque chose se produit, ils pourront se référer à ce cartable ou à ces renseignements qui indiquent: « Si vous vous retrouvez dans une certaine situation, voici avec qui vous pouvez communiquer, et voici ce à quoi vous pourriez avoir droit. » Ils auraient ainsi une idée claire et transparente des services qui pourraient leur être offerts.
Le simple fait de leur donner cette information pourrait s'avérer très utile lorsqu'ils deviendront des anciens combattants. Ils pourront retrouver l'information dans leurs documents et se dire: « Oh, c'est vrai. J'ai de l'information dans ma trousse. »
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Merci, monsieur le président.
J'admirais l'énorme dossier que vous avez apporté, et c'est évidemment ce que vous utilisez pour documenter le dossier de votre mari. Je vous remercie de défendre cette cause avec autant d'ardeur. Ce ne sont pas tous les gens qui peuvent prendre la parole pendant de telles épreuves. Je vous suis vraiment reconnaissante d'avoir la capacité de le faire parce que, lorsque vous parlez, vous ne parlez pas seulement en votre nom. Vous exprimez ce que vivent beaucoup d'anciens combattants et leurs familles. Je vous remercie de trouver la volonté de jouer ce rôle.
Lorsque je regarde ce gros dossier, je me demande si vous pouvez nous dire comment ce processus s'est déroulé pour vous puisque vous avez dû demander différentes choses. J'aimerais aussi savoir si le personnel d'ACC a hésité à reconnaître le lien entre le cancer de votre conjoint et son service militaire.
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Le processus de demande peut être assez intimidant. Les renseignements soumis sont très intimes, car, bien sûr, il faut dire à un étranger ou à un professionnel de la santé qu'on n'a jamais rencontré pourquoi on pense avoir droit à un service, et il peut être difficile pour quelqu'un de l'exprimer. C'est comme si quelqu'un vous demandait ce que vous faites dans votre travail. Vous le faites, c'est tout. Vous ne pensez pas à chaque tâche associée à votre travail.
Pour remplir le formulaire, j'ai dû poser à mon mari des questions très intéressantes, et j'ai obtenu des réponses effrayantes. Par exemple, il devait se suspendre la tête en bas pour réparer des machines et effectuer des tâches de ce genre. Il s'est blessé en réalisant certaines tâches, mais je n'en avais jamais entendu parler. Ses réponses m'ont troublée.
Ces demandes peuvent être très intenses pour certains membres, en particulier pour ceux qui souffrent de détresse psychologique. Il peut être difficile de revivre les événements sur papier et d'essayer d'exprimer ce qui s'est passé sans déclencher de sentiments négatifs.
Le simple fait de remplir ce formulaire pour mon mari m'a bouleversée et attristée: je me suis sentie vraiment mal pour ce qu'il a dû endurer. Nous, en tant que membres de la famille, ne savons pas ce que font nos conjoints dans le cadre de leurs fonctions. Ce que je redoutais le plus lorsqu'il était en mer, c'était le risque d'incendie. C'était ma plus grande inquiétude pendant ses absences, mais j'ai été très bouleversée, en remplissant cette demande, d'apprendre les autres événements qu'il a vécus.
Je suis désolée. J'ai beaucoup parlé.
Les demandes peuvent être assez compliquées et exigent beaucoup de temps.
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Heureusement pour nous, je n'ai eu à les répéter que deux ou trois fois.
Vous avez mentionné un élément intéressant, à savoir qu'une grande partie de tous ces renseignements devaient figurer dans son dossier. Beaucoup de ces tâches ne faisaient pas partie de leurs tâches quotidiennes. Certains renseignements ne figurent pas sur un bout de papier officiel, parce qu'on ne voit pas certains détails si le militaire a éteint un incendie ou a réalisé une autre tâche, par exemple. Par conséquent, quand mon mari m'a relaté ses expériences et que je les ai prises en note ou communiquées à un employé, j'ai, comme je l'ai mentionné, été surprise et ébranlée.
Pour répondre à votre question, j'ai eu à répéter les renseignements à quelques reprises seulement, mais chaque fois, oui, c'est difficile.
Vous avez beaucoup parlé du montant forfaitaire. Il semble que vous saviez tous les deux comment gérer ce montant. Bien sûr, dans de nombreux cas, de jeunes hommes reçoivent cette somme du jour au lendemain et la flambent. Je pense qu'il serait utile de sensibiliser les anciens combattants à la façon de bien gérer cet argent. Je me pose des questions à ce sujet.
De plus, maintenant que vous êtes passée par ce processus dans une certaine mesure, pensez-vous que le montant forfaitaire vous sera plus utile que ne le serait la pension mensuelle, après le décès de votre mari? Voyez-vous une différence, ou êtes-vous satisfaite du fait que vous gérez bien la somme? C'est ce que je me demande.
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Merci, monsieur le président.
Madame Kimm, je tiens également à vous dire à quel point nous sommes impressionnés par votre témoignage et à quel point votre participation à notre réunion est précieuse. Une fois de plus, je vous remercie, vous et votre mari, du service que vous avez rendu à notre pays; service qui se poursuit aujourd'hui.
Je crois que cela fait maintenant une heure et demie que vous témoignez devant notre comité. Bon nombre des questions que je voulais vous poser ont donc déjà été soulevées. Pardonnez-moi si je répète ce qui a déjà été dit.
J'aimerais savoir combien de temps il a fallu avant que l'on reconnaisse que le cancer de votre mari avait été causé par son travail. Vous avez dit que bon nombre de ses collègues ont eux aussi souffert à cause de ces produits chimiques; l'AFFF et l'amiante. Ils n'utilisaient pas d'équipement de protection. Savez-vous si les collègues qui ont servi avec lui ont eu une expérience semblable? A‑t‑on tout de suite reconnu que leur maladie était attribuable au service?
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Excusez-moi. Notre temps est écoulé.
Voilà qui met fin à cette partie de la réunion.
Madame Kimm, nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Je pense que les membres du Comité ont beaucoup appris. J'espère que les recommandations que nous formulerons nous permettront de poursuivre le chemin que vous avez tracé jusqu'à présent. Merci encore.
Nous allons clore cette partie de la réunion.
Je vais suspendre la réunion. Je signale aux députés que je reprendrai la séance dans cinq minutes ou moins, vers 12 h 34. Je sais que vous voudrez remercier notre témoin en personne, mais je vous demanderais d'être brefs.
Si vous n'êtes pas un membre du personnel parlementaire autorisé à être présent lors d'une réunion à huis clos, veuillez quitter la salle rapidement si vous le pouvez, afin que nous puissions reprendre nos travaux, à huis clos, sans tarder.
Encore une fois, merci, madame Kimm. Merci beaucoup.